Accès au foncier agricole (Conclusions de la CMP)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
Discussion générale
M. Olivier Rietmann, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.) Je suis heureux de cet accord en commission mixte paritaire (CMP) qui était loin d'être acquis il y a quelques jours encore, au regard des divergences entre le texte de l'Assemblée nationale et celui voté par le Sénat. Nos échanges avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, notre travail approfondi et la mobilisation de notre commission l'ont rendu possible. J'en remercie la présidente Sophie Primas.
L'accord obtenu est d'autant plus bienvenu que cette proposition de loi était très attendue. Il fallait, en effet, adapter la régulation du foncier agricole à l'accroissement de la part des sociétés.
Bien qu'ayant perçu le caractère électoraliste de l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour sur un sujet délaissé par le Gouvernement au cours du quinquennat...
M. François Patriat. - Et du quinquennat précédent !
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - ... le Sénat a inscrit son travail dans une perspective positive.
Nous partagions les objectifs : faciliter l'installation des jeunes, préserver le modèle agricole familial et lutter contre la concentration excessive des terres. Le Sénat a su faire évoluer le texte en suivant quatre lignes directrices : territorialiser, recentrer, encadrer et évaluer.
En matière de territorialisation, le préfet de département, et non plus le préfet de région, sera chargé d'autoriser les cessions.
Afin de recentrer le contrôle sur les transactions excessives, nous avons obtenu que la surface de déclenchement soit fixée à 1,5 fois la surface agricole utile régionale moyenne (Saurm).
Les exceptions au contrôle pour la famille et les associés exploitants seront encadrées, tout comme la rémunération de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), désormais forfaitaire et fixée au niveau national, ce qui contribuera à la transparence de la procédure.
Nous avons supprimé l'obligation de passer par la Safer pour les mesures compensatoires en autorisant les cessions à l'amiable auprès du préfet. De même, les conflits d'intérêts de la Safer seront évités en encadrant davantage le champ de ses interventions commerciales.
Une évaluation du nouveau dispositif de régulation et de contrôle sera réalisée dans trois ans, afin de l'ajuster le cas échéant.
Je suis favorable à une régulation modernisée et plus efficace de la transmission du foncier agricole, mais de façon juste et proportionnée, dans le respect du travail agricole et de la viabilité des exploitations. Il faut certes maintenir de la souplesse, mais tout abus doit être puni.
Le texte de la CMP respecte les lignes rouges du Sénat.
Je remercie le député Jean-Bernard Sempastous, auteur de la proposition de loi, pour nos échanges francs et constructifs. Une fois de plus, nous avons démontré la pertinence de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Bernard Buis et Mme Françoise Férat applaudissent également.)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je remercie le RDPI d'avoir inscrit ce texte à son ordre du jour réservé. Je salue l'engagement de Jean-Bernard Sempastous, député et auteur de la proposition de loi, et remercie Olivier Rietmann qui a su, avec la présidente Sophie Primas, établir les conditions pour aboutir à un texte de compromis. Nous n'étions pas favorables à toutes les dispositions votées par le Sénat mais vous avez compris l'importance d'un accord en CMP.
L'accès au foncier constitue l'une des politiques les plus structurantes de notre modèle agricole qui produit des aliments de qualité, et auquel nous sommes tant attachés.
Ce texte renforce les outils de régulation pour un meilleur contrôle des acquisitions de terres par des sociétés. Il était urgent de faire évoluer le dispositif, afin de lutter contre une préemption du foncier frustrante pour les jeunes agriculteurs qui peinent à s'installer.
Le premier enjeu auquel il convenait de répondre était celui de la modernisation de la régulation pour garantir l'excellence du modèle de la ferme française.
Le second enjeu était le défi de la transmission des terres aux jeunes agriculteurs grâce à un contrôle des cessions renforcé. J'étais particulièrement attaché à ce qu'un équilibre entre le Sénat et l'Assemblée nationale soit trouvé sur ce point.
Le seuil d'agrandissement significatif sera de 1,5 à 3 fois la Saurm, comme vous le souhaitiez. De même, le contrôle ne concernera pas les transmissions familiales jusqu'au quatrième degré, ni celles entre associés exploitants. Vous avez, à cet égard, prévu une condition d'exploitation effective. Le texte prévoit enfin une voie amiable pour les mesures compensatoires et un avis du comité technique de la Safer.
Je sais que les discussions sur le rôle de la Safer en matière de compensation ont été vives, mais un équilibre a finalement été trouvé, salué par les organisations professionnelles agricoles (OPA).
Cette proposition de loi représente une étape décisive et nécessaire pour bâtir une agriculture d'excellence et pourvoyeuse d'emplois, mais également protéger nos terres, plus productives que la moyenne européenne.
Il faudra cependant aller plus loin, avec deux objectifs : la compétitivité de notre agriculture et l'installation des jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Discussion du texte élaboré par la CMP
ARTICLE PREMIER
Mme le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 60, première phrase
Remplacer les mots :
la société d'aménagement foncier et d'établissement rural
par les mots :
l'autorité administrative compétente
M. Julien Denormandie, ministre. - Cet amendement et les suivants sont rédactionnels et de coordination juridique.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - Avis favorable à titre personnel, la commission des affaires économiques ne s'étant pas réunie pour examiner ces amendements.
Mme le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 63, dernière phrase
1° Remplacer la première occurrence du mot :
Le
par les mots :
L'exception prévue au
2° Remplacer le mot :
laissé
par le mot :
accordé
M. Julien Denormandie, ministre. - Défendu.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - Avis favorable.
Mme le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 67
Remplacer le mot :
proposer
par les mots :
mettre en oeuvre
M. Julien Denormandie, ministre. - Défendu.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°2 est adopté, ainsi que les amendements nos3 et 4.
ARTICLE 5
Mme le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
I. - Au début
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Le livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du IV de l'article L. 312-1, après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « du I » ;
II. - Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° L'article L. 331-3-1 est ainsi modifié :
II. - Alinéa 2
Remplacer la mention :
1°
par la mention :
a)
IV. - Alinéa 3
Remplacer la mention :
2°
par la mention :
b)
M. Julien Denormandie, ministre. - Défendu.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°5 est adopté.
Explications de vote
M. Christian Redon-Sarrazy . - Nous avons exprimé nos doutes et nos déceptions tout au long de l'examen de la proposition de loi.
Le texte issu de la CMP s'aligne globalement sur celui voté par le Sénat, bien que certains points aient évolué. Je regrette notamment un seuil de déclenchement élevé de la procédure de contrôle, l'absence d'exception pour les salariés, les mesures en matière de notification aux OPA, le rétablissement de l'article 5.
Nous allons vers un modèle de ferme que nous connaissons bien. Avec une exemption de contrôle possible jusqu'au quatrième degré et pour les partenaires d'un PACS, le texte de la CMP est encore plus libéral qu'à l'issue de son examen à l'Assemblée nationale.
De nombreux points importants ont été oubliés, comme le statut d'actif agricole, l'équité dans la répartition des terres, le maintien d'une agriculture diversifiée, la supériorité du facteur humain sur le jeu des capitaux.
La terre, pourtant, ne constitue pas une valeur marchande comme une autre. Comme l'écrivait Edgard Pisani, « le maintien des biens de la nature parmi les biens marchands nous conduira à l'accélération des phénomènes menaçants dont nous sommes déjà les témoins ».
L'accaparement des terres agricoles, y compris de la part de certains agriculteurs, est une réalité. Encourager les dérives du libéralisme, à l'heure où s'accélère le renouvellement des générations, accentuera l'instabilité politique, économique et sociale de bien des territoires et encouragera une spécialisation excessive des productions.
Les Safer ne créeront pas les conditions du développement de l'agroécologie, tandis que la relève des jeunes agriculteurs ne sera possible que grâce à une politique agricole juste.
Il faut réguler, de manière transparente, l'ensemble des marchés fonciers, préciser le statut de l'activité agricole et du fermage, moderniser la fiscalité agricole, tendre vers le zéro artificialisation nette et défendre un traitement international du sujet. Le sol, comme les autres ressources naturelles, ne doit pas bénéficier à quelques-uns seulement.
Comme de nombreuses OPA, collectivités territoriales et ONG, le groupe SER désavoue ce texte qui ne correspond en rien à nos objectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Bernard Buis . - Et une de plus ! Après la loi Climat et Résilience, la loi EGalim 2 et la loi visant à lutter contre la maltraitance animale, nous avons abouti à un accord en CMP. Que de succès !
Je salue l'esprit constructif et de compromis de notre commission et remercie notre présidente qui sait avancer dans la concorde. Je remercie aussi le ministre qui ne compte pas ses heures pour convaincre.
Il n'aura fallu que deux heures pour que sorte la fumée blanche de la CMP conclusive, le 1er décembre.
Notre rapporteur Olivier Rietmann a su être persuasif et convaincre son homologue de l'Assemblée nationale de l'intérêt des apports du Sénat. Les députés Jean-Bernard Sempastous et Nicolas Turquois, pour leur part, se sont montrés pragmatiques. L'intérêt des agriculteurs et la cohérence de la régulation ont in fine prévalu pour aboutir à un texte salué par les OPA.
Le seuil de déclenchement du mécanisme de contrôle des cessions de parts sociétaires, entre 1,5 et 3 fois la Saurm, nous satisfait pleinement, tout comme l'intégration des cousins germains, des partenaires de PACS et des associés exploitants dans le périmètre des transmissions.
Outre la possibilité d'une cession amiable sous l'égide du préfet sans la Safer, nous avons abouti sur le point le plus dur, relatif à l'absence d'intervention commerciale des Safer, pendant un an, sur les dossiers qu'elle a instruits.
Si l'article 5 a été rétabli, il a également été remanié : les prérogatives du préfet ont été renforcées en matière de contrôle des projets d'agrandissement. Les demandes pourront être suspendues afin que d'autres candidats puissent se déclarer. Cela nous semble équilibré.
Jean-Bernard Sempastous porte cette réforme décisive depuis longtemps. Félicitons-nous de ce travail transpartisan, ne boudons pas notre plaisir ! Le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit également.)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Notre groupe est attaché au dossier du foncier agricole. Nous avons travaillé sur ce texte en amont, avec Franck Menonville et Jean-Bernard Sempastous.
Il y a urgence dans nos territoires. Face à l'artificialisation grandissante des sols, nous devons préserver notre foncier pour les générations futures.
Plus de la moitié de la surface du département de la Haute-Garonne est cultivée ou en herbage pour l'élevage, au bénéfice de notre souveraineté alimentaire, de notre gastronomie et de nos emplois. Nous sommes fiers de nos agriculteurs et de leur savoir-faire !
L'enjeu foncier est ancien dans le secteur agricole. Aussi, la France a très tôt créé des outils de régulation, enviés à l'étranger, qu'il convenait d'ajuster aux évolutions.
Il fallait préserver l'équilibre entre libéralisme et sécurité des cessions. Lors de la première lecture, il est apparu que nous ne partagions pas tous la même définition du foncier agricole. D'aucuns plaidaient pour une grande loi agricole, traitant aussi des revenus et du statut de l'exploitant.
Je salue l'accord en CMP qui préserve les nombreux apports du Sénat. Je songe notamment à l'article 5 bis, qui prévoit une évaluation du dispositif de contrôle des cessions de titres.
Je relève également des avancées sur la transmission familiale et l'installation des jeunes agriculteurs, comme l'intégration du quatrième degré dans le périmètre de l'exonération du contrôle des cessions. Les exploitations familiales sont nombreuses ; il convient de les protéger.
Le rôle de la Safer, maillon incontournable, est renforcé ; il fallait, en même temps, une meilleure transparence des mécanismes.
Le groupe INDEP votera ce texte.
Les réalités du monde agricole ont été rendues plus visibles par la crise sanitaire. La souveraineté alimentaire et la défense des produits français sont devenues des enjeux.
Préservons notre agriculture, mais écoutons le terrain. Ce texte, nécessaire mais insuffisant, représente une première étape d'un très long travail : nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit également.)
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après les premières interventions, un rappel historique s'impose.
N'en déplaise à certains, pendant des siècles, le foncier agricole a appartenu à une petite minorité. Avez-vous oublié la monarchie et le servage ? La propriété du foncier est revenue aux agriculteurs à la fin du XIXe siècle. Gambetta appelait alors à « faire chausser les sabots de la République aux paysans ». La bataille de Sedan avait été perdue par une armée de métier, pas de soldats mobilisés ; il fallait que nos paysans possèdent un lopin de terre pour avoir envie de le défendre. Regardez les noms sur nos monuments aux morts de 1914-1918 : à 90 % des paysans qui se sont battus pour défendre leur terre ! (L'orateur frappe le pupitre à plusieurs reprises pour appuyer son propos.)
Oui, l'enjeu d'une répartition harmonieuse des terres agricoles est important, mais évitons les généralités. Je ne veux pas d'une grande loi foncière pour revenir sur le statut du fermage. Il a donné, dans la durée, une assurance au paysan face au propriétaire, en évitant qu'il soit jeté dehors tous les 31 mars. Je refuse que la propriété agricole devienne un bien commun sur lequel tous donnent leur avis !
Je me félicite donc de ce texte a minima : une fois ouvert le débat sur le foncier, nul ne sait où il s'arrêtera. Les vents mauvais sont nombreux... Une réforme d'envergure pourrait faire davantage le malheur des paysans que le système actuel.
Je salue le travail de notre rapporteur. L'accord, qui n'a pas été trouvé sans peine, rapproche la décision du territoire, garantit la fluidité des transactions tout en les contrôlant, préserve notre modèle agricole familial qui n'est ni industriel ni ultra-productiviste.
Nos agriculteurs travaillent passionnément, se serrent la ceinture, renoncent à partir en vacances pour pouvoir acheter ce foncier. Il faut le respecter ! (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également ; M. Laurent Duplomb est à nouveau applaudi en regagnant son fauteuil.)
M. Daniel Gueret. - Bravo !
M. Daniel Salmon . - Le GEST est déçu par ce texte qui ne régule pas assez efficacement l'accès au foncier agricole. À l'heure du renouvellement des générations et de la financiarisation du foncier, il fallait agir en faveur d'un accès partagé.
Certes, on renforce le contrôle des transferts de parts qui était aisément contournable, mais le dispositif prévu apparaît trop faible et incomplet pour être efficace.
Entre le contrôle des sociétés et celui des personnes physiques, c'est deux poids deux mesures. Le seuil de déclenchement du contrôle proposé par la CMP paraît trop élevé. Cela ne favorisera pas suffisamment l'installation des jeunes agriculteurs.
De même, de nombreuses exceptions au contrôle, en partie ajoutées par le Sénat, ont été conservées.
Les mesures compensatoires proposées pour les grands agrandissements sont inacceptables et insuffisamment encadrées. Trop d'acteurs s'engouffrent dans les failles du système de régulation ; les garde-fous sont insuffisants pour lutter contre ces contournements.
L'extension de la durée d'instruction, à l'article 5, ne sera pas aussi efficace en matière d'installation que dans la version initiale du texte. De fait, les prix sont souvent dissuasifs. La proposition de loi, en outre, n'évoque ni le travail délégué ni les investissements étrangers.
Elle échouera à inverser la tendance à l'agrandissement des fermes, encouragée par la nouvelle politique agricole commune (PAC), avec les conséquences que nous connaissons sur l'emploi et sur les territoires.
Il aurait fallu encourager la dynamique des nouvelles installations pour favoriser le renouvellement des générations, préserver les paysages et la biodiversité et promouvoir une agriculture diversifiée et tournée vers la transition écologique.
Nous souhaitons une politique foncière plus transparente, plus équitable et plus diversifiée. Ce texte est une occasion manquée ; nous nous y opposerons.
Monsieur Duplomb, si la possession du foncier doit conduire à de grandes boucheries comme celle de 1914-1918, je préfère promouvoir les attraits des communs... (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Montaugé applaudit.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Ce n'est absolument pas ce qu'il a dit !
M. Julien Denormandie, ministre. - Vous faites effectivement erreur.
Mme Cécile Cukierman . - Si la régulation du foncier agricole est essentielle, le remède proposé ici risque d'être pire que le mal, avec un deux poids deux mesures entre le seuil général de contrôle et celui appliqué aux sociétés. Pourquoi distinguer personnes physiques et personnes morales ? Cela risque de favoriser le phénomène sociétaire et, partant, les agrandissements de parcelles. Pire, ce texte instaure de nouvelles dérogations au dispositif de contrôle et permet des cumuls. Il suffira de se pacser avec un salarié ou avec un cousin éloigné pour s'agrandir...
Faut-il se contenter d'une loi a minima qui ne freinera pas la libéralisation ? D'un compromis insuffisant pour garantir l'usage d'un bien commun ? Comme de nombreux syndicats agricoles et associations, nous ne nous y résignons pas.
Terre de liens, la Confédération paysanne et France Nature Environnement dénoncent un texte qui manque d'ambition et ne règle nullement la question de l'accès au foncier, en particulier pour les porteurs de projets qui ne sont pas issus du milieu agricole.
Le foncier agricole constitue la trame essentielle de nos territoires. Beaucoup plaident pour la fin de toute régulation et pour la liberté d'entreprendre, au nom de la compétitivité.
En même temps, il est un constat transpartisan au Sénat : l'agrandissement excessif des exploitations, le recul du nombre d'agriculteurs, l'industrialisation de la production ont des conséquences négatives pour l'aménagement des territoires, les sols, l'emploi et la qualité des productions.
Malgré cela, le texte demeure en deçà des enjeux. Nous nous éloignons du pacte des années 1960 pour un équilibre entre propriété et travail de la terre - un pacte qui, comme le rappelait le député Dominique Potier, donne la priorité à l'humain sur les mouvements de capitaux.
Nous avons besoin, pour reprendre le mot d'Edgard Pisani, d'utopie foncière. Le groupe CRCE ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M Christian Redon-Sarrazy applaudit également.)
Mme Françoise Férat . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 25 novembre, près de la gare Saint-Lazare, de jeunes agriculteurs distribuaient gratuitement 1 100 baguettes de pain - soit la production perdue chaque minute du fait de la disparition du foncier agricole - afin de sensibiliser les consommateurs.
Nous saluons cette proposition de loi. Il faut relever le défi de la lutte contre l'accaparement des terres agricoles en contrôlant les cessions de titres et en compensant les agrandissements, et agir en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs.
L'article premier, au coeur du dispositif, instaure un outil de contrôle administratif des prises de participation, sur le modèle de celui de l'Autorité de la concurrence.
Après une négociation déterminée, la CMP a conforté nombre d'apports du Sénat : le préfet de département conduira la procédure de contrôle, au plus près des exploitants ; le seuil plancher a été ramené à 1,5 fois la Saurm pour ne viser que les opérations excessives ; les cessions familiales jusqu'au quatrième degré et entre associés ont été exemptées de contrôle ; les mesures compensatoires feront l'objet d'une certaine liberté de gestion ; le dispositif sera évalué après trois ans.
Elle a rétabli l'article 5 qui donne au préfet le pouvoir de suspendre pour huit mois la demande d'agrandissement, si un seul acheteur se présente.
L'article premier entrera en vigueur, au plus tard, le 1er juillet 2022.
Ce n'est certes pas le grand soir du foncier agricole, mais ce texte était attendu par les acteurs de la filière. Des concessions ont été faites de part et d'autre dans l'intérêt de notre modèle agricole ; c'est pourquoi le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La politique foncière est structurante pour notre modèle agricole.
La souveraineté alimentaire, une agriculture durable et diversifiée, une production de qualité, la sécurisation de nos emplois agricoles, le dynamisme de nos territoires reposent sur un modèle d'exploitations de taille différente, équilibré et familial.
Ce texte va dans le sens de cet objectif, même s'il reste bien limité par rapport à la grande loi foncière que nous attendions. N'ayons pas peur de réformer !
Des divergences subsistent, Laurent Duplomb l'a rappelé, mais le texte apporte un début de réponse au développement des formes sociétaires de propriété agricole qui conduit à l'accaparement des terres, à l'agrandissement des exploitations et à des difficultés d'accès pour les jeunes agriculteurs. La Safer doit faire de leur installation sa priorité - encore faut-il qu'elle en ait les moyens.
La CMP est parvenue à un équilibre satisfaisant, même si je préférais le seuil de contrôle initial et que les exemptions, pourtant nombreuses, n'incluent pas les foncières agricoles agréées. Nous sommes nombreux ici à saluer le travail remarquable de Terre de liens.
Le rétablissement de l'article 5 renoue avec l'esprit initial de la proposition de loi. Je suis également favorable à l'encadrement des mesures compensatoires.
Le RDSE approuvera ce texte et se félicite du prochain examen de deux réformes agricoles, respectivement sur les retraites et sur l'assurance récolte, avec comme ambition de préserver notre statut de puissance agricole. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI)
À la demande de la commission des affaires économiques, la proposition de loi, modifiée par les amendements du Gouvernement, est mise aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°53 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l'adoption | 249 |
Contre | 76 |
Le Sénat a adopté.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Je remercie notre rapporteur pour son travail, ainsi que M. le ministre pour nous avoir aidés à trouver les voies d'un compromis. Sans oublier le rapporteur de l'Assemblée nationale, à l'initiative de ce texte que, pour ma part, j'avais en ligne de mire depuis une dizaine d'années.
Sans doute cette loi ne va-t-elle pas aussi loin que nous l'aurions souhaité ; mais, même modestement, il est important d'avancer sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du RDPI)
M. Julien Denormandie, ministre. - Le succès de la CMP était loin d'être assuré - preuve qu'il ne faut jamais lâcher, surtout dans la dernière ligne droite. Je remercie le rapporteur et tous les membres de la CMP d'être parvenus à s'entendre. Il ne faut jamais remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui : voilà une belle leçon de ce travail parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.
Interdire les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle (Procédure accélérée)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.
Discussion générale
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Les thérapies de conversion, atteintes insupportables à l'intégrité humaine, sont totalement inacceptables en France en 2021. Être LGBT+ n'est pas une idéologie ; être soi n'est pas un crime.
Non, l'homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies. Il n'y a rien à guérir. On ne choisit pas son orientation sexuelle ; on ressent son identité de genre au fond de soi.
Ces pratiques rétrogrades sont protéiformes : harcèlement, agressions physiques, exorcismes, retraites spirituelles, traitements hormonaux, voire électrochocs... Toutes plongent les personnes visées, dont la vulnérabilité se mue parfois en culpabilité, dans d'immenses souffrances.
La présente proposition de loi instaure un délit spécifique afin de mieux réprimer ces pratiques, d'améliorer la protection des victimes, de favoriser la libération de leur parole et de mesurer l'ampleur de ce phénomène dans notre pays.
Ces pratiques ne sont pas nouvelles et dépassent nos frontières. D'autres pays européens ont déjà légiféré pour les interdire ou s'apprêtent à le faire.
Ce texte envoie un signal clair à ceux qui prétendent contraindre une personne à se renier, mais aussi aux victimes, pas toujours conscientes d'être victimes de pratiques illégales.
Ces graves dérives, qu'elles soient religieuses, médicales ou sociétales, sont le fait d'une minorité. Il ne s'agit évidemment pas d'interdire l'accompagnement bienveillant de personnes en réflexion qui en manifestent la volonté.
Nous entendons renforcer les droits et la protection des personnes LGBT+ dans un contexte de menaces pesant sur elles, y compris en Europe. Ce texte s'inscrit dans le combat mené depuis le début du quinquennat contre toutes les formes de discrimination et pour l'égalité des droits.
C'est dans cet esprit que nous avons lancé, en octobre 2020, un plan national d'actions pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+. L'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, le renforcement de la formation des forces de l'ordre et la circulaire destinée à améliorer l'accueil des élèves transgenres dans l'Éducation nationale vont dans le même sens. Je salue aussi le lancement d'une campagne nationale de communication par Santé Publique France.
Nous devons mieux protéger nos concitoyens, prendre en considération la pluralité de notre société, respecter chacun dans son intégrité et sa dignité.
Je remercie les équipes de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) pour leur travail au quotidien, ainsi que toutes les associations engagées contre les thérapies de conversion, dont le collectif « Rien à guérir ». Je salue son fondateur, Benoît Berthe, présent en tribune ; je mesure les obstacles qu'il a dû surmonter autant que l'importance de son témoignage pour toutes les victimes.
Je vous remercie pour votre engagement sur ce texte, à commencer par vous, madame la rapporteure. Dépassons les clivages partisans pour le soutenir d'une seule voix. C'est notre regard qui enferme ou libère, disait Amin Maalouf. Cet après-midi, c'est votre vote qui protégera ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC ; Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Permettez-moi une confidence : je ne saisis pas toujours l'intérêt des textes qui nous sont soumis... À quoi bon créer un nouveau délit quand les faits visés sont déjà sanctionnables ?
M. Philippe Bonnecarrère. - Eh oui !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le même raisonnement pourrait s'appliquer à ce texte. De fait, les thérapies de conversion peuvent déjà être sanctionnées à plusieurs titres : violences volontaires, abus de faiblesse, harcèlement moral, exercice illégal de la médecine.
Reste que le droit est aussi le reflet d'une société, de ses valeurs, de ses interdits. Nommer un délit, c'est poser une interdiction franche, reconnaître le mal et assurer aux victimes une reconnaissance. C'est aussi le moyen de mieux quantifier le phénomène, pour mieux prendre en charge les personnes touchées.
Chacun a droit à la protection de la République. Accepter l'autre, c'est faire de notre société un espace de liberté.
Le 1er mars 2018, le Parlement européen a voté une résolution appelant les États à légiférer contre ces pratiques. L'Allemagne l'a déjà fait, de même que certaines régions espagnoles. Ailleurs, plusieurs États du Canada et des États-Unis ont également agi.
Je connais les doutes de certains d'entre vous à l'égard de la notion d'identité de genre, mais elle figure déjà dans notre droit. Le Conseil constitutionnel l'a jugée suffisamment claire et précise. Au reste, les responsables des cultes nous ont indiqué que cette notion ne leur posait pas problème.
Il s'agit simplement de protéger des personnes victimes de pratiques censées traiter de prétendus maladies ou péchés par des pseudosciences : enseignements, prières de délivrance, hypnose, électrochocs, exorcismes, viols de guérison - curieux concept.
En réalité, il n'y a pas plus de malades que de maladies ; il n'y a rien à guérir. Les seules thérapies qui vaillent sont celles destinées à soigner les conséquences de ces pratiques barbares et charlatanesques.
Les responsables des cultes ont tous dénoncé ces dérives sectaires, fondées sur un profond dévoiement des textes sacrés ; tous, ils considèrent cette loi comme nécessaire. Quant aux médecins et psychiatres, ils alertent sur les conséquences dramatiques de ces prétendues thérapies ainsi que sur la nécessité d'une écoute bienveillante des victimes.
Nous avons tenu à distinguer les thérapies de conversion de l'accompagnement apporté par la famille ou le médecin. L'appel à la prudence ou à la réflexion ne saurait évidemment être incriminé. Il ne s'agit pas non plus de pénaliser l'accompagnement spirituel ou religieux : la liberté de culte est parfaitement préservée.
Mais autant l'accompagnement est légitime, autant il ne doit jamais conduire à proposer une thérapie de conversion, dommageable à la santé physique comme psychique de la personne.
Lorsque la victime est mineure, nous avons tenu à ce que le juge statue systématiquement sur le retrait de l'autorité parentale.
Ce texte équilibré est nécessaire pour protéger des adolescents et de jeunes adultes, particulièrement vulnérables dans une période de questionnement, et leur permettre de se construire.
À toutes les victimes, nous disons que nous reconnaissons leur peine et que nous nous tenons pleinement à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER, du RDPI et du GEST ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)
M. Xavier Iacovelli . - Rien à guérir : c'est a priori une évidence, traduite dans les textes français et internationaux. L'OMS a retiré l'homosexualité de la liste des maladies et l'homophobie comme la transphobie sont désormais pénalisées.
Et pourtant... Certaines personnes prétendent encore en contraindre d'autres à changer d'identité. Une réponse ferme est nécessaire pour protéger les victimes de ces pratiques barbares, quelle que soit leur forme - religieuse, médicale ou sociétale.
C'est pourquoi ce texte pose un interdit explicite, assorti de sanctions lourdes. Fruit du travail de notre collègue députée Laurence Vanceunebrock, il a été voté par l'Assemblée nationale à l'unanimité. Il a reçu le soutien du Gouvernement, qui l'a inscrit à l'ordre du jour en cette période dense.
Mme la rapporteure a oeuvré dans un esprit constructif, et je salue son travail de qualité.
Ce texte affirme un interdit fort et améliorera la prise en charge des victimes, ainsi que la quantification de ce phénomène. Il convient aux autorités religieuses, qui condamnent fermement ces pratiques.
Il ne s'agit évidemment pas de priver les personnes qui le demandent d'un accompagnement, spirituel ou autre. L'infraction créée suppose une altération de la santé physique ou mentale des personnes.
Le texte n'a pas non plus d'incidence sur les pratiques médicales tendant au changement de sexe - l'Assemblée nationale l'a bien rappelé.
Prenons garde de ne pas nuire, par un excès de précisions, à la clarté et à la bonne application du dispositif. Nous y reviendrons dans la discussion des articles.
La rapporteure a fait oeuvre utile sur le retrait de l'autorité parentale et la circonstance aggravante en cas de victime mineure ou vulnérable. Elle a veillé à ce que la proposition de loi ne dévie pas de son objet, notamment en appelant au rejet d'amendements de certains membres du groupe Les Républicains dont l'adoption aurait exclu les personnes transgenres du champ de la protection. La transidentité existe dans notre société. Quant à l'identité de genre, elle figure déjà dans le code pénal, pour définir les discriminations.
« La norme sexuelle ne se définit pas », disait Gisèle Halimi. Notre objectif de législateur n'est pas de la définir. C'est l'honneur de la France, à la suite d'autres pays, de combattre avec ce texte de dignité, juste et ambitieux, des pratiques sources de souffrances et qui, pour certaines, sont qualifiées de tortures par l'ONU.
Le RDPI votera le texte de la commission des lois, tout en restant vigilant pendant nos débats. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Défenseurs de la démocratie libérale, nous sommes attachés à la protection des minorités, dont la plus petite est l'individu lui-même. Seul l'individu peut prendre certaines décisions, en conscience et sans contrainte ; c'est le cas, évidemment, en matière d'orientation sexuelle et de changement de sexe.
L'homosexualité n'a cessé d'être réprimée dans notre pays qu'en 1982 ; elle a cessé d'être considérée comme une maladie mentale il y a seulement une quarantaine d'années.
Malheureusement, ces évidences ne le sont pas pour tout le monde. D'où cette proposition de loi, que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité.
Ne nous laissons pas abuser par les mots : les tentatives de conversion n'ont rien de thérapeutique. Coercitives, elles n'ont pas leur place dans notre société et sont déjà interdites en Allemagne et en Espagne ; elles le seront prochainement au Royaume-Uni.
Le groupe Les Indépendants soutient la création d'une infraction spécifique dans notre droit.
La précision introduite en commission sur les conseils de prudence et de réflexion est bienvenue. Quant à l'autorité parentale, la question de son retrait doit en effet être posée quand des parents obligent leurs enfants à suivre des thérapies de conversion ; le juge appréciera en fonction des situations.
La très grande majorité du groupe Les Indépendants votera ce texte équilibré, qui réaffirme le libre arbitre de l'individu et le respect de la dignité de la personne. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte réaffirme la nécessité de lutter contre la non-acceptation de l'homosexualité dans notre société. On ne saurait ignorer la détresse de ceux dont l'orientation sexuelle n'est pas acceptée. Nous leur devons écoute et soutien.
L'homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies à soigner. Il faut lutter contre toutes les dérives tendant à persuader les jeunes du contraire.
La chambre basse du Canada vient d'interdire les thérapies de conversion. L'Angleterre et le Pays de Galles s'apprêtent à le faire également.
En revanche, la notion d'identité de genre est source de confusion dans le droit. J'ai déposé un amendement, cosigné par une quarantaine de mes collègues, visant à sa suppression. Ne cédons pas à la théorie du genre, promue par des minorités agissantes mais éloignée des préoccupations des personnes concernées !
On ne peut nier la détresse des adolescents qui ressentent une inadéquation avec leur sexe de naissance, mais des spécialistes alertent sur les effets des thérapies affirmatives de transition sur les mineurs.
Ces pratiques, comme les bloqueurs de puberté et les traitements hormonaux, sont en cours d'expérimentation sur des jeunes, sur des bases scientifiques très controversées. Pour les adolescents qui regrettent ces solutions drastiques, le chemin en arrière est très difficile.
Il me paraît essentiel que ces pratiques soient également interdites, hors raisons médicales. Devant les dégâts causés, des pays qui étaient très en pointe sur ce qu'on appelle la dysphorie de genre, comme la Suède, reviennent à plus de prudence. Ne nous précipitons donc pas, mais protégeons les jeunes jusqu'à leur majorité : à partir de 18 ans, il est toujours temps d'initier un changement de sexe.
Non, notre vision de la société n'est pas archaïque ou rétrograde : elle est réaliste, protectrice et respectueuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous n'en sommes qu'au début de ce débat, mais on a déjà entendu tout et n'importe quoi... Permettez-moi donc de faire d'emblée certaines mises au point. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli. - (Se tournant vers les travées du groupe Les Républicains) Vous vous sentez concernés ?
Mme le président. - Veuillez rester correcte, ma chère collègue. Ici, nous sommes au Sénat. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Mélanie Vogel. - Il ne s'agit pas aujourd'hui de légiférer sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, ni sur les processus de transition ; il y a beaucoup à faire en la matière, et je suis sûre que nous nous opposerons sur ces sujets le moment venu.
L'objet de ce texte est d'interdire les thérapies de conversion, c'est-à-dire des tortures, physiques et psychologiques : « viols correctifs », mutilations, exorcismes et j'en passe... Il s'agit seulement de savoir si, oui ou non, nous interdisons ces pratiques.
Mme Eustache-Brinio propose d'exclure les personnes transgenres du champ d'application du texte. (Mme la rapporteure et M. le président de la commission des lois le confirment ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom de quoi les personnes transgenres n'auraient-elles pas le droit d'être protégées ?
La notion d'identité de genre ne serait pas assez claire ? C'est facile de dire cela. Pour les personnes cisgenres, les choses vont de soi, parce que la société les considère comme normales. Si c'était vous, madame Eustache-Brinio, qui, parce que vous êtes cisgenre, étiez considérée comme malade, perverse ou hantée, les personnes transgenres qui se mobilisent contre vos amendements et tous ceux qui luttent pour l'égalité des droits seraient là pour vous protéger !
Personne ne demande à personne d'avoir une empathie pour le vécu intime des personnes trans. Il s'agit simplement de reconnaître que ces personnes existent et d'affirmer qu'elles ne doivent pas être torturées.
L'ajout en commission de la disposition sur l'appel à la prudence et la réflexion m'inquiète. Quand il s'agit de modifier ou de réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, il n'y a pas de conseil bienveillant.
Les jeunes LGBTQIA+ se suicident trois fois plus que les autres, parce qu'on les discrimine et qu'on leur apprend à se détester. Être soi-même n'est jamais une pathologie : cela se respecte et se célèbre.
Les thérapies de conversion ne guérissent rien, parce qu'il n'y a rien à guérir. Ce sont des tortures qui détruisent des vies. Elles doivent disparaître ! Envoyons ce message aux victimes et à leurs bourreaux. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER, du RDSE et du RDPI)
Mme Éliane Assassi . - Les thérapies de conversion se fondent sur le postulat erroné que l'homosexualité et la transidentité sont des maladies.
En 2015, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a appelé à interdire ces pratiques contraires à l'éthique, parfois constitutives de tortures. En 2018, le Parlement européen a adopté une résolution invitant les États à légiférer.
L'année suivante, la commission des lois de l'Assemblée nationale a lancé une mission d'information sur le sujet, dont cette proposition de loi est issue. Nous saluons ce travail.
Il s'agit de créer une infraction autonome visant les thérapies de conversion. La création d'un délit spécifique s'impose afin de mieux combattre ces pratiques inhumaines.
La rapporteure a simplifié et clarifié le texte, notamment en précisant que l'infraction n'est pas constituée en cas de simple appel à la prudence et à la réflexion lorsqu'un jeune envisage un parcours médical de changement de sexe. Cette mesure fait suite aux poursuites engagées contre certains parents bienveillants.
Les articles 378 et 379-1 du code civil permettent le retrait de l'autorité parentale, mais la question n'est pas systématiquement examinée. Le texte de la commission prévoit que le juge pénal se prononce systématiquement.
Cette loi n'empêchera pas l'accompagnement des personnes qui s'interrogent. Au contraire, en définissant précisément les thérapies de conversion dans la loi, nous éviterons toute confusion.
Quant à ceux qui refusent de sortir d'une vision purement biologique du sexe, je leur rappelle que la notion d'identité de genre est bien installée dans notre droit ; en 2017, le Conseil constitutionnel l'a jugée claire et précise.
Les postures idéologiques n'ont pas leur place dans ce débat. Il s'agit de faire cesser des souffrances et de reconnaître la multiplicité des identités. Le respect de ces identités crée du commun dans la société. La République gagne au respect de chacune et de chacun !
Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, du GEST et du RDPI)
M. Philippe Bonnecarrère . - Madame la rapporteure, vous avez posé la question : ce texte est-il nécessaire ? Vous avez répondu par l'affirmative, de manière argumentée. Le groupe UC vous suivra.
On ne peut demander à quiconque de renier son orientation sexuelle. Nous devons protéger tous nos concitoyens, interdire toute contrainte.
Mme la ministre a dit que le texte libérerait la parole. Mais la loi n'est pas une conférence philosophique, psychologique ou théologique...
Certes, nommer le délit permettra de mieux connaître l'étendue du phénomène. Reste que les faits visés sont déjà sanctionnés au titre du harcèlement moral, de l'abus de faiblesse ou de la violence volontaire. Dès lors, faut-il une nouvelle infraction ? La question provoquerait la stupéfaction des honorables législateurs représentés en statue devant nous !
Par ailleurs, il n'est pas certain que l'objectif de ce texte soit atteint. On peut même craindre des résultats contre-productifs, car le droit spécial l'emporte sur le droit général. En d'autres termes, plus une infraction est précisément définie, plus le champ de la protection et celui des preuves admissibles se réduisent. Dans ce domaine comme dans d'autres, le mieux est parfois l'ennemi du bien.
De la loi contre le séparatisme à celle sur le climat, nous ne cessons de créer de nouvelles incriminations pénales. Dans quelques jours, ce sera un nouveau délit pour le harcèlement scolaire. Je crains que trop de droit pénal ne finisse par handicaper le droit pénal. On ne peut résoudre tous les problèmes d'une société par la voie pénale !
Sans compter que notre pays a un problème d'effectivité du droit pénal. Nous avons dû légiférer pour limiter les délais d'enquête préliminaire à deux ans, ce qui signifie que beaucoup d'affaires seront classées. Le Président de la République lui-même, dans son discours aux États généraux de la justice, a insisté sur ce problème d'effectivité, appelant à limiter l'inflation des normes.
Mes chers collègues, tâchons de modérer notre propension à créer de nouvelles normes pénales.
Ces observations faites, nous suivrons, je le répète, la rapporteure, car nous respectons la souffrance des victimes. Nous sommes toutefois plus nuancés sur la portée réelle de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les témoignages des victimes de thérapies de conversion sont sidérants : ils décrivent des méthodes brutales et archaïques, fondées sur des idées rétrogrades.
Certes, ces pratiques sont très minoritaires, voire marginales, dans notre pays, mais elles peuvent s'apparenter à de la torture. Il faut légiférer rapidement contre cet obscurantisme.
Injection d'hormones, électrochocs, diffusion de vidéos d'actes homosexuels pour en dégoûter les personnes : ces prétendues thérapies, quelles qu'en soient les formes, laissent des séquelles physiques et morales. Elles portent atteinte à la plus intime des libertés, la liberté sexuelle.
Le RDSE est de longue date engagé sur le sujet. En 2019, notre ancienne collègue Françoise Laborde avait déposé une proposition de résolution appelant à une campagne de prévention et de lutte contre les thérapies de conversion.
Quant à l'amendement de Christian Bilhac au projet de loi confortant le respect des principes de la République, il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. Pourtant, ces thérapies se fondent sur des dérives sectaires qui expriment une forme de séparatisme.
Je salue la position de la commission des lois, notamment sur le rôle des parents. Le sujet est sensible et compliqué. Il ne faut pas confondre les thérapies de conversion et la prudence légitime de l'entourage qui accompagne un enfant s'interrogeant sur son identité de genre.
Nous ferions une erreur en restreignant le champ de la nouvelle infraction que crée ce texte, comme le proposent divers amendements. Le RDSE suivra la commission des lois en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Esther Benbassa . - Le 1er mars 2018, le Parlement européen adoptait une résolution invitant les membres de l'Union à interdire les thérapies de conversion. Jusqu'à présent, aucune loi ne prescrivait ces pratiques barbares en France. Les témoignages sont glaçants : électrochocs, injection de testostérone, psychothérapies forcées...
Le mot de thérapie implique que l'homosexualité serait une maladie, tout comme un genre hors du cadre binaire. Les victimes de ces thérapies doivent savoir que vivre libre et en sécurité est leur droit le plus total : restez comme vous êtes, vous n'êtes pas seuls !
De nombreuses associations viennent en aide aux jeunes qui éprouvent des difficultés à vivre leur orientation sexuelle ou leur genre. L'État doit leur octroyer les moyens nécessaires pour permettre à toutes les personnes LGBTQIA+ de vivre librement.
Des campagnes de pédagogie et de sensibilisation devront être organisées en milieu scolaire et auprès du grand public.
Je voterai ce texte avec détermination. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Rien à guérir : c'est le sens de cette proposition de loi très attendue, enfin inscrite à l'ordre du jour après quelques tergiversations du Gouvernement.
En juin, nous avions déposé avec mon groupe une proposition de loi analogue que nous nous apprêtions à inscrire dans notre espace réservé. Nous sommes très heureux de pouvoir débattre de ce texte.
Les thérapies de conversion ont pour but de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Monsieur Bonnecarrère, rien n'empêche que d'autres infractions voisines des thérapies de conversion soient sanctionnées demain, car le droit pénal spécial prime sur le droit pénal général. Votre crainte me parait donc infondée.
La mission d'information de l'Assemblée nationale de 2019 et une enquête approfondie de deux journalistes, Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, ont établi la réalité de telles pratiques en France : exorcisme, prières, voire électrochocs ou traitements hormonaux. Ces pseudo-thérapies produisent des dommages profonds sur la santé physique et mentale des personnes souvent jeunes qui les subissent. Ce n'est pas acceptable a fortiori dans la patrie des droits de l'Homme qui a abrogé toute sanction de l'homosexualité.
En 2015, un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme des Nations Unies appelait à interdire les thérapies de conversion ; le Parlement européen a suivi en 2018. Mais en France, toujours rien.
On ne peut que déplorer les hésitations du Gouvernement qui estimait encore, en mai dernier, qu'il suffirait d'une circulaire. Le contexte a changé : tant mieux. Il faut saluer le collectif Rien à guérir qui se bat depuis longtemps pour l'interdiction de ces pratiques.
L'arsenal législatif existant reste peu lisible, alors que ces pratiques s'étendent. Il fallait créer une infraction spécifique.
Je salue le travail de la rapporteure, qui a utilement complété le texte avec la possibilité d'un retrait de l'autorité parentale.
Nous saluons également l'ajout de circonstances aggravantes afin de punir plus sévèrement les infractions commises par des professionnels de santé à l'encontre d'un mineur ou d'une personne vulnérable.
Il faut exclure du champ du texte les soins et l'accompagnement au changement de sexe. Il convient aussi de punir les thérapies de conversion même quand la détérioration de la santé physique ou mentale n'est pas démontrée.
Nous souhaitons rétablir l'article 2 relatif aux circonstances aggravantes. Nous voulons également renforcer la prévention, via les programmes scolaires. Nous solliciterons un rapport sur les besoins de la médecine scolaire à cet égard.
Il faut quantifier, repérer et prévenir. Il est enfin nécessaire d'interdire les interventions invasives sur les enfants intersexes.
Malgré le caractère consensuel de ce texte, certains de nos collègues se sont saisis de ce débat pour contester la notion d'identité de genre à des fins purement idéologiques. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Cela relève de la conviction intime ; qui sommes-nous pour en juger ? L'identité de genre figure bien à l'article 132-77 du code pénal et le Conseil constitutionnel s'est prononcé le 26 janvier 2017 sur cette notion. Nous ne pourrons donc voter les amendements qui seront défendus par Mme Eustache-Brinio.
Le groupe SER votera ce texte s'il n'est pas dénaturé : il faut reconnaître ces violences, accorder le statut de victimes aux personnes qui les ont subies et en sanctionner les auteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 17 mai 1990, l'OMS supprimait l'homosexualité de la liste des pathologies mentales ; la France suivait en 1992.
Pourtant, le sentiment homophobe et les violences à l'égard des homosexuels persistent ; en témoignent les théories de conversion qui relèvent de la torture, et traumatisent ceux qui les subissent.
C'est pourquoi je salue cette proposition de loi. Oui, les thérapies de conversion pouvaient être poursuivies sous d'autres chefs, mais il était justement impossible d'évaluer l'ampleur du phénomène.
De plus, l'autonomisation de la sanction facilitera la prise de conscience des victimes en mettant à leur disposition un outil juridique solide sur lequel s'appuyer lors du dépôt de plainte.
Ce texte mettra la France en conformité avec la résolution du Parlement européen du 16 janvier 2019.
L'identité du genre, en revanche, est un concept nébuleux, imprécis, qui risque de porter atteinte à la clarté du droit.
Je conteste le procès en idéologie qui est fait à Jacqueline Eustache-Brinio : il faut ménager le plus longtemps possible à l'enfant la possibilité de se déterminer sexuellement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'État n'est pas là pour dire aux Français qui ils peuvent aimer. Il doit simplement aider chacun à s'épanouir, notamment les plus vulnérables.
Les premières victimes des prétendues thérapies de conversion sont les adolescents dont les parents n'acceptent pas l'orientation sexuelle. Mais il faut aussi réserver les thérapies proactives de changement de sexe aux majeurs : bloqueurs de puberté, traitements hormonaux ne sont pas anodins.
La recherche de l'identité sexuelle à l'adolescence est souvent un chemin difficile. L'enfer est pavé de bonnes intentions : gardons-nous de tout raisonnement binaire - c'est le cas de le dire. Laissons à ces enfants le temps de se construire. Luttons contre toute forme de harcèlement à l'école, car c'est essentiellement de cela qu'il s'agit.
Certains militants professionnels voient dans les amendements de Jacqueline Eustache-Brinio une volonté de rayer « l'identité du genre vraie ou supposée » du débat public. Il n'en est rien : la notion, simplement, est confuse, et laissera au juge du fond une trop grande liberté d'interprétation.
Si ces amendements sont adoptés, cette proposition de loi sera celle de la tolérance - y compris pour refuser que l'on presse un adolescent de changer de sexe.
Certains parents trouveront que le temps laissé à l'enfant pour se déterminer n'est que souffrance supplémentaire ; mais qu'en serait-il en cas de changement de sexe précipité ?
Je voterai ce texte, ainsi que les amendements du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
CHAPITRE PREMIER : Création d'une infraction relative aux pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre
Mme le président. - Amendement n°1 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Si la notion d'orientation sexuelle est claire, je persiste à dire que celle d'« identité de genre » apporte de la confusion dans le droit, d'où mes onze amendements pour la supprimer du texte.
Nos concitoyens sont incapables de définir la notion d'identité de genre, en dehors de certaines minorités.
Faut-il céder à tous les groupes de pression et à tous les lobbies qui veulent nous imposer leur modèle de société ? Non ! D'où mes amendements.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La notion d'identité de genre est établie scientifiquement depuis 1953 : une personne transgenre est une personne qui ne s'identifie pas à son sexe de naissance et qui souhaite en changer.
Dès 2009, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié un guide sur la prise en charge du transsexualisme.
Sur le plan juridique, le Conseil constitutionnel a jugé en 2017 que la notion était suffisamment claire et précise pour entrer dans le code pénal, en la distinguant du sexe biologique.
Cette expression figure depuis 2016 dans le code pénal, dans le code de procédure pénale et le code du travail depuis 2017, et dans d'autres codes encore.
Enfin, nos auditions ont montré que si l'homosexualité était désormais relativement bien acceptée, les personnes transgenres continuent de se heurter à d'importantes discriminations. La loi doit les protéger. La suppression de la référence à l'identité de genre reviendrait à nier l'existence de ces personnes.
En revanche, le processus vers le changement de sexe doit être mûrement réfléchi : ne pénalisons donc pas les propos des parents ou des professionnels de santé qui incitent à la prudence et à la réflexion.
Avis défavorable à cet amendement et à tous ceux qui ont le même objet.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Douna, Luna, Nicolas, Tristan, Sacha... (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains) Ces personnes se sont suicidées à force de discrimination et de harcèlement. Toutes étaient transgenres. Le Gouvernement ne peut donc soutenir cet amendement qui efface leur identité.
La notion d'identité de genre n'est pas floue. Le Conseil constitutionnel, le 26 janvier 2017, l'a jugée claire et précise, donc conforme au principe de légalité. Avis défavorable à cet amendement et à tous ceux qui sont similaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le SER votera contre cet amendement et tous ceux qui ont le même objet. Merci à Mme la rapporteure pour ses explications très complètes.
Pourquoi la droite sénatoriale s'obstine-t-elle dans ce combat d'arrière-garde ? (Exclamations à droite)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Chacun les siens !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'homosexualité était un délit. Heureusement, la gauche est arrivée au pouvoir. (Protestations à droite)
M. Xavier Iacovelli. - C'est la vérité !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous avons aussi fait voter le mariage pour tous. Aujourd'hui, vous évoluez puisque vous acceptez d'interdire les thérapies de conversion. La transidentité n'est en revanche pas acceptable pour vous. Mais l'identité de genre existe, Madame Eustache-Brinio ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Hussein Bourgi. - Il n'y a pas plus ignorant que celui qui ne veut pas s'informer. J'entends toujours les mêmes agiter la notion d'identité de genre comme un chiffon rouge. Cette notion est documentée depuis les années 1930 par le médecin Magnus Hirschfeld, qui a été menacé par les nazis et qui a trouvé refuge en France. D'autres médecins, psychologues, juristes ont ensuite travaillé sur l'identité de genre.
C'est grâce à la gauche, à MM. Badinter, Defferre, Ralite, que l'homosexualité a été dépénalisée en France en 1982.
Nous légiférons pour tous les Français, qu'ils soient de la majorité ou de la minorité ! Sachez faire preuve de respect. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI ; Mme Esther Benbassa applaudit également ; exclamations indignées à droite.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Il n'y a pas le camp des gentils et celui des méchants. Nous n'avons aucune leçon à recevoir. À chacun son histoire, à chacun son engagement.
Nous n'avons pas à subir de pressions. Nos analyses peuvent être différentes, sans que l'on nous mette au ban de celles et ceux qui s'estiment progressistes !
Protéger les homosexuels et les transsexuels...
M. Hussein Bourgi. - Commencez par les respecter !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - ... c'est autre chose que de mélanger les combats et les termes à tel point que les repères s'estompent ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
À la demande des groupes UC et SER, l'amendement n°1 rectifié sexies est mis aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°54 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l'adoption | 53 |
Contre | 283 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)
ARTICLE PREMIER
Mme le président. - Amendement n°2 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°2 rectifié sexies n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°3 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°3 rectifié sexies n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 4
Remplacer le mot :
personne et
par les mots :
personne ayant pour objet ou effet une atteinte à la dignité de la personne humaine, ou
Mme Mélanie Vogel. - Les thérapies de conversion sont des actes de torture, qui portent atteinte à la dignité humaine. Il convient d'ajouter cette notion, qui apparaît dans la qualification d'autres incriminations comme le bizutage, la discrimination ou le harcèlement.
Mme le président. - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 4
1° Après les mots :
d'une personne
insérer les mots :
susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité
2° Remplacer les mots :
et ayant pour effet une altération de
par les mots :
ou ayant pour objet ou effet d'altérer
Mme Mélanie Vogel. - Pour que cette nouvelle infraction soit mobilisable par les justiciables, il convient d'aligner son périmètre sur celui du harcèlement moral. La volonté de nuire doit être constitutive de l'infraction, qu'elle ait ou non pour effet une altération de la santé physique ou mentale.
Mme le président. - Amendement n°18, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4
Après les mots :
personne et
insérer les mots :
susceptibles de porter atteinte à ses droits, sa dignité, ou
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Toutes les thérapies de conversion doivent être interdites, indépendamment de leur effet. C'est pourquoi nous tenons à ajouter les mots « susceptibles de porter atteinte », afin que la victime n'ait pas à prouver de préjudice.
Mme le président. - Amendement n°25, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
effet une altération de
par les mots :
objet ou effet d'altérer
Mme Mélanie Vogel. - Même sans dommages, ces thérapies doivent être réprimées.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le texte de l'Assemblée nationale prévoit que pour être sanctionnées, les thérapies de conversion doivent avoir pour effet d'altérer la santé.
L'infraction proposée aux amendements nos 26 rectifié et 18 serait beaucoup plus large, puisqu'elle couvrirait les actes « susceptibles » d'altérer la santé - or le terme est subjectif.
Restons-en à la rédaction de l'Assemblée. L'accompagnement spirituel recherché par des personnes homosexuelles ou transgenres ne doit pas tomber sous le coup de la loi. Avis défavorable.
L'amendement n°29 rectifié est de repli. Avis défavorable pour les mêmes raisons : restons-en à la rédaction équilibrée de l'Assemblée. Idem pour l'amendement n°25. Intéressons-nous aux effets des thérapies de conversion sur la santé des personnes.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Le principe constitutionnel de légalité impose de définir précisément les éléments constitutifs d'une infraction. Or la notion de dignité n'est pas définie par la loi et toute incrimination pénale repose sur un préjudice.
Avis défavorable à tous ces amendements.
L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos29 rectifié, 18 et 25.
Mme le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
trois ans
et le montant :
30 000 euros
par le montant :
45 000 euros
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
cinq ans
et le montant :
45 000 euros
par le montant :
60 000 euros
Mme Mélanie Vogel. - Il s'agit d'augmenter les peines applicables.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les peines prévues me semblent déjà dissuasives. Conservons cet équilibre. Nous pourrons réexaminer le quantum dans quelques années.
Bien entendu, en cas de viol lors d'une thérapie de conversion, des poursuites auront lieu sur la base de cette qualification criminelle.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Ce quantum ne semble pas inadapté, au regard de ce qui existe pour le harcèlement moral ou sexuel. Les violences sans ITT sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Le quantum pour les thérapies de conversion pourrait être aligné sur ce régime. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le groupe SER votera cet amendement. Cette proposition figurait dans notre proposition de loi. Nous sommes bien au-delà du harcèlement moral, les peines doivent être plus lourdes.
L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°17, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces pratiques, comportements ou propos ne comprennent pas ceux visant les soins médicaux et tout accompagnement liés au changement de sexe et au parcours de transition.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Les sanctions ne doivent pas s'appliquer aux soins médicaux ni aux accompagnements liés au changement de sexe et au parcours de transition. Il serait paradoxal de viser les professionnels de santé !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Cette disposition a été supprimée à l'Assemblée nationale au motif qu'elle apporterait plus de confusion sans améliorer la protection des victimes.
L'ajout ne me semble pas opportun : avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Cette précision est inutile : les traitements médicaux sont déjà exclus. Avis défavorable.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - L'alinéa ajouté par la commission des lois nous apparaît inutile car les propos incitant à la réflexion et à la prudence n'entrent pas dans le champ des éléments constitutifs de la nouvelle infraction.
En outre, assimiler le parcours médical de changement de sexe aux pratiques visant à modifier ou à réprimer l'identité de genre apporte de la confusion.
Enfin, il n'est pas opportun de créer une cause d'irresponsabilité pénale fondée sur les mobiles de l'auteur qui doivent rester indifférents en droit pénal.
Mme le président. - Amendement identique n°15 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Mme Mélanie Vogel. - Cet alinéa est soit superflu, soit source d'insécurité juridique et donc contre-productif.
S'il ne s'agit que d'un appel bienveillant à la prudence, ces actes ne tomberont pas sous le coup de la loi.
Mme le président. - Amendement n°9 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 11
Supprimer les mots :
de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La création de cette nouvelle infraction suscite des inquiétudes chez les associations qui accompagnent des personnes à l'occasion de leur transition de genre. Certains adolescents ont besoin de temps pour se décider.
Je suis d'accord, madame la ministre, il est peu probable qu'un juge pénalise ces comportements. Mais nous tenons à cette disposition. Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable à l'amendement n°9 rectifié sexies.
Les amendements identiques nos13 et 15 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°9 rectifié sexies.
Mme le président. - Amendement n°4 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc, Longuet et C. Vial, Mmes V. Boyer, Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 15
Supprimer les mots :
, de l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°4 rectifié sexies n'est pas adopté.
Mme Laurence Cohen. - Nous sommes favorable à cette proposition de loi, susceptible de mettre fin à des pratiques d'un autre âge, humiliantes et traumatisantes. Il faut toutefois continuer à lutter contre l'homophobie, la lesbophobie et la transphobie, renforcer la prévention et la sensibilisation contre les discriminations envers les personnes LGBT+.
Les amendements de Mme Eustache-Brinio clarifient les positions et nous avons voté contre.
L'accompagnement des enfants et adolescents transgenres est long et très encadré ; il tient bien sûr compte de l'âge. Le malaise lié à l'identité de genre est une souffrance qui va bien au-delà des états d'âme propres à l'adolescence.
Je salue le rétablissement de la possibilité pour le juge de se prononcer sur le retrait, total ou partiel, de l'autorité parentale et j'espère que l'Assemblée nationale n'y reviendra pas.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
Mme le président. - Amendement n°19, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 3
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérées comme commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du premier alinéa, et donnent lieu à l'aggravation des peines prévues au présent article les infractions commises en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;
II. - Alinéa 5
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Après le 15° de l'article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérées comme commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du 5° ter, et donnent lieu aux peines prévues au premier alinéa les infractions commises en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet amendement rétablit la rédaction initiale du texte concernant les circonstances aggravantes.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Ce serait facteur de confusion. Le juge aurait le choix entre retenir ces circonstances aggravantes ou l'infraction autonome créée à l'article premier. Il en résulterait un risque de conflit de qualifications, ce qui est problématique au regard du principe d'égalité devant la loi pénale.
La suppression des circonstances aggravantes consolide la répression des thérapies de conversion autour du nouveau délit autonome, sachant que des poursuites peuvent être engagées sur plusieurs motifs en cas d'infractions multiples. La Chancellerie approuve la suppression de ces alinéas. Avis défavorable
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable compte tenu des difficultés d'articulation avec l'infraction autonome créée à l'article premier. On risque un concours de qualifications pénales.
Le Gouvernement préfère le nouveau délit de l'article premier, plus lisible ; ce sera une porte d'entrée pour le juge qui devra retenir d'autres qualifications comme la torture ou le viol s'il y a lieu.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
CHAPITRE II : Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans le système de santé
Mme le président. - Amendement n°5 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°5 rectifié sexies n'est pas adopté.
ARTICLE 3
Mme le président. - Amendement n°6 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°6 rectifié sexies n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°7 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de prescrire à un mineur des pratiques (bloqueurs de puberté, traitements hormonaux ou interventions chirurgicales) visant le changement de sexe.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Ce texte oublie les thérapies affirmatives de transition sur des mineurs qui croient être nés dans le mauvais sexe. Or ce sont des traitements parfois lourds, qui s'appuient sur des bases scientifiques de plus en plus controversées.
Des pays très engagés sur le sujet de la dysphorie de genre, comme la Suède, reviennent à des positions plus prudentes. D'où ma proposition d'interdire les bloqueurs de puberté et les traitements hormonaux sur les mineurs.
Enfin, madame la ministre, nous manquons de chiffres : combien de personnes, majeures ou mineures, ont subi ou subissent des thérapies de conversion en France ?
Mme le président. - Amendement n°20, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun traitement irréversible ou acte chirurgical sur les organes génitaux visant seulement à définir les caractéristiques sexuelles et à conformer l'apparence au sexe déclaré ne peut être entrepris avant que la personne mineure soit apte à y consentir après avoir reçu une information adaptée. En cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - En France, il naît environ 2 % d'enfants intersexués par an ; les parents, accompagnés de médecins, doivent déterminer administrativement le sexe de leur enfant, ce qui conduit parfois à des actes chirurgicaux qui sont en réalité des mutilations.
Cet amendement interdit toute intervention chirurgicale et tout traitement irréversible ayant pour objectif la conformation sexuée tant que le mineur concerné n'est pas apte à y consentir de manière éclairée et dès lors que le pronostic vital n'est pas engagé.
Mme le président. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Hors nécessité vitale immédiate, aucun acte médical visant à modifier les caractéristiques sexuelles ne peut être effectué sur une personne mineure tant que l'intéressée n'est pas en mesure d'exprimer par elle-même son consentement libre et après avoir reçu une information adaptée à son âge.
Mme Mélanie Vogel. - La vision binaire du genre dans notre société conduit à mutiler le corps des enfants intersexes, sans raison médicale, pour les conformer à l'un des deux genres. Leur corps est très bien comme il est. Modifions plutôt notre vision de la société !
Il convient d'interdire ces mutilations, dès lors qu'il n'y a pas nécessité vitale immédiate.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Mme Eustache-Brinio aborde la question délicate du parcours de transition des mineurs transgenre.
Certes, il faut faire preuve de prudence vis-à-vis des enfants qui s'interrogent sur leur identité de genre. C'est pourquoi aucun médecin ne pourra être poursuivi s'il invite le jeune à prendre le temps de la réflexion avant d'envisager un acte médical.
Toutefois, nous ne voulons pas interdire toute transition avant 18 ans.
Rappelons que cette proposition de loi porte sur les thérapies de conversion et non sur les parcours de transition - sujet qui relèverait d'ailleurs de la commission des affaires sociales.
Les professionnels de santé sont précautionneux et prennent le temps de s'assurer qu'ils sont bien face à une transidentité. Les transformations physiques liées à la puberté peuvent être très mal vécues ; les bloqueurs de puberté permettent de prendre le temps de réfléchir sereinement à la suite du parcours. L'hormonothérapie n'est autorisée qu'à partir de 16 ans.
Laissons aux professionnels la liberté d'adapter leurs traitements. Pourquoi attendre la majorité pour suivre un traitement qui aide à se sentir mieux ?
Le consentement conjoint des deux parents est de toute façon nécessaire pour tout acte médical non usuel sur un mineur.
Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié sexies.
Avis défavorable également aux amendements nos20 et 27 rectifié qui relèvent du médical.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Clarifions les choses : les pratiques que ce texte cherche à réprimer n'ont rien de commun avec l'accompagnement médical de la transidentité ou du changement de sexe librement consenti.
Le lien entre ces amendements et la proposition de loi n'est donc pas évident.
Les bloqueurs de puberté - qui ne visent pas forcément le changement de sexe - font déjà l'objet d'un encadrement légal. La loi Bioéthique a traité le cas des enfants présentant une variation du développement génital. Le code de la santé encadre la prescription de traitements, et le consentement des parents et du mineur est systématiquement recherché. Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié sexies.
Madame Eustache-Brinio, le phénomène des thérapies de conversion est difficilement quantifiable car elles sont par définition cachées. La création d'un délit spécifique, en permettant aux victimes de déposer plainte, consolidera les statistiques.
Avis défavorable aux amendements nos20 et 27 rectifié.
Mme Laurence Cohen. - Je suis sensible aux arguments de la ministre, mais il n'est pas inutile de faire référence aux enfants intersexes. J'avais déposé des amendements similaires lors de l'examen de la loi Bioéthique, inspirés de l'important travail réalisé par la délégation aux droits des femmes du Sénat en 2017.
Nous voterons les amendements nos20 et 27 rectifié.
À la demande du groupe UC, l'amendement n°7 rectifié sexies est mis aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°55 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l'adoption | 53 |
Contre | 283 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°20 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°27 rectifié.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Défendu.
Mme le président. - Amendement identique n°16, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Mme Mélanie Vogel. - Défendu.
Mme le président. - Amendement n°12 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous voulons rassurer les médecins qui ne font qu'accompagner les patients qui s'interrogent sur leur identité de genre. Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable à l'amendement n°12 rectifié sexies.
Les amendements identiques nos14 et 16 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°12 rectifié sexies.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
Mme le président. - Amendement n°10 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°10 rectifié sexies n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°30, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission.
Alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. - L'article 807 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 807. - Pour l'application de l'article 2-6, les références aux dispositions du code du travail figurant au premier alinéa sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement en matière de droit du travail. »
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il s'agit d'appliquer ces dispositions outre-mer.
Mme le président. - Amendement n°11 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis favorable à l'amendement n°30 ; avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié sexies.
L'amendement n°30 est adopté.
L'amendement n°11 rectifié sexies n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Mme le président. - Amendement n°8 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli.
Supprimer les mots :
ou l'identité de genre
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°8 rectifié sexies n'est pas adopté.
À la demande du groupe SER, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°56 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l'adoption | 305 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté.
Prochaine séance demain, mercredi 8 décembre 2021, à 15 heures.
La séance est levée à 18 heures.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 8 décembre 2021
Séance publique
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
Secrétaires : M. Loïc Hervé - M. Daniel Gremillet
1. Questions d'actualité
De 16 h 30 à 20 h 30
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer (texte de la commission, n°248, 2020-2021)
3. Proposition de loi tendant à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l'activité agricole et l'environnement, présentée par M. Pierre Louault et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°193, 202182022)
À 22 heures
Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président
4. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 16 et 17 décembre 2021