SÉANCE

du mercredi 10 novembre 2021

19e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J'appelle chacun de vous à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres et du temps de parole.

Je vous remercie de votre présence, si nombreux, à l'hommage rendu ce midi aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France, qui anticipe les cérémonies auxquelles nous participerons demain.

Annonces du Président de la République (I)

Mme Cécile Cukierman .  - Selon UFC-Que choisir, un foyer qui devait payer 1 030 euros de facture d'électricité s'acquittera en réalité de 1 400 euros en 2021... Les 100 euros de chèque énergie ne suffiront pas. Cette baisse substantielle du pouvoir d'achat s'ajoute à la hausse du prix des carburants.

Or le projet de loi de finances ne prévoit rien pour faire contribuer les grands groupes pétroliers à la solidarité nationale et à la baisse du coût de l'énergie : allez-vous le leur demander ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Nous avons beaucoup fait en faveur du pouvoir d'achat (marques d'ironie à gauche), en créant plus de 500 000 emplois et en faisant en sorte que chacun puisse en vivre dignement. Il ne faut pas non plus oublier la prime d'activité, augmentée pour 4,4 millions de foyers, la suppression des cotisations chômage et maladie pour 29 millions d'actifs, la suppression de la taxe d'habitation, la baisse de l'impôt sur le revenu, la revalorisation des salaires des professionnels de santé et des fonctionnaires aux revenus les plus modestes... (Mme Éliane Assassi proteste.) Ce sont des actions concrètes au service des Français et de leur pouvoir d'achat.

Nous avons créé un bouclier contre l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité. Le chèque énergie de décembre, de 100 euros, s'ajoutera au précédent, de 150 euros.

Notre combat pour le nucléaire et la décarbonation accompagne la défense du pouvoir d'achat, comme l'aide à la rénovation thermique pour 450 000 foyers. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman.  - Le bénéfice de Total Énergies a été multiplié par 23 ! Or le président candidat, hier soir, était dans l'autosatisfaction. Il a évité la question du pouvoir d'achat mais a stigmatisé les chômeurs, repris la vieille formule du « travailler plus et plus longtemps » et il n'a rien dit sur une hausse des pensions, des salaires et des retraites.

Sortons de cette spirale qui plonge de plus en plus nos concitoyens dans la précarité. Ces femmes et ces hommes ne sont pas les coupables des difficultés de notre pays mais les premières victimes !

La valeur travail ne se décrète pas : il faut mener immédiatement des négociations pour revaloriser salaires, pensions et retraites ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

Services publics de proximité

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP) Selon l'IFOP, 75 % des Français sont attachés aux services publics de proximité.

Il y a quelques jours, l'Assemblée nationale a approuvé le versement de plus de 500 millions d'euros au groupe La Poste, pour maintenir son rôle historique de service public, en dépit de la baisse du volume du courrier. L'État l'avait promis, et cette promesse sera tenue. (Marques d'ironie à gauche) Dans leur rapport, nos collègues Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon avaient appelé de leurs voeux une telle dotation budgétaire, afin de maintenir un service postal universel sur tout le territoire.

Nous saluons le respect de cet engagement pour soutenir l'économie et maintenir des services publics de proximité.

Des inquiétudes légitimes demeurent néanmoins. Comment maintenir des services publics de proximité et de qualité dans nos territoires, notamment ruraux ? Nous devons répondre au sentiment d'abandon et de déclassement de certains de nos compatriotes ; il contribue à la crise de confiance entre le pays et ses élus. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Maintenir des services publics de qualité et de proximité est une des priorités du Président de la République depuis 2017. (Exclamations et marques d'ironie à gauche)

Nous menons une action concrète pour que tous les Français aient accès à des services publics de qualité.

France Services, piloté par Jacqueline Gourault, comprend 1 500 lieux sur le territoire pour que tous nos concitoyens ont accès, à moins de 30 minutes de chez eux, à neuf services publics du quotidien : retraite, assurance maladie, pôle emploi, allocations familiales,... La Poste est un partenaire important de ces maisons.

Votre département compte déjà 15 espaces France Services et nous allons en doubler le nombre.

Il n'y a pas lieu d'opposer numérique et présence physique : ils sont complémentaires. Nous investissons fortement sur le numérique dans le cadre du plan de relance.

L'important, c'est que chacun trouve ce dont il a besoin. Toute démarche doit pouvoir être menée soit en ligne, soit par téléphone, soit physiquement. Le service public doit être accessible partout, à tous, sous toutes ses formes. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Lutte contre le Covid

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Président de la République, hier soir, indiquait que le passe sanitaire serait conditionné, pour les plus de 65 ans, à l'administration d'une dose de rappel. Cette mesure sera-t-elle étendue à toute la population ?

À quelles conditions le passe sanitaire pourrait-il être levé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - (Marques d'ironie à gauche où l'on feint de se féliciter de la présence du ministre.) Peut-être n'étiez-vous pas présents, mais j'étais dans cet hémicycle avant-hier et hier soir pour le PLFSS... (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La vaccination prioritaire pour les plus de 65 ans s'explique par un système immunitaire un peu plus fragile dans cette catégorie d'âge. Les trois quarts des plus de 65 ans éligibles ont d'ailleurs déjà reçu la dose de rappel.

Le passe sanitaire, c'est un moindre risque de se contaminer et de contaminer les autres ; d'où notre incitation à une dose supplémentaire de vaccin !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous ne répondez pas à la question !

M. Olivier Véran, ministre.  - Le rappel de vaccination s'étendra progressivement aux autres catégories d'âge. Nous n'avons pas encore de retour sur l'évolution de l'immunité pour les populations plus jeunes. Nous agirons en fonction des données scientifiques à notre disposition.

Alors que l'épidémie est en recrudescence, ce n'est pas le moment d'envisager la fin du passe sanitaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Jomier.  - Vous dessinez là un maintien du passe sanitaire sur plusieurs années. Certes, la vie en société impose des obligations, mais avec cet outil, vous changez de paradigme : vous étendez sans limite le champ des contrôles systématiques, en lieu et place des contrôles aléatoires et posteriori, marque d'une société où s'exercent les libertés démocratiques. Le Conseil constitutionnel ne nous a pas éclairés sur ce point, ce qui est regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE et du GEST)

Arrêté sur les abeilles

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous ne savons plus à quels essaims nous vouer. (On apprécie.) La production de miel cette année est deux fois inférieure à celle de l'an dernier, qui était déjà en déclin. Les causes sont multiples : événements météorologiques, évolution du climat, pesticides, malgré les immenses efforts de nos agriculteurs.

Einstein avait estimé que la fin des abeilles annoncerait celle de l'humanité... Un observatoire d'apidologie a été créé à Mazaugues, dans le Var, près de mon village de Néoules, pour sélectionner des espèces d'abeilles plus résistantes, avec le soutien de l'Union européenne.

Un arrêté « abeilles » est attendu mais il subsiste un désaccord sur les heures d'épandage des pesticides autorisés. Il faut trouver un équilibre entre agriculture vertueuse et apiculture soucieuse. Quel sera le poids de la défense de la biodiversité dans la rédaction de cet arrêté ?

Après avoir employé massivement des pesticides tueurs d'insectes pollinisateurs pendant des années, ne donnons pas, après la nouvelle autorisation des néonicotinoïdes, l'impression de revenir en arrière. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Cette surmortalité des abeilles est scientifiquement établie, or les pollinisateurs sont indispensables à 70 % de nos cultures.

Un plan « pollinisateurs » - au champ plus large que l'arrêté que vous évoquez - a été annoncé en août 2020. La concertation a été très large. Ce plan vise à comprendre les raisons du déclin ; à encourager les bonnes pratiques, comme l'implantation de ressources mellifères et des fauches tardives ; et à adapter la règlementation sur l'emploi des produits phytosanitaires.

La révision de l'arrêté concerne les épandages en période de floraison, avec deux principes, évaluer le risque et protéger, sans pour autant laisser les agriculteurs sans solution.

Notre méthode : la concertation, l'éclairage scientifique et l'expérience de terrain.

Nous devons limiter les traitements pour protéger les abeilles tout en préservant les agriculteurs. Nous vous présenterons le plan et l'arrêté dans les prochaines semaines. (M. François Patriat applaudit.)

Annonces du Président de la République (II)

M. Guillaume Gontard .  - Le monde est face à son destin. La pandémie n'est pas terminée. Faute d'avoir levé les droits sur les brevets, le virus continue à circuler et à nous menacer.

Notre avenir se joue à Glasgow, pour une planète qui demeure habitable.

Plus que jamais nous devons imaginer le monde solidaire et coopératif d'après. La France va prendre la présidence de l'Union européenne en janvier. Or c'est le moment que choisit le Président de la République pour dessiner - en 27 minutes de discours - le monde d'hier, voire d'avant-hier : valeur travail martelée comme un mantra, stigmatisation des plus précaires, croissance, productivisme, nucléaire. Surprenants étendards des Trente Glorieuses, pour un homme n'ayant connu que la crise structurelle d'un capitalisme incompatible avec la préservation du vivant et la justice sociale.

Et quel satisfecit sidérant sur l'investissement en faveur de la santé alors que l'hôpital a perdu 5 700 lits en pleine pandémie, et sur le recul de la pauvreté alors que la misère s'amplifie toujours ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Face au concours Lépine inepte des propositions des candidats Les Républicains lundi soir (nouvelles protestations sur les mêmes travées), Emmanuel Macron est venu rappeler à ceux qui l'avaient oublié que la droite, c'est lui !

Qu'il annonce enfin qu'il est candidat et cesse d'utiliser les moyens de l'État pour faire campagne ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Est-ce une question ou un discours programmatique ?

Hier soir, le Président de la République est intervenu à un moment important pour fixer la feuille de route de mon Gouvernement pour les semaines et les mois à venir, en tenant compte de la situation mondiale et des préoccupations de nos concitoyens. Je ne partage ni votre diagnostic ni vos appréciations.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous n'êtes pas le seul.

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Le Président de la République a rappelé la nécessaire vigilance face à la reprise épidémique. C'est une pandémie mondiale ; il faut lutter partout dans le monde. Grâce à Covax, la France a donné des doses aux pays manquant de moyens. C'est le deuxième pays le plus généreux après les États-Unis. Nous devons en être collectivement fiers. (M. Martin Lévrier applaudit.)

J'en viens au travail. Oui, il y a des difficultés à recruter. Nous pouvons nous féliciter de la dynamique de la création d'emplois, grâce au plan de relance. Le taux de chômage est parmi les plus bas observés depuis quinze ans. Mais plus de 300 000 emplois ne sont pas pourvus, faute de candidats. S'ils l'étaient, le taux de chômage serait celui de 1982.

Nous ne stigmatisons personne ! On ne peut pas nous reprocher la suspension de la réforme de l'assurance chômage alors que le taux de chômage augmentait et nous critiquer aujourd'hui de l'avoir mise en oeuvre alors que les offres d'emploi se multiplient. Nous croyons à la valeur travail et proposons à ces personnes un meilleur emploi. Oui, il faut appliquer la réforme pour que le travail et l'activité progressent ; oui, nous assumons les contrôles pour faire en sorte que l'activité s'améliore dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Guillaume Gontard.  - On ne construira pas l'avenir avec les lunettes du passé. On ne réduira pas le chômage en pénalisant les plus précaires. Notre avenir sera écologique et solidaire ou ne sera pas. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Inflation et projets locaux

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Madame la ministre déléguée chargée de la ville, je m'étonne que ce soit vous qui soyez chargée de me répondre... Dans toute la France, les commissions des élus chargés d'allouer les dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR) ont commencé ou vont commencer leurs travaux. Les décisions d'attributions seront rendues en janvier et février pour un versement en mars. C'est un moment très important pour les territoires ruraux.

Or le contexte économique devrait donner une tournure particulière à ces rendez-vous : l'inflation fait son grand retour, ce qui se traduit par une forte augmentation des coûts des projets, faisant déraper les plans de financement.

Dans ces conditions, le Gouvernement va-t-il réviser l'enveloppe globale de la DETR ? Que comptez-vous faire face au retour de l'inflation ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - La réforme de la DETR et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) a été portée par le ministre Daubresse en 2005. Je partage vos interrogations concernant les conséquences de l'inflation sur les coûts des travaux publics.

Les collectivités réalisent la plus grande partie de l'investissement civil. L'augmentation des prix globaux est due à la hausse des prix de l'énergie, mais elle est mesurée et ne se répercute pas sur tous les chantiers, dont le prix final est celui du devis.

Ce sujet cependant est sans doute devant nous.

L'État continuera à soutenir l'investissement local avec 2 milliards d'euros supplémentaires de DETR, de DSIL et de dotation de politique de la ville (DPV) en 2022, des rallonges de 300 millions d'euros de DSIL pour financer les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et de 95 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU).

L'inflation aura aussi des conséquences positives sur les ressources fiscales des collectivités territoriales, ou encore sur la TVA dont la hausse pourrait rapporter 400 millions d'euros aux intercommunalités, 800 millions d'euros aux départements et autant aux régions.

Le Gouvernement soutiendra bien sûr les collectivités territoriales, comme il l'a toujours fait depuis 2017. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Alain Marc.  - Nous sommes des gens simples, mais nous savons monter des projets. Nous constatons des augmentations significatives de prix, jusqu'à 50 %. L'État doit répondre présent pour soutenir les collectivités. Ne nous endormez pas avec les chiffres de la DSU ou de la DETR ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Usine Saint-Gobain à Pont-à-Mousson

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a quelques jours, j'étais ravi d'entendre le Président de la République appeler à la réindustrialisation dans son discours sur la France de 2030.

Il existe hélas un écart entre les paroles et les actes...

En Meurthe-et-Moselle, à Pont-à-Mousson, Saint-Gobain emploie 2 000 personnes et 50 % de son chiffre d'affaires est réalisé à l'exportation. Or le Gouvernement favoriserait l'implantation d'un concurrent indien dans le Sud de la France (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), dans un marché déjà en surcapacité. La colère est légitime pour une entreprise vertueuse qui décarbone sa production et maintient son activité en France. Je déplore également le non-respect du principe de réciprocité : l'Inde, elle, est totalement fermée aux importations.

Confirmez-vous cette nouvelle ? La justifiez-vous ? Quelle stratégie de réindustrialisation proposez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Vous avez rencontré Bruno Le Maire sur le sujet. Nous sommes très attentifs à la situation de cette usine, afin qu'elle ne tombe pas en de mauvaises mains.

Nous sommes vigilants quant au projet industriel et aux clauses sociales et environnementales. Nous avons soutenu le site de Pont-à-Mousson avec une aide de 2,5 millions d'euros pour y installer le plus grand four électrique d'Europe (Mme Sophie Primas proteste) en plus des 10 millions d'euros dont bénéficiera l'entreprise au titre du plan de relance et de la rénovation thermique. Saint-Gobain est l'un des principaux bénéficiaires.

Nous avons également travaillé sur les droits compensatoires et luttons contre la concurrence déloyale. Les acteurs étrangers cherchent, en conséquence, à s'implanter en Europe. L'entreprise qui s'installera en France, avec 200 emplois à la clé, est de taille modeste.

M. Jean-François Husson.  - Laissez-les où ils sont !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - L'entreprise produit des conduits en fonte d'une autre taille.

Il ne faudrait pas que ce site s'implante de l'autre côté de la frontière, en Allemagne ou en Italie par exemple. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Vous répondez à côté en citant l'Allemagne et l'Italie. Le marché français est en surcapacité de 50 %. Pourquoi investir dans un nouveau site alors que Saint-Gobain est une entreprise vertueuse soutenue par le plan de relance ?

Mme Guillotin, M. Nachbar et moi vous demandons de vous retirer du projet et de revoir votre copie : le soutien gouvernemental à ce dossier est inacceptable dans une campagne présidentielle qui semble avoir démarré hier soir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provôté et M. Jean-Marie Mizzon applaudissent également.)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Résorption de la dette Covid

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Un récent sondage révèle que huit Français sur dix sont inquiets du niveau de la dette publique.

Cantonner la dette Covid ne la remboursera pas. Quelle est votre stratégie de désendettement ?

Selon le Président de la République, le déficit serait de 5 % cette année - or 8,1 % étaient annoncés... Auriez-vous des chiffres cachés à transmettre au Parlement ? Nous aimerions débattre du projet de loi de finances avec de justes données.

Les dépenses exceptionnelles étaient nécessaires pour faire face à la crise. Aussi, nous avons voté les crédits correspondants, cautionnant l'endettement.

Mais il faut regarder l'avenir avec lucidité, comme nous l'avons fait Éric Bocquet et moi dans notre rapport commis au nom de la délégation à la prospective.

Le projet de loi de finances est-il lucide ? Où est la trajectoire vertueuse que nous devons à nos créanciers ? La France aurait-elle trouvé le secret de l'argent magique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Nous avons sauvé notre économie, notre appareil de production et les salariés. Grâce au plan de relance, l'économie repart. Cette politique a eu un coût, mais elle paie : la France affiche la trajectoire de croissance la plus dynamique d'Europe et le plus faible taux de chômage depuis quinze ans. Il y a dix-huit mois, personne ici n'aurait imaginé une telle situation... Nous avons pris nos responsabilités.

Nous avons annoncé, dans le projet de loi de finances rectificative, un déficit public à 8 % en 2021, 5 % en 2022. Il n'y a là aucune magie et les chiffres sont publics.

Les 165 milliards d'euros de dette Covid seront amortis d'ici 2042 grâce à la croissance, stimulée par la politique que nous avons menée durant la crise sanitaire.

C'est le rôle de l'État que de gérer, sur le long terme, une crise et ses conséquences. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Martin Lévrier.  - Bravo !

Mme Sylvie Vermeillet.  - Avec seulement 1,9 milliard d'euros d'amortissement l'année prochaine, comment éteindre la dette Covid d'ici 2042 ?

Selon le Fonds monétaire international (FMI), si les taux d'intérêt remontent, la charge de la dette française deviendra colossale. Il nous faut donc voter des budgets vertueux pour honorer la signature de la France. À cet effet, nous avons besoin de chiffres plausibles.

À la veille du projet de loi de finances, vous ne pourrez pas vous passer de notre sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Annonces du Président de la République (III)

Mme Frédérique Puissat .  - Merci au ministre de la Santé de me répondre, bien que ma question ne concerne guère son domaine d'action...

Les jours passent et se ressemblent. Millions et milliards se succèdent pour le plan de relance, le contrat Engagement jeune, l'indemnité inflation, France compétences... En moins de trois mois, 26 milliards ont été annoncés pour 2022, au mépris des institutions.

Les visites de ministres s'enchaînent autant que les annonces, dans un étrange mélange des genres. En Haute-Savoie, la secrétaire d'État Sarah El Haïry a rencontré les acteurs locaux, puis annoncé la création d'une association des jeunes de la majorité présidentielle dans le département.

Vous enchaînez les états généraux sur tous les sujets. Les derniers en date sont consacrés à la justice, alors que six textes ont déjà été votés par le Parlement sur le sujet depuis le début du quinquennat.

Est-il moral de faire campagne avec l'argent des Français en creusant la dette ? (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)

M. Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne .  - Le Gouvernement mène la politique qu'il entend mener depuis des années. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Les ministres en déplacement font leur travail auprès de nos concitoyens, rendent compte de notre action dans les territoires. Vous nous avez assez reproché de ne pas suffisamment nous rendre sur le terrain ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Le Gouvernement sera à l'oeuvre jusqu'à la dernière minute. Les Français l'attendent ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Frédérique Puissat.  - Quant à moi je n'attendais pas d'autre réponse...

Chaque jour, chaque soir, Emmanuel Macron achète son élection. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, du GEST et sur plusieurs travées sur groupe SER)

Prix de l'énergie en outre-mer

Mme Catherine Conconne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les prix de l'énergie flambent dans la dite outre-mer : plus de 20 % en un an ! Attention, car toutes les révoltes, les flambées de violence, comme en 2009, ont eu pour origine l'énergie. N'attendez pas une explosion !

Je sais que la réponse ne réside pas dans la fiscalité - les taxes de l'État sont nulles, celles des collectivités territoriales plus que raisonnables. Mais la fixation des prix se moque de la transparence. En deux ans, le prix du bidon de gaz, sur mon île, a augmenté de 50 % pour atteindre 32 euros, et la moitié du prix total, soit 16 euros, relève des coûts de distribution. Qui est rémunéré sur les 12 euros restants après la part du transporteur ? Sur quelle base ? Le manque de transparence nourrit un sentiment d'injustice et l'impression que la pwofitasyon perdure.

Nous ne pouvons pas être toujours plus pauvres et payer toujours plus cher. Le chèque énergie est un soulagement, pas une solution.

Madame la ministre, êtes-vous prête à faire la transparence sur la rémunération des intermédiaires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Vivette Lopez applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Nous entendons votre émotion face à la précarité énergétique et y répondons par des actions concrètes. Je pense notamment au supplément de 100 euros sur le chèque énergie qui concerne plus de 280 000 foyers en outre-mer.

Mme Catherine Conconne.  - Transparence !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Ils pourront acheter des bouteilles de gaz avec ce chèque et des avoirs seront possibles pour les montants non utilisés.

Vous avez raison : une diminution des taxes sur les carburants outre-mer n'aurait pas d'impact. En revanche, l'indemnité inflation - 100 euros versés aux Français dont le revenu mensuel est inférieur à 2 000 euros - bénéficiera à 38 millions de nos concitoyens, dont un million en outre-mer. (M. Victorin Lurel proteste.)

Nous veillons également à ce que la tarification évite les marges indécentes.

Le bouclier tarifaire sur le gaz - gel des tarifs réglementés pendant l'année 2022 - et l'électricité - augmentation limitée à 4 % - est appliqué, pour un coût de 5 milliards d'euros. Au total, ce sont quelque 10 milliards d'euros qui nous permettront de lutter contre la précarité énergétique. (Huées à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Fermeture de lits à l'hôpital

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement a prétendu piloter la crise en fonction de la saturation des hôpitaux. Or 20 % des lits de médecine seraient fermés.

Monsieur le ministre, vous contestez ces chiffres : selon vous, seulement 5 % des lits seraient temporairement concernés, avec une grande hétérogénéité selon les territoires. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime ce chiffre à 6 %. Comment expliquer cette discordance ?

Vous ne comptez que les lits fermés administrativement, pas ceux qui le sont faute de personnel. Combien de lits sont réellement fermés par manque de personnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Par ailleurs, pourquoi les Agences régionales de santé continuent à verser aux directeurs d'hôpitaux une prime liée à la réduction de la masse salariale et de la capacité hospitalière ? Pourquoi maintenir un tel critère ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Vous assénez des contre-vérités et faites des amalgames, car vous êtes mal informée. Il existe deux méthodes de comptage : l'une sérieuse, l'autre au doigt mouillé. L'étude de la FHF porte sur un tiers des hôpitaux, la mienne sur quinze centres hospitaliers universitaires. Toutes deux aboutissent à un taux de 5 à 6 % de lits fermés.

Nous avons plus de soignants cet automne qu'à l'automne 2019. Toutefois, 50 lits ont été fermés sur un parc de 12 000 pendant la période, car l'absentéisme a augmenté de 1 % - c'est compréhensible après la crise sanitaire. Mais l'hôpital tient bon.

Nous nous mobilisons pour développer les formations et renforcer l'investissement. Que voulez-vous ? Ne nous reprochez pas ensuite de dépenser trop d'argent public ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vos informations sur les directeurs d'hôpitaux relèvent de fake news. Ils ont été formidables tout au long de la crise sanitaire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Florence Lassarade.  - Nous n'habitons pas le même pays. Les malades pâtissent de cette situation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Négociations sur la pêche

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La France est un grand pays maritime ; à nous de préserver le potentiel qui en découle. Nous pensions que l'accord du Brexit avait été bien négocié. Hélas, 200 marins sont empêchés d'aller pêcher dans les 6 milles nautiques au large des côtes britanniques et des îles anglo-normandes. C'est anormal. Des mesures de rétorsion ont été annoncées la semaine dernière, mais rien n'est réglé.

Où en sont les négociations ? Quelles mesures complémentaires entend prendre le Gouvernement pour accompagner la filière pêche et mareyage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - Vous avez raison de souligner la gravité de la situation. Le problème n'est pas l'accord signé fin 2020, qui entérine un compromis sur les quotas de pêche et une renégociation dans six ans. Le problème, c'est qu'il n'est pas respecté !

Depuis dix mois, nous nous battons sans relâche avec Annick Girardin, avec les élus des régions concernées et les professionnels, pour obtenir les licences. C'est fait pour la zone économique exclusive ; il en manque environ 200, soit qu'elles soient encore provisoires, soit qu'elles n'aient pas encore été octroyées.

Notre fermeté a amené les Britanniques à dialoguer, et j'ai reçu lord Frost la semaine dernière. Les petits navires de moins de douze mètres ne peuvent pas présenter de preuves de géolocalisation, non plus que les bateaux de remplacement : les Britanniques imposent des critères qui ne sont pas prévus par l'accord ! Nous demandons l'application stricte de l'accord et serons d'une fermeté absolue.

Nous mobilisons 100 millions d'euros pour aider la filière à surmonter ces difficultés temporaires, mais les pêcheurs veulent avant tout reprendre leur activité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Canévet.  - Cela dure depuis onze mois... Le moment est venu d'imposer des mesures de rétorsion pour obtenir satisfaction.

Plus le temps passe, plus la perspective d'une solution s'éloigne, et plus l'inquiétude monte sur les quais.

Il faut apporter des réponses d'ici les Assises sur la mer, qui se tiendront à Saint-Pol-de-Léon, la semaine prochaine. Sans quoi, l'effort de pêche risque de se reporter sur d'autres zones de pêche. Il faut agir vite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Pénurie de médecins (I)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pas une assemblée générale de maires, pas un déplacement ministériel sans que la question de la santé soit abordée. Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à vous faire des propositions pour lutter contre la désertification médicale.

La loi Santé de 2019 a prévu, à la demande du Sénat, que la dernière année du troisième cycle de médecine soit réalisée en pratique ambulatoire, en autonomie, dans les territoires où l'offre de soins est insuffisante. Le Gouvernement n'a pas donné suite, alors qu'il s'y était engagé. Pourquoi ?

La Cour des comptes le préconise, les élus le réclament, les patients en ont besoin, la responsabilité politique l'appelle : il faut aller au-delà des mesures incitatives. Dans l'attente des effets du desserrement du numerus clausus, nous devons agir. Chacun a droit à une couverture santé.

Même les professionnels de santé demandent des mesures plus fortes : zones franches, conventionnement sélectif, stages post-doctorat... Qu'allez-vous faire pour répondre aux attentes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Oui, les déserts médicaux progressent dans certains territoires. Si le numerus clausus avait été supprimé il y a dix ans, nous n'en serions pas là ! Il y aurait dix à quinze mille médecins de plus dans les territoires. (Protestations à droite comme à gauche) Hélas, il ne l'a pas été, le robinet a été coupé, et nous constatons aujourd'hui les dégâts provoqués par les politiques du passé. (Huées à gauche)

Nous avons supprimé le numerus clausus, nous développons les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), nous proposons dans le PLFSS des mesures pour faciliter l'accès aux soins, notamment optiques. Je m'étonne des amendements visant à supprimer les dispositions en faveur des coopérations interprofessionnelles : c'est faire preuve d'un regrettable conservatisme.

Nous déployons aussi la télémédecine, les services d'accès aux soins dans les territoires. (Marques d'agacement sur les travées du groupe SER) Nous mettons en place des solutions partout.

J'entends souvent qu'il faudrait empêcher l'installation dans certains endroits - mais je n'ai encore jamais rencontré de parlementaire qui considère que son territoire aurait assez de médecins ! La pénurie est globale. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel.  - Il faut agir. La loi de 2019 n'est pas appliquée. Si la situation ne s'améliore pas, la responsabilité en incombera à ce Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE)

Aides européennes aux agriculteurs

M. Jean-Jacques Michau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est insupportable que nos agriculteurs n'arrivent pas à vivre de leur production. Les deux lois EGalim n'ont eu que peu d'effets sur leur revenu. C'est la PAC qui leur permet de vivre, ou plutôt de survivre.

Mais les retards de paiement dans le versement des aides les obligent à contracter des prêts bancaires pour combler leur besoin de trésorerie. En Ariège, les aides européennes, attendues le 15 octobre, n'ont toujours pas été versées, et ne le seront probablement pas avant le 15 décembre. Deux mois sans aides !

Bruxelles n'est pas en cause. L'argent est disponible mais l'administration française n'a toujours pas réalisé les contrôles préalables de conformité, faute de moyens ! Il y va de la survie des agriculteurs. Qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le plus important est que nos agriculteurs vivent d'une juste rémunération, non des aides. À cet égard, la loi EGalim 2 va dans le bon sens. (Moues dubitatives sur les travées du groupe SER)

En attendant, les aides de la PAC restent déterminantes.

Monsieur le Sénateur, vos chiffres ne reflètent pas la réalité. (Exclamations sur les travées du groupe SER) Pour un représentant de l'ancienne majorité, je trouve ça fort de café !

En Ariège, au 19 octobre, 95 % des bénéficiaires ont perçu les avances de paiement de la PAC : sur 1 800 dossiers, seuls 83 ne l'ont pas eu, soit qu'il y ait des contrôles en cours, soit du fait des dérogations « SIE » demandées.

Au niveau national, en 2020, 99,7 % des paiements de la PAC étaient faits dans les délais. En 2017, c'était 4,45 % ; en 2015, 0 % ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; MM. Pierre Louault et Arnaud de Belenet applaudissent également.) Vos leçons de morale sont insupportables ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est un peu facile !

Situation des services de pédiatrie

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'hôpital public va mal. Le Gouvernement communique sur les milliards mobilisés dans le Ségur, mais sur le terrain, les difficultés s'accumulent : burn-out, pénurie de soignants, difficultés de recrutement, fermetures de lits...

Les services de pédiatrie, en particulier, sont en tension extrême, dans un contexte de saturation de la pédopsychiatrie et de départ massif des pédiatres vers le privé. À l'hôpital d'Orsay, quatre des six pédiatres sont partis, entraînant la fermeture de douze lits.

La pénurie de personnels non médicaux entraîne le gel de lits de pédiatrie et de néonatalogie, par exemple à Longjumeau.

Enfin, la survenue précoce de l'épidémie de bronchiolite sature les services.

La pénibilité des gardes de nuit pour les médecins - rémunérées 18 euros bruts de l'heure ! - les fait fuir l'hôpital public. C'est un angle mort du Ségur.

Allez-vous annoncer une initiative forte pour éviter la catastrophe annoncée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Les tensions, classiques en période hivernale, sont certes exacerbées cette année, après dix-huit mois de lutte acharnée contre la covid, mais attention à l'effet sur le terrain des discours alarmistes.

Oui, il y a de moins en moins de pédiatres - puisqu'il y a de moins en moins de médecins ! C'est la conséquence du numerus clausus. (Exclamations à droite comme à gauche) Il faut dix ans pour former un médecin : je ne peux pas en former 15 000 en claquant des doigts. (M. Jean-Claude Tissot s'agace.)

Nous avons pris la seule décision qui vaille : la suppression du numerus clausus ; nous formons cette année 2 000 médecins de plus que sous le précédent quinquennat. (M. Jean-Marc Todeschini proteste.)

La croissance de l'activité de pédopsychiatrie, entamée avant la crise sanitaire, se poursuit : 30 % des lits de pédiatrie générale sont occupés par des enfants qui relèvent de la pédopsychiatrie. Là aussi, nous allons former davantage.

La période hivernale a commencé fort, avec une épidémie de bronchiolite arrivée plus tôt que prévu.

En revanche, il y a autant de lits d'obstétrique ouverts que l'an dernier. Par ailleurs, l'activité de chirurgie, y compris pédiatrique, est plus importante cette année dans le secteur privé qu'elle ne l'était il y a deux ans.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ah, le privé !

M. Olivier Véran, ministre.  - Nous sommes partout où il le faut pour aider les hôpitaux à tenir. L'hôpital n'est pas en train de craquer. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Pénurie de médecins (II)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les services d'urgence fonctionnent difficilement, certains ferment. La pénurie d'urgentistes est telle que des pratiques mercantiles se développent. Nos concitoyens s'inquiètent.

Pour s'attacher les rares médecins, quitte à chiper celui du voisin, les élus locaux se sont lancés dans un drôle de mercato. La situation est de pire en pire.

Quand s'arrangera-t-elle ?

Donnons-nous enfin les moyens logistiques, les capacités de formation et d'encadrement pour faire coïncider offre et demande de soins ! Il faut raisonner en temps médical et non en numerus clausus : salariat, temps partiel, féminisation, abandons de formation, vieillissement de la population : ces paramètres sont-ils pris en compte ?

Où faut-il placer le curseur pour que les Français trouvent un médecin quand ils en auront besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - J'ai le même diagnostic : le numerus clausus a entraîné une pénurie de médecins. (Marques d'exaspération à gauche comme à droite) Si vous ne formez plus de médecins, vingt ans plus tard, il n'y en a plus ! (Mêmes mouvements) Ceux qui n'ont pas formé de médecins pendant quarante ans nous reprochent aujourd'hui la pénurie ? Personne n'est dupe. C'est nous qui avons enfin desserré l'étau en supprimant le numerus clausus !

Pour autant, nous faisons face à cette pénurie, qui touche particulièrement les urgentistes, tant le métier est usant. Mais le vrai problème est celui du manque de médecins.

Au-delà des communautés professionnelles territoriales de santé, de la participation de la ville et de l'hôpital à la permanence des soins, nous proposons, dans ce PLFSS, que des personnels paramédicaux effectuent des actes aujourd'hui réservés à des médecins - comme c'est déjà le cas chez la plupart de nos voisins. Or je constate que les parlementaires de tous les bancs déposent des amendements de suppression... Aidez-nous !

Face au constat partagé, ne rééditons pas les échecs, allons de l'avant. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub.  - Faut-il compter dix ans en partant de 2017, ou de 2021 ? (Sourires)

Migrants à Calais

Mme Esther Benbassa .  - Le 4 novembre, un migrant est retrouvé mort sur la plage de Wissant ; deux autres sont transportés à l'hôpital en hypothermie ; un TER en percute quatre autres, faisant un mort et un blessé grave.

Arrivés en France au péril de leur vie, ils y trouvent la mort plutôt que l'accueil. Empêchés de gagner la Grande-Bretagne, ils errent en attendant dans les rues de Calais.

Le prêtre Philippe Demeestère a fait 25 jours de grève de la faim, accompagné d'Anaïs Vogel et de Ludovic Holbein, pour dénoncer cette situation. J'étais hier à Calais pour les rencontrer.

Le 27 octobre, Didier Leschi, directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a été nommé médiateur -  mais rien de concret ne se profile.

Les associations attendent un moratoire sur les évacuations pour l'hiver. Les mots « détresse » et « urgence » semblent bien absents de votre vocabulaire, monsieur le ministre. La République a un devoir de fraternité à l'égard de gens qui, avant d'être des clandestins, sont nos semblables. (Mmes Monique de Marco et Émilienne Poumirol applaudissent.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Oui, la République a un devoir de fraternité, qu'elle assume. Depuis le 1er janvier, 12 000 personnes ont été relogées ; l'État distribue 2 200 repas par jour à Calais pour un coût de 4 millions d'euros. Tous les jours, nous sauvons des migrants qui tentent de traverser la Manche.

Vos discours sont naïfs. Que n'avez-vous évoqué les passeurs, qui promettent un eldorado qu'ils font payer bien cher ? Combien d'hommes, de femmes, d'enfants sont morts parce que nous laissons ces criminels exploiter la misère humaine ? Laisser la jungle de Calais se reconstituer serait indigne pour les migrants comme pour les riverains. Ce serait jouer le jeu des passeurs !

Aujourd'hui, 70 % des migrants qui sont à Calais viennent de Belgique et d'Allemagne. La France est fraternelle, mais elle est ferme aussi. C'est l'État qui subventionne les associations, qui paye les repas et qui envoie ses policiers et gendarmes sauver des migrants en mer, au péril de leur propre vie. Nous n'allons pas encourager les criminels que sont les passeurs pour nous donner bonne conscience ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

Mme Esther Benbassa.  - Les passeurs ont toujours existé : ce ne sont pas eux qu'il faut accuser... (Protestations véhémentes et tambourinements sur les travées du groupe Les Républicains ; la voix de l'oratrice se perd dans le brouhaha.) Décidément, le débat n'est pas possible !

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.