Vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2, présentée par MM. Patrick Kanner, Bernard Jomier, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Monique Lubin et plusieurs de leurs collègues.
Discussion générale
M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce matin même, M. Véran présentait le onzième projet de loi d'urgence sanitaire en Conseil des ministres.
L'épidémie a frappé durement la France et le monde ; elle n'est pas encore derrière nous, mais nous pouvons déjà en tirer quelques enseignements.
Le groupe SER n'entend pas distribuer de bons et de mauvais points sur la gestion de la crise, mais apporter une contribution positive à la discussion. Nous continuons à dire que cette crise dot être gérée avec clarté et transparence : clarté dans les objectifs visés et les mesures à prendre, transparence dans la prise de décision. C'est la condition de la confiance et d'une adhésion massive des Français.
Nous faisons donc le choix de la clarté et de la transparence, alors que le passe sanitaire instauré en juillet est une obligation de vaccination qui ne dit pas son nom, qui ne s'assume pas.
La vaccination obligatoire existe déjà pour certains professionnels. Pourquoi la découper en tranches ? Nous avons applaudi les soignants, devons-nous maintenant les montrer du doigt ?
La vaccination est un devoir citoyen. L'obligation masquée que vous avez introduite a produit ses effets cet été, brisant, il faut le reconnaître, un premier plafond de verre. Il faut désormais en briser un second : les 35 000 primo-vaccinés quotidiens sont insuffisants. À ce rythme-là, il faudra attendre juillet 2022 pour atteindre l'immunité que donnerait la vaccination de 90 % de la population : c'est trop lointain pour passer un hiver serein.
L'épidémiologiste Arnaud Fontanet avertit : bien que le ralentissement se confirme, un redémarrage n'est pas exclu à l'automne, une cinquième vague qui, sans être le calque des précédentes, entraînerait tout de même une embolie hospitalière. En souhaitant maintenir le cadre légal qui rend possible le passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022, le Gouvernement partage d'ailleurs cet avis.
Le passe sanitaire est un pis-aller bien imparfait : il ne couvre pas les métros, les supermarchés, les meetings de campagne qui s'annoncent, autant de trous dans la raquette sanitaire.
L'obligation vaccinale est plus efficace. Utilisons-la, comme nous l'avons fait pour la première fois en 1902 contre la variole.
Certains de nos concitoyens objectent que les vaccins contre la covid ont été mis sur le marché il y a moins d'un an. Mais ils ont reçu une autorisation de mise sur le marché et, s'ils ont été développés en un temps record, ils ont satisfait à tous les essais cliniques. Ce n'est donc pas une expérimentation.
De plus, ces vaccins sont efficaces : l'étude française EPI-PHARE, menée sur 22 millions de personnes, montre que les vaccinés de plus de 50 ans ont neuf fois moins de risques d'être hospitalisés et de mourir de la covid que les autres.
Pour éviter la saturation des hôpitaux et le tri des patients, la vaccination obligatoire est un devoir éthique. Nous voulons d'abord l'imposer aux plus de soixante ans, avant de l'étendre progressivement aux autres tranches d'âge, et éventuellement de l'interrompre si de nouvelles thérapies sont proposées.
C'est la seule mesure universelle à notre disposition. Les plus précaires ou ceux qui ne se sentent pas concernés par le passe sanitaire entreront enfin de plain-pied dans la stratégie vaccinale.
Il n'y a pas de sanction dans notre texte car ce n'est pas nécessaire. En Nouvelle-Calédonie, la seule obligation vaccinale a suffi à inciter la population.
Pour autant, je soutiendrai l'amendement de notre groupe qui prévoit une sanction modérée et un contrôle aléatoire. Nous observons en effet un relâchement des contrôles du passe sanitaire sur le terrain : de mauvaises habitudes sont prises.
La vaccination obligatoire ne sera pas l'alpha ni l'oméga de la lutte contre l'épidémie, mais une pierre fondamentale dans cette lutte à insérer dans une stratégie plus globale. Je songe notamment à la levée des brevets, à l'initiative Covax qui progresse insuffisamment, à nos engagements internationaux.
Comme l'a souligné Maria Van Kerkhove, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sur la seule première semaine d'octobre, il y a eu 3 millions de contaminations dans le monde et 54 000 décès.
La vaccination universelle obligatoire est la seule solution pour, sous réserve de l'apparition de nouveaux variants, réduire la covid à une maladie à bas bruit, avec des résurgences maîtrisées.
L'intérêt général n'étant pas la somme des intérêts particuliers, je vous invite chaleureusement à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission des affaires sociales . - L'une des deux journalistes lauréats du prix Nobel de la Paix, Maria Ressa, a déclaré : « Un monde sans faits est un monde sans vérité et sans confiance. »
Les faits eux-mêmes, et non leurs causes, ou les conséquences qu'on en tire, sont devenus objet de débat. Nous devons nous battre simplement pour les défendre. L'efficacité de la vaccination est un fait. Sans elle, à l'arrivée du variant Delta, nous aurions subi ce qu'ont vécu les États non vaccinés.
Il faut un dernier effort face à l'épidémie. Face à un virus imprévisible, la responsabilité de la lutte ne peut reposer sur les seuls professionnels, soumis en juillet à l'obligation vaccinale sous l'argument de l'exemplarité et de la responsabilité éthique. Chacun doit prendre sa part.
Pour cela, l'arme la plus sûre et efficace est bien la vaccination. Le Covid a provoqué 117 000 décès en France et coûté 400 milliards d'euros aux finances publiques. Qui peut faire l'économie de ce geste simple ?
Une très grande majorité de Français, vaccinés, aspirent légitimement à la fin des restrictions. Ce serait possible avec une immunité collective estimée à une couverture vaccinale de 90 % - soit 9 millions de personnes restant à vacciner.
Or l'effet du passe sanitaire s'essouffle : avec 30 000 primo-vaccinations par jour, il faudra attendre juillet 2022 pour atteindre cet objectif. D'ici là, il pourrait y avoir une nouvelle vague avec son cortège d'hospitalisations, de décès, de covid longs.
À côté d'une minorité bruyante d'antivax, entendons les deux Français sur trois favorables à l'obligation vaccinale universelle.
L'obligation vaccinale n'est vraiment pas une nouveauté dans notre pays : variole au début du XXe siècle, poliomyélite, diphtérie, tétanos, tuberculose... Toutes ces maladies ont été maîtrisées grâce à la vaccination obligatoire, à laquelle n'étaient associées que des amendes contraventionnelles.
Les exemples de l'obligation vaccinale contre la covid en Nouvelle-Calédonie ou de l'allongement de la liste des vaccins obligatoires en 2018 sont parlants. Dans ce dernier cas, les objectifs ont été atteints rapidement, et des enfants ont été sauvés.
Au-delà de la sanction, on peut envisager un passeport vaccinal, comme l'Écosse a fait sur les sites à haut risque de contamination.
Ne sous-estimons pas non plus l'impact psychologique d'une obligation vaccinale. Ce n'est pas antinomique de « l'aller vers », bien au contraire. En Nouvelle-Calédonie, l'obligation vaccinale a été votée le 3 septembre. Des hélicoptères ont été mobilisés pour le distribuer aux Kanaks, à leur demande, et le taux de vaccination est passé de 31 à 70 %. (M. Bruno Sido apprécie.)
Je mesure combien des années de progression de l'individualisme ont fini par transformer, à une extrémité de notre échiquier politique, ce bien si précieux que sont les libertés individuelles en un égoïsme sociétal maquillé, suprême indécence, en acte de résistance.
La commission des affaires sociales a rejeté ce texte que je vous invite à titre personnel à adopter. Rassemblons nos concitoyens pour tourner la page d'une crise sanitaire qui n'a que trop duré. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Cette proposition de loi vise à créer une vaccination obligatoire généralisée.
Il est vrai que pour sortir de la crise sanitaire, la seule réponse possible est la vaccination, grâce à laquelle nous avons surmonté la quatrième vague sans nouvelles restrictions.
Le Gouvernement a lancé une campagne sans précédent, avec un calendrier de vaccination d'abord ciblé sur les plus fragiles et certaines catégories socio-professionnelles puis ouvert à tous les adultes, et enfin aux mineurs de 12 à 17 ans.
Près de 51 millions de schémas vaccinaux ont été initiés et 44 millions sont complets. C'est l'une des meilleures couvertures vaccinales d'Europe.
Il ne faut pas pour autant relâcher nos efforts, que ce soit pour la vaccination dans certains territoires comme les outre-mer, ou pour la campagne de rappel.
Des actions « d'aller-vers » ont été mises en place dès le printemps au bénéfice des plus précaires : plus de 90 % des foyers d'hébergement social, foyers de migrants ou de sans-abri, ont été concernés par au moins une opération.
Aujourd'hui, la vaccination des plus de 80 ans reste insuffisante. Une instruction a récemment été diffusée, pour faciliter, avec des partenariats locaux, la prise de rendez-vous et la vaccination à domicile. Les outre-mer font l'objet de mesures spécifiques dont nous avons débattu ici la semaine dernière, à l'initiative de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Le rappel vaccinal progresse : il est nécessaire car un déclin de la protection est observé dans le temps, que ce soit pour l'infection, la contagiosité ou les formes graves du Covid.
Dès septembre, la France a engagé une campagne de rappel. Elle a touché les plus de 65 ans, les personnes souffrant de comorbidités, les personnes immunodéprimées. Plus récemment, les personnels de santé et l'entourage des personnes immunodéprimées se sont vu proposer un rappel dans les six mois. Enfin, un rappel est proposé après quatre semaines pour ceux qui ont reçu le vaccin Janssen.
Au total, 4,5 millions de personnes sont éligibles à la troisième dose ; 45 % d'entre elles l'ont déjà reçue. Cela fait de la campagne de rappel française est l'une des plus dynamiques d'Europe. Le rappel augmente notre protection individuelle et collective avant l'hiver.
La stratégie vaccinale du Gouvernement a donc montré ses preuves. Saluons l'engagement de tous les acteurs, notamment des collectivités territoriales et des agences régionales de santé (ARS).
Nous avons choisi la voie d'un équilibre entre protection de la santé publique et liberté individuelle, et nous allons poursuivre.
Ce n'est pas en imposant une obligation générale, inapplicable (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste), que nous améliorerons la couverture vaccinale. Nous croyons à l'incitation, à la pédagogie, à l'accompagnement, au rappel des gestes barrières, aux contrôles, sans baisser la garde. Il faut convaincre et non forcer.
C'est pourquoi le Gouvernement ne soutient pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Véronique Guillotin et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'examen de cette proposition de loi a rallumé la flamme du combat des antivax qui ont crié au scandale, au génocide planétaire, et appelé à la révolte contre cette « nouvelle arme biologique ».
Je soutiens les auteurs du texte et le rapporteur, qui ont fait face à une campagne d'intimidation inacceptable. Le pouvoir législatif doit pouvoir rester force de proposition.
Je suis favorable à la vaccination, seule porte de sortie contre les maladies infectieuses graves.
La baisse du nombre d'hospitalisations et de décès, les différences constatées entre les départements à taux de vaccination faible ou élevé parlent d'elles-mêmes, alors que la crise nous a poussés vers un abîme sanitaire, économique, social et éthique.
Le vaccin protège des formes graves et divise par douze les risques d'infection. Les plus de 50 ans ont neuf fois moins de risques d'être hospitalisés et d'en mourir, selon une récente étude.
Enfin, l'obligation vaccinale n'est pas nouvelle. J'ai soutenu en 2018 le passage de quatre à onze du nombre de vaccins obligatoires. La vaccination n'est pas seulement un geste civique : c'est un impératif éthique.
Mais cette obligation arrive trop tôt, face à un virus encore mal connu, évolutif, qui pourrait développer de nouveaux variants. Nous ne maîtrisons pas encore le schéma vaccinal.
Elle arrive aussi trop tard, dans la mesure où les plus de douze ans sont déjà vaccinés à 85 % et que le taux de vaccination des 12-17 ans progresse de manière encourageante, alors qu'ils sont soumis au passe sanitaire depuis le 30 septembre. La dynamique est là et sera renforcée par la fin des tests gratuits.
Les indicateurs sont au vert. Proposer la vaccination obligatoire maintenant relancerait le débat. Une obligation assortie de sanctions susciterait des crispations, alors que nous engageons une relance historique. De plus, elle ne résout pas la question des zones rurales et des plus de 80 ans qui ne résident pas en établissement, les plus éloignés de la vaccination.
Enfin, l'obligation vaccinale remplacerait le passe sanitaire par un passe vaccinal. Faudra-t-il interdire l'école aux non-vaccinés ?
Le RDSE votera contre cette proposition de loi. Ne changeons pas notre fusil d'épaule. Le passe sanitaire semble suffisant pour protéger tout en garantissant les libertés.
En revanche, une campagne massive de sensibilisation et de pédagogie doit être engagée, avec les collectivités territoriales, auprès des plus réticents ou éloignés du vaccin. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Martin Lévrier et Mme Catherine Deroche applaudissent également.)
M. Stéphane Ravier . - Décidément, Élysée et Matignon savent compter sur les idiots utiles en toutes circonstances. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Alors que le Gouvernement veut proroger le passe sanitaire, les sénateurs socialistes, jamais en retard d'une loi liberticide, imposent l'obligation vaccinale, mineurs compris, avec une amende à la clé.
Les Français sont déjà fracturés entre ceux dont la profession les oblige à être vaccinés, les vaccinés volontaires et ceux, dont je suis, qui ne sont pas vaccinés, (marques de désapprobation à gauche, quelques huées) ne veulent pas l'être, et qui, las d'être harcelés, seraient tentés de vous adresser les cinq lettres si chères à Cambronne. Mais la bienséance sénatoriale me retient. (Protestations sur toutes les travées)
Après dix-huit mois de mensonges, le pouvoir est arrivé à ses fins. Chaque citoyen est devenu flic, juge ou criminel en puissance. Et vous voulez encore jeter de l'huile sur le feu !
La loi scélérate dresse les Français les uns contre les autres, alors que sa raison d'être devrait être le bien commun.
Après le Turkménistan et le Tadjikistan, les deux seuls pays qui ont imposé la vaccination obligatoire, la France devient le Macronistan. (M. Stéphane Ravier retire son masque.)
Plusieurs voix à gauche. - Le masque !
M. Stéphane Ravier. - Une seule ligne est tenable : le principe de liberté. La vaccination doit toujours être volontaire. Vous avez assez de suppôts estampillés journalistes à votre service pour convaincre ! Cet été, vous annonciez un variant delta à la charge virale mille fois plus importante. Vous vous êtes trompés, ou plutôt vous avez voulu tromper les Français.
Ce dispositif porte une grave atteinte aux libertés fondamentales. Tout s'oppose à cette fuite en avant autoritaire. Chers collègues, je fais appel à votre esprit critique contre cette vaccination obligatoire, qui nous mène à une obligation de contrôle généralisé. (Mme Laurence Muller-Bronn applaudit.)
M. Olivier Jacquin. - C'est un vaccin contre la rage qu'il vous faudrait !
Mme la présidente. - Je précise que le masque n'est plus obligatoire à la tribune.
Plusieurs voix à gauche. - Même pour les non-vaccinés ?
M. Patrick Kanner. - On vient d'être infectés !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Désinfectez le micro !
Mme Corinne Féret . - Ce que je viens d'entendre est inacceptable. Vous n'avez pas le droit de nous parler sur ce ton et de nous traiter d'idiots. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI et INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Il est légitime d'interroger les politiques publiques contre la crise sanitaire. En associant vaccination et passe sanitaire, le Gouvernement a mis en place une vaccination obligatoire indirecte et qui ne dit pas son nom.
La lutte contre la pandémie ne doit pas reposer sur quelques professions. Sûre et efficace, la vaccination est le seul moyen de protection collective pour un retour à la vie normale. C'est la clé de la sortie de crise, tout en préservant les libertés collectives.
L'extension à la mi-juillet du passe sanitaire a épuisé ses effets. On observe une tendance à la baisse des primo-vaccinations. Seuls 80 % des plus de 80 ans et 85 % de nos concitoyens souffrant de comorbidités sont vaccinés. C'est trop peu.
À cela s'ajoutent des inégalités territoriales, au détriment des outre-mer notamment. La Seine-Saint-Denis affiche elle aussi un taux de vaccination très inférieur à la moyenne nationale. Ce sont les départements les plus pauvres qui sont touchés.
Il reste neuf millions de Français à vacciner. Nous ne sommes pas sortis de la pandémie. Il faut agir au plus vite pour gagner quelques points de vaccination, en allant vers les Français les plus fragiles. La vaccination obligatoire contraindra l'État à engager un effort de pédagogie.
Le passe sanitaire souffre d'un manque de cohérence dans son application. Il est peu compréhensible pour les Français. La vaccination obligatoire est, au contraire, un choix de clarté et de responsabilité. Elle mettra fin aux trop nombreuses déprogrammations dans l'hôpital public.
Cette proposition de loi est simple. Les plus de 60 ans seront concernés en priorité par l'obligation. Le dispositif sera ensuite étendu par tranche d'âge, et interrompu si de nouvelles thérapies plus efficaces apparaissent.
Quant à la légalité du dispositif, le Conseil d'État a déjà estimé que quand la santé publique l'exige, l'obligation vaccinale est une restriction proportionnée au droit à l'intégrité physique. La Cour européenne des droits de l'homme a, elle, jugé en avril que la vaccination obligatoire est une ingérence proportionnée, au regard du principe de solidarité sociale et des buts que sont la protection de la santé et la protection des droits d'autrui.
Nous devons recouvrer la liberté d'aller et venir. Quand la liberté individuelle porte atteinte à la santé collective, la loi doit rétablir l'équilibre.
La Nouvelle-Calédonie a montré l'exemple : depuis début septembre, avec l'obligation vaccinale, le taux de vaccination a fortement augmenté. Porter de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires en 2018 nous a également permis d'atteindre nos objectifs. Nous ne proposons donc rien d'inédit.
Ces vaccins seraient-ils expérimentaux ? Tout vaccin nécessite une autorisation de mise sur le marché. Les vaccins contre la covid, certes développés en temps record, ont passé plusieurs phases d'essais cliniques. Ils n'ont rien d'expérimental.
Agir pour protéger la santé et le personnel soignant, voilà ce que nous vous proposons.
L'heure de l'obligation vaccinale est venue. Elle seule nous protégera contre les inégalités sociales et territoriales, en obligeant l'État à aller vers tous les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Martin Lévrier . - Tout est question d'arbitrage et de choix politique : quelles libertés sacrifier pour être mieux protégés ? (M. Loïc Hervé approuve.) Chacun fixe son propre point d'équilibre entre liberté et sécurité.
Nos collègues socialistes proposent de rendre la vaccination contre le Covid obligatoire en modifiant l'article L. 3112-2 du code de la santé publique pour ajouter le vaccin contre le Sars-CoV-2 à la liste des vaccins obligatoires.
Cette démarche, quoique compréhensible, n'est pas nécessaire : 51 millions de Français ont déjà reçu une dose. La priorité est d'aller vers les plus défavorisés.
Il y a neuf mois, seuls 39 % des Français déclaraient avoir l'intention de se faire vacciner, contre 79 % des Allemands, 69 % des Britanniques, 65 % des Italiens, 64 % des citoyens des États-Unis. En Inde et en Chine, le taux était respectivement de 87 et 85 %.
Depuis, l'action incitative du passe sanitaire a été démontrée. Avec le confinement, les gestes barrières, le passe sanitaire, les Français ont joué le jeu. Qu'ils en soient remerciés : grâce à eux, nous allons vers une couverture totale. La fin de la gratuité des tests devrait renforcer l'incitation à la vaccination.
Développés très tôt, les dispositifs « d'aller-vers » touchent les plus éloignés du système de soins : personnes touchées par la fracture numérique ou le handicap, migrants, détenus... Plus d'un million de personnes ont été ainsi vaccinées.
Le 7 juillet, à la demande du conseil de l'ordre des médecins généralistes, appuyé par le Gouvernement, la CNIL a validé l'envoi aux médecins traitants de la liste de leurs patients non vaccinés.
M. Loïc Hervé. - Qui le demande ?
M. Martin Lévrier. - Alors que certains sont réticents à une troisième dose, cette proposition de loi contre-productive va ajouter de la peur à la peur.
De plus, les sanctions manquent, de même que les moyens de contrôle. Or une bonne loi est une loi applicable.
Ceux qui, hier, accusaient le Gouvernement et la majorité d'abus de pouvoir et d'autoritarisme, qui prônaient le 100 % pédagogique, passent avec ce texte au 100 % coercitif ; de la liberté absolue à la sécurité absolue !
Vous n'avez pas compris que le passe sanitaire illustre le « en même temps »...
M. Loïc Hervé. - C'est pour cela qu'il faut le supprimer !
M. Martin Lévrier. - ... en permettant à chaque Français de devenir acteur de la lutte contre la pandémie. C'est pourquoi le RDPI votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Daniel Chasseing . - La découverte, en un temps record, des vaccins anti covid est une grande victoire. La vaccination massive de la population française a stabilisé la situation sanitaire : 21 nouveaux départements sont repassés sous le seuil d'alerte lundi, ce qui permet à de nombreux écoliers de reprendre une scolarité sans masque. Je remercie élus, soignants et sapeurs-pompiers pour leur travail considérable.
Les campagnes de rappel sont à saluer. Plus de 87 % de la population éligible a reçu une première dose en métropole, cap franchi grâce au passe sanitaire qui a permis d'éviter une obligation vaccinale généralisée.
Malgré tout, des incertitudes demeurent, avec l'apparition de nouveaux variants qui pourraient être résistants au vaccin. Mais la vaccination est le meilleur moyen d'éviter les vagues de contaminations. Elle sauve de nombreuses vies comme le confirment les études de l'ANSM et de la CNAM. Les plus de 50 ans vaccinés ont neuf fois moins de risques d'être hospitalisés ou de mourir que les autres. Les patients hospitalisés sont d'ailleurs majoritairement des non-vaccinés.
Le groupe Les Indépendants a approuvé l'obligation vaccinale pour les personnels soignants et les professionnels qui sont particulièrement exposés. La question de l'obligation vaccinale générale aurait pu se poser mais cela ne nous semble plus nécessaire à ce stade : les neuf millions de Français non vaccinés sont hétérogènes alors que la vaccination progresse chez les jeunes.
Le passe sanitaire est une solution de compromis qui a fonctionné. Cependant, la sortie de la crise sanitaire doit se faire dans la concorde : l'Espagne a su responsabiliser sa population par le dialogue et l'incitation. Faisons de même.
Les Indépendants ne voteront pas cette proposition de loi : certains de ses membres s'abstiendront, d'autres voteront contre. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les questions simples ont souvent des réponses complexes, comme le montre cette proposition de loi qui se borne à ajouter un douzième alinéa à l'article 3111-2 du code de la santé publique.
À titre personnel, je suis un ardent défenseur de la vaccination obligatoire. Mais le principe ne suffit pas : selon Claude Bernard, c'est l'expérience qui confirme les idées. Il convient donc de confronter l'obligation vaccinale à l'environnement juridique et scientifique. La protection individuelle et collective la justifie-t-elle ? Dans sa résolution de janvier dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) appelle à ne pas rendre la vaccination obligatoire. Nous avons voté ici l'obligation vaccinale pour certains personnels exposés, moi compris. À partir de décembre, les plus vulnérables ont été priorisés. C'était nécessaire face au manque de doses.
Depuis cet été, le passe sanitaire a produit ses effets et 50 millions de Français sont désormais vaccinés. Mais dès l'examen du projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire, j'avais alerté sur l'émergence de variants qui, pour l'instant, n'échappent pas à la vaccination. Si cela devenait le cas, il faudrait instaurer annuellement une vaccination obligatoire. Dans ces conditions, alignons-nous sur le modèle du vaccin contre la grippe, fortement conseillé pour les personnes vulnérables.
Bernard Jomier a rappelé l'existence de vaccins obligatoires, mais ils couvrent des maladies bactériennes ou des virus non variants.
En outre, si l'article 40 impose le non-remboursement par la sécurité sociale, on aurait pu envisager un remboursement par les mutuelles.
Enfin, la proposition de loi est proclamatoire, sans sanctions.
Le groupe Les Républicains votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Depuis l'instauration du passe sanitaire, la vaccination n'est plus un choix individuel. Avec la fin du remboursement des tests - qui fragilisera la stratégie du « tester, alerter, protéger » - la question de la vaccination obligatoire se pose.
La vaccination protège des formes graves et préserve notre système de soin qui traverse une crise profonde. La vaccination est devenue l'alpha et l'oméga de la politique publique de santé mais s'est heurtée aux inégalités sociales et territoriales et à la défiance envers la parole politique et institutionnelle. Cette défiance concerne notamment les personnes les moins diplômées et les plus pauvres, nous apprend une étude menée sur 135 000 personnes.
Il faudrait se pencher sur les inégalités d'accès aux soins et les déserts médicaux. Pour accélérer la vaccination, les collectivités territoriales et les services déconcentrés de la santé ont mis l'accent sur « l'aller-vers ». Plus de 85 % des plus de 12 ans sont vaccinés : il faudrait gagner encore quelques points avant l'arrivée d'une possible cinquième vague. Mais on parle déjà de troisième dose : l'atteinte d'une couverture vaccinale totale est un objectif qui se dérobe avec le temps, sans compter les variants à venir.
La priorité nous semble plutôt être une vaccination centrée sur les plus vulnérables. 92,5 % des 65 à 74 ans sont vaccinés, mais seulement 85 % des plus de plus de 80 ans. Qu'apporterait de plus une obligation ?
A-t-on tout fait pour « l'aller-vers » ? Prenons en exemple l'Espagne et le Portugal dont les plus de 80 ans sont tous vaccinés.
Quant aux populations rétives, le SAMU souligne l'efficacité d'une démarche de proximité : après discussion, peu de gens maintiennent leur refus.
L'obligation vaccinale risque de figer la résistance. Évitons de fracturer encore un peu plus notre société. Avec l'obligation, la France s'engagerait dans une gestion verticale et centralisée de la pandémie.
Enfin, selon l'Institut Pasteur, la vaccination totale ne permettra pas un retour total à la normale. De plus, elle prendrait à contre-pied le point de vue de l'OMS selon lequel il faut convaincre plutôt que contraindre.
Le GEST remercie le groupe SER pour ce débat, mais votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Laurence Cohen . - La lutte contre le Covid-19 passe par la vaccination du monde entier, objectif partagé par tous ici. Covid Tracker indique que le cap des 50 millions de Français vaccinés a été franchi le 6 octobre, malgré des taux plus faibles en outre-mer. Je ne parle même pas d'autres pays où l'accès aux vaccins est quasi inexistant. Il faut donc défendre la levée des brevets afin que les vaccins profitent à l'ensemble de la planète.
Le CRCE estime que la persuasion est plus efficace que la contrainte. Parmi les non-vaccinés, beaucoup de personnes âgées isolées. Que signifierait une obligation vaccinale pour elles ?
C'est une campagne de prévention nationale qu'il faut mener. Pour toucher les 14 % de plus de 80 ans, les obèses et les plus précaires, l'obligation ne servirait à rien ; il faut chercher ces personnes une par une grâce aux médecins traitants, aux infirmières et aux associations.
Selon Jérôme Martin, on ne peut attribuer à l'individu toute la responsabilité de son action. Il faut donc l'accompagner.
Il est regrettable que le Gouvernement ait fait de la vaccination un enjeu politique, alors que c'est un enjeu de santé publique. Or celle-ci est mise à mal depuis vingt ans : 100 000 lits ont été fermés pour faire 9 milliards d'économies, et 5 700 lits ont encore été supprimés en 2020. Voir les profits des labos s'envoler rend plus indispensable encore la création d'un pôle public du médicament.
Comment garder les professionnels à l'hôpital, dépités d'avoir été applaudis hier et stigmatisés aujourd'hui, du fait de l'obligation vaccinale qui leur est imposée ? Les milliers de suspensions provoquent des tensions dans les établissements. Ainsi, l'hôpital de Mulhouse a dû déclencher le Plan blanc pour réquisitionner le personnel disponible. Et l'obligation vaccinale des soignants ne peut être appliquée outre-mer, sous peine de devoir fermer des établissements.
La grande majorité du CRCE votera contre cette proposition de loi, car nous préférons l'adhésion à la contrainte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Alain Houpert applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'adresse un message de soutien à notre collègue Patrick Kanner et à son groupe, qui ouvrent un débat utile. À tous ceux qui croient qu'inonder les boîtes aux lettres de mails injurieux influence le vote des sénateurs, je réponds que nous ne légiférons pas à l'audiomètre. (Applaudissements sur la plupart des travées)
Je respecte le droit d'expression et le droit de manifestation mais à ceux qui en font trop, je demande de me laisser m'informer à des sources fiables et travailler sereinement dans le souci de l'intérêt commun. (Marques d'approbation sur diverses travées)
Cet été, nous avons voté l'instauration du passe sanitaire et l'obligation vaccinale pour les soignants. Aujourd'hui, le groupe SER propose de l'étendre à tous les Français de plus de 12 ans. La courbe des vaccinations s'infléchit certes, mais analysons les causes de ce phénomène. Faut-il s'attaquer au « comment » sans s'être interrogé sur le « pourquoi » ?
Dans le rapport de M Jomier, je ne trouve pas d'analyse sur la réticence vaccinale. Lors d'une audition, le professeur Delfraissy nous avait incités à comprendre et respecter les hésitations vaccinales.
Pourquoi certains refusent ? Ont-ils été approchés ? Disposons-nous du retour des 700 ambassadeurs de la vaccination ? Quelle est la proportion des antivax ? Qu'en est-il des plus de 80 ans, souvent en état de mort sociale ?
Cette proposition de loi en ferait des hors-la-loi. De plus, ces personnes ne sont pas en situation de transmettre la maladie, vue leur isolement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Tout va bien, alors !
Mme Nadia Sollogoub. - Imposer la vaccination aux antivax serait contre-productif : luttons plutôt contre les fake news.
Comment comprendre que les personnes vivant dans les territoires les plus défavorisés présentent les taux de vaccination les moins élevés ? Problème d'accès aux soins ou habitats dispersés qui favorisent le sentiment d'impunité ?
Cette obligation radicale serait difficile à mettre en oeuvre et creuserait les inégalités.
Il faut désormais faire du cas par cas et des kilomètres pour toucher ceux qui ne sont pas tous des antivax mais des éloignés.
Ce n'est pas une obligation générale qui y parviendra mais un travail de dentelle. Ira-t-on au domicile des Français pour contrôler leur statut vaccinal ? Sans contrôles, la mesure serait inopérante.
Le Conseil scientifique a rendu le 5 octobre un avis qui pointe la baisse du nombre de vaccinations mais envisage un allègement progressif des mesures.
Si nous avions voté une obligation vaccinale généralisée en juillet, nous en serions probablement au même point aujourd'hui, car les obstacles auraient été les mêmes pour toucher les plus éloignés.
Le maintien strict des gestes barrières, très important, ne relève pas de la loi.
Le groupe UC, dans sa majorité, votera contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé. - Bravo !
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À entendre les partisans de la vaccination obligatoire, cette décision serait simple et ceux qui font un autre choix seraient d'obscurs complotistes. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Pourtant, l'Académie de médecine est contre une troisième dose généralisée, le professeur Fischer, le monsieur vaccin du Gouvernement, s'oppose à l'obligation vaccinale, le contexte actuel ne le justifiant pas. Le Conseil de l'Europe, dans sa résolution du 27 janvier 2021, a rejeté l'obligation vaccinale ainsi que toute pression politique ou sociale en ce sens.
La Finlande, la Suède, la Norvège et le Danemark interdisent le vaccin Moderna chez les hommes jeunes en raison de risques accrus.
La France a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution. Il est donc impossible d'imposer légalement la vaccination avec des produits expérimentaux. (Exclamations indignées sur diverses travées)
Or les vaccins à ARN messager sont encore en phase 3 expérimentale, avec une autorisation de mise sur le marché temporaire, et ce, jusqu'en 2023. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Des études et des rapports nous alertent sur l'insuffisance des preuves concernant l'innocuité et l'efficacité des vaccins, sur la sécurité des injections, sur la transmission du virus ou encore sur les risques du vaccin sur les jeunes, les enfants ou les femmes enceintes. (Mêmes mouvements)
Il n'y a pas de consensus scientifique sur la vaccination de masse. Les professionnels de santé divergent. D'autres pistes existent, comme l'immunité naturelle.
M. Martin Lévrier. - Ce n'est pas sérieux !
Mme Laurence Muller-Bronn. - Les médecins doivent pouvoir soigner avec des traitements précoces et reconnus.
Quelle légitimité avons-nous, parlementaires, pour nous contenter d'une seule doctrine et pour décréter une vaccination obligatoire, alors que des médecins, des soignants, des scientifiques doutent - jusqu'à renoncer à leurs revenus à cause de leurs convictions ?
Si le Gouvernement est sûr de lui, ouvrons le dialogue : nous ne sommes pas la chambre d'enregistrement du Conseil scientifique.
Il est de notre devoir de restaurer les libertés publiques.
Alors que la pandémie connaît une accalmie et que 80 % de la population est vaccinée, il est temps de renoncer à l'obligation vaccinale et à la troisième dose. (Protestations sur les travées du groupe SER et sur le banc de la commission)
M. Alain Houpert. - Il est temps d'arrêter le passe !
Mme Laurence Muller-Bronn. - Plutôt que de gouverner par la peur et le contrôle, il serait bon d'agir avec calme et raison.
Je voterai contre la proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Quelle honte !
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
ARTICLE UNIQUE
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Noël, M. L. Hervé, Mme Jacques, M. Pellevat et Mmes Pluchet, Muller-Bronn et Thomas.
Supprimer cet article.
Mme Sylviane Noël. - Les différents vaccins contre le Covid bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle dont la durée n'excède pas un an. Les essais cliniques de phase 3 sont toujours en cours.
Rendre obligatoire l'administration de vaccins génétiques dont la phase expérimentale est toujours en cours, est ainsi politiquement imprudente et moralement condamnable. C'est même impossible juridiquement dans l'état actuel de la réglementation.
Cette proposition de loi contrevient à toutes les règles internationales en matière de santé publique. La Convention d'Oviedo de 1997 signée par 29 pays, dont la France, dispose qu'une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. L'Assemblée du Conseil de l'Europe, dans sa résolution du 27 janvier 2021, demande aux États membres de l'Union européenne « de s'assurer que les citoyennes et les citoyens sont informés que la vaccination n'est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner »...
Mme la présidente. - Votre temps de parole est écoulé. Je suis obligée de vous interrompre.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Avis défavorable. Nous venons d'avoir un débat sur l'obligation vaccinale. Cet amendement s'oppose au vaccin et non pas à l'obligation vaccinale.
Vous prétendez que le vaccin est en phase d'expérimentation. C'est faux. La phase 3 signifie qu'il reste surveillé, mais qu'il a satisfait aux tests et qu'il peut être distribué normalement.
La Food and drug administration (FDA) américaine considère maintenant que le produit est sans danger. Aux États-Unis, plus de 230 millions de doses ont été délivrées.
Mme la présidente. - Votre temps de parole est également écoulé. Je rappelle que le Sénat, dans sa grande sagesse, a décidé de ramener à deux minutes le temps d'intervention de chaque orateur. Je donne la parole au Gouvernement.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Nous nous opposons à l'obligation, mais réfutons les arguments de madame la sénatrice.
Je ne peux pas laisser passer des sous-entendus comme le caractère expérimental et non contrôlé des vaccins. Plus de 7 milliards d'injections ont été faites dans le monde, depuis près d'un an. Il ne s'agit pas d'une phase expérimentale ! La décision d'autoriser un produit de santé ne dépend pas du Gouvernement, mais de l'Agence européenne du médicament, indépendante, et qui s'appuie sur l'expertise des 27 agences sanitaires nationales. La qualité des doses est contrôlée par le laboratoire, mais aussi par un laboratoire indépendant.
L'ANSM suit les éventuels effets secondaires.
Avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. - Si cet amendement était adopté, la discussion s'arrêterait.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - La commission a voté contre l'article unique. Mais les arguments développés par les auteurs de cet amendement nous empêchent de le voter, car il s'agit des thèses soutenues par les antivax. L'avis de la commission est donc défavorable, mais il sera aussi défavorable à l'article.
Mme Corinne Féret. - Je m'étonne de retrouver dans l'argumentation des auteurs de l'amendement le fantasme de « vaccin génétique » véhiculé par les réseaux sociaux. Je préfère me référer à l'étude de l'Inserm pour rétablir les vérités scientifiques.
L'objet de l'amendement invoque la liberté individuelle - mais quand elle porte atteinte à la santé collective, la loi doit rétablir l'équilibre pour protéger l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Alain Milon. - Je salue le calme de Bernard Jomier, de Catherine Deroche et du ministre après les propos de Mme Noël - qui sont inadmissibles.
À leur place, j'aurais bondi. J'ai honte ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDPI et sur certaines travées du groupe Les Républicains)
M. René-Paul Savary. - Je suis révulsé. J'habite dans le Grand Est, qui a été particulièrement touché. Il y a eu plus de morts en France que dans d'autres pays à population égale. On n'a pas le droit de mettre en danger la confiance de la population dans les vaccins.
Quand nous n'avions pas de vaccin, nous pleurions tous ! Et maintenant, il ne faut plus se faire vacciner ! Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas !
La question de la vaccination ne se pose pas, mais celle de l'obligation vaccinale, si. J'espère qu'on n'aura pas à se tourner vers elle. M. le ministre estime qu'elle n'est pas applicable, mais il soutenait aussi il y a quelques temps qu'il ne fallait pas utiliser les moyens numériques ni le passe sanitaire. Et puis, on y est venu... (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Olivier Henno. - C'est un débat passionnel. Je ne voterai pas l'obligation vaccinale, contre-productive. Mais j'affirme mon admiration sans borne pour Louis Pasteur.
En tant qu'élus, nous avons un devoir de confiance envers la science. Je ne voterai pas cet amendement qui génère de la méfiance.
M. Loïc Hervé. - J'ai signé cet amendement, car je suis opposé à l'obligation vaccinale, comme je le suis aussi au passe sanitaire.
M. Savary et Mmes Guillotin et Lavarde ont écrit un rapport qui peut susciter des débats. Si l'on interdit à Mme Noel de parler, la démocratie n'a plus aucun sens ! (Exclamations sur les travées du groupe SER)
Le Conseil des ministres a adopté ce matin un texte pour imposer le passe sanitaire jusqu'en juillet 2022 !
Je ne partage pas tous les arguments de Mme Noel, mais ne les disqualifiez pas. Il vaut toujours mieux convaincre qu'empêcher les adversaires de parler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing. - Le vaccin, validé par les autorités européennes et françaises, n'est pas en phase expérimentale. Les médecins se sont efforcés de convaincre la population de se faire vacciner pour atteindre l'immunité collective et nous n'en sommes pas loin. Il y a quelques mois, nous aurions peut-être voté cette proposition de loi, mais nous voyons aujourd'hui que le passe sanitaire fonctionne bien.
Je voterai contre cet amendement.
Mme Lana Tetuanui. - Je ne participerai pas au vote par principe : la santé est une compétence de la Polynésie Française qui, le 20 août dernier, a voté l'obligation vaccinale.
Je retrouve dans l'amendement les arguments des 38 recours déposés devant le Conseil d'État contre cette obligation. En Polynésie Française, 90 % des 600 décès concernent des personnes non vaccinées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Marie Mercier. - C'est grâce au vaccin que la population et les soignants sont protégés face à cette pandémie meurtrière.
Les coronavirus sont nombreux, ils mutent et ils sont pervers. Je ne voterai pas l'obligation vaccinale et je reste dubitative sur la vaccination des jeunes enfants.
Mme Florence Lassarade. - Ce débat arrive tardivement. Le vaccin a été une chance exceptionnelle contre cette maladie mortelle. Il y a quelques mois, j'étais favorable à l'obligation vaccinale.
En décembre, j'aurais voulu qu'elle soit décrétée pour les soignants.
La vaccination des enfants, même en bas âge, serait nécessaire pour atteindre l'immunité collective. Mais si nous rendons la vaccination obligatoire, nous devrons faire de même pour d'autres maladies, comme la grippe.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Non ! Cela relève du décret !
Mme Florence Lassarade. - Et pendant combien de temps faudrait-il maintenir l'obligation ?
Mieux vaut continuer à convaincre.
Mme Esther Benbassa. - Dans la lutte contre l'épidémie, qui doit rester une priorité, nous avons un atout qui a fait ses preuves : le vaccin, dans lequel nous pouvons avoir confiance.
Néanmoins, la vaccination obligatoire porterait une atteinte démesurée aux libertés individuelles. Poursuivons dans la voie de la pédagogie, qui donne de bons résultats. Responsabilisons les citoyens et allons vers les plus réticents. C'est fastidieux, certes, mais cela vaut mieux que de rogner un peu plus nos libertés.
Je m'abstiendrai sur cet amendement.
M. Guy Benarroche. - De toute évidence, une large majorité d'entre nous est favorable à la vaccination. Pourquoi, dès lors, ne pas aller plus loin, en demandant la levée des brevets ?
Pendant que nous nous offrons des débats de riches, de très nombreuses personnes dans le monde n'ont pas accès au vaccin. La France, qui défend les valeurs démocratiques, devrait mener ce combat ! (Mme Monique de Marco applaudit.)
Mme Annick Billon. - Je ne voterai pas cet amendement, qui jette une suspicion sur la vaccination.
Totalement convaincue de l'utilité du vaccin, je ne soutiens toutefois pas l'obligation. Elle aurait pu avoir un sens plus tôt, mais ce n'est pas aujourd'hui la bonne solution. Sans compter que nous n'avons pas les moyens de la mettre en oeuvre.
Appelons sans relâche nos concitoyens à se faire vacciner !
M. Laurent Somon. - Il y a quelques mois, nous aurions probablement voté l'obligation vaccinale, afin d'enrayer plus rapidement la pandémie. Mais alors qu'on ne sait rien de l'efficacité des vaccins sur de futurs variants, mieux vaut conserver une certaine liberté d'appréciation au niveau territorial plutôt que d'instaurer une obligation généralisée.
À la demande du RDPI, l'amendement n°1 rectifié quater est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°7 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 5 |
Contre | 338 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Féret, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chantrel, Cozic et Dagbert, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Éblé, Féraud et Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et Jeansannetas, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Leconte et Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie et Mérillou, Mme Meunier, MM. Michau et Pla, Mmes Poumirol et Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.
Après l'alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le même article L. 3111-2 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - À compter du 1er janvier 2022, le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la tutelle à l'obligation de vaccination prévue au 12° du I est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale. Si une telle infraction est verbalisée à plus de trois reprises au cours d'une période de trente jours, l'amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe. »
Mme Corinne Féret. - Cet amendement instaure une sanction contraventionnelle en cas de non-respect de l'obligation - à compter du 1er janvier prochain, afin de donner à chacun le temps de s'y conformer. L'amende appliquée, de quatrième classe, sera de 135 euros. C'est une réponse à ceux qui objectent que la loi ne serait pas appliquée.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - La commission a émis un avis défavorable, par cohérence.
Mieux vaut convaincre que contraindre, nous en sommes tous d'accord. Mais le passe sanitaire du Gouvernement est bien une contrainte, assortie de surcroît de sanctions lourdes - qui ne permettront jamais de convaincre les quelques pourcentages d'antivax dans la population.
Avec le dispositif proposé, nul ne risquerait de perdre son travail. Il s'agirait d'une désescalade vers des sanctions mieux proportionnées.
Si le Sénat rejette la prolongation du passe sanitaire jusqu'en juillet prochain parce que le Gouvernement ne veut pas de clause de revoyure en février, nous aurons tout rejeté, sans apporter de solution.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a trouvé l'équilibre entre convaincre et contraindre. Avis défavorable à cet amendement, comme à l'obligation vaccinale.
M. Loïc Hervé. - Une telle coercition n'existe pas pour les onze vaccins obligatoires dont on nous rebat les oreilles : il n'y a contrôle qu'à l'inscription scolaire et à l'entrée dans certaines professions - militaires, professions de santé, par exemple.
Je voterai évidemment contre cet amendement, porteur d'un risque de dérive : que le passe sanitaire devienne un passe vaccinal et un nouvel outil de contrôle social.
Il est déjà arrivé que je tienne dans cet hémicycle des propos prémonitoires... Quand, dans quelques mois, nous débattrons du passe vaccinal, peut-être se souviendra-t-on de mon avertissement !
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Patrick Kanner . - Manifestement, mes chers collègues, nous n'avons pas réussi à vous convaincre - à moins d'un miracle lors du scrutin public, mais voilà longtemps que je ne crois plus aux miracles...
Nous sommes cohérents avec nous-mêmes : nous avons proposé l'obligation vaccinale dès le mois de juillet dernier.
Actuellement, huit millions de Français ne sont pas vaccinés. Il sera difficile d'aller les chercher.
Nous avons entendu dans cet hémicycle cet après-midi des arguments délirants, que je croyais réservés à M. Philippot sur les estrades...
J'espère me tromper, mais, s'il y a des variants, nous aurons des difficultés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Philippe Mouiller . - Inscrire dans la loi l'obligation vaccinale serait inefficace en pratique. L'action publique risquerait d'être discréditée.
Reste que les vaccins sont utiles. Ils protègent contre les formes graves de la maladie. C'est pourquoi la grande majorité du groupe Les Républicains, quoique défavorable à la proposition de loi, n'a pas voté l'amendement de suppression de l'article unique, dont l'exposé des motifs remet en cause la vaccination. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. René-Paul Savary . - Pour ma part, je m'abstiendrai, car il y a des arguments en faveur de l'obligation comme en sa défaveur. Peut-être y viendrons-nous plus tard - malheureusement.
Le vaccin, c'est comme la ceinture de sécurité : elle n'évite pas les accidents mais sauve de très nombreuses vies, et nous la mettons tous !
Mme Éliane Assassi. - Comparaison n'est pas raison...
M. René-Paul Savary. - Avec Mmes Guillotin et Lavarde, j'ai rédigé, dans le cadre de la délégation sénatoriale à la prospective, un rapport sur les réponses aux crises sanitaires. Le Gouvernement devrait s'en inspirer.
Mme Nadia Sollogoub . - Je remercie tous nos collèges pour ce débat de qualité. Nous avons fait preuve de pédagogie et d'humilité. Puissent nos travaux contribuer à réconcilier une société qui se fracture. (M. Pierre Louault applaudit.)
À la demande de la commission et du groupe SER, l'article unique constituant la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°8 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 64 |
Contre | 262 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La séance est suspendue quelques instants.