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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Moyens d'alerte des services de secours dans les ERP

M. Stéphane Piednoir

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Salle de shoot du Xe arrondissement de Paris

Mme Catherine Dumas

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Avenir de l'usine de PSA de Douvrin

Mme Sabine Van Heghe

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Programme « New Deal mobile »

Mme Nadège Havet

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Indemnisation des fonds de commerce des discothèques

Mme Annie Le Houerou

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Fermeture de bases Air France en province

Mme Marie-Arlette Carlotti

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Paiement de la contribution à l'audiovisuel

M. Yves Bouloux

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Communes rurales et plan de relance

Mme Marie Mercier

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Dépenses liées aux documents d'urbanisme et automatisation du FCTVA

M. Olivier Cigolotti

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Conséquences de la suppression de la taxe d'habitation sur les politiques de logement social

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Subventions communales aux cinémas

Mme Sylviane Noël

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Financement de la formation des élus locaux

Mme Catherine Procaccia

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Représentation dans les syndicats mixtes de gestion forestière

M. Éric Gold

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Difficultés de recouvrement de la taxe de séjour

M. Max Brisson

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Maisons France Services

M. Édouard Courtial

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Création d'une régie publique de l'eau dans neuf communes du Val-de-Marne

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Report de la réforme Grand âge et autonomie

Mme Jocelyne Guidez

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Direction des établissements accueillant des jeunes enfants

M. Patrick Boré

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Tests PCR pour les enfants en bas âge

Mme Brigitte Lherbier

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Désertification médicale dans la Loire

Mme Cécile Cukierman

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Baisse tarifaire des prestations de santé à domicile

M. Bernard Bonne

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Accès à des traitements innovants contre le cancer du sein

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Banque alimentaire et dispositif national « chèques alimentaires »

Mme Brigitte Micouleau

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Modernisation de la route nationale 102

Mme Anne Ventalon

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Projet de contournement routier de Vitré

M. Daniel Salmon

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Moratoire sur la fermeture de classes maternelles et élémentaires dans les communes audoises

Mme Gisèle Jourda

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Inégalités entre les étudiants dans l'accès au dispositif de deux repas par jour à un euro

M. Guillaume Chevrollier

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Carences de la réforme des études de médecine en première année

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Réforme des études de médecine

Mme Florence Lassarade

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Financement de la formation des orthoptistes en distanciel

Mme Nadia Sollogoub

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Contrôles des exploitations agricoles dans le cadre de la politique agricole commune

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Épandage des boues d'épuration

Mme Chantal Deseyne

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Contrôle, régulation et évolution des concessions autoroutières

M. Éric Jeansannetas, président de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports

Mme Christine Lavarde

M. Pierre Médevielle

M. Jacques Fernique

Mme Patricia Schillinger

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Éric Bocquet

M. Jean-François Longeot

M. Olivier Jacquin

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

Mme Jocelyne Guidez

M. Michel Dagbert

M. Didier Mandelli

M. Éric Jeansannetas

M. Jean-Pierre Grand

M. Patrick Chaize

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d'enquête

« Écriture inclusive : langue d'exclusion ou exclusion par la langue »

M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires

M. Max Brisson

M. Joël Guerriau

M. Thomas Dossus

M. Julien Bargeton

M. Bernard Fialaire

M. Pierre Ouzoulias

Mme Annick Billon

Mme Marie-Pierre Monier

M. Stéphane Ravier

Mme Micheline Jacques

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Laurence Rossignol

Mme Anne Ventalon

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire

Association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales

M. Alain Richard, auteur de la proposition de résolution

M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de résolution

Mme Colette Mélot

M. Guillaume Gontard

M. André Gattolin

M. Jean-Claude Requier

Mme Michelle Gréaume

M. Olivier Cadic

M. André Vallini

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Ordre du jour du lundi 10 mai 2021

Analyse des scrutins




SÉANCE

du jeudi 6 mai 2021

90e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 32 questions orales.

Moyens d'alerte des services de secours dans les ERP

M. Stéphane Piednoir .  - Ma question porte sur les moyens d'alerte des services de secours dans les établissements recevant du public (ERP), comme les salles des fêtes et autres lieux de socialisation essentiels à la vitalité de nos communes.

Selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, les ERP doivent répondre à un certain nombre d'obligations en termes de sécurité : notamment, garantir une ligne téléphonique fixe sans discontinuité de service pour l'alerte aux secours. Compte tenu de l'abandon du réseau cuivré, ils doivent s'équiper d'une box : installation onéreuse et peu judicieuse, surtout lorsqu'il n'y a pas d'accueil du public.

La téléphonie mobile pourrait constituer une solution plus abordable tout en répondant aux objectifs de sécurité, puisqu'il est possible d'appeler les numéros d'urgence même sans forfait. Or, l'alerte des secours par un téléphone mobile n'est pas autorisée dans la plupart des ERP. Le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer la réglementation ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le choix de l'opérateur historique a été l'abandon de la boucle locale cuivre. Un arrêté de 1980 pose les règles pour garantir l'alerte et l'intervention précoces des secours. Une note d'information de 2017 a admis pour les plus grands ERP, de première catégorie, la possibilité de recourir à des box et pour les plus petits, de cinquième catégorie, celle d'utiliser la téléphonie mobile.

Si un exploitant souhaite des adaptations, il doit en faire la demande justifiée à l'autorité de police, qui consultera la commission de sécurité compétente.

Salle de shoot du Xe arrondissement de Paris

Mme Catherine Dumas .  - Je souhaite alerter sur le projet de la maire de Paris de créer deux nouvelles « salles de shoot », ou salles de consommation à moindre risque (SCMR), dans les XVIIIe et Ier arrondissements de la capitale.

La création de ces salles est encadrée par la loi. Elles sont tenues d'adresser chaque année un rapport sur le déroulement de l'expérimentation à l'agence régionale de santé (ARS), au maire et au ministre de la santé. Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement doit adresser au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation, portant notamment sur son impact sur la santé publique et sur la réduction des nuisances dans l'espace public.

Mais aucun audit annuel n'a été publié depuis la création de la salle de shoot en 2016. J'en ai réclamé un au ministère de la Santé mais souhaite qu'il soit complété par une étude d'impact « nuisances et sécurité » rendue par le ministère de l'Intérieur.

Les riverains sont désemparés et exaspérés depuis quatre ans : comme me l'a signalé Bertil Fort, élu de l'arrondissement, des personnes s'injectent de la drogue sur la voie publique, l'insécurité règne, des seringues jonchent le sol, des toxicomanes hurlent. Cet environnement constitue une préoccupation majeure en matière sociale, de sécurité et de santé publique.

Une étude d'impact permettrait d'évaluer les effets de l'implantation de ce type d'établissement pour un quartier.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - La salle du Xe arrondissement fait l'objet d'une surveillance adaptée depuis sa création, mais les nuisances, qui existaient déjà auparavant, n'ont pas disparu. Le commissariat organise des patrouilles régulières, vérifie chaque signalement ; les policiers en uniforme, la brigade territoriale de contact des Xe et XVIIIe arrondissements et le service local transmissions, via les caméras de vidéoprotection de la préfecture, assurent la sécurisation. Les usagers qui font usage de stupéfiants hors de la salle sont appréhendés.

En tant qu'ancienne élue de Paris, je suis sensible à ce sujet. Néanmoins, une étude d'impact aurait peu d'intérêt car la situation est connue et suivie. En revanche la préfecture et la mairie font un point régulier au comité de voisinage.

Six mois avant la fin de l'expérimentation, le rapport du Gouvernement au Parlement, qui comprendra les diagnostics de la préfecture de police, évaluera les résultats.

Mme Catherine Dumas.  - Au nom de mes collègues Marie Tubiana et Rudolph Granier, je tiens à attirer l'attention sur le quartier Stalingrad, également touché par le fléau de la drogue.

Au lendemain du drame d'Avignon, il faudrait tirer les conséquences des expériences passées.

Avenir de l'usine de PSA de Douvrin

Mme Sabine Van Heghe .  - L'usine de PSA - aujourd'hui Stellantis - à Douvrin, dans les Hauts-de-France, produit le moteur EP qui équipe les modèles hybrides rechargeables haut de gamme. Mais ce dernier est voué à disparaître au profit d'un successeur, l'EP « Gen 3 », qui de ait être fabriqué en Hongrie.

La mobilisation des syndicats et des élus a permis de maintenir cette production à Douvrin mais nous avons besoin d'une vision de long terme. Comment le Gouvernement va-t-il se mobiliser pour assurer l'avenir de cette usine ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Ces inquiétudes sont légitimes. Le secteur doit s'adapter à marche forcée : 50 000 emplois pourraient disparaître d'ici 2030 notamment dans la sous-traitance. C'est pourquoi notre plan de 8 milliards d'euros agit sur les primes d'achat, les aides aux industriels qui s'engagent à relocaliser, le soutien à l'innovation, l'anticipation de la transition.

Oui, la production sur notre sol du moteur de nouvelle génération est une bonne nouvelle. Bruno Le Maire est très attaché à la transformation de la filière automobile, les annonces du 21 avril en témoignent : contrat stratégique de la filière automobile, plan d'action pour la fonderie auto. La situation de l'usine de Douvrin est suivie avec attention.

Mme Sabine Van Heghe.  - Notre industrie est abandonnée : délocalisations, fermetures de grands sites comme Bridgestone à Béthune. Il est temps de stopper l'hémorragie.

Programme « New Deal mobile »

Mme Nadège Havet .  - En janvier 2018, l'autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de presse (Arcep) et le Gouvernement ont annoncé les engagements des opérateurs pour accélérer la couverture mobile des territoires.

Afin de répondre aux attentes des citoyens et des territoires en matière de connectivité mobile, un dispositif de couverture ciblée a été mis en place. Les communes du Finistère ont ainsi été retenues pour l'implantation d'une antenne de téléphonie.

Jusqu'à peu, ces pylônes édifiés en discontinuité de l'urbanisation étaient autorisés comme installations techniques non constitutives d'extensions d'urbanisation. Le juge a cependant annulé en décembre 2019 un tel projet, qu'il a assimilé à une opération de construction isolée.

Il semble donc désormais difficile d'autoriser de tels projets en discontinuité de l'urbanisation en zone littorale. Deux politiques publiques entrent en conflit : la couverture du territoire par la téléphonie mobile et le respect de la loi littoral.

Les implantations d'antenne en zone de montagne bénéficient depuis la loi ELAN d'une dérogation : pourquoi ne pas l'étendre aux zones littorales ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Je partage votre constat. La loi du 3 janvier 1986 pose en effet des contraintes fortes pour l'implantation d'antennes en zone littorale. Des propositions similaires à la vôtre ont déjà été faites, notamment par le député Éric Bothorel. Mais les amendements de ce type ont été rejetés par le Parlement, qui s'est prononcé clairement.

Le Gouvernement considère qu'il n'est pas opportun de modifier l'équilibre trouvé dans le cadre de la loi ELAN.

Indemnisation des fonds de commerce des discothèques

Mme Annie Le Houerou .  - Depuis plus d'un an, les discothèques sont fermées. Près d'un quart d'entre elles pourraient disparaître. Elles ont bénéficié de mesures de soutien... insuffisantes. Le secteur est durement et durablement affecté et les habitudes de consommation risquent de changer.

Les chefs d'entreprise concernés sont inquiets. L'intégration en 2020 dans le dispositif conçu pour le secteur des cafés-hôtels-restaurants n'a pas été suffisante car ces établissements sont totalement fermés sur une période très longue.

Le Gouvernement a prévu un plan, mais envisage-t-il une indemnisation complémentaire des fonds de commerce ? Comment soutiendra-t-il le monde de la nuit ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le Gouvernement est mobilisé sur cette question. Les discothèques contribuent à la joie de vivre dans notre pays. Je comprends l'abattement des professionnels.

Dès juin 2020, ils ont eu accès au volet 2 du fonds de solidarité. Depuis le 1er décembre 2020, le fonds a été renforcé pour ces établissements, afin de financer l'aide de 20% du chiffre d'affaires ou la prise en charge de frais fixes. Le 14 janvier 2021, une nouvelle aide a été créée, qui se monte à 70 % des coûts fixes des établissements fermés administrativement. Les discothèques peuvent aussi bénéficier de l'aide exceptionnelle au titre des congés payés pris depuis le début de l'année.

Ces mesures s'ajoutent aux aides de droit commun ouvertes à toutes les entreprises, prêts garantis par l'État, activité partielle, exonérations de cotisations.

Des réflexions complémentaires sont en cours. Mais à ce jour, aucun dispositif ne retient le fonds de commerce comme valeur à indemniser ! Les fonds de commerce devraient retrouver à terme leur valeur normale.

Le Gouvernement restera mobilisé pour soutenir fortement le secteur.

Fermeture de bases Air France en province

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - La crise que traverse le transport aérien est sans précédent. Dans cette période complexe, nous avons appris l'intention d'Air France de fermer trois bases à Bordeaux, Toulouse et Marseille. Des centaines de familles devront déménager à Paris ; les conséquences sociales et économiques sont lourdes pour les zones concernées.

Pourtant, l'ouverture en province des bases d'Air France avait été saluée.

L'État est monté au capital de cette entreprise, largement aidée et qui porte les couleurs de la France : le Gouvernement doit donc pouvoir intervenir !

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - À cette heure, aucune décision n'a été prise. Air France ne se désengage pas de son implantation sur le territoire. Ces bases sont récentes -  2012  - et sont une modalité d'organisation des plateformes.

Air France-KLM fait face à une baisse d'activité durable. Dans ce contexte difficile, Bruno Le Maire a annoncé 7 milliards d'euros de prêts et l'État participera à la recapitalisation à hauteur de 4 milliards d'euros. Air France doit s'aligner sur les meilleurs standards mondiaux et adopter une stratégie de soutenabilité économique et sociale à moyen et long terme. Le Gouvernement sera attentif à ce que les plans de compétitivité soient menés en concertation avec les syndicats et les parlementaires, dans la transparence.

M. Olivier Cigolotti.  - Merci de votre vigilance. Ces bases apportent une dynamique économique, limitée mais symbolique. Une recentralisation vers Paris serait un mauvais signal.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Message reçu.

Paiement de la contribution à l'audiovisuel

M. Yves Bouloux .  - Les entreprises de la restauration, de l'hôtellerie et des loisirs nocturnes demandent une exonération exceptionnelle de leur contribution à l'audiovisuel public.

Pour faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en place des dispositifs exceptionnels de soutien : les cafés-restaurants sont fermés depuis six mois et ont souffert d'une sous-activité durant les cinq autres mois ; les discothèques sont toujours fermées, sans aucune perspective de réouverture ; les rares hôtels-restaurants ouverts affichent un taux d'occupation moyen de 15 %.

Au mois d'avril 2021, ces professionnels devront s'acquitter de la contribution à l'audiovisuel, parfois plusieurs milliers d'euros. Un report d'échéance a été annoncé mais les difficultés de trésorerie seront les mêmes dans trois mois !

À titre exceptionnel, la contribution à l'audiovisuel public au titre de 2021 ne pourrait-elle pas être annulée pour ces entreprises ? Une autre piste serait de leur faire bénéficier d'un abattement de 25 %.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Nous oeuvrons depuis plus d'un an pour soutenir la trésorerie de ces entreprises.

Bruno Le Maire et Olivier Dussopt ont annoncé le report de trois mois de l'échéance d'avril de cette contribution.

Par ailleurs, les hôtels ayant travaillé moins de neuf mois en 2020 pourront appliquer une minoration de 25 %. Ce dispositif s'applique à d'autres résidences de tourisme, auberges collectives, villages de vacances, refuges de montagne, campings. C'est une réponse immédiate à l'inquiétude des entreprises.

Nous en reparlerons dans le cadre du projet de loi de finances ; car nous sommes dans une position d'adaptation permanente.

Communes rurales et plan de relance

Mme Marie Mercier .  - Ma question porte sur les mesures du plan de relance à destination des collectivités territoriales et sur les difficultés que rencontrent les maires des communes rurales. En décembre 2020, le Gouvernement a expliqué les axes retenus. Mais la désillusion est vite arrivée, tant la mise en oeuvre s'avère inadaptée à nos territoires ruraux. Un plan de relance ? Il faudrait d'abord relancer la préfecture !

L'abondement de la seule dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) interroge les élus puisqu'elle est orientée vers des priorités décidées par l'État. Il est dommage que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) n'ait pas bénéficié du même régime.

Le pilotage est trop complexe du fait de l'absence d'un guichet unique en préfecture. En outre, les programmes développés sont multiples et marqués par des critères qui deviennent vite restrictifs.

Pourquoi ne pas avoir prévu une augmentation substantielle de la DETR, avec une possibilité de bonification des subventions pour les projets qui répondent aux exigences fixées par le Gouvernement ?

Pourquoi avoir privilégié une piste alambiquée et rigide ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Depuis 2017, nous avons stoppé la baisse de la DGF et pérennisé des crédits auparavant temporaires. En Saône-et-Loire, les communes recevaient auparavant 8,7 millions d'euros de DETR, mais l'an dernier, elles ont reçu 14,2 millions de DETR et - je dis bien « et » - 5,8 millions de DSIL.

Dans le contexte de la relance, nous allons plus loin en majorant la DSIL de 950 millions d'euros pour des projets liés à la transition écologique, au sanitaire et à la rénovation du patrimoine.

Une enveloppe équivalente permettra la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales, dont 650 millions d'euros pour les communes.

Ces outils sont bien connus des collectivités territoriales et bien ciblées sur la ruralité. Les communes rurales bénéficieront de ces financements. Les préfets veilleront à l'équilibre territorial des subventions accordées.

En 2020, dans votre département, 25 projets ruraux ont bénéficié de subventions DSIL, dont 14 portés par des communes rurales. N'opposons pas DETR et DSIL !

Mme Marie Mercier.  - Vous me parlez chiffres, chiffres et encore chiffres.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Vous me le reprocheriez, sinon !

Mme Marie Mercier.  - Facilitez, simplifiez, pour aider les maires ! Ils développent leur territoire et font vivre la démocratie de proximité, mais aujourd'hui, ils sont plutôt découragés.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - La DSIL serait-elle compliquée ?

Dépenses liées aux documents d'urbanisme et automatisation du FCTVA

M. Olivier Cigolotti .  - La loi du 2 juillet 2003 dite urbanisme et habitat, a rendu éligibles au FCTVA les dépenses réalisées par les collectivités locales concernant les frais d'études, d'élaboration, de modification et de révision des documents d'urbanisme. Mais la loi de finances pour 2021 a mis fin à cette possibilité avec l'automatisation du FCTVA.

Désormais, les frais afférents à ces documents sont à amortir sur dix ans, et ces amortissements pèsent lourdement sur les dépenses des collectivités. Les conséquences seront très dommageables pour le bloc communal.

Les élus locaux sont inquiets, à la veille de l'examen du projet de loi Climat et résilience qui rendra obligatoire une modification des documents de planification et d'urbanisme nationaux, pour intégrer l'objectif de lutte contre l'artificialisation des sols.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour compenser la charge financière de cette mesure ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Avec l'automatisation de FCTVA à compter de 2022, l'éligibilité qui reposait sur des critères juridiques s'inscrit désormais dans une logique comptable.

Le périmètre des dépenses éligibles a dû évoluer ; le Gouvernement a veillé à consulter les élus locaux et à réduire autant que possible les modifications apportées à l'assiette.

Cependant, les documents d'urbanisme du compte 202 ne sont plus éligibles. Cela représente au total 20 millions d'euros par an, soit 0,3 % des 6 milliards d'euros du fonds. D'autres dépenses deviennent plus largement éligibles, je songe aux biens confiés à des tiers par les communes.

Le gain net pour les collectivités territoriales pourrait atteindre 235 millions d'euros en fonction des années. Elles gagneront également du temps grâce à un système de remboursement direct. Il faut avoir une vue d'ensemble de la réforme.

M. Olivier Cigolotti.  - On attendait une simplification mais cette mesure est perçue par certaines communes comme une sanction.

Conséquences de la suppression de la taxe d'habitation sur les politiques de logement social

Mme Marie-Claude Varaillas .  - La suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales affecte les conditions de financement des communes et des intercommunalités par la réduction de l'assiette de leur prérogative d'imposition directe.

Un effet pervers de la réforme apparaît, une conséquence négative indirecte sur les politiques de logement social. Pour les maires assujettis aux obligations de l'article 55 de la loi SRU, l'implantation d'une proportion de logements conventionnés est une obligation légale. La particularité fiscale du secteur du logement social réside dans les exonérations de fiscalité foncière dont il bénéficie.

Avec la fin de la taxe d'habitation, les futures constructions de logements sociaux ne produiront quasiment plus de ressources fiscales pour les communes d'accueil. Ces dernières vivront un étonnant paradoxe : des charges éducatives et sociales plus lourdes pour un public fragile et une privation de ressources.

Dans les départements moins denses, le logement social fait l'objet d'un sur-financement par les collectivités. Ces apports sont essentiels au secteur. La réforme de la taxe d'habitation, si elle n'est pas corrigée sur ce point, risque de donner un véritable coup d'arrêt à la politique de construction. Le Gouvernement compte-t-il corriger cette anomalie ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le sujet est complexe et fait intervenir plusieurs facteurs. Chaque collectivité a été compensée de sa perte de taxe d'habitation et de taxe foncière de manière intégrale, grâce à un mécanisme pérenne et dynamique : cela concerne les logements sociaux existants. S'agissant de futures constructions, un rapport sera remis au Parlement en 2023.

Une analyse approfondie est nécessaire.

Il est rare que les programmes ne comportent pas aussi des logements privés, source de revenus fonciers pour la commune. En outre, l'exonération n'est pas définitive, les logements sociaux fourniront donc bien à moyen long terme des revenus pour les communes.

Enfin, celles qui accueillent des logements sociaux et de nouveaux habitants bénéficient d'une péréquation via la DSU et la DGS.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Il faudrait attribuer une base plancher de taxe d'habitation à chaque logement exonéré !

Subventions communales aux cinémas

Mme Sylviane Noël .  - Les salles de cinéma peuvent aujourd'hui recevoir une aide financière directe ou indirecte de la municipalité. Pour les aides directes, la loi Sueur autorise les collectivités locales à contribuer au fonctionnement ou aux investissements des salles de cinéma. Mais les exploitants doivent être en mesure de fournir un certain nombre de documents pour percevoir ce type de subvention.

Qu'en est-il pour ceux qui n'ont pas encore pu ouvrir leur cinéma et n'ont aucune antériorité d'exploitation ? Certaines communes se sont vu refuser le versement de telles subventions par le contrôle de légalité.

Pourtant, il existe bien un intérêt public local et une carence de l'initiative privée.

De plus, le secteur du cinéma, dont l'activité est suspendue depuis des mois, souffre tout particulièrement de la crise sanitaire. Si l'on empêche les communes de lui apporter cette aide, cela le condamnera définitivement.

Le Gouvernement est-il prêt à envisager une solution dérogatoire pour ces situations ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Les cinémas sont au coeur de notre vitalité économique et culturelle. Les communes peuvent déjà aider les petites salles indépendantes.

Le Conseil d'État a jugé que l'intention du législateur était de réserver ces subventions aux entreprises existantes. Il ne s'agit pas de développer le cinéma municipal. Aussi, le préfet a-t-il bloqué une délibération.

Le projet de loi 4D prévoira une nouvelle possibilité de soutien aux entreprises existantes, mais pour financer de nouveaux cinémas.

Par ailleurs, les communes peuvent recourir à d'autres bases juridiques pour créer un service nécessaire en cas de carence de l'initiative privée, sur le fondement de l'article L. 2251-3 du code général des collectivités locales (CGCT).

Je prends pleinement la mesure de ces difficultés et suis à votre disposition pour regarder si le cas précis dont vous avez parlé entre dans l'un ou l'autre de ces dispositifs.

Mme Sylviane Noël.  - Je vous remercie et vous transmettrai le dossier de cette commune.

Financement de la formation des élus locaux

Mme Catherine Procaccia .  - Deux ordonnances sur la réforme de la formation des élus locaux ont créé de nouveaux problèmes, alors que la formation des élus est plus importante que jamais.

Les élus, qui accédaient jusqu'alors à 20 heures de formation renouvelables et cumulables chaque année, doivent maintenant composer avec une enveloppe annuelle de 700 euros, sans possibilité de report. Pire, un arrêté abaisse à 80 euros hors taxes par heure et par élu local le plafond des frais pédagogiques que les organismes de formation peuvent facturer dans le cadre du droit individuel à la formation des élus (DIFE). Ces nouvelles restrictions limitent dangereusement la qualité des formations qui pourront être suivies.

Cela risque de dissuader les organismes agréés de proposer des formations individuelles de qualité. Soutiendrez-vous la position du Sénat à l'Assemblée nationale ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le Sénat a réalisé un travail important sur le texte qu'il a adopté à l'unanimité le 8 avril.

La réforme de la formation des élus repose sur les crédits de formation des collectivités territoriales pour leurs propres élus, le DIFE, et sur un financement qui relève des élus eux-mêmes.

Le DIFE fait face à des difficultés financières ces derniers mois, en particulier parce que certains organismes ont augmenté leurs prix jusqu'à 450 euros par heure, asséchant le fonds.

C'est pourquoi un plafond par heure et par élu a été instauré. Le plafond de 80 euros reste raisonnable.

Les ordonnances créent une plateforme numérique, gage d'accélération des démarches. Les droits libellés en euros et non plus en heures permettront des formations plus longues dès lors qu'elles ne sont pas trop onéreuses.

La réforme consolide la formation des élus et assure la transparence de l'activité de formation.

Mme Catherine Procaccia.  - Certains organismes ont abusé, ce n'est pas une raison pour les pénaliser tous. Il y a aussi les frais de gestion prélevés par la Caisse des dépôts : 25 % du coût de formation, c'est beaucoup !

Représentation dans les syndicats mixtes de gestion forestière

M. Éric Gold .  - Les syndicats mixtes de gestion forestière, ouverts, regroupent la gestion de forêts communales et sectionales, notamment dans les territoires du Massif Central, caractérisés par un morcellement important de la forêt publique. Ils assurent la gestion courante des forêts sans transfert de propriété, ainsi qu'une gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques.

L'association des communes forestières du Puy-de-Dôme est en désaccord avec la préfecture sur l'application de la loi du 27 décembre 2019, dite Engagement et proximité.

Les services de l'État demandent que seuls des conseillers municipaux siègent au syndicat mixte de gestion forestière. Cette interprétation des textes va au-delà des objectifs de la loi.

La loi de 2019 n'étant pas prévue pour les sections de communes, les services de l'État appliquent, par défaut, les règles valables pour les communes. Quel intérêt d'avoir un syndicat dont l'organe délibérant ne représente que la commune ? Un tel fonctionnement menacerait la gestion mutualisée centrée sur la valorisation des biens forestiers communaux et sectionaux et la production de bois.

L'association des communes forestières du Puy-de-Dôme regrette un manque d'échanges. L'interprétation des services préfectoraux est-elle la bonne ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Cette question recouvre des enjeux essentiels de gouvernance et de démocratie.

Le Conseil constitutionnel a rappelé en mai 2019 que le législateur a entendu favoriser - en 1985 comme en 2013 - une gestion par les communes.

Ces prérogatives - notamment de désignation des délégués de section - sont exercées par le conseil municipal lorsqu'il n'y a pas de commission syndicale.

La loi Engagement et proximité prévoit que « pour l'élection des délégués des communes, des départements et des régions au comité du syndicat mixte, le choix de l'organe délibérant peut porter uniquement sur l'un de ses membres. » Le conseil municipal désigne donc en son sein les délégués représentant la commune ainsi que les délégués représentant les sections de communes. Les membres de la section demeurent associés en cas de changement d'usage ou de vente de tout ou partie des biens de la section.

M. Éric Gold.  - Merci pour votre réponse. Dans certains cas, il peut y avoir place pour l'interprétation. L'État doit accompagner les communes forestières et les représentants qui ne sont pas forcément des élus.

Difficultés de recouvrement de la taxe de séjour

M. Max Brisson .  - L'obligation de collecte de la taxe de séjour relève de la responsabilité des plateformes numériques afin de prendre en compte les nouvelles spécificités de l'activité de location de courte durée. Celles-ci doivent transmettre au moment du reversement de la taxe un état déclaratif aux collectivités.

Cependant, les collectivités observent de nombreux manquements à ces obligations et des disparités entre les états déclaratifs retournés, parfois peu exploitables, erronés et incomplets. Dans ce cas, les plateformes ont tendance à se dégager de toute responsabilité sur les loueurs.

Si la loi prévoit des amendes en cas d'omission ou d'inexactitude, des flous juridiques demeurent, leur permettant d'échapper aux obligations des professionnels ou autres loueurs indépendants. Cette inégalité est inacceptable.

Les conditions et les modalités de transmission de l'état déclaratif ne sont pas fixées par la loi, contrairement au calendrier de reversement de la taxe de séjour, ce qui complique l'exercice.

Le Gouvernement compte-t-il engager une réflexion avec les acteurs pour préciser le cadre réglementaire applicable ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Depuis 2015, les évolutions législatives et réglementaires ont été nombreuses.

La loi de finances pour 2017 a prévu une taxation proportionnelle à la nuitée et obligé les plateformes à collecter la taxe. C'est une avancée considérable pour les collectivités territoriales : le produit de la taxe de séjour a progressé de 18 % en 2019 par rapport à 2018.

La loi de finances pour 2020 a modifié la périodicité de reversement de la taxe de séjour aux collectivités : avant le 30 juin, puis avant le 31 décembre. Elle a supprimé la possibilité d'appliquer le régime forfaitaire aux hébergements non classés.

La loi de finances pour 2021 a prévu que l'administration fiscale fournisse plus rapidement les tarifs aux plateformes, et que celles-ci reversent plus régulièrement aux collectivités. Ces évolutions sécurisent les collectivités territoriales.

S'ajoute une garantie financière puisque le rendement de la taxe sera augmenté avec la modification du plafonnement applicable aux hébergements non-classés adoptée dans la loi de finances pour 2021.

Si certaines pratiquent peuvent toujours être améliorées, la taxe de séjour a surtout besoin d'un cadre juridique stable.

M. Max Brisson.  - Je connais la complexité du sujet et la volonté de réduire les distorsions avec les hébergeurs professionnels mais les plateformes trouvent toujours des failles. Limitons les effets d'aubaine.

Maisons France Services

M. Édouard Courtial .  - Il y a urgence à inverser la tendance au désengagement de l'État. L'accès aux services publics de proximité est un prérequis, qui conditionne la liberté de choix de vivre à la ville ou à la campagne.

Le Gouvernement promet le déploiement d'une Maison France Services (MFS) par canton, soit 2 000 maisons d'ici 2022.

Le succès repose sur trois conditions. D'abord, un maillage territorial efficace, or l'échelle retenue est celle de 2013 : de très grands cantons n'auront qu'une MFS. Ensuite, un budget suffisant. Or, la dotation de l'État se limite à 30 000 euros par an, ce qui ne couvre la rémunération que d'un seul agent ! Le Gouvernement doit s'engager dans la durée : ce n'est pas aux collectivités d'assumer des missions qui incombent à l'État. Les MFS ne doivent pas se résumer à un outil de communication politique, alors que le sentiment d'abandon des territoires ruraux ne fait que croître.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Chaque MFS bénéficie de 30 000 euros, soit un total de 61 millions d'euros en 2021. La formation des agents et l'animation des réseaux sont également financées. Nous attribuons 60 000 euros par projet à 80 MFS mobiles - dont une dans l'Oise - pour un total de 4,8 millions d'euros en 2020.

Quelque 1 304 MFS sont déjà déployés ; elles ont réalisé 860 000 accompagnements personnalisés, dont 8 000 dans l'Oise.

L'objectif de 2 500 MFS sera atteint en 2022. De douze aujourd'hui, l'Oise passera comme prévu à 31 MFS en 2022, conformément à la circulaire du 8 juin 2020. Une attention particulière sera portée aux territoires les plus en retard.

Création d'une régie publique de l'eau dans neuf communes du Val-de-Marne

Mme Sophie Taillé-Polian .  - La production et la distribution d'eau potable sont déterminantes pour la qualité de l'eau, le coût pour les usagers, la sécurité sanitaire et l'environnement. Un retour en régie publique de la distribution d'eau potable permet une tarification sociale.

Dans le Val-de-Marne, les maires d'Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Le Kremlin-Bicêtre, Orly et Vitry-sur-Seine évaluent depuis plusieurs années les possibilités de gestion publique de la distribution d'eau potable sur leur territoire. Ils ont obtenu, après moult difficultés, la reconduction pour une année de leur convention provisoire auprès du syndicat des eaux d'Île-de-France (Sedif). Mais ce dernier refuse de travailler à une déconnexion virtuelle des réseaux, préférant imposer des travaux, quitte à faire peser des coûts exorbitants sur les usagers.

Le rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de 2016 privilégie un retour en régie publique de l'eau et des infrastructures existantes. Celles exploitées par le Sedif et par Veolia ont été financées par les collectivités ou par les usagers, selon le principe de « l'eau paie l'eau ».

Quelle est la position du Gouvernement sur la rétrocession des biens aux collectivités en cas de création d'une régie ? Quid de la déconnexion des réseaux ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Cette décision relève des communes et de leurs groupements. Aucun obstacle juridique ne s'oppose à la création d'une régie si la décision est prise par délibération de l'autorité compétente.

Selon le CGEDD, une recomposition doit favoriser les interconnexions et les mutualisations d'ouvrages afin d'éviter les coûts inutiles.

Le CGCT organise les modalités de la rétrocession des biens dans le cadre d'un transfert de compétences. Les biens peuvent revenir gratuitement au délégataire en fin de contrat.

Le préfet de la région Île-de-France est bien informé de ce projet et accompagne les collectivités territoriales dans leur démarche, dans le respect des principes que je viens de rappeler.

Report de la réforme Grand âge et autonomie

Mme Jocelyne Guidez .  - Le rapport Libault pointait en 2019 le manque de moyens financiers et humains des structures d'accompagnement des personnes âgées en situation de dépendance.

Le fonctionnement des Ehpad et des établissements pour personnes handicapées m'inquiète, alors que le nombre de seniors en perte d'autonomie va doubler d'ici 2050 et qu'il n'y a parfois qu'un seul directeur pour trois établissements.

Le Gouvernement a annoncé une loi Grand âge et autonomie, hélas reportée à la fin de la crise sanitaire.

Que comptez-vous faire pour garantir à nos aînés en situation de dépendance le droit à une fin de vie décente ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Le Gouvernement se prépare au choc démographique à venir. Sur le fondement du rapport Libault, Brigitte Bourguignon s'attache à renforcer l'attractivité des métiers du grand âge. Le Ségur de la Santé a revalorisé les rémunérations de professionnels des Ehpad et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), à hauteur de 160 à 183 euros nets par mois. Avec l'avenant 43, les aides à domicile verront leur rémunération s'aligner.

L'État apportera 200 millions d'euros aux départements pour les augmentations de salaire des aides à domicile du secteur associatif, qui peuvent aller jusqu'à 15 %. Cette main tendue est historique.

Les structures ne sont pas en reste avec 1,5 milliard d'euros sur cinq ans pour les Ehpad de demain qui seront plus ouverts, plus sûrs et plus adaptés. La loi relative à la dette sociale et l'autonomie a déjà dégagé des moyens importants, avec une montée en charge progressive.

Le Gouvernement cherche à attirer les jeunes vers ces emplois, pérennes et non délocalisables, qui ont montré leur importance lors de la crise sanitaire. Le travail se poursuit sur le projet de loi que Brigitte Bourguignon présentera dès que possible.

Mme Jocelyne Guidez.  - Vous n'avez pas répondu sur la gouvernance des établissements.

Direction des établissements accueillant des jeunes enfants

M. Patrick Boré .  - Le code de la santé publique prévoit des dérogations en matière de qualification des personnes dirigeant un établissement accueillant de jeunes enfants (EAJE) en fonction de la capacité d'accueil de l'établissement. Il retient trois cas de figure en fonction du nombre de places.

Dans les structures de 21 à 40 places, la dérogation au profit des sages-femmes et infirmiers diplômés d'État n'est pas explicitement mentionnée, ce qui laisse croire que ces professionnels ne sont pas qualifiés quand le nombre de places est insuffisant. Certains services de protection maternelle et infantile émettent un avis défavorable à la création d'une structure sur ce fondement.

Face au manque de places en crèche et à la difficulté pour les employeurs de trouver un directeur d'établissement, une interprétation large de cet article du code devait être de mise. Quelles sont vos recommandations ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Plusieurs plans ont été lancés pour créer des places, valoriser l'existant et rendre les professions de la petite enfance plus attractives.

L'article 99 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification, d'harmonisation et de clarification sur les modes d'accueil du jeune enfant. La complexité des règles pèse sur les créations de places.

Nous avons procédé pendant huit mois à une large concertation. Une réforme d'envergure sera prochainement présentée afin de simplifier et mieux reconnaître les professionnels ; les projets de textes sont soumis aux acteurs et le terme du processus est proche.

La Caisse nationale des allocations familiales finance également un plan de rebond de 200 millions d'euros pour créer des places en crèches.

Cet après-midi, je lancerai le plan de formation des 600 000 professionnels de la petite enfance, prévu par la stratégie de lutte contre la pauvreté. Le Gouvernement est au travail.

Tests PCR pour les enfants en bas âge

Mme Brigitte Lherbier .  - Les écoles viennent de rouvrir et les parents s'interrogent sur la situation épidémique.

Les tests nasaux sont souvent traumatisants pour les enfants. Des tests salivaires sembleraient plus adaptés. Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé que les classes fermeront dès le premier cas détecté. Tous les enfants seront-ils testés ? À quelle fréquence ? Surtout, avec quel type de tests ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Dès le 1er février dernier, le protocole dans les écoles a été renforcé. Nous veillons particulièrement à l'aération des pièces et à la limitation des brassages. Le contact tracing est renforcé. Dès le premier cas positif, la classe ferme.

Nous avons déployé une politique ambitieuse de tests. Des milliers d'infirmiers scolaires sont mobilisés. Dans le premier degré et au collège, les tests salivaires se déploient de plus en plus largement avec l'objectif de 600 000 tests par semaine. À partir du 10 mai, les lycéens pourront faire des autotests, avec l'aide de médiateurs. Les professeurs volontaires aussi. Des tutoriels ont été diffusés. Mais nous voulons éviter trop de tests et notamment des tests trop douloureux. La Haute Autorité de santé a récemment levé la limite d'âge des tests antigéniques sur prélèvement nasal. Conservons cette logique.

Mme Brigitte Lherbier.  - Vous m'avez rassurée. Vous êtes le garant de la protection de l'enfant, y compris dans les maltraitances familiales. J'espère que les départements ne feront pas d'économies sur le dos de plus petits. Je compte sur vous pour y veiller.

Désertification médicale dans la Loire

Mme Cécile Cukierman .  - Les maires sont désabusés de voir les services publics se retirer de leurs communes, notamment des médecins partant à la retraite et jamais remplacés.

Près de 41 % des communes du département de la Loire - soit 134 communes  - sont dans un désert médical. De nombreux Ligériens n'ont plus de médecin référent, et les médecins ne prennent plus de patients supplémentaires.

Le maire de Saint-Martin-la-Plaine déplore un accès aux soins totalement déséquilibré : un médecin ne sera pas remplacé, et six départs sont prévus dans la commune voisine. La zone avait donc été classée en « zone de vigilance à moyen terme ». La commune est prête à s'investir financièrement mais elle n'a aucune réponse de l'Agence régionale de santé (ARS).

Quelles solutions comptez-vous apporter pour que chaque Français ait accès aux soins ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Nous sommes attentifs à ces enjeux de maillage territorial. Le zonage de 2018 confirme une densité médicale faible dans la Loire. L'ARS travaille à la structuration des soins de premier recours.

Les jeunes professionnels attendent plus de coordination et de pluriprofessionnalité : dans cet esprit, l'ARS travaille sur des projets des maisons de santé pluriprofessionnelles et de centres de santé. La Loire en compte quarante. Deux MSP ont vu le jour en 2020 et plusieurs projets sont en préparation. Des stages sont l'occasion de faire découvrir ce département semi-rural aux futurs médecins. Plusieurs dizaines de contrats de praticiens en médecine générale ou ambulatoire ont été signés, qui leur assurent un chiffre d'affaires minimal les premières années.

La télémédecine se développe également, notamment en Ehpad, avec un très bon taux d'appropriation pour les praticiens. J'interrogerai l'ARS sur la demande de la commune dont vous avez parlé, et nous y donnerons suite.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est urgent, car des milliers de Ligériens n'ont plus de médecin référent.

Baisse tarifaire des prestations de santé à domicile

M. Bernard Bonne .  - Alors qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en juillet 2020 soulignait leur rôle croissant, on annonce des baisses tarifaires des prestations effectuées par les prestataires de santé à domicile. Ceux-ci accompagnent quotidiennement plus de deux millions de patients atteints de pathologies chroniques et aiguës, mais aussi des malades sous perfusion.

Les prestataires de santé à domicile participent au maintien de à domicile des personnes âgées et en situation de handicap, et sont des acteurs essentiels du virage ambulatoire.

Grâce à la prise en charge à domicile, le système de santé évite des hospitalisations coûteuses, tout en garantissant un niveau de qualité et de sécurité des soins. Pourtant, le Gouvernement refuse toute augmentation de la dépense, en contradiction avec les objectifs de prévention et de suivi.

Quelle suite donnerez-vous à la demande de moratoire sur ces baisses de prix ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Des négociations sont en cours. Chaque année, des montants d'économies sont fixés par un comité. Le secteur est dynamique, avec une croissance de 4 % à 5 % par an. C'est donc à juste titre qu'il est inclus dans le plan d'économies. Le rapport de l'IGAS pointait une forte hétérogénéité de la qualité des pratiques professionnelles, ce qui nous a conduits à instaurer une certification de la qualité.

Un moratoire sur les baisses de prix est une demande récurrente des professions. Le plan d'économies a été suspendu en 2020 en raison de la crise sanitaire. Nous ne prônons pas une gestion comptable, mais responsable.

M. Bernard Bonne.  - Il faut permettre aux personnes de rester à domicile, avec l'appareillage nécessaire, afin d'éviter l'entrée en Ehpad. La concertation doit donc rester permanente.

Accès à des traitements innovants contre le cancer du sein

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Les patientes souffrant de cancers du sein résistant à des chimiothérapies classiques rencontrent des difficultés d'accès aux traitements innovants.

Le cancer triple négatif métastatique, l'une des formes les plus agressives, touche plus de dix mille femmes, souvent jeunes et sans antécédent. Lorsque les premières métastases sont décelées, leur espérance de vie ne dépasse pas quinze mois.

Aucune chimiothérapie classique ne permet de traiter efficacement ces patientes dont la plupart terminent leur parcours en soins palliatifs, faute d'alternative thérapeutique.

Des cliniques privées allemandes proposent un traitement révolutionnaire à 100 000 euros, non remboursé par la sécurité sociale, qui repose sur un vaccin conçu à partir de leurs propres cellules, couplé à une thérapie ciblée.

Si cette option n'est pas agréée en France, elle soulève la question des inégalités d'accès aux traitements novateurs.

Un autre médicament vient d'arriver dans notre pays : le Trodelvy, d'un laboratoire américain. Mais des difficultés d'approvisionnement limitent sa prescription. Qu'envisagez-vous pour rendre accessibles les nouvelles thérapies du cancer du sein en France ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Le Gouvernement partage votre volonté d'assurer le meilleur traitement de ces cancers triple négatif qui touchent dix mille femmes chaque année et nécessitent des réponses innovantes.

La procédure d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) est en cours de réforme ; les textes devraient être publiés d'ici l'été. Le Trodelvy est disponible depuis novembre dernier. Fin 2020, la production est devenue temporairement insuffisante et a été réservée aux patientes américaines par Gilead. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a réservé les dernières unités disponibles aux patientes en cours de traitement. Gilead a fait une demande d'autorisation de mise sur le marché le 14 mars. Le dossier est en cours d'évaluation : une mise à disposition précoce du produit est envisagée.

Les pratiques en Allemagne posent des problèmes éthiques. Mieux vaut passer par l'ATU.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Il y a urgence à agir, car de nombreuses patientes sont dans une situation désespérée.

Banque alimentaire et dispositif national « chèques alimentaires »

Mme Brigitte Micouleau .  - Depuis mars 2020, la crise sanitaire a dramatiquement augmenté la précarité alimentaire.

La banque alimentaire de Toulouse a connu, depuis mars 2020, une augmentation inédite de 60 % de ses bénéficiaires. Les associations partenaires ont distribué l'équivalent de 6, 6 millions de repas en 2020.

Le Président de la République souhaite reprendre la proposition de la convention citoyenne sur le climat de chèques alimentaires destinés aux plus fragiles. Mais les modalités de ce projet interrogent les acteurs associatifs historiques de l'aide alimentaire.

La mission des banques alimentaires implique non seulement une aide alimentaire d'urgence mais aussi un accès à une alimentation équilibrée et de qualité. Les associations de proximité apportent aussi un appui psychologique aux bénéficiaires, qu'elles connaissent bien.

Assurons-nous que les populations fragilisées emploient ces chèques à une alimentation saine. Une aide uniquement monétaire pourrait éloigner les bénéficiaires des aides complémentaires.

L'expertise de la banque alimentaire lui permet de procéder à des commandes et achats adaptés aux besoins des associations, de gérer les flux et d'y intégrer la distribution de produits locaux de qualité, soutenant ainsi l'économie régionale et locale.

Pouvez-vous nous confirmer que la banque alimentaire est au coeur du futur dispositif d'aide ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - La crise a malheureusement fragilisé de nombreux foyers, les exposant à la précarité alimentaire.

Le Président de la République a repris l'idée du chèque alimentaire. Des réflexions sont en cours mais la notion d'accompagnement sera centrale, quelle que soit l'option retenue.

La loi EGalim de 2018 a fixé comme objectifs une alimentation sûre, diversifiée et de qualité suffisante, mais aussi le développement de la capacité à agir des personnes aidées. Il faut leur permettre de se rendre dans des commerces de proximité, ce qui est moins stigmatisant.

Nous avons consacré 144 millions d'euros à l'aide alimentaire, en sus des 100 millions d'euros de France Relance pour les associations caritatives. Les fonds européens pour l'aide alimentaire ont été sanctuarisés. L'action Urgence Premier Pas s'adresse aux parents de tout jeunes enfants.

Modernisation de la route nationale 102

Mme Anne Ventalon .  - La RN 102, classée « grande liaison d'aménagement du territoire » en 2003 traverse le département de l'Ardèche d'ouest ; elle en est le seul axe structurant, sans avoir le gabarit nécessaire.

Elle présente de nombreux points accidentogènes comme le carrefour de La Fayette à Coucouron ou le virage de la Teyre. Vous n'envisagez cependant pas de nouveaux créneaux de dépassement, alors que parfois un véhicule léger ne peut pas croiser un poids lourd.

De nombreux points n'ont pas encore fait l'objet d'études comme la liaison entre la RN 102 et l'autoroute A 7. Or la loi d'orientation des mobilités prévoit que des travaux doivent être aménagés pour de telles routes. Le contrat de plan État-Régions va être prochainement négocié et la région Auvergne-Rhône-Alpes y prendra toute sa part. L'État jouera-t-il aussi son rôle ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - La sécurisation et la modernisation de la RN102 mobilisent l'État. Plusieurs aménagements sont étudiés ou en cours de réalisation, comme les carrefours de La Fayette à Coucouron et de Bernardy à Aubenas. Ils sont financés par le budget de l'entretien du réseau national. Les études se poursuivent pour d'autres. La rectification du virage de la Teyre fait l'objet d'une étude actualisée. Une démarche de sécurisation des usagers est également menée, notamment sur la côte de ville entre Aubenas et Lavilledieu. En 2021, l'État financera des aménagements de sécurisation pour les piétons.

Enfin, de nouveaux créneaux de dépassement pourront être envisagés d'ici la prochaine contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales.

Mme Anne Ventalon.  - La généralisation discutable de la limitation à 80 kilomètres/heure avait pour but de réduire le nombre d'accidents. Que l'État s'en donne les moyens en agissant sur les points accidentogènes.

Projet de contournement routier de Vitré

M. Daniel Salmon .  - Le contournement routier de Vitré pose plusieurs problèmes, tant sur le fond que sur la forme.

Ce projet d'emprise foncière de 40 hectares dont 12 hectares de zones humides entre en contradiction avec l'objectif de zéro artificialisation nette.

Il affecterait des captages d'eau potable essentiels pour l'alimentation de la population ainsi que pour l'économie locale dont les besoins augmenteront de 25 % dans les prochaines années.

Un autre point d'inquiétude est la protection de la vallée de la Vilaine.

La hausse du trafic et celle de la population ont été surévaluées. L'efficacité de ce contournement est contestable. Il est incompréhensible d'accepter une hausse de 15 % des gaz à effet de serre engendrée par ce projet contradictoire avec le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) de Vitré Communauté.

Un projet alternatif moins impactant et moins coûteux existe mais a été balayé. Comment ce projet peut-il encore être justifié au regard de ses nombreux aspects négatifs ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Ce projet, qui a fait l'objet de concertations en 2018 et 2020, relève de la maîtrise d'ouvrage d'une collectivité territoriale. Selon le principe de libre administration, l'État ne peut intervenir à ce stade. Cependant, le projet doit satisfaire aux exigences réglementaires. L'État veillera au respect des procédures au regard de l'environnement, mais la lutte contre le changement climatique ne peut pas à elle seule conduire à bloquer tout projet routier, en application de la théorie du bilan qui juge le rapport entre coûts et avantages du projet. L'État sera vigilant à l'étape des autorisations.

M. Daniel Salmon.  - Je compte sur la vigilance de l'État. Nous ne sommes plus dans les années 1970 : le tout-routier a fait son temps. Trouvons des mobilités alternatives conformes à nos engagements.

Moratoire sur la fermeture de classes maternelles et élémentaires dans les communes audoises

Mme Gisèle Jourda .  - Les annonces de fermeture de treize classes dans l'Aude sont particulièrement inappropriées, notamment en territoire rural, au regard des annonces ministérielles en faveur du renforcement des moyens pour l'enseignement primaire. Supprimer des classes reviendrait à prendre des mesures contraires.

Il est surprenant d'envisager la fermeture de classes avant de connaître l'évolution de la pandémie et ses conséquences à court, moyen et long termes. Des investissements financiers ont été réalisés par ces communes pour assurer l'entretien et la modernisation des établissements scolaires ainsi que l'amélioration des conditions de travail pour les enfants et les enseignants. Il faut tenir compte des difficultés de nombreux enfants, ceux qui sont aidés par des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) comme à l'école Jean-Jaurès à Carcassonne. Grâce à la mobilisation audoise, nous avons obtenu quelques maintiens, mais je demande un moratoire.

Il faut conditionner la fermeture de classes à l'accord des maires des communes concernées, sur le même modèle que les fermetures d'écoles. Acceptez-vous ce moratoire ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - L'école primaire est une priorité du Gouvernement. Depuis 2017, 11 900 postes ont été créés malgré la baisse démographique.

Dans les zones prioritaires, le dédoublement de classe se poursuit pour consolider les apprentissages fondamentaux. Les effectifs de grande section, de CP et de CE1 ont été plafonnés à 24.

Le nombre moyen d'élèves par classe a baissé dans l'Aude à 21,5 en 2020 contre 22,1 en 2019. Il y a désormais 5,92 professeurs pour 100 enfants contre 5,58 en 2017 ; c'est plus que la moyenne nationale de 5,74. La barre des six sera franchie à la rentrée prochaine, signant l'amélioration du taux d'encadrement. Les effectifs fléchissent dans l'Aude. Néanmoins, une Unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) sera créée dans le département à la rentrée prochaine.

La carte scolaire répond aux besoins des territoires. Nous sommes déterminés à maintenir l'école de proximité conformément aux engagements du Président de la République. Dans l'Aude, aucune classe ni aucune école rurale n'a fermé en 2020. Aucune école ne fermera en 2021.

Mme Gisèle Jourda.  - Je ne puis accepter cette réponse. Vous me parlez de statistiques, mais, sur le terrain, les effets sont désastreux. Les fermetures de classes en milieu rural remettent en cause l'investissement des communes. Quant aux ouvertures, elles se concentrent en milieu urbain.

La séance est suspendue quelques instants.

Inégalités entre les étudiants dans l'accès au dispositif de deux repas par jour à un euro

M. Guillaume Chevrollier .  - La précarité des étudiants en milieu rural est un phénomène préoccupant et en augmentation. Elle entraîne une détérioration de leur santé psychologique et un accroissement de leur précarité.

De nombreux jeunes fréquentent les épiceries sociales dans la Mayenne. L'offre de deux repas par jour à un euro bénéficie aux étudiants des métropoles, mais le sentiment d'abandon se renforce en milieu rural. Les inégalités territoriales s'accroissent.

Les collectivités territoriales se mobilisent - la ville de Mayenne et ses 380 étudiants par exemple. La maison des adolescents, le centre médico-psychologique et les centres communaux d'action sociale interviennent également. À Mayenne et à Laval, une aide alimentaire d'urgence a été mise en place avec la Croix-Rouge, la Banque alimentaire et le conseil départemental. Des espaces de coworking sont mis à disposition des étudiants.

Il est anormal que les étudiants ruraux soient exclus des aides d'État. Comment comptez-vous les aider ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Là où il n'y a pas de restaurant universitaire ni de cafétéria, l'accès aux repas à un euro est effectivement impossible. Je rappelle tout de même que le Crous compte plus de 700 lieux de restauration dans plus de 221 villes.

Ce maillage répond aux besoins d'une grande majorité d'étudiants, notamment dans les villes d'équilibre. Plus de 7,6 millions de repas à un euro ont été servis depuis janvier.

Pour les lieux où l'accès à ces repas est difficile, nous apportons des financements aux associations étudiantes et aux épiceries sociales. Nous conventionnons avec les régions pour les étudiants de BTS ou de classes préparatoires qui, étant en lycée, relèvent de leurs compétences.

Nous sommes soucieux de soutenir les étudiants partout sur le territoire. Ainsi nous dénombrons près de 90 campus connectés et plus de 55 implantations du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en coeur de ville.

M. Guillaume Chevrollier.  - L'État doit s'engager davantage au côté des élus locaux qui soutiennent les étudiants et les apprentis, partout et très concrètement.

Carences de la réforme des études de médecine en première année

M. Pierre-Antoine Levi .  - Il est de plus en plus difficile de trouver un praticien. C'est pourquoi la première année commune aux études de santé (Paces) a été réformée afin d'augmenter le nombre d'étudiants en diminuant le taux d'échec à la fin de la première année.

Le numerus clausus a été remplacé par le numerus apertus qui n'a pas encore produit les effets escomptés.

Cette réforme semble avoir été mal préparée et mal comprise par les étudiants. Le nombre de places ouvertes dans les nouvelles filières a diminué par rapport aux années précédentes en raison des places réservées aux redoublants issus de l'ancien régime Paces. Dès lors, l'immense majorité des étudiants qui n'intègreront pas ces filières nouvelles ne pourront pas redoubler. En clair, leur chance de réussite sera très faible. Beaucoup resteront sur le carreau. Ils ont été très nombreux à me faire part de leur désarroi. Leur détresse m'a touché. S'engager dans des études de santé est une vocation, un objectif de vie. Mais l'impossibilité de redoubler et le faible nombre de places disponibles briseront des rêves !

Coup de théâtre le 28 avril : le Conseil d'État a suspendu l'arrêté du 25 janvier 2021 sur le nombre de places. C'est un coup dur pour la réforme. Il y a urgence à la réajuster et à trouver une solution acceptable. Nul doute que la mission d'information sénatoriale de Mme de La Provôté vous fournira de nombreuses solutions.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La réforme des études de santé vise justement à diversifier les voies d'accès et à mettre fin aux injustices. Jusqu'à présent, des étudiants redoublaient même après avoir obtenu la moyenne. Désormais, ceux qui l'obtiennent s'inscriront dans un parcours de réussite et ne seront plus sélectionnés par l'échec. Ils pourront tenter leur deuxième chance à l'issue de la deuxième ou de la troisième année.

Nous avons tenu nos engagements quant au nombre de places. Pour tenir compte de la transition, environ 6 000 places sont réservées aux redoublants. Pour les primo-accédants, le nombre de places est bien supérieur, de près de 2 000, au nombre antérieur. Plus de 16 700 places seront offertes à tous, soit une hausse de 12 %.

Je m'emploie à expliquer et rassurer, aux côtés du ministre de la Santé. Un nouvel arrêté sera publié.

Réforme des études de médecine

Mme Florence Lassarade .  - En 2018, dans un rapport remis à la commission des affaires sociales, la Cour des comptes a montré que la répartition des places dans les études de santé était inégale selon les territoires et que tous les étudiants n'avaient pas la même chance d'accéder à la deuxième année selon leur lieu d'origine : en Aquitaine, le ratio était de 17 pour 100 000 habitants, là où en Limousin il était de 31.

La réforme des études de santé a aggravé cette disparité chronique en raison du nombre d'étudiants autorisés à redoubler.

Cette année est de transition - les étudiants en parcours accès spécifique santé (PASS) et licence à mineure santé (LAS) doivent partager la capacité d'accueil avec les derniers redoublants Paces, sans que la capacité d'accueil n'ait été significativement augmentée.

Cette année, les étudiants PASS ont l'obligation de suivre un double cursus, avec une majeure de santé et une mineure d'une autre licence. En cas d'échec à l'examen, ils ont interdiction de redoubler.

À l'université de Bordeaux, les modalités de contrôle des connaissances sont particulièrement dures pour la validation de la PASS : pas de compensation entre les unités de valeur, moyenne à 10/20 dans chaque matière. Les exigences sont différentes à Aix, Rouen, Marseille, Toulouse ou Amiens...

Des mesures particulières auraient dû être mises en place pour accompagner cette année de transition, afin de rétablir l'égalité des chances. Comment le Gouvernement envisage-t-il de pallier ces inégalités, notamment à Bordeaux ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'objectif de cette réforme est de trouver des professionnels de santé sur tous les territoires. Les étudiants ne pouvant terminer leurs études que dans des centres hospitaliers universitaires (CHU), la répartition était jusqu'à présent centrée sur les métropoles, en fonction de l'attractivité des CHU.

À la rentrée 2020, l'accès aux études de santé se fait via 35 parcours accès santé mais aussi 457 licences axées santé réparties partout sur le territoire, même sans proximité d'un CHU. La réforme des 2e et 3e cycles changera aussi la situation.

On ne demandera plus aux jeunes de passer douze ou quatorze ans à proximité d'un CHU. Ils pourront conserver leurs attaches avec leur territoire.

Les études de santé sont extrêmement exigeantes ; c'est pourquoi la sélection reste forte. C'est normal.

Chaque année, quelque 16 700 places sont offertes pour accéder à la deuxième année des études de santé : du jamais vu ! C'est près de 2 000 de plus que l'an dernier. Elles sont réparties sur les territoires en fonction des besoins reconnus par les agences régionales de santé (ARS), les facultés et les collectivités territoriales.

Mme Florence Lassarade.  - Les victimes des statistiques échouent de manière définitive. C'est triste. On leur coupe les ailes.

Financement de la formation des orthoptistes en distanciel

Mme Nadia Sollogoub .  - Le plan de relance devrait créer des places dans l'enseignement supérieur : 16 places supplémentaires ont ainsi été ouvertes en orthoptie à Limoges et Nevers avec un financement de 6 000 euros chacune. La formation se déroule dans des conditions optimales.

Les stages sont réalisés en milieu privé, les élèves étant deux par deux, au lieu de vingt par vingt en région parisienne. Cela est très satisfaisant. Seul bémol, il semble que le financement promis, de 96 000 euros, n'ait pas été débloqué. Qu'en est-il ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Des financements supplémentaires ont été actés après la création de nouvelles places dans certaines spécialités à la rentrée 2020. Nous avons ainsi augmenté de 5 % le nombre de places en orthophonie, de 6 % en orthoptie et de 3,5 % en audioprothèses.

L'université de Paris, que je remercie d'avoir pensé des parcours délocalisés, recevra une subvention supplémentaire de 96 000 euros pour la création de ces places. L'engagement de l'État a été confirmé en avril. L'université recevra prochainement les financements promis.

Mme Nadia Sollogoub.  - Votre réponse me fait très plaisir.

Je rappelle que ces formations ont débuté en septembre 2020.

J'espère que nous pourrons vous recevoir à Nevers pour vous présenter ce modèle gagnant-gagnant qui mériterait d'être généralisé ! Ce serait très dommage qu'il y soit mis fin.

Contrôles des exploitations agricoles dans le cadre de la politique agricole commune

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Quelque 70 % de la prime PAC est versée en octobre. Mais lorsque des contrôles sont réalisés, les aides sont gelées. C'est un peu fou : les agriculteurs subissent une présomption de culpabilité.

Les primes sont parfois bloquées pendant plusieurs mois car s'il y a un seul problème au contrôle aérien, on passe au contrôle physique. Il faut sortir de ce système car les agriculteurs ont des charges importantes.

Le délai et la méthode des contrôles physiques pourraient également être améliorés. Sortons de la méfiance et privilégions le conseil, la confiance et la bienveillance.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Le ministre de l'agriculture aimerait vous donner satisfaction mais la réglementation européenne, stricte, impose la finalisation des contrôles avant le paiement des aides. C'est un gage de légitimité de la PAC. On assure ainsi une bonne gestion des crédits et des impôts.

Les services instructeurs sont pleinement mobilisés pour payer les primes au plus vite. Je les remercie pour leur implication qui ne s'est pas démentie en 2020 en dépit de la crise.

Dès les premiers jours de décembre 2020, 99 % des agriculteurs ont reçu leurs paiements décomptés, 97,5 % leurs paiement verts et autant leur indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) lorsqu'ils y étaient éligibles.

Nous sommes parmi les États membres de l'Union européenne les plus rapides. Le ministre de l'Agriculture plaidera à Bruxelles pour le droit à l'erreur et la simplification des procédures dans le cadre de la nouvelle PAC.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Le contrôle est logique s'agissant d'argent public mais il faut modifier la réglementation si l'on veut rapprocher le citoyen de l'Europe.

Épandage des boues d'épuration

Mme Chantal Deseyne .  - La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire fixe des critères de transformation des boues d'épuration et les conditions dans lesquelles elles peuvent incorporer des déchets verts compostés.

Les options de traitement des boues en vue de leur hygiénisation dépendent de considérations géographiques, techniques, historiques et financières diverses qu'une modification brutale et uniforme pourraient gravement fragiliser.

La nouvelle réglementation suscite des inquiétudes, notamment s'agissant de l'usage agricole des boues. Comment le Gouvernement compte-t-il y répondre ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Cette loi a habilité le Gouvernement à transposer par ordonnance les directives européennes sur la gestion des déchets.

Le décret « socle commun des matières fertilisantes » prendra en compte les boues d'épuration. Les référentiels doivent être révisés au plus tard le 1er juillet. Si elles ne respectent pas les normes, les boues ne pourront plus être épandues à compter de cette date avec toutefois une période de transition pendant laquelle les dispositions des arrêtés de janvier et février 1998 continueront à s'appliquer.

Des mesures exceptionnelles ont été prises pendant la crise, mais l'hygiénisation obligatoire ne sera pas maintenue avant l'épandage.

Les agriculteurs seront protégés et l'économie circulaire progressera.

Mme Chantal Deseyne.  - J'ai bien compris qu'il s'agissait d'une transposition de normes européennes. Mais les nouvelles normes seront très rapidement applicables et généreront des coûts élevés pour les collectivités territoriales gérant des stations d'épuration, qui seront répercutés sur les usagers. Les boues qui ne répondent pas aux normes seront envoyées vers des incinérateurs, ce qui n'est ni écologique, ni économique.

La séance est suspendue à 12 h 15.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Contrôle, régulation et évolution des concessions autoroutières

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport d'information de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières à la demande de la commission d'enquête.

M. Éric Jeansannetas, président de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières .  - C'est avec satisfaction que j'engage ce débat sur un sujet qui préoccupe nombre de nos concitoyens. Depuis leur privatisation en 2006, les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) font l'objet de controverses légitimes mais aussi parfois caricaturales. Dans quelles conditions s'est faite la privatisation ? Comment sont fixés les tarifs ? Que contiennent les avenants ? C'est pour apporter un éclairage objectif que la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider a été demandée.

Nous avons retracé l'historique, analysé les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires, et cherché à évaluer leur niveau réel de rentabilité.

Les autoroutes sont un bien commun, un outil d'aménagement du territoire, un passage obligé pour réaliser de longs trajets en voiture. Il s'agit à la fois d'un service public et d'un monopole économique. Était-il souhaitable de les privatiser ?

Avant même les privatisations décidées en 2006 par Dominique de Villepin, des ouvertures du capital avaient eu lieu depuis 2002. La majorité était d'ailleurs divisée sur le sujet. Le choix a été fait de récupérer en une seule fois 14,8 milliards d'euros pour réduire la dette de l'État et financer de nouvelles infrastructures, plutôt que de continuer à percevoir une rente en assumant les aléas économiques.

Il n'est pas question ici de refaire l'histoire, mais d'envisager l'avenir.

Notre commission d'enquête a conclu que les concessions en cours étaient trop longues, les dividendes versés atteindront 40 milliards d'euros en 2022. Impensable de les prolonger ; si elles devaient être renouvelées, il faudrait en réduire la durée.

Ce rapport, que nous souhaitons faire vivre, ne doit pas finir au fond d'un tiroir mais, dès à présent, préparer le débat.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières .  - Merci à Éric Jeansannetas et aux participants à la commission d'enquête. Ce rapport ne doit pas finir au fond d'un tiroir.

Notre but, monsieur le ministre, est d'aider le Gouvernement à négocier avec les sociétés historiques d'autoroutes dans l'intérêt général, celui de la collectivité et des usagers.

Il y a un péché originel : ne pas avoir modifié les contrats de concession au moment de l'ouverture au privé. Mal ficelés, ils étaient inadaptés à une délégation de service public, malgré les évolutions introduites en 2015. Cela explique le blocage juridique que certains dans cet hémicycle contestent.

Le premier pilier de notre stratégie est de mettre fin à la spirale infernale de l'allongement de la durée des concessions en échange de travaux.

Pour Vinci et Eiffage, la rentabilité attendue était atteinte dix ans avant la fin des contrats. Il y a donc matière à négocier des contreparties, notamment sur la modulation des tarifs.

Deuxième pilier : organiser un sommet des autoroutes. Il faut mettre les acteurs autour de la table pour définir l'équilibre économique et financier des contrats.

Troisième pilier : appliquer les pénalités prévues par le protocole de 2015 si les travaux n'ont pas été effectués dans les temps.

Enfin, il faut préparer la fin des contrats, inventorier les biens de retour, prévoir des clauses de revoyure, mieux associer les usagers et le Parlement. Les parlementaires ne sont pas des empêcheurs de tourner en rond. C'est ensemble que nous serons utiles et efficaces.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports .  - Les autoroutes font partie de la vie des Français. Beaucoup les empruntent chaque jour, elles ont un rôle structurant pour nos territoires et méritent mieux que des raccourcis et des débats simplistes.

Nos autoroutes sont un modèle de modernité, de confort et de sécurité ; la France peut se targuer d'avoir l'un des meilleurs réseaux autoroutiers du monde, si ce n'est le meilleur. Nous pouvons en être fiers.

Depuis la loi de 1955, votée en plein boom automobile, le monde a bien changé. Les contrats actuels doivent prendre fin entre 2031 et 2036. C'est l'occasion de faire un bilan critique de notre modèle de financement et de gestion des infrastructures, et de l'améliorer.

Le Sénat s'est saisi de cette question. Je salue la qualité de ses travaux ; nous partageons nombre de vos 38 propositions, et 60 % d'entre elles sont d'ailleurs déjà appliquées ou en cours de mise en oeuvre.

Nous divergeons toutefois sur vos estimations de rentabilité des concessions. Je note des biais méthodologiques et des écarts dans les projections. La période est complexe, certes, mais l'écart entre la réalité des comptes des sociétés et vos chiffres passe du simple au double, voire au triple. Les résultats sont très éloignés de ceux du rapport quinquennal de l'Autorité de régulation des transports (ART).

Enfin, je regrette la fausse polémique sur le plan de relance autoroutier de 2015, validé par la Commission européenne en 2014. Aucun calcul, aucune analyse robuste ne prouve une sur-rentabilité des sociétés autoroutières. Plutôt que d'entrer dans ce débat stérile, concentrons-nous sur l'amélioration des contrats.

Il faut d'abord mieux encadrer les concessions existantes jusqu'à leur terme. Le plan autoroutier et la loi Macron ont équilibré les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires. En cas de surprofit, les tarifs de péages sont revus à la baisse, ou la durée de la concession est réduite. L'État récupère les économies résultant des reports ou abandons de projets. Le rôle du Parlement a été renforcé. Enfin, l'ART rend des avis publics sur les projets d'avenants et de contrats ; elle publie une synthèse annuelle et un rapport quinquennal sur la rentabilité des contrats. Le premier a été publié en juillet 2020.

Les contrats passés depuis les années 2000, plus stricts, respectent globalement les préconisations de votre rapport.

Deuxième priorité : réfléchir à l'avenir des contrats de concessions, sans préjugé ni précipitation.

Première question : faut-il interrompre les contrats ?

Pour le Gouvernement, la réponse est non. Ce serait une gabegie financière - 47 milliards d'euros ! - une entrave au droit des contrats et une rupture de l'État de droit.

Faut-il, à l'inverse, les prolonger ? Les attentes des Français ont changé. Les contrats anciens doivent être modernisés en fonction de nouvelles priorités, environnementales et tarifaires. Concessions multimodales, régionalisées ou en partie gérées par l'État, tarifs segmentés, tout doit être envisagé, sans dogmatisme.

Le « concession-bashing » ne fait pas progresser le débat. Rappelons que les sociétés concessionnaires ont généré 50 milliards d'euros de recettes fiscales entre 2006 et 2018, et investi 20 milliards d'euros dans le patrimoine autoroutier. Sans le modèle concessif, de nombreuses infrastructures n'auraient pas vu le jour.

Je suis favorable sur le principe à un sommet des autoroutes. Nous avons besoin d'un cénacle pour débattre des perspectives, sans brider nos réflexions.

Mme le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Le débat doit impliquer les usagers, les collectivités territoriales et l'État. Il faut travailler sur la fin de vie des contrats, sans les plonger dans un coma artificiel. Les autoroutes doivent, mieux qu'avant, embrasser les enjeux environnementaux. Déjà, elles développent des bornes électriques, des péages en flux libre et travaillent sur l'accueil de nouvelles mobilités.

Mme Christine Lavarde .  - La rentabilité des actionnaires sera atteinte en 2022 selon la commission d'enquête, mais vous contestez ces chiffres. Si les nouveaux contrats sont mieux conçus, il a fallu attendre le plan de relance autoroutier en 2015 pour introduire des clauses de renégociation des contrats historiques en cas de surrentabilité. Mais elles se déclenchent à partir de seuils que l'ART, dans son rapport de juillet 2020, qualifie de « hautement improbables »... Comment rééquilibrer les choses ?

Le Gouvernement donnera-t-il les moyens à l'ART de mesurer la vraie rentabilité des sociétés concessionnaires ? Soutiendra-t-il la proposition de loi du Sénat qui durcit les clauses de péage et de durée endogène des contrats historiques ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Selon le rapport de l'ART, la rentabilité des contrats historiques se situe entre 6,4 % à 9,2 %, avec une évolution favorable, mais modérée depuis 2017. En moyenne, elle est de 7,8 % pour les contrats historiques.

Les 3,2 milliards d'investissements ont majoritairement porté sur des élargissements de section ou des modifications d'échangeurs. La compensation de ces travaux prévue par le plan de relance autoroutier a été confirmée le 24 octobre dernier par la Commission européenne.

La mission a conclu à une surcompensation à hauteur de 4 milliards d'euros - soit plus que la valeur des investissements du plan ! Nous ne partageons pas cette analyse. En cas de surperformance économique, les tarifs des péages ou la durée de la concession sont revus à la baisse. Les gains financiers découlant du report des investissements sont intégralement restitués au concédant. Enfin, l'ART dispose de moyens à la hauteur de ses missions.

Mme Christine Lavarde.  - Je n'ai aucune réponse à mes questions. S'il s'avérait que les chiffres de la commission d'enquête étaient exacts, que feriez-vous ?

L'ART dit elle-même que le mécanisme des clauses de retour à bonne fortune du concédant n'est mobilisable que dans des conditions hautement improbables.

M. Pierre Médevielle .  - L'évolution des concessions est évoquée régulièrement depuis des décennies, par tous les bords politiques.

J'avais, en 2015, refusé de signer le rapport du groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, car le calcul de la rentabilité omettait le montant du rachat, autour de 22,5 milliards d'euros, et la reprise de la dette, pour 17 milliards.

Le rapport de la commission d'enquête ne tient pas compte de l'inflation depuis 2006, ni des pertes occasionnées par les confinements.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d'enquête.  - Il faut lire le rapport...

M. Pierre Médevielle.  - Si les concessions ont été prolongées, c'est que l'État n'a pas honoré ses engagements en matière d'investissements pour l'extension du réseau.

Le rachat des concessions coûterait autour de 50 milliards d'euros. Sans même parler de la crise que nous traversons, il faut aussi relever le risque de non-affectation des recettes pour l'entretien du réseau. L'État percevait une manne très faible des sociétés publiques...

Réfléchissons plutôt à des contrats plus équilibrés. La crédibilité de la parole de l'État est en jeu.

Mme le président.  - C'est fini.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Le bilan de notre modèle concessif est objectivement positif. En soixante-dix ans, nous sommes passés de 80 à 9 000 kilomètres d'autoroutes sécurisés et bien entretenus qui ont permis de désenclaver, de relier des territoires quand la voiture était le moyen de transport privilégié.

En plus de l'encadrement, le confinement nous apprend que le risque trafic peut se réaliser. Les sociétés concessionnaires ont perdu des milliards d'euros !

Je suis ouvert à la réflexion sur le futur modèle de gestion des autoroutes concédées, qui doit intégrer les enjeux sociaux et écologiques. Pourquoi pas des concessions multimodales ?

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le verdissement de nos autoroutes s'impose. Les concessionnaires doivent soutenir les mobilités à faible empreinte carbone, et ce sans contreparties financières. Ce n'est pas faire du « concession-bashing » que de constater l'indéniable rentabilité des sociétés d'autoroutes. On parle de 40 milliards d'euros d'ici 2036.

Le Gouvernement peut avancer cet argument pour verdir les tarifs et imposer une éco-conditionnalité dans les contrats, dans le prolongement de la LOM : déploiement de bornes de recharge électriques, voies dédiées au covoiturage et aux transports collectifs, privilège accordé aux véhicules vertueux, etc.

Comment amener les concessionnaires à adopter un cahier des charges ambitieux de décarbonation, conforme à l'accord de Paris ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Le tournant écologique a été pris au début des années 2000. Quelque 400 millions d'euros d'investissement ont été réalisés dans le cadre des plans de relance autoroutiers de 2015 et 2018 : ouvrages de protection de la biodiversité, assainissement, réduction du bruit, etc.

Nous accélérons le déploiement des bornes électriques. Quelque 60 % des aires en seront prochainement équipées.

Nous accompagnons la transition écologique. Je sais les concessionnaires engagés sur le sujet.

Mme Patricia Schillinger .  - Avec un maillage autoroutier de 9 500 kilomètres, le réseau français se situe en pole position en Europe. Symbole du modernisme des Trente glorieuses, ce réseau, concédé à 90 %, a perdu de sa superbe. Il doit se réinventer pour répondre aux nouvelles exigences environnementales.

Il ne s'agit pas de renationaliser les autoroutes, mais de rééquilibrer les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires, notamment sur la question des mobilités vertes. Il faut investir en faveur du covoiturage, des parkings relais, des transports collectifs. Le projet de loi Climat Résilience sera l'occasion d'en débattre.

Comment comptez-vous accompagner les SCA en ce sens ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Nous avons lancé un grand plan de déploiement des bornes électriques sur le réseau concédé et non concédé, pour permettre l'itinérance : 60 % des aires seront équipées à la fin de l'année, 100 % fin 2022. L'État investit à cet effet 100 millions d'euros du plan de relance ; les concessionnaires, 500 millions d'euros, sur une durée très courte. Preuve d'un bon équilibre contractuel au service des Français, qui augure bien de l'avenir.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Vous le contestez mais le rapport de la commission d'enquête estime que les dividendes des sociétés concessionnaires atteindraient 40 milliards d'euros en 2022. La privatisation de 2006 s'est faite au détriment du contribuable mais aussi des usagers des autres modes de transport et des investissements sur d'autres axes routiers ou ferroviaires.

Dans son référé de janvier 2019, la Cour des comptes a pointé un risque de surinvestissement sur le réseau, qui contraste avec le sous-investissement sur le réseau non concédé.

Aussi, j'adhère à la recommandation 3 du rapport sur l'amélioration du service rendu aux usagers. Outre le verdissement des tarifs des péages, les sociétés concessionnaires doivent contribuer davantage au financement des autres infrastructures de transport. Le Gouvernement compte-t-il les y inciter ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Entre 2006 et 2018, les sociétés concessionnaires ont versé 50 milliards d'euros de recettes fiscales et apporté 10,5 milliards d'euros à l'Afitf, soit un tiers de son budget, au bénéfice de nombreux projets, notamment ferroviaires. C'est un système vertueux.

Le réseau non-concédé a en effet pâti d'un sous-investissement chronique. Depuis 2017, nous augmentons progressivement ce budget, de 700 millions d'euros à un milliard. Un grand projet est en cours sur les ponts connectés, pour un meilleur entretien du patrimoine.

La loi d'orientation des mobilités est équilibrée et financée ; le plan de relance consacre 11 milliards d'euros aux transports. C'est une réponse volontariste !

M. Éric Bocquet .  - Le Sénat a fait oeuvre utile avec cette commission d'enquête. Son rapport constitue un point d'appui pour mener le combat pour le retour de l'État stratège dans l'aménagement des territoires.

Le scandale dure depuis trop longtemps. Les sociétés concessionnaires sont des machines à cash : même en temps de crise, les dividendes s'élèvent à 2 milliards d'euros ! Depuis 2006, 24 milliards d'euros ont été distribués - un pognon de dingue !

Pourtant, l'État n'est pas impuissant. L'article  31-31-5 du code de la commande publique prévoit que les concessionnaires remettent à l'État un rapport sur l'inventaire du patrimoine autoroutier. Il n'a jamais été rendu. Pourquoi l'État ne fait-il pas respecter ses droits au nom de l'intérêt public ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - L'inventaire du réseau est un enjeu clé, car il est lié à la définition du bon état cible du réseau en fin de concession. Le patrimoine autoroutier français est estimé à 150 milliards d'euros. Sans entretien, il se détériore. Les concessionnaires ont la responsabilité des travaux, contrôlés par l'État.

Trois chantiers ont été engagés : dresser l'inventaire du patrimoine concédé, en mesurer l'état fonctionnel et définir le bon état cible en fin de contrat. Déjà, ce travail a été réalisé pour les ponts de Tancarville et de Normandie.

Les contrats historiques seront traités sept ans avant la fin de leurs concessions respectives. Je souhaite que le ministère continue d'assurer cette mission.

M. Éric Bocquet.  - Je n'ai pas eu de réponse sur la non-remise du rapport annuel...

Tout est ubuesque dans ce dossier, de la conclusion des contrats aux sous-délégations, des tarifs des péages aux surcompensations.

Le décret de 1995 indexant les péages sur l'inflation pourrait être considéré soit comme une aide d'État au sens européen, et justifier ainsi une rupture anticipée. Mais pour cela, il faudrait une volonté politique...

M. Jean-François Longeot .  - Les conclusions de la commission d'enquête doivent permettre de préparer l'avenir. À l'heure de la transition écologique, la France est en retard sur le péage en flux libre, plus écologique. Quels objectifs ont été fixés en la matière ? La surfréquentation des routes nationales et départementales, gratuites, induit des problèmes de sécurité et de pollution.

Comment éviter les reports de trafic sur le réseau secondaire ? Ne peut-on imaginer un dispositif sur le modèle des zones à faibles émissions pour les poids lourds ? Faudrait-il une éco-contribution régionale, telle que prévue par le projet de loi Climat et résilience ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Nous ne sommes pas en retard sur le flux libre ; trois expérimentations sont en cours, sur l'A4, l'A837 et l'A10. Le déploiement à grande échelle est prévu en 2022 sur l'A79 et sur les nouvelles concessions.

S'agissant du report modal, nous soutenons le fret ferroviaire, et avons mis en place des zones à faibles émissions sur les véhicules légers. L'article 32 du projet de loi Climat et résilience permettra aux régions, et à certains départements, d'instaurer une contribution sur le transport routier de marchandises. Le ministère travaille à un inventaire des routes, en fonction des demandes des élus.

M. Olivier Jacquin .  - Je salue les travaux de la commission d'enquête qui a mis en évidence des déséquilibres.

Le décret de 1995 sur la fixation du prix des péages est-il bien légal ? Notre collègue députée Christine Pirès-Beaune attend toujours votre réponse à sa question écrite.

M. Bocquet l'a dit, l'article R 31-31 du code de la commande publique prévoit que les concessionnaires remettent chaque année un rapport établissant l'inventaire actualisé des biens concédés. Cette obligation n'est pas respectée. Dans votre courrier du 5 avril au rapporteur, vous estimez que le concédant n'a pas besoin d'un inventaire précis à un instant donné au cours de la concession. Vous dites vouloir un meilleur encadrement des contrats mais donnez les clés aux concessionnaires, sans aucun contrôle ! Cette question n'est pas que technique ; il faut contrôler le modèle concessif ! J'attends une réponse précise. (MM. Éric Bocquet et Jean-Pierre Corbisez approuvent.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Il est prévu que les rémunérations des contractants puissent être adossées sur le niveau général des prix, ce qui est plutôt favorable à l'État et aux usagers. Cette dérogation ne nécessite pas de décret d'application. Aussi, nul besoin de remettre en cause le décret de 1995 sur les péages.

Il faut définir les bons outils et méthodes pour connaître et contrôler le périmètre concédé et établir le bon état cible. Nous avons fait l'exercice pour les ponts de Tancarville et de Normandie, sept ans avant la fin de la concession.

M. Olivier Jacquin.  - Je vous ferai un demi-remerciement, n'ayant pas eu plus de succès qu'Éric Bocquet sur l'état du patrimoine autoroutier. Comment contrôler le concessionnaire sans ce rapport annuel ? (MM. Éric Bocquet et Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - Plus que le modèle concessif, je m'attarderai sur les considérations environnementales, traitées par l'axe 3 du rapport.

En 1970, la France était confrontée au défi du développement économique des territoires. L'appel au secteur privé fut un succès dans la Sarthe, avec l'A11 puis l'A28 : les cinq tranches autoroutières qui irriguent notre département ont contribué à sa prospérité.

Nous sommes désormais confrontés à l'urgence climatique. La route représente encore 87 % du transport de personnes et 86 % du transport de marchandises : il y a urgence à décarboner la route.

Les contrats pourraient-ils rapidement être réorientés vers cet objectif stratégique, et comment ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Les contrats historiques répondaient aux enjeux de l'époque : désenclavement, transports rapides et sûrs. Ces enjeux ont évolué : cohésion des territoires et réponse aux besoins des usagers, mais aussi décarbonation des routes.

Je prendrai l'exemple du développement des véhicules électriques. Les véhicules électriques ou hybrides représentent 16 % des ventes. En 2030, ce sera 50 %. Cela suppose de déployer des infrastructures et des bornes de recharge rapidement. L'État et les sociétés concessionnaires ont ainsi investi respectivement 100 millions d'euros et 500 millions d'euros pour les bornes.

Nous travaillons aussi plus largement pour encourager le report modal du transport de marchandises.

Mme Jocelyne Guidez .  - Les péages périurbains, comme ceux de Saint-Arnoult ou de Dourdan, sont injustes pour certains habitants de banlieue. Ils ont concentré la colère des Gilets Jaunes.

Pour aller travailler à Paris, certains Franciliens prennent l'autoroute quotidiennement : certains, et pas les plus aisés, payent plus de 1 300 euros par an en péages ! Ceux qui ne peuvent supporter ce coût se reportent sur le réseau routier secondaire, avec des conséquences sur l'accidentalité et la congestion.

Mme Borne avait obtenu des sociétés d'autoroute une réduction de 30 % pour plus de dix allers-retours par mois sur un même tronçon. Peu d'automobilistes ont souscrit à cette offre, insuffisamment attractive.

La réponse doit être plus ambitieuse. La suppression de certains péages urbains, comme celui de Dourdan, ne remettrait pas en cause l'équilibre de la concession et répondrait à une demande légitime d'équité.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - L'État a demandé aux concessionnaires de baisser de 30 % les tarifs pour les usagers qui effectuent plus de dix trajets par mois. Ce dispositif a connu un début de succès, avec 130 000 abonnements, en hausse de 60 % entre septembre 2019 et septembre 2020. Avec la crise sanitaire, le dispositif n'a pu prendre son envol, j'ai donc incité les sociétés à lancer une nouvelle opération de communication.

À Dourdan, le tarif de 1,70 euro, stable, est relativement bas. Des abonnements préférentiels sont proposés. Des aménagements comme des places de parking ont été mis en place pour favoriser l'offre de transport collectif sur l'A10.

La suppression ou le rachat de ces péages remettrait trop profondément en cause l'équilibre concessif. En outre, ces péages sont usités par d'autres usagers effectuant des trajets de transit à destination de l'A11. Enfin, cela risquerait de reporter une partie du trafic sur la voirie locale, engendrant d'importantes nuisances voire de l'insécurité.

M. Michel Dagbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le travail de la commission d'enquête. Le rapport met en exergue bien des insuffisances de la concession. Une révision des relations entre les concessionnaires et l'État aurait été bienvenue. Ces concessions ont été validées, dont acte, et il semble hasardeux juridiquement d'y mettre fin de manière anticipée.

Mais il faudra nous garantir que vous aurez les capacités d'analyse économique et juridique afin d'éclairer les choix futurs.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - L'État connaît son patrimoine autoroutier concédé. Nous aidons les collectivités territoriales à faire l'inventaire de leur patrimoine et l'entretien nécessaire. À l'approche du terme de la concession, notre contrôle sur les investissements nécessaires se renforce, afin d'éviter les surinvestissements après l'échéance. Sur les ponts de Normandie et de Tancarville, dont la concession s'achève en 2027, des travaux ont été réalisés entre 2018 et 2020.

Nos services, appuyés par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) par exemple, ont les moyens d'assurer ces contrôles.

M. Didier Mandelli .  - Quinze ans après leur privatisation, les sociétés concessionnaires affichent des résultats élevés. Les conditions de la privatisation étaient avantageuses !

Si les clauses de 2015 ont rééquilibré les rapports entre l'État et les concessionnaires, la défiance menace les projets de travaux. Il est urgent de réunir les acteurs pour négocier des clauses solides, durables, en toute transparence.

Les enjeux du développement durable doivent être pris en compte par les concessionnaires, notamment pour intégrer des bornes de recharge électriques, des aires de covoiturage et des plateformes multimodales. De nouvelles négociations sont-elles envisagées au plan financier et environnemental ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Depuis 2015, l'encadrement des sociétés concessionnaires a été renforcé. Le sujet des bornes électriques démontre que l'on peut agir concrètement, avec 600 millions d'euros investis en trois ans. Il ne faudrait pas recréer des zones grises de la mobilité.

Des pactes de relance autoroutière ont pu être signés, comme avec la région Sud. Je suis favorable à l'organisation d'un sommet des autoroutes afin de débattre des modalités de gestion, du pilotage public et des grands enjeux. Le Gouvernement est à votre disposition pour avancer sur ce sujet important.

M. Didier Mandelli.  - Nous sommes intéressés par le sommet des autoroutes, auquel devront participer l'Afitf, l'Assemblée nationale et le Sénat. C'est indispensable pour rétablir la confiance.

M. Éric Jeansannetas .  - Des zones d'ombre persistent dans le système des sous-concessions, qui gèrent les aires de service, notamment sur la modération des tarifs des carburants.

La commission d'enquête préconise de prévoir explicitement que l'ART peut collecter directement auprès des sous-concessionnaires toute information utile pour contrôler le respect des engagements de fixation des prix ou la durée des sous-concessions ; d'étendre l'obligation de modération tarifaire aux carburants alternatifs et de prévoir un suivi régulier des prix réels. Un contrôle de second niveau serait réalisé par l'ART, assorti d'un pouvoir de sanction.

Monsieur le ministre, comptez-vous appliquer ces deux recommandations ?

La crise sanitaire a mis en lumière le rôle des aires de service pour la restauration et l'hygiène des routiers et commerciaux. Leurs magasins ont cependant subi de lourdes pertes. Une société creusoise, Picoty Autoroutes, qui détient 25 sous-concessions, a perdu 1,2 million d'euros en 2020. Pendant ce temps, les principaux concessionnaires obtenaient 2 milliards d'euros de résultat net et de dividendes, tout en refusant de compenser le manque à gagner. Un rééquilibrage entre concessionnaires et sous-concessionnaires est-il envisageable ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Nous sommes favorables au renforcement des contrôles de l'ART sur les sous-concessions. Des réflexions sont en cours.

Nous avons conscience des difficultés financières des aires de service, qui ont connu des pénuries durant les premiers jours de la crise. Nous avons rouvert en urgence 400 services de restauration. J'ai demandé une réunion de concertation avec l'Association des sociétés françaises d'autoroutes et d'ouvrages à péages (ASFA) et l'Association des sous-concessionnaires d'autoroutes (ASCA), ce qui facilitera les négociations contractuelles.

M. Jean-Pierre Grand .  - Le contournement ouest de Montpellier, chaînon manquant de six kilomètres entre l'A 750 et l'A 709, est hautement prioritaire. En septembre dernier, le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable, sous réserve de la finalisation de son financement de 300 millions d'euros. Une prise en charge par ASF présenterait de nombreux avantages : cela ne coûterait rien aux contribuables, ni aux collectivités territoriales, ni aux usagers. Dépassons les dogmatismes archaïques. Pour sortir de la crise, nous avons besoin de l'investissement privé. La concession est un cadre qui a démontré ses avantages. La déclaration d'utilité publique (DUP) doit être signée en septembre 2021. L'adossement à la concession ASF est la seule solution.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Le coût total de ce projet est estimé à 280 millions d'euros. Quelque 25 millions d'euros ont déjà été engagés dans le CPER 2015-2020 mais la métropole de Montpellier s'est désengagée du projet. L'adossement à la concession ASF pose des questions de droit, et nécessitera une saisine du Conseil d'État. Nous tiendrons informés tous les acteurs locaux de l'évolution du dossier, afin de tenir compte de l'échéance. Soyez assuré de notre plein investissement sur ce dossier.

M. Jean-Pierre Grand.  - Ce dossier ne pose pas de problème : il ne s'agit que de six kilomètres... La concession de l'A9 se termine en 2031. L'État doit signer la DUP avant septembre. Espérons que le Conseil d'État prendra une décision sage, conforme à l'intérêt général.

M. Patrick Chaize .  - Le concept d'adossement, qui augmente la durée de la concession en échange d'investissements non prévus dans le contrat, est regrettable, car il transforme le contrat et donne le sentiment d'une concession perpétuelle, difficilement acceptable. Si l'extension du réseau répond à une procédure spécifique, certains investissements ne peuvent être dissociés du contrat, comme l'intégration des évolutions technologiques - bornes de recharge électriques par exemple. Comment le déploiement des bornes électriques avance-t-il ?

Comment intégrer les investissements nécessaires aux véhicules connectés avant l'échéance des concessions ? Il y a urgence.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Nous sommes au bon niveau de financement et d'avancement sur les bornes électriques.

Nous travaillons sur plusieurs projets relatifs aux véhicules connectés : 3 000 kilomètres sont déjà équipés de bornes grâce aux 44 millions d'euros investis en sept ans, avec un objectif de 5 000 kilomètres en 2024.

La France préside la plateforme technique européenne dédiée : 95 % des spécifications qu'elle propose sont acceptées, ce qui est un motif de fierté et ouvre des opportunités. Nos autoroutes continueront d'être à la pointe de l'innovation.

M. Patrick Chaize.  - Ces évolutions technologiques auront des conséquences environnementales. La transparence est le gage de la confiance.

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Sénateur de l'Essonne, je milite pour la gratuité des tronçons franciliens de l'A10 et l'A11.

Le rapport de notre commission d'enquête esquisse des réponses.

Les autoroutes périurbaines sont structurantes pour la deuxième couronne urbaine francilienne. En quarante ans, l'étalement urbain a eu pour conséquence un triplement de la population. Les investissements dans les transports collectifs sont concentrés dans le coeur de l'agglomération, alors qu'ils se dégradent dans la seconde couronne. La loi ALUR prévoit d'y entasser toujours plus de logements, quitte à multiplier les trajets domicile-travail.

Je vois deux solutions : l'application de la clause de plafonnement de la rentabilité des concessions selon le protocole de 2015, jamais mise en oeuvre, et la création d'une taxe sur les dividendes versés par les concessionnaires. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - J'ai déjà répondu à Mme Guidez sur ce sujet. Des pistes d'améliorations doivent être étudiées, notamment sur le trafic des poids lourds. Une contribution régionale pourra être envisagée ; c'est le cas en Ile-de-France. Des aménagements sur les voiries départementales sont possibles pour traverser les zones habitées.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Vous êtes le neuvième ministre depuis vingt ans que je suis élu. N'oublions pas que le taux de rentabilité des concessionnaires dépasse 30 % et que leurs dividendes sont supérieurs aux résultats nets. Ils sont peu affectés par la crise sanitaire : Cofiroute a vu son bénéfice passer de 31,6 % à 35,9 % entre 2019 et 2020. De grâce, monsieur le ministre, soyez celui qui fera bouger les choses !

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d'enquête .  - Je remercie M. le ministre pour sa disponibilité. Nous sommes également demandeurs d'une audition devant la commission d'aménagement du territoire pour aller plus loin. J'entends dans votre bouche un ni-ni, ni renationalisation ni prolongation. Vous voulez un meilleur encadrement des contrats. Tant mieux.

Point de concession-bashing dans notre rapport : la concession de service public est un outil utile, mais elle suppose un suivi rigoureux. Comme le disait M. Bocquet, les rapports d'inventaire, pourtant prévus, ne sont pas disponibles : c'est anormal, alors qu'ils doivent être mis à jour tous les cinq ans.

Le suivi des sous-concessions doit également être renforcé, pour plus de transparence.

Les rapports se multiplient - Autorité de la concurrence en 2013, Cour des comptes, Sénat... - mais les sociétés concessionnaires ne semblent pas les lire. Seule Eiffage nous a répondu et nous avons tenu compte de ses remarques. Je regrette aussi que l'ART soit aussi peu transparente sur son évaluation de la rentabilité des contrats en cours. Elle doit nous transmettre les valeurs d'actifs pour que nous puissions travailler ensemble.

On nous oppose le « secret des affaires ». Mais les prévisions que nous avons publiées dans le rapport sont en ligne avec celles des concessionnaires. (MM. Jérôme Bascher et Jean-Raymond Hugonet s'en félicitent.)

Monsieur Grand, la concession d'ASF prend fin en 2036.

Je remercie tous les participants à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes CRCE et SER)

La séance est suspendue quelques instants.

« Écriture inclusive : langue d'exclusion ou exclusion par la langue »

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Écriture inclusive : langue d'exclusion ou exclusion par la langue », à la demande du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires .  - Au collège, je m'interrogeais souvent devant les règles d'orthographe de notre belle langue. Pourquoi dit-on le soleil et la lune alors qu'en allemand, le genre de ces mots est inversé ? Pourquoi les mots orgue, délice et amour sont-ils masculins au singulier mais au féminin au pluriel ? Mon professeur me répondait : « parce que c'est comme ça ! » En vérité, personne ne le sait. C'est ainsi -   je ne dis pas que cela devrait être ainsi.

La langue n'est pas une création théorique mais une osmose des usages, après un travail lent et laborieux. Loin d'être un bloc de marbre froid, une langue est un corps, une glaise qui se modèle, se transforme et se patine avec le temps.

Ni linguiste, ni philosophe, je me borne à exprimer une opinion de bon sens. Une langue n'est pas le fruit de revendications identitaires et partisanes animées par un militantisme désuet. En découvrant l'écriture inclusive, j'ai cru à une fantaisie, un caprice de l'esprit. Ce serait dérisoire si cela ne reflétait pas une fracture dans la société.

Nous ne sommes pas tous égaux face à la langue et à l'orthographe française. Nous observons une lente et pernicieuse dégradation de l'apprentissage de notre langue chez les jeunes générations. Nos enseignants sont désespérés. Trop étudiants ne savent pas construire une phrase simple, ne disposent que d'un vocabulaire d'une pauvreté abyssale.

Selon le linguiste Alain Bentolila, 20 % des jeunes possèdent de moins de 500 mots pour dire le monde. Il n'est pas exagéré de parler d'une génération sacrifiée. Les nouvelles technologies et les « réseaux anti-sociaux », selon les mots de Claude Malhuret, n'aident pas. Il faudra une décennie pour rattraper ce temps perdu.

L'écriture inclusive est d'origine anglo-saxonne ; elle est défendue par des féministes dénonçant une masculinisation à marche forcée de la langue française et l'invisibilité de l'appartenance sexuelle. Elle critique la règle du XVIIe siècle selon laquelle le masculin l'emporte sur le féminin. Le grammairien académicien Nicolas Beauzée précisait : « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». C'était en 1767 !

L'histoire ne se regarde pas avec les yeux d'aujourd'hui. Nous pouvons comprendre la colère que de tels jugements peuvent entraîner et tenter de corriger ce soi-disant déséquilibre. Il n'est pas question d'interdire d'interroger l'orthographe.

Mais l'écriture inclusive ne s'arrête pas là. Elle consiste aussi à interférer des points médians à la fin des noms - vu la difficulté, cela met du temps à se répandre. En mars 2017, un premier manuel scolaire de CE2 est écrit en écriture inclusive ; des associations et des collectivités territoriales tentent aussi de l'imposer. Tout viendrait de la confusion entre genre grammatical et identificateurs de sexe.

Les partisans de l'écriture inclusive ont-ils parlé à nos concitoyens ? Lorsque j'évoque le sujet, on me regarde avec des yeux ronds !

Cette graphie est devenue pour les « éveillés » un signe extérieur de richesse culturelle, la Rolex de la bien-pensance. On l'utilise dans son CV pour intégrer un cercle. Rachel Khan l'a bien décrit dans son dernier ouvrage. Je me refuse à définir mes concitoyens par leur couleur de peau, leur genre, leur origine.

Jacques Derrida affirmait : « Je n'ai qu'une langue et ce n'est pas la mienne ». La langue n'est pas un outil idéologique. Plutôt que d'écrire des points médians, mettons un point final à la discussion.

Reléguer la gent féminine à un « e » final séparé par un point serait un violent renoncement à l'égalité. L'écriture inclusive vise à inclure des personnes qui se sentiraient exclues en raison de leur genre, ethnicité ou religion. Faudra-t-il modifier la langue sous l'influence d'autres groupes de pression, après les féministes ? Devons-nous accepter cette « archipélisation » de la société française, selon le mot de Jérôme Fouquet, cette dictature qui conduit Jacques Julliard à estimer que la société de l'individu prend le pas sur la République des citoyens ? Ces groupes défendent des intérêts particuliers.

République, liberté, égalité, fraternité sont quatre mots féminins dont je ne revendique pas la masculinisation. Ils sont trop précieux, trop lumineux et universels. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE)

M. Max Brisson .  - L'écriture inclusive défraie la chronique ; elle caricature le combat féministe.

Premier présupposé : la langue reflèterait l'ordre du monde. Aujourd'hui, l'écriture inclusive servirait une lutte féministe. Demain, quelle lutte servira-t-elle ?

Erick Orsenna, dans La Fabrique des mots, décrit un dictateur qui, voulant lutter contre les bavardages inutiles, déclare la guerre aux mots - plus facile que d'affronter le chômage.

Le masculin l'emporte sur le féminin. Cette règle cristallise les attaques des partisans de l'écriture inclusive. Les linguistes déconstruisent l'idée que cela aurait un rapport avec la soumission des femmes. L'accord de voisinage selon lequel « le coeur et la main ouvertes » est débattu depuis le début du XVIIe siècle, et est resté enseigné jusqu'au début du XXe siècle dans les manuels de grammaire. (M. Jean-Pierre Sueur le confirme.)

En France, le masculin est le genre de base portant la généralité. C'est au masculin qu'est formé le participe dans « j'ai écrit », même si le sujet est une femme.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est l'accord du participe passé. Cela n'a rien à voir !

M. Max Brisson.  - C'est au masculin qu'on substantive les différentes catégories grammaticales comme le froid, le chaud, le pour, le contre et même le qu'en-dira-t-on.

L'écriture inclusive entraîne l'exclusion : multiplication des lettres muettes, révision de la ponctuation, complexité des règles d'accord... Autant de difficultés nouvelles qui entraînent une perte de compréhension.

Quels sont les bénéficiaires de l'écriture inclusive ? Si elle n'a pas à être enseignée aux enfants, à quoi sert-elle ? L'écriture inclusive créera un fossé entre ceux capables de la maîtriser et les autres.

Notre école a permis à des enfants non francophones de s'approprier notre langue et notre culture, pour faire Nation. En août 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts précisait que les arrêtés de la puissance publique devaient être clairs et exprimés en français. Ces objectifs de clarté et bonne compréhension sont des défis perpétuels.

Ni notre langue, ni notre société n'ont besoin de l'écriture inclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et INDEP)

M. Joël Guerriau .  - L'idée que le pouvoir se refléterait dans la langue n'est pas nouvelle : jamais la langue n'a été aussi modifiée que pendant la Révolution française, pour prémunir la République de tout morcellement.

Trait d'union entre les citoyens, le français a intégré des mots patois, étrangers et des innovations lexicales. Notre langue est vivante, évolutive, chargée d'histoire.

L'écriture inclusive a déjà imprimé son empreinte à travers la féminisation des métiers et des fonctions, la suppression du « mademoiselle » dans les documents administratifs et le choix spontané de mots neutres - « collègues » plutôt « sénateurs » ou « sénatrices et sénateurs ». Le mieux est l'ennemi du bien.

Il ne faudrait pas confondre les évolutions naturelles de la langue, partagées par la majorité de Français, et sa confiscation par une petite minorité porteuse de revendications égalitaristes. Cette offensive lexicale se cristallise avec la tentative d'imposer le point médian dans certaines universités et collectivités territoriales.

En réalité, les autistes, les malvoyants, les dyslexiques seraient exclus de son usage, nous a alertés l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées. Pour une personne lisant par synthèse vocale sur écran, le point médian rend tout texte incompréhensible. L'écriture inclusive fabrique des discriminations.

Dans le monde, des femmes sont lapidées ou brûlées à l'acide parce qu'elles réclament de vivre librement ou refusent une demande de mariage. Choisissons nos combats.

Claire Koç, journaliste d'origine turque, a choisi la France pour ses valeurs, dont la fraternité - que certains veulent remplacer par la sororité, qui exclut les hommes.

Mona Ozouf plaide pour la nuance, et défend un féminisme à la française qui accepte la galanterie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Thomas Dossus .  - Merci au groupe INDEP pour ce débat capital sur le péril civilisationnel urgent de l'écriture inclusive et du terrifiant point médian ! Malgré la pandémie, la crise sociale, l'effondrement de la biodiversité, vous avez su garder la tête froide et proposer un vrai débat.

La langue, construction culturelle et sociale, reflète les évolutions et les rapports de force. Elle détermine en partie la façon dont nous appréhendons le réel.

Le langage porte en lui des questions politiques. L'écriture inclusive ou le souci d'une communication inclusive sont un travail sur le langage, un processus de réappropriation de la langue pour plus d'égalité. Le point médian n'est pas l'alpha et l'oméga de l'écriture inclusive mais concentre les polémiques. (Mme Marie-Pierre Monier approuve.)

Des militants ont réfléchi et fait une proposition rompant avec l'ordre établi ; les réactionnaires, paniqués, ont monté le sujet en épingle pour nier l'exigence d'égalité.

Les polémiques se cristallisent sur des faux problèmes et nous finissons par disserter sur de la typographie !

On peut s'interroger sur la communication, y compris dans nos administrations, qui invisibilise la moitié de la population.

Non, le point médian n'est pas un « péril mortel » ni un « risque civilisationnel ». La langue française, vivante, évolue en fonction de celles et ceux qui la parlent. Il serait illusoire de la figer comme une langue morte.

C'est vrai, l'usage du point médian rend la lecture difficile aux personnes porteuses de handicap. C'est pourquoi Jean-Michel Blanquer en interdit l'usage à l'école. C'est le bal des tartuffes : on ne se soucie plus des enfants handicapés lorsqu'il s'agit de revaloriser les salaires des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Max Brisson.  - Démagogie !

M. Thomas Dossus.  - Le fond du problème, c'est la prédominance du masculin dans notre langue. Le latin reconnaissait trois genres : féminin, masculin et neutre ; ce dernier a disparu au profit d'un masculin générique.

Au Moyen-Âge, la langue, plus libre dans son usage, était épicène : elle faisait la part belle au féminin et au masculin dans de nombreuses occasions. Même lors de la fondation de l'Académie française par Richelieu, la règle de prédominance du masculin n'était pas aussi fortement affirmée qu'aujourd'hui. On préférerait l'accord de proximité. La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen le respecte : tous les Citoyens « sont également admissibles à toutes -  et non tous  - dignités, places et emplois publics ».

Il n'y a pas d'un côté un usage pur et traditionnel de la langue, et de l'autre de soi-disant délires séparatistes.

Le processus d'évolution de la langue nous élève. Oui, il est possible de communiquer en incluant la diversité de la société. Non, vous ne serez jamais forcés d'utiliser le point médian.

Le discours que je viens de tenir, comme tous ceux du GEST, respecte l'écriture épicène que vous fustigez tant. Nul n'a jamais estimé que la langue française s'en trouvait malmenée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vive l'épicène !

M. Julien Bargeton .  - Sénatrices, sénateurs...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Jusque-là, ça va !

M. Julien Bargeton.  - C'est un débat piège où l'on est rapidement pris en tenaille entre une hypermodernité et une attitude ultraconservatrice. C'est un débat de talk show de chaîne d'information en continu.

Il existe d'autres façons de faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat. Je suis choqué que certains résistent à la féminisation des fonctions. Dire « Mme la présidente » et « Mme la maire » me semble évident. Ces débats sont anciens, y compris en France. Longtemps, un maire de Paris a commencé ses discours par « Parisiennes, Parisiens ».

Roland Barthes, dans son discours inaugural à l'Académie française en 1977, a dit : « La langue, comme performance de tout langage, n'est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire. » Puis, il a déclaré : « Tout d'un coup, il m'est devenu indifférent de ne pas être moderne. »

Je remercie l'orateur précédent d'avoir reconnu que les associations de défense des personnes en situation de handicap soulignaient les difficultés engendrées par l'écriture inclusive.

Sous prétexte de progrès, on complique la langue et on ralentit le mouvement démocratique vers une plus grande lisibilité, en marche depuis le XVIe siècle.

Près de 10 % des élèves de 6ème ne maîtrisent pas convenablement le français : l'écriture inclusive compliquerait encore leur apprentissage.

Depuis Villers-Cotterêts, les documents publics sont rédigés dans une langue claire et partagée. La langue française rayonne à l'étranger.

Il faut cependant savoir, comme Roland Barthes, vivre dans la nuance. Aussi, je ne suis pas favorable à l'utilisation maximaliste de l'écriture inclusive, mais pas non plus à son interdiction.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est le « en même temps » !

M. Julien Bargeton.  - D'autres moyens plus efficaces existent pour défendre l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. Bernard Fialaire .  - Le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes, inscrit à l'article premier de la Constitution, est une juste cause qui mérite une action résolue et ambitieuse.

L'article 2 dispose que la langue de la République est le français ; socle fondamental de notre fraternité républicaine, facteur d'intégration et de rayonnement.

L'écriture inclusive interroge notre façon de faire société par le langage. Elle repose sur la féminisation des titres -  l'Académie française y est favorable  - pour lutter contre l'invisibilisation des femmes, et sur l'inclusion des deux sexes par le point médian. Ce second principe, qui consiste à écrire « électeur.rice.s », attise les passions.

Albert Camus écrivait : « Oui, j'ai une patrie, la langue française. » Mais le désir d'égalité n'excuse pas le façonnage des consciences. L'écriture inclusive conduit à la déconstruction de la langue et à une politisation du langage par une minorité de cercles militants très restreints. Sa généralisation est au mieux prématurée, au pire non souhaitable.

« Dès qu'elle est proférée, fût-ce dans l'intimité la plus profonde du sujet, la langue entre au service d'un pouvoir », écrivait Roland Barthes. Le français est riche d'un passé glorieux. Nos écrivains et diplomates illustres l'ont utilisé. Il ne doit pas être instrumentalisé au service d'une repentance anachronique. Alors que les élèves ont de plus en plus de mal à écrire, n'alourdissons pas son apprentissage. La confusion confine à l'illisibilité.

L'écriture inclusive consacre une rupture sans précédent entre la langue parlée et la langue écrite. Les services publics ne peuvent user d'un langage discriminant. Il est heureux que Jean-Michel Blanquer l'ait interdit dans les manuels scolaires.

Je ne peux me résoudre à lire un roman en langue épicène. De grâce, n'allongeons pas les phrases de Marcel Proust ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Pierre Ouzoulias .  - Mesdames les sénatrices, mesdames les sénateurs, messieurs les sénateurs, chères collègues, chers collègues, « nous voulons que doressenavant tous arrestz ensemble toutes autres procedeures soient [...] enregistrez & delivrez aux parties en langage maternel francoys, et non autrement ».

Vous aurez reconnu le texte de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, prise par François 1er en 1539.

Quatre siècles plus tard, l'article 2 de la Constitution de 1958 déclare le français langue de la République. Mais de quel français s'agit-il ? Selon Villers-Cotterêts, il s'agit de la langue maternelle. Or, elle évolue en France comme dans le monde. Elle n'est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.

Le français est la langue de 300 millions de personnes dans le monde. Les locuteurs étrangers lui apportent beaucoup. En 1979, le Québec recommandait ainsi la féminisation des titres et fonctions. La proposition d'Yvette Roudy en 1986 suscita l'ire de ses opposants qui lui reprochèrent de vouloir « enjuponner le vocabulaire ». La situation a évolué, même si 28 de nos collègues femmes demandent qu'on leur donne du « sénateur ». En revanche, je n'ai pas trouvé d'homme revendiquant le titre de « sénatrice ». (Quelques rires)

Même les services du Sénat n'appliquent pas les consignes de l'Académie : les comptes rendus conservent les deux accents aigus à « événement ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'Académie en laisse la liberté !

M. Pierre Ouzoulias. Néanmoins, ces franchises linguistiques doivent s'exercer dans le respect de l'esprit de la langue et de ses usages afin qu'elle demeurât...

M. Antoine Lefèvre.  - Il fallait le placer !

M. Pierre Ouzoulias.  - ...intelligible et maîtrisable par le plus grand nombre.

La communauté francophone de Belgique demande à ce que l'écriture inclusive ne rende pas la langue illisible.

Nous eussions préféré... (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) ...débattre du recul du français dans de nombreux domaines, notamment dans celui de la recherche où les organismes nationaux obligent autoritairement leurs agents à publier dans un vague volapük anglais. Il est temps d'appliquer la loi Toubon, madame la ministre !

M. Max Brisson.  - C'est vrai !

M. Pierre Ouzoulias.  - Faisons vivre notre langue et n'en figeons point l'usage.

Je conclus par une citation d'Ernest Renan : « les langues sont des formations historiques, qui indiquent peu de chose sur le sang de ceux qui les parlent. Une considération exagérée donnée à la langue a ses dangers. On se renferme dans une culture déterminée, tenue pour nationale ; on se limite, on se claquemure. On quitte le grand air qu'on respire dans le vaste champ de l'humanité pour s'enfermer dans des conventicules de compatriotes ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. Mme Sylvie Vermeillet et quelques membres du groupe Les Républicains applaudissent également.)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis les années 1960 et particulièrement le début des années 2000, nos sociétés voient évoluer la place des femmes sans que l'appellation des métiers ne change.

Ce combat me tient à coeur comme présidente de la délégation aux droits des femmes.

L'écriture inclusive se présente comme un outil offrant une meilleure visibilité aux femmes mais croyons-nous qu'une modification des règles grammaticales nous fera parvenir à l'égalité ? De fait, elle pose des difficultés d'apprentissage. De nombreux parents et enseignants y sont hostiles. Jean-Michel Blanquer s'est prononcé contre cette pratique en octobre 2017.

L'Académie française a pointé le risque de l'écriture inclusive sur l'unité de la langue. Elle pose également problème pour les personnes handicapées en raison du décalage graphie-phonie que les programmes de synthèse locale ne traitent pas.

Mme Laurence Rossignol.  - Y a-t-il des études le montrant ?

Mme Annick Billon.  - Tous les systèmes d'écriture ont vocation à être oralisés. « Cher·e·s » ne se prononce pas.

La pratique de l'écriture inclusive s'avère excluante, complexe et élitiste. Je ne crois pas qu'elle favorise une évolution du sort fait aux femmes.

La meilleure visibilité des femmes est un combat à poursuivre mais les mutations syntaxiques n'accéléreront pas les mutations sociales. C'est le sort des femmes qui doit évoluer, non la langue.

Ayons une pensée pour Chahinez Boutaa et les 38 dernières victimes de féminicides. En matière de violence, le féminin l'emporte sur le masculin ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Ce qui n'est pas nommé n'existe pas », écrivait le poète turc Ilhan Berk. La langue joue un rôle dans notre représentation du monde. Elle a invisibilisé les femmes. Leur redonner leur place est l'objectif de l'écriture inclusive, que je préfère appeler « écriture égalitaire ». Je vous invite à l'étudier sans la caricaturer. Il existe de nombreux outils, parmi lesquels le point médian, pour cette écriture qui encourage une égalité de représentation. Le point médian suscite critiques et inquiétudes. Je les entends, mais il faut penser une écriture inclusive la plus lisible possible.

L'argument de l'esthétisme est subjectif ; Il a déjà été utilisé contre la féminisation des mots.

Il y aurait un masculin neutre et un masculin désignant les hommes. Or, les psycholinguistes témoignent que le masculin générique s'efface devant le masculin spécifique. Lorsque l'on dit « sénateur », on visualise un homme. La féminisation des titres, désormais mieux acceptée, est donc nécessaire.

Il n'a jamais été question d'imposer l'usage de l'écriture inclusive mais de garantir la liberté de l'utiliser, a contrario de ceux qui veulent l'interdire. (Mmes Laurence Cohen et Michelle Meunier applaudissent.)

La professeure de littérature Éliane Viennot nous invite à « réfléchir aux meilleures pratiques de l'écriture inclusive et aux moyens de la diffuser », à « mesurer sérieusement ses effets psychosociaux et son impact sur les inégalités », plutôt que de « la peindre, encore et encore, en péril mortel ». Elle conclut : « La langue est le ciment de notre culture. Réjouissons-nous de la voir pensée, discutée, négociée. » (Applaudissements sur les travées du groupe SER. Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - « La langue française est une femme et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle », écrivait Anatole France. Existe-t-il une langue qui incarne mieux le respect de la féminité, le romantisme et la poésie que le français, cette langue magnifique aussi présente dans la littérature que dans la diplomatie ?

Être français, c'est d'abord parler français, comme le rappelle l'article 2 de la Constitution. Elle est une racine profonde de notre civilisation et de notre culture, ce qui faisait dire à Albert Camus que sa patrie était la langue française.

Mais l'heure est, pour Emmanuel Macron, à la déconstruction de notre histoire et de notre langue. Mme de La Fayette, la comtesse de Ségur, George Sand savaient-elles qu'elles utilisaient une langue sexiste ?

L'écriture inclusive, cette idiotie, doit être bannie des écoles, universités et établissements publics. Cette succession de points est illisible pour les malvoyants, les dyslexiques ou les étudiants étrangers. Les saccades sont autant de saccages. L'épicène est obscène.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est totalement ridicule !

M. Stéphane Ravier.  - Les partisans de l'écriture inclusive sont les mêmes qui veulent faire table rase du passé et refusent de commémorer la mort de Napoléon. Ils défendent le poison de la repentance perpétuelle. Ils ont les mêmes motivations, le même virus mortel : la haine de la France.

Voici ce que donnerait un extrait de L'albatros de Baudelaire en écriture inclusive : « Le·a poète est semblable au·à la prince·sse des nuées qui hante la tempête et se rit de l'archer·ère ; exilé·e sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant·e l'empêche de marcher. »

Cet exemple suffit à monter le danger de l'écriture inclusive pour la beauté de notre langue !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Camus n'aurait pas applaudi. Le citer est une imposture !

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les difficultés posées par l'écriture inclusive en matière d'apprentissage auraient dû suffire à clore le débat.

Forte de mon expérience d'enseignante, j'approuve l'interdiction de l'écriture inclusive imposée par Jean-Michel Blanquer.

La structure de la langue ne doit ni être déconstruite, ni complexifiée.

Les femmes sont majoritaires au sein des populations illettrées : à rebours de ses objectifs, l'écriture inclusive les pénaliserait. Elle dessert la compréhension des textes en modifiant la ponctuation et les structures grammaticales.

Du reste, avec le point médian, le féminin viendrait toujours après le masculin. Nous devrions plutôt apprendre la différence entre le genre des mots et le sexe de la personne. Nous courons le risque de l'essentialisation des femmes. Les autrices, les actrices sont d'abord distinguées en tant que femmes. Pourtant notre époque refuse les déterminismes de genre et certains rejettent l'assignation à leur sexe.

Visuellement, le point n'inclut pas mais établit une séparation entre la forme masculine et la marque du féminin. De nombreux linguistes ont démontré le caractère excluant de cette écriture : ils ont été 32 à signer une tribune dénonçant les effets d'éviction de l'écriture inclusive. Il s'agit d'ailleurs d'un nom de domaine déposé en 2016 par une société de communication...

N'oublions pas les enfants et ne leur imposons pas une difficulté supplémentaire. Laissons à chacun le choix d'utiliser les mots qu'il souhaite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail remarquable d'Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes.

Le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes nous concerne tous. Les noms de fonctions se féminisent. La langue n'est pas figée. Mais l'écriture inclusive est une aberration qui repose sur l'idée fausse selon laquelle les femmes auraient été exclues de la langue française en raison de la règle du masculin qui l'emporte sur le féminin. Mais cela n'est qu'un masculin grammatical. Si les femmes ne parlent plus comme Ronsard -  qui disait « la rose avait déclose » - c'est que le masculin grammatical est plus facile à prononcer. Personne ne peut voir dans cette règle la transposition d'une supposée prédominance de l'homme sur la femme comme ils voudraient nous le faire croire.

Mme Laurence Rossignol.  - Et les féminicides ?

M. Pierre-Antoine Levi.  - Notre langue est genrée comme l'italien et l'espagnol. Certains genres sont arbitraires : la girafe peut être un mâle. Les piliers de notre République sont bien féminins : liberté, égalité, fraternité. Les hommes devraient-ils s'émouvoir d'être une sentinelle, une sage-femme ou une nouvelle recrue ?

Quand on sait que 25 % des élèves de 6e ont des difficultés à écrire, pourquoi complexifier encore notre langue ? Clémentine Autain, dans un tweet, parle des droits des « étudiant.e.s bafoué.e.s »... alors que ce sont les droits qui sont bafoués. Si les chantres de l'écriture inclusive font des fautes d'orthographe, comment s'y retrouver ?

Et quid de nos amis francophones ? Ne rompons pas les liens. Le sexe ne devrait pas être assimilé à l'identité de genre. Ici on en revient au sexe.

Je conclus par un passage de la tribune de 32 linguistes dans Marianne, en septembre 2020 : « En introduisant la spécification du sexe, on consacre une dissociation, ce qui est le contraire de l'inclusion. En prétendant annuler l'opposition de genre, on ne fait que la systématiser. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Piednoir.  - Très bien !

Mme Laurence Rossignol .  - (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.) Chers collègues sénateurs... Cette entrée en matière était courante il y a une quinzaine d'années. Et celles et ceux qui choquaient étaient celles et ceux qui féminisaient les fonctions. Quand cette évolution a eu lieu, elle a rencontré d'énormes réticences. Cela a changé. À l'Assemblée nationale, un député a été sanctionné car il s'obstinait à appeler la présidente « madame le président ». La langue évolue car la société évolue.

Quand je dis « mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs », je m'exprime en langage inclusif. On ne dit pas « la » balai au motif que ce sont les femmes qui le passent... (Quelques rires et protestations amusées.)

Le masculin serait générique avant d'être masculin. Prenons l'exemple des droits de l'homme. Les femmes ne s'entendent pas dans cette expression. Mais les droits de l'homme n'ont pas concerné initialement les femmes.

M. Max Brisson.  - Réécriture !

Mme Laurence Rossignol.  - Monsieur Brisson, je ne vous ai pas interrompu tout à l'heure, pourtant certains éléments m'ont écorché les oreilles.

C'est pourquoi je préfère parler des droits humains. Il faut une meilleure lisibilité des femmes dans la langue. Il y a les mots épicènes et, donc, le point médian. Quelle grande affaire !

M. Stéphane Piednoir.  - Quelle horreur !

Mme Laurence Rossignol.  - Ce serait une revendication des féministes radicales et excessives ? Les bonnes féministes sont toujours celles du passé -  mais elles étaient à l'époque dénoncées comme excessives et radicales ! Mais sont-elles en cause ?

On compte quatre propositions de loi pour interdire l'écriture inclusive, un débat, une circulaire du Premier ministre, une intervention du ministre de l'Éducation nationale : le combat contre le point médian est devenu politique. Ce sont les mêmes qui ont combattu le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, l'allongement du délai d'interruption volontaire de grossesse (IVG). Puisqu'ils ont perdu ces combats, ils veulent une nouvelle croisade. Je vous souhaite une bonne bataille. Pendant ce temps, la société évolue. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Anne Ventalon .  - La langue a pour but la communication. Le français a été la langue de la diplomatie européenne puis de l'olympisme. C'est un bien collectif. Le français est la langue qui compte le plus de prix Nobel de littérature. Elle est syllabique et peut se lire à haute voix. C'est aussi une langue irrégulière difficile à apprendre.

Mais certains voudraient encore la complexifier et la transformer en un étrange sabir, comme le javanais, le louchébem ou le verlan, un idiome qui ne serait compris que d'un petit groupe qui cultive l'entre soi.

Mais ces facéties ne nous amusent plus. Nous passons de Queneau à Orwell, de l'argot à la novlangue. En imposant des écrits indéchiffrables, ses partisans sapent le travail de nos instituteurs et professeurs de français.

En fin de troisième, 15 % des élèves ne maîtrisent pas le français. Les orthophonistes nous alertent sur les dégâts de l'écriture inclusive pour les dyslexiques, les malvoyants, les personnes âgées.

Est-ce vraiment la grammaire qui a mis les femmes en état de minorité ? Les langues turque, persane, chinoise ne distinguent pas le masculin du féminin - cela avantage-t-il les femmes ? Une langue n'est pas inerte et je me réjouis de la féminisation de certains mots. Mais n'en faisons pas un ferment de division.

Nier la structure d'une langue, c'est dire à ses locuteurs qu'ils n'ont plus rien à faire. Notre société a davantage besoin de traits d'union que de points médians. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire .  - Après vous avoir écoutés attentivement, je suis heureuse de m'exprimer au nom du ministre de l'éducation nationale sur l'écriture inclusive. Ce n'est pas un petit sujet, une lubie de quelques personnes isolées prises de passion pour un nouveau jeu littéraire. Ce n'est pas un exercice de style mais un enjeu de société, d'éducation et de politique.

La langue doit accorder métiers et fonctions selon le genre : c'est salutaire. Mais je parle ici de l'écriture inclusive au sens de la circulaire du Premier ministre du 21 novembre 2017, c'est-à-dire du point médian et des néologismes neutres tels que le pronom « iel », censé remplacer « il » et « elle ». Cette écriture inclusive dépasse aujourd'hui la sphère militante. Elle est présente dans certains journaux, des publicités, les réseaux sociaux. Elle se développe à l'université, encouragée par certains professeurs au détriment de certains élèves. D'autres l'emploient dans leurs copies et des enseignants se sentent dépassés par le phénomène. Pourquoi prendre le risque de se mettre à dos élèves ou collègues ? Comment résister à la pression, voire aux intimidations ?

La réponse, c'est l'institution. L'État est le seul à pouvoir fixer la norme. Je le redis avec force et conviction : l'écriture inclusive est un danger pour notre école, notre langue, les principes de notre République.

Mme Laurence Rossignol.  - L'écriture inclusive ou le point médian ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - Je ne vous ai pas interrompue.

Nul ne peut contester la difficulté d'écriture. On bat en brèche l'apprentissage de la lecture. On disloque les mots, on les fend en deux. On est contraint à la myopie : on ne voit plus que le mot, on perd le sens de la phrase. On perd le sens tout court ! On est ramené au déchiffrage : c'est une régression. (Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol protestent.)

Les enfants apprennent à lire en suivant cinq étapes successives. Aucun élève n'apprend dans le flou. Les mêmes règles sont enseignées à tous et doivent être claires.

À l'inverse, les militants de l'écriture inclusive font évoluer leurs règles syntaxiques d'une semaine à l'autre. Ils ont leurs radicaux et leurs modérés.

Mme Laurence Cohen.  - C'est une caricature !

Mme Laurence Rossignol.  - C'est indigne d'une ministre !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - Peut-on se payer le luxe, en France, d'aggraver les difficultés de lecture de nos élèves ? En dépit d'une grande progression depuis 2018, trop d'élèves sont encore en difficultés à l'entrée en sixième.

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas à cause de l'écriture inclusive !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - Le président honoraire Bernard Cerquiglini l'a dit : l'écriture inclusive rompt avec le mouvement progressiste qui milite depuis le XVIe siècle pour la lisibilité démocratique de la langue.

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - Elle est en outre inadaptée aux élèves présentant des troubles dys de l'apprentissage, dont la dyslexie, et à ceux qui sont en situation de handicap.

Mme Laurence Cohen.  - C'est n'importe quoi !

M. André Gattolin.  - Si, c'est vrai !

Mme Laurence Cohen.  - La dyslexie n'a rien à voir.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - La typographie de l'écriture inclusive ne se lit pas, ne se dit pas : elle n'a aucunement sa place dans notre école.

M. Antoine Lefèvre.  - Et aucun avenir.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - Comme l'écrivait Jean Zay...

Mme Laurence Cohen.  - Encore un exemple masculin !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - ... l'école doit rester cet asile inviolable où les querelles des hommes ne doivent pas pénétrer.

C'est pourquoi mon ministère vient de publier une circulaire interdisant l'usage de l'écriture inclusive dans l'enseignement. L'école est le creuset de la République. Ce qui touche aux principes fondamentaux de notre République touche à l'école.

La généralisation de l'écriture inclusive marquerait la fin de la francophonie. N'oublions pas que la simplicité de l'emploi constitue un avantage comparatif majeur or, il n'y a pas d'accord dans la langue anglaise. Ceux qui défendent l'écriture inclusive font le choix de fragiliser notre langue par l'excroissance des mots. (M. Max Brisson approuve.)

Mme Laurence Rossignol.  - Tellement réac' !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - L'écriture inclusive signe le déclin du français parlé dans le monde.

« L'histoire de France commence avec sa langue », nous dit Michelet. Nous sommes les bâtisseurs de la langue. La nôtre ne s'est pas faite en un jour : elle est le fruit d'une longue histoire.

Mme Laurence Rossignol.  - On apprend des choses !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - J'en suis heureuse !

Cette vérité appelle l'humilité et nous pousse à réfléchir. L'écriture inclusive participe d'une idéologie qui ne souffre pas la contestation.

C'est vrai, mieux vaudrait éviter de dire que le masculin l'emporte sur le féminin et préférer dire que les noms s'accordent au masculin ou pluriel - car ils font office de neutre. L'écriture inclusive refuse le neutre - donc l'universel. C'est en contradiction totale avec les principes de notre République qui unit avant d'exclure.

L'écriture inclusive est une méconnaissance de notre histoire et une tentative d'appauvrir notre pensée.

L'école de la République apprend à chaque enfant à habiter sa langue, à être porté par une littérature qui a toujours célébré l'esprit français de liberté et de partage.

Notre langue est notre destinée commune ; c'est par elle que nous nous projetons vers l'universel.

Sachons la garder belle et l'énoncer clairement, sans cesser de l'enrichir. Les générations futures nous sont tributaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI ; Mmes Laurence Rossignol et Laurence Cohen protestent.)

M. Max Brisson.  - Très bien !

Association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution en faveur de l'association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales, présentée par MM. Alain Richard, Joël Guerriau et plusieurs de leurs collègues, en application de l'article 34-1 de la Constitution à la demande des groupes RDPI et Les Indépendants.

M. Alain Richard, auteur de la proposition de résolution .  - Taïwan s'est séparé de la Chine continentale en 1949 après une guerre civile de plus de vingt ans qui s'est conclue par la prise de pouvoir du parti communiste chinois et l'instauration de la République populaire de Chine.

La France, puis les États-Unis, et les autres pays, reconnaissent le régime de Beijing comme le représentant de toute la Chine qui récupère le siège du pays au Conseil de sécurité de l'ONU en 1971.

Taïwan se trouve ramenée à une entité non étatique, bien que dotée de tous les attributs d'un État sur son territoire de 36 000 kilomètres carrés -  la superficie des Pays-Bas  - et de 23 millions d'habitants - la population de l'Australie.

Elle est devenue une puissance économique significative, une société ouverte, une démocratie pluraliste, avec une presse libre. Du côté du continent, l'évolution est toute autre...

La Chine populaire n'a jamais caché son souhait de faire revenir l'île dans leur souveraineté. C'est pourquoi elle a élaboré dans les années 1980 le principe « un pays, deux systèmes », appliqué ensuite à Hong-Kong, avec l'évolution que l'on connaît. Elle exerce aussi des pressions militaires, soutenues par des lois prévoyant l'emploi de la force en cas de déclaration d'indépendance...

La France, qui conduit son action internationale dans le cadre du multilatéralisme organisé, souhaite logiquement qu'une entité comme Taïwan, qui joue un rôle important des différents domaines, soit entendue par la communauté internationale.

Les organisations que mentionne notre résolution autorisent la participation d'entités non étatiques dont l'intervention est utile à leur mission. C'est le cas de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi d'Interpol, de l'Organisation de l'aviation civile et de la commission de l'ONU contre le changement climatique.

Les autorités françaises s'activent régulièrement pour obtenir un consentement à la participation de Taïwan, avec un statut d'observateur mais accès aux échanges d'information et de réflexions. Notre proposition de résolution se veut un encouragement en ce sens à notre exécutif.

Les autorités de République populaire de Chine ont accepté jusqu'en 2016 la participation de Taïwan à l'OMS -  mais ont changé avec l'élection de Mme Tsai, qui respecte pourtant le statu quo.

Nous espérons donc respectueusement que Beijing accepte de nouveau, sans infléchir ses positions de fond, la participation de Taipei à la prochaine assemblée annuelle de l'OMS.

Mme le président.  - Il faut conclure.

M. Alain Richard.  - Nous entendons respecter la loi internationale et n'engager aucune initiative qui perturberait l'équilibre fragile qui prévaut dans cette région. Nous ne pouvons que recommander la retenue et la recherche des solutions pacifiques et négociées. Cette proposition de résolution s'inscrit dans cette ligne de conduite. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, UC et Les Républicains)

M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de résolution .  - Cette proposition de résolution est conforme aux engagements de notre pays pour la santé, la sécurité aérienne, et contre la criminalité transnationale et le changement climatique, que traitent l'OMS, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), Interpol, et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Il faut, sur ces sujets qui dépassent les frontières, un effort concerté de toutes les nations.

La constitution de l'OMS fait de la santé un droit fondamental de tout être humain. Pourtant, Taïwan ne peut participer à l'OMS !

Avec la superficie des Pays-Bas, la population de l'Australie, le PNB de la Suède ou de la Turquie, Taïwan importe plus que la Russie ou le Brésil et exporte plus que l'Espagne ou l'Inde. Son volume d'échange avec la France en fait un partenaire plus important que la Thaïlande, le Nigérie, l'Indonésie ou l'Australie.

Taïwan produit 84 % des semi-conducteurs du monde : notre industrie automobile en dépend. Avec ses deux compagnies aériennes importantes et le grand transit de passagers, il est absurde que Taïwan soit exclu de l'OACI et d'Interpol.

Avec une petite dizaine de morts du Covid et seulement un millier d'infections, Taïwan a été salué pour sa gestion de la crise sanitaire. Le pays a offert 54 millions de masques à 80 pays.

Les valeurs démocratiques qui y prévalent sont un modèle. À Taïwan, toute personne peut librement s'exprimer, la presse ne connait pas la censure. C'est le pays le plus libre d'Asie, au même niveau que la France ; les femmes occupent 42 % des sièges de l'Assemblée nationale - en plus de la présidence de la République.

Pourtant, la dernière couverture de The Economist souligne que Taïwan était le lieu le plus dangereux du monde en raison de la menace militaire chinoise.

La paix et la prospérité de cette région sont déterminantes pour le monde entier.

En 1965, André Malraux disait des relations diplomatiques avec la Chine Populaire : « Marchons ensemble, mais sans mélanger nos drapeaux ! » Respectons chaque drapeau, celui de Taïwan compris ; il en va de notre avenir ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, INDEP, Les Républicains et UC)

Mme Colette Mélot .  - Merci à nos collègues de nous permettre de débattre de Taïwan.

Depuis 1949, cette île essaie de préserver son autonomie. Avec un PIB comparable à celui de la Suisse ou de la Suède, Taïpei est une puissance économique de premier plan, leader de la production de semi-producteurs.

Le miracle taïwanais a fait de l'île un des quatre dragons asiatiques. Le niveau de vie y est équivalent à celui de l'Union européenne.

Taïwan a fait face avec succès à l'épidémie de covid-19, ne déplorant qu'une dizaine de décès sur 23 millions d'habitants. La communauté internationale aurait tout à gagner d'une plus grande coopération avec ce territoire riche de savoir-faire.

Cette résolution incite le Gouvernement français à poursuivre ses efforts pour intégrer l'île au sein de diverses organisations internationales, notamment dans le domaine sanitaire, policier et environnemental.

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a déjà soutenu l'objet de cette proposition de résolution, qui est aussi l'occasion de réaffirmer notre attachement au multilatéralisme, clé d'une paix et d'une stabilité durables.

Taïwan est l'objet de vives tensions géopolitiques engageant la Chine et les États-Unis, avec une course aux armements, notamment en matière navale. Un conflit ouvert aurait des conséquences néfastes pour tous. Il est dans l'intérêt de tous de préserver la paix, qui garantit la prospérité.

Comme cette résolution ne comporte aucune reconnaissance de l'indépendance Taïwan, elle est compatible avec la position française. Les organisations internationales visées acceptent des membres qui n'ont pas le statut d'État.

Le dialogue et la coopération pourront apporter des réponses durables.

Le groupe INDEP espère donc un large soutien pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, SER, Les Républicains et UC)

M. Guillaume Gontard .  - Depuis 1964, la France a rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan en reconnaissant le République populaire de Chine et ne déroge plus à la politique d'une seule Chine imposée par Pékin.

En 1971, l'île perdait son siège à l'ONU, en 1980, elle était exclue du FMI et, depuis 2016, Taïwan n'a plus son statut d'observateur à l'OMS. Rien ne légitime cette mise à l'écart.

Le contexte pandémique ne fait que le confirmer. La gestion de la crise sanitaire par Taïwan est un modèle : malgré une population exceptionnellement dense, égale à celle de l'Australie, l'île a su éviter les contaminations, tirant les leçons des épidémies de SRAS et de grippe H1N1. À cette date, seuls douze décès sont recensés.

Dès décembre 2019, Taïwan alertait l'OMS des risques de transmission humaine du virus. Début 2020, elle faisait don de cinq millions de masques chirurgicaux à l'Europe, à un moment crucial.

Cette attitude coopérative montre combien son association aux organisations internationale serait profitable.

Nous soutenons donc cette proposition de résolution, qui est conforme à la position du Gouvernement français.

Nous souhaitons cependant voir évoluer l'attitude française face à Pékin. La réaction de l'ambassade de Chine à un projet de voyage sénatorial à Taïwan nous confirme dans cette voie.

Nous ne devons plus transiger sur nos exigences démocratiques. C'est ce que fait l'Union européenne en suspendant la ratification de l'accord d'investissement avec la Chine. Après une ère Trump tendue et conflictuelle, l'administration Biden remet les droits humains et les valeurs démocratiques au coeur de son action diplomatique. Nous devons nous associer à cette entreprise de reconstruction.

Le GEST votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDPI et du groupe SER)

M. André Gattolin .  - Merci aux présidents des différents groupes politiques du Sénat, qui ont accepté l'inscription rapide de ce texte à notre ordre du jour.

Taïwan est un carrefour stratégique qui entretient des liens étroits avec l'Europe, et notamment la France.

C'est à l'initiative de notre groupe d'études sur Taïwan, particulièrement dynamique, que cette proposition de résolution, cosignée par 22 sénateurs de divers groupes, a été déposée.

Au printemps dernier, en plein confinement, nous étions 51 à signer un appel international demandant à l'OMS de collaborer avec Taïwan. En un an et demi, cette île de 23 millions d'habitants n'a enregistré qu'une dizaine de décès dus au Covid ! Ayant vécu la crise du SRAS en 2003, c'était le pays le mieux préparé.

Respectueuse des équilibres diplomatiques, cette résolution propose donc que Taïwan soit associé comme observateur à l'OMS. Son excellence sanitaire est reconnue. Plus de 1 700 parlementaires de 80 pays se sont déclarés favorables à une telle coopération.

Cette résolution appelle aussi à la participation de l'île à l'assemblée de l'OACI, à laquelle elle participait jusqu'en 2013. Entre 1944 et 1971, elle en était l'un des membres fondateurs. L'aéroport de Taoyuan est le dixième du monde pour le trafic de passagers, le sixième pour le fret.

La résolution suggère aussi pour Taïwan un statut d'observateur au sein d'Interpol, organisation qui compte 194 pays membres. C'est la 36e destination touristique, la 21e économie, ce qui en fait un maillon indispensable du système de sécurité globale  -  mais elle n'a pas accès au réseau mondial de coopération policière. C'est une lacune à laquelle il est urgent de remédier.

Depuis 2015, Taïwan s'est fixé des objectifs ambitieux de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et investit dans les technologies vertes et la transition écologique. Sa participation aux travaux de la CCNUCC serait bénéfique à tous.

Cette résolution vise à renforcer la coopération internationale au service du bien-être de toutes les populations.

L'intégralité du groupe RDPI votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Joël Guerriau.  - Bravo !

M. Jean-Claude Requier .  - Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent que Taïwan participe à diverses organisations internationales. Comment ne pas souscrire à cet objectif ?

La santé, la lutte contre le changement climatique sont des défis mondiaux. Taïwan a été exemplaire dans la gestion de la pandémie de Covid ; l'île s'est unilatéralement engagée à respecter le protocole de Kyoto et a défini des objectifs très ambitieux en matière climatique.

L'association de Taïwan à l'OACI serait également bénéfique à la sécurité du trafic aérien : le trafic y représente 1 750 000 vols par an, à partir de 17 aéroports.

Enfin, Interpol ne doit souffrir d'aucune brèche. Le partage de ses dix-huit bases de données serait profitable à tous.

Nous connaissons les vertus du multilatéralisme pour faire progresser les grandes causes et favoriser des échanges plus propices à la paix que les postures d'isolement.

Il nous faut toutefois veiller aux bonnes relations entre la France et la Chine, au vu des enjeux géopolitiques en mer de Chine.

Taiwan est un interlocuteur fiable et une partenaire économique important pour la France, malgré de regrettables taxes sur le champagne. Mais nul besoin de rappeler la place de la Chine. Ce constat invite au compromis, sans pour autant tout laisser passer.

La diplomatie est l'art de l'équilibre et de la désescalade : il faut donc trouver un équilibre pour mieux associer Taïwan aux instances internationales sans provoquer la Chine.

Laissons le temps aux discussions ; le RDSE ne prendra pas part au vote.

Mme Michelle Gréaume .  - Cette proposition de résolution invite à soutenir la décision du Gouvernement d'appuyer l'association de Taïwan à l'OMS, à l'OACI, à la CCNUCC et à Interpol.

De 2009 à 2016, Taïwan était membre observateur de l'OMS ; elle n'a plus été invitée depuis l'élection de l'indépendantiste Tsai Ing Wen. Sous quelle forme se ferait son retour ? En tant que région rattachée à la Chine ou en tant que pays souverain ?

En 1964, la France a reconnu la République populaire de Chine, sept ans avant l'ONU. Paris est un interlocuteur exigeant et respecté.

Taïwan participe, sous la dénomination Taipei-Chine, aux Jeux Olympiques, au GATT, à la Banque asiatique de développement. Il existe donc un espace de dialogue avec Pékin à approfondir.

Certes, le temps accentue la distance : 85,6 % des Taïwanais sont nés après la partition. Le contexte de confrontation déclenché par Donald Trump n'est pas étranger à la situation actuelle qui laisse craindre une escalade pékinoise qui pourrait déboucher sur un conflit.

La France doit-elle mettre de l'huile sur le feu ou contribuer à l'apaisement ? Doit-elle, avec cette proposition de loi, se placer dans la roue des États-Unis ? (Murmures ironiques sur les travées du RDPI)

Ne devrait-elle pas conserver son rôle de conciliatrice ? Son adoption n'exacerberait-elle pas les tensions ? Au vu des réactions officielles de Pékin, je crains une rupture franco-chinoise qui nous nuirait.

M. Bernard Jomier.  - Si le PCC n'est pas d'accord... (Sourires sur les travées du RDPI)

Mme Michelle Gréaume.  - Conservons notre neutralité dans ce dossier. Notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Olivier Cadic .  - Le 1er janvier 2020 à Wuhan, le Dr Li Wenliang, de l'hôpital central, était incarcéré pour avoir lancé l'alerte et perturbé l'ordre social. Il mourra le 7 février, de la covid.

Forte de son expérience du SRAS, Taïwan a su anticiper l'épidémie. Dès le 31 décembre 2019, elle alertait l'OMS sur la possibilité d'une transmission interhumaine du virus, mais n'a pas été entendue. Trois semaines cruciales ont été perdues du fait de l'exclusion de Taïwan de l'OMS.

Le 20 février, j'interrogeais le Gouvernement sur les initiatives qu'il pourrait prendre afin d'intégrer Taïwan dans les discussions internationales sur le nouveau virus. On dénombrait alors 2 012 décès du Covid dans le monde. Un mois plus tard, 84 parlementaires signaient une tribune demandant l'intégration de Taïwan au sein de l'OMS.

À ce jour, l'île totalise 1 121 cas confirmés et seulement 12 décès pour 23 millions d'habitants. Dès le début de la pandémie, Taïwan a produit 13 millions de masques par jour. Le confinement a été évité.

En juin, Jean-Yves Le Drian me répondait souhaiter l'association de Taïwan aux travaux de l'OMS, mais rien n'a changé. Taïwan reste au ban de l'OMS comme de nombreuses organisations internationales - Interpol, ce qui crée des brèches considérables dans la lutte contre la criminalité transnationale ; l'OACI, malgré sa position clé pour le transport et le contrôle aérien en mer de Chine ; la CCNUCC, alors que sa société est à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

La réponse se trouve de l'autre côté du détroit : le PCC n'aime pas le régime démocratique de Taïwan, sa société émancipée, son économie florissante. En Chine, l'heure est au contrôle de masse, à la répression institutionnalisée contre les Ouïgours.

En octobre 1989, Mikhaïl Gorbatchev déclarait à son homologue Est-allemand que « celui qui est en retard sur l'histoire est puni par la vie ». Trois semaines plus tard tombait le mur...

En clamant que Taiwan est une province intégrante de son pays, Xi Jinping est en retard sur l'histoire.

Taïwan, c'est le quart du PIB de la France, 110 postes diplomatiques et consulaires dans 75 pays, et la vingtième armée du monde - au niveau du Canada ! De fait, Taïwan est indépendante.

Certains diplomates soucieux de plaire à Pékin préfèrent parler le moins possible de Taïwan. Je pense le contraire.

Taïwan, selon The Economist, serait le lieu le plus dangereux de la terre. D'un point de vue géostratégique, l'île devient plus importante pour l'équilibre du monde que ne l'était Berlin Ouest pendant la guerre froide.

En matière de démocratie, Taïwan en a fait autant que n'importe quel autre pays. L'ONU a été créée pour défendre les droits humains. Pourquoi Taïwan n'en bénéficierait-elle pas ?

Répétez avec moi le cri de Victor Hugo : « Vive la liberté universelle ! »

Au moment où le G7 déclare dans un communiqué son soutien pour que Taiwan participe aux organisations internationales comme l'OMS, cette proposition de résolution est un signal fort adressé à tous les peuples libres.

Je voterai, comme mon groupe, cette proposition de résolution avec fierté.

Le jour où la Chine s'éveillera à la démocratie, la Chine sera Taïwan. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDPI)

M. Joël Guerriau.  - Excellent !

M. André Vallini .  - L'influence de la diplomatie chinoise dans le système onusien au détriment de Taiwan inquiète.

Après des années de bienveillance au nom d'un prétendu « partenariat stratégique », l'Union européenne hausse le ton face aux provocations chinoises. L'heure est enfin à la lucidité, comme le montre la suspension par la Commission européenne des négociations sur l'accord d'investissement global.

Dès lors, la prudence concernant Taïwan n'est plus de mise. Pékin multiplie les propos agressifs et les manoeuvres miliaires à l'encontre de l'île. La Chine se comporte comme si elle se préparait à la guerre. Sa puissance navale augmente, celle des États-Unis diminue : pour la première fois depuis la chute de l'URSS, un pays peut rivaliser avec l'US Navy. Dans les simulations opérationnelles, les États-Unis ont de plus en plus de mal à s'opposer militairement à une opération chinoise contre Taïwan.

Malgré ses défauts, l'horrible Donald Trump a ouvert les yeux du monde sur la menace chinoise, qui est aussi diplomatique et militaire.

Pendant la guerre froide, Berlin était un symbole. Taïwan aussi, mais elle a, en plus, une valeur économique et stratégique.

L'Europe doit exiger que soit respecté le droit à l'existence de Taïwan. Face à la Chine, la naïveté n'est plus de mise. Soyons lucides : la Chine ne respecte que la force. Nous savons d'expérience où mène l'esprit munichois. À vouloir éviter la guerre au prix du déshonneur, on finit par avoir et la guerre et le déshonneur.

Si nous voulons sauver l'honneur, il faut soutenir Taïwan, et voter cette résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI, Les Républicains et UC)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis de cette proposition de résolution. J'avais déposé une question écrite sur ce sujet en janvier 2020 -  la toute première. J'y demandais un état des lieux de nos relations bilatérales et m'interrogeais sur le bien-fondé de l'isolement international de Taïwan, modèle de démocratie. J'y indiquais également qu'une participation de Taïwan à l'OMS serait utile face au risque épidémique émergeant en Chine. Le jour même, l'OMS déclarait l'urgence sanitaire internationale.

Plus d'un an après, nous ne pouvons que regretter que Taïwan n'ait pas été associé au travail de l'OMS. Sa gestion de la pandémie a pourtant été exemplaire ; sa générosité s'est manifestée par les dons de masques et de matériel médical alors que l'Europe connaissait la pénurie. Alors qu'un laboratoire vient de mettre au point un vaccin prometteur contre l'entérovirus 71, le transfert de technologie, le partage d'expérience serait très précieux. Hélas, Taïwan sera à nouveau absent de l'AMS en juin prochain à Genève. Cela n'est pas tolérable et c'est même criminel alors que l'on compte 150 millions de cas covid dans le monde et 3,5 millions de morts...

La France a toujours soutenu une position d'ouverture sur le sujet, mais sa voix reste isolée. Il nous faut appuyer sa démarche. La déclaration du G7, hier, montre que les positions évoluent en faveur de la participation de Taïwan à l'OMS. Il faudrait, monsieur le ministre, que cette déclaration figure en français sur le compte Twitter du ministère des affaires étrangères.

Le problème tient à l'opposition de la Chine, dont la réaction ne s'est pas fait attendre. Elle invoque la souveraineté nationale pour contraindre Taïwan à l'isolement diplomatique et multiplie les déclarations agressives, voire les menaces.

D'aucuns nous ont conseillé d'être prudents - l'ambassade chinoise ne s'est pas privée d'insulter les parlementaires français. J'aime la Chine et son peuple, je connais nos intérêts économiques avec la Chine. Certes, la diplomatie est l'art de la prudence et des petits pas, mais il serait à l'honneur de ce grand peuple d'évoluer sur le sujet.

La croissance économique enviable de Taïwan, son industrie dynamique, ses innovations technologiques peuvent susciter les appétits. Comme le rappelait la récente couverture de The Economist, des bruits de bottes se font entendre...

Alors oui, je le dis haut et fort, il est de notre devoir d'aider Taïwan à trouver sa place sur la scène internationale. Nous devons développer notre coopération internationale et y inclure tous les acteurs.

Ayons le courage de ne pas nous laisser intimider par les gesticulations et les invectives, et de dire ce qui nous semble juste ! Taïwan doit pouvoir participer à toutes les instances internationales où son expertise pourrait être utile, qu'il s'agisse d'aviation civile, de climat ou d'Interpol.

À ceux qui auraient la tentation de Munich, je dirai que l'on ne respecte pas l'adversaire qui se plie, mais que l'on craint et respecte celui qui a le courage de se battre pour ses justes convictions.

Amis chinois, de quoi avez-vous peur ? Vous êtes un grand et magnifique pays et vous avez tout intérêt à une coopération pacifique. Aidez-nous, aidez Taïwan à vous aider ! Le monde n'en sera que meilleur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains , UC et RDPI.)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Mon propos ne sera guère original, car nos points de vue convergent. Un consensus se dégage au Sénat. Taïwan n'est reconnu que par seize pays et connaît un isolement diplomatique. Pourtant, sa présidente promet une démocratie transparente, que notre groupe d'échanges et d'études Sénat-Taïwan a pu observer en décembre 2019. Il est temps que nous retournions sur place.

Taïwan est un modèle d'acteur responsable en matière de lutte contre le changement climatique, un partenaire solide en matière scientifique et économique. Les 2 300 Français qui y vivent dynamisent nos liens avec ce pays. Sa démocratie est bien vivante, comme en témoigne le vote de la loi sur le mariage pour tous en mai 2019 ou la révolution des tournesols en 2014, lorsque les étudiants du numérique se sont élevés contre l'ingérence chinoise.

Taïwan a fait preuve d'une maîtrise exceptionnelle dans la gestion de la pandémie, avec un sens de la responsabilité collective de la population. Il n'a pas eu besoin de confinement ni de couvre-feu, il n'a pas mis son économie à l'arrêt. Le partage de cette expérience ne peut qu'être bénéfique à la communauté internationale.

Tous les membres du groupe SER voteront cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI et UC.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - C'est un moment utile et important. La France reconnaît le gouvernement de la République populaire comme seul représentant de la Chine et n'entretient pas de relations diplomatiques avec Taïwan, mais conduit de nombreuses coopérations avec l'île, dans le cadre de la « politique d'une seule Chine ». Nous considérons que la voie du dialogue constructif entre les deux rives doit être privilégiée.

Taïwan est donc un partenaire important de la France en Asie. Il occupe en outre une place majeure dans l'économie mondiale et, en raison de sa place dans les chaînes de valeur, notamment les semi-conducteurs, c'est un membre actif dans les travaux de l'OMC. Il faut saluer également la vitalité de la société civile et une remarquable transition démocratique dans les années quatre-vingt.

Taïwan accueille une importante communauté française, de 4 000 personnes. La France et Taïwan développent des échanges scientifiques, économiques, culturels, éducatifs. Nous partageons une même ambition pour la promotion des droits de l'homme.

Taïwan fait partie des 37 territoires prioritaires pour l'exportation des industries culturelles et créatives françaises et notre coopération scientifique et universitaire est vivante, elle a spectaculairement progressé, avec aujourd'hui 1 500 étudiants français à Taïwan.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - C'est vrai !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - L'île développe une politique active sur la scène internationale et elle est membre d'une trentaine d'organisations internationales ; elle participe comme observateur aux travaux d'une vingtaine d'autres.

Notre position est claire et constante : nous sommes favorables à l'intégration de Taïwan à des organisations internationales lorsque c'est l'intérêt de la communauté internationale. Je pense à l'OMS, à l'OACI, à Interpol ou à la convention cadre des Nations unies pour le changement climatique.

Nous ne pourrons vaincre le Covid qu'ensemble. Même chose pour la sécurité, les transports, le climat.

Taïwan a remarquablement contenu l'épidémie et son expérience est donc essentielle. Avec seulement 12 morts sur 23 millions d'habitants, il a su répondre rapidement à la pandémie. En outre, il a fait des dons de matériel médical et de masques à ses partenaires - dont la France - au printemps 2020.

C'est pourquoi Jean-Yves Le Drian est favorable, il l'a dit en novembre dernier, à ce que Taïwan participe aux travaux de plusieurs organismes internationaux, dont l'OMS. Il ne doit pas y avoir de vide sanitaire dans la lutte contre la pandémie et nous regrettons que le pays n'ait pu participer à la 73e Assemblée mondiale de la santé.

Nous défendons cette position au niveau de l'Union européenne, comme au G7 il y a quelques jours... Nous avons donc une grande convergence avec les auteurs de la proposition de résolution. La France ne veut pas que cette question devienne un enjeu politique : il s'agit de défendre les intérêts objectifs de la communauté internationale.

Nous suivons attentivement la situation dans le détroit de Taïwan. Les incursions militaires dans la zone d'identification et de défense aérienne de Taïwan sont devenues depuis un an presque quotidiennes. Nous réprouvons toute tentation de remise en cause du statu quo et toutes les actions qui attisent les tensions dans le détroit. Je crois pouvoir dire que cette position est partagée par tous nos partenaires de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur diverses travées à droite et à gauche)

La proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public à la demande du RDPI.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l'adoption 304
Contre     0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

Prochaine séance, lundi 10 mai 2021, à 17 h 30.

La séance est levée à 18 h 50.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 10 mai 2021

Séance publique

À 17 h 30

Présidence :

M. Gérard Larcher,président Mme Laurence Rossignol, vice-présidente M. Vincent Delahaye, vice-président

- Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, complétant l'article premier de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement (n°449, 2020-2021)

Analyse des scrutins

Scrutin n°116 sur l'ensemble de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, en faveur de l'association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales

Résultat du scrutin

Nombre de votants :323

Suffrages exprimés :304

Pour :304

Contre :0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (148)

Pour : 139

Abstentions : 4 - MM. Pascal Allizard, Jérôme Bascher, Philippe Dallier, Mme Béatrice Gosselin

N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Pascale Gruny, Présidente de séance, MM. Christian Cambon, Édouard Courtial, Mme Catherine Dumas

Groupe SER (65)

Pour : 65

Groupe UC (55)

Pour : 52

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Philippe Folliot, Olivier Henno, Hervé Marseille

Groupe RDPI (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (15)

Abstentions : 15

Groupe RDSE (15)

N'ont pas pris part au vote : 15 - MM. Stéphane Artano, Christian Bilhac, Henri Cabanel, Mme Maryse Carrère, M. Jean-Pierre Corbisez, Mme Nathalie Delattre, MM. Bernard Fialaire, Éric Gold, Jean-Noël Guérini, Mme Véronique Guillotin, MM. André Guiol, Olivier Léonhardt, Mme Guylène Pantel, MM. Jean-Claude Requier, Jean-Yves Roux

Groupe INDEP (13)

Pour : 13

Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (2)

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier