Prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après l'engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer.
CMP (Nominations)
M. le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après l'engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Discussion générale
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer . - Nous affrontons, en outre-mer, une crise sans précédent, due au variant Delta. Aux Antilles et en Polynésie française, les taux d'incidence dépassent tous les records depuis 18 mois : 1 000 en Martinique, 2 000 en Guadeloupe, 4 000 dans les Îles sous le Vent.
Derrière ces chiffres, il y a des milliers de personnes en souffrance ou endeuillées, des équipes médicales qui luttent pour sauver des vies. Depuis juillet, 2 000 soignants sont venus en renfort de leurs collègues d'outre-mer ; je les remercie pour leur solidarité.
La situation est dramatique : il faut la regarder en face. Le Gouvernement est mobilisé depuis l'été face à cette nouvelle vague.
Nous suivons l'évolution épidémique territoire par territoire.
En Martinique, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré le 13 juillet ; les mesures strictes de couvre-feu et de confinement sont reconduites au moins jusqu'au 19 septembre. Malgré une baisse, les indicateurs demeurent élevés : taux d'incidence de 419 pour 100 000 habitants, 78 patients en soins critiques.
En Guadeloupe, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré le 29 juillet ; couvre-feu et confinement sont prolongés jusqu'au 19 septembre. Le taux d'incidence atteint 520 pour 100 000 habitants ; 54 personnes sont toujours en soins critiques et le nombre d'admissions commence à peine à se stabiliser.
À Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, l'amélioration de la situation a permis d'assouplir les heures de couvre-feu, mais nous restons vigilants, car les services de réanimation sont en Guadeloupe.
En Polynésie française, l'épidémie atteint son pic avec un taux d'incidence de 2 860 pour 100 000 habitants, 375 patients hospitalisés, dont 44 en réanimation. L'état d'urgence sanitaire a été déclaré le 12 août ; couvre-feu et confinement doivent absolument être maintenus.
En Guyane, les indicateurs se stabilisent mais restent élevés ; l'impact hospitalier est contenu, mais nous restons vigilants, au vu de la très faible couverture vaccinale. Un confinement a été déclaré le 20 août dans la zone littorale, dite zone rouge.
À la Réunion, les mesures de freinage prises fin juillet portent leurs fruits, et des assouplissements, progressifs et réversibles, ont été annoncés. La vigilance reste néanmoins de mise.
À Mayotte, nous surveillons la hausse des indicateurs. Une nouvelle vague serait dramatique, au vu du faible taux de vaccination. Le préfet a donc pris hier de nouvelles mesures de freinage.
Exempte de la covid depuis 18 mois, la Nouvelle-Calédonie, qui ne compte que 32 % de primo-vaccinés, recense à cette heure 66 cas. Le Haut-Commissaire a annoncé lundi un confinement strict de quinze jours, et l'état d'urgence sanitaire a été déclaré hier par décret ; un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale en fixe le terme au 15 novembre.
Depuis le 1er juillet 2021, on déplore 1 500 décès outre-mer, rien qu'à l'hôpital.
Il convient de prolonger jusqu'au 15 novembre l'état d'urgence sanitaire sur ces territoires afin de poursuivre les mesures de freinage. Sans ce projet de loi, il prendrait fin le 11 septembre en Polynésie française : il y a donc urgence.
En prévoyant d'emblée que l'état d'urgence sanitaire court jusqu'au 15 novembre, nous pourrons apporter une réponse forte et rapide en cas de réapparition du virus sur un territoire - je pense à Wallis et Futuna, proche de la Nouvelle-Calédonie.
Saint-Pierre et Miquelon se trouve, avec une couverture vaccinale élevée, dans une situation différente. Aussi, les députés ont-ils sorti ce territoire du champ du projet de loi. Je m'en remets sur ce point à la sagesse des deux assemblées.
Ce texte ne signifie pas que l'état d'urgence durera jusqu'au 15 novembre sur tous les territoires concernés, et les préfets peuvent alléger progressivement les mesures de freinage, qui sont territorialisées et adaptées. De même, le Gouvernement pourra toujours mettre fin à l'état d'urgence sanitaire par décret.
L'État est là, pleinement mobilisé. La solidarité nationale joue à plein : grâce à la réserve sanitaire, au service de santé des armées, aux soignants volontaires, aux pompiers, le nombre de lits de réanimation a été augmenté de 290% en Guadeloupe. Nous avons envoyé des renforts humains et matériels dans chaque territoire, y compris en Polynésie, où la santé n'est pourtant pas de la compétence de l'État. Nous poursuivons les évacuations sanitaires vers l'Hexagone - 115 déjà.
La solidarité nationale soutient également les secteurs économiques affectés. En outre-mer, le fonds de solidarité est prolongé pour septembre, et le sera sans doute pour octobre. Les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme bénéficient d'une indemnisation deux fois plus importante que dans le reste du territoire ; les très petites entreprises continuent de toucher le fonds de solidarité « socle » à 1 500 euros, supprimé depuis juin dans l'Hexagone.
Nous ajustons en permanence le dispositif, dans un dialogue constant avec les acteurs économiques. Ainsi, les plus jeunes entreprises sont désormais éligibles au fonds de solidarité.
Nous tenons compte des spécificités économiques de l'outre-mer et les préfets poursuivent l'effort d'accompagnement des entreprises, notamment dans le cadre du plan de relance.
Le Gouvernement travaille aussi à un grand plan de reconquête et de transformation du tourisme ; les outre-mer y auront toute leur place.
Les collectivités territoriales en outre-mer voient les filets de sécurité mis en place en 2020 maintenus en 2021, et bénéficient d'une dotation exceptionnelle pour l'investissement.
L'issue viendra de la vaccination, seul bouclier contre de nouvelles vagues épidémiques. J'ai dit, et je le maintiens, que nous étions entrés dans une épidémie de non-vaccinés. Les chiffres sont éloquents : 87 % des personnes en soins critiques et 83 % des personnes hospitalisées ne sont pas vaccinées. Dans les hôpitaux, 82 % des personnes décédées de la covid n'étaient pas vaccinées.
L'adhésion à la vaccination rencontre en outre-mer plus de difficultés que dans l'Hexagone. L'État n'a pourtant pas failli, et ces territoires ont été parmi les premiers à recevoir des doses en nombre - 2,5 millions à ce jour. Pourtant, en Guadeloupe et à la Martinique, seulement 32 % de la population a reçu une première injection, 25 % en Guyane.
Malgré les efforts de communication et les campagnes d'aller-vers, nous affrontons un mur de défiance, fruit de la désinformation, qui fait rempart à la parole médicale. Le vaccin est devenu un enjeu politique pour certains...
J'appelle à se mobiliser en faveur de la vaccination. Prendre la parole, c'est sauver des vies.
Je vous invite à voter ce projet de loi, qui participe de la protection de nos concitoyens ultramarins.
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois . - Fraternité, solidarité, émotion pour nos compatriotes d'outre-mer, voilà les premiers mots qui me viennent à l'esprit. Espoir, aussi, d'une unité politique entre Assemblée nationale et Sénat, Parlement et Gouvernement. Aujourd'hui, nous sommes tous martiniquais, guadeloupéens, polynésiens... Nous sommes tous ultramarins.
Je pense à nos compatriotes, si nombreux dans le deuil, la souffrance et l'angoisse face à une épidémie qui se répand à une vitesse inédite. En quelques jours, le taux d'incidence en Polynésie est passé de 1 080 à 4 000, contre 180 dans l'Hexagone ! La situation en Guadeloupe, à la Martinique et en Guyane est plus que préoccupante, dramatique.
Certains territoires, épargnés jusqu'ici, sont désormais touchés, et la Nouvelle Calédonie vient de déclarer un confinement drastique. Il faut donc pouvoir s'adapter en permanence aux évolutions de l'épidémie.
Je remercie nos collègues d'outre-mer de m'avoir aidé à comprendre la situation au-delà de la sécheresse des chiffres.
Comme représentants des collectivités territoriales, le Sénat a une solidarité particulière avec l'outre-mer.
Il existe une corrélation entre la lenteur de la vaccination et la vulnérabilité de nos compatriotes face au virus - même si l'on note un frémissement, voire plus, dans certains territoires. Plus les autorités sanitaires se reposeront sur des acteurs de confiance proches des habitants, et moins sur une propagande indifférenciée, mieux cela vaudra. Tablons sur les centres de vaccination éphémères et le recours aux soignants locaux.
Nous sommes encore loin du compte : 30 % de primo-vaccinés seulement dans les Antilles, 24 % en Guyane ; ces chiffres sont inquiétants. La Polynésie est à 50 %, la Réunion, à 53 %, Mayotte à 30 %.
Au-delà des mesures de confinement et de couvre-feu, il faut poursuivre l'effort de conviction en faveur de la vaccination, redire que la vaccination protège !
La situation économique et sociale outre-mer - les conditions de vie, d'habitat, de logement, le taux de chômage trois à quatre fois supérieur au taux hexagonal - montre que rien n'arrive par hasard. (Mme Catherine Conconne approuve.) Le développement économique protège ! Il faut lui donner un nouvel élan, qui passe aussi par la solidarité nationale.
Le Gouvernement nous propose de proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 15 novembre, date butoir de la loi sur le passe sanitaire. Notre commission l'a accepté à l'unanimité. Mais cela ne veut pas dire que l'état d'urgence sanitaire doit durer jusqu'au 15 novembre !
J'ai échangé avec l'exécutif de Saint-Barthélemy ; il n'y a pas de justification majeure à proroger l'état d'urgence sanitaire sur ce territoire. Nous invitons le Gouvernement à réexaminer la situation dans les prochains jours : il n'y a pas lieu d'imposer des contraintes non nécessaires.
Nous sommes très étonnés de voir que Mayotte résiste à l'épidémie. Les chiffres reflètent-ils la réalité ? Pour l'heure, il n'y a pas d'évacuation sanitaire de Mayotte vers la Réunion, mais nous devons être vigilants et inclure Mayotte dans la liste des collectivités territoriales où l'état d'urgence sanitaire peut être déclaré à tout moment.
Vous demandez au Parlement de vous autoriser à prendre un décret valable jusqu'au 15 novembre, et non durant 30 jours, pour les collectivités non encore concernées par l'état d'urgence sanitaire. Soit. Nous l'avons vu en Nouvelle-Calédonie, il faut savoir être réactif.
La Nouvelle-Calédonie a rendu obligatoire la vaccination sur son sol. En toute logique, il faudrait l'imposer aux voyageurs qui s'y rendent. Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de prendre un tel décret prochainement ?
Le partage de souveraineté de l'île de Saint-Martin entre la France et les Pays-Bas pose problème, car ces derniers n'appliquent pas les mêmes mesures que nous, or la population circule dans toute l'île ! Il faut vous entendre avec les Néerlandais.
J'ai saisi la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale pour exempter Saint-Pierre et Miquelon du champ du texte, sachant que 85 % de la population y est vaccinée et qu'aucun cas n'y est recensé. Pourquoi dès lors traiter ce territoire différemment de l'Hexagone ?
À Wallis et Futuna, en revanche, il faut pouvoir déclarer l'état d'urgence sanitaire afin de protéger le territoire, car il y a beaucoup de contacts avec la Nouvelle-Calédonie, où la situation est tendue.
Je conclus, puisque le président m'y invite, en m'associant à l'hommage rendu à Marcel Henry. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, Les Indépendants et du RDPI)
M. Claude Malhuret . - Nous sommes ici pour exprimer notre solidarité envers nos compatriotes d'outre-mer, frappés par ce virus imprévisible et impitoyable, et pour saluer les centaines de soignants venus en renfort de leurs collègues débordés.
Tirons les enseignements de cette épreuve. Le premier, c'est que les victimes se comptent dans les territoires peu vaccinés, alors que la métropole, grâce à un fort taux de vaccination, surmonte la quatrième vague en ayant limité les cas graves.
Voilà la preuve, aussi triste qu'éclatante, que le vaccin est bien la seule chance de vaincre le virus. Elle accable ceux qui depuis des mois tentent de discréditer le vaccin, répandant leurs bobards sur des réseaux antisociaux devenus le fort Chabrol des agités du bocal et dans des cortèges de pigeons menés par des ânes (Sourires), ces politiciens des deux extrêmes qui ne cherchent qu'à foutre en l'air le système.
Mais le trot de l'âne ne dure pas longtemps, comme le dit le proverbe. Les résistants d'opérette s'expriment avec leurs pieds, les autres Français, avec leur cervelle, en se faisant vacciner !
Après avoir tenté de vider les vaccinodromes par la désinformation, les Camille Desmoulins de la démagogie sont pris à leur propre piège : leurs sympathisants se partagent désormais entre antivax et vaccinés... Ils tentent donc de sortir de la nasse en se disant non pas antivax mais anti-passe. Ils sont la chauve-souris de La Fontaine : « Je suis oiseau, voyez mes ailes / Je suis souris, vivent les rats. » Heureusement, on a rarement élu une chauve-souris président ! (Rires et applaudissements à droite et au centre)
Ils crient à la dictature tout en admirant Poutine et Maduro, et ne défendent au fond comme liberté que celle de mettre en danger la vie d'autrui. Docteurs ès fake news de l'université Facebook, ils ne savent pas localiser leur vésicule biliaire mais ont un avis sur l'ARN messager et l'hydroxychloroquine ! (Rires et applaudissements à droite et au centre)
Malgré les excités cherchant le bruit, les caméras cherchant l'audience et les réseaux cherchant la haine, une majorité silencieuse de Français adhère à des vérités rationnelles.
La décision courageuse de la Nouvelle-Calédonie nous montre l'exemple. La vaccination obligatoire, en tout cas généralisée, est notre prochain défi.
Allons-nous vaincre la pandémie, ou n'est-ce qu'une simple trêve ? Dieu seul le sait. Le Gouvernement devra continuer à prendre des décisions difficiles. Faut-il une vaccination obligatoire en métropole ? Quid de la troisième dose, des écoles, des universités, des lieux publics ? Nous en débattrons, en responsabilité, au Sénat.
Pour l'heure, nous voterons ce projet de loi pour parer au drame que vivent nos compatriotes d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - D'état d'urgence en état d'urgence prolongé, nous devons actualiser notre droit.
Les choses ne sont hélas pas aussi simples, aussi schématiques que le dit l'orateur précédent...
Ce nouvel épisode épidémique frappe particulièrement les outre-mer, de manière hétérogène toutefois.
À l'heure du Congrès mondial pour la nature qui se tient à Marseille, alors que 80 % de la biodiversité française est ultramarine, les réseaux des collectivités territoriales ont unanimement adopté une résolution rappelant l'interdépendance entre la santé humaine et l'état de la biodiversité et des écosystèmes, illustrée par l'apparition de nouvelles zoonoses. Je vous invite à la lire.
Alors que la Nouvelle-Calédonie a rendu obligatoire la vaccination des majeurs, la situation sanitaire outre-mer est très dégradée. Certes, les chiffres diffèrent d'un territoire à l'autre.
Face au variant Delta, le faible taux de couverture vaccinale est un facteur aggravant. Il tient notamment à la défiance face aux autorités qui aujourd'hui prônent le vaccin, mais qui naguère justifiaient l'utilisation du chlordécone aux Antilles alors qu'il était interdit dans le reste du pays. Des liens de confiance brisés sont les plus durs à réparer. Il faut un dialogue continu, une information relayée par une diversité d'acteurs à tous les niveaux pour lever les peurs.
On observe les mêmes réticences dans l'ensemble des territoires oubliés, voire abandonnés, par la République. Dans ma ville de Marseille, la carte de la non-vaccination recoupe celle de la pauvreté...
L'outre-mer souffre par ailleurs d'un système hospitalier sous-équipé, vite saturé, malgré la mobilisation du personnel ; les évacuations sanitaires sont bien plus complexes qu'en Métropole. La louable solidarité des soignants qui viennent en renfort ne saurait remédier aux carences des politiques publiques.
Le Gouvernement devra adapter son action aux réalités des différents territoires. J'insiste : nous autorisons le Gouvernement à prolonger l'état d'urgence jusqu'au 15 novembre, mais ce n'est pas une obligation !
Le GEST votera ce texte et apporte tout son soutien à nos concitoyens ultramarins. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les chiffres de la quatrième vague sont glaçants. Mais ils peinent à rendre compte de la réalité. Entre le 20 et le 27 août, douze personnes en moyenne sont décédées chaque jour de la Covid en Guadeloupe, soit le double de la moyenne nationale au plus fort de la première vague. C'est beaucoup trop.
Je renouvelle mon soutien aux familles endeuillées et aux malades. Je salue les soignants, élus, bénévoles, qui oeuvrent sans relâche, particulièrement ceux venus de l'Hexagone pour prêter main-forte.
La situation exige de maintenir les mesures de freinage qui ont fait leur preuve et d'autoriser le Gouvernement à décréter ou proroger l'état d'urgence sanitaire.
Selon les scientifiques, la vaccination est le moyen le plus efficace pour lutter contre l'épidémie. Il faut rassurer, expliquer, « aller vers ». En Guadeloupe, un « vaccibus » a été affrété par les collectivités territoriales pour compenser l'insuffisance du maillage des centres de vaccination.
Il faut enfin combattre la désinformation sur les réseaux sociaux. Faisons confiance à la science. Rien ne justifie les menaces contre les soignants qui nous protègent !
Les acteurs économiques souffrent, notamment le secteur touristique et de l'événementiel. La prorogation de l'état d'urgence sanitaire doit s'accompagner de mesures adaptées à un tissu économique constitué majoritairement de très petites entreprises.
Le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; Mme Lana Tetuanui et M. Philippe Bas applaudissent également.)
M. Jean-Yves Roux . - Une fois de plus, nous sommes face à nos responsabilités. L'urgence est là, sanitaire comme juridique. Cet été, le variant Delta s'est emballé dans les outre-mer ; face à l'afflux, les soignants doivent trier les patients, procéder à des évacuations sanitaires...
Cette situation fait écho à la première vague de mars 2020, quand nous ne disposions pas de vaccin. Mais la contagiosité du variant, la prévalence de comorbidités, l'isolement insulaire, la capacité hospitalière et le faible taux de vaccination ont abouti à une situation critique qui exige la solidarité nationale.
La Guyane est en état d'urgence continu depuis le 17 octobre 2020, La Réunion et la Martinique depuis le 14 juillet 2021, la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin depuis le 29 juillet et la Polynésie française depuis le 12 août.
Les mesures concernant la Polynésie expirent au 12 septembre, au 30 septembre dans les autres territoires.
Il faut aussi anticiper des dégradations rapides possibles, à Mayotte, à Wallis et Futuna ou en Nouvelle-Calédonie. L'insécurité juridique ne doit pas s'ajouter à l'insécurité sanitaire.
Nous souscrivons à cette stratégie qui protège les populations tout en étant souple dans sa mise en oeuvre.
Dans son avis du 29 août, le Conseil scientifique préconise « d'aller vers » la vaccination tout en étant bienveillant envers les plus défavorisés. Plus qu'ailleurs, il existe outre-mer une défiance majeure envers la vaccination. Il y a également plus de comorbidités. Comment adapter les mesures ?
Comment assurer la continuité pédagogique à distance ? Saura-t-on prendre en charge les covid longs ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoira-t-il de former plus de soignants outre-mer et d'y augmenter le nombre de lits ?
Le RDSE votera en faveur de ce texte nécessaire et proportionné, tout en appelant à des politiques structurelles visant à redonner confiance et améliorer la protection sanitaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Teva Rohfritsch, Mme Lana Tetuanui et M. Philippe Bas applaudissent également.)
Mme Éliane Assassi . - Partout dans notre pays, le Covid a révélé les inégalités sociales, sanitaires et territoriales. Les outre-mer subissent durement les conséquences des politiques de sous-investissement dans les services publics, en particulier de santé - en soignants et en infrastructures. Cela a occasionné une saturation des hôpitaux, notamment en Martinique, en Guadeloupe mais aussi en Polynésie française.
Il y a urgence à accélérer la campagne en faveur de la vaccination sans pour autant attenter à nos libertés ni stigmatiser les croyances des populations. Depuis le Médiator et le chlordécone, certains de nos compatriotes d'outre-mer sont méfiants ; il faut en tenir compte.
Il s'agit d'une question d'égalité sanitaire : selon l'ARS, 95 % des patients hospitalisés en Martinique ont une comorbidité, 98 % sont en surpoids.
Le Gouvernement doit lancer en plan de rattrapage en faveur des services de santé outre-mer. L'article unique du projet de loi n'en dit rien : c'est regrettable. Le refus du Gouvernement de retenir la proposition des parlementaires ultramarins, qui souhaitent être mieux associés au suivi, n'est pas de nature à établir la confiance.
Le Gouvernement entend-il prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 28 février, date de fin de la session parlementaire, ou jusqu'au 30 juin, après les élections présidentielle et législatives ? Une campagne électorale dans ces conditions serait inacceptable.
Le groupe CRCE votera contre le texte, qui porte atteinte aux prérogatives du Parlement et aux libertés publiques. Nous demeurons cohérents avec notre position sur les précédents textes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi qu'au banc de la commission) « Yoran ». La situation des outre-mer s'est dégradée avec le variant Delta, en particulier chez moi, en Polynésie, où 535 personnes sont mortes du Covid. Nos structures sanitaires sont débordées. Pas moins de 257 hospitalisations sont enregistrées. D'énormes efforts sont réalisés pour accélérer la vaccination : 144 000 Polynésiens ont reçu une dose et plus de 120 000 ont un schéma vaccinal complet sur 276 000 habitants.
Par avion, par hélicoptère, par bateau, les Polynésiens de tous les archipels viennent se faire vacciner. C'est une difficulté que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Merci à tous les bénévoles et aux services de l'État pour leur mobilisation. La solidarité nationale a pleinement joué son rôle. Merci au ministre de la santé, au ministre des outre-mer, au président du Sénat et à toute la représentation nationale.
Les îles les plus touchées ont été confinées. Cela a créé une crise économique très grave, avec une baisse de 12 % du PIB. Avec la fermeture des frontières, le secteur du tourisme est particulièrement touché. La collectivité a dû faire face à cette situation et consentir plus de 73 millions de dépenses en faveur du maintien des emplois et pour prendre à sa charge les pertes de la compagnie aérienne, entre autres.
Le Président de la République, lors de son déplacement, a pris des engagements, dont je retiens le prêt de l'AFD à hauteur de 300 millions d'euros, le soutien de l'État à Air Tahiti Nui, le maintien des aides aux entreprises. M. le ministre de l'économie a décidé de les prolonger jusqu'à la fin de l'année ; c'est indispensable.
Il faut effectivement proroger l'état d'urgence sanitaire décrété le 11 août dernier en Polynésie française. Mais la pandémie crée des difficultés économiques importantes aux collectivités du Pacifique. L'État doit prendre toutes les mesures nécessaires, même s'il exerce alors une compétence d'exception. La crise sanitaire a réduit à néant certaines compétences de la Polynésie française, telles que la santé publique ou la police administrative spéciale en matière sanitaire.
Ce nouvel état du droit pose néanmoins deux problèmes. D'abord, il n'est pas conforme à la jurisprudence du Conseil d'État du 15 mars 2005, selon laquelle il appartient à l'État de supporter la charge des compétences qu'il exerce : il devrait donc assumer les dépenses liées à la crise sanitaire.
Ensuite, il introduit une mise sous tutelle des territoires d'outre-mer qui a des relents d'un passé révolu. Dans un proche avenir, il faudra donc envisager une réforme statutaire.
Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; MM. Teva Rohfritsch et Claude Malhuret applaudissent également.)
M. Victorin Lurel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans un élan transpartisan, les élus calédoniens viennent de voter l'obligation vaccinale de la population adulte. C'est courageux.
La prorogation de l'état d'urgence est justifiée et mon groupe votera ce projet de loi. Mais cela ne suffira pas. Nous dépassons l'urgence ; nous vivons une catastrophe sanitaire.
Pour ne plus pleurer et subir, il faut se demander comment on est arrivé là. Il y a eu des carences fautives et des manques cruels.
La méfiance séculaire d'une partie de nos compatriotes contre toutes les paroles d'autorité est un obstacle à la vaccination. Mais comment peut-on encore lire que le vaccin est dangereux ? Comment expliquer le manque de lits, de centres de vaccination, d'oxygène, de cathéters, de vaccibus ? Comment conserver une communication détachée des caractéristiques culturelles de nos peuples ?
Ce cocktail explosif - nous l'avons dit dès le mois de mai - est devenu terriblement meurtrier.
Certes, je reconnais que votre Gouvernement a agi, monsieur le ministre, mais le manque d'anticipation a augmenté l'impact de cette crise. Le Ségur ne pourra être la seule réponse à la situation sanitaire outre-mer.
Il faut une refonte globale de la politique sanitaire outre-mer, et une meilleure anticipation, pour affronter si nécessaire une future cinquième vague épidémique : plus de moyens, de proximité, de personnel, d'équipements, bref de démocratie sanitaire.
La crise que nous affrontons n'est pas due seulement à la méfiance à l'égard du vaccin. Le sous-investissement chronique dans le système de soins y a sa part.
Socialistes, nous croyons en la science. L'obligation vaccinale reste la seule solution pour sauver des vies et revenir à une existence normale. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
Nous avons le devoir moral de tout faire : aimer, monsieur le ministre, c'est aussi protéger. Votre stratégie de communication doit évoluer, tout comme la politique sanitaire en outre-mer.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean Louis Masson . - Je n'appartiens pas à la majorité gouvernementale, mais face à une situation aussi grave, nous avons le devoir d'éviter toute politique politicienne.
Dans une situation aussi exceptionnelle, tout Gouvernement aurait été confronté aux mêmes difficultés. Certains qui se plaignent, dans des groupes politiques importants, n'auraient pas mieux réussi.
Le Gouvernement fait ce qu'il peut. N'importe quel gouvernement aurait dû improviser et prendre des mesures au jour le jour.
Outre-mer, il y a un problème, et pas seulement de sous-dotation en hôpitaux : quand on est cinq ou six fois moins vaccinés qu'en métropole, il ne faut pas s'étonner d'être plus touchés par le virus !
Je ne suis pas un fanatique de la vaccination, je ne me suis jamais fait vacciner contre la grippe, par exemple, mais je l'ai fait contre cette terrible maladie. Et si tout le monde consentait un petit effort, nous n'en serions pas là...
Il est judicieux d'inclure la Nouvelle-Calédonie à ce texte.
Au cours des mois précédents, on s'est ému de la situation dans certains territoires, comme la Seine-Saint-Denis - mais pas un mot pour la Moselle, pourtant plus touchée au même moment ! Il y a une certaine partialité des responsables politiques et des médias. (Marques d'impatience sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il faut terminer !
M. Jean Louis Masson. - Je voterai le texte.
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plusieurs territoires d'outre-mer, comme Saint-Martin, subissent une situation préoccupante. La vaccination peine à convaincre et la partition de l'île nuit à l'efficacité des mesures.
La faiblesse des infrastructures hospitalières se fait sentir : nous ne disposons que de quelques places pour 40 000 habitants. La seule marge de manoeuvre est le transfert des patients vers la Martinique et la Guadeloupe, par ailleurs débordées. Certes, les contaminations baissent grâce au confinement, mais la situation demeure inquiétante.
Je mesure donc pleinement l'urgence de statuer ; je voterai le texte.
Mais son article unique est insuffisant face à l'immensité des difficultés et des souffrances. J'adresse mes pensées à la population saint-martinoise et aux soignants.
Il ne saurait y avoir un était d'urgence sanitaire sans des mesures de soutien spécifiques à notre économie. Je remercie le Gouvernement de celles qu'il a déjà prises.
Mais la partition ne facilite pas les choses : comment la vaccination pourrait-elle être efficace côté français sans concertation avec le côté hollandais ?
De même, l'imposition du passe sanitaire n'est pas judicieuse, sachant qu'il n'existe pas du côté hollandais - où se situe l'aéroport. La consommation se reporte côté hollandais. Le Gouvernement doit prendre en compte le coût pour l'industrie touristique, cruciale pour notre territoire.
La concertation avec le gouvernement néerlandais et le gouvernement de Sint-Maarten est donc indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quelle est votre position sur le sujet, monsieur le ministre ?
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La Polynésie française est en deuil, comme d'autres territoires ultramarins. Tous sont en alerte. En Polynésie française, on déplore 44 000 cas cumulés sur 277 000 habitants.
C'est terrible pour les malades, comme pour les soignants à bout de forces, confrontés à des choix angoissants. Il y a déjà eu 513 morts en Polynésie.
L'outre-mer fait face à l'insularité, mais aussi à l'état de santé de sa population et à la promiscuité, les logements étant souvent exigus.
Nous devons être solidaires entre Français. La solidarité nationale s'est exprimée. Merci aux renforts sanitaires qui ont voyagé jusqu'au bout du globe, mais en France, pour aider leurs compatriotes.
Merci aussi aux Calédoniens voisins qui nous ont apporté leur soutien. Merci de convoquer le Parlement.
La vaccination a fait un bond, dopée... par les morts. Mais la guerre n'est pas terminée, et les fake news comme les positions de certaines obédiences religieuses n'aident pas.
Nous devions faire face aux cyclones meurtriers ; il faut à présent y ajouter les pandémies.
Les économies locales souffrent, nous en reparlerons. Aujourd'hui, c'est la santé des Français, sur chacun des océans, qui est la priorité. Merci de voter ce texte avec nous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est une Martiniquaise profondément triste qui vous parle. De nombreux compatriotes sont endeuillés, avec plus de 500 décès.
Les mesures ont créé des incertitudes. Nous avons besoin de dérogations utiles en faveur du tourisme, du logement social, de l'industrie. J'aurais dû être au travail pour négocier des mesures en vue de la loi de finances, hélas la réalité est toute autre.
Je le disais déjà en décembre dernier. On meurt en Martinique faute de médecins et de soins ! Nos soignants sont à bout de souffle.
Certes, le Ségur a prévu un investissement de 458 millions d'euros. Mais il faut faire vite pour aider nos hôpitaux. La gravité de la situation nous impose de voter ce texte, mais il nous faut aussi, tous, assumer nos responsabilités, notamment s'agissant de la vaccination.
Nous demandons un droit à rattrapage pour l'offre de soins. Une île ne peut compter sur les départements voisins. Il nous faut faire plus pour convaincre, en proximité, et aller vers les plus éloignés de la vaccination. Face à la maladie, nous n'avons pas de solution plus efficace que la vaccination contre les formes graves.
Nos entreprises souffrent de la crise depuis mars 2020, avec des mesures de confinement quasiment permanentes, une chute du tourisme et une hausse des coûts du fret. La prorogation du fonds de solidarité ne sera pas suffisante.
Des mesures d'apurement des dettes fiscales et sociales s'imposent, comme des mesures de lutte contre l'ampleur de la crise.
Les plus jeunes ont été privés d'école quasiment en permanence entre décembre 2019 et septembre 2020, ils en ont particulièrement souffert. Les chiffres sont alarmants : un élève sur deux entré en CE2 cette année ne connaît pas les lettres de l'alphabet ! Nous ne pouvons laisser nos enfants être les sacrifiés du Covid. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.) Tout a été dit... sauf la suite.
Le texte sera voté.
L'outre-mer subit une flambée inattendue de l'épidémie, car il avait été largement épargné en 2020. La réaction du Gouvernement a été à la hauteur de la crise. Je salue aussi le dévouement des soignants.
Mais la situation économique, sociale et sanitaire était déjà difficile : inégalités, capacités hospitalières et médicales insuffisantes. C'est pourquoi je demande : nous allons voter ce texte... et après ?
Le président Larcher a demandé à la mission commune d'information créée pour évaluer les effets des mesures prises face à la crise sanitaire, et à Bernard Jomier, son président, de se pencher sur la situation outre-mer, afin de proposer des mesures, en lien avec la commission des affaires sociales et la délégation aux outre-mer.
Des mesures que vous prenez, lesquelles seront pérennes ? Si rien ne change, nous avons à nouveau des difficultés. La mission vous entendra sous peu sur ces sujets.
Les territoires ultramarins connaissent des problèmes structurels anciens. Au-delà de l'urgence, il faut y répondre, afin que les outre-mer soient toujours fiers d'être Français et la France fière de ses outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Catherine Conconne applaudit également.)
Mme Jacky Deromedi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Lana Tetuanui applaudit également.) Le monde subit une crise sanitaire depuis plus de dix-huit mois, avec un tempo variable selon les territoires. Depuis cet été, les outre-mer sont particulièrement éprouvés, notamment aux Antilles et en Guyane, et en Polynésie.
Nous pensons à la souffrance de nos compatriotes.
Cette vague s'explique par une situation sanitaire dégradée, une vaccination insuffisante et l'isolement insulaire. L'état d'urgence sanitaire aurait dû cesser le 30 septembre : la situation impose de la proroger jusqu'au 15 novembre dans plusieurs territoires. La commission des lois y a émis un avis favorable.
Saint-Pierre et Miquelon, peu touché par le virus, a néanmoins été retiré de la liste. A contrario, la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna y ont été ajoutées.
L'article que nous allons voter ne signifie pas que l'état d'urgence sanitaire doive s'appliquer de manière identique à tous les territoires. Le dialogue avec les élus locaux doit rester de mise.
Le groupe Les Républicains appelle de ses voeux un vote conforme et une mise en oeuvre rapide de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je salue la collaboration entre Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement. Les outre-mer attendent de notre part une solidarité, à la hauteur du pont sanitaire réalisé pour renforcer les équipes de soignants sur place. La Nation tout entière s'est mobilisée.
Je répondrai aux questions précises qui ont été posées.
Monsieur Bas, le préfet devrait prochainement desserrer les mesures de freinage à Saint-Barthélemy, mais ce territoire dépend du CHU de la Guadeloupe, déjà considérablement encombré. Il y a des capacités d'évacuation sanitaire depuis les îles du Nord vers la Guadeloupe : cela n'est pas synonyme de dépendance.
Saint-Barthélemy a été le premier territoire français déconfiné ; nous y avions testé plusieurs mesures, notamment une jauge dans les restaurants. Avec le président de la collectivité Bruno Magras, nous avons pu avoir un retour d'expérience utile. Nous adapterons les mesures en privilégiant le maintien des libertés.
La situation à Mayotte, où la vaccination demeure timide, laisse à craindre une prochaine reprise épidémique. Le « aller vers », dans un territoire où l'habitat est souvent insalubre, se heurte à une situation unique dans la République.
Le variant Delta conduit à une explosion rapide du taux d'incidence depuis quelques jours ; il faut donc être vigilant et rester en mesure d'agir rapidement.
Les Antilles et la Polynésie nous l'ont montré, avec une hausse de 150 à 200 points chaque jour : le taux d'incidence passe ainsi de 50 à 300, puis 600, etc... Je redoute une évolution exponentielle à Mayotte.
La Réunion et la Guyane connaissent un plateau élevé mais sans envolée. En Guyane, grande comme le Portugal, la situation varie selon les zones : il n'en va pas de même entre le Maroni et Cayenne...
La Nouvelle-Calédonie a constitué longtemps l'un des rares territoires au monde sans Covid, où nos compatriotes pouvaient vivre comme avant, grâce à la fermeture des frontières. Lorsqu'un premier cluster est apparu, le tracing et un bref confinement très strict en sont venus à bout. Désormais, quelque 50 cas sont recensés sur l'ensemble du territoire, sans lien entre eux.
Nous sommes à la croisée des chemins. Faut-il un confinement dur ? Le confinement a été décidé ; il pourrait permettre de revenir à un état sans virus, mais les chiffres ne sont pas encourageants.
La Nouvelle-Calédonie a décidé la vaccination obligatoire des adultes d'ici le 31 décembre, plus tôt pour certains professionnels ou secteurs. Cela relève de sa compétence propre et les doses sont disponibles. Se posera la question de la vaccination des voyageurs et de leur isolement - je sais de quoi je parle. La vaccination a modifié la donne : la quatorzaine est devenue une septaine pour les personnes vaccinées. Je m'y soumettrai en septembre lors de mon prochain déplacement là-bas. Faut-il rendre obligatoire la vaccination des voyageurs entrants ? J'y suis prêt - c'est une compétence de l'État - en fonction du calendrier retenu par les autorités locales.
À Saint-Martin, le partage des compétences impose un dialogue et une harmonisation. La coordination entre les autorités françaises et néerlandaises sur place est également nécessaire, d'autant que Sint-Maarten est très décentralisé. Les modèles sont différents : nous faisons au mieux, mais nous ne pourrons obliger les Néerlandais à nous suivre !
Monsieur Benarroche, parler d'abandon des outre-mer, et citer comme preuve les retards dans la vaccination, n'est pas judicieux. Gardons-nous de la démagogie, car les vaccins sont disponibles en nombre suffisant. Ils sont arrivés très tôt - bien avant d'apparaître dans l'Eure ! Nous avons choisi dès le début de doter d'abord les territoires les plus éloignés de la République en supercongélateurs et vaccins.
Nous ne manquons ni de doses ni de bras pour vacciner, mais de bras à vacciner...
Le retard des investissements dans le système de soins des outre-mer est indéniable ; il ne date pas d'hier. Les 2,4 milliards d'euros du Ségur sont à la fois beaucoup et un peu dérisoires.
Nous devons conserver une approche humaine et bâtir une stratégie hospitalière adaptée à chaque territoire : les agences régionales de santé (ARS) n'ont pas vocation à fonctionner partout pareil.
L'argent est sur la table, mais vient ensuite l'exécution. Voyez le CHU de Pointe-à-Pitre qui n'a malheureusement pas pu être livré avant la pandémie. Nous avons manqué de chance : la gestion de la crise sanitaire aurait été bien différente avec ce nouvel établissement.
Madame Assassi, des comités associent le monde médical, public et privé, et l'ensemble des élus locaux. Je donnerai instruction aux préfets de préciser la liste des personnes invitées et de mettre à disposition les listes d'émargement. Certains critiquent, mais ne participent pas...
Madame Tetuanui, nous avons tous partagé votre émotion et celle de Teva Rohfritsch. La Polynésie est grande comme l'Europe... Face à la circulation d'un virus aussi violent, avec un tel sentiment d'abandon, notre approche doit être humaine et culturelle, car de telles épidémies réveillent des choses profondes et douloureuses dans l'histoire des peuples.
Je vous remercie de votre clarté sur la vaccination. Lors de mon déplacement ministériel préalable au déplacement présidentiel, je me suis parfois senti un peu seul - certes, soutenu par vous et les autorités du pays.
L'automatisation du système d'information sera étendue à la Polynésie française : je m'y engage.
Comme promis par le Président de la République, un second prêt sera accordé par l'Agence française de développement (AFD) et garanti par l'État.
Les sommes exceptionnelles dépensées par le Gouvernement de la Polynésie française seront examinées par une équipe technique et le sujet pourrait être traité dans le prochain projet de loi de finances.
Lorsque nous avons élaboré le statut d'autonomie de la Polynésie, qui laisse à l'État le régalien et aux pays les autres compétences, nous étions loin d'imaginer une telle crise mondiale. Les décisions sanitaires - quatorzaine, vaccination - reviennent au pays, mais la restriction des libertés - isolement - revient à l'État... Comment doit fonctionner la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales en cas de catastrophe environnementale ou sanitaire ? Je n'ai pas de réponse a priori. Heureusement que le président Fritch et le Haut-commissaire ont entretenu un dialogue permanent. Comment cela se serait-il passé avec un exécutif indépendantiste ? Le Parlement pourrait se saisir du sujet. M. Darnaud y a déjà réfléchi.
L'état d'urgence sanitaire n'écrase pas les compétences de la Polynésie française : le pays reste compétent, en droit, en matière de santé (Mme Lana Tetuanui fait signe qu'elle en doute.), même si, de fait, nous participons à la mission sanitaire, avec l'envoi de vaccins ou de soignants par exemple.
Monsieur Lurel, la parole de l'État suscite la méfiance, dites-vous. Vous avez été ministre et savez combien il est parfois difficile de porter cette parole aux Antilles. Il y a certes eu le scandale du chlordécone. Mais en Polynésie, il n'y a pas eu de chlordécone, la pandémie et le vaccin sont mondiaux. Le chlordécone n'est donc pas une explication suffisante à la résistance à la vaccination. (M. Victorin Lurel proteste.)
Je salue votre courage et celui de Mme Conconne sur les réseaux sociaux. L'État ne doit pas être le seul à communiquer sur la vaccination. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Certaines élites locales, religieuses ou politiques, ont été timides, voire taiseuses, sur la vaccination. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.) Ils ont pourtant été associés et je tiens à votre disposition tous les échanges.
L'obligation de moyens a été largement remplie, même si le résultat est encore insatisfaisant. La stratégie « d'aller vers » réclamée par certains députés est déjà appliquée. Malheureusement, certains groupes font de la désinformation et de la récupération politiques.
Monsieur Karoutchi, la question de l'après est essentielle. D'autres variants peuvent surgir. Nous devons continuer à porter collectivement le message de la vaccination, qui a montré ses effets bénéfiques, comme à Saint-Pierre et Miquelon.
Des réponses sont attendues sur la médecine de ville, sur le paramédical, mais également sur les autres médecines. Le mépris de certains a créé un affrontement inutile : même si le vaccin est l'unique réponse, ne méprisons pas des médecines traditionnelles.
Enfin, sur l'hôpital public, la diversité des territoires devra être prise en compte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
Mme Victoire Jasmin . - Je m'attendais à voir aussi M. le ministre de la santé. Mais, monsieur le ministre, vous vous êtes rendu en Guadeloupe et nous avez témoigné votre soutien.
Je remercie les soignants venus de tous les territoires, notamment ceux qui ont dénoncé une situation de maltraitance sanitaire.
Je présente mes sincères condoléances à tous ceux qui ont perdu un des leurs, en outre-mer, comme dans l'Hexagone.
Depuis le début de mon mandat en 2017, je partage les difficultés de notre CHU et de notre archipel.
Avec la délégation aux outre-mer et mon co-rapporteur, Mathieu Darnaud, nous avions alerté sur les risques naturels majeurs, y compris sanitaires. Nos territoires subissent des surcoûts exorbitants : les coefficients géographiques doivent être pris en compte !
La démocratie sanitaire existe, mais elle est encore peu mise en oeuvre. Je propose que les comités plus ou moins informels qui sont apparus intègrent la commission spécialisée de prévention de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie. Il faudrait aussi y associer les cellules de soutien éthique, qui ont fait un travail remarquable en Guadeloupe.
La première réunion de la commission de la démocratie sanitaire s'est tenue vendredi dernier, à ma demande. Elle a mis l'accent sur le soutien éthique des soignants et des familles.
Enfin, les moyens du GIP - RASPEG (groupement d'intérêt public - réseaux et actions de santé publique en Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) doivent être renforcés. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Mme Lana Tetuanui . - La Polynésie connaît une situation sanitaire difficile. Ses us et coutumes, notamment autour du deuil, sont mis à mal. Il aurait fallu fermer les frontières et instaurer un confinement général. Mais tel n'a pas été le cas.
Avec la crise, certaines de nos compétences ont été mises sous tutelle : l'État décidait de tout. C'est l'élue de terrain qui vous parle !
Le Gouvernement doit s'engager à inscrire dans le prochain projet de loi de finances une dotation de compensation exceptionnelle en faveur de la Polynésie. Nous avons renoncé à déposer un tel amendement afin de permettre un vote conforme. Mais je demande avec force au président du Sénat et à tous nos collègues de soutenir unanimement cette modeste requête. À situation exceptionnelle, dotation exceptionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales ne s'est pas saisie du texte, mais elle est totalement en phase avec le rapport de Philippe Bas.
Chantal Deseyne avait déjà rappelé notre position lors du précédent texte de juillet dernier. Les spécificités ultramarines doivent être prises en compte : faible taux de vaccination, isolement géographique, vieillissement, comorbidités... Notre commission a organisé un débat sur la santé en Guyane dans cet hémicycle et un voyage est prévu à Mayotte. Enfin, Alain Milon travaillera sur les questions ultramarines avec Victoire Jasmin, Annick Petrus, Dominique Théophile et Stéphane Artano. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Laurence Cohen. - Vous êtes en phase avec Philippe Bas, pas nous !
M. Dominique Théophile . - La crise sanitaire a joué un rôle de catalyseur des problèmes de santé mentale. Le confinement, le télétravail ont bouleversé le quotidien. Dépression et anxiété sont de plus en plus dépistées. En 2019, le taux de symptômes dépressifs était significativement plus élevé en outre-mer qu'en métropole. Les conséquences de la crise sur la santé mentale des Ultramarins devront être intégrées au bilan de l'épidémie et notre réponse devra être améliorée, notamment sur la répartition des professionnels de santé mentale. La crise sanitaire démultiplie les situations de précarité : soyons solidaires.
Mme Catherine Conconne . - Je remercie le rapporteur pour son plaidoyer en faveur de la dite outre-mer.
J'espère que ses mots contamineront toute l'assemblée et que vous vous en souviendrez lorsque nous monterons au créneau pour défendre les dites outre-mer. Demander plus, ce n'est pas mendier, ce n'est pas quémander, ce n'est que justice et rattrapage. Lorsque les élus de ces territoires, qui les connaissent mieux que personne, vous demanderont des fonds, j'espère que je verrai moins de doigts se lever pour voter contre.
Mme Laurence Cohen . - Mme Deroche ne peut parler au nom de la commission des affaires sociales qui n'a pas été saisie pour avis. Je le regrette, car ce texte relevait du champ de notre commission.
La commission des affaires sociales travaille beaucoup sur les outre-mer. Au cours de nos déplacements, j'ai été frappée par le manque de moyens et la crise des systèmes de santé : ces problèmes y sont plus criants qu'ailleurs.
Notre discussion d'aujourd'hui est liée aux budgets votés. Quelle place pour l'outre-mer dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ? On déplore un manque de moyens et de personnels, mais vous continuez à allouer des moyens insuffisants.
Les paroles, c'est bien ; les actes, c'est mieux !
M. le président. - Il n'y a aucun amendement. Le vote sur l'article unique vaut vote du projet de loi.
L'article unique valant ensemble du projet de loi est définitivement adopté.
La séance est suspendue à midi.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
M. le président. - Je vous prie d'excuser l'absence du président Larcher, en déplacement dans le Gard.
Je salue notre nouveau collègue, M. Thierry Meignen, sénateur de la Seine-Saint-Denis, qui remplace M. Philippe Dallier. (Applaudissements)