SÉANCE

du jeudi 18 novembre 2021

24e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : M. Dominique Théophile, Mme Corinne Imbert.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Lutte contre la maltraitance animale (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

Discussion générale

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un accord sur ce texte. Pour éviter le pire, nous le voterons. Le Sénat n'a pas lâché sur ses lignes rouges.

Le texte est équilibré et évite des effets de bord qui auraient pu être désastreux pour les professionnels.

Préférant l'efficacité aux effets d'annonce, le Sénat a agi selon trois axes : lutter contre l'abandon en encadrant les cessions d'animaux ; faciliter le travail des acteurs de terrain ; refuser le credo « interdire et laisser mourir » en trouvant des solutions pour le bien-être des animaux et l'avenir des professionnels.

Certaines dispositions finales nous laissent cependant un sentiment amer. Je regrette que la proposition du Sénat sur les animaux sauvages dans les cirques itinérants - qui prévoyait l'établissement d'une liste d'interdictions progressives, espèce par espèce - n'ait pas été retenue. Nous avons toutefois obtenu un délai de sept ans qui laisse le temps aux professionnels de s'organiser : c'était la moindre des choses pour les circassiens qui crient leur désespoir. Leur activité est légale, contrôlée et encadrée, mais elle est pourtant régulièrement entravée : il faut un véritable délit d'entrave pour faire cesser cette guérilla. Le Sénat a voté une proposition de loi en ce sens : la balle est désormais dans le camp des députés.

Les voleries ne relèvent pas de l'interdiction prévue, car elles sont non pas itinérantes, mais mobiles.

Les 21 dauphins et 4 orques présents en France pourront rester dans les parcs aquatiques, à certaines conditions. Nous évitons ainsi qu'ils finissent dans des piscines de luxe à l'autre bout du monde ou qu'ils soient euthanasiés.

Pour lutter contre l'abandon des animaux de compagnie, un certificat d'engagement sera signé par l'acquéreur, qui disposera en outre d'un délai de réflexion de sept jours. La cession en ligne sera contrôlée par les plateformes : c'est une avancée historique due au Sénat.

Le Sénat a rétabli la vente de tous les animaux de compagnie en animalerie, à l'exception des chiens et chats. Seuls les refuges pourront proposer leurs animaux en magasin, mais le danger de voir plonger le secteur dans l'illégalité reste entier.

Je me félicite de la reconnaissance législative des associations sans refuge, dont l'existence était menacée à l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale : ce sont des acteurs de terrain essentiels.

Je me réjouis également des réponses apportées contre la zoophilie et la zoopornographie ; et de la suppression de l'obligation absurde imposée aux maires de faire stériliser les chats sans compensation financière ou de créer une fourrière dans chaque commune.

Ce texte est in fine équilibré, opérationnel ; il est plus pragmatique et moins idéologique. Je vous invite à l'adopter.

Je me contenterai d'un remerciement, pour conclure, aux professionnels exceptionnels, passionnés et passionnants, que j'ai eu la chance de rencontrer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Je suis heureuse et même émue de voir aboutir cette évolution majeure pour le respect du règne animal. Nos valeurs sont vivantes, elles évoluent. Avec ce texte qui porte des mesures ambitieuses, nous assumons notre responsabilité morale collective.

En septembre 2020, Barbara Pompili annonçait le souhait du Gouvernement de voir cesser la présence d'animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums et d'interdire les élevages de visons d'Amérique pour leur fourrure. En décembre 2020, Julien Denormandie annonçait la mise en place de certificats de sensibilisation à l'achat ou à l'adoption d'animaux de compagnie. Ces mesures sont désormais inscrites dans la loi. Et le parcours législatif l'a enrichie d'autres décisions courageuses.

Mme la rapporteure, vous avez eu le souci de la nuance et de l'équilibre. Cette CMP conclusive est une belle victoire. Les débats ont été d'excellente tenue et je remercie tous les sénateurs pour leur mobilisation.

Le Gouvernement accompagnera les professionnels dans la perspective de l'interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants, comme nous le faisons depuis la crise sanitaire. Ainsi, quelque 2,4 millions d'euros ont déjà été versés aux professionnels du cirque pour le nourrissage et le soin.

Je réaffirme ici notre soutien au cirque : je sais l'attachement des circassiens à leurs animaux et combien les évolutions prévues peuvent être douloureuses. La transition doit être la plus sereine possible.

Il faudra accompagner la reconversion des professionnels et trouver des solutions d'accueil garantissant le bien-être des animaux.

Pour les cétacés, le délai est de cinq ans, avec néanmoins quelques dérogations - sanctuaires, centres de soins et programmes scientifiques - sur lesquelles nous serons vigilants. Les refuges et les sanctuaires ont été définis dans le texte : pas d'exploitation à but lucratif ni de contact direct avec le public ou de numéros de dressage.

Je me félicite aussi de la fin des élevages de toutes les espèces non domestiques pour leur fourrure. Il y a un an, lorsque le Gouvernement annonçait son intention de les fermer, il y avait quatre élevages en France, seulement un aujourd'hui. Les trois autres ont été accompagnés dans leur transition. Voilà la preuve de l'efficacité de notre démarche.

Le texte présente des avancées pour les animaux domestiques dans le combat contre la maltraitance, avec un volet de sensibilisation et de prévention des abandons, en responsabilisant les acquéreurs via un certificat d'engagement et de connaissance. Les textes d'application seront rapidement publiés.

La vente en ligne est mieux encadrée, grâce au travail que nous avions engagé avec les vétérinaires dès la fin 2020.

La vente en animalerie des chiens et chats sera interdite en 2024 pour lutter contre les achats impulsifs et limiter les abandons.

Avec ce texte, nous confirmons notre responsabilité individuelle et collective vis-à-vis des animaux.

Une sensibilisation à l'éthique animale sera dispensée dans le cadre du service national universel (SNU) ainsi qu'à l'école primaire, au collège et au lycée dans le cadre de l'enseignement moral et civique. Je m'en félicite, car les enfants peuvent sensibiliser à leur tour leurs parents.

Nous accompagnons aussi le recueil des animaux abandonnés et je salue le rôle des refuges, des associations et des familles d'accueil qui réalisent un travail formidable. Merci aussi aux élus locaux et aux vétérinaires.

La gestion de l'errance animale a également été modernisée. L'expérimentation sur la stérilisation des chats errants nous permettra de mieux lutter contre la surpopulation féline, avec 15 millions d'euros supplémentaires prévus dans le plan de relance.

Les sanctions pour maltraitance sont renforcées. La présence d'animaux - domestiques ou non - sera interdite en discothèque, tout comme celle d'animaux sauvages sur les plateaux de télévision.

Ce texte est marqué par le progrès. Nous sommes en phase avec l'histoire et les attentes des Français. Ce texte est une fierté pour nous tous. (M. Éric Gold applaudit.)

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

En conséquence, le vote sur les amendements et les articles sera réservé.

Nous passons à la présentation des amendements du Gouvernement avant d'en venir aux explications de vote des groupes.

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 2 BIS C

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les amendements du Gouvernement sont rédactionnels ou de précision.

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure.  - Avis favorable à tous les amendements.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  À l'article L. 212-7 du code rural et de la pêche maritime, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « dernier ».

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Défendu.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par une ligne ainsi rédigée :

L. 211-26

Résultant de l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement

 

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Défendu.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 18

1° Au début

Insérer la référence :

II bis.  -  

2° Remplacer les mots :

l'interdiction prévue au premier alinéa du I

par les mots :

les interdictions prévues aux I et II

II.  -  Alinéa 19

Au début

Insérer la référence :

II ter.  -  

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Défendu.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

de l'article 12

par les mots :

des articles 12 et 13

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Défendu.

M. le président.  - Le vote est réservé.

Interventions sur l'ensemble

M. Daniel Salmon .  - Voici une nouvelle étape dans la lutte contre la maltraitance animale. Je remercie les députés qui sont à l'origine de ce texte, ainsi que les associations, les citoyennes et les citoyens qui oeuvrent dans ce domaine.

Le GEST aurait aimé aller plus loin, mais ce texte comporte des avancées et nous saluons les apports de la commission sur les sanctions ou les associations sans refuge. Le texte, hélas, n'évoque ni la chasse ni la corrida.

Le GEST se félicite de l'interdiction très attendue de la vente des chiens et chats en animalerie à l'horizon 2024, à l'exception des animaux de refuge.

Le certificat d'engagement est utile, tout comme le délai de réflexion de sept jours.

Nous nous félicitons également du renforcement des sanctions et de l'interdiction des animaux dans les cirques itinérants et dans les delphinariums. Restons cependant vigilants sur la sédentarisation des cirques itinérants. L'État doit accompagner les cirques à aller vers des spectacles sans animaux.

Nous nous réjouissons aussi de l'interdiction à effet immédiat des élevages de visons et autres espèces non domestiques destinés à l'industrie de la fourrure.

Nous avons cependant quelques regrets, notamment sur le système de labellisation des sites de vente en ligne : l'interdiction pure et simple de la vente sur les sites non spécialisés aurait été autrement plus efficace. Seuls les professionnels doivent être autorisés à vendre en ligne, sur des sites spécialisés.

Les chats errants sont un problème de santé publique. L'État doit davantage soutenir les collectivités. Nous suivrons avec attention les travaux de l'Observatoire de la protection des animaux de compagnie en ce domaine.

Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment sur les conditions d'élevage industriel. Pour lutter contre la souffrance animale, notre agriculture doit changer de modèle. Nous y reviendrons.

Le GEST votera ce texte encore timide, mais qui acte des progrès majeurs.

M. Fabien Gay .  - Malgré ses imperfections, cette proposition de loi est une avancée dans la lutte contre la maltraitance animale. En la matière, nous partions de loin. C'est pourquoi le CRCE l'avait votée en première lecture.

Le texte de compromis de la CMP comporte des avancées, notamment pour les cirques et les delphinariums. Merci à notre rapporteure d'avoir proposé une solution pour accueillir ces animaux, promis à l'euthanasie par l'Assemblée nationale.

Nous sommes plus mitigés sur les animaleries. Oui, les animaux qui y sont vendus proviennent souvent d'élevages d'Europe de l'Est, sevrés trop tôt et transportés dans de mauvaises conditions.

M. Stéphane Piednoir.  - Caricature !

M. Fabien Gay.  - Les animaux ne sont pas des objets ou des marchandises que l'on pourrait jeter après achat. Et il n'est plus acceptable que des animaux sauvages soient maintenus en captivité pour être exhibés dans un environnement qui n'est pas le leur.

Ce texte doit réellement s'appliquer, notamment s'agissant des delphinariums : attention aux dérogations prévues.

L'accord en CMP nous oblige à une action plus globale en faveur des animaux. Il faut revoir notre modèle d'élevage intensif avec le monde agricole. L'impact des pesticides est également néfaste à la biodiversité.

Nous ne pourrons plus occulter le sujet de la souffrance animale. La recherche effrénée du profit dans nos sociétés capitalistes se fait au détriment de la vie animale. (M. Stéphane Piednoir le conteste.)

Ce mode de production réduit l'animal à une marchandise parmi tant d'autres ; aucune compensation ne pourra jamais remédier à la disparition des espèces.

Il faudra se saisir vraiment de cette question qui préoccupe nos concitoyens et aller plus loin.

Madame la ministre, et chers collègues qui avancez des arguments que j'aimerais entendre plus souvent à la tribune, et moins souvent en échos lancinants derrière un masque, il faudra engager une réflexion sur notre rapport aux autres espèces. Vos interpellations ne me feront pas reculer ; je ne l'ai jamais fait sur un terrain de rugby, je ne le ferai pas davantage ici.

Le groupe CRCE votera cette proposition de loi qui constitue une première étape. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Paul Prince .  - La CMP est parvenue à un accord le 21 octobre. Le dialogue entre le Sénat et l'Assemblée nationale a été apaisé et les débats fructueux, sur un sujet pourtant si délicat et passionné. Merci à notre rapporteure et à notre présidente. Je me réjouis que de nombreux apports du Sénat aient été conservés.

Les relations entre l'homme et l'animal ont considérablement évolué. Autrefois, nous utilisions leur force dans l'agriculture et les transports ; les énergies fossiles et renouvelables les ont libérés de cette servitude.

Descartes les considérait comme des machines, le code napoléonien comme des choses. La reconnaissance de leur sensibilité est venue progressivement, puis inscrite dans la loi du 10 juillet 1976.

Les animaux sauvages de spectacle souffrent du dressage et de la vie itinérante. Il était nécessaire d'agir, mais de manière ordonnée, en laissant le temps aux professionnels de s'adapter et trouver des hébergements convenables pour leurs animaux. Les délais prévus par le texte sont appropriés et la création d'une commission consultative pour la faune sauvage captive par le Sénat est utile.

L'Assemblée nationale a voté l'interdiction de la vente en animalerie à l'horizon 2024 : c'est discutable, car ces établissements sont déjà strictement réglementés. De plus, il est à craindre que la vente en ligne entre particuliers bénéficie des nouvelles restrictions. L'interdiction de la présentation des animaux en vitrine, introduite par le Sénat, a heureusement été conservée.

Concernant l'interdiction des manèges à poneys, le terme de carrousel, trop générique, risquait de dépasser l'intention du législateur et de toucher de nombreuses activités impliquant des chevaux, comme le Cadre noir de Saumur ou les animations équestres de Chambord et du Puy du Fou. La réécriture de l'article par le Sénat a été conservée.

Dans l'ensemble, ce texte est porteur de progrès. J'espère que son adoption contribuera à l'apaisement dans ce domaine, marqué par des oppositions virulentes et des débordements.

La majorité du groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Éric Gold .  - On oublie trop souvent que, sur de nombreux textes, le travail de concertation entre députés et sénateurs permet d'aboutir à un accord.

Nous renforçons la protection des animaux. Certaines dispositions vont dans le sens de l'Histoire. Les mentalités ont évolué : il est bon que le législateur s'y conforme.

D'ici deux ans, loups ou ours seront interdits dans les spectacles itinérants. D'ici cinq ans, ce sont les cétacés qui seront concernés et d'ici sept ans, les animaux sauvages des cirques itinérants. Ce texte marque en outre la fin des élevages de visons pour la fourrure. Une liste limitative des animaux non domestiques pouvant être détenus comme animaux de compagnie sera établie.

Il fallait en finir avec les 100 000 abandons d'animaux domestiques constatés chaque année, un record européen qui nous fait honte. Un certificat d'engagement et un délai de réflexion de sept jours seront imposés, afin d'éviter les achats compulsifs. Il ne sera plus possible de céder ou donner un animal de compagnie à un mineur sans assentiment préalable de ses représentants légaux.

La vente de chiens et chats en animalerie sera interdite - sauf pour les animaux de refuge - à l'horizon 2024. Les autres animaux ne pourront plus être présentés en vitrine. La vente en ligne d'animaux de compagnie sera mieux encadrée. Le RDSE a d'ailleurs fait adopter un amendement imposant la mention du nombre de portées de la femelle au cours de l'année écoulée.

Les animaux ne sont pas des biens de consommation courante : ce sont des êtres doués de sensibilité. L'arsenal juridique contre la maltraitance animale sera renforcé, avec notamment la levée du secret professionnel des vétérinaires. Les peines pour atteinte sexuelle, abandon, mise à mort, sévices graves ou actes de cruauté seront aggravées, avec une circonstance aggravante si ces actes sont commis devant un mineur.

Le renforcement des dispositions pénales s'accompagnera de mesures de prévention : le stage de prévention remplacera ou complétera les peines d'emprisonnement dans un objectif de lutte contre la récidive. Un module sur l'éthique animale figurera au programme du service national universel et de l'enseignement moral et civique.

Le groupe RDSE votera sans réserve ce texte, fruit d'un travail de concertation transpartisan. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Michelle Meunier et M. Jean-Paul Prince applaudissent également.)

Mme Esther Benbassa .  - Les résultats des travaux du Sénat en première lecture étaient décevants. La CMP a redonné de la consistance au texte, mais mon engagement contre la maltraitance animale m'oblige à signaler ses lacunes.

L'interdiction de l'exploitation d'animaux sauvages dans les spectacles de divertissement est une avancée, mais je regrette le délai excessif laissé aux acteurs concernés. Deux ans, c'est injustifiable : que deviendront les animaux nés dans cet intervalle ?

Je félicite néanmoins les cirques qui ont mis en place des alternatives innovantes comme les hologrammes animaliers : il est possible de divertir sans causer de souffrance.

L'encadrement du commerce des chiens et chats est également une avancée louable : l'offre trop importante facilite les acquisitions non réfléchies, et par conséquent les abandons - il y en a 300 000 par an !

Mais cela ne dissimule pas le bilan décevant de ce quinquennat : où est la vidéosurveillance des abattoirs promise par Emmanuel Macron, l'encadrement du transport, l'amélioration des conditions de vie ?

La faune sauvage est complètement oubliée. Pour des raisons clairement électorales, des avantages exagérés sont accordés aux chasseurs. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Vive la chasse !

Mme Esther Benbassa.  - Une réforme globale et ambitieuse du droit animal aurait été bienvenue; mais je voterai ce texte.

M. Franck Menonville.  - Oui, vive la chasse !

M. Jean-Claude Tissot .  - La CMP est parvenue à un compromis sur ce texte. Au cours de son examen, nous avons constaté la mobilisation et l'émoi que suscitait cet enjeu. Les débats ont été très animés : c'est la vitalité de notre démocratie.

Les attentes de nos concitoyens et des associations étaient fortes.

Plusieurs dispositions ambitieuses ont été confirmées en CMP : le certificat d'engagement et de connaissance avant toute acquisition, la suppression de la vente des chats et chiens en animalerie, l'encadrement de la vente en ligne, les sanctions renforcées contre la maltraitance et la zoophilie, l'interdiction à terme de l'exhibition d'animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums - dans des délais que la CMP a fixés au bon niveau.

Le texte ignore pourtant certains sujets sensibles, soigneusement évités par la majorité présidentielle à l'approche de l'élection. Il aurait fallu ainsi aborder la question de l'élevage.

Nous avons pu défendre les collectivités territoriales, qui assumeront leur juste part dans la lutte contre la maltraitance, sans qu'il leur soit demandé d'effort financier incohérent, notamment pour la stérilisation des chats errants. Sur ce point, l'expérimentation dans les communes volontaires est une bonne solution.

J'ai voté les conclusions de la CMP, au nom du groupe SER, et je réaffirme notre soutien à ce texte ambitieux. Notre mobilisation pour le bien-être animal se poursuivra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bernard Buis .  - Nous n'étions pas tous optimistes sur l'issue de la CMP. Mais nous y sommes arrivés ! Ce texte apporte des mesures concrètes qui changeront le quotidien de nos animaux. Le RDPI le votera sans réserve.

Entre l'approche pragmatique du Sénat et l'approche volontariste de l'Assemblée nationale, il paraissait difficile de trouver une issue commune. À force de concertation et de compromis, nous avons su dépasser les logiques partisanes. Les discussions ont abouti - certes tard le soir - à un vote de bon sens et de sagesse.

Un compromis a été trouvé sur les cirques itinérants : une interdiction des animaux sauvages dans un délai de sept ans a été votée, si toutefois une solution d'accueil est trouvée pour ces animaux. Pour les delphinariums, l'échéance est à cinq ans, avec possibilité d'accueil dans des refuges.

L'interdiction de vente en animalerie des chiens et chats en 2024 a été maintenue sur l'insistance de l'Assemblée nationale, mais les ventes d'animaux en refuge seront possibles. Une coopération entre les animaleries et les associations s'engagera afin de favoriser les adoptions.

Sur la stérilisation des chats, une expérimentation de cinq ans sera mise en oeuvre dans le cadre de conventions de gestion. Je salue particulièrement les maires drômois présents en tribune. Je songe à ma commune de Lesches-en-Diois, cinquante habitants, ou à Rochefourchat, qui n'en a qu'un seul.

Je me réjouis de la fin immédiate des élevages de visons.

Au total, les propositions de ce texte amélioreront le bien-être des animaux. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont su faire oeuvre commune pour le bien de nos concitoyens. J'en appelle à cette même coconstruction sur le texte relatif à la régulation du foncier agricole. Notre crédibilité en sortirait grandie. (Mme la  présidente de la commission des affaires économiques sourit.)

M. Emmanuel Capus .  - « Le véritable test moral de l'humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Milan Kundera avait raison... Si nous ne nous saisissons pas du sujet de la maltraitance animale, personne ne le fera.

Il faut se féliciter de l'accord trouvé par la CMP, qui s'inscrit dans une tendance de fond. C'est un texte d'équilibre.

Près de la moitié de nos concitoyens possèdent un chat ou un chien. Nous ne croyons pas qu'un animal domestique soit un animal maltraité. Le lien avec l'animal fait partie de l'histoire de l'humanité - pour le chien, cela date de plusieurs dizaines de millénaires ! Il ne faut pas y renoncer, mais mieux protéger les animaux, qui ne sont pas les égaux des humains mais des êtres sensibles. Le certificat d'engagement va dans ce sens ; même s'il peut paraître symbolique, il permet de s'assurer que les fondamentaux sont connus.

La vente en ligne d'animaux de compagnie sera interdite, et c'est heureux : les animaux ne sont pas de simples marchandises.

Les animaux en animalerie ne devront pas être visibles depuis la rue, afin d'éviter les achats impulsifs. Je doute toutefois de la pertinence d'une interdiction générale de la vente de chats et de chiens dans ces commerces : il fallait soit considérer que ces professionnels sont compétents - ce que nous croyons - soit interdire la vente de tous les animaux. Une exception est ménagée pour les animaux de refuge, afin d'éviter l'euthanasie -  un échec - pour les 100 000 animaux abandonnés chaque année.

L'État et les collectivités territoriales se coordonneront mieux, grâce à ce texte, pour traiter le problème des chats errants - particulièrement sensible dans le Nord, comme l'a rappelé Jean-Pierre Decool.

Le montant de l'amende pour l'importation d'espèces protégées est porté de 7 500 à 30 000 euros.

Je salue aussi le renforcement des sanctions contre la maltraitance, en particulier quand les faits sont commis en présence de mineurs. Cependant, la réponse pénale n'est pas la panacée, au vu de l'engorgement de la justice, du fait du manque de magistrats. La sensibilisation et l'éducation sont à privilégier.

Enfin, la CMP a décidé l'arrêt progressif des spectacles animaliers : dans cinq ans pour les delphinariums, dans sept ans pour les cirques.

Ce texte, pragmatique, apporte de nombreuses avancées. Malgré quelques regrets, le groupe Les Indépendants votera ce texte.

Mme Marie-Christine Chauvin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut rappeler que la protection des animaux n'est pas une préoccupation nouvelle. Dès 1850, la France a puni les mauvais traitements infligés publiquement.

En 2015, les animaux ont été reconnus comme des êtres vivants doués de sensibilité.

Face à l'attente sociétale importante, le texte issu de l'Assemblée nationale n'était pas une loi structurante. Mais son périmètre réduit a permis à notre rapporteure, malgré des délais restreints, de faire une analyse poussée.

Le Sénat a amplifié des mesures qui vont dans le bon sens, évité les effets de bords et cherché à maintenir une place pour les animaux dans notre société. La tentation est en effet grande, pour certains, de vouloir interdire toute détention d'animaux. La relation entre les hommes et les animaux doit pourtant être préservée.

Le Sénat a préféré des mesures opérationnelles, assorties de critères objectifs, pour améliorer les conditions de vie des animaux, par un statut dédié pour les 3 200 associations sans refuge mais actives et nécessaires. Il a autorisé la vente en animalerie à l'exception des chiens et des chats, car une interdiction sèche aurait favorisé un transfert vers des modalités de vente moins vertueuses. Il a encadré la vente en ligne -  la première animalerie de France !

Le Sénat a également aggravé les sanctions contre les maltraitances, les actes de cruauté, le vol d'animaux domestiques pour alimenter le trafic, la zoopornographie et a créé un délit d'atteinte sexuelle sur animal domestique.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°44 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 332
Contre     1

Le Sénat a adopté.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - J'ai entendu l'engagement pour le bien-être animal du Gouvernement, qui voit dans ce texte un mouvement historique ; mais il a fait une erreur de méthode. Il aurait fallu un projet de loi, avec un avis du Conseil d'État et un texte travaillé avec les professionnels et non contre eux - je songe notamment aux circassiens, particulièrement malmenés au début de l'examen. Je regrette les propositions de certains, dogmatiques pour être médiatiques, qui n'ont pas fait avancer le débat.

Jamais je n'avais examiné un texte dans de telles conditions...

Je remercie néanmoins les membres de la commission, les sénateurs et les ministres pour la qualité des échanges.

Les circassiens aiment leurs animaux. Je veux les assurer du soutien total du Sénat. Nous serons attentifs à la façon dont la loi sera mise en oeuvre. (Mmes Anne Chain-Larché, rapporteure, et Marie-Christine Chauvin applaudissent.)

La séance est suspendue quelques instants.

Confiance dans l'institution judiciaire(Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire ; et des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous voici réunis pour l'ultime examen de ces textes, au terme d'un chemin long et sinueux - plus proche du rallye corse que de la promenade de santé dans ses dernières semaines. (M. le ministre apprécie la comparaison.) Nous avons cependant abouti et nous en félicitons.

Si 53 % des Français ne font pas confiance à l'institution judiciaire, ils croient en ses professionnels.

Notre Agora de la justice comme le dernier colloque organisé par la Cour de cassation l'ont montré : il faudra une réforme de fond.

Je ne suis toujours pas convaincue que ce texte composite suffise à rétablir la confiance, mais il comporte des avancées dans plusieurs domaines comme l'organisation et la discipline des professions judiciaires, la force exécutoire des accords passés avec les avocats, l'enregistrement et la diffusion des audiences, la réforme des remises de peines et du travail pénitentiaire.

L'avertissement pénal probatoire remplace le rappel à la loi. Les cours criminelles départementales ne seront généralisées qu'au 1er janvier 2023, ce qui répond aux préoccupations du Sénat.

Le texte est le fruit d'intenses échanges. Certes, certaines dispositions, comme sur le secret professionnel des avocats, sont encore mal comprises, mais je fais confiance au talent pédagogique de Philippe Bonnecarrère pour l'expliquer. La pratique, je l'espère, lèvera les dernières réticences. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Monsieur le garde des Sceaux, contrairement à vos dires, vos arguments ne se sont pas heurtés à la muraille du Parlement. (M. le ministre conteste cette interprétation.) Preuve en est l'accord en CMP sur votre projet de réforme.

Ce texte porte sur les remises de peines, les cours départementales et l'organisation déontologique des professions juridiques.

La durée des enquêtes préliminaires sera limitée à deux ans, sauf exceptions liées aux enquêtes internationales. Nous vous avons finalement suivis sur le sujet, mais la bonne application de cette réforme dépendra du nombre d'enquêteurs judiciaires ; elle marque le grand retour du juge d'instruction - sur ce point, vous préemptez quelque peu les termes du débat aux états généraux de la justice, entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire...

La profession d'avocat a eu tendance à s'auto-définir, à s'auto-considérer comme bénéficiaire d'un secret professionnel général et illimité. Cela est vrai pour la défense, mais pas, en droit positif, pour le conseil. (M. le ministre approuve.) La solution trouvée sur ce dernier point me semble équilibrée.

Merci de votre attention et de votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. André Reichardt applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Après dix mois de travail, je me réjouis de l?accord trouvé en CMP. On sait depuis La Fontaine que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute ; pour ma part, j'aime le bicaméralisme et le second regard qu'il offre. À l'époque où j'étais avocat, c'était celui de la cour d'appel. Mais ne vous enflammez pas : le Sénat n'est pas la cour d'appel de l'Assemblée nationale ! (Sourires)

Ceux qui ont dit que nous nous opposions n'ont pas dit la vérité. Nous sommes tombés d'accord sur le secret professionnel des avocats, qui - Philippe Bonnecarrère a dit vrai - n'est pas absolu s'agissant du conseil, activité commerciale et de service.

Je salue la façon dont nous avons travaillé ensemble pour trouver des solutions.

Bien sûr, un texte ne peut suffire à restaurer la confiance - j'aimerais disposer d'une telle baguette magique ! - mais il y contribuera, notamment par l'enregistrement des audiences qui aidera le public à comprendre comment fonctionne la justice et évitera le « justice bashing ». La justice se fera ainsi mieux connaître, en entrant dans le salon des Français. La publicité est une grande garantie démocratique : dans les dictatures, la justice n'est pas publique.

Il est normal d'enserrer l'enquête préliminaire dans des délais. Elle ne doit pas devenir une enquête éternelle, qui constitue une violation patente des droits de l'homme, en ce qu'elle suspecte un homme pendant deux, trois, quatre ans - parfois plus ! - avec de graves atteintes à la présomption d'innocence. Nous redonnons des lettres de noblesse au jury populaire, qui ne pourra condamner que si une majorité des jurés s'exprime.

J'ai entendu le Sénat sur les cours départementales ; je suis presque convaincu sur la poursuite de l'expérimentation (M. André Reichardt s'en réjouit) car elle a eu lieu pendant la période du Covid. Je n'ai nullement l'intention d'être caporaliste...

Une juridiction nationale sera créée pour les crimes en série. C'est une avancée majeure pour les victimes.

Le rappel à la loi sera supprimé. Vous proposiez un délai de trois ans, je proposais un an ; ce sera finalement deux ans : quelle sagesse ! (Sourires) Il n'impressionnait plus que les honnêtes gens ! La période probatoire sera de deux ans et les violences ne seront pas concernées, non plus que les faits de récidive.

Nous avons encadré l'application des peines dans le sens des droits mais aussi des devoirs. Deux ans de remise de peine automatique, c'était hérétique !

Nous renforçons aussi le travail en prison afin de faciliter la réinsertion. Nous avons réussi à en faire augmenter le taux de 2 %, mais j'espère une hausse massive, car c'est gagnant-gagnant-gagnant pour le détenu, le patron, la société.

La codification des règles pénitentiaires était très attendue, tout comme le développement de la médiation.

Il était anormal qu'un justiciable se plaignant de son huissier, son notaire ou son avocat se voie jugé par ces mêmes gens. Nous avons mis en place l'échevinage en la matière.

Je sais ce que pense le Sénat du secret professionnel des avocats, tant nous avons travaillé - bossé, oserais-je dire - ensemble sur le sujet. Nous avons également réfléchi avec les avocats, qui n'ont pas du tout été exclus. Beaucoup de choses n'ont pas été comprises. Mais personne ne pourra dire que nous avons été les fossoyeurs du secret professionnel. C'est le contraire !

Beaucoup d'avocats nous remercient et comprennent les avancées considérables apportées au secret de la défense comme au secret du conseil, dont nous allons reparler dans quelques instants.

Mme le rapporteur, vous m'avez rappelé à l'humilité : elle ne m'a jamais quitté. Il reste beaucoup de travail pour rétablir la confiance en la justice ; cela ne se fera pas en un texte. Les états généraux évoqueront un grand nombre d'autres voies de modernisation de l'institution judiciaire. Une vision transpartisane des choses est indispensable. Il n'y a pas une justice LREM, LR, ou LFI...

Mme Éliane Assassi.  - Il n'y en a pas ici, des LFI !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je ne vous oublie pas, madame la présidente... (Sourires)

J'ai entendu à de nombreuses reprises que ce texte était un patchwork de mesures. Mais il y a de jolis patchworks. Ce texte est issu des constats divers que j'ai pu dresser au cours de ma longue carrière. J'ai pensé que ces différentes mesures étaient de nature à renforcer, au moins modestement, la confiance des Français dans l'institution judiciaire.

Je suis heureux de présenter aujourd'hui le dernier amendement de fond pour que ce texte entre en vigueur aussi vite que possible. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, et sur quelques travées du groupe Les Républicains)