Confiance dans l'institution judiciaire (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi et du projet de loi organique, adoptés par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Il a été décidé que ces textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le constat qui m'amène est simple : notre justice fait l'objet d'une défiance grandissante dont les causes sont multiples. Le projet de loi vise à inverser cette tendance qui altère notre démocratie et notre pacte social.

Il est le fruit de mon expérience d'avocat, mais aussi des travaux des commissions que j'ai installées à la Chancellerie et des commissions des lois des deux assemblées.

La justice est considérée à tort comme un monde à part, éloignée de la vie réelle de nos concitoyens. Les Français ne la comprennent plus, ne comprennent plus son langage, la trouvent tantôt trop sévère, tantôt trop laxiste, trop lente.

Il faudra répondre à leurs attentes légitimes et rendre la justice plus transparente, plus proche d'eux et plus protectrice de leurs droits.

En cinq ans, le budget de la justice aura augmenté - un ancien garde des Sceaux parlait même de « clochardisation » de la justice. Mais on ne saurait nier la détermination du Président de la République pour donner à notre justice les moyens qu'elle mérite.

Parce que la défiance prospère sur la méconnaissance, je souhaite que nos concitoyens comprennent mieux la justice du quotidien, rendue en leur nom.

Les médias rendent compte des procès mais ne filment pas les audiences du quotidien. C'est l'objet de l'article premier.

Il ne s'agit nullement de faire de la justice spectacle (M. Philippe Bas s'exclame.), mais de l'expliquer pour qu'elle soit mieux comprise, sans porter atteinte aux droits des parties. Des garanties sont prévues pour assurer la sérénité des débats, la présomption d'innocence, la sécurité des personnes, le droit à l'oubli, le respect de la vie privée, ou encore l'intérêt supérieur des mineurs ou majeurs protégés.

J'estime depuis mes années d'avocature que le lien de confiance repose aussi sur une meilleure connaissance des professionnels du droit. C'est pourquoi j'ai prévu la présence d'avocats honoraires dans les cours d'assises et les cours criminelles départementales et je regrette que la commission des lois ait supprimé ces dispositions novatrices. C'est dans le même esprit que j'ai souhaité que les commissions disciplinaires des avocats soient présidées par des magistrats.

La restauration de la confiance ne peut s'envisager sans respect des droits des justiciables. Les enquêtes préliminaires ne pourront durer plus de deux ans - un an supplémentaire pourrait toutefois être accordé -, ce qui restaure pleinement le rôle du ministère public. Un délai dérogatoire de cinq ans est prévu pour les infractions les plus complexes liées à la criminalité organisée ou au terrorisme. Je suis défavorable à l'ajout de dérogations supplémentaires, à l'exception de celle relative aux affaires de corruption d'agents publics étrangers.

Je me félicite que les mis en cause aient accès à la procédure quand ils sont mis en avant par les médias.

Je défends avec vigueur le secret professionnel des avocats, trop longtemps foulé aux pieds. Les actes d'enquête susceptibles d'y porter atteinte - perquisitions, écoutes téléphoniques, exploitation des factures détaillées - seront mieux encadrés. J'ai entendu la crainte relative à l'efficacité des enquêtes. Mais dissipons les fausses querelles : certes, une enquête est plus facile à conduire sans garantie des droits, mais nous sommes dans un État de droit. Le problème est mal posé : l'efficacité d'une enquête repose d'abord sur le nombre et la formation des enquêteurs. La méfiance à l'encontre des avocats est déplacée. C'est une profession essentielle à l'exercice des libertés et des droits et non un adjuvant à la délinquance. Si les avocats commettent des infractions, la protection du secret professionnel ne trouvera pas à s'appliquer. Il est fantaisiste de prétendre qu'il suffit de mettre un avocat en copie d'un mail pour se soustraire à l'enquête. Je souhaite qu'un compromis se dégage au cours de la navette.

Pour ne pas correctionnaliser les viols, il faut généraliser les cours criminelles départementales. Je connais les réticences du Sénat...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et les vôtres !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... mais toutes les évaluations, y compris une étude parlementaire, concluent à la nécessaire généralisation des cours criminelles départementales.

Le rappel à la loi était devenu incompréhensible pour nos concitoyens et nos forces de l'ordre. Pis, il portait gravement atteinte à l'autorité de l'État. Il sera remplacé par un avertissement pénal probatoire, issu des travaux de magistrats de terrain et de la Conférence nationale des procureurs de la République. (Exclamations)

Si une nouvelle infraction est commise dans l'année qui suit l'avertissement, la personne sera poursuivie pour les deux infractions. Cette nouvelle mesure ne pourra être prononcée qu'en cas de reconnaissance de culpabilité et d'absence de condamnation préalable, et par le seul procureur ou son délégué. En outre, elle ne pourra concerner des faits de violence commis envers une personne dépositaire de l'autorité publique ou investie d'un mandat électif public. Son entrée en vigueur sera progressive.

Il est nécessaire de comprendre le sens de la peine. C'est pourquoi il faut refondre le système des réductions de peines : celles-ci doivent être graduées selon le mérite de la personne et l'automaticité supprimée.

Le détenu doit bien comprendre ce qui est attendu de lui. Nous voulons limiter les sorties sèches et préférons la libération sous contrainte avec accompagnement, afin de faciliter la réinsertion du condamné. C'est aussi le sens du contrat de travail du détenu que je défends. Je m'engage à ce que les coûts en soient supportés par l'État et non par les entreprises qui font le choix louable d'intervenir en prison.

La discipline des professions du droit doit être renforcée et rénovée. Chaque réclamation sera traitée avec célérité et impartialité. Ces dispositifs, bâtis avec les professions, ont été utilement enrichis par votre commission.

Ce texte contient des dispositions de modernisation du fonctionnement de la justice, en encourageant les modes amiables de règlement des différends, sans intervention du juge. Votre commission a placé le versement de la provision directement entre les mains du médiateur : c'est une bonne chose.

Je vous proposerai de faciliter le recours à la visioconférence à la demande des parties en matière civile et commerciale.

Comme je m'y étais solennellement engagé devant l'Assemblée nationale, je vous proposerai la création d'un conseil de l'accès au droit en Nouvelle-Calédonie.

Je suis convaincu que ce projet de loi fera changer le regard de nos compatriotes sur la justice. Bien sûr, un projet de loi ne suffit pas, mais toutes ses dispositions créent un choc de confiance qu'il nous appartiendra de prolonger lors des prochains États généraux de la justice, sans tabou ni censure, mais avec passion. (Applaudissements sur les travées du RDPI, MM. Philippe Bonnecarrère et Pierre Louault applaudissent également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - Sixième réforme de la justice du quinquennat, ce projet de loi a pour ambition de redonner confiance en l'institution judiciaire, quand 53 % des Français ne croient pas en la capacité de la justice à répondre à leurs attentes. La justice doit être simple, rapide et effective.

Le Sénat partage ces inquiétudes, comme en témoignent ses nombreuses propositions pour redresser la justice ; encore hier à l'occasion de l'Agora de la justice organisée dans nos murs.

Ce texte s'apparente à un catalogue de mesures techniques d'inégale portée. La confiance ne se décrète pas, elle s'acquiert. Il faut pour cela un travail parlementaire serein et non des rafales de textes. La succession des messages du Président de la République brouille la compréhension : Beauvau de la sécurité, États généraux de la justice, examen du projet de loi...

La diffusion des audiences doit avoir une visée pédagogique, informative, scientifique ou culturelle : cela ne saurait être ni de la communication gouvernementale ni du sensationnalisme. En outre, la participation au procès doit être gratuite pour les parties.

Il est urgent d'apaiser le monde judiciaire. Magistrats, avocats, policiers, greffiers et officiers publics font vivre la justice au quotidien, mais sont trop souvent l'objet d'attaques infondées. Nous saluons l'augmentation des crédits et des moyens humains de votre ministère, mais regrettons l'accumulation des réformes.

La généralisation des cours criminelles départementales est prématurée. Certes, les premiers retours sont positifs, mais avec la crise sanitaire et la grève des avocats, les évaluations n'ont porté que sur un nombre restreint d'affaires : prolongeons l'expérimentation jusqu'à mai 2023.

Dans un souci d'apaisement et de clarification du rôle de chacun, la commission a supprimé la présence des avocats honoraires au sein des cours d'assises et des cours criminelles départementales.

Simone Veil considérait que la prison devait « servir à élever intellectuellement les détenus, et pas seulement les punir ». Le travail pénitentiaire a diminué de moitié en vingt ans : il ne concerne plus que 29 % des détenus aujourd'hui. Le contrat d'emploi pénitentiaire est une avancée. Nous serons vigilants à ne pas décourager les opérateurs économiques : les coûts doivent être supportés par l'État.

Enfin, dévoilé tardivement, l'avertissement pénal probatoire offrira une alternative nécessaire au rappel à la loi.

« Faire justice est bien. Rendre justice est mieux » estimait Victor Hugo. C'est en nous appuyant sur les professionnels de la justice que nous reconstruirons collectivement le lien entre les Français et l'institution judiciaire, base de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois .  - Le Sénat aborde cette discussion de manière constructive.

Deux éléments : voici un texte de paradoxes, et les points d'accord entre la commission de lois et le Gouvernement sont plus nombreux que nos désaccords qui sont connus et argumentés.

Paradoxe : ce texte est-il de nature à rendre confiance en la justice à nos concitoyens ?

M. Philippe Bas.  - Non ! (Rires)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Voilà une réponse claire et nette. Nos concitoyens doutent de la justice civile et de la justice pénale.

Le ministre s'est dit « décroissant législatif ». Or nous examinons plus d'un texte pénal par an ! Et les textes récents -  sur le séparatisme, sur le climat  - sont généreux en nouvelles infractions. Le ministre prévoit de nouveaux objectifs, de nouvelles procédures, de nouvelles dépenses....

Nous sommes en désaccord sur la réalité de l'enquête judiciaire dans notre pays, sur l'équilibre entre les droits de la défense et l'activité de conseil des avocats et sur les avocats honoraires que vous voulez introduire partout. Nous avons du mal à comprendre cette passion, sinon qu'il faudrait éviter l'entre-soi des magistrats. C'est la nostalgie du paradis perdu des avocats et magistrats hébergés dans le même palais de justice...

Nous abordons cette discussion sans tabou ni censure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled.  - « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre », disait Richelieu.

Sans une justice forte et efficace, c'est l'ensemble de la société qui vacille. Et pourtant, plus de la moitié des Français n'a pas confiance dans la justice.

Je salue l'augmentation du budget de la justice obtenue par le garde des Sceaux. Elle est significative et l'effort devra être poursuivi, notamment dans la prochaine loi de finances.

Pour que la justice cesse d'être le coupable idéal, il est nécessaire de faire mieux connaître son fonctionnement : c'est pourquoi nous sommes tout à fait favorables à la diffusion des procès.

La justice a besoin de transparence lorsqu'elle se rend, mais de secret lorsqu'elle se prépare. Ce secret doit être garanti tant que l'enquête n'est pas terminée. Il est inacceptable que des médias condamnent moralement avant le verdict du juge.

La limitation de la durée des enquêtes préliminaires est une bonne mesure, mais elle supposera le renforcement des moyens humains.

La décision de prudence de la commission des lois de poursuivre l'expérimentation des cours criminelles départementales n'est pas un signe de défiance.

Le manque de places de prison ne saurait motiver des réductions de peine. Il faut récompenser celui qui renoue avec les valeurs de notre société et qui prépare sa réinsertion.

Saluons les dispositions relatives à l'encadrement du travail des détenus qui éloigneront « l'envie, le vice et le besoin », selon les mots de Voltaire.

Je constate que la justice civile et commerciale est peu abordée par le texte alors qu'elle est plus fréquemment connue des Français.

Je suis favorable aux modes alternatifs de règlement des différends qui désengorgent les tribunaux.

Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi.

M. Guy Benarroche .  - Ce texte laisse un goût d'inachevé. Pourtant, l'intention était louable et le constat juste ; mais la réponse ne peut être de rogner les droits de la défense et la capacité des juges à juger.

La morale du texte qui nous est présenté semble être : « la justice est trop lente, court-circuitons-la ». Drôle de remède... Certes, la justice est trop lente, mais, dans votre course à l'affichage, vous éloignez encore plus le juge du justiciable.

Vous nous proposez un changement de philosophie du droit, qui s'écarte de la personnalisation de la peine. C'est un recul. Il faut faire plus simple, certes, mais surtout plus juste. Pourquoi pas des algorithmes ou des machines à juger ? Rien sur les mineurs - ou plutôt un amendement de rattrapage.

Trompe-l'oeil, votre remplacement du rappel à la loi... Il apporte de l'eau au moulin de ceux qui estiment que la justice ne condamne jamais assez.

Rien sur les travaux d'intérêt général (TIG). Or la prison n'est pas la seule sanction efficace. Encore faudrait-il évaluer l'efficacité...

Rien sur les conditions des détenus, en dépit du rapport de la contrôleuse générale des lieux privatifs de liberté et des multiples condamnations de la France. Vos propositions sont parfois bien éloignées des réalités de terrain : les activités culturelles ou intellectuelles ne sont pas accessibles à tous en détention.

Je regrette que la commission des lois n'ait pas supprimé l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la question du travail en prison.

Certes, le budget de la justice a augmenté, mais votre projet de loi manque d'une vision globale et va vers une justice toujours plus punitive et vindicative. C'est un leurre inefficace.

Le GEST votera donc contre ce texte.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le colloque de la commission des lois l'a confirmé hier : nos concitoyens ont une confiance limitée dans l'institution judiciaire.

Certes, il ne faut pas livrer la justice au tribunal de l'opinion, comme le rappelait Philippe Bas hier soir, mais saisir les ressorts de la défiance et agir sur ceux-ci. La lenteur de certaines procédures, leur opacité, le sens de l'appel interrogent.

On peut certes appréhender le projet de loi en creux : j'évoquerais pour ma part la justice de proximité, l'augmentation importante des moyens et les futurs États généraux qui s'inscrivent dans l'esprit constructif de l'Agora d'hier.

Si l'on regarde les apports du projet de loi, de nombreux points de convergence apparaissent : le fonctionnement de la justice sera mieux connu grâce à la publicité des audiences ; les enquêtes préliminaires seront ouvertes au contradictoire et leur durée variera selon leur complexité ; la protection du secret de l'enquête et de l'instruction a été utilement améliorée par les rapporteurs qui ont également renforcé les procédures disciplinaires des professionnels du droit.

Éviter les sorties sèches, ne plus automatiser les réductions de peine, créer un contrat d'emploi pénitentiaire, remplacer le rappel à la loi améliorent le sens de la peine et font consensus.

Nous débattrons de nombreux points dans les heures à venir, comme la présence de l'avocat lors des perquisitions ou la généralisation des cours criminelles départementales.

La justice doit remplir son office pour assurer notre pacte social.

Le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Comment restaurer la confiance dans la justice quand la moitié de la population n'y croit plus ? Les Français sont partagés entre ceux qui appellent au tout répressif et ceux qui veulent vider les prisons. Je grossis le trait, mais je partage cette seconde opinion : dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, l'incarcération en centre éducatif fermé est souvent le premier pas vers la récidive et un parcours judiciaire tortueux.

Un point d'accord entre tous les Français : entre une infraction, le prononcé de la peine et son exécution, il s'écoule beaucoup trop de temps et la France a été condamnée.

Le texte dit peu de la justice du quotidien, la justice civile. Pourtant, les chiffres sont là : pour 1 million d'affaires pénales chaque année, on compte plus de 2,25 millions de décisions rendues au civil.

Ce texte est de surcroît décalé, compte tenu de l'ouverture prochaine des États généraux de la justice.

La commission des lois a substantiellement modifié ce projet de loi, qui convient pour partie au RDSE. C'est ainsi que nous sommes favorables à l'enregistrement des audiences, sous réserve des garanties apportées par la commission. Nous proposerons toutefois une expérimentation et le renforcement des garanties aux personnes enregistrées. Nous sommes également favorables à la réduction des délais de l'enquête préliminaire. Nous suivrons la commission des lois sur la prolongation de l'expérimentation des cours criminelles départementales. Comme de nombreux Français, nous restons très attachés aux cours d'assises. Nous sommes enfin favorables à la clarification de conditions de travail des détenus.

Nous défendrons des amendements sur la médiation et les huissiers.

Favorables au principe de l'avertissement pénal probatoire, nous déplorons néanmoins l'absence d'étude d'impact. Et nous regrettons le texte de la commission sur le secret professionnel des avocats : c'est un recul.

Nous saluons le contexte de hausse des crédits de la justice.

Le chemin de la confiance sera long. Nous tâcherons d'y remédier ensemble : ce texte est un premier pas.

Le groupe RDSE réserve son vote en fonction du sort de ses amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce projet de loi nous laisse sceptiques, sur la forme comme sur le fond. Et sur le contexte : à la veille des élections, projets, états généraux et débats sur la justice se multiplient.

Ce projet de loi rassemble des mesures éparses et sans cohérence. Certes, filmer les audiences a une vertu pédagogique, à condition d'encadrer le dispositif. Mais la perte de confiance des citoyens dans leur justice a aussi d'autres causes : les citoyens doutent de l'impartialité des juges, de leur relation avec le pouvoir politique ; l'indigence des moyens de la justice affecte la qualité des décisions et les délais de jugement.

La diffusion d'images ne résoudra pas tout. Il faut des réformes institutionnelles profondes.

Ce projet de loi élude la question de la justice civile, pourtant au coeur du quotidien de nos compatriotes. Nous saluons toutefois la suppression de la juridiction nationale des injonctions de payer, créée par votre prédécesseur.

Nous saluons aussi les mesures sur le travail en détention. Le contrat clarifie les relations entre donneur d'ordre et détenu. Hélas, cela se fera par ordonnance.

Sur l'exécution des peines, ce qui est donné d'une main est repris de l'autre...

En l'état, ce projet de loi ne nous convient pas, malgré quelques évolutions positives, notamment sur le travail des détenus ou la déontologie. Nous regrettons le remplacement des rappels à la loi par un Canada Dry de justice ainsi que la généralisation des cours criminelles départementales -  les infractions sexuelles ne peuvent échapper à la justice du peuple.

Ce projet de loi relève d'une logique dictée par les aléas politiques et médiatiques. C'est dommage, car oui, il y a urgence à restaurer la confiance. L'institution judiciaire doit être tournée vers les citoyens : elle est là pour eux. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans tout pays démocratique, l'État de droit se mesure à la confiance entre les citoyens et les institutions régaliennes.

Or, un Français sur deux se défie de notre système judiciaire ; pour 62 % d'entre eux, notre justice fonctionne mal. Ces chiffres cruels témoignent d'un décrochage profond.

Les tribunaux sont engorgés ; magistrats et greffiers croulent sous les dossiers ; au tribunal judiciaire de Nîmes, point de juge spécialisé dans les affaires économiques et financières ; les inégalités territoriales sont criantes ; les procédures allongent l'audiencement ; les parties civiles sont délaissées.

Monsieur le garde des Sceaux, vous vouliez améliorer la justice et les conditions de travail des magistrats, mais votre bilan est contrasté. Malgré la hausse des crédits, insuffisante, vous n'avez pas pu corriger de nombreux travers.

Les acteurs du système judiciaire sont crispés. Derrière un titre ambitieux, ce projet de loi, est une addition de mesures techniques et d'ajustements qui ne règlent pas les problèmes de la justice du quotidien.

Que dire du contexte, alors que ce texte intervient avant les États généraux ? Le message du Gouvernement est brouillé. La confiance en la justice ne se décrète pas, elle se construit jour après jour, elle se mérite.

Malgré l'intérêt d'enregistrer et de diffuser les audiences, cela renforcera-t-il la confiance ?

Je vous pensais attaché à la justice populaire. Vous l'aviez affirmé en 2017. Or vous voulez désormais généraliser les cours criminelles départementales. Vous avez le droit de changer d'avis, mais votre position est paradoxale.

Les citoyens ne sont plus que de simples téléspectateurs, entre « Au théâtre ce soir » et « Faites entrer l'accusé ». (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Selon les professionnels de la justice, votre réforme pourrait avoir deux effets pervers. La nouvelle réforme va multiplier les sorties sèches ; entravant la lutte contre la récidive. En outre, certains détenus risquent de rester plus longtemps en prison, alors que l'exécutif veut réduire la surpopulation carcérale.

La suppression du rappel à la loi - 21 % des réponses pénales - n'était remplacée par rien. C'était le meilleur moyen de renforcer l'impunité judiciaire ! Le rappel à la loi représente la moitié des mesures alternatives aux poursuites. Heureusement, vous avez changé d'avis !

Nous regrettons le recours aux ordonnances aux articles 14, 15, 27 et 32. Il appartient au Parlement de légiférer ! Aussi, nous saluons le travail de la commission des lois sur ce point. Il vous faut travailler avec les Parlementaires, Monsieur le garde des Sceaux.

Nous regrettons aussi le silence du texte sur la justice du quotidien. Rien, comme souvent, sur la justice civile, commerciale ou familiale, alors que la justice civile rend 2,2 millions de décisions par an contre 800 000 pour la justice pénale.

Je crains que ce texte ne soit que de peu d'utilité. Aussi, notre groupe tentera de le renforcer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai été surpris du décalage entre l'objet annoncé du texte et son contenu réel.

Il compte des dispositions hétéroclites et de portées inégalées, ce qui ne justifie pas le caractère présomptueux de l'ambition affichée.

Certaines mesures sont utiles, mais nous sommes loin du grand soir du service public de la justice. Du reste, le Gouvernement annonce d'autres textes, comme s'il avait du temps devant lui et qu'il pouvait faire en quelques mois ce qu'il n'a pas accompli en cinq ans.

Il serait plus juste de qualifier ce texte de projet de loi portant diverses dispositions sur la justice, bien que cette question soit secondaire. (M. le ministre le confirme.)

Vous avez souhaité organiser des états généraux de la justice. Nous y avons participé dans le cadre de l'Agora de la justice, organisée hier au Sénat. Ce fut un moment fort au cours duquel nous avons mesuré l'engagement des professionnels.

Nous voulons aider la Chancellerie à renouer avec les professionnels du monde judiciaire.

Monsieur le garde des Sceaux, vous avez raison : nous ne pouvons laisser perdurer la défiance entre les Français et la justice ni laisser cette dernière en pâture au tribunal de l'opinion.

Les états généraux doivent commencer par un état des lieux loyal et impartial.

La justice civile rend plus de deux millions de décisions chaque année touchant au quotidien des Français : famille, consommation, loyers, licenciements, salaires... Le texte ne l'évoque pas, alors que les délais de jugement ne cessent de s'allonger pour atteindre désormais un an et je ne parle même par des prud'hommes où la situation est encore plus critique. Il ne peut y avoir de confiance dans ce contexte.

Les délais ne sont guère meilleurs en termes de justice pénale, puisqu'il faut deux ans entre l'instance et l'appel pour traiter les affaires de délinquance et soixante mois pour les affaires criminelles. La réponse pénale n'est pas efficace, alors que la France fait face à une forte augmentation des violences sur les personnes, notamment sur celles en charge de la sécurité de nos concitoyens. Le Président de la République lui-même l'a reconnu en avril. Ce constat d'échec me navre, tout autant que lui. Nos concitoyens s'en désolent et je ne suis pas sûr qu'on les rassurera avec l'avertissement pénal probatoire ou l'enregistrement des procès.

Parallèlement, les engagements n'ont pas été tenus s'agissant de la construction de places de prison. Monsieur le garde des Sceaux, vous vous dites ulcéré du procès fait au Gouvernement sur les 15 000 places de prison que le Président de la République s'était engagé à construire pendant son quinquennat et qui ne l'ont pas été.

Moi, je suis ulcéré que l'on puisse oser prétendre qu'elles l'ont été. Seules 2 000 places ont été ouvertes, mais elles avaient été engagées par Jean-Jacques Urvoas sous le précédent quinquennat, et 650 sont en cours de réalisation. Et rien de plus !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est faux !

M. Philippe Bas.  - Des marchés sont notifiés pour 3 450 places, mais ne seront pas disponibles avant des années. (M. le garde des Sceaux proteste.) Cela pose un grave problème démocratique.

L'augmentation des crédits est bienvenue, mais elle arrive tardivement et demeure erratique, d'autant que les crédits sont régulièrement sous-consommés. Nous n'aurons pas rattrapé le retard à la fin du quinquennat, en fonctionnement comme en investissement.

Le budget 2022 n'est pas soutenable et n'engage à rien... Il faudra recommencer au second semestre 2022 et le compte n'y sera pas.

Le Sénat est engagé depuis longtemps pour une rénovation de la justice, qui ne doit pas être un enjeu de lutte politique ni le domaine des bateleurs d'estrade.

Mon groupe soutiendra les apports de la commission des lois et votera ce texte même si je ne suis pas favorable à l'enregistrement des audiences dont je crains qu'il ne biaise les débats. Le Sénat, comme toujours, se montrera constructif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le titre de ce texte sonne comme un aveu : les Français n'ont plus confiance en la justice. C'est d'autant plus regrettable que cette institution est pourtant au coeur de notre pacte social.

Les raisons sont multiples : délais, application des peines, prévention de la récidive...

Sur le principe, ce texte est donc bienvenu. Atteint-il son objectif ?

De prime abord, j'étais favorable à la diffusion des audiences. Mais quel impact sur les parties ? Au Sénat, être filmé influe sur notre comportement. Heureusement, les rapporteurs ont encadré cette mesure.

La limitation de l'enquête préliminaire à deux ans ne concernerait qu'une minorité de dossiers. Elles sont déjà 92 % à être achevées dans ce délai. Seules 3,2 % ont une durée supérieure à trois ans. Je suis très surprise de ces chiffres et je crains de nombreux classements sans suite faute de pouvoir engager des poursuites...

Les enquêtes pour terrorisme ne seront pas concernées, de même, grâce aux rapporteurs, que les enquêtes financières.

La suppression du rappel à la loi a fait couler beaucoup d'encre, mais, monsieur le garde des Sceaux, nous vous suivrons sur la solution que vous proposez.

La généralisation des cours criminelles départementales ne peut se faire qu'à condition que les moyens humains soient accrus en conséquence. Elle paraît donc prématurée.

Je suis favorable, comme beaucoup, à la fin des remises de peine automatiques et aux mesures sur les contrats d'emplois pénitentiaires.

Il est bon également de renforcer la déontologie applicable aux différentes professions judiciaires. Il en faudra néanmoins plus pour rétablir un véritable lien de confiance, mais les mesures du texte sont bienvenues. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je veux répondre à M. Bas. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER) Que vous le vouliez ou non... Il y avait 8 427 magistrats au 1er janvier 2017 ; nous en sommes à 9 090 et nous poursuivons nos efforts. Ces chiffres sont incontestables. Le taux de vacances était de 6,22 % en 2017. Il sera au 1er novembre 2021 de 0,56 %, malgré vos propos.

M. Philippe Bas.  - Ai-je dit le contraire ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Oui, dans votre discours un peu fumeux et purement politicien. La critique pour la critique est insupportable ! (Exclamations outrées sur les travées du groupe Les Républicains) À vous entendre, nous n'avons rien fait ! (Marques de protestation sur les mêmes travées)

Voix à droite.  - Un peu de respect !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est vous qui ne respectez pas mon travail à la Chancellerie ! (Marques de protestation sur les mêmes travées)

Mme la présidente.  - Que chacun baisse d'un ton, dans la forme et sur le fond !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je vous opposerai des chiffres : 10 000 fonctionnaires de greffes ont été recrutés entre 2017 et 2021. Sur les délais, je partage votre constat, mais les stocks n'ont augmenté qu'à cause de la covid et d'une grève de six mois des avocats. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.)

M. Philippe Bas.  - À qui la faute ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Vous n'avez jamais connu de grèves quand vous étiez au pouvoir ? Souffrez que je réponde à vos propos ! Nous avons envoyé des personnels en nombre pour réduire les stocks aussi bien au civil qu'au pénal.

Vous avez tort aussi sur les places de prison : 7 000 seront livrées en 2022-2023. En 2018, le Président de la République a annoncé 15 000 places en dix ans. Elles seront livrées en 2027, soit 75 000 places au total, sans compter les réfections complètes comme à Fleury-Mérogis.

Vous avez peu de leçons à nous donner ; ainsi vous avez supprimé des postes de policiers...

M. Bernard Bonne.  - Ce reproche va durer vingt ans !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... alors que nous avons créé des postes de magistrats. Nous en avons fait plus sur la régalien sur une seule mandature que vous pendant de très nombreuses années ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous pensiez que j'allais aller à Canossa ? Souffrez que je vous réponde ! (Nouvelles exclamations)

Vous critiquez le manque de mesures sur la justice civile, mais nous avons considérablement accru le recours à la médiation et réformé le divorce. Bien sûr que ce texte ne suffira pas à rétablir la confiance, mais il y participera.

Comment rétablir la confiance ? Certains parlent de la justice sans la connaître. En filmant les audiences, je la montre. Il y aura un débat après la diffusion, avec des experts. Nos compatriotes appréhenderont mieux la justice quand ils auront visionné ces audiences, parce qu'ils la comprendront mieux.

Mettre fin à des enquêtes préliminaires qui durent quatre ans et demi, avec un feuilletonnage médiatique, sans pouvoir répondre, ne rendra-t-il pas confiance en la justice ?

Ce projet de loi n'est pas une révolution copernicienne, mais il fait bouger les choses. La médiation rétablira aussi un peu la confiance.

Ces petites briques ne règleront pas tout - ce serait présomptueux et imbécile de le dire - mais elles contribueront à rétablir la confiance.

Même chose pour le secret professionnel des avocats, promis par François Hollande, sans être mis en oeuvre. Les dispositions déontologiques concerneront aussi les notaires, les huissiers et les avocats. Les professionnels le demandaient.

Ces petites choses sont importantes pour rétablir de la confiance. Il restera du travail, bien sûr, notamment lors des États généraux et je regarde avec respect votre rencontre d'hier.

Selon Guy Benarroche, c'est un texte élitiste. Vous l'avez mal lu. C'est blessant ! Je parle de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Se lever le matin, pour certains gamins, c'est un terrible effort m'a récemment dit une éducatrice. Il faudra le prendre en compte.

La plateforme TIG360 fonctionne à plein. Elle sera ouverte aux avocats le 4 octobre.

Hussein Bourgi a repris la déclaration que j'avais faite il y a quelques années. Va-t-on me le reprocher sans cesse ? François Hollande, lui, a dit que la justice était une institution de lâches. Je ne l'ai jamais dit, moi !

Quand j'étais avocat, j'étais opposé à la cour criminelle départementale car je ne voulais pas qu'elle balaye la cour d'assises à laquelle j'étais très attachée. Puis, ministre, j'ai vu que les magistrats et les avocats, exception faite de quelques braillards, étaient satisfaits de cette nouvelle juridiction, que les appels étaient dix fois moins nombreux qu'aux assises, qu'elle permettait de régler la correctionnalisation des viols dont les victimes ne voulaient plus, et, enfin que les audiencements étaient beaucoup plus rapides.

Cette juridiction étant plus efficace, j'ai décidé de la conserver.

J'ai renforcé la souveraineté populaire. Avant, un homme pouvait être condamné en cour d'assises sans majorité de voix du jury.

Vous avez évoqué Nîmes et Nantes. On ne peut pas faire mentir les chiffres. À Nîmes, 40 magistrats au siège, il est complet ; 11 magistrats au parquet avec deux vacances dont une sera comblée en janvier. Il y a 6 % de vacances des fonctionnaires. À Nantes, il n'y a pas de vacances de magistrats, 23 agents ont été recrutés, soit une augmentation de 11 % des effectifs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue quelques instants.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Christine Herzog .  - Ce projet de loi vise à restaurer la confiance des Français dans la justice. L'article premier autorise l'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience en vue de sa diffusion. Ce n'est pas suffisant. Qu'en est-il des interrogatoires, des confrontations ou des reconstitutions ?

Le 4 février 2021 j'avais proposé, dans le cadre du projet de loi sur la justice de proximité, la possibilité pour la personne interrogée de se voir fournir un procès-verbal de son interrogatoire, signé par les deux parties.

La justice étant indépendante, elle se doit d'être la plus transparente possible. Actuellement, seule l'autorité enquêtrice peut relire les déclarations.

Monsieur le ministre, intervenez aux articles 114 et 6D-1 du code de la procédure pénale pour autoriser la fourniture de ce procès-verbal, ou une photographie de ce document.

Le grand avocat que vous êtes devrait soutenir ma proposition en faveur des droits de la défense.

Mme Esther Benbassa .  - J'ai quelques réserves sur l'article premier. Il ne faut pas que les prétoires se transforment en justice spectacle.

L'article premier va à l'encontre du droit à l'oubli, du droit à l'image et du règlement général sur la protection des données (RGPD). Les parties doivent être clairement informées de l'enregistrement. Le motif d'intérêt général est bien trop vague.

Il faut garantir le droit des personnes concernées. Pourquoi ne pas créer un juge de la mise à l'image ? Ce projet de loi ne doit laisser place à aucune ambiguïté.

Mme la présidente.  - Amendement n°231, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

huitième

par le mot :

sixième

L'amendement rédactionnel n°231, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat, Gosselin et Puissat, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Bonhomme, Belin, Bouchet et Gremillet, Mmes Lherbier et Delmont-Koropoulis et MM. Milon et H. Leroy.

I. -  Alinéa 7, première phrase

Après la référence :

38 ter

insérer les mots :

, et à titre expérimental, pour une durée de cinq ans

II. -  Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ....  -  Au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Le Gouvernement propose que les audiences puissent être enregistrées et diffusées. L'intention est louable mais les conséquences sont nombreuses. Un enregistrement sur internet peut être détourné.

Une personne non habituée aux caméras manquera, en outre, de spontanéité, ce qui pourrait nuire à la liberté des débats.

La transparence existe déjà puisque le public peut se rendre à une audience. C'est pourquoi je demande une expérimentation de ce dispositif pendant une durée de cinq ans.

Mme la présidente.  - Amendement n°69, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 7, première phrase

Apre?s la référence :

38 ter

inse?rer les mots :

et a? titre expe?rimental pour une dure?e de cinq ans

II.  -  Apre?s l'aline?a 19

Inse?rer un aline?a ainsi re?dige? :

« ....  -  Au plus tard trois mois avant l'expiration du de?lai de fin de l'expe?rimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proce?dant a? l'e?valuation de l'expe?rimentation pre?vue au pre?sent article. »

Mme Cécile Cukierman.  - Cette mesure est précipitée. Il faut tirer les enseignements des expériences des autres pays. La CNIL n'a pas été consultée. Nous voulons une expérimentation au regard de la complexité du sujet.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°103 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Requier et Roux.

Mme Maryse Carrère.  - L'enregistrement des audiences est un bouleversement. Être filmé n'a rien de neutre. La transcription télévisuelle subira un montage, puisqu'elle pourra être partielle. Nous ne connaissons pas les effets d'une telle diffusion.

C'est pourquoi cet amendement prévoit une expérimentation.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet article modifie l'article 38 ter de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. La commission des lois a précisé le motif d'intérêt public, Madame Benbassa : il devra être d'ordre pédagogique, informatif, scientifique ou culturel.

Nous avons apporté des garanties.

La diffusion ne peut intervenir qu'une fois tous les recours épuisés. La durée de cinq ans n'est donc pas opérationnelle. Avis défavorable à ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. La CNIL n'a pas à être saisie, avant le stade du décret.

Robert Badinter avait songé à l'enregistrement mais les moyens techniques n'étaient pas adaptés à l'époque. Le procès Dominici, par exemple, a été filmé, mais à cause du bruit, nous avons renoncé ensuite aux enregistrements.

Aujourd'hui, les caméras sont discrètes et elles finiront par être oubliées. Dans les dictatures, la justice n'est pas rendue publiquement. Dans une démocratie, oui. En outre, tout le monde ne peut pas assister à un procès : la contenance des salles d'audience n'est pas extensive à l'infini.

De nombreuses juridictions filment déjà leurs audiences : la CEDH, le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État, la Cour de cassation. Si le procès Halimi avait été filmé, on aurait compris que la décision de la justice était due à un manquement dans la règle de droit.

Avis défavorable à ces amendements, donc.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce débat est majeur.

Il ne doit pas y avoir de confusion entre les audiences, actuellement publiques sauf circonstances exceptionnelles, et ce qui nous est proposé : que des audiences non publiques soient filmées - y compris pour des mineurs, ce qui personnellement me choque.

Si une audience n'est pas publique, c'est qu'il y a une raison, liée à la matière jugée.

Certes, la personne concernée doit donner son accord. Mais lorsque vous êtes dans le cabinet d'un juge d'instruction, vous n'avez pas pour première préoccupation d'autoriser la diffusion ou non...

Je ne vois pas non plus comment on pourra respecter la vie privée et la présomption d'innocence avec ce type de diffusion.

Oui, la justice doit être rendue publiquement, mais dans les salles d'audience. Je voterai donc contre ce qui est proposé, y compris sous la forme expérimentale.

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos69 et 103 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur une chaîne du service public

Mme Cécile Cukierman.  - Nous pourrions souscrire à la visée pédagogique de la mesure : permettre à nos concitoyens de se faire une idée plus précise de la justice. Il faudrait toutefois que cela concerne des affaires du quotidien et non de grandes affaires médiatiques.

Si les enregistrements ne peuvent être diffusés sur le site du ministère, il faut au moins qu'ils le soient sur une chaîne du service public.

Mme la présidente.  - Amendement n°117, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

par un organisme du secteur public de la communication audiovisuelle

M. Hussein Bourgi.  - Au regard des objectifs d'éducation civique assignés au dispositif, il paraît souhaitable que l'enregistrement et la diffusion des audiences soient réalisés par les seules chaînes du service public, moins soumises aux pressions d'audimat.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous comprenons l'intention, mais les garanties apportées à l'article premier sont suffisantes pour éviter le trash et le sensationnel. La commission les a d'ailleurs renforcées en prévoyant une visée pédagogique, informative, culturelle ou scientifique, quel que soit le diffuseur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'ai rien à ajouter. Public ou privé, le diffuseur sera tenu se conformer aux prescriptions du législateur.

L'amendement n°65 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°117.

Mme la présidente.  - Amendement n°159 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 7, première phrase

Comple?ter cette phrase par les mots :

, dans le respect du droit a? l'oubli et du re?glement (UE) 2016/679 du Parlement europe?en et du Conseil du 27 avril 2016 relatif a? la protection des personnes physiques a? l'égard du traitement des données a? caracte?re personnel et a? la libre circulation de ces donne?es, et abrogeant la directive 95/46/CE

M. Guy Benarroche.  - Le dispositif d'enregistrement et de diffusion des procès devra être compatible avec le RGPD comme avec le droit a? l'oubli.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le règlement européen est d'application directe. Quant au droit à l'oubli, son respect est assuré par l'alinéa 74 de l'article premier. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°159 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°142, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7, troisième phrase

Après le mot :

avis

insérer les mots :

non contraignant

M. Hussein Bourgi.  - C'est à la justice d'apprécier, de façon indépendante, l'opportunité de l'enregistrement. La décision doit appartenir au président du Tribunal des conflits, au vice-président du Conseil d'État, au premier président de la Cour de cassation ou au premier président de la Cour des comptes, chacun pour son ordre de juridiction.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Satisfait, car l'avis simple du ministre est nécessairement non contraignant. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°217 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 7, dernière phrase

1° Remplacer les mots :

sur proposition

par les mots :

après avis

2° Remplacer les mots :

les premiers présidents de cour d'appel concernant les cours d'appel et les juridictions de l'ordre judiciaire dont les décisions relèvent des cours d'appel

par les mots :

le premier président de la cour d'appel concernant les cours d'appel et les juridictions de l'ordre judiciaire de leur ressort

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement clarifie la rédaction relative aux autorités décisionnaires en matière d'enregistrement et de diffusion pour inclure les audiences devant les tribunaux judiciaires et les tribunaux de proximité portant sur des affaires de moins de 5 000 euros.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°232, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Défendu.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ces amendements sont bienvenus.

Les amendements identiques nos217 rectifié bis et 232 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°66, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 8, première phrase

1° Remplacer les mots :

est subordonné

par les mots :

et la diffusion sont subordonnés

2° Compléter cette phrase par les mots :

et de toutes les personnes présentes

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement étend le recueil de l'accord préalable a? l'enregistrement a? toutes les personnes présentes a? l'audience, et non aux seules parties au litige. Cette préconisation de l'Union syndicale des magistrats et du Syndicat de la magistrature vise notamment à assurer le respect du droit à l'image des professionnels participant à l'audience.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les personnes présentes autres que les parties - témoins, experts, professionnels - peuvent demander leur anonymisation, ce qui paraît équilibré. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°233, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 8, deuxième et dernière phrases

Après le mot :

audience,

insérer les mots :

qu'elle soit publique ou non,

L'amendement de précision n°233, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par Mmes Lherbier et Bonfanti-Dossat et M. H. Leroy.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans tous les cas où il s'agit d'une audience non publique, lorsque le ministère public est représenté, il peut, au même titre que les parties, s'opposer à l'enregistrement dès lors qu'il considère que l'enregistrement ou la diffusion pourrait porter atteinte aux intérêts des parties. Il peut également, à l'issue de l'audience et dans un délai de quinze jours, s'opposer à la diffusion pour les mêmes motifs.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Le ministère public, lorsqu'il est représenté, doit pouvoir s'opposer à l'enregistrement dès lors qu'il considère que sa diffusion pourrait porter atteinte aux intérêts des parties.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Pourquoi donner davantage de droits au ministère public qu'aux autres magistrats présents ? Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°64 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°100 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 9, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dont notamment la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°105 rectifié, présenté par M. J.B. Blanc.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°118 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'alinéa 9 de l'article premier énonce que « les modalités de l'enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées ».

Ces garde-fous peuvent être encore renforcés. Dans cet esprit, nous entendons préciser que l'enregistrement d'une audience ne pourra porter atteinte au secret professionnel de l'avocat, qui couvre tous les échanges entre celui-ci et son client.

Ces échanges sont nombreux lors du procès - le garde des sceaux le sait bien. L'enregistrement ne doit ni permettre de les retranscrire ni conduire à les restreindre, parce que les parties auraient peur d'être entendues. La confidentialité des échanges entre un avocat et son client doit rester absolue.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis très favorable. La commission des lois est fortement attachée au secret professionnel des avocats.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cette garantie bien légitime figure déjà dans le texte : le libre exercice des droits des parties couvre les droits de la défense. Je suis donc un brin désarçonné par ces amendements superfétatoires. Retrait ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il est essentiel de bien préciser que la caméra ne pourra capter les échanges entre un avocat et son client.

Les amendements identiques nos100 rectifié bis, 105 rectifié et 118 rectifié sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°67, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 10

1° Première phrase

Remplacer les mots :

qu'après

par les mots :

au plus to?t qu'un an apre?s

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elle est re?alise?e sur le site internet du ministe?re de la justice qui veille a? la diffusion d'une varie?te? d'audiences, tant civiles que pe?nales.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Nous souhaitons que la diffusion des enregistrements ne puisse se faire qu'un an après que l'affaire aura été définitivement jugée et sur le site internet du ministère de la justice, sur le modèle des débats parlementaires, diffusés sur les sites des assemblées parlementaires. Il s'agit de ne pas porter atteinte à la présomption d'innocence et d'éviter la justice spectacle.

Il faudra également veiller à ce que la justice du quotidien soit montrée dans toute sa diversité. Ces enregistrements permettront à nos concitoyens de mesurer les injustices sociales à l'oeuvre, ainsi que l'indigence des conditions dans lesquelles travaillent souvent les professionnels de la justice.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La retransmission n'est possible qu'une fois l'affaire jugée définitivement. Prévoir un délai supplémentaire d'un an paraît peu opérant.

Quant à la diffusion sur le site du ministère, elle serait contreproductive au regard de l'objectif de pédagogie auprès du grand public. Sans vous offenser, Monsieur le garde des Sceaux, peu nombreux sont nos concitoyens qui consultent ce site...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis sensible à vos égards, madame la rapporteure, mais vous avez bien raison. Qui ira sur le site du ministère, outre ceux qui connaissent déjà la justice ? Avis défavorable à cet amendement suggéré par le Syndicat de la magistrature...

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, ni au respect de l'anonymat

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement assure la sécurité de toutes les personnes participant au procès, en mentionnant explicitement que la diffusion est réalisée dans des conditions ne portant pas atteinte au respect de l'anonymat, de la présomption d'innocence et de la vie privée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'anonymat ne s'applique pas à tous, certaines personnes pouvant consentir à être identifiées. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le texte est très respectueux de ces questions essentielles. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi identifier les personnes ? Il faut au contraire les protéger, ce qui est l'objet de cet amendement.

L'amendement n°101 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°102 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Les personnes enregistrées sont informées, préalablement à la diffusion, des modalités de diffusion de l'enregistrement et notamment du support, du média et de la date de diffusion de l'enregistrement. 

M. Jean-Yves Roux.  - Cet amendement renforce les garanties prévues en prévoyant l'information préalable des personnes concernées sur les modalités de diffusion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Je comprends l'intention, mais ce serait difficile à mettre en oeuvre, surtout lors d'une diffusion tardive - il faudrait retrouver l'ensemble des personnes présentes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est bien le problème !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°102 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°223, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette diffusion est accompagnée d'éléments de description de l'audience et d'explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La commission des lois a supprimé les explications pédagogiques après la diffusion. Elles me paraissent pourtant nécessaires à la compréhension de l'audience. Par exemple, un spécialiste pourrait venir en plateau pour expliquer les tenants et aboutissants d'une expertise ADN.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Je comprends les raisons du garde des sceaux et son souhait de créer des Dossiers de l'écran de la justice. Mais inscrire cette précision dans la loi nous paraît superfétatoire. Le cahier des charges apportera davantage de détails. Avis défavorable.

L'amendement n°223 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Amendement n°176 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 12, seconde phrase

Après les mots :

à compter de

insérer les mots :

la fin de

M. Guy Benarroche.  - Le droit à l'image et à l'identification est un sujet sensible et délicat. Une des parties au procès peut être amenée à donner son accord pour être identifiée et le regrette ensuite. Ce texte prévoyait une possibilité de rétractation jusqu'à quinze jours après le début de l'audience. Il nous semble préférable de faire courir ce délai à compter de la fin de l'audience.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Précision utile : avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°176 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°210 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le fait de proposer une telle contrepartie aux parties au litige ou aux personnes enregistrées est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - L'enregistrement est soumis à un accord écrit, qui ne peut faire l'objet d'aucune contrepartie. Nous proposons d'assortir cette interdiction d'une sanction afin de la rendre plus effective.

Madame de La Gontrie, je l'espère, me suivra sur cet amendement qui répond à sa volonté d'encadrer l'enregistrement des mineurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons apporté des garanties, mais faut-il aller jusqu'à la pénalisation ? C'est un peu prématuré : des professionnels des médias se laisseraient-ils aller à de telles pratiques ? Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - On n'est jamais à l'abri de telles tentations. Avis favorable, sait-on jamais.

L'amendement n°210 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement nous prémunit contre la justice spectacle.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ces enregistrements peuvent avoir une utilité pédagogique. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable également. Certaines chaînes diffusent presque tous les soirs des enquêtes où des instructions sont filmées, sans aucune restriction. J'en suis régulièrement choqué. Cela ne sera plus possible grâce au texte que vous allez voter.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le ministre nous expose enfin la raison d'être de ces dispositions. Aujourd'hui, l'enregistrement peut avoir lieu, mais à la discrétion du ministre. Il est bon d'encadrer cela, mais il ne s'agit pas seulement des audiences : auditions, auditions de témoins, confrontations sont aussi concernées par l'alinéa 17. C'est là qu'est le danger : filmé dans un cabinet d'instruction, on se retrouvera plus tard acteur d'un documentaire... Votons cet amendement qui interdit de filmer ces séquences.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous avons tous ici à coeur d'éviter une justice spectacle, qui veut laver plus blanc que blanc, sans satisfaire personne. Oui à la transparence, oui à la démocratisation, mais sachons raison garder.

Si l'objectif est de mieux faire comprendre l'institution judiciaire, de la rendre plus accessible, ce n'est pas avec des émissions rébarbatives sur un site que personne ne consulte que l'on y arrivera. Cela ne changera rien au rapport de confiances entre les Français et la justice.

Vous pouvez hausser les épaules, Monsieur le ministre, mais l'alinéa 17 va trop loin.

Il y a dix-huit mois, notre pays a été mis en confinement, et on a vu des professeurs de médecine s'affronter sur les plateaux, sans que tous puissent en saisir les enjeux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Merci de me laisser lever les épaules, de me laisser respirer (marques d'amusement de Mme Marie-Pierre de La Gontrie). Tout cela se pratique de façon sauvage aujourd'hui,...

Mme Cécile Cukierman.  - C'est un problème.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... il faut l'encadrer. Pourquoi tronquer la procédure pénale et réserver l'enregistrement à l'audience ? Je veux aller partout, des prud'hommes au juge aux affaires familiales, du greffier au juge d'instruction, pour montrer la justice à nos compatriotes. C'est l'unique but de cet article.

Si vous préférez ces émissions sans pédagogie, avec des pratiques étranges, libre à vous.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°202, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III ter.  -  La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions prévues par le présent article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement impose les règles fixées à l'article premier aux cessionnaires des images filmées. Ces garanties doivent perdurer dans le temps.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cela me semble quelque peu surabondant, compte tenu de l'incrimination spécifique de diffusion. Mais excès de précaution ne saurait nuire : avis favorable.

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le ministre, avec le respect que j'ai pour vous, votre réponse à Mme Cukierman me laisse pantoise. Vous érigez vos propositions en alpha et oméga de ce qu'il faudrait faire. (M. Éric Dupond-Moretti le conteste.) Vous n'avez pas eu la courtoisie de répondre à l'intervention de Mme Cukierman en discussion générale, méprisant les élus de mon groupe. Cessez ces mouvements de tête, monsieur le ministre !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je peux quand même bouger sur mon banc ?

Mme Éliane Assassi.  - Et permettez-moi de répondre à vos mouvements. Soyez respectueux de ceux que nous représentons, même si nous représentons si peu à vos yeux... Vous n'êtes pas dans un prétoire ici, mais au Sénat !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Bravo !

Mme Éliane Assassi.  - Vous négligez donc les propositions de Mme Cukierman. Regardez-moi ! (M. Éric Dupond-Moretti souffle.) Ce que vous proposez est insuffisant et ne répond pas à la question fondamentale : comment rétablir la confiance dans la justice ?

L'amendement n°202 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Notre débat a convaincu le groupe SER de ne pas voter cet article, car trop d'incertitudes subsistent. Nos rapporteurs écrivent dans leur rapport que l'initiative du Gouvernement est très incertaine quant à sa mise en oeuvre, que son impact n'est pas connu, que le dispositif est conçu comme un instrument de communication du ministère sans avoir à supporter les frais de tournage et de diffusion... On sent un certain manque d'enthousiasme du côté des rapporteurs ! On aurait pu imaginer que le dispositif fût expérimental ; il ne l'est pas. Tout cela n'est pas mûr.

De plus, les fictions télévisées ne s'arrêteront pas, puisqu'elles relèvent de la liberté de création.

M. Gérard Longuet.  - Je m'abstiendrai par respect pour le travail de la commission. Je partage les doutes de mes collègues Sueur et Cukierman. Le numérique a une mémoire permanente -  quand on filme, c'est pour l'éternité  - , alors que le judiciaire a vocation à être effacé par la prescription. Ce décalage pose problème.

Monsieur le garde des Sceaux, il est vrai que nous sommes abreuvés d'enquêtes-vérité, mais nous avons un service public. Pourquoi ne pas lui confier le soin de restituer ces moments, avec d'excellents professionnels de l'audiovisuel conseillés par d'excellents professionnels de la justice ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Parce que personne ne va regarder. Il y a plus de public dans les salles d'audience qu'au théâtre. « Faites entrer l'accusé » sur le service public a attiré beaucoup de téléspectateurs.

Je veux du pédagogique ; l'intérêt pour une affaire est le principal facteur d'attraction pour les téléspectateurs. France Inter a essayé de faire rejouer un procès avec des comédiens ; ça a fait flop, les gens veulent de la vérité.

Je sais bien que ces mesures ne sont pas l'alpha et l'oméga de l'apprentissage de la procédure, mais c'est un premier pas.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « d'un mineur victime » sont remplacés par les mots : « d'une victime » ;

2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : » du mineur » sont remplacés par les mots : « de la victime ».

M. Hussein Bourgi.  - Cet amendement étend l'enregistrement audiovisuel de l'audition au cours d'une enquête à toutes les victimes de crimes et délits sexuels, quel que soit leur âge.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ce dispositif existe déjà pour les mineurs, plus vulnérables. L'élargissement aux majeurs alourdirait les procédures et les commissariats ne sont pas équipés. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°160 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéas 2 à 7

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - Sous couvert de justice rapide, le Gouvernement nous propose des solutions dignes du lit de Procuste. La majorité des enquêtes préliminaires durent moins de six mois - et seulement 3,2 % plus de trois ans... On ne peut pas faire croire que c'est le manque de volonté des magistrats qui fait durer les enquêtes... D'où cet amendement de suppression.

M. le président.  - Amendement n°106 rectifié, présenté par M. J.B. Blanc, Mmes Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Brisson, Cambon, Charon et Chasseing, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Genet, Gremillet, Lefèvre et Longuet, Mme M. Mercier et MM. Mouiller, Sautarel et Somon.

I.  -  Aline?a 3

Remplacer les mots :

deux ans

par les mots :

un an

II.  -  Aline?a 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'enque?te peut toutefois se prolonger des de?lais de recours e?ventuels lorsque le suspect ou le plaignant e?ventuel auront exerce? des recours contre un refus de demande d'acte ou le suspect une demande de nullite? d'un acte. À l'issue de ce de?lai, faute pour le procureur de la Re?publique de classer sans suite ou de prendre une de?cision de renvoi devant une juridiction de jugement ou une mesure alternative aux poursuites, une information judiciaire est ouverte. » ;

III.  -  Aline?as 5 a? 7

Supprimer ces aline?as.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Deux ans plus un an, c'est trop long et peu opérant puisque la plupart des enquêtes durent moins de deux ans. Nous proposons une enquête préliminaire d'un an maximum. À l'issue de ce délai, une information judiciaire serait automatiquement ouverte.

M. le président.  - Amendement n°226, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il en est de même si l'enquête porte sur des infractions mentionnées aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal ou sur les délits de recel ou de blanchiment de ces infractions.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La commission des lois a prévu une dérogation aux délais de deux et trois ans pour les enquêtes portant sur des faits de fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment de ces délits : c'est excessif. Mon amendement s'en tient à la corruption internationale.

Comme me l'a indiqué M. Bohnert, procureur de la République financier, la limitation des délais d'enquête sera de nature à améliorer l'efficacité de la justice et la sécurité juridique des personnes, mais le délai total de trois ans prévu en droit commun ne paraît pas adapté en matière d'enquête portant sur des faits de corruption commis par des agents étrangers.

Si l'on multiplie les exceptions, la règle ne tient plus.

Aujourd'hui, les enquêtes préliminaires ne sont encadrées par aucun délai. En basculant automatiquement vers l'enquête judiciaire, on donne accès au dossier à la personne mise en cause : ce n'est pas l'impunité qui est au bout du délai, mais l'instruction. Ne vidons pas le texte de sa substance. Instruction, détention provisoire, justice des mineurs sont insérées dans des délais. Faisons de même pour l'enquête préliminaire.

Il y a des enquêtes préliminaires de quatre voire cinq ans qui ne sont pas closes, avec un feuilletonnage médiatique insupportable, qui crève des réputations.

M. le président.  - Amendement n°161 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l'enquête porte sur des crimes et délits mentionnés aux articles L. 173-3, L. 216-1 et L. 216-6 du code de l'environnement et sur les délits de pollution de l'air, de l'eau et des sols.

M. Guy Benarroche.  - Quel excellent plaidoyer ! Je comprends votre volonté de limiter la durée des enquêtes préliminaires, mais les chiffres sont têtus : cela ne concerne que 3,2 % des dossiers.

Mon amendement de repli allonge le délai de droit commun pour les délits et crimes environnementaux. Les preuves sont en effet difficiles à réunir et les responsabilités à établir dans les délais impartis.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Bonfanti-Dossat.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces délais sont également portés à trois ans lorsque l'enquête porte sur des délits et crimes mentionnés aux articles 222-22 à 222-22-2 et aux articles 222-23 à 222-26 et 225-4-1 du code pénal.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Le combat contre le viol, les agressions sexuelles et les trafics d'êtres humains est une cause nationale. Les enquêtes peuvent concerner des personnes étrangères et de récentes affaires ont fait apparaître des failles dans les dispositifs de protection des victimes. Conservons des délais d'enquête suffisamment longs pour ce type de crimes et délits.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - M. Benarroche propose le retour à la situation actuelle. Nous partageons l'avis du garde des sceaux : des enquêtes trop longues ne sont pas souhaitables. Avis défavorable à l'amendement n°160 rectifié. Vous faites référence aux 3,2 % d'enquêtes concernées ; nous ne sommes pas certains de la véracité de ce chiffre. Il provient des statistiques du ministère de l'Intérieur, mais s'y mêlent enquêtes techniques et judiciaires. À Nanterre, 100 000 procédures sont en instance depuis plus de trois ans, 80 000 à Marseille, 40 000 à Nice. Dans certains parquets, qui n'ont pas de bureau d'ordre, nous ne connaissons même pas les chiffres.

L'amendement n°106 rectifié pose un problème inverse en proposant un délai trop court, compte tenu de la pénurie d'enquêteurs judiciaires - au moins 5 000 postes vacants. Les réponses apportées par le ministre de l'intérieur ne nous rassurent guère : cette année, l'oral a été supprimé, empêchant toute analyse de personnalité. Avis défavorable.

La proposition de la commission concerne le noyau dur de la délinquance financière : fraude fiscale, corruption et blanchiment. Ces affaires sont complexes et demandent un traitement long avec des enquêteurs spécialisés. À Paris, un ancien procureur nous a dit qu'à son départ, 577 enquêtes de fraude fiscale grave étaient pendantes, avec trois enquêteurs pour les traiter. Si nous les enserrons dans le délai de deux ans, ces affaires ne seront pas traitées. De plus, comment justifier une différence de traitement entre corruption internationale et corruption interne ? Avis défavorable.

L'amendement n°6 rectifié est satisfait, tout comme l'amendement n°161 rectifié. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le viol est un crime : l'instruction est donc obligatoire. Un pôle spécialisé existe dans chaque cour d'appel pour les infractions relatives à l'environnement. Avis défavorable aux amendements nos161 rectifié et 6 rectifié.

Dans le code de procédure pénale, les enquêtes longues sont une anomalie. Cela relève de l'instruction.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Si le Parquet le décide.

M. Gérard Longuet.  - À charge et à décharge !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Absolument ! Pour le patron du Parquet national financier (PNF), l'exception doit concerner la seule corruption internationale qui demande des investigations à l'étranger, ce qui prend forcément plus de temps.

Sans délais, les procédures s'accumulent et le stock devient considérable. Le problème se pose notamment en matière de justice des mineurs. C'est une question de droits humains : l'enquête préliminaire interminable, c'est insupportable !

Avis défavorable aux amendements nos160 rectifié et 106 rectifié.

Mme Dominique Vérien.  - Les enquêtes économiques et financières ont toutes un volet étranger : c'est long !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Instruction !

Mme Dominique Vérien.  - En attendant, l'enquêteur ouvre d'un autre dossier.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avec une date butoir, il n'y a pas de miracle : ce sera un classement sans suite ou un renvoi à la juridiction de dossiers ni faits ni à faire, ou l'ouverture d'une instruction. C'est cette dernière solution qui sera privilégiée, mais les cabinets sont déjà surchargés.

M. Gérard Longuet.  - Cette passion pour l'enquête préliminaire - exclusivement à charge et dans le secret absolu - m'étonne.

Monsieur Bonnecarrère, vous êtes avocat, vous connaissez la justice : l'instruction, au moins, est à charge et à décharge ; elle est transparente ; l'individu ou l'entreprise mis en cause peut se défendre et apporter des explications, ce qui permet souvent de gagner du temps. L'enquête préliminaire n'est pas un outil de justice équitable.

L'amendement n°160 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos106 rectifié, 226, 161 rectifié et 6 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°162 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  -  Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Art 77-2.  -  I.  -  Dans le cadre d'une convocation en vue d'une audition libre ou d'une garde a? vue, le dossier, expurge? des e?le?ments risquant de porter atteinte a? l'efficacite? des investigations, est mis a? la disposition du suspect et de son avocat.

II.  -  Alinéa 9, au début

Supprimer les mentions : 

Art. 77-2.  -  I.  -

M. Guy Benarroche.  - Il faut renforcer les droits de la défense et le contradictoire au stade de l'enquête préliminaire en donnant l'accès au dossier au suspect et à son avocat dès la garde à vue. D'après l'étude d'impact du projet de loi, c'est déjà le cas dans la plupart des pays européens.

Une justice plus efficace ne doit pas se faire au détriment des justiciables.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement a passionné l'Assemblée nationale qui ne l'a cependant pas adopté. Le gardé à vue dispose déjà de nombreuses garanties. La mise à disposition du dossier, éventuellement expurgé, ne me semble pas souhaitable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°162 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°212 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéas 11, 15, 21

Après le mot : 

commettre

insérer les mots :

, en tant qu'auteur ou complice,

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Il s'agit de préciser que les garanties s'appliquent que l'on soit auteur ou complice.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - La précision ne semble pas s'imposer puisque l'auteur et le complice sont traités de la même manière. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°212 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Aline?as 12 et 13

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

de six mois

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement fixe à six mois le délai d'accès au dossier pour la personne perquisitionnée ou ayant fait l'objet d'une garde a? vue. Il s'agit de renforcer les droits de la défense et le contradictoire, comme cela se passe dans la plupart des autres pays européens.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Cet amendement est une forme de réponse à l'intervention de M. Longuet. Le texte ouvre l'enquête préliminaire au contradictoire au bout d'un an : c'est un bon équilibre, auquel nous avons souscrit. Un délai de six mois paraît excessif. Avis défavorable. Le contradictoire sera également ouvert en cas de fuite dans la presse ; nous avons longuement hésité, avant d'accepter cette disposition afin d'éviter le feuilletonnage.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis totalement défavorable à cet amendement. Un an, c'est la bonne mesure. Au surplus, qui serait chargé de faire le tri entre ce qui doit être expurgé du dossier et le reste ? Et sous le contrôle de qui ?

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur .  - Nous en venons au secret professionnel des avocats. Celui-ci est-il absolu, illimité, indivisible ? Oui, sans conteste, dans la relation entre l'avocat et son client ou entre l'avocat et des tiers. Vis-à-vis de l'autorité régalienne, en revanche, non.

En d'autres termes, deux principes constitutionnels s'entrecroisent : le respect des droits de la défense et la préservation de l'ordre public. Il résulte du second que le secret professionnel n'est pas opposable dans les activités de conseil des avocats.

En réaction à la jurisprudence de la Cour de cassation, le Conseil national des barreaux a souhaité cet article 3. Mais je le souligne d'emblée : même le secret professionnel du médecin, qui touche à l'intime, n'est pas illimité ; il connaît de nombreuses exceptions.

Il est déterminant pour le travail des services d'enquête que le secret professionnel ne puisse pas être opposé en matière de conseil. J'y reviendrai plus longuement en réponse aux amendements.

M. le président.  - Amendement n°107 rectifié quater, présenté par MM. J.B. Blanc, Babary et Belin, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Cambon, Charon, Chasseing et Chauvet, Mme Chauvin, M. D. Laurent, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, Mouiller, B. Fournier, Genet et Gremillet, Mmes Guidez et Loisier, MM. Longuet, Milon, Ravier, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Bonfanti-Dossat.

Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Presque tous les 70 000 avocats de France sont vent debout contre ce dispositif inacceptable. Il faut entendre leur colère.

Le secret professionnel est le coeur, le ciment, la colonne vertébrale du métier d'avocat. La loi du 31 décembre 1971 prévoit qu'il s'entend comme un tout. Ce principe est intouchable, sacré. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)

Pour rétablir la confiance dans la justice, commençons par la rétablir avec ses avocats ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement identique n°149, présenté par MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement de M. Parigi supprime la disposition qui écorne le principe même du secret professionnel de l'avocat en matière de conseil.

L'introduction de cet alinéa par la commission des lois entraîne une confusion dangereuse entre les pièces d'un justiciable, non couvertes par le secret professionnel, et les consultations d'avocat, les correspondances entre l'avocat et son client et les factures de l'avocat, qui ne doivent en aucun cas être saisies, sauf si elles contiennent la preuve de la participation de l'avocat à une infraction pénale.

Véritable sanctuaire de l'exercice de la profession d'avocat, le secret professionnel permet au client de se confier sans crainte que ses propos ne soient utilisés contre son consentement ou ne servent de fondement à une incrimination.

Porter atteinte à l'indivisibilité du secret professionnel des avocats, ce serait affaiblir la légitimité de l'État de droit en sapant la confiance des citoyens en la justice.

M. le président.  - Amendement identique n°189 rectifié quater, présenté par MM. Bonhomme, J.P. Vogel et Burgoa, Mmes de Cidrac et Micouleau, MM. Calvet et Bouchet, Mme Deseyne, MM. Le Rudulier, Courtial, de Nicolaÿ, Joyandet, Pointereau, Chatillon et Sol, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Sido et Frassa et Mmes Schalck et Joseph.

Mme Elsa Schalck.  - En rétablissant la rédaction de l'Assemblée nationale, cet amendement réaffirme l'indivisibilité du secret professionnel de l'avocat, garantie essentielle de notre État de droit protégée par le droit européen.

La sécurité de l'échange entre le client et son avocat est la condition d'un conseil éclairé et d'une bonne application de la règle de droit.

Rappelons que le secret professionnel est d'ores et déjà inopposable lorsque l'avocat est soupçonné d'avoir participé à la commission d'une infraction. Pour le reste, il est difficilement concevable d'y apporter des limites, tant dans la défense que dans le conseil.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Personne ne discute le secret professionnel des avocats en matière de défense des libertés.

Mais si ce secret était absolu en vertu de la loi de 1971, si la CJUE avait tranché en ce sens, nous n'aurions pas matière à débattre ce soir, mes chers collègues...

Le 24 novembre 2020, la Cour de cassation a limité le secret professionnel aux droits et libertés, ce qu'avait fait la CJUE le 18 mai 1982, la CEDH le 6 décembre 2012 et le Conseil constitutionnel le 24 juillet 2015.

Le texte de la commission des lois ne réduit pas le secret professionnel des avocats. En réalité, il l'étend, certes pas de façon illimitée, mais il l'étend. (M. Gérard Longuet le conteste.) La préservation de l'ordre public et la prévention des infractions justifient des exceptions. Je répète qu'il n'existe aucun secret absolu, même pour les médecins.

Ce n'est pas seulement un débat de principes. Il intéresse aussi les enquêteurs, les juges d'instruction. Étendre le secret des avocats au domaine du conseil de façon illimitée les empêcherait de lutter efficacement contre la corruption ou la fraude fiscale.

Un exemple : des rétrocommissions mettent forcément en jeu une société offshore, dont la création et le fonctionnement font nécessairement intervenir un avocat -  sans que celui-ci soit à l'origine du montage.

M. le président.  - Il faudrait songer à conclure...

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Autre exemple : la pratique consistant à remonter des bénéfices dans un pays où l'impôt est faible en gonflant les activités qui y sont réalisées implique des instructions à un cabinet d'audit ou d'expertise comptable - d'où procès-verbal de réunions, ou du moins discussions juridiques.

Avec un secret professionnel intégré et indivisible, on ne pourrait plus enquêter dans de bonnes conditions.

M. le président.  - Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Dernier argument, si le président le permet : l'activité de conseil est exercée par les avocats en concurrence avec les experts comptables, les notaires ou les huissiers de justice. Leur réserver le secret professionnel poserait un problème d'égalité devant la loi.

L'avis est donc défavorable sur ces amendements identiques.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est le dernier argument qui me convainc le plus.

Dans les deux exemples que vous avez pris, monsieur le rapporteur, l'avocat a mis la main...

M. Laurent Duplomb.  - Dans le pot de confiture ! (M. Gérard Longuet approuve.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En pareil cas, il ne sera jamais question d'impunité ; il sera logé à la même enseigne que tout justiciable.

M. Mathieu Darnaud.  - C'est évident.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je pressens, voyant la flamme avec laquelle ces amendements ont été défendus, qu'il y a des avocats dans cet hémicycle... (Sourires)

S'agissant du conseil, des lobbyistes font valoir qu'il suffirait de mettre un courriel en copie à un avocat pour le couvrir du secret professionnel.

M. Gérard Longuet.  - C'est une plaisanterie !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est le mot.

Une enquête est toujours beaucou p plus facile sans garantie pour le justiciable. À l'époque où la torture était autorisée, les aveux étaient plus nombreux... Et si l'on perquisitionnait tous les cabinets d'avocats, nul doute qu'on résoudrait de nombreuses affaires !

Nous avons une loi de 1971 et une jurisprudence discutée, peut-être discutable, de la Cour de cassation. Par cohérence avec la position que j'ai adoptée devant l'Assemblée nationale, je m'en remets à votre sagesse, pour que le meilleur compromis soit trouvé en commission mixte paritaire. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie se montre dubitative.)

M. Gérard Longuet.  - Notre rapporteur est un homme convaincu et de bonne foi, mais je voterai les amendements identiques.

Il est certain que, depuis 1971, le monde a changé : l'économie s'est mondialisée, les flux se sont accélérés. Mais il ne s'est pas rien passé : en 2008, une directive européenne contre le blanchiment, la corruption et le financement du terrorisme a été mise en oeuvre, qui oblige les avocats à apporter des informations.

Les avocats prêtent un serment -  peu de professions le font  - qui leur impose le respect du secret. Depuis 2008, ils doivent en outre signaler tout délit de blanchiment ou de corruption, ce que la loi de 1971 ne prévoyait pas.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Gérard Longuet.  - Je conclurai donc : ne prenez pas les avocats pour des complices de la malversation ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi.  - Le Conseil national des barreaux et le Syndicat des avocats de France sont favorables au texte du Gouvernement. Des magistrats, des associations, des lanceurs d'alerte soutiennent la réécriture de la commission des lois.

Les arguments des uns et des autres peuvent être entendus, et il ne serait pas raisonnable de les opposer.

Le coeur du sujet, c'est la lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Pour la mener efficacement, il faut des mesures autrement plus contraignantes que la suppression du secret professionnel des avocats en matière de conseil.

Notre collègue Éric Bocquet porte régulièrement les questions d'évasion et de fraude fiscales dans le débat public. Nous savons bien que des banques et d'autres structures accompagnent des entreprises et des particuliers pour échapper à l'impôt. Beaucoup s'en indignent, mais peu s'y attaquent résolument.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Éliane Assassi.  - Je regrette, mais certains débats politiques demandent du temps.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez parfaitement raison.

Mme Éliane Assassi.  - Ce qui manque, c'est une vraie volonté politique de lutter contre la fraude fiscale !

M. Alain Richard.  - Notre marge d'action est balisée par la surveillance du Conseil constitutionnel. Si nous avions l'imprudence d'affirmer un secret professionnel sans limite, il estimerait que la loi n'assure pas l'équilibre entre les droits de la défense et l'obligation de recherche des infractions. Fixons nous-mêmes les contours du secret professionnel, ou cela sera fait par une réserve d'interprétation.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Monsieur le rapporteur, vous avez juridiquement raison, mais philosophiquement et politiquement tort.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est du Laignel...

M. Stéphane Le Rudulier.  - Émile-Auguste Garçon écrivait : « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées d'un secret inviolable ».

Sans confiance, un particulier ou une entreprise préfèrera sans doute se taire, ce qui empêchera son avocat de faire son travail efficacement. Préservons l'indivisibilité du secret professionnel.

Mme Dominique Vérien.  - Je ne suis pas avocate, mais je comprends qu'il y a deux situations bien différentes. En matière de défense, le secret s'applique. En dehors de toute procédure, l'avocat est tenu de donner des conseils légaux. D'autres professions, non soumises au secret, font aussi du conseil.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois   - La commission des lois n'est pas l'ennemie du secret professionnel des avocats, comme le suggèrent les auteurs de l'amendement n°107 rectifié, qui remettent frontalement en cause son travail.

Monsieur Blanc, il n'est pas vrai que le secret de l'avocat serait absolu depuis 1971.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le droit positif est régi par l'arrêt de la Cour de cassation que le rapporteur a rappelé : absolu en matière de défense, le secret n'est pas appréhendé de la même manière en dehors de toute procédure.

Les députés ont élargi le secret professionnel au conseil. Nous sommes revenus sur cette disposition pour des raisons d'ordre public et pour ne pas créer de distorsion avec d'autres professions, comme les notaires ou les huissiers.

M. Gérard Longuet.  - Leurs responsabilités ne sont pas les mêmes !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le président du Conseil national des barreaux a prétendu avoir été poignardé dans le dos par le Sénat... J'aurais préféré qu'il m'appelle. Il l'a fait, d'ailleurs, mais après cette déclaration. J'attends autre chose du président de cette instance, à laquelle j'ai appartenu, et un examen un peu plus précis du travail de la commission des lois. (Mme Dominique Vérien et M. Alain Richard applaudissent.)

À la demande du groupe UC, les amendements identiques nos107 rectifié quater, 149 et 189 rectifié quater sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°177 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 220
Pour l'adoption   59
Contre 161

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat et Gosselin, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Bonhomme, Belin, Bouchet et Gremillet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Milon, Mmes Joseph et Lherbier et M. H. Leroy.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les éléments de preuve éventuellement collectés lors d'une surveillance des communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent servir que dans le cadre de l'enquête pour laquelle cette surveillance a été ordonnée. » ;

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - L'article 3 dans sa rédaction actuelle ne permet pas d'empêcher certaines dérives observées au cours d'affaires récentes et que le garde des Sceaux, alors avocat, avait à juste titre dénoncées.

Les résultats d'une surveillance téléphonique ou électronique ne doivent être utilisables que pour la procédure dans le cadre de laquelle elle a été autorisée par un juge des libertés et de la détention. Le justiciable doit se voir garantir l'absence de toute ingérence des pouvoirs publics dans ses relations avec son avocat. Il y va du respect des droits de la défense.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - L'article prévoit déjà des garanties procédurales supplémentaires. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°145, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 13

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 56-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du magistrat » sont remplacés par les mots : « du juge des libertés et de la détention saisi par le magistrat » ;

b) À la fin du septième alinéa, les mots : « non susceptibles de recours » sont supprimés ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures formé par le procureur de la République, le journaliste ou l'entreprise, devant le premier président de la cour d'appel. Celle-ci statue dans les cinq jours ouvrables suivant sa saisine, selon la procédure prévue au cinquième alinéa. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement doit être considéré corrélativement aux amendements nos122 et 123, qui ont le même objet.

L'article 3 renforce les garanties procédurales lorsqu'une mesure de perquisition vise un avocat. D'autres professions bénéficiant de régimes protecteurs devraient être concernées, à commencer par les journalistes.

Dans cet esprit, le présent amendement renforce la protection des journalistes contre les perquisitions qui les viseraient à leur domicile ou au sein de leur entreprise, afin de garantir la protection des sources.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Non sans hésitation, la commission des lois a émis un avis défavorable. Monsieur le président de la commission, il faudrait approfondir ce sujet, car nous n'avons pas eu le temps de bien expertiser les enjeux. Le droit de la presse est en effet très spécifique.

Je ne suis pas certain que, en calquant le régime des journalistes sur celui des avocats, on n'entraîne pas des imperfections rédactionnelles sources de difficultés.

Au surplus, le parallèle ne saurait être complet, ne serait-ce que parce que les règles déontologiques ne sont pas de même nature - normes dans un cas, chartes volontaires dans l'autre. Il n'existe pas non plus d'ordre des journalistes, et je ne suis pas sûr que la profession souhaite aller plus loin que le comité qu'elle a récemment constitué.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Voilà deux semaines, j'ai reçu les représentants de la presse judiciaire.

Le secret des sources est une question très importante, mais je ne pense pas que le projet de loi pour la confiance dans la justice soit le bon vecteur pour en traiter. À l'Assemblée nationale, Cécile Untermaier s'était d'ailleurs étonnée que son amendement ait été jugé recevable...

Nous connaissons la sensibilité des journalistes sur ces sujets. On ne peut se lancer dans une telle réflexion sans discussions préalables.

À regret, madame la sénatrice, j'émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. Hussein Bourgi.  - Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, a fait observer que les garanties prévues pour les avocats pourraient utilement être reprises pour les journalistes. La Défenseure des droits a fait la même préconisation.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 14

Rétablir le 2° ter dans la rédaction suivante :

2° ter Après l'article 57-1, il est inséré un article 57-2 ainsi rédigé :

« Art. 57-2.  -  Même s'il n'est pas procédé à l'audition de la personne, l'officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s'opposer à la présence de l'avocat désigné par la personne chez qui il est perquisitionné si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque la perquisition a déjà débuté.

« S'il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et qu'il est prévu qu'elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d'être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l'article 61-1 ou aux articles 63-3-1 à 63-4-3.

« L'avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites, qui sont jointes à la procédure ; l'avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l'avocat demande qu'il soit procédé à la saisie d'objets ou de documents qu'il juge utiles à la défense de son client, l'officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s'il apparaît que celle-ci n'est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, il en est fait mention au procès-verbal prévu à l'article 57.

« Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l'avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant l'expiration du délai prévu à l'article 63-4-2.

« Hors le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l'accès de l'avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez qui il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état au procès-verbal prévu à l'article 57. » ;

M. Hussein Bourgi.  - Une des principales avancées issues de la discussion à l'Assemblée nationale est l'autorisation de la présence de l'avocat lors des perquisitions pénales. Mais cette possibilité a été supprimée par la commission des lois sur l'initiative des rapporteurs.

Si la présence d'un avocat lors d'une perquisition n'est pas interdite et que toute personne peut demander à être assistée à cette occasion, cela n'est garanti par aucune disposition d'ordre législatif. En pratique, c'est le plus souvent le magistrat qui autorise les avocats à assister leurs clients.

La perquisition, l'une des mesures les plus coercitives du code de procédure pénale, est pourtant la moins encadrée. Rétablissons donc la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement identique n°163 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Pour améliorer la confiance en la justice, renforçons les droits des personnes faisant l'objet d'une perquisition.

M. le président.  - Amendement identique n°214 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et Mme Havet.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Il faut encadrer par la loi ce qui se pratique déjà. C'est aussi un moyen de sécuriser les perquisitions, une étape parfois décisive de l'enquête.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - La perquisition est déjà encadrée. La règle de l'audition libre ou de la garde à vue s'y applique s'il y a interrogatoire, à peine de nullité. Le texte garantit le droit de se taire, et nous faisons remonter le droit de ne pas s'auto-incriminer dans le préambule du code de procédure pénale. Avis défavorable.

Le travail des enquêteurs est complexe ; il faut parvenir à un équilibre. Le monde n'est pas toujours idéal... Lors d'une perquisition, l'enquêteur n'est pas systématiquement accueilli à bras ouverts et, parfois, il n'est pas possible d'attendre l'avocat avant de procéder à la perquisition.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur le rapporteur, vous exagérez un peu... (Sourires) Même quand l'avocat n'est pas là, la perquisition peut commencer. Ainsi l'absence de l'avocat ne peut être utilisée pour retarder la perquisition, contrairement à ce qu'ont déclaré les syndicats de policiers lors du Beauvau de la sécurité. Le parallèle avec la garde à vue n'est pas tout à fait pertinent.

Thierry Lévy expliquait que, lors d'une perquisition, les enquêteurs cherchaient un pull-over bleu car le suspect avait été vu porteur d'un tel pull. Avec cette disposition, l'avocat pourra dire : « cherchez aussi les pull-overs verts, qui constituent des éléments à décharge ». Cela m'avait ébranlé à l'époque... Sagesse...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Positive !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Merci de m'aider à terminer mes phrases.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - À votre service ! (Sourires)

Les amendements identiques nos 121, 163 rectifié et 214 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Aline?as 16 et 17

Après le mot :

avocat

inse?rer les mots :

, un journaliste ou un magistrat,

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 19

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 60-1-1, il est inséré un article 60-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 60-1-2.  -  Lorsque les réquisitions prévues à l'article 60-1 portent sur des données de connexion émises par un journaliste, une entreprise de presse, une entreprise de communication audiovisuelle, une entreprise de communication au public en ligne ou une agence de presse, et liées à l'utilisation d'un réseau ou d'un service de communications électroniques, qu'il s'agisse de données de trafic ou de données de localisation, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République.

« Le magistrat veille à ce qu'il ne soit pas porté atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

« Les formalités prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. » ;

II.  -  Alinéa 20

Remplacer les mots :

l'article 60-1-1

par les mots :

les articles 60-1-1 et 60-1-2

III.  -  Alinéa 22

Remplacer les mots :

à l'article 60-1-1

par les mots :

aux articles 60-1-1 et 60-1-2

et les mots :

du même article 60-1-1

par les mots :

des mêmes articles 60-1-1 et 60-1-2

IV.  -  Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les réquisitions portent sur des données mentionnées à l'article 60-1-2 et émises par un journaliste, une entreprise de presse, une entreprise de communication audiovisuelle, une entreprise de communication au public en ligne ou une agence de presse, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d'instruction et les deux derniers alinéas de ce même article 60-1-2 sont applicables. » ;

M. Hussein Bourgi.  - Cet amendement renforce la protection des journalistes sur l'accès aux données de connexion.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant d'un journaliste, d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne ou d'une agence de presse, à moins que la mesure ne soit décidée par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d'instruction, prise après avis du procureur de la République. Le magistrat veille à ce que l'interception ne porte pas atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » ;

II.  -  Alinéa 26

Après la seconde occurrence du mot :

deuxième

insérer le mot :

, quatrième

III.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  L'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

1° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « , eu égard à la nécessité de garantir l'information du public dans une société démocratique » ;

2° Au dernier alinéa, après le mot « infraction », sont insérés les mots : « de la nécessité de garantir l'information du public dans une société démocratique, » et après le mot : » sont », sont insérés les mots : « proportionnées et ».

M. Hussein Bourgi.  - Défendu.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°71 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos122 et 123.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le groupe SER s'abstiendra sur l'article 3. D'abord, nous sommes attachés au secret professionnel des avocats et à la confidentialité de leurs rapports avec leurs clients. Ensuite, notre amendement sur la présence de l'avocat dans les perquisitions n'a pas été adopté, non plus que l'extension de la protection des sources aux journalistes.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - L'article 4 prévoit l'aggravation des peines en cas de violation du secret de l'enquête et de l'instruction.

Il convient de préserver le secret de l'instruction, garantie indispensable du bon fonctionnement d'une justice équitable, mais nous regrettons l'aggravation des sanctions prévues a? cet article, alors que les condamnations en la matière sont rares. Aucun dispositif n'est prévu lorsque l'avocat, pour la défense de son client et sans nuire a? l'enquête ou l'instruction en cours, utilise légitimement les informations issues de cette enquête ou instruction. Cette absence de garantie pourrait entraver l'exercice des droits de la défense.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable. Les droits de la défense ne sont pas compromis.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Qui peut s'exprimer sur une enquête en cours ? Certes, le procureur de la République, mais quid des officiers de police judiciaire ? La parole de l'État est-elle une ou diverse sur ce sujet ?

Le sujet est sensible : je sollicite l'avis du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Ça, c'est de l'avis !

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°197, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° L'article 137-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

b) Le second alinéa est ainsi modifié :

-  après le mot : « notifiée », il est inséré le mot : « verbalement » ;

-  les mots : « contre émargement au dossier de la procédure » sont supprimés.

2° L'article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d'instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s'il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu'en cas d'impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit l'article 5 qui limite le recours à la détention provisoire en favorisant l'assignation à résidence sous surveillance électronique et l'utilisation du bracelet anti-rapprochement.

J'ai été surpris de l'amendement de suppression de Mme Boyer, adopté par la commission des lois, alors que votre assemblée a eu l'initiative, avec la loi du 19 décembre 1997, du bracelet électronique - contre l'avis du Gouvernement de l'époque. Il serait dommage que le Sénat, 25 ans après, s'oppose à des dispositions qui favorisent le bracelet électronique de préférence à la détention.

Que Mme Boyer se rassure : la surveillance électronique mobile ne remplacera pas les détentions provisoires, si elles sont considérées comme nécessaires.

De plus, en aucun cas le matériel ne manque pour la mise en place du bracelet anti-rapprochement, contrairement à ce qu'indique le rapport.

De même, la surveillance électronique mobile n'est pas moins sévère que la surveillance électronique fixe.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de proce?dure pe?nale est ainsi modifie?e :

1° Le premier aline?a de l'article 137-3 est comple?te? par une phrase ainsi re?dige?e : « En matie?re correctionnelle, les de?cisions prolongeant la de?tention provisoire au dela? de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberte? concernant une de?tention de plus de huit mois doivent e?galement comporter l'e?nonce? des conside?rations de fait sur le caracte?re insuffisant des obligations du contrôle judiciaire prévues à l'article 138 6° du code de procédure pénale, des obligations de l'assignation a? re?sidence avec surveillance e?lectronique mobile, pre?vue au troisie?me aline?a de l'article 142-5 et a? l'article 142-12-1, ou du dispositif e?lectronique pre?vu a? l'article 138-3, lorsque cette mesure peut e?tre ordonne?e au regard de la nature des faits reproche?s. » ;

2° L'article 142-6 est ainsi modifie? :

a) Apre?s le troisie?me aline?a, sont inse?re?s quatre aline?as ainsi re?dige?s :

« En matie?re correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demande?e par une personne de?tenue ou son avocat un mois avant la date a? laquelle la de?tention peut e?tre prolonge?e, sauf de?cision de refus spe?cialement motive?e du juge d'instruction ;

« 2° Avant la date a? laquelle la de?tention peut e?tre prolonge?e lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement infe?rieure ou e?gale a? cinq ans, sauf de?cision de refus spe?cialement motive?e du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la de?tention lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement infe?rieure ou e?gale a? cinq ans. Sauf s'il envisage un placement sous contro?le judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation a? re?sidence sous surveillance e?lectronique qu'en cas d'impossibilite? lie?e a? la personnalite? ou a? la situation mate?rielle de la personne. » ;

b) Les quatrie?me et avant-dernier aline?as sont supprime?s ;

c) Au dernier aline?a, la premie?re occurrence du mot : « et » est remplace?e par le mot : « a? ».

Mme Michelle Gréaume.  - La commission a supprimé cet article qui constitue une des avancées notables permettant d'améliorer le fonctionnement de notre justice et de proposer des alternatives à la détention provisoire. De nombreux professionnels le recommandent.

Nous ajoutons à cet article 5 l'alternative du contrôle judiciaire, assorti d'obligations socio-éducatives.

La détention provisoire représente 32 % de la population carcérale ; il est urgent de trouver d'autres dispositifs.

M. le président.  - Amendement n°164 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l'article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

2° L'article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d'instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s'il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu'en cas d'impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

M. Guy Benarroche.  - Je partage les interrogations du garde des Sceaux sur la suppression de cet article, qu'il convient de rétablir.

La détention provisoire ne doit pas être perçue comme le début d'une punition. L'article 5 est fondamental.

M. le président.  - Amendement identique n°215 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Les rapporteurs n'ont pas proposé d'amendements sur cet article, qui n'a pas été supprimé à leur initiative.

De plus, souvenons-nous que la détention provisoire sera toujours mise en oeuvre quand elle s'avèrera nécessaire.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Mme Boyer a su nous convaincre, mais il faut relativiser la portée de cet article. Dans la version de la commission, après près huit mois de détention provisoire, le magistrat devra rendre une ordonnance de maintien en détention, sauf s'il décide d'avoir recours à un bracelet électronique.

Dans la version de l'Assemblée nationale, c'est l'inverse : à l'issue des huit mois, le passage au bracelet est automatique sauf si le magistrat décide le maintien en détention. Sur le fond, les deux positons ne sont pas si éloignées. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je souhaite le retrait de ces amendements au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement n°197 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°74 et les amendements identiques nos164 rectifié et 215 rectifié.

L'article 5 demeure supprimé.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article préliminaire du code de procédure pénale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Toute autorité judiciaire prononçant une peine privative de liberté du type détention provisoire ou emprisonnement ferme, doit expressément motiver sa décision au regard de toute autre mesure pouvant être effectuée en milieu ouvert.

« Cette règle est d'ordre public. »

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement inscrit dans la loi l'inversion de la logique du tout carcéral en rendant obligatoire la motivation de garder une personne en prison alors qu'elle pourrait bénéficier d'un bracelet électronique.

Il faut engager la décroissance carcérale. Le confinement a montré que c'était possible.

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article 142-5 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et plus particulièrement à celle du 6° de cet article afin d'engager des mesures socio-éducatives visant à prévenir le renouvellement de l'infraction ».

Mme Michelle Gréaume.  - Il convient de promouvoir les mesures socio-éducatives.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amendement n°76 a pour but d'éviter la détention ; est-il très éloigné du droit en vigueur ? Le code de procédure pénale apporte les mêmes garanties, dans une rédaction légèrement différente : la détention reste un dernier recours.

Même chose pour l'amendement n°75. Sur la question des moyens, le garde des Sceaux pourrait vous répondre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux deux amendements.

L'amendement n°76 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°75.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°198, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Les dispositions des articles 622 à 626-1 du code de procédure pénale sont applicables aux condamnations prononcées par une cour d'assises sous l'empire du code d'instruction criminelle, lorsque la culpabilité de la personne est résultée d'aveux obtenus par l'usage de la torture.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement est d'une importance toute particulière.

Deux personnes ont été condamnées à trois reprises pour le meurtre d'un garde-chasse, après des aveux extorqués sous la torture. Ils ont toujours crié leur innocence. Graciés par le président René Coty, ils n'ont jamais été réhabilités, malgré six demandes. Ils sont morts aujourd'hui... mais d'autres se battent pour défendre leur honneur.

Ces deux personnes s'appelaient Mis et Thiennot. Ils ont livré un combat acharné contre une justice qui ne voulait pas dire qu'elle s'était trompée ; la torture, disait-elle, était connue lors du procès ; ce n'était donc pas un motif de révision.

J'ai l'honneur de vous présenter cet amendement qui permet la révision dans le cas d'aveux obtenus sous la torture. Il est très attendu dans le département de l'Indre.

L'amendement à l'origine a été porté par le député François Jolivet. Il était irrecevable : la mort dans l'âme, j'ai donné un avis défavorable. M. Jolivet a quitté l'hémicycle les larmes aux yeux. J'ai immédiatement demandé une suspension de séance et me suis engagé à reprendre cette mesure en la retravaillant - chose faite deux jours plus tard.

Je vous demande - je vous supplie - de l'adopter.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission des lois soutient votre engagement, avec une sagesse très favorable pour faire aboutir cette affaire.

Mme Nadine Bellurot.  - Sénatrice de l'Indre, je suis particulièrement sensible à cet amendement. En effet, il fallait améliorer la rédaction de cet amendement, déposé par MM. Jolivet et Forissier. Le groupe Les Républicains votera cet amendement qui fait justice aux familles.

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le ministre, nul besoin de nous supplier : le groupe CRCE ne peut que souscrire à cet amendement d'une grande justesse.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Raymond Mis et Gabriel Thiennot ont été condamnés à trois reprises aux travaux forcés, puis à quinze ans de réclusion. Ils ont toujours clamé leur innocence.

Le 1er décembre 2016, je déposais une proposition de loi très similaire à votre amendement ; Jean-Paul Chanteguet faisait de même à l'Assemblée nationale. L'émotion est très compréhensible.

On nous opposait toujours l'absence d'éléments nouveaux, puisque la justice avait connaissance des tortures. C'était un véritable mur, auquel des centaines de personnes en Indre et dans la région Centre-Val de Loire se sont heurtées.

Enfin, vous ouvrez la porte à une révision de cette affaire qui remonte à 75 ans.

Je salue les élus de l'Indre de toutes tendances qui se sont battus contre cette injustice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je remercie Mme Bellurot pour son soutien. La confiance dans la justice, c'est aussi qu'elle reconnaisse quand elle se trompe, car elle n'est pas infaillible.

C'est après cette affaire que la durée de la garde à vue a été réduite ; avec ce texte, nous allons réduire celle de l'enquête préliminaire, qui s'appelait enquête officieuse dans le code d'instruction criminelle. Le parallèle est pertinent.

Pour les membres des familles, nous ne pouvions manquer ce rendez-vous.

M. le président.  - Cet amendement a reçu un avis de sagesse favorable de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Un avis favorable !

L'amendement n°198 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

L'article 6 bis est adopté, ainsi que l'article 6 ter.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous opposons fermement à la généralisation des cours criminelles départementales.

Alors que leur expérimentation initiale est censée se poursuivre jusqu'à 2022, aucune étude n'a pu établir de données définitives sur leur mise en oeuvre. Les premiers chiffres dévoilés ne peuvent en aucun cas attester que leur instauration sur le long terme soit aussi judicieuse que le prétend le projet de loi. De nombreux acteurs du monde judiciaire jugent cette expérimentation trop courte pour en tirer des conclusions.

Si la commission des lois du Sénat s'est exprimée dans le sens d'une prolongation d'un an, nous préférons ne laisser aucune chance à cet article d'être réécrit à l'Assemblée nationale et proposons sa suppression.

M. le président.  - Amendement identique n°124, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Hussein Bourgi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°187 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Bonhomme, Frassa, Duplomb et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Laménie et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Daubresse, Mme Demas, MM. A. Marc, Guerriau, Charon, Meurant, Sido, Hingray et Genet, Mmes Gosselin et Lherbier, M. Saury et Mme Borchio Fontimp.

M. Henri Leroy.  - Cet article généralise les cours criminelles départementales desquelles sont écartés, pour ne pas dire chassés, les jurés populaires. Demain, ils seront exclus des cours d'assises.

Ces jurys populaires sont pourtant une institution bicentenaire grâce à laquelle la justice est rendue au nom du peuple français. La Révolution a fait entrer le citoyen dans la justice ; vous l'en faites sortir. La justice ne se rend pas sur un coin de table : tant qu'il n'y aura pas de jurés, les cours criminelles départementales ne seront pas totalement légitimes.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous sommes favorables aux jurys populaires et pensons prématurée la généralisation de l'expérimentation des cours criminelles départementales. Elles n'ont été installées que début 2020, trop tôt pour lever les interrogations, comme le démontrent les rapports qui ont été commis.

Seules 186 affaires impliquant 100 accusés ont été jugées, trop peu pour en tirer des conclusions significatives.

L'expérimentation, en outre, a été perturbée par la crise sanitaire et par la grève des avocats. Nous avons donc préféré l'étendre pour disposer d'un bilan complet. Avis défavorable à ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les cours d'assises demeurent pour les infractions punies de plus de vingt ans de réclusion criminelle. Elles sont aussi les juridictions d'appel des cours criminelles départementales.

Enfin, il est faux de dire que le peuple n'est pas respecté. Ainsi j'ai fait en sorte qu'une condamnation par un jury populaire soit prise à la majorité des jurés - ce qui n'était plus le cas depuis 2014.

Magistrats et avocats sont satisfaits, les délais moins longs et les appels moins nombreux. Nous avions beaucoup de mal à réunir des jurés. L'expérimentation est en cours depuis septembre 2019 : c'est déjà beaucoup ! Des rapports parlementaires transpartisans en ont tiré un bilan positif - même si quelques braillards mal informés se sont exprimés.

On ne peut conserver ad vitam aeternam deux types de juridictions sur le même territoire. Il est temps d'unifier les juridictions criminelles. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je partage l'analyse d'Henri Leroy. Je me souviens des propos de Mme Belloubet au moment de lancer l'expérimentation dans les huit départements : il y avait un luxe de précautions, et surtout pas de généralisation. Elle avait aussi promis expertises et rapports transpartisans, dont vous vous réclamez ; pour ma part, je n'ai jamais vu un rapport transpartisan au Sénat...

Puis, de huit départements, Mme la garde des Sceaux est passée à dix-sept, sans justification. Je pensais que vous alliez interrompre l'expérience ou du moins vous en tenir là, compte tenu de vos déclarations passées.

Vous affirmez que les magistrats et les avocats sont pour cette réforme, hormis quelques braillards ! Cela fait plusieurs fois que vous utilisez ce terme depuis cet après-midi. On a le droit d'être contre cette mesure sans être qualifié ainsi.

Mme Cécile Cukierman.  - Personne n'est ici dans l'excès ou la caricature, monsieur le garde des Sceaux. Je vous ai souvent dit que de nombreux acteurs du monde judicaire jugeaient l'expérimentation trop courte.

Nous ne sommes pas dans les effets de manche de l'Assemblée nationale ! Dans cette assemblée démocratique, nous faisons de la politique. Nous réfléchissons aux moyens de restaurer la confiance dans l'institution judiciaire. Je vous demande un minimum de respect !

Supprimez les cours criminelles départementales, comme le propose aussi Henri Leroy, et vous retrouverez une homogénéité !

M. Marc Laménie.  - Je suis cosignataire de l'un des amendements de suppression. Il peut être dangereux d'envisager une généralisation des cours criminelles départementales, alors que les jurys d'assises fonctionnent bien.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les amendements auraient pour conséquences de faire cesser l'expérimentation en mai 2022, trop tôt pour en titrer des conclusions.

Les amendements identiques nos77, 124 et 187 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Nous avons examiné 43 amendements ; il en reste 154.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 29 septembre 2021, à 15 heures.

La séance est levée à minuit trente.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 29 septembre 2021

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mme Martine Filleul - Mme Jacqueline Eustache-Brinio

1. Questions d'actualité

À 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Valérie Létard, vice-présidente

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l'institution judiciaire (texte de la commission, n°835, 2020-2021) et projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l'institution judiciaire (texte de la commission, n°836, 2020-2021)