« Contrat de relance et de transition écologique, ne pas confondre vitesse et précipitation »
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : «Contrat de relance et de transition écologique (CRTE), ne pas confondre vitesse et précipitation » à la demande du GEST.
M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires . - Il m'est arrivé d'être critique sur la manie des gouvernements d'inventer sans cesse de nouveaux dispositifs proposés aux territoires en matière de transition écologique : plan Climat-air-énergie territoriaux (PCAET), territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), contrat de transition écologique (CTE), contrat de relance de transition écologique (CRTE) se sont succédés depuis cinq ans.
Cet empilement ne facilite guère l'action territoriale ! Mais le CRTE, complémentaire du PCAET, me semble le plus prometteur et le plus cohérent. Nous ne pouvons ignorer le défi climatique. Le CRTE intègre la transition écologique à l'échelle d'un projet de territoire, en coopération avec les élus locaux, alors que les enjeux climatiques sont liés à notre vie quotidienne. Le CRTE apporte de la clarté.
Barbara Pompili évoque un contrat unique et une approche intégrée. Une telle ambition nécessite un projet robuste et partagé. Hélas, l'échéance du 30 juin pour que les EPCI signent les CRTE est intenable ! Les élus nous disent qu'ils ne pourront proposer des projets innovants dans les temps ; ils recycleront d'anciens projets... Ils ne comprennent pas cette précipitation.
J'ai envoyé un questionnaire aux élus de Loire-Atlantique : plus des deux tiers n'avaient pas entamé de réflexion sur les CRTE ; certains n'avaient même pas entendu parler des comités de pilotage, voire des CRTE eux-mêmes !
Nous vous demandons de décaler le délai de signature d'au moins six mois pour faire des CRTE des outils opérants pour les territoires.
La circulaire du Premier ministre de novembre dernier indiquait que les CRTE devaient prendre en compte la loi Climat, pas encore votée...
Il faut aussi soutenir la dynamique des PCAET. Les CRTE pourraient y contribuer.
Les communes manquent d'ingénierie pour monteur leurs appels à projets. Comment l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) les aidera-t-elle ?
Dernière inquiétude : l'après-plan de relance. Si la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) se hausse à 2,5 milliards d'euros en 2021, contre 570 millions d'euros habituellement, que se passera-t-il en 2022 ? Ne faudrait-il pas lisser les crédits du plan de relance sur un temps plus long ? Sinon, ce sont les plus agiles, les mieux dotés en ingénierie, qui seront servis, au détriment des autres. Ne calons pas le calendrier des CRTE sur celui du plan de relance ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Je remercie Ronan Dantec et le GEST pour leur initiative.
Les CRTE ont été lancés par la circulaire du Premier ministre du 20 novembre. Ils approfondissent la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales prônée par le projet de loi 4D.
L'État possède des moyens d'accompagnement qui intéressent les collectivités territoriales. Le CRTE introduit une collaboration plus étroite et plus efficace, mieux coordonnée, dans la durée.
Cette contractualisation est ancienne, mais il fallait en simplifier le cadre. Les CRTE remplacent les contrats de ruralité et les pactes États-métropoles, et sont cohérents avec d'autres contrats comme les programmes Action Coeur de ville. Ils seront conclus autour d'un projet de territoire pour six ans - soit la durée du mandat municipal et intercommunal.
Il s'agit d'un contrat de relance, comme cela existe pour les départements et les régions. Les communes et les EPCI pourront ainsi profiter des crédits de la relance pour des projets spécifiques.
À l'exception d'une seule, 100 % des intercommunalités ont répondu à notre appel à conclure un CRTE, parfois en s'associant.
Le 22 janvier, le Premier ministre a signé à Nantes le premier protocole d'engagement. Le CRTE traduit au plan local les priorités nationales, dans un continuum.
Le premier comité de pilotage s'est tenu la semaine dernière. Au-delà de la simplification, l'action publique gagnera en efficacité.
Les CRTE ont vocation à concerner un large périmètre - écologie, santé, culture, sécurité, transports - et à associer le plus grand nombre de ministères contributeurs et d'acteurs des territoires.
Cette démarche, pragmatique et évolutive, nécessite un accompagnement des collectivités. Aussi la date du 30 juin ne représente-t-elle pas un couperet. La démarche associe les maires, comme tous les acteurs du développement du territoire.
M. Jean-Paul Prince . - Je salue la démarche efficace des CRTE. Nous connaissons déjà les 833 périmètres, fixés en concertation avec les élus, de façon différenciée, en rapport avec les coopérations préexistantes. C'est déjà une démarche 4D. Mais des problèmes de mise en oeuvre demeurent, faute d'ingénierie. Dans les territoires, l'ANCT, créé il y a deux ans, reste souvent inconnue au bataillon. Les CRTE devraient lui donner la visibilité nécessaire.
Le Cerema, grâce à son expertise des politiques publiques, accompagne les collectivités territoriales mais depuis la loi de 2018, ses subventions ont diminué ; c'est dommage. L'ANCT sera-t-elle en mesure d'aider les collectivités à identifier les projets vertueux pour la relance ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'État accompagnera les territoires via l'ANCT. Elle pourra participer à hauteur de 20 000 euros au financement de prestations d'ingénierie au plan local pour trois cents CRTE. En outre, elle anime une plateforme internet consacrée aux CRTE.
Les collectivités territoriales pourront recruter un volontaire territorial en administration (VTA) pour accompagner leur CRTE, grâce à une aide de 15 000 euros.
Je connais bien le Cerema - il y en a un à Blois - et je salue l'action de son directeur général, Pascal Berteaud. Dans la loi 4D, je vous proposerai un article pour faciliter son action en direction des collectivités territoriales.
M. Rémi Cardon . - Du CTE au CRTE, s'agit-il d'un simple changement de nom ? Quel lien avec les nombreux dispositifs existants, Petites Villes de demain, Villes moyennes, Villes en déclin, DSIL, DETR ?
Passer par des contrats territoriaux pour synchroniser les démarches ne risque-t-il pas d'alourdir les procédures ?
L'ANCT parle de territorialisation de la relance, mais nous assistons à une recentralisation des aides au niveau des EPCI.
Dans la Somme, huit CRTE sont prévus, mais leurs dimensions varient énormément. Il y aurait trois à cinq projets accompagnés par l'ANCT dans chaque département, mais avec quelle ingénierie et quels interlocuteurs ?
En bridant l'agilité des communes, ce dispositif ne constitue-t-il pas, en fin de compte, un frein à la relance ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Vous êtes bien jeune, peut-être n'étiez-vous pas né lorsque la loi NOTRe a été adoptée...
Je n'opposerai pas communes et intercommunalités, même si les EPCI fonctionnent de manière inégale. Les CRTE pourront porter sur des projets intercommunaux comme communaux. Les autres dispositifs ont vocation à entrer dans les CRTE, avec comme fil vert la transition écologique.
Il n'est pas question de cesser d'aider les communes par les dispositifs classiques de type DETR.
M. Rémi Cardon. - Je vous rassure, madame la ministre : en 2015, j'avais 20 ans. Au vu de votre âge, j'espère que vous avez la sagesse de faire des CRTE des outils plus agiles, plus justes et surtout plus simples pour nos élus locaux.
M. le président. - Moi, au moment de la loi NOTRe, j'avais quelques années de plus, mais pas beaucoup ! (Sourires)
M. Serge Babary . - Le Gouvernement propose un nouveau contrat pour six ans, qui regroupe l'ensemble des contrats signés entre l'État et les collectivités.
Nous ne pouvons que souscrire à cette volonté de différenciation territoriale, mais cela ne doit pas se résumer à une compilation des contrats existants. Au 26 avril, on dénombrait 837 périmètres. Le rôle des départements et des régions est essentiel ; comment les associer ?
Les EPCI ruraux auront plus de mal à y accéder, faute d'ingénierie. Comment y remédier ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Il n'y a pas de maquette toute faite : nous partons des projets des territoires.
Il n'y a pas non plus, je le répète, de date couperet. Mais il serait dommage que le bloc communal ne profite pas au maximum du plan de relance, qui s'arrête fin 2022.
Il faudra au minimum un contrat d'engagement avant fin 2022, si les collectivités territoriales ne peuvent pas finaliser un CRTE complet.
Dans la loi Engagement et proximité de décembre 2019 figure l'obligation de créer une conférence des maires dans les intercommunalités : celle-ci devra être associée à la conclusion des CRTE.
M. Daniel Chasseing . - Nous sommes favorables au dispositif des CRTE, qui a plusieurs mérites.
Dans la perspective de la transition écologique, les territoires, notamment ruraux, sont la solution. En Corrèze, sept contrats, six EPCI, un PETR et trois communautés de communes sont concernés. Les projets sont variés : aide aux ateliers Relais, à la rénovation des passoires énergétiques, à la revitalisation des centres-bourgs, à la promotion du tourisme rural, qui requiert une montée en gamme des hébergements.
Le financement du CRTE au PETR sera de 200 000 euros seulement, alors que le contrat de ruralité est financé à hauteur de 250 000 euros. Comment augmenter les dotations pour être à la hauteur des enjeux ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre - Il n'y a pas d'enveloppe dédiée par CRTE : les crédits seront mobilisables en fonction des projets inscrits dans ces contrats. DSIL, MaPrimeRenov', fonds national d'aménagement du territoire (FNAT) pourront être mobilisés, mais aussi 14 milliards d'euros décidés dans le cadre du Ségur de la Santé.
M. Guy Benarroche . - La quasi-totalité des intercommunalités a engagé un PCAET. Outil structurant, il est obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, et doit être cohérent avec les engagements internationaux de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Comment le CRTE s'articulera-t-il avec le PCAET ? L'évaluation du CRTE s'appuiera-t-elle sur la mise en oeuvre des PCAET ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le PCAET, si son périmètre est le même, est une base incontournable pour élaborer le CRTE. Sur les 757 EPCI obligés de créer un PCAET, la plupart l'ont déjà fait ; plus de 90 % de la population française est ainsi couverte.
Nous veillerons à ce que les PCAET soient intégrés dans les CRTE et que les projets soient cohérents avec les engagements internationaux de la France.
M. Guy Benarroche. - En écho à un précédent débat, je vous confirme, madame la ministre, qu'il n'y a toujours pas d'ANCT dans les Bouches-du-Rhône.
Mme Patricia Schillinger . - Pour accélérer la relance et accompagner la transition écologique, le Gouvernement propose un nouveau contrat qui illustre la nouvelle collaboration entre l'État et les collectivités territoriales.
Les acteurs locaux pourront ainsi prendre part à un véritable projet de territoire. De nombreux présidents d'intercommunalités y voient une opportunité de développement : quinze contrats ont été signés dans le Haut-Rhin. Mais l'État doit s'engager à financer ces CRTE sur le long terme.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Les collectivités territoriales ont été habituées à connaître le montant global attribué par type de contrat. Rien de tel ici, car les financements proviendront de différentes politiques : Action Coeur de ville, dotée de 5 milliards, Petites Villes de demain, dotée de 3 milliards, Ségur de la Santé, doté de 14 milliards.
Si l'on ajoute ces montants au plan de relance, les financements seront au rendez-vous pour les deux prochaines années. L'État continuera à accompagner les collectivités territoriales durant les six années suivantes.
M. Éric Gold . - La transition écologique est une nécessité partagée. Grâce au CRTE, l'ANCT a lancé des travaux pour que les territoires élaborent leur feuille de route numérique, d'autant que la dématérialisation des procédures administratives se fait à marche forcée.
L'empreinte environnementale du numérique est l'angle mort de cette politique : il représente de 5 à 10 % de l'empreinte environnementale de notre pays. Quelle prise en compte dans les CRTE ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'année 2020 a marqué un record : 5,8 millions de prises fibre ont été déployées, 19 % de plus qu'en 2019. La crise de la covid a poussé au développement de nouveaux usages, comme le télétravail, la télémédecine, les téléprocédures.
Le plan de relance finance 4 000 conseillers numériques pour l'inclusion des personnes les plus éloignées de cette technologie.
La transition numérique est l'un des facteurs qui resitue la ruralité dans la modernité.
Nous avons élaboré une feuille de route avec les associations telles que Villes Internet et les Interconnectés pour mieux accompagner les collectivités. Il faut cependant que les élus prennent leurs responsabilités et n'attendent pas tout de l'État.
M. Éric Gold. - Le CRTE devra prendre en compte l'inclusion numérique des personnes fragiles. Personne ne doit être laissé au bord du chemin !
M. Pascal Savoldelli . - Ces contrats ont été négociés à la hâte, en pleine crise. Les négociations ont été captées par les présidents d'EPCI, au détriment des maires. (Mme la ministre le conteste.)
Il y a un problème de démocratie locale, surtout vu les délais prévus. En outre, le plan de relance brouille le message du Gouvernement. Mieux vaudrait une planification stratégique et opérationnelle, avec des étapes. La rapidité ne doit pas l'emporter sur la qualité des investissements.
Conclus pour six années, les CRTE doivent à la fois servir à la relance et participer à la transition écologique et industrielle, qui ne peut se concevoir que sur le long terme. Quelle contradiction !
Quels sont les critères communs retenus au titre de la relance et de la transition écologique ? Comment s'assurer que les métropoles n'accapareront pas cette nouvelle contractualisation ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Ville et campagne, opposition traditionnelle ! Je suis là pour veiller à ce que les choses se passent bien. Si nous avons programmé 837 CRTE, c'est parce que les élus de tous les territoires sont très volontaires.
Nous sommes à échéance des contrats de plan État-Régions, des contrats de ruralité, des fonds de cohésion européens : la temporalité des CRTE est donc la bonne.
Oui, il faut concilier court et long terme.
Les fonds friches connaissent un grand succès : ils concernent aussi bien les territoires ruraux - comme ce petit village d'Indre-et-Loire que j'ai visité récemment - que des territoires industriels, comme à Châlons-sur-Saône, où je me suis également rendue. Je me bats pour réalimenter ce fonds qui a été totalement consommé. Nous agissons avec pragmatisme !
M. Pascal Savoldelli. - Je vous ai demandé quels étaient les critères communs entre relance et transition écologique, et comment éviter l'accaparement par les métropoles. Je n'ai pas obtenu de réponse à ces deux questions. Mais nous nous sommes promenés en France... (Rires et exclamations)
Mme Évelyne Perrot . - Oui à la déclinaison territoriale de la relance, mais il y a un problème de temporalité. D'ailleurs ce débat ne porte-t-il pas sur le risque de confondre vitesse et précipitation ?
L'urgence appelle une réaction rapide, mais il faut articuler le court terme de la relance avec le long terme des projets de territoire.
Le calendrier de signature des CRTE sera-t-il adapté à l'agenda électoral ? D'ici le vote, tout risque d'être ralenti.
Une fois le plan de relance consommé, il faudra continuer à accompagner les collectivités pour pérenniser les projets lancés.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je le répète : le 30 juin n'est pas une date couperet. Les CRTE prêts d'ici là pourront être conclus. Pour les autres, un contrat d'engagement devra être signé avant l'été. Il ne faut pas passer à côté des financements.
M. Gilbert-Luc Devinaz . - Les CRTE permettront de concrétiser des projets locaux. Le dialogue direct avec les élus locaux est essentiel.
Le calendrier du dispositif m'inquiète, entre relance rapide et transition structurelle.
Les dispositifs s'empilent, or ce contrat unique était l'occasion d'apporter cohérence et simplification. Les montants disponibles pour les EPCI restent inconnus. N'y a-t-il pas un risque de compétition entre territoires ?
Quels seront les indicateurs pour évaluer les contrats de relance et leur efficacité ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Il n'y a pas d'enveloppe, mais beaucoup de financements.
Dans le cadre d'un projet global de territoire, des financements seront apportés sur le temps long ; c'est le souhait des élus.
Nous proposerons aux territoires un guide d'évaluation, en commençant par la dimension environnementale.
Le baromètre de l'action publique tenu par Amélie de Montchalin est aussi un bon outil de mesure de l'efficacité de nos politiques publiques.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - L'évaluation de chaque projet ne sera pas simple. Le pragmatisme invoqué suffira-t-il ?
Mme Béatrice Gosselin . - Le CRTE offre aux collectivités territoriales une porte d'entrée unique pour solliciter les aides de l'État. L'intérêt des élus pour ce nouvel outil est réel, mais l'échéance du 30 juin pose problème. L'AMF propose le 30 novembre, ce qui rassurerait les collectivités territoriales.
La concertation est nécessaire, comme la transparence. Les maires ne doivent pas être tenus à l'écart des discussions entre les EPCI et l'État.
Nous avons aussi besoin d'appui en ingénierie, sauf à creuser les inégalités entre territoires. Les compétences sont souvent communales, mais les maires ne sont pas toujours suffisamment associés au futur CRTE. Qu'en pensez-vous ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Nous n'en sommes qu'au stade de la mise en place de ces nouveaux contrats. Les maires doivent prendre toute leur place dans le fonctionnement de leur EPCI. Pour ce qui est de l'ingénierie, le préfet est le délégué de l'ANCT.
Les projets peuvent comprendre des maîtrises d'ouvrage intercommunales ou communales, selon la répartition des compétences.
M. Joël Bigot . - Les CRTE amélioreront la lisibilité de l'action publique. Mais des questions demeurent, notamment sur le financement et l'ingénierie. Cessons donc de supprimer des emplois au Cerema ! Tout CRTE devrait bénéficier d'un chef de projet de bout en bout.
Pour une véritable transition écologique, il faut des indicateurs de suivi, en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre, d'économie circulaire et d'innovation sociale.
Une hausse progressive des ambitions environnementales est-elle envisagée ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Les CRTE sont portés par mon ministère et celui de la transition écologique. Il n'y a pas de doute à avoir sur l'ambition environnementale du Gouvernement.
Oui, il y a eu des réductions de postes excessives, notamment dans les directions départementales des territoires.
Plus de 410 CRTE sont déjà accompagnés par l'ANCT, le Cerema ou l'Ademe. Nous continuerons de développer l'ingénierie sur les territoires. N'oublions pas l'ingénierie dont disposent les EPCI et les départements : les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement et les agences d'urbanisme accompagnent les communes.
M. Joël Bigot. - La gestion de l'ingénierie est centrale dans les territoires ruraux.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Il faut agir vite, certes, mais bien. Or, les délais sont très courts, et le tropisme vertical nuit au dialogue local. Nous ne voulons pas un plan national prédéfini par l'État, mais une concertation avec les maires et les parlementaires. L'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP) doit être associée, de même que Régions de France, l'ADF et France Urbaine.
Il faut une territorialisation fine : les collectivités fragiles ne doivent pas se voir « souffler » les financements par les mieux outillées. Comment renforcer leur accompagnement par l'ANCT ? Encore faudrait-il que des comités départementaux soient mis en place sur tout le territoire, ce qui n'est pas toujours le cas.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Il faut un comité local dans chaque département ; je le rappellerai aux préfets. Le CRTE est un outil de déconcentration et de différenciation. Le dispositif part des territoires ; il s'agit de projets présentés par les élus locaux sur une ou plusieurs intercommunalités. Les préfets n'ont pas reçu de directives.
L'accompagnement en ingénierie est fondamental. Les aides de l'ANCT, du Cerema, de l'Ademe seront dispensées aux territoires qui en ont le plus besoin - la Corrèze ou la Creuse plutôt que la métropole de Nantes...
M. Stéphane Sautarel . - Ou le Cantal ?
Une politique contractuelle pour donner de la lisibilité aux collectivités et garantir l'engagement de l'État dans la durée, qui pourrait s'en plaindre ? Attention toutefois au syndrome des contrats de Cahors, qui n'avaient de contrat que le nom. Les communes ne doivent pas être écartées de la négociation ; elles sont le socle de notre République.
Sans fonds nouveau ni hausse durable de la DETR, vous proposez un contrat de dupes qui exclura demain tout financement hors CRTE.
Imposer des délais aussi courts, dans un contexte sanitaire et électoral peu propice, c'est nier la concertation nécessaire à une vision partagée.
R pour relance, soit. Mais c'est un recul par rapport au R de ruralité. Allez-vous laisser plus de place au C de contrat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - J'ai déjà répondu sur les communes. Et les intercommunalités, que je sache, sont composées de communes ! Il n'y a jamais eu autant d'argent pour financer des projets locaux : où est le contrat de dupes ?
La circulaire du Premier ministre, page 5, évoque bien, pour les territoires ruraux, des contrats de ruralité, de relance et de transition écologique. Ne faisons pas de faux procès ! Nous sommes là pour aider au développement des territoires, tant des zones rurales que des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui ont aussi besoin de transition écologique, économique et démographique.
Nous essayons d'être aussi transparents, intégrateurs et efficaces que possible.
M. Stéphane Sautarel. - Je sais bien que les communes sont constitutives des EPCI mais, sur le terrain, les contraintes et les délais sont tels que leurs projets ne pourront sans doute pas être pris en compte dans les projets de territoire.
Les crédits du plan de relance ne valent que jusqu'en 2022. Quid de la pérennité de ces financements ? Les enveloppes de la DETR doivent être maintenues pour assurer l'avenir.
M. Didier Mandelli . - L'accumulation des mesures et des programmes ne traduit pas une vision politique. Les CRTE ne contiennent rien de nouveau : ils regroupent des programmes existants comme Action coeur de ville, Petites villes de demain ou France services. Lancés dans la précipitation, ils sèment la confusion. Quelle sera la place donnée à la concertation dans un calendrier aussi serré et marqué par l'agenda électoral ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Si l'on devait s'arrêter lorsqu'il y a des élections, on ne ferait pas grand-chose !
Quelque 837 CRTE ont été acceptés, à une seule exception : la communauté de communes d'Issoudun, dans l'Indre. J'ai été maire, j'ai été dans la majorité comme dans l'opposition dans l'interco, et j'ai toujours su me faire entendre. Je rappelle en outre que la conférence des maires est désormais obligatoire.
Avant même la relance, nous avions accordé des dotations supplémentaires en conservant la DSIL, créée par le Gouvernement précédent pour compenser la baisse de la DGF, et ce alors que nous maintenions inchangée l'enveloppe de la DGF.
M. Didier Mandelli. - J'ai moi aussi été maire et président d'intercommunalité. Alors que nos concitoyens demandent à être écoutés, le temps accordé est trop limité pour favoriser les échanges et la concertation entre les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Christine Lavarde . - La politique contractuelle de l'État se décline à deux niveaux : au niveau régional avec les CPER, au niveau infrarégional avec les CRTE. Selon la circulaire du Premier ministre, lorsqu'un axe stratégique du projet de territoire correspond à un contrat préexistant, celui-ci a vocation à être inclus dans le CRTE. Les financements des contrats existants sont-ils dès lors automatiquement fléchés dans les nouveaux CRTE ? (Mme la ministre opine.)
Dans l'instruction aux préfets de février 2021, il est précisé que les crédits de la DSIL doivent être intégrés aux CRTE. Mais quid des régions qui n'ont pas de volet territorial dans leur CPER, ce volet étant facultatif ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Onze engagements de CPER ont été signés ; tous comportent un volet territorial. Celui-ci découlera de la négociation horizontale entre les présidents de région et les départements et intercommunalités.
Tout n'est pas décidé verticalement !
Nous recherchons la cohérence. Les CPER prévoient désormais une clause de revoyure et les CRTE sont également évolutifs. Nous privilégions la souplesse des relations entre l'État et les collectivités territoriales.
M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires . - Difficile de synthétiser un débat aussi riche. Je note que les intervenants n'ont pas jeté le bébé avec l'eau du bain. Le CRTE intéresse, questionne, mais les délais inquiètent. Je remercie Mme la ministre d'avoir desserré la contrainte du 30 juin : cela rassurera les territoires.
Le protocole d'engagement, nécessaire, doit porter sur la méthode ; ce doit être l'occasion d'associer l'ensemble des communes. Le CRTE pourra alors constituer un levier pour améliorer la démocratie à l'échelle de l'intercommunalité.
Ces CRTE doivent véritablement traiter de la transition écologique et le protocole d'engagement doit faire le lien avec le PCAET qui, déjà, a fixé des objectifs en la matière.
Ce contrat évolutif devra aussi être régulièrement évalué.
L'ingénierie représente également un enjeu majeur ; l'ANCT n'est pas encore présente partout et l'État doit préciser comment elle pourra être mobilisée. Il faudra des moyens pour finaliser les contrats ; avec un délai supplémentaire, les départements et les régions pourront se mobiliser. Une circulaire complémentaire aux préfets sur le protocole d'engagement serait sans doute bienvenue.
Ce contrat n'est-il qu'un cadre formalisant les anciens appels à projets, selon une logique descendante ? Ou s'agit-il pour l'État de fixer des priorités en laissant les territoires libres de définir les meilleurs projets pour y répondre, à leur niveau ? (Mme la ministre le confirme de la tête.) Le dialogue entre l'État et les territoires sera crucial.
Enfin, quid de l'après plan de relance ? Si les financements ne sont pas maintenus, cela risque d'avoir un effet démobilisateur et d'interdire une action cohérente dans la durée. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC)
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
La séance est suspendue à 19 h 45.
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.