Les droits des personnes en situation de handicap sont?ils effectifs et respectés ?
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème « Les droits des personnes en situation de handicap sont?ils effectifs et respectés ? », à la demande du groupe CRCE.
Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE . - J'excuse Cathy Apourceau-Poly, qui a eu un problème de transport.
Il nous a semblé important, à six mois des élections, d'évoquer la situation des personnes en situation de handicap, et notamment l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Est-ce un revenu minimum de subsistance de l'État calculé selon le foyer familial ou une véritable prestation sociale de compensation du handicap individualisée ?
Pour le groupe CRCE, c'est la seconde option qui doit être retenue. Sans déconjugalisation, pas d'indépendance. Cette société enferme les femmes en situation de handicap : 75 % se sentent dépendantes de leur conjoint et 35 % auraient subi des violences physiques ou sexuelles de leur partenaire.
Selon l'Agence européenne des droits fondamentaux, la crise sanitaire a exacerbé les difficultés des plus vulnérables.
Il ne faut pas confondre handicap et personne en situation de handicap. En France, une personne sur quatre souffre d'une incapacité, d'une limitation d'activité ou d'un handicap.
La France a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées en 2010. Le 14 septembre 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies a critiqué l'approche française, selon laquelle les personnes handicapées seraient considérées comme objets de soins et non sujets de droit.
L'ONU estime que cette approche médicale et paternaliste nuit à la bonne application de leurs droits - à l'éducation, au logement, au travail, aux loisirs, à une vie familiale, au transport, à la santé. Il est temps de repenser notre approche.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a fait un premier pas en reconnaissant la responsabilité de l'environnement et en posant le principe de l'accessibilité à tout pour tous.
Mais nous sommes encore loin d'une société inclusive : l'accessibilité à l'école, à l'emploi, aux bâtiments publics reste partielle. Christel Prado, présidente de l'Unapei, insistait dans un rapport de 2014 sur l'opportunité d'une société où biens et services seraient accessibles à tous.
Selon le Défenseur des droits, les personnes en situation de handicap sont à l'origine de 21 % des réclamations : pour la quatrième année consécutive, le handicap est le premier motif de saisine pour discrimination. Ces personnes et leurs proches ont particulièrement souffert pendant la crise sanitaire.
Une société inclusive reconnaît à chacun des droits inaliénables, qui passent par des politiques d'aménagement, pour lutter contre l'exclusion et garantir la participation sociale de chacun, quelles que soient ses capacités.
Les enfants et les jeunes en situation de handicap sont les premiers à subir les conséquences d'une école qui ne s'adapte pas et conduit à des décrochages et des ruptures de parcours.
Il faut engager des moyens pour former des professionnels, rendre accessibles les locaux pour garantir la scolarisation en milieu ordinaire, mais aussi soutenir des structures adaptées.
S'agissant du droit au travail et à la formation, la France est en retard : un seul référent Pôle Emploi en Île-de-France ! Le nombre de places en établissement et service d'aide par le travail (ESAT) est gelé depuis 2013.
La mise aux normes d'accessibilité dans les transports publics prend du retard.
Sur le logement, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies signale les reculs de la loi ELAN qui a réduit le seuil d'exigence en matière d'accessibilité.
En France, la personne en situation de handicap n'est pas un sujet de droit. Il faut changer de paradigme et adapter la législation.
Gabriel García Márquez écrit : « J'ai appris qu'un homme n'a le droit d'en regarder un autre de haut que pour l'aider à se relever. »
Je souhaite que ce débat fasse avancer les droits de ces millions de femmes et d'hommes qui aspirent au respect. (Applaudissements)
M. Joël Guerriau . - Je remercie le CRCE de cette initiative, qui fait écho à la publication récente du Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU.
Si nous ne partageons pas sa vision excessive, nous approuvons certaines de ses recommandations.
Il faut protéger les personnes vulnérables contre toute forme de maltraitance. Selon l'OMS, une personne âgée sur six est victime de maltraitances ; le handicap aggrave ce risque.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), en juillet 2020, fait état d'une surexposition des personnes handicapées aux violences physiques, verbales ou sexuelles ; les femmes en situation de handicap sont particulièrement vulnérables.
Selon la délégation aux droits des femmes du Sénat, dans son rapport d'octobre 2019, 90 % des femmes autistes seraient victimes de violences sexuelles. Beaucoup d'entre elles optent pour une stratégie de dissimulation pour éviter la stigmatisation, au détriment du soutien dont elles auraient besoin. Il faut adapter les outils diagnostics à cette spécificité féminine de l'autisme et d'Asperger, pour mieux détecter et mieux accompagner.
Selon une étude de 2014, deux personnes autistes sur trois déclarent avoir envisagé le suicide ; je me réjouis que l'on généralise le remboursement des consultations de psychologie et de psychothérapie.
Puissent ce débat et le projet de loi de financement de la sécurité sociale contribuer à améliorer l'accès des personnes handicapées aux soins.
« Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichît ; car nul ne souhaite entendre son propre écho » : ces mots d'Antoine de Saint-Exupéry traduisent la société à laquelle nous aspirons. (Applaudissements)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) En 2018, madame la ministre, vous affirmiez que « les personnes handicapées ne seront plus des objets de soins mais des sujets de droit ». Ces droits sont-ils réellement effectifs ? Selon le Comité pour les droits des personnes handicapées de l'ONU, il semblerait que non. Malgré notre devise républicaine, Jonas Rukus, son rapporteur, considère qu'en France, les personnes en situation de handicap sont laissées de côté.
Des progrès ont été faits depuis la grande loi de 2005 - modification du code du travail, loi d'orientation destinée à favoriser l'autonomie, la stratégie pour l'emploi des personnes handicapées. En mars dernier, le Sénat a voté, contre l'avis du Gouvernement, la déconjugalisation de l'AAH, qui répond à une attente sociétale profonde.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a confirmé la création de la cinquième branche, mais sa mise en place reste inaboutie.
Dans les faits, qu'en est-il vraiment de droits des personnes handicapées ? Le Comité onusien retient trois points de vigilance : la mise en institution systématique, les traitements sous contrainte ainsi que le dépistage prénatal, qui entraînerait le rejet des personnes porteuses de trisomie 21. Il nous reproche l'exil des personnes handicapées vers la Belgique, faute de solution en France.
Ces personnes ont besoin d'aide afin de prendre toute leur place dans la société : il faut une révolution culturelle pour faire changer le regard sur le handicap. L'accueil de la fragilité est le premier critère de notre humanité !
Prenons l'exemple de l'école. Alors que la Convention relative aux droits des personnes handicapées garantit le droit à l'éducation, de nombreux élèves ne sont plus accompagnés, par manque de moyens et d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Idem pour l'insertion professionnelle : le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %, les entreprises préférant payer plutôt que de respecter le quota.
La numérisation des administrations constitue un risque d'exclusion. Des erreurs ou des incompréhensions peuvent entraîner des suspensions de droits. La centralisation des informations s'impose. Communautés 360, guichet unique, plateforme de répit pour les aidants, maisons départementales pour l'autonomie : il faut simplifier !
Le chemin vers une société inclusive est encore long. Que répondez-vous aux observations de l'ONU ? (Applaudissements)
Mme Céline Brulin . - Douze millions de personnes sont touchées par un handicap en France. La loi de 2005 a permis des avancées, mais l'égalité des droits doit encore progresser pour que notre société soit réellement inclusive.
Le CRCE souhaite que des propositions soient formulées pour améliorer concrètement la vie des personnes en situation de handicap.
Dès la porte de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), cela coince : le délai de réponse moyen à une demande de prestation est de quatre mois et douze jours. Les départements doivent être mieux dotés pour faire face à des demandes en augmentation.
Il faut accompagner les collectivités territoriales pour faire avancer le grand chantier de l'accessibilité.
Il manquerait 45 000 places dans des structures médico-sociales. De nombreux enfants ne trouvent pas de solution éducative, des jeunes adultes restent dans des structures inadaptées à leur âge, sans parler des personnes handicapées vieillissantes qui n'ont plus leurs parents. Votre réponse ? RAPT, PAG, PCPE, autant d'acronymes incompréhensibles qui ne masquent pas l'absence criante de places.
Depuis 2013, aucune place n'a été créée en ESAT ; deux mille jeunes qui devraient en relever sont maintenus en institut médico-éducatif (IME), au titre de l'amendement Creton.
Il faut revenir sur les reculs de la loi ELAN pour relancer la construction de logements accessibles.
Certaines académies ne comptent pas les élèves relevant des Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) dans les effectifs des établissements. C'est inhumain, et cela conduit à réduire le taux d'encadrement alors qu'il faudrait un accompagnement renforcé !
Pour sécuriser les parcours de ces élèves, il faut actionner trois leviers : professionnalisation et déprécarisation des AESH, formation des enseignants et partenariat entre l'école et le médico-social.
Votre refus d'individualiser l'AAH est symbolique. Il faut adopter la déconjugalisation : la mobilisation ne faiblira pas.
L'accès aux droits fondamentaux des personnes en situation de handicap doit être assuré à tous les niveaux. (Applaudissements)
Mme Brigitte Devésa . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce débat concerne les droits des personnes en situation de handicap mais aussi le soutien aux proches aidants.
La conférence nationale du handicap en 2020 a abouti à un accord de méthode sur le pilotage des MDPH, qui engage l'État et les départements.
La feuille de route MDPH 2022 poursuit dans cette voie, avec l'objectif de rendre l'accès aux droits plus simple, efficace et équitable.
Nous n'ignorons pas les actions prises par ordonnance durant la crise sanitaire pour prolonger les droits.
Les données sont partiellement ou totalement indisponibles pour un tiers des 101 MDPH ; 45 % des MDPH restantes répondent au-delà du délai légal de quatre mois. Je salue à cet égard les bons résultats de la MDPH des Bouches-du-Rhône qui affiche un délai moyen de 1,4 mois.
Notez-vous une amélioration ? Quel est le délai moyen pour une première demande et pour une demande de renouvellement ? Quels leviers activer pour aider les départements à améliorer le temps de réponse ?
Hier se déroulait la journée nationale des aidants. Si la prestation de compensation du handicap (PCH) permet de financer des solutions de répit, la prise en charge devient plus difficile en cas de besoin soudain. La réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en 2015, montre l'évolution de la place de l'aidance dans nos politiques publiques.
Le champ des personnes handicapées et des personnes âgées relève de l'autonomie. L'accompagnement quotidien est éprouvant pour les proches aidants. Travaillez-vous à une réforme de la PCH pour y inclure un module répit facilement mobilisable ? (Applaudissements)
M. Bernard Fialaire . - La loi du 11 février 2005 a réaffirmé le droit à l'éducation des personnes en situation de handicap et posé le principe de l'école inclusive : tout enfant ou adolescent en situation de handicap est de droit inscrit dans l'établissement le plus proche de son domicile.
En 2010, la France ratifiait la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, garantissant notamment leur droit à l'éducation, sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances.
Onze ans plus tard, les conclusions du comité des droits des personnes handicapées dénoncent la présence de structures - IME et ULIS - qui perpétueraient la stigmatisation et l'exclusion. Il faut veiller à privilégier le milieu scolaire ouvert chaque fois que c'est possible. Or le soutien académique individualisé pour les élèves atteints d'autisme ou de trisomie est insuffisant.
Seules 45 000 personnes en situation de handicap suivent une formation supérieure - soit un étudiant sur cinquante, alors qu'un Français sur six est en situation de handicap.
Le comité déplore un manque de statistiques concernant la scolarisation des enfants handicapés dans les territoires ultramarins, ou de certaines populations marginalisées - Roms, demandeurs d'asile, réfugiés.
Il reproche à la France de n'avoir pas fourni d'équipements satisfaisants aux enfants handicapés, notamment malentendants, durant la crise sanitaire. Nous savons que la pandémie a aggravé les disparités dans l'éducation.
Enfin, le comité juge insuffisants l'enseignement en langage des signes ainsi que l'enseignement de ce langage et du braille.
Dans son rapport de 2020, le Défenseur des droits souligne le manque d'AESH, dont les conditions de travail difficiles sont accentuées par la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) qui ont pour effet de leur confier trop d'élèves.
Hier à Lyon, 2 000 professionnels du secteur médico-social manifestaient pour demander l'extension des mesures du Ségur à leurs établissements.
Malgré les progrès, la situation demeure perfectible.
La semaine prochaine, nous débattrons à nouveau de l'individualisation de l'AAH : souhaitons que le Sénat fasse à nouveau le choix d'étendre les droits des personnes en situation de handicap. (Applaudissements)
Mme Annie Le Houerou . - Le respect des droits des personnes en situation de handicap passe par un accompagnement adapté et qualifié, délivré par des professionnels du soin qui se sentent bien dans leur métier.
Or mardi dernier a eu lieu une manifestation nationale des professionnels du médico-social ; hier, à l'occasion de la journée internationale des aidants, ces mêmes professionnels dénonçaient un risque de pénurie de main-d'oeuvre et le manque de moyens. Problème de recrutement, épuisement, manque de reconnaissance : l'absentéisme et les démissions battent des records.
Le Ségur a créé une concurrence entre les statuts et favorisé une fuite du personnel vers les structures qui offrent désormais une meilleure rémunération. L'accord issu du rapport Laforcade, censé rectifier les inégalités, a entraîné incohérences et désillusions.
Promotion des métiers, formation, qualité de vie au travail : il faut une réflexion d'ensemble sur l'attractivité du secteur. Les professionnels, les associations, les familles nous alertent sur le nombre croissant de défauts de soins. Le lien tissé avec les patients est abîmé par le fort turnover des aides-soignants : intérimaires et bénévoles ne sont pas la solution. Les résidents, devenus objets de soins, sont atteints dans leur dignité. Certaines structures ferment des services, limitent les accueils de jour.
Or aucune compensation des revalorisations salariales n'est prévue dans l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022... Quant au projet de loi Autonomie, il ne verra pas le jour d'ici la fin du quinquennat.
Il faut des mesures d'urgence pour faire des personnes en situation de handicap des citoyens à part entière dans notre société.
Le manque de moyens pour la scolarisation en IME ou en milieu ordinaire est criant. La ministre Cluzel, sensible à la question, n'est pas entendue.
Comment garantir l'effectivité des droits ? Que fait le Gouvernement pour répondre au mal-être des professionnels et prévenir la maltraitance institutionnelle ? (Applaudissements)
M. Dominique Théophile . - Je salue l'initiative du groupe CRCE ; ce débat, nous le devons aux douze millions de personnes touchées par un handicap, dont neuf millions par un handicap invisible.
C'est l'occasion d'évaluer la politique du Gouvernement en la matière et les efforts consentis pour assurer le respect des droits des personnes en situation de handicap : droit de se former et de travailler, droit de se déplacer, droit de s'épanouir et d'avoir une vie intime, mais aussi droit à bénéficier d'une compensation financière - la PCH et l'AAH, deux fois revalorisée depuis 2017.
Avec un budget annuel de 51 milliards d'euros, la France est au troisième rang en Europe pour le financement des politiques sur le handicap mais beaucoup reste à faire.
Si le comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unis a salué l'ambition de la stratégie nationale pour l'autisme, il critique aussi une approche jugée trop médicale.
Rappelons toutefois l'ampleur du travail accompli depuis le début du quinquennat. Le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés a augmenté de 20 %. Le nombre d'apprentis en situation de handicap a bondi de 3 500 en 2019 à près de 6 000 en 2020. Depuis janvier 2021, 15 000 travailleurs handicapés ont été recrutés dans le cadre du plan de relance, dont les deux tiers en CDI.
Les projets pilotes en Gironde et en Loire-Atlantique lancés en 2020 pour les femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales sont à saluer.
En outre-mer, les besoins sont nombreux et les retards réels. Le handicap y touche 11 % des plus de 15 ans, contre 9 % en métropole. Cette proportion est même de 13 % en Martinique. Le handicap touche davantage encore les seniors - jusqu'à 24 % en Martinique et à Mayotte contre 16 % dans l'Hexagone. La Défenseure des droits a noté que les inégalités d'accès à la santé y favorisent le renoncement aux soins, ainsi que les discriminations.
De même, l'intégration des plus jeunes y est plus difficile, faute de moyens et de places dans les structures d'accueil. La consultation sur les discriminations lancée en avril dernier sera, je l'espère, l'occasion d'apporter les réponses qui s'imposent dans ces territoires. (Applaudissements)
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je remercie Mme Cohen et l'ensemble du groupe CRCE d'avoir mis en évidence la situation des personnes en situation de handicap, un vrai sujet de société qui mérite la plus grande considération.
Les chiffres sont alarmants. Le 26 août 2007, à mon arrivée au Sénat, j'ai rejoint la commission des affaires sociales, alors présidée par Nicolas About. J'y ai rencontré l'un des auteurs de la loi du 11 février 2005, Paul Blanc, qui suivait la mise en place des MDPH. J'ai pris conscience de l'importance des notions de proximité et d'accessibilité.
L'accessibilité en particulier est un vaste sujet, qui touche les transports, notamment le ferroviaire, qui me tient à coeur, l'école, l'université, le logement, l'emploi. Combien de bâtiments et d'établissements ne sont toujours pas accessibles ? Combien de trains ? Hier encore, à la gare Champagne-Ardenne TGV, l'ascenseur était en panne : ces dysfonctionnements sont trop nombreux.
Madame la ministre, vous le savez, il y a beaucoup à faire aussi en matière d'éducation prioritaire. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)
Les rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin et Éric Bocquet rappellent régulièrement, en commission des finances, les limites de l'AAH : n'oublions pas l'humain !
Saluons enfin le dévouement du personnel médico-social, dont le rôle a été crucial pendant le confinement, et le rôle des associations bénévoles. Nous en reparlerons lors du PLFSS et du PLF.
L'État et les collectivités territoriales sont des partenaires cruciaux dans la lutte contre le handicap. (M. François Bonhomme acquiesce.) J'ai rencontré une conseillère municipale de Charleville-Mézières, malvoyante : notre entretien s'est prolongé car j'ai beaucoup appris à l'écouter, tant il est vrai qu'on apprend tous les jours.
Les personnes en situation de handicap méritent respect et reconnaissance. (Applaudissements)
M. François Bonhomme. - Bravo !
M. Alain Duffourg . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 2 septembre, des milliers d'enfants faisaient leur rentrée, mais 8 000 à 11 000 enfants en situation de handicap sont restés sans solution, exclus de l'école de la République. Le manque d'AESH et de classes ULIS hypothèque leur avenir.
Les enfants porteurs d'un handicap mental subissent des conséquences particulièrement lourdes de cette déscolarisation : retards d'apprentissage, manque de socialisation, difficultés d'intégration, potentiels ignorés. Si Stephan Hawking était né Français, serait-il devenu le physicien de génie que nous connaissons ?
Madame la ministre, quel bilan tirez-vous du déploiement du numéro d'appel École inclusive ? Où en est le recrutement des AESH ? Une meilleure scolarisation, c'est une meilleure inclusion dans le monde du travail, donc une meilleure intégration sociale. Or on constate que plus le handicap est important, plus le niveau de diplôme est bas ; 80 % des personnes handicapées ont un niveau de qualification inférieur au baccalauréat. De là un taux de chômage de 16 %, double de la moyenne nationale.
L'accès au travail est un droit qui ne doit pas être entravé par le handicap.
Quelles solutions préconisez-vous pour une meilleure insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, en particulier les 700 000 qui souffrent de handicap mental ? (Applaudissements)
Mme Michelle Meunier . - « Les personnes handicapées ont le droit à la protection contre toute forme d'exploitation, de violence ou de maltraitance, y compris leurs aspects fondés sur le sexe. » C'est l'article 16 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, signée par la France en 2010.
Or ce droit n'est pas assuré en France. Dans son rapport de 2019, notre mission d'information avait souligné le risque accru d'exposition des enfants en situation de handicap aux violences sexuelles.
Le ratio va du simple au triple comparé aux enfants valides, du simple au quadruple pour les enfants atteints d'un handicap mental. C'est effrayant : 90 % des filles autistes ont subi des violences sexuelles ; 31 % subissent un viol avant l'âge de 9 ans.
Il faut renforcer les contrôles des intervenants et développer des mesures de prévention pour protéger ces enfants. Le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (Fijais) reste trop méconnu des établissements accueillant des enfants en situation de handicap et sa consultation n'est pas systématique, faute d'habilitation.
En février 2020, le Gouvernement a pris la mesure du problème et a cherché à faire du Fijais le point nodal de la lutte contre le renouvellement des infractions.
Quels sont les résultats de l'audit mené par le ministère de la justice sur les procédures de téléconsultation ? Celles-ci sont-elles mises en place pour les établissements médico-sociaux, à l'image de ce qui se pratique dans les centres de loisirs ? Quels contrôles sont effectués sur les prestataires de services et les animateurs extérieurs ? Les directions d'établissements confrontées à des difficultés de recrutement sont-elles sensibilisées ? À ce titre, les appels à bénévolat pour assurer l'encadrement de certaines activités ne sont pas vraiment de nature à nous rassurer...
Nous avons été frappés par l'absence totale de procédures, ni même de réflexion sur les pratiques professionnelles, au sein des deux grands réseaux associatifs gestionnaires d'établissements que nous avons auditionnés. Le plan gouvernemental prévoyait dès 2020 des formations communes pour renforcer la coopération entre professionnels sur les violences intrafamiliales, mais rien sur les violences commises dans les établissements. Il est primordial que ces enjeux intègrent les modules de formation initiale et continue des professionnels. C'est ainsi que nous avancerons vers une meilleure protection des personnes en situation de handicap, enfants comme adultes, contre les violences sexuelles. (Applaudissements)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La place des 12 millions de Français en situation de handicap reste un enjeu majeur, malgré le renforcement des politiques publiques en la matière, notamment depuis la loi de 2005.
L'objectif de favoriser l'intégration des personnes handicapées en leur assurant l'accès aux lieux publics, aux transports en commun, à un logement et à un travail adapté reste essentiel, mais l'effectivité de la loi est incertaine : quinze ans après son adoption, 18 % des personnes souffrant de handicap sont au chômage, soit près du double de la moyenne nationale ; et 67 % d'entre elles rencontrent des problèmes d'accessibilité des lieux publics.
Le 14 septembre dernier, le comité des Nations-Unies pour les droits des personnes handicapées a regretté un modèle de prise en charge favorisant l'institutionnalisation systématique, et a recommandé à la France de mettre en oeuvre des stratégies afin d'éliminer les représentations négatives ou dévalorisantes des personnes handicapées. Il a encouragé notre pays à renforcer les mécanismes tels que la surveillance indépendante et le contrôle judiciaire afin de prévenir toutes les formes de mauvais traitements et à protéger de la surmédication les enfants handicapés placés en institution.
Le refus du Gouvernement d'individualiser l'AAH, comme le prévoyaient nombre de propositions de lois, illustre l'application parcellaire des droits des personnes handicapées, avec ses effets regrettables : impossibilité d'obtenir l'aide en deçà d'un certain degré de handicap, baisse de l'allocation à mesure qu'augmentent les revenus du conjoint valide, impossibilité d'acquisition immobilière... L'ONU a d'ailleurs enjoint au Gouvernement de réformer le règlement de l'AAH en ce sens.
La personne handicapée est trop souvent considérée comme une personne souffrant d'incapacités plutôt que comme un sujet de droit. Il nous revient de changer ce paradigme. (Applaudissements)
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - Sophie Cluzel est retenue à l'Assemblée nationale.
M. François Bonhomme. - C'est dommage.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État. - En quatre ans, beaucoup a été fait pour rendre notre société plus inclusive au bénéfice des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leurs 8 millions de proches aidants : le droit de vote a été rendu aux majeurs sous tutelle, la charge de la preuve a été allégée pour l'octroi de droits sans limitation de durée si le handicap n'est pas susceptible d'évoluer positivement, l'AAH a été fortement revalorisée, à 900 euros par mois, l'école est encore plus inclusive, un congé indemnisé de proche aidant a été créé.
Nous agissons en concertation avec les associations, les collectivités et toute la société civile, suivant une feuille de route ambitieuse comprenant quatre réformes prioritaires.
Première réforme, simplifier l'accès aux droits et assurer l'équité territoriale : mobilisation de tous les leviers réglementaires et budgétaires pour permettre aux MDPH d'accélérer le traitement des dossiers, création de droits sans limitation de durée pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, extension de six à douze mois de la validité des certificats médicaux, simplification des formulaires de demandes ou le déploiement d'un système d'information pour près de 99 MDPH - tout cela en concertation avec les conseils départementaux, via la signature le 11 février 2020 d'un accord de méthode inédit avec l'Assemblée des départements de France.
Après des années de stagnation, l'État mobilise désormais d'importants moyens financiers : le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) augmente de 15 millions d'euros dès 2021.
Pour soutenir les départements les plus en difficulté, la CNSA a mis en place une équipe de sept personnes qui viennent améliorer les processus de traitement des MDPH et réduire le stock des dossiers. Enfin, pour permettre en toute transparence à chaque citoyen de suivre les avancées et s'assurer de l'équité territoriale de notre action, nous avons créé, avec Dominique Bussereau, le baromètre MDPH qui permet de suivre la progression des différents chantiers : il favorise une dynamique positive entre les territoires.
Les délais de traitement sont ainsi tombés à 4,2 mois - la cible étant de 4 mois pour 2022. Le délai pour obtenir l'AAH, que nous souhaitons porter à 3 mois, est tombé à 4,1 mois et baisse de trimestre en trimestre. Les droits sans limitation de durée, que nous espérons porter à 65 %, représentent 56 % des dossiers, soit 7 points de plus par rapport à début 2020. Notre action se poursuivra en se territorialisant davantage encore.
Deuxième réforme : le repérage précoce des troubles du neuro-développement. Aujourd'hui diagnostiqués à 6 ou 7 ans, ils peuvent être repérés plus tôt, à un âge où la grande plasticité cérébrale permet de limiter le sur-handicap.
Le forfait intervention précoce est l'une des mesures phares de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro- développement. Il repose sur la mise en place par les ARS de plateformes de coordination et d'orientation, capables de proposer aux familles, dès les premiers signes d'alerte, des interventions adaptées ; ou de les orienter vers les professionnels libéraux respectant des recommandations de bonnes pratiques. L'intégralité du parcours est prise en charge par l'assurance maladie pendant 24 mois, qu'il s'agisse des interventions de psychologues, d'ergothérapeutes, ou de psychomotriciens. Pour les familles, cela représente une dépense évitée de 1 500 euros en moyenne !
À ce jour, 63 plateformes sont d'ores et déjà en place et 15 supplémentaires seront ouvertes avant l'été. Elles auront permis de repérer plus précocement 6 800 enfants et de déclencher 3 807 forfaits. D'ici 2022, 100 plateformes seront installées pour repérer 30 000 enfants et attribuer 19 000 forfaits. En parallèle, les premières plateformes dédiées aux enfants de 7 à 12 ans présentant des troubles du neuro-développement seront mises en place dès 2021. Cette réforme change profondément la vie des enfants diagnostiqués et de leur famille. Il nous faut continuer à accélérer en mobilisant encore davantage les professionnels de la petite enfance, les médecins généraux et les pédiatres en lien avec l'assurance maladie et la Caisse nationale des allocations familiales.
Mme Laurence Cohen. - Vous n'avez pas beaucoup écouté le débat... Tout va bien, circulez, il n'y a rien à voir !
M. François Bonhomme. - Ce n'est pas faux...