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Table des matières
Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)
Mise au point au sujet d'un vote
Discussion des articles (Suite)
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 44
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 46
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 53
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 30 (Précédemment réservé)
ARTICLE 31 (Précédemment réservé)
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 31 (Précédemment réservé)
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 55 (Supprimé)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Mise au point au sujet d'un vote
Interventions sur l'ensemble (Suite)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
Modification de l'ordre du jour
Ordre du jour du mardi 13 avril 2021
SÉANCE
du lundi 12 avril 2021
84e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.
La séance est ouverte à 17 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté sous les réserves d'usage.
Rappel au Règlement
Mme Éliane Assassi . - Nous venons d'apprendre par sms à 16 h 27, puis à 16 h 43 par un courrier du cabinet du Premier ministre, la tenue d'un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution, sans précision de l'heure, sur le maintien des élections départementales et régionales, déjà repoussées au mois de juin.
Quelle désinvolture, quel manque de respect à l'égard de la représentation nationale ! Pourquoi avoir tant consulté - partis politiques, groupes parlementaires, associations d'élus, présidents des assemblées - pour aboutir à une telle confusion ?
Manoeuvre ou précipitation, les préfets ont envoyé par mail aux maires, vendredi soir, un questionnaire au choix binaire - oui ou non - auquel ils étaient sommés de répondre avant lundi.
Ces conditions de concertation sont méprisantes et montrent que le Gouvernement est à mille lieux du fonctionnement d'une petite commune. Vous jetez aux orties les courriers et les prises de position des grandes associations d'élus.
En février, nous avions décidé démocratiquement d'un report en juin.
Le Gouvernement ferait mieux de réfléchir aux moyens d'appliquer la loi, dans le respect des règles sanitaires. La démocratie doit vivre, même en période de crise sanitaire.
L'instrumentalisation politique et le cafouillage ne peuvent plus durer ! Nous demandons de l'anticipation, au nom des maires, des candidats et des citoyens. Les associations d'élus souhaitent le maintien des élections à la date prévue. Nous attendons donc des mesures fortes pour sécuriser la campagne et les opérations de vote.
L'aveu de faiblesse de l'exécutif révèle les failles de sa gestion depuis le début de la pandémie. Le Gouvernement ne doit ni décider seul ni se défausser.
M. le président. - Acte est donné de votre rappel au Règlement.
Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Arnaud de Belenet. - Lors du scrutin n°104 du 7 avril 2021, Bernard Delcros et moi-même souhaitions voter contre.
M. le président. - Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 44 (Suite)
M. le président. - Amendement n°294 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Regnard, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, MM. C. Vial et Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin.
Alinéa 4
1° Supprimer les mots :
et qui ne peut excéder trois mois
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle prend fin lorsque le représentant de l'État constate que les causes qui l'ont motivée ont disparu.
M. Max Brisson. - Hormis en situation d'état d'urgence, la fermeture administrative d'un lieu de culte n'est possible qu'aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme. Cette insuffisance a motivé la création d'un nouveau motif de fermeture administrative à l'article 44 du projet de loi. Cependant, la durée est limitée à deux mois - ou trois au terme des travaux de la commission des lois du Sénat.
Cet amendement prévoit la fermeture jusqu'à ce que le préfet constate la disparition des causes qui l'ont motivée. Ainsi, le dispositif sera pleinement efficace, sans remettre en cause le contrôle du juge administratif.
M. le président. - Amendement n°506, présenté par M. Ravier.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
trois mois
par les mots :
six mois renouvelables
M. Stéphane Ravier. - Les lieux de culte ne peuvent être fermés que pour prévenir un acte de terrorisme. L'article 44 ajoute l'appel à la haine et la violence aux motifs de fermeture. Cela semble plus logique et plus protecteur. La mosquée de Pantin, qui avait relayé les appels à la haine contre Samuel Paty, n'avait pu être fermée qu'après l'attentat.
Néanmoins, pourquoi la fermeture serait-elle limitée à trois mois ? Une durée de six mois me paraît être un minimum pour expurger les islamistes d'un lieu de culte. Trois mois, cela revient à un permis de recommencer.
Un peu d'audace, monsieur le ministre ! On s'autocensure depuis le début de ce texte, de peur d'une censure du Conseil d'État ou du Conseil constitutionnel. Nous sommes là pour adapter la loi à la réalité. Les autres institutions prendront leurs responsabilités. Prenons les nôtres !
Je vous ai alerté sur la mosquée Islah à Marseille, monsieur le ministre : ce dispositif vous donnera les moyens d'agir. Il y a urgence ! Je serai vigilant quant aux suites que vous donnerez à vos engagements.
M. le président. - Amendement n°653, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 4
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. - Nous entendons faire preuve de fermeté, mais la durée de trois mois votée par la commission des lois nous paraît disproportionnée au regard du respect du principe de la liberté de culte. Il ne faudrait surtout pas que le Conseil constitutionnel censure l'article 44.
Le délai de deux mois paraît raisonnable pour le juge constitutionnel et le juge administratif.
Monsieur Ravier, les députés du Rassemblement national n'ont pas voté ce dispositif à l'Assemblée nationale... Nul n'est prophète en son pays !
L'amendement n°145 rectifié n'est pas défendu.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois. - Dès lors que des lieux de culte sont fermés, les faits de provocation à la haine et à la violence ne peuvent plus se produire. L'amendement n°294 pourrait ainsi s'avérer contreproductif. Retrait ou avis défavorable.
Avis défavorable à l'amendement n°506 : six mois, c'est plus que la durée de la fermeture pour prévenir un acte terroriste.
La commission des lois a proposé trois mois au lieu de deux.
Le Conseil d'État n'a pas jugé cette une durée disproportionnée, monsieur le ministre, puisqu'il ne s'est prononcé que sur le délai de deux mois. Cela nous semble plus opérationnel, constitutionnel et proportionné. Avis défavorable à l'amendement n°653.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos294 rectifié et 506.
J'espère que la commission mixte paritaire passera ce dispositif au trébuchet pour éviter tout risque de censure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Évidemment !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je salue le réalisme du ministre. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Il est question ici de libertés, de principes, de droit. Rien n'empêche de réitérer la fermeture, même si le ministre ne l'a pas rappelé.
Je préfère une durée de deux mois, plus conforme au droit. Aussi, nous voterons l'amendement n°653.
M. Loïc Hervé. - Je m'interroge sur l'amendement n°294 rectifié. Selon moi, le juge judiciaire est plus protecteur que le juge administratif - mais d'aucuns sauront soutenir le contraire.
Si la fermeture perdure, il n'y a plus de recours, plus d'acte du préfet à attaquer. Seul le référé demeurera possible. Cet amendement me semble dangereux au regard de la jurisprudence administrative.
M. Max Brisson. - Compte tenu des explications de la rapporteure et avec l'accord de M. Retailleau, je retire l'amendement n°294 rectifié.
L'amendement n°294 rectifié est retiré.
L'amendement n°506 n'est pas adopté.
L'amendement n°653 est adopté.
M. le président. - Amendement n°416 rectifié, présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Regnard, D. Laurent et Boré, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, Le Rudulier et Reichardt, Mmes Gruny et de Cidrac, MM. Brisson, Longuet et Lefèvre, Mme Lassarade, MM. de Legge, Bas, Houpert et de Nicolaÿ, Mme Boulay-Espéronnier et MM. Bonne, Belin, Laménie, B. Fournier, Rapin, Charon et Mouiller.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Valérie Boyer. - L'article 44 permet à l'autorité administrative de fermer non seulement des lieux de culte, mais également des locaux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par la personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte.
Jusqu'à présent, le dispositif prévu par la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) du 31 octobre 2007 a concerné sept ou huit lieux, soit 0,05 % des 52 000 lieux de culte. L'étude d'impact ne cite que quatre cas de locaux annexes fermés.
Les contraintes à la liberté de culte doivent rester strictement nécessaires et proportionnées. Cet amendement circonscrit le dispositif proposé aux seuls lieux de culte.
M. le président. - Amendement n°654, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5, première phrase
1° Remplacer les mots :
gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte
par les mots :
dépendant du lieu de culte
2° Supprimer les mots :
, qui accueillent habituellement des réunions publiques
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Gouvernement souhaite revenir à l'épure du dispositif issu de ses échanges avec le Conseil d'État.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - La fermeture des locaux annexes vise à lutter contre les déplacements d'activité dans ces locaux à la suite d'une fermeture du lieu de culte, comme cela a déjà été observé. Le dispositif doit être cohérent. Avis défavorable à l'amendement n°416 rectifié.
La notion de locaux dépendant d'un lieu de culte nous paraît imprécise et susceptible de fragiliser le dispositif. Notre rédaction est mûrie, nous l'avons votée en décembre dans le cadre de la prorogation de la loi SILT. D'après les services de renseignements que nous avons entendus, elle est plus solide juridiquement. Avis défavorable à l'amendement n°654.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°416 rectifié.
L'amendement n°416 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°654 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°459 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 6, seconde phrase
Après le mot :
avant
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
le prononcé du jugement, que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d'une audience publique. » ;
M. Jean-Yves Leconte. - Une mesure de fermeture d'un lieu de culte est subordonnée à une procédure contradictoire et au respect d'un délai de 48 heures, qui permet de saisir le juge du référé-liberté.
La rédaction actuelle laisse penser que la simple information des parties sur la tenue ou non d'une audience publique par le juge des référés suffit à autoriser l'exécution de la mesure de fermeture, sans que ce dernier ait rendu un jugement.
Cet amendement précise qu'un jugement devra être rendu avant toute exécution de la mesure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Votre amendement est moins précis et apporte moins de garanties que la rédaction existante. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°459 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°388 rectifié, présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. de Legge, B. Fournier, Regnard, Cardoux et D. Laurent, Mme V. Boyer, MM. Mandelli et Reichardt, Mmes Gruny et de Cidrac, MM. Brisson, Rapin, Laménie, Belin et Bonne, Mme Boulay-Espéronnier, MM. de Nicolaÿ, Houpert, Bas, Longuet et Lefèvre, Mme Lassarade et MM. Charon et Mouiller.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 227-1 A du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant du 1° du I du présent article, est applicable jusqu'au 31 décembre 2026.
Mme Valérie Boyer. - L'article 44 vise à prévenir et à lutter contre les agissements de nature à troubler gravement l'ordre public en provoquant à la haine ou à la violence. Toutefois, il convient de fixer une durée limitée au dispositif de fermeture afin de préserver son caractère proportionné.
En outre, la notion « d'idées et théories diffusées qui provoquent à la violence et à la haine » est sujette à interprétation.
M. le président. - Amendement identique n°584 rectifié ter, présenté par MM. de Belenet, L. Hervé, Bonnecarrère, Duffourg, Détraigne, Capo-Canellas, Kern et Henno, Mmes Billon, Guidez et Saint-Pé, MM. S. Demilly et Laugier, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet, Le Nay, J.M. Arnaud et Folliot, Mme Gatel et M. Longeot.
M. Arnaud de Belenet. - Le dispositif prévu est attentatoire à la liberté de culte, à laquelle nous sommes attachés. Il faut limiter la fermeture dans le temps - quitte à la reconduire. Aussi, nous proposons que le dispositif ne soit applicable que jusqu'en 2026.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le dispositif créé par la loi SILT à titre expérimental a fait ses preuves. Les deux assemblées s'accordent pour le pérenniser. Nous ne souhaitons donc pas donner un caractère expérimental à l'article 44. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos388 rectifié et 584 rectifié ter sont adoptés.
L'article 44, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 44
M. le président. - Amendement n°183 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot.
Après l'article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout ressortissant étranger qui a fréquenté de manière récurrente un lieu de culte ayant fait l'objet d'une mesure de fermeture prise en application du présent article, ou qui viole cette mesure de fermeture, fait l'objet d'une mesure d'expulsion. »
Mme Valérie Boyer. - Les ressortissants étrangers qui ont fréquenté de manière récurrente un lieu de culte faisant l'objet d'une fermeture administrative pour les motifs prévus à l'article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure ou qui fréquentent un tel lieu de culte ouvert de manière clandestine doivent faire l'objet d'une mesure d'expulsion.
Il a été précisé en commission des lois qu'une personne ayant fréquenté un lieu de culte qui a ensuite été fermé n'est pas obligatoirement dangereuse pour la France. Certes. Aussi, cet amendement vise-t-il ceux qui ont fréquenté de manière récurrente un lieu de culte dans lequel les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence ou tendent à les justifier ou à les encourager.
De tels individus n'ont pas leur place sur le territoire national.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - La fréquentation d'un lieu de culte ne vaut pas adhésion à un discours terroriste ou salafiste. De plus, la mesure proposée est systématique et ne prévoit pas l'intervention du juge. Cela me semble disproportionné. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°183 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°184 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Schalck et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot.
Après l'article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État est complété par un article 36-... ainsi rédigé :
« Art. 36-.... - Constitue une prédication subversive le prêche, l'enseignement ou la propagande, par des paroles ou des écrits publics et réitérés, d'une idéologie qui fait prévaloir l'interprétation d'un texte religieux sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République.
« Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende l'auteur de la prédication subversive, c'est-à-dire celui qui prêche ou enseigne cette idéologie, ou qui diffuse par tous moyens de propagande le prêche ou l'enseignement de cette idéologie.
« Est passible de complicité et puni de trois ans d'emprisonnement et de 50 000 euros d'amende toute personne qui assiste volontairement et régulièrement au prêche ou à l'enseignement de cette idéologie, ou qui consulte volontairement et régulièrement des services de communication au public en ligne diffusant cette idéologie. »
Mme Valérie Boyer. - En matière de police des cultes, il convient de compléter les dispositions du texte par une pénalisation des prêches à caractère subversif, dont certains sont porteurs de discours haineux et violents contraires aux principes de la République. L'autorité judiciaire est démunie face aux auteurs de ces prédications, dont les propos sont pourtant connus et circulent ouvertement. Sans possibilité d'apporter une réponse pénale efficace et dissuasive, ce phénomène est difficile à endiguer pour les pouvoirs publics qui ne parviennent à obtenir des sanctions qu'au terme de procédures longues et fastidieuses.
Ces prêches constituent une menace caractérisée pour l'ordre public et ne peuvent être considérés comme relevant de la simple liberté de conscience. Leur caractère subversif consiste précisément à nier les lois de la République au profit de principes et de buts religieux. Cela n'est pas sans conséquences sur la sécurité de l'État, car des actes violents, parfois à caractère terroriste, peuvent en découler. La pénalisation de ce type de prêches permettra à l'autorité judiciaire d'intervenir plus tôt, plus rapidement et plus efficacement.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les appels à la haine et à la discrimination sont déjà réprimés de manière générale : retrait ou avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°184 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°507, présenté par M. Ravier.
I. - Après l'article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier bis du livre Ier du code civil est complétée par un article 25-... ainsi rédigé :
« Art. 25-.... - Toute personne de nationalité française qui a commis, tenter de commettre ou s'est rendu complice d'un acte de terrorisme mentionné aux articles 421-1 à 421-2-6 du présent code, est déchu de la nationalité française par décret pris après avis simple du Conseil d'État, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride.
« Le premier alinéa de l'article 25-1 n'est pas applicable au cas prévu au présent article.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Section ...
Garantir l'ordre face à l'insécurité et au terrorisme
M. Stéphane Ravier. - M. le ministre a dû se tromper involontairement en indiquant que les élus du Rassemblement national à l'Assemblée nationale n'avaient pas voté la fermeture pour six mois des lieux de culte : ils l'ont même proposée. La faute à un agenda surchargé ou à une fatigue temporaire sans doute... Vous êtes pardonné. (Expression amusée de M. le ministre)
Ce qui constitue une Nation, madame Benbassa, c'est d'avoir fait de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire d'autres à l'avenir disait Ernest Renan.
Quelles grandes choses pourrions-nous faire avec les islamistes, même français ? Déchéance nationale pour ceux qui ont deux nationalités, indignité nationale pour ceux qui n'ont que la nôtre ! Ce qui gêne dans ce débat, c'est qu'il met en évidence le lien entre immigration et terrorisme. On le sait, mais on ne s'y attaque pas...
Les soldats du califat sont rarement des descendants des Poilus... Combien de terroristes ont leur nom inscrit sur un monument aux morts ? Être Français, c'est vibrer à l'évocation du sacre de Reims et à l'épopée napoléonienne, aux exploits de Charles Martel, du Chevalier Bayard et de Jeanne d'Arc, aux héros comme Foch et Leclerc.
Il faut éradiquer les terroristes. Les islamistes, eux, doivent être soit enfermés s'ils n'ont pas de deuxième nationalité, soit expulsés.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Stéphane Ravier. - Quelle plus belle marque du respect des principes de la République que l'expulsion de ceux qui les bafouent ? Chers collègues de droite, vous réclamiez la déchéance de nationalité, la voici.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les articles 25 et 25-1 du code civil prévoient déjà la déchéance de nationalité pour terrorisme. De plus, la déchéance automatique relève d'une révision constitutionnelle ; nous avons eu le débat en 2015 et en 2016. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
Mme Esther Benbassa. - Ne convoquez pas Renan à l'appui de vos propos, monsieur Ravier : il se retournerait dans sa tombe ! Quelque 600 000 soldats coloniaux et 500 000 travailleurs étrangers ont servi pendant la première guerre mondiale. Faites preuve de respect au lieu de nier leur existence, monsieur Ravier. (M. Jean-Yves Leconte applaudit.)
M. Stéphane Ravier. - Des Français issus de territoires dits coloniaux se sont en effet battus pour leur pays et pour leur drapeau : gloire et respect éternels à ces hommes et à ces femmes tombés au champ d'honneur - ne les oublions pas. La France a marqué sa reconnaissance aux combattants musulmans en construisant la grande mosquée de Paris.
Depuis, il y a eu la décolonisation, des guerres d'indépendance sanglantes, et des gouvernements d'indépendance abominables. (Mme Éliane Assassi proteste.) Des musulmans ont rejoint le camp des séparatistes, des islamistes et, pour certains, des terroristes. Moi, je cible, j'identifie. Les islamistes tireront profit de nos faiblesses.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vos propos sur les combattants musulmans sont indignes. Pendant que mon grand-père musulman se battait pour la Résistance, d'autres se ralliaient à Vichy... La religion ne changeait rien à l'affaire.
Monsieur Ravier, je vous le confirme : votre groupe n'a pas pris part au scrutin public à l'Assemblée nationale sur l'article 44. Au lieu d'être excessif dans vos mots, soyez sérieux dans vos gestes !
M. le président. - Amendement n°688, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 1 et 3
Remplacer les mots :
d'un an
par les mots :
de dix-huit mois
M. Gérald Darmanin, ministre. - Entre son examen à l'Assemblée nationale et le débat au Sénat, la Fédération protestante a souligné que le texte imposait des changements assez importants aux petites associations cultuelles et culturelles sous le statut de la loi de 1901. Nous proposons donc de porter le délai d'application d'un an à dix-huit mois, mais pas davantage, compte tenu de l'urgence de la situation.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - La commission n'a pu examiner l'amendement qui a été déposé à 14 heures, mais avis favorable à titre personnel.
L'amendement n°688 est adopté.
M. le président. - Amendement n°617 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
du décret d'application prévu au même article 19-1
par les mots :
des décrets d'applications prévus aux mêmes articles 19 et 19-1
II. - Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et à l'article 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 précitée
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il s'agit d'un amendement de coordination.
L'amendement n°617 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 45, modifié, est adopté.
ARTICLE 46
M. le président. - Amendement n°224 rectifié, présenté par Mme Vermeillet, M. Mizzon, Mmes N. Goulet, Férat et Doineau, MM. Louault, Chauvet, Laugier, Kern, Henno, Longeot, Canevet et Levi, Mme Billon, MM. Capo-Canellas, Cigolotti, Moga et Delcros, Mme Morin-Desailly et M. Duffourg.
Alinéa 13, première phrase
Après les mots :
dans les seuls cas où
insérer le mot :
soit
et après les mots :
au même premier alinéa est engagée,
insérer les mots :
soit une plainte pénale pour des faits de menaces de mort, de crime ou de délit contre leur personne ou des faits de violences volontaires est déposée,
M. Claude Kern. - La crise sanitaire a entraîné une multiplication des pratiques bancaires frauduleuses, afin de capter des aides publiques à mauvais escient ou pour réaliser des transactions illégales. Or, les agents des services bancaires sont exposés lorsqu'ils dénoncent ces pratiques : lorsque Tracfin ferme un compte, le banquier est souvent soupçonné. Se pose, en conséquence, la question de leur protection.
L'article 46 prévoit que les banques pourront lever le droit d'opposition pour les besoins de leur défense en cas de poursuites civiles, commerciales ou pénales des personnes visées par le droit d'opposition.
Cet amendement le complète en prévoyant que la confidentialité du droit d'opposition peut être levée par les banques pour les besoins du dépôt d'une plainte pénale en cas de menaces de violences ou de mort sur leur personne ou pour des faits avérés de violences volontaires.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Tracfin est un service de renseignement dont les activités sont couvertes par la confidentialité : il faut la préserver pour ne pas nuire aux enquêtes.
Dans le cas d'une plainte pénale pour des faits de menaces de mort ou de violences volontaires contre un collaborateur, l'exercice par Tracfin de son droit d'opposition ne semble pas nécessaire à la compréhension, par l'autorité judiciaire, de la situation. À l'inverse, la non-révélation de l'exercice du droit d'opposition de Tracfin rendrait la compréhension de l'affaire impossible dans le cas d'actions en responsabilité contre l'entité assujettie. Enfin, la révélation du contenu d'une déclaration de soupçon n'intervient que lorsqu'elle est nécessaire à la mise en oeuvre de la responsabilité des entités assujetties et lorsque l'enquête judiciaire fait apparaître que les dirigeants peuvent être impliqués dans un mécanisme de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Claude Kern. - C'était un amendement d'appel pour alerter sur un danger potentiel. La Fédération bancaire française est très inquiète pour ses agents.
L'amendement n°224 rectifié est retiré.
L'article 46 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 46
M. le président. - Amendement n°151 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux et Gold et Mme Guillotin.
Après l'article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 26 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La liberté de religion s'exerce dans le strict respect des principes de la République et de l'ordre public, sous la responsabilité des aumôniers qui exercent leur office.
« En cas de non-respect de l'ordre public, l'agrément des aumôniers peut être suspendu ou retiré, dans des conditions fixées par un décret en conseil d'État. »
Mme Nathalie Delattre. - L'accès au culte doit être garanti aux détenus, d'où le rôle fondamental des aumôniers pénitentiaires agréés. Ceux-ci doivent s'assurer du respect des principes de la République.
La mission d'information sur les lieux de privation de liberté créée par la commission des lois a montré la nécessité d'encadrer davantage l'exercice de ce droit fondamental. De fait, l'exercice de la liberté religieuse en milieu carcéral suscite une inquiétude grandissante au vu du développement d'idéologies menaçantes. La prison apparaît comme un lieu propice au séparatisme et à la radicalisation.
D'où cet amendement prévoyant un retrait d'agrément pour les aumôniers qui ne respecteront pas les principes de la République.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le premier ajout proposé empiète sur les prérogatives des directeurs de prison et risque de complexifier de droit applicable ; le second est partiellement satisfait. Retrait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°151 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°567 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le d de l'article 18-2 de la loi n 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est abrogé.
M. Pierre Ouzoulias. - La loi du 11 octobre 2013 oblige les représentants d'intérêts à déclarer leurs relations avec des membres du Parlement, mais la loi du 10 août 2018 marque un recul en en exemptant les associations cultuelles. Revenons à la rigueur initiale de la loi.
M. le président. - Amendement n°453 rectifié bis, présenté par Mme Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le d de l'article 18-2 de la loi n 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par les mots : « , dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ».
Mme Hélène Conway-Mouret. - Cet amendement réintroduit les associations cultuelles dans le champ du répertoire numérique qui assure l'information des citoyens sur les relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics, créé par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Le législateur les avait soumises aux mêmes obligations de déclaration, mais uniquement pour les relations qu'elles entretiennent avec le ministère chargé des cultes. Hélas, cette fenêtre de transparence a été supprimée par la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (Essoc).
L'exception pour les associations cultuelles devient difficile à défendre ; de plus, la notion « d'association à objet cultuel » est floue.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le Sénat a rejeté plusieurs fois cette disposition. D'abord, ces obligations sont difficilement compatibles avec le libre exercice des cultes et le respect de la liberté de conscience. En outre, elles frapperaient davantage les cultes les plus structurés.
Le second amendement concerne les seules relations des associations cultuelles avec le ministère de l'intérieur, alors qu'elles ont également des contacts avec d'autres ministères, comme celui de la culture, et avec des élus locaux.
Avis défavorable aux deux amendements.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Pierre Ouzoulias. - Du 11 octobre 2013 au 10 août 2018, les associations cultuelles ont été soumises à un régime de déclaration d'intérêt : nous n'inventons rien. Un exemple au hasard : si l'association Millî Görü? se rend au Sénat, pas besoin de déclaration, mais la Conférence des présidents d'université doit le faire... Quelle est la logique ?
Il faut encadrer davantage l'activité des associations cultuelles avec la représentation nationale.
Mme Hélène Conway-Mouret. - J'ai moi aussi beaucoup de mal à comprendre cette dérogation. Les représentants des cultes sont des influenceurs d'opinion. Cette mesure de transparence serait dans l'intérêt des associations cultuelles.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Nous ne créons rien : nous souhaitons le maintien du droit existant.
L'amendement n°567 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°453 rectifié bis.
L'article 46 bis est adopté.
ARTICLE 47
M. Thani Mohamed Soilihi . - J'attire votre attention sur les équilibres culturels et religieux de nos collectivités ultramarines. L'application du principe de laïcité n'y est pas homogène, mais ne pose pas de réelle difficulté.
Il existe des spécificités. Ainsi, à Wallis-et-Futuna, l'instruction primaire est intégralement concédée au diocèse catholique ; à Saint-Pierre-et-Miquelon, les édifices religieux appartiennent aux communes, mais l'évêché à la Mission catholique ; à La Réunion ou à Mayotte, les pratiques cultuelles sont très diverses, mais ne remettent pas en cause les principes de la République.
Ces situations reflètent la spécificité de l'histoire et des statuts des outre-mer au regard de la loi de 1905. La tentation d'harmoniser avec l'Hexagone est forte, mais attention à ne pas bouleverser les équilibres sociaux existants ! (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. - Amendement n°568 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 2 et 9
Après les mots :
en Guadeloupe,
insérer les mots :
en Guyane,
M. Pierre Ouzoulias. - Depuis l'ordonnance royale de 1828, le culte catholique est la seule religion reconnue par l'État en Guyane et ses missions sont payées par la collectivité de Guyane. Cette situation est archaïque. Par exemple, l'État fixe le montant du casuel...
Un décret a été pris en 1907 pour l'extension de la loi de 1905 dans les territoires des Antilles, mais sans inclure la Guyane - décision arbitraire de l'exécutif. Lors de la départementalisation, même chose. Depuis, l'Église catholique et la collectivité sont convenues de l'abandon de ce système dérogatoire. Seuls une dizaine de prêtres demeure payée par la collectivité jusqu'à leur retraite.
Notre amendement accompagne ce changement nécessaire. En effet, les autres cultes - assez majoritaires - n'ont aucun droit.
En 2000, la Miviludes remarquait que certaines communautés étaient particulièrement bien dotées patrimonialement et exerçaient une forte ingérence. La frontière avec le Brésil est poreuse, ce qui permet à de nombreuses églises de s'installer. Étendons la loi de 1905 à la Guyane pour que le droit s'y applique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - La commission des lois partage les propos du sénateur Mohamed Soilihi sur l'histoire particulière des territoires concernés.
Ce texte ne peut être le véhicule de la réforme, si elle doit avoir lieu. Il faut réunir les Guyanais, le Gouvernement et les élus autour de la table. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Gouvernement reste sur sa ligne : nous ne souhaitons pas remettre en cause les équilibres issus de l'histoire et donc les droits locaux. Avis défavorable.
M. Pierre Ouzoulias. - Le 14 mars 1946, Gaston Monnerville, alors député de Guyane à l'Assemblée constituante déclarait qu'il votait des lois pour la métropole ou l'Afrique du Nord et contribuait à l'administration de la communauté française alors que son pays n'en relevait pas, étant soumis au régime des décrets. « C'est une absurdité qui ne peut pas durer », disait-il, et « qu'un régime vraiment démocratique ne peut laisser subsister ». Il ajoutait : « Après la fraternité et la liberté, nous venons vous demander l'égalité devant la loi, l'égalité des droits (...) dans la famille française ». Il adjurait ses collègues d'accomplir ainsi une « oeuvre démocratique indispensable ».
Soixante-quinze ans plus tard, abolissons cette différence pour que la Guyane soit pleinement intégrée à la Nation française et pour que vive la République !
M. Jean-Yves Leconte. - Je comprends, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas voulu bouleverser des équilibres fragiles, mais certains territoires évoluent, comme la Guyane. Sans aller jusqu'à l'amendement de nos collègues, nous pourrions pragmatiquement donner le droit aux collectivités territoriales de revenir au droit commun. Les esprits ont suffisamment évolué.
Mme Nathalie Delattre. - Je suis solidaire avec cette demande du groupe CRCE, m'apprêtant à défendre un amendement dans le même sens pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Certains territoires réclament aujourd'hui d'appartenir à la République une et indivisible.
Madame la rapporteure, je crois au contraire que c'est le texte idoine. Le RDSE votera cet amendement.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je comprends le groupe CRCE et je salue sa constance. Néanmoins, la différence entre cet amendement et le suivant, c'est que le sénateur du territoire concerné en est l'auteur.
Si les choses n'ont pas bougé depuis soixante-quinze ans malgré l'appel du président Monnerville, c'est qu'il y a des raisons. Écoutons ces territoires avant de légiférer. Nous ne savons pas ce que veulent les Guyanais du XXIe siècle. Ne votons pas cet amendement.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il n'y a pas eu de consultation des élus guyanais. Le ministre des Outre-mer a échangé avec les élus du Pacifique : ils ne souhaitent pas que leur régime évolue.
L'ensemble des règles qui nous régissent sont des lois de la République. Ce n'est pas parce que certaines ne sont pas appliquées partout qu'elles seraient moins républicaines.
Je ne suis pas fermé à toute évolution, mais il faut consulter au préalable. Ce n'est pas mûr.
Mme Laurence Rossignol. - Il se passe des choses terribles en Guyane en ce moment.
L'amendement n°568 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°232 rectifié quater, présenté par MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Babary et Chasseing, Mmes Férat, Gruny et Guidez et MM. Henno, Longeot, Milon, Mouiller, Wattebled, J.M. Arnaud, Folliot, Malhuret, Rapin et Fialaire.
I. - Alinéa 2
Après le mot :
Réunion,
insérer les mots :
à Saint-Pierre-et-Miquelon,
II. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de la présente loi à Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence au département est remplacée par la référence à la collectivité territoriale. »
III. - Alinéa 9
Après le mot :
Réunion,
insérer les mots :
à Saint-Pierre-et-Miquelon,
IV. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de la présente loi à Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence au département est remplacée par la référence à la collectivité territoriale. »
Mme Nathalie Delattre. - Cet amendement de Stéphane Artano concerne son territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, régi par les décrets Mandel de 1939. Il n'est pas interdit de faire des dons aux cultes jusqu'à 1 500 euros, y compris par des collectivités territoriales, sans autorisation du préfet.
M. Artano, alors président de la collectivité, a mis fin à ce versement qui équivalait à salarier les prêtres de la mission catholique.
En 2018, le diocèse de l'archipel a reformulé une demande de financement, à nouveau refusée. Depuis, les relations entre les personnes publiques et les cultes sont conformes à la loi de 1905. Supprimons donc cette dérogation pour faire entrer Saint-Pierre-et-Miquelon dans la République une et indivisible.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Laissons aboutir les négociations que M. Artano a initiées. Cela doit se régler avec le temps et avec toutes les forces publiques. Avis défavorable à l'amendement : ce n'est pas le bon véhicule législatif.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Pierre Ouzoulias. - Nous sommes la représentation nationale. Je représente donc autant la Guyane que mes collègues guyanais, les Hauts-de-Seine. Nous ne sommes pas encore une République fédérale. Comment pouvez-vous imaginer que le président Artano, qui est un homme d'une grande conscience, n'ait pas consulté ses 39 grands électeurs avant de proposer l'application de la loi de 1905 sur son territoire ?
Quand on parle de renforcement de la République, y en a-t-il d'autres que l'application de la loi républicaine partout de la même façon ? C'est l'égalité des droits ! Je regrette cette position issue d'une vision politicienne à courte vue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Loïc Hervé. - Quel est le rapport avec le séparatisme ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je n'ai jamais sous-entendu qu'un sénateur ne pouvait pas proposer d'évolutions pour un autre territoire que celui où il a été élu. Mais on ne peut pas faire évoluer des équilibres issus de l'histoire sans consultation...
M. Loïc Hervé. - ... Formelle !
M. Thani Mohamed Soilihi. - Jamais je ne me permettrais de remettre en cause la légitimité des sénateurs. (MM. Richard Yung et Loïc Hervé applaudissent.)
À la demande du RDSE, l'amendement n°232 rectifié quater est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°107 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 270 |
Pour l'adoption | 33 |
Contre | 237 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 47 est adopté.
L'article 48 demeure supprimé.
Les articles 49, 49 bis, 50, 51 et 51 bis sont adoptés.
ARTICLE 52
M. le président. - Amendement n°672, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.
Rédiger ainsi cet article :
Le I de l'article 41 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi rédigé :
« I. - A. - Sous réserve des adaptations prévues au B du présent I, les dispositions de la présente loi mentionnées dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna aux administrations de l'État et à leurs établissements publics.
«
DISPOSITIONS APPLICABLES |
DANS LEUR REDACTION RÉSULTANT DE |
Articles 1er à 3 |
la présente loi |
Article 9-1 |
la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire |
Article 10 |
la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique |
Article 10-1 |
la loi n° du confortant le respect des principes de la République |
Article 25-1 |
la loi n° du confortant le respect des principes de la République |
« B. - Pour leur application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, les références à la loi n°79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement en matière d'archives.
« À l'article 10, pour son application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, les mots : " préfecture du département ", sont remplacés respectivement par les mots : " Haut-Commissariat de la Nouvelle-Calédonie ", " Haut-Commissariat de la Polynésie française " et " Administration supérieure des îles Wallis et Futuna ". »
L'amendement n°672, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 52 est ainsi rédigé.
L'article 53 est adopté
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 53
M. le président. - Amendement n°541 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant le bilan des évolutions intervenues en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, en matière de séparation des Églises et de l'État.
M. Pierre Ouzoulias. - C'est une demande de rapport pour entendre votre proposition et inciter M. Artano, président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, à organiser un débat sur l'extension de la loi de 1905 à l'ensemble des territoires ultramarins. Je ne doute pas que nous parviendrions au même consensus que celui qui existe localement et pourrions adopter une proposition de loi en ce sens.
Je connais d'avance le sort de cet amendement, mais je tiens à ce que la Haute assemblée s'engage en faveur d'un débat.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Vous connaissez la position du Sénat sur les rapports. Avis défavorable, mais la délégation pourra travailler sur ce sujet.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°541 rectifié bis est retiré.
L'article 54 est adopté.
L'article 55 demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 30 (Précédemment réservé)
M. le président. - Amendement n°433 rectifié bis, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, il est inséré un article 13-... ainsi rédigé :
« Article 13-.... - Une désaffectation partielle des édifices servant à l'exercice public du culte est autorisée dans les communes de moins de 3 500 habitants.
« Toute désaffectation partielle est prononcée par arrêté du représentant de l'État dans le département, à la demande du conseil municipal, lorsque la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire aura donné par écrit son consentement à la désaffectation.
« L'arrêté fixe la répartition des parties de l'édifice dont chaque partie obtient la jouissance, et les réparations attendues dans le cas où l'une des deux parties l'outrepasserait. L'arrêté fixe également les activités autorisées dans les parties désaffectées; en aucun cas il ne serait toléré une quelconque activité cultuelle différente de la vocation première du lieu ou une activité à finalité politique. »
M. Olivier Jacquin. - Cet amendement intéresse la France des petites communes, où l'église ne sert qu'une ou deux fois par an - voire moins - parce qu'on lui préfère celle du village voisin ou du bourg-centre. Il a reçu le soutien du bureau de l'Association des maires ruraux de France.
Je propose un usage partagé entre le culte et les activités du propriétaire des églises, qu'elles soient culturelles ou éducatives. Je l'ai vu au Québec ou en Belgique où cette pratique est courante. Le choeur reste affecté au culte, mais la nef est séparée par une cloison mobile de manière respectueuse. Lors des journées de canicule, les activités périscolaires pourraient s'y tenir. Cela éviterait des installations coûteuses.
Dans mon département, la commune de Pannes le demande.
Certes, l'affectataire peut passer des conventions...
M. Loïc Hervé. - Exactement !
M. Olivier Jacquin. - Mais depuis la dizaine d'années que je travaille sur le sujet, je constate très peu d'avancées. Nous proposons le même mécanisme que pour la désaffectation des églises pour les communes de moins de 3 500 habitants, avec un double niveau d'accord.
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois. - Avis défavorable car le sujet ne semble pas totalement mûr.
Il faut aujourd'hui une convention entre le propriétaire et l'affectataire pour organiser autre chose que le culte dans les églises. C'est le cas dans l'Yonne à Vézelay ou à Saint-Sauveur, pour des festivals.
Vous proposez qu'une paroi amovible sépare le choeur du reste de l'église... Tout se passe bien tant que le maire et le prêtre s'entendent bien, mais alors, pourquoi ne pas privilégier une convention ?
Michel Fournier, président de l'Association des maires ruraux, m'a dit qu'il fallait convaincre les évêques de pousser les prêtres à accepter des conventions, pour des activités qui leur conviennent.
L'accueil des enfants en période de canicule ne doit pas être rejeté.
J'ai interrogé mon évêque à triple titre : nous avons deux cathédrales et la Mission de France dans l'Yonne. Il m'a opposé une fin de non-recevoir : c'est le signe que les choses ne sont pas mûres pour des conventions, ni du côté des évêques ni du côté des maires.
Il faudra en parler lors de la renégociation des baux emphytéotiques, notamment dans le cadre des 450 chantiers du Cardinal. Ce sera l'occasion d'évoquer l'utilisation partagée. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Olivier Jacquin. - Je suis très reconnaissant à la rapporteure d'avoir creusé ce sujet sensible. Je tenais à provoquer le débat. Oui, il faudra en reparler à l'occasion de la renégociation des baux emphytéotiques.
Les élus manquent de connaissance sur la possibilité d'une utilisation partagée de ces lieux, qui pourrait avoir des bénéfices pour toutes les parties. Les maires doivent interroger les prêtres.
J'ai reçu un avis plutôt réservé du secrétaire de la Conférence des évêques de France, mais Monseigneur Papin, évêque de Nancy, a pris une position plus ouverte. Selon lui, vouloir maintenir l'usage exclusif du culte condamne le patrimoine religieux à la ruine car les petites communes ne voudront plus financer l'entretien coûteux de bâtiments qui servent si peu.
L'amendement n°433 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°243 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mmes N. Goulet, V. Boyer et Belrhiti, M. Sol, Mmes Vermeillet et Drexler, MM. Courtial, Savin, Levi, Bonnecarrère et Laménie, Mmes Muller-Bronn et Schalck, MM. Kern, Bouchet, Pointereau et Paccaud, Mme Gruny, M. Meurant, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Maurey, Détraigne, Houpert, Bonhomme, Hingray et Duffourg, Mme Dumont et MM. Rapin, Somon et Longeot.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, sont insérés des articles 25-1 et 25-2 ainsi rédigés :
« Art. 25-1. - Les réunions pour la célébration d'un culte sont organisées ou animées par une personne remplissant les conditions fixées au premier alinéa de l'article 25-2 de la présente loi.
« Art. 25-2. - Les associations cultuelles ne peuvent faire appel pour l'exercice public du culte qu'à des ministres du culte justifiant d'une qualification acquise au cours d'une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques ainsi que des rites de cette confession, dispensée et sanctionnée par une instance suffisamment représentative de ce culte sur le territoire national.
« Le titre de ministre du culte est ainsi conféré à toutes les personnes qui occupent, en vertu d'une nomination, d'un contrat ou à quelque titre que ce soit et en quelque lieu que ce soit, une fonction primordiale dans la direction, le déroulement, l'animation et l'enseignement d'un culte. »
M. André Reichardt. - Cet amendement très important fait suite à la mission sénatoriale sur l'islam de France. Il s'agit d'éviter les imams autoproclamés et autres pseudo-prédicateurs.
Je propose que les ministres chargés d'un culte justifient d'une qualification acquise au cours d'une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques ainsi que des rites de cette confession, dispensée et sanctionnée par une instance représentative de ce culte.
Les aumôniers militaires et pénitentiaires sont déjà recrutés sur des critères de diplômes notamment, sans que cela soit jugé attentatoire à la liberté religieuse.
Le législateur ayant accordé des avantages spécifiques aux associations cultuelles, il est fondé à réclamer des formations organisées.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La question de la formation des imams se pose. Mais la loi de 1905 s'impose à nous. Nous n'intervenons pas dans l'organisation du culte, donc pas dans la formation des ministres. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. André Reichardt. - J'ai déposé, il y a trois ans, une proposition de loi pour obliger les associations cultuelles à évoluer vers la loi de 1905 et assurer la qualification de tous les ministres du culte. On m'a répondu qu'on ne pouvait le faire. Et maintenant, ce projet de loi l'organise ! J'ai eu raison trois ans trop tôt pour la première partie de mon texte. Gageons qu'on en viendra aussi à ce que je propose en matière de qualification.
Nous savons bien que le juge constitutionnel se livre au contrôle de proportionnalité, arbitrant entre liberté religieuse et ordre public. Cette exigence de qualification ne sera pas nécessairement censurée par le Conseil constitutionnel ou la CEDH. Tentons le coup ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Non, mon cher collègue : ce texte n'oblige pas les associations cultuelles à adopter le régime de la loi de 1905. La migration est favorisée, pas imposée.
M. Jean-Yves Leconte. - Ce que notre collègue propose est une immixtion dans l'organisation du culte...
M. André Reichardt. - Mais oui !
M. Jean-Yves Leconte. - ... totalement contraire au principe de séparation de l'Église et de l'État.
L'amendement n°243 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°514 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 13° de l'article 7 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est abrogé.
II. - Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des associations sont constituées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte, conformément aux articles 21 à 79-3 du code civil local. Elles sont soumises aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
III. - Les établissements publics locaux du culte sont supprimés. Leurs biens mobiliers et immobiliers sont transférés aux associations mentionnées au présent article. Les biens mobiliers et immobiliers n'ayant pas été réclamés par ces associations dans les deux années suivant l'entrée en vigueur de la présente loi sont mis en vente.
IV. - Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État.
V. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Pierre Ouzoulias. - Nous proposons l'abrogation du droit local alsacien-mosellan, uniquement en matière de cultes ; les dispositions sociales ne sont pas concernées.
D'après un sondage, 78 % des Français et 52 % des habitants d'Alsace-Moselle sont favorables à la fin du Concordat dans sa forme actuelle ; 83 % des Français et 53 % des Alsaciens-Mosellans considèrent le financement du régime concordataire comme anormal.
Les Alsaciens et les Mosellans, en 1924 et 1946, ont montré leur attachement au Concordat. Il faut donc un débat local, j'en conviens. Mais qu'on l'engage ! Il faut avancer. L'admission du culte musulman à la table de la République est une question posée.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il y a des équilibres locaux. C'est aux Alsaciens et Mosellans de faire ce travail. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Pierre Ouzoulias. - Dans une tribune publiée par La Croix, une députée européenne et les trois députés du Bas-Rhin écrivent que la possibilité de financement public d'un lieu de culte a le mérite de créer les conditions pour une adhésion des cultes aux principes républicains.
Hakim El Karoui explique dans une récente étude que les 508 djihadistes français sont issus principalement de 150 villes dont Toulouse, Strasbourg, Nice et Paris. Cela montre qu'il n'y a pas de corrélation entre la forme donnée à la gestion du culte et le djihadisme.
C'est une politique de la ville dans la quarantaine de quartiers d'où viennent les djihadistes qu'il faut mettre en oeuvre.
M. Jacques Fernique. - Le GEST ne peut approuver cette abrogation expéditive. Un dialogue est nécessaire.
En tant que sénateur alsacien, je voterai contre cet amendement, au nom de la compensation historique, de l'argument européen - le régime de reconnaissance des cultes est courant en Europe -, de la reconnaissance du droit local par le Conseil constitutionnel, de l'équilibre qui concilie liberté religieuse et laïcité, et de la concorde, qui a bougé depuis Bonaparte. Le nouveau rapport entre les pouvoirs publics et les cultes concourt au vivre ensemble.
Je plaide pour l'ouverture du régime local à l'islam, en commençant par le domaine scolaire. (MM. Loïc Hervé et Claude Kern approuvent.)
Mme Elsa Schalck. - Je voterai sans hésitation contre cet amendement. Je suis profondément attachée au régime local des cultes, confirmé par le Conseil d'État en 1925, par le Préambule de la Constitution de 1946, puis celle de 1958 et par le Conseil constitutionnel en 2013. Il est pleinement inscrit dans l'histoire de notre République et partie intégrante de l'identité de nos territoires à l'histoire tumultueuse. La majorité des Alsaciens et Mosellans souhaitent son maintien.
Les deux facultés de théologie catholique et protestante contribuent au rayonnement de l'université de Strasbourg. Le dialogue interreligieux est encouragé.
Au Sénat, nous connaissons l'importance des spécificités locales. Ne les craignons pas, protégeons-les ! La complémentarité entre Concordat et laïcité est un bien précieux pour notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. André Reichardt. - Vous ne serez pas étonnés que le sénateur alsacien que je suis s'oppose complètement à cet amendement.
Nos collègues soutiennent que le Concordat n'a pas sa place dans la République. C'est juridiquement faux puisque le Conseil constitutionnel l'a reconnu. Le Conseil d'État a reconnu le droit à la différenciation.
Nous nous apprêtons à examiner le projet de loi 4D, dont un « D » comme « différenciation ». Et il faudrait supprimer ce cadre clair qui facilite le dialogue entre les cultes et les pouvoirs publics ?
Les Alsaciens sont très attachés au droit local y compris au Concordat : 56 % d'entre eux sont favorables à ce que les ministres du culte et les édifices religieux soient financés sur fonds publics. La laïcité n'interdit pas aux pouvoirs publics de réfléchir avec les cultes aux choses spirituelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Claude Kern. - Je soutiens l'argumentaire de mes collègues alsaciens. Je voterai évidemment contre l'amendement.
M. Loïc Hervé. - Historiquement, le Concordat n'est pas une faveur envers les cultes protestants ou le culte israélite, mais une contrainte imposée par Napoléon pour les contrôler. C'est une préfiguration de la loi de 1905.
C'est paradoxal : tout au long de l'examen de ce projet de loi, chacun veut mettre son nez dans les affaires du culte, et il faudrait abroger le modèle concordataire de relation avec les cultes, qui est intéressant. Je suis profondément choqué que l'on veuille gommer les spécificités locales. N'ayons pas une vision uniforme !
Un chercheur invité sur France 2 dans une émission sur l'islam, hier, soulignait combien, dans beaucoup de pays, alors qu'un culte est reconnu comme religion d'État, l'État intervient beaucoup moins dans son organisation que nous...
À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°514 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°108 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 265 |
Pour l'adoption | 24 |
Contre | 241 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(M. Loïc Hervé applaudit.)
ARTICLE 31 (Précédemment réservé)
M. Pierre Ouzoulias . - Le code civil d'Alsace-Moselle distingue associations non inscrites, associations inscrites de droit local, sur lesquelles s'exerce un double contrôle de la préfecture et de la justice, et associations inscrites reconnues d'utilité publique. Le cultuel pourrait-il entrer dans cette dernière catégorie ? Le projet de loi en ajoute une quatrième, les associations inscrites à objet cultuel, ce qui est un changement majeur.
Dans sa décision Somodia, le Conseil constitutionnel estime que des dispositions particulières en Alsace-Moselle ne sont justifiées que si elles n'entraînent pas des différences de traitement accrues ou que leur champ d'application ne soit pas élargi. Nous verrons ce qu'il pense de cet article. Il aurait été plus simple de partir du statut des associations loi 1905 pour l'appliquer à toutes les associations cultuelles d'Alsace-Moselle.
Enfin, ces nouvelles associations de droit local ne disposent pas de tous les avantages fiscaux consentis aux associations cultuelles loi de 1905. La différence de traitement perdure donc.
M. André Reichardt . - Je remercie M. le ministre d'avoir accepté une inscription en propre dans les codes civil et pénal locaux plutôt qu'une simple référence à la loi de 1905. J'y vois une marque de respect pour notre droit local.
Cependant, certaines modifications seraient souhaitables pour tenir encore mieux compte de notre spécificité, d'où plusieurs amendements issus des sénateurs alsaciens-mosellans de tous les bancs.
Si Strasbourg a pu verser une subvention à Millî Görü? pour la construction de la plus grande mosquée d'Europe, cela n'a rien à voir avec le régime concordataire. Elle l'a fait parce que l'article 2 de la loi de 1905 ne s'applique pas en Alsace-Moselle, mais une étude préalable aurait été nécessaire. Comme elle n'a pas été faite, je me félicite que l'État ait déféré ce permis de construire au tribunal administratif.
M. Richard Yung . - Veuillez excuser Mme Schillinger, convalescente, qui souhaitait affirmer son attachement au droit local et à la pratique concordataire qui a permis d'atteindre un équilibre entre liberté religieuse, laïcité et valeurs de la République.
Il eût été imprudent de ne pas renforcer les obligations des associations cultuelles de droit local, qui auraient alors fait de l'Alsace-Moselle un refuge pour les associations qui contreviendraient aux principes de la République après l'adoption de ce texte.
Les élus alsaciens et mosellans savent gré au Gouvernement de ne pas s'être contenté d'un renvoi à la loi de 1905 pour ces associations.
Néanmoins, la faculté d'acquérir des immeubles à titre gratuit doit être étendue à l'Alsace-Moselle.
M. le président. - Amendement n°689, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Après l'article 79-IV du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, il est inséré un 3 ainsi rédigé :
« 3. - Dispositions particulières propres aux associations inscrites à objet cultuel
« Art. 79-V. - Sans préjudice des articles du présent titre applicables aux associations inscrites, les associations inscrites à objet cultuel sont soumises aux dispositions des articles suivants, sauf lorsque leurs activités liées à l'exercice public du culte revêtent un caractère strictement accessoire.
« Art. 79-VI. - Les associations inscrites à objet cultuel ne doivent, ni par leur objet statutaire, ni par leurs activités effectives, porter atteinte à l'ordre public.
« Art. 79-VII. - Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d'administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs sont, chaque année au moins, présentés au contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association et soumis à son approbation.
« Art. 79-VIII. - I. - Toute association inscrite à objet cultuel bénéficiant directement ou indirectement d'avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France est tenue d'en faire la déclaration à l'autorité administrative.
« Cette obligation s'applique aux avantages et ressources dont le montant ou la valorisation dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État, qui ne peut être inférieur à 10 000 €, ou dont le montant ou la valorisation du total des avantages et ressources dépasse ce même seuil sur un exercice comptable. Elle ne s'applique pas aux avantages et ressources qui font l'objet d'une libéralité.
« Les avantages et ressources soumis à déclaration sont notamment les apports en fonds propres, les prêts, les subventions, les dons manuels les mécénats de compétences, les prêts de main d'oeuvre, les dépôts, les parts des sociétés civiles immobilières et les contributions volontaires, qu'ils soient réalisés par ou sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, d'un établissement de monnaie électronique, d'un établissement de paiement ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier.
« II. - Les avantages et ressources soumis à l'obligation de déclaration mentionnée au I du présent article sont les suivants :
« 1° Les avantages et ressources apportés directement à l'association bénéficiaire ;
« 2° Les avantages et ressources apportés à toute association ou à toute société sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable de l'association bénéficiaire, au sens des II et III de l'article L. 233-16 et de l'article L. 233-17-2 du code de commerce ;
« 3° Les avantages et ressources apportés à toute entité structurée ou organisée de manière telle que son activité est en fait exercée pour le compte de l'association bénéficiaire ou de toute association ou société mentionnée au 2° du présent II ;
« 4° Les avantages et ressources apportés aux associations, sociétés ou entités mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent II par l'intermédiaire d'une personne morale ou d'une fiducie sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable d'un État étranger ou d'une personne morale étrangère ou de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ;
« 5° Les avantages et ressources apportés aux associations, sociétés ou entités mentionnées aux mêmes 1°, 2° et 3° par l'intermédiaire d'une personne morale, d'une fiducie ou d'une personne physique de telle manière qu'ils le sont en fait pour le compte d'un État étranger, d'une personne morale étrangère, de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d'une personne physique non résidente en France.
« Les fiducies et personnes morales de droit français mentionnées aux 2°à 5° du présent II assurent la certification de leurs comptes dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, sans préjudice de l'application de l'article 4-1 de la loi n 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
« III. - Lorsque les agissements de l'association bénéficiaire ou de l'un de ses dirigeants ou administrateurs établissent l'existence d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, l'autorité administrative peut s'opposer, après mise en oeuvre d'une procédure contradictoire, au bénéfice des avantages et ressources mentionnés au I du présent article.
« L'opposition peut être exercée dans les mêmes conditions lorsque constituent une menace de même nature les agissements de tout État étranger, organisme, entité, personne ou dispositif mentionné au II, ou de l'un de ses dirigeants, administrateurs, constituants, fiduciaires ou bénéficiaires.
« IV. - Le non-respect de l'obligation de déclaration prévue au présent article est puni d'une amende de 3 750 €, dont le montant peut être porté au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction. Les personnes physiques ou morales coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues à l'article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation de la valeur des avantages et ressources concernés.
« En cas d'opposition formée par l'autorité administrative conformément au III du présent article, l'association bénéficiaire est tenue de restituer les avantages et ressources versés ou consentis. Le défaut de restitution dans un délai de trois mois est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende ainsi que d'une peine complémentaire de confiscation des avantages et ressources concernés.
« Le fait pour un dirigeant, un administrateur ou un fiduciaire de ne pas respecter l'obligation prévue au dernier alinéa du II est puni de 9 000 € d'amende.
« V. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, en particulier les conditions dans lesquelles les fiducies et les personnes morales de droit français mentionnées au dernier alinéa du II doivent assurer la certification de leurs comptes, notamment le montant des avantages et ressources à compter duquel s'applique l'obligation de certification.
« Art. 79-IX. - Sans préjudice de l'article 910 du code civil, l'aliénation d'un local servant habituellement à l'exercice public d'un culte consentie directement ou indirectement à un État étranger, à une personne morale étrangère ou à une personne physique non résidente en France est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable à l'autorité administrative.
« L'autorité administrative peut s'opposer à l'aliénation, après mise en oeuvre d'une procédure contradictoire, pour le motif mentionné au III de l'article 79-VIII du présent code. L'opposition à l'aliénation, formée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, prive celle-ci d'effet.
« Art. 79-X. - Les associations inscrites à objet cultuel établissent des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Ces comptes sont établis conformément à un règlement de l'Autorité des normes comptables, qui prévoit notamment la tenue d'un état séparé des ressources provenant d'un État étranger, d'une personne morale étrangère ou d'une personne physique non résidente en France. Elles établissent leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l'exercice public d'un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. Elles sont tenues de consacrer un compte ouvert dans un établissement mentionné à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à leur activité d'exercice public du culte.
« Elles dressent également une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l'exercice public du culte.
« Elles sont tenues de présenter les documents mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article ainsi que le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État dans le département.
« Lorsqu'elles ont bénéficié, au cours de l'exercice comptable considéré, d'avantages ou de ressources mentionnés au I de l'article 79-VIII du présent code, elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l'application de l'article 4-1 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
« Elles assurent également la certification de leurs comptes :
« 1° Lorsqu'elles délivrent des documents tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations permettant à un contribuable d'obtenir une réduction d'impôt en application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ;
« 2° Lorsque le montant des subventions publiques reçues annuellement dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État ;
« 3° Lorsque leur budget annuel dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État.
« Elles établissent un traité d'apport lorsqu'elles reçoivent un apport en nature en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou en nue-propriété. Ce traité, qui est annexé aux comptes de l'exercice en cours, comporte une description précise de l'apport, sa valeur estimée et ses conditions d'affectation. Le cas échéant, il précise également la contrepartie pour l'apporteur et les conditions de reprise du bien.
« Tout projet de construction, par ces associations, d'édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l'objet d'un plan de financement prévisionnel mentionnant dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État, l'origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. Le plan de financement est transmis au représentant de l'État dans le département au plus tard lors du dépôt de la demande de permis de construire ou d'aménager. Il est rendu public selon des modalités fixées par le décret mentionné à la première phrase. À l'issue de la réalisation du projet, un bilan financier est présenté dans les mêmes conditions.
« Lorsque les associations collectent des dons par l'intermédiaire des opérations de paiement prévues au 2° du I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier, elles sont tenues d'en faire la déclaration préalable au représentant de l'État dans le département ou dans la collectivité dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi n°91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.
« Le contrôle financier est exercé sur les associations par le ministre des finances et par l'inspection générale des finances.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du quatrième alinéa du présent article, notamment :
« 1° Le montant des avantages et ressources en-dessous duquel l'obligation de certification ne s'applique pas ;
« 2° Le montant des avantages et ressources en-dessous duquel l'obligation de certification est remplie par la désignation d'un commissaire aux comptes nommé pour un mandat de trois exercices et dispensé de certaines diligences définies par décret en Conseil d'État. Une norme d'exercice professionnel homologuée par arrêté du ministre de la justice précise les modalités d'exécution des diligences à accomplir par le commissaire aux comptes et le formalisme qui s'attache à la réalisation de sa mission dans ce cadre ;
« 3° Le montant des avantages et ressources au-dessus duquel l'obligation de certification est remplie par la désignation d'un commissaire aux comptes dans les conditions prévues à l'article L. 612-4 du code de commerce.
« Art. 79-XI. - Est puni de 9 000 € d'amende le fait, pour le dirigeant ou l'administrateur d'une association, de ne pas respecter les obligations prévues aux dix premiers alinéas de l'article 79-X.
« À la demande de toute personne intéressée, du ministère public ou du représentant de l'État dans le département dans lequel est situé le siège social de l'association ou le projet de construction de l'édifice répondant à des besoins collectifs de caractère religieux, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l'association de produire les comptes annuels et les autres documents mentionnés à l'article 79-X. Le président du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d'effectuer ces formalités.
« Art. 79-XII. - Lorsqu'il constate qu'une association inscrite de droit local accomplit des actes en relation avec l'exercice public d'un culte, tels que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte, sans que son objet le prévoie, et sauf dans le cas où ces activités revêtent un caractère strictement accessoire, le représentant de l'État dans le département met en demeure l'association, dans un délai qu'il fixe et ne pouvant être inférieur à un mois, de mettre en conformité son objet avec ses activités.
« À l'expiration du délai prévu au premier alinéa, le représentant de l'État dans le département peut, si l'association n'a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d'un montant maximal de 100 € par jour de retard.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »
II. - Après l'article 167 du code pénal local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, sont insérés des articles 167-1 à 167-6 ainsi rédigés :
« Art. 167-1. - Les réunions pour la célébration d'un culte dans les locaux appartenant à un établissement public du culte ou à une association à objet cultuel ou mis à leur disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités prévues à l'article 8 de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public.
« L'infraction au premier alinéa du présent article est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Sont passibles de cette peine ceux qui ont organisé la réunion, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et ceux qui ont fourni le local.
« Art. 167-2. - Il est interdit de tenir des réunions politiques dans un local servant habituellement à l'exercice du culte ou dans leurs dépendances qui en constituent un accessoire indissociable. Il est également interdit d'y afficher, d'y distribuer ou d'y diffuser de la propagande électorale, qu'elle soit celle d'un candidat ou d'un élu.
« Il est également interdit d'organiser des opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères dans un local servant habituellement à l'exercice du culte ou utilisé par un établissement public du culte ou utilisé par une association à objet cultuel.
« Les délits prévus au présent article sont punis d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Les personnes coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, une peine complémentaire d'inéligibilité.
« Art. 167-3. - Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune, le ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni de sept ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile.
« Art. 167-4. - En cas de condamnation en application des articles 167-1 à 167-3, l'établissement public du culte ou l'association constituée pour l'exercice du culte dans l'immeuble où l'infraction a été commise est civilement responsable, sauf si l'infraction a été commise par une personne non membre de l'établissement public du culte ou de l'association ou n'agissant pas à l'invitation de ces derniers et dans des conditions dont ils ne pouvaient avoir connaissance.
« Art. 167-5. - La peine prévue au 12° de l'article 131-6 du code pénal est prononcée à la place de ou en même temps que la peine d'amende ou la peine d'emprisonnement prévue pour les délits définis aux articles 167 et suivants du présent code. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
« Art. 167-6. - L'interdiction de diriger ou d'administrer un établissement public du culte ou une association à objet cultuel est prononcée par la juridiction de jugement à l'encontre des personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au titre II du livre IV du code pénal pour une durée au moins égale au quantum de peine de la condamnation aux infractions mentionnées et d'un minimum de dix ans. Pour les infractions mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, cette durée est réduite à cinq ans.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement de réécriture de l'article intègre dans le droit local les dispositions du projet de loi.
Le droit local est composé de l'équivalent des dispositions cultuelles dites 1905 sur les cultes reconnus et non reconnus, et du droit local associatif avec quelques variantes par rapport au droit français issu de la loi de 1901 : il s'agit donc de lois miroirs mais qui s'appliquent de façon différente dans un droit différent. Néanmoins, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont reconnu à plusieurs reprises que ces droits ne faisaient obstacle ni à l'unité de la République ni à la laïcité.
Si le principe de non-reconnaissance des cultes est de valeur constitutionnelle, ce n'est pas le cas du principe du non-subventionnement, je le rappelle.
Certes, il y a des spécificités locales, notamment l'absence de reçu fiscal.
Cet amendement respecte le droit local, qui est vivant et peut évoluer. Il ne fait donc pas obstacle à une application en Alsace-Moselle des dispositions de ce texte, comme cela est régulièrement le cas pour la Corse et les outre-mer.
Je suis défavorable à tous les sous-amendements à cet article. Je suis favorable à celui de Mme la rapporteure mais il est satisfait par le texte du Gouvernement.
M. le président. - Sous-amendement n°404 rectifié ter à l'amendement n°689 du Gouvernement, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Amendement n° 689
I. - Alinéa 7
Après les mots :
est tenue d'en faire la déclaration
insérer les mots :
attestée par un commissaire aux comptes
II. - Alinéa 22
1° Après les mots :
en particulier
insérer les mots :
le montant des avantages et ressources à compter duquel s'applique l'obligation d'attestation mentionnée au I, ainsi que
2° Supprimer les mots :
avantages et
III. - Alinéa 25
1° Deuxième phrase
Après le mot :
comptables
supprimer la fin de cette phrase.
2° Après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
En outre, elles établissent un état séparé des avantages et ressources provenant d'un État étranger, d'une personne morale étrangère ou d'une personne physique non résidente en France.
3° Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Elles établissent leurs comptes annuels en instaurant une comptabilité autonome pour leurs activités en relation avec l'exercice public d'un culte.
IV. - Alinéa 29
Remplacer les mots :
elles assurent la certification de leurs comptes
par les mots :
elles font attester l'état séparé des avantages et ressources mentionné au premier alinéa par un commissaire aux comptes
V. - Alinéa 31
Remplacer les mots :
le montant des subventions publiques reçues annuellement
par les mots :
l'ensemble de leurs ressources annuelles
VI. - Alinéa 33, deuxième phrase
Remplacer les mots :
qui est annexé aux comptes de l'exercice en cours
par les mots :
qui est mentionné dans l'annexe des comptes de l'exercice
VII. - Alinéa 38
Remplacer les mots :
de certification
par les mots :
d'attestation
Mme Nathalie Delattre. - Il faut mieux contrôler les finances des associations cultuelles, grâce à une comptabilité autonome.
De plus, il convient de prendre en compte la totalité des ressources annuelles des associations,
M. le président. - Sous-amendement n°272 rectifié bis à l'amendement n°689 du Gouvernement, présenté par Mme Schillinger et MM. Yung, Haye, Hassani et Théophile.
Amendement n° 689
Alinéa 45
Après cet alinéa
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 79 .... - Toute association inscrite à objet cultuel ou établissement public du culte peut posséder et administrer, outre le local destiné à son administration et la réunion de ses membres et les immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'il se propose, tous immeubles acquis à titre gratuit. »
M. Richard Yung. - Cet amendement étend aux établissements publics du culte la faculté de posséder et d'administrer tous immeubles acquis à titre gratuit.
C'est en cohérence avec le traitement des associations à but cultuel dans le droit général prévu à l'article 28 de ce projet de loi.
M. le président. - Sous-amendement identique n°460 rectifié bis à l'amendement n°689 du Gouvernement, présenté par M. Reichardt, Mmes Belrhiti et Herzog, MM. Masson, Mizzon et Klinger, Mme Drexler, MM. Fernique et Kern et Mmes Muller-Bronn, Schalck et V. Boyer.
M. André Reichardt. - Il s'agit de rétablir une égalité de traitement entre les associations. Je me félicite que la commission des lois soit favorable à ce sous-amendement.
M. le président. - Sous-amendement n°241 rectifié à l'amendement n°689 du Gouvernement, présenté par M. Reichardt, Mme Belrhiti, MM. Masson, Mizzon et Klinger, Mme Drexler, M. Kern, Mmes Muller-Bronn et Schalck, M. Fernique, Mme Herzog et M. Haye.
Amendement n° 689
Alinéa 49, première phrase
Après le mot :
culte
supprimer la fin de la phrase
M. André Reichardt. - L'alinéa 42 de l'article prévoit une interdiction des réunions politiques dans les locaux servant habituellement aux cultes ou dans leurs dépendances qui en constituent un accessoire.
Ce sous-amendement supprime l'interdiction pour les dépendances. Depuis 116 ans, des réunions politiques se tiennent dans les salles paroissiales en Alsace-Moselle ; j'ai dû en tenir une bonne centaine. C'est une spécificité qu'il faut conserver.
M. le président. - Sous-amendement identique n°274 rectifié ter à l'amendement n°689 du Gouvernement, présenté par Mme Schillinger, M. Yung, Mme Havet et MM. Théophile et Hassani.
M. Richard Yung. - Je ne vais pas reprendre ce que vient de dire mon collègue. Au Royaume-Uni aussi, les temples peuvent accueillir des réunions politiques. Ce serait bien bête de s'en priver !
M. le président. - Sous-amendement n°690 à l'amendement n°689 du Gouvernement, présenté par Mme Vérien.
Amendement n° 689, alinéa 55, première phrase
Après le mot :
cultuel
insérer les mots :
ou une association accueillant exclusivement des mineurs
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Ce sous-amendement interdit aux personnes condamnées pour terrorisme de présider une association accueillant des mineurs.
Avis favorable à l'amendement n°689 du Gouvernement.
Avis défavorable au sous-amendement n°404 rectifié ter car nous avons déjà débattu de cette question en dehors du cadre de l'Alsace-Moselle avec un même vote défavorable.
Avis favorable aux sous-amendements identiques nos272 rectifié bis et 460 rectifié bis. Les associations en Alsace-Moselle doivent être traitées comme dans le reste de la France.
Concernant les sous-amendements n°241 rectifié et 274 rectifié ter, le projet de loi interdit en « vieille France » les réunions publiques dans les lieux attenants aux lieux de culte. M. Reichardt a su emporter l'avis de la commission pour maintenir la spécificité locale ; les rapporteurs y étaient opposés. Faudra-t-il accepter des meetings politiques dans le nouvel ensemble culturel en construction à Strasbourg ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Madame Delattre, votre sous-amendement fait pendant à un amendement que vous aviez déposé pour le reste du territoire français. Avis défavorable par cohérence aux autres sous-amendements, sauf à celui de Mme la rapporteure.
M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur le ministre, vous refusez d'offrir aux nouvelles associations inscrites les mêmes avantages fiscaux que ceux dont bénéficient les associations de statut 1905, car elles touchent des subventions. Or, des dispositions de cet article vont à l'encontre de ce principe.
De plus, dans sa décision Somodia, le Conseil constitutionnel estime certes que le droit local peut évoluer, mais uniquement dans le sens d'un rapprochement avec le droit national. Ce n'est pas le cas ici, avec le risque que certaines associations en profitent. En cas de censure, l'Alsace-Moselle se verra contrainte d'accueillir des associations voulant échapper aux nouvelles dispositions de la loi de 1905.
Certains sénateurs citent en exemple le droit alsacien-mosellien pour la France. Si vous voulez le défendre, libre à vous, mais il faudra modifier la Constitution de 1958 qui dit que la France est une République indivisible, laïque et démocratique. Si vous voulez transposer le droit local d'Alsace-Moselle à la France, il faut changer la Constitution. Là, nous sommes prêts à vous y aider, car nous l'avons toujours combattue ! (On s'amuse)
M. André Reichardt. - Je ne peux pas laisser sans réponse les propos de M. Ouzoulias ! Si les ministres des cultes reconnus sont payés aux termes du Concordat, c'est parce qu'il n'y avait plus d'argent après la nationalisation des biens du clergé. Nous n'accordons aucun avantage aux associations cultuelles !
Le sous-amendement n°404 rectifié ter n'est pas adopté.
Les sous-amendements identiques nos272 rectifié et 460 rectifié bis sont adoptés, de même que les sous-amendements identiques nos241 rectifié et 274 rectifié ter.
Le sous-amendement n°690 est adopté.
L'amendement n°689, sous-amendé, est adopté et l'article 31 est ainsi rédigé.
Les amendements nos269 rectifié, 240, 270 rectifié, 404 rectifié bis, 298, 299, 271 rectifié, 668, 272 rectifié, 460 rectifié, 241, 274 rectifié bis, 273 rectifié et 242 n'ont plus d'objet.
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 31 (Précédemment réservé)
L'amendement n°461 rectifié est retiré.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 55 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°691 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 55 (Supprimé)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa de l'article L. 441-1 du code de l'éducation, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Le représentant de l'État dans le département peut également former opposition à une telle ouverture pour des motifs tirés des relations internationales de la France ou de la défense de sa souveraineté. »
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement déposé tardivement - j'en conviens - répond à la demande de plusieurs élus de tous bords. Je pense notamment aux maires d'Albertville et de Clichy.
En raison des dispositions que nous avons votées et de la loi Gatel, nous ne pouvons pas nous opposer à l'ouverture d'une école hors contrat qui est manifestement le fruit d'une ingérence étrangère ou d'une atteinte à la souveraineté de notre pays. Une association, comme Millî Görü? ne doit pas pouvoir ouvrir des écoles hors contrat alors même qu'elle n'a pas signé la charte des valeurs de l'islam. Cet amendement dont la rédaction est co-rédigée avec le cabinet du ministre de l'Éducation nationale, y remédie en ouvrant la possibilité au représentant de l'État de s'opposer à une telle ouverture au nom des intérêts fondamentaux de notre pays.
M. le président de la commission des lois a déposé un sous-amendement, auquel je donne par avance un avis favorable.
M. le président. - Sous-amendement n°692 à l'amendement n°691 rectifié du Gouvernement, présenté par M. Buffet.
Amendement n°691 rect, alinéa 4
Remplacer les mots :
sa souveraineté
par les mots :
ses intérêts fondamentaux
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - L'amendement du Gouvernement, qui est arrivé dans le courant de l'après-midi, répond à une préoccupation qui est récemment devenue plus pressante, notamment à Albertville, dont son ancienne maire, Mme Berthet, peut témoigner.
Je préfère la notion d' « intérêts fondamentaux » à celle de « souveraineté » ; elle est bien établie et figure déjà dans le code pénal.
Avis favorable, à titre personnel, à l'amendement du Gouvernement.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - À titre personnel également, puisque la commission n'a pas eu le temps de se réunir, avis favorable à l'amendement et au sous-amendement. Ce projet de loi comporte encore des trous dans la raquette, cela en est la preuve.
M. Jean-Yves Leconte. - Je suis très mal à l'aise avec cet amendement. Je comprends le problème posé. Mais il n'y a pas que les États qui agissent : bien des raisons peuvent conduire à s'opposer à l'ouverture d'une école.
Nous sommes dans l'obligation de voter cet amendement parce que nous avons refusé d'établir un régime d'autorisation préalable. En tant que sénateur des Français de l'étranger, je ne voudrais pas que des États nous en fassent payer le prix en fermant des écoles françaises. Il ne faudrait pas que ce dispositif suscite des représailles.
J'aurais préféré un régime général, celui de l'autorisation préalable.
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement, c'est le deus ex machina pour tenter de pallier les conséquences de votre refus d'un régime d'autorisation préalable, comme vient de le dire justement M. Leconte. Avec un tel régime, l'administration de l'Éducation nationale aurait pu examiner le projet pédagogique.
La rédaction de cet amendement me rend triste : comment mélanger école et intérêts fondamentaux de la Nation ? J'aurais aimé, dans un régime d'autorisation, que vous parlassiez plutôt de l'intérêt fondamental de l'enfant et de ses droits.
Gérer l'ouverture des écoles en fonction des relations diplomatiques, c'est une très mauvaise idée.
M. Laurent Lafon. - Après plusieurs semaines de travail, il est toujours désagréable de devoir examiner un amendement dans l'urgence...
Ce qui frappe, c'est le flou de certains termes. Je ne sais pas ce que désignent les motifs liés aux « relations internationales ». Je suis donc favorable au sous-amendement de la commission des lois qui use d'un vocabulaire plus précis.
J'aurais préféré que la question soit traitée en rapport avec le financement des écoles. Le groupe UC est attaché à la loi Gatel, même s'il est possible qu'il faille la préciser.
Cela nous appelle à la vigilance, même si nous nous voterons le sous-amendement et l'amendement.
Mme Martine Berthet. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir pris en compte la demande de très nombreux élus d'Albertville, de toute la Savoie et des autres territoires.
On ne peut pas laisser les élus démunis face à de telles situations.
Comment être certains que les principes et valeurs de la République seront respectés par une association qui n'a pas voulu signer la charte ?
M. Max Brisson. - Je fais miennes les remarques du président Lafon. Mardi dernier, j'avais plutôt défendu les établissements hors contrat et le régime de déclaration. L'affaire d'Albertville a mis en exergue une réalité qu'il faut traiter.
Tout l'après-midi, entre Concordat et régime guyanais, je me suis demandé où était la lutte contre le séparatisme... (Protestations à gauche) Là, il s'agit de s'opposer aux ingérences visant à encourager le séparatisme. Je maintiens mon soutien au régime de déclaration car il ne faut pas que la massue tombe sur ceux qui n'ont rien fait - c'est à dire sur des acteurs qui n'ont rien à voir avec le séparatisme. Mais il faut voter cet amendement et ce sous-amendement !
M. Philippe Bas. - Je suis tout à fait favorable à cet amendement et au sous-amendement du président Buffet.
Monsieur Lafon, n'oublions pas que ces décisions tout à fait exceptionnelles seront prises sous le contrôle du juge. Le préfet devra justifier la réalité de la menace qu'il veut prévenir en interdisant l'ouverture d'une école.
Nous avons refusé de soumettre l'école à la maison à l'autorisation. Cet amendement du Gouvernement semble en tirer les conclusions en cherchant une autre solution que celle qu'il avait initialement envisagée.
Lorsqu'une école coranique clandestine sera financée et contrôlée par un État étranger, on pourra l'interdire. Je donne acte au Gouvernement de cette bonne manière à l'égard du Sénat avec cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je ne partage pas complètement les propos de Philippe Bas. Ce n'est pas une bonne manière d'envoyer si tardivement un amendement. Ce qui motive notre ministre, c'est ce qui s'est passé récemment à Strasbourg et qui pourrait avoir lieu cette semaine dans une autre ville de France. Je comprends les problèmes que cela peut poser.
Mais attention : comme le dit M. Leconte, des pays peuvent nous renvoyer l'ascenseur, en s'opposant à ce que notre « idéologie laïque » se répande chez eux.
Nous nous éloignons toujours plus de la lutte contre le djihadisme violent : preuve que l'excellente question préalable défendue par Patrick Kanner était justifiée.
Les maires ont des droits et des devoirs ; le préfet exerce son contrôle de légalité, sous l'oeil vigilant du juge. Nous ne pourrons voter cet amendement hâtif.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - J'ai connu le président Bas plus éminent juriste... Le sous-amendement du président de la commission des lois est certes bienvenu, mais les « motifs tirés des relations internationales » ne sont pas une notion précise. Si demain, nos relations internationales évoluent, telle ou telle école sera-t-elle fermée ?
Nous ne pouvons pas ainsi être dans l'aléatoire ou le discrétionnaire. Nous avons un problème ; c'est certain. Mais ce qui est proposé n'est pas la bonne réponse.
Mme Annick Billon. - Je voterai l'amendement sous-amendé, qui répond à notre inquiétude. Mais comme Marie-Pierre de La Gontrie, je suis inquiète : le préfet aura-t-il le temps de se prononcer ? Sur quels motifs ? Les services de l'État dresseront-ils une liste de pays en fonction de l'actualité ?
Monsieur le ministre, comment comptez-vous mettre en oeuvre ce dispositif ?
M. Philippe Bonnecarrère. - La référence aux intérêts fondamentaux semble faire consensus ; pas la rédaction du Gouvernement.
Comment la juridiction administrative fera-t-elle pour apprécier l'état des relations internationales de la France ? Il ne me semble pas qu'elle soit outillée pour cela.
Je proposerai volontiers à M. le président de la commission des lois d'aller au bout de sa logique en supprimant aussi la référence aux relations internationales de la France.
M. le président. - Un sous-amendement n'est plus recevable, les explications de vote ayant commencé.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Aujourd'hui, onze établissements scolaires sont affiliés à Millî Görü? : Blois, Strasbourg, Mulhouse, Vénissieux, Villefranche-sur-Saône, Annecy, Savigny-le-Temple, Corbeil-Essonnes, Bourgoin-Jallieu et Metz. Cela concerne des milliers d'enfants.
Dix nouveaux établissements devraient ouvrir dans l'année : Oyonnax, Annonay, Péage-de-Roussillon, Bourgoin-Jallieu, Villeurbanne, Albertville, Annemasse, Belfort et Clichy. J'ai été sollicité par de nombreux élus, toutes tendances confondues.
Le jugement du tribunal administratif date du 9 avril : nous pensions qu'il donnerait raison au maire d'Albertville. Il lui a donné tort. Le maire de Clichy a connu la même situation. Dans ces conditions, le Gouvernement a saisi l'occasion de ce texte. Les élus locaux et la population n'auraient pas compris que l'on attende encore plusieurs années pour agir.
Devons-nous accepter qu'une association non-signataire de la charte puisse ouvrir des écoles et accueillir des milliers d'enfants ?
À Alfortville, Millî Görü? a acquis en 2016 un terrain contigu à une mosquée, dans un quartier de la politique de la ville, et présenté en 2018 un projet d'école pour 250 élèves, à 4 millions d'euros, financé par des dons des familles et entrepreneurs. Je rappelle au passage au président Lafon que vous avez adopté une modification au code de l'éducation qui prévoit que les financements sont un motif d'ordre public d'opposition.
La République doit s'opposer à ceux qui la combattent.
Des élus m'ont interpellé aussi sur le projet de Millî Görü? à Mulhouse, où l'association a acquis en 2013 un terrain de 2,5 hectares dans la zone de la Mer rouge pour y construire une salle de prières de 1 500 places, puis a demandé, en 2016, un permis de construire pour une école confessionnelle. Le préfet, l'Éducation nationale, la mairie s'y opposent.
À Clichy-sous-Bois - là encore dans un quartier de la politique de la ville, ce qui doit nous interroger sur les questions de mixité - la proposition concernait 400 élèves, répartis en 19 classes ; là aussi, le maire, les services éducatifs, le préfet, sous deux gouvernements, s'y sont opposés. Désormais, il s'agit d'un projet de 4 500 mètres carrés, pour 550 élèves, en Seine-Saint-Denis.
Si sa décision est attaquée, le préfet pourra fournir au juge administratif des notes de renseignement prouvant que les intérêts de la Nation sont en jeu. La DGSI ou Tracfin peuvent démontrer les ingérences étrangères ou les visées séparatistes.
Qu'y a-t-il de plus séparatistes qu'une école qui vise à construire les enfants contre nos valeurs ? (Exclamations sur les travées du groupe CRCE) Cela n'a rien à voir avec le projet pédagogique.
Il y a aussi le principe de la taqîya, la dissimulation. Souvent, le projet réel est bien différent de ce qu'on a vendu aux élus. (M. André Reichardt le confirme.) Mais le mal est fait...
Quand une association s'oppose à nos valeurs, elle ne doit plus continuer à prospérer sur notre sol.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Bien sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous changeons la loi pour permettre au juge de donner raison aux élus locaux qui entendent combattre les ingérences étrangères. Nous devons cette arme à ces élus courageux et je serai un bien piètre ministre de l'Intérieur si je ne le faisais pas.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas la question.
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'autorisation préalable, on l'a dit et répété, n'est pas constitutionnelle. (M. Pierre Ouzoulias le conteste.)
La liberté d'éducation est une liberté fondamentale, vous l'avez rappelé en refusant les dispositions proposées par le Gouvernement sur l'instruction en famille.
L'argument du risque de rétorsions ne tient pas la route. On finirait par tout accepter, de peur des représailles ! Nous ne citons pas de pays en particulier.
Il ne s'agit pas, madame de la Gontrie, de fermetures d'écoles, mais de refus d'ouverture.
Les ingérences mettant en péril la République sont avérées et assumées par ceux qui nous combattent, qui nous regardent les yeux dans les yeux en attendant que nous cédions.
C'est pourquoi il convenait de ne pas laisser passer ce train législatif, quitte à préciser les choses en commission mixte paritaire.
La politique de précaution vaut aussi contre l'islamisme radical et les ingérences étrangères subreptices.
Mme Laurence Rossignol. - Le ministre met le Sénat dans l'embarras. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains) Pas en déposant un amendement de dernière minute - nous y sommes rompus - mais en raison du risque constitutionnel. Si le représentant de l'État peut « former opposition », au vu du projet éducatif ou des financements, cela équivaut bien à une autorisation préalable - que vous jugez inconstitutionnelle !
Comment le juge administratif se prononcera-t-il sur les relations internationales de la France ? La notion n'est pas opérante en droit. Il aurait mieux valu retenir l'autorisation préalable. Si vous l'aviez accepté dans la loi Gatel, nous n'en serions pas là ! D'autant que ce que nous votons ici ne sera pas applicable à Albertville, puisque la mesure n'est pas rétroactive.
Nous nous abstiendrons parce que la rédaction de cet amendement n'est pas sérieuse.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je le regrette, mais je ne peux laisser dire certaines choses.
La notion de relations internationales figure notamment dans le Ceseda, dont l'article 321-1 prévoit une interdiction administrative de présence sur le territoire à l'encontre d'un étranger dont la présence constituerait une menace grave pour les relations internationales de la France.
Cet article s'appliquera bien à la situation d'Albertville, puisque le motif invoqué par le maire et invalidé par le juge relevait de l'urbanisme. Cet article pourra être invoqué pour refuser l'ouverture de l'école.
Mme Laurence Rossignol. - Dont acte.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Évidemment, il ne permettra pas de fermer les dix écoles actuellement gérées par Millî Görü?...
Prévoir une ouverture sauf opposition, ce n'est pas la même chose qu'une autorisation préalable, laquelle serait, je le maintiens, inconstitutionnelle. La jurisprudence administrative accepte les notes des services de renseignement, par exemple pour la révocation d'un fonctionnaire.
À la demande du groupe Les Républicains, le sous-amendement n°692 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°109 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l'adoption | 243 |
Contre | 36 |
Le Sénat a adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°691 rectifié, sous-amendé, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°110 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 271 |
Pour l'adoption | 243 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté et l'article additionnel est inséré.
INTITULÉ DU PROJET DE LOI
M. le président. - Amendement n°510, présenté par M. Ravier.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi apportant des éléments de réponse face à la conquête des idéologies islamistes
M. Stéphane Ravier. - Le contenu de ce texte reste bien en deçà de ce qu'il était urgent de faire. La majorité de droite a refusé de définir l'islamisme, d'interdire le voile dans l'espace public et à l'université, de créer un délit d'islamo-clientélisme ; la commission, contrôlée par la droite, a déclaré irrecevables mes amendements interdisant les produits halal dans les cantines publiques, supprimant le droit du sol ou permettant l'expulsion d'étrangers inscrits au FSPRT.
On impose de nouvelles mesures contraignantes pour tous parce qu'on refuse le triptyque : nommer, cibler, éradiquer.
Les islamistes se serviront des principes généraux et généreux de la République pour nous anéantir. Bientôt, nous vivrons dans un République islamique. M. Thibaut de Montbrial, spécialiste du djihadisme, appelle cela le « judo des valeurs » : notre adversaire, séparatiste d'abord, conquérant ensuite, se sert de nos principes, de nos libertés pour nous mettre à terre.
De peur de bousculer les cadres, nous n'avons pas fait de politique. Pour éradiquer cette gangrène, il faudrait créer un état de droit anti-terroriste et anti-islamiste.
Vos lois, pas plus que vos tweets, ne protègent les Français, monsieur le ministre. Sans courage politique, la loi reste lettre morte.
M. le président. - Amendement n°285 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, M. Gueret, Mme Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Paul, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin.
Compléter cet intitulé par les mots:
et de lutte contre le séparatisme
Mme Valérie Boyer. - Oui, ce projet de loi conforte les principes de la République. Mais il faut nommer clairement l'ennemi : l'islamisme radical, un « totalitarisme pur » comme l'a dit François Fillon.
La disparition du mot « séparatisme » de l'intitulé du projet de loi annonçait d'entrée de jeu la modestie de ses ambitions. L'intention de « conforter le respect des principes de la République » pourrait caractériser pratiquement n'importe quelle loi ! Préciser l'intitulé va donc aussi dans le sens de la clarté et de l'intelligibilité de la loi.
L'idéal républicain est fragilisé par le séparatisme, par le voile qui distingue la pudique de l'impudique, que l'on impose aux mineures, par la polygamie, par les revendications religieuses qui priment sur les lois de la République, par les réunions « racialisées » de certaines associations, par l'entrisme de pays comme la Turquie. Lorsque nous reculons devant le communautarisme, nous sommes infidèles à nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité !
Le terme de séparatisme identifie bien l'enjeu - le Président de la République l'a d'ailleurs employé aux Mureaux.
« Chaque monde sera jugé selon ce qu'il a considéré comme négociable ou non négociable », a dit Péguy.
L'amendement n°53 n'est pas défendu.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°510 car le mot conquête ne correspond pas à la réalité.
Avis favorable à l'amendement n°285 rectifié bis, qui désigne plus clairement l'objectif.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable aux deux.
M. Patrick Kanner. - Chacun aura compris le sens de l'intervention de M. Ravier, je ne m'y attarde pas.
Allez donc au bout de votre logique, madame Boyer, et parlez de séparatisme islamiste ! Vous l'avez clairement visé en défendant vos amendements textiles, sur le voile ou les drapeaux...
Le Président de la République, lui, a parlé de séparatismes, au pluriel, dans son discours des Mureaux. Dans Libération, M. Dussopt s'inquiète d'autres mouvements porteurs de séparatisme, financés par des dons exonérés d'impôts... Je pense à la Fraternité Saint-Pie-X par exemple.
Le groupe SER votera contre cet amendement qui traduit une vision à géométrie variable.
M. Pierre Laurent. - Je vois mal la différence entre l'amendement de M. Ravier et celui de Mme Boyer. Durant tout le débat, Mme Boyer a défendu des amendements identiques à ceux de M. Ravier. En réalité, ces deux amendements n'en font qu'un. Nous voterons contre.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Le climat dans le pays est détestable. Les séparatismes, il faut en parler au pluriel. Le séparatisme social est au coeur de nos problèmes. Il s'exprime ici même. J'ai entendu certains ici considérer qu'il était tout à fait normal d'avoir 150 000 euros sur une assurance vie. Pour la majorité des Français, c'est inatteignable !
Où est la lutte contre les discriminations, ce deuxième pied annoncé dans le discours des Mureaux ?
Votre proposition d'intitulé, madame Boyer, focalise le débat public sur un sujet, le fanatisme de certains, quitte à stigmatiser les personnes de religion musulmane - ou dont on suppose qu'elles le sont.
Il y a eu des attaques extrêmement graves ce week-end contre des lieux de culte musulmans à Rennes et à Nantes. Il faut que cela s'arrête.
M. Jean-Pierre Grand. - Ce week-end a surtout été terrible pour les agriculteurs !
M. Max Brisson. - Ni naïveté, ni angélisme, ni excès : la majorité sénatoriale s'est tenue sur cette ligne de crête. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE) C'est le sens de cet amendement de Valérie Boyer. Le Président de la République l'a dit aux Mureaux : c'est au séparatisme islamiste qu'il faut s'attaquer.
L'amendement n°510 n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°285 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°111 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l'adoption | 203 |
Contre | 115 |
Le Sénat a adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Max Brisson . - L'émergence d'un séparatisme, conséquence de la radicalisation islamiste, est depuis longtemps constatée par le Sénat, qui y a consacré une commission d'enquête en 2019, dont la rapporteure était déjà Jacqueline Eustache-Brinio.
Il était temps d'agir. Pour autant, le texte qui nous est parvenu n'était pas à la hauteur du défi. Il comportait quelques outils bienvenus, que la commission a enrichis - sur le contrôle des fonds, les certificats de virginité, l'endoctrinement dans les milieux sportifs ou encore la lutte contre la haine en ligne.
La commission a su réduire les effets de bords qui auraient pu frapper les organisations cultuelles de bonne foi. Le Sénat a préservé la liberté de choix des parents, tout en améliorant la lutte contre ceux qui voudraient détourner l'enseignement à domicile.
Surtout, le Sénat s'est efforcé de combler les angles morts. Comment s'attaquer au séparatisme sans évoquer ce qui sépare, qui enferme, qui écarte ? Tenue islamique dans les services publics, prières à l'université, listes communautaires...
Ce texte ne suffira pas, mais il est plus robuste après le travail du Sénat. Nous le voterons. Espérons que la CMP saura saisir cette opportunité de défendre les principes de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Voici, au bout du compte, un texte de contrainte, de défiance, de suspicion envers les croyants, les associations, l'école, le sport, les services publics. Il y manque l'essentiel : la mixité sociale et scolaire, bref, la promesse républicaine pourtant annoncée par le président de la République.
Nous avons défendu, sans succès, des amendements visant à conforter l'Observatoire de la laïcité, à remplacer le contrat d'engagement républicain par la charte des engagements réciproques, à préserver la liberté de la presse, à mieux contrôler l'instruction en famille et les écoles hors contrat.
Mais la droite a voulu transformer ce que certains avaient qualifié de « tigre de papier » en tract électoral satisfaisant ses vieilles marottes, traquant les mères accompagnant les sorties scolaires, les drapeaux dans les mariages, suspendant les allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire. Vous vous êtes montrés plus soucieux de comportements vestimentaires que de véritable lutte contre le séparatisme. (Mme la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio proteste.)
Exclure certaines catégories de la population n'est pas le combat de la gauche, et le groupe SER votera contre. Le groupe Les Républicains a rendu un fier service au Gouvernement, qu'il fait passer pour raisonnable sur la question des libertés publiques, alors que son texte était attentatoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Esther Benbassa . - La loi de 1905 était une loi de compromis et de liberté. La laïcité n'est pas un autre culte, un ennemi de la foi ou de la spiritualité : elle impose le respect du croyant, et ne justifie aucunement la stigmatisation des musulmans qui n'ont rien de radical. En les visant de la sorte, vous encouragez le repli, alors qu'en reconnaissant les discriminations et les humiliations qu'ils vivent, vous auriez ouvert une perspective...
En mettant l'islam sous tutelle, vous y avez mis aussi les autres cultes. Vous avez cherché à tétaniser les oppositions en les taxant d'islamo-gauchistes. Au moment de voter sur les réunions non-mixtes, chacun s'est demandé s'il serait accusé de trahir la République !
Vous étendez le champ du contrôle, vous mettez à mal la vie associative, ébranlez le fragile équilibre issu de la loi de 1905, transformez la laïcité en catéchisme !
Monsieur le ministre, vous avez ouvert une brèche dans laquelle s'est engouffrée la majorité sénatoriale, qui rêve de musulmans invisibles.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Esther Benbassa. - Vous affaiblissez les principes que vous prétendez défendre. Le GEST votera contre ce texte.
Mme Éliane Assassi . - Pour notre groupe, conforter les principes de la République appelle une mobilisation quotidienne. Ces valeurs, ces principes, c'est s'assurer que la République n'oublie personne.
Ce texte, aggravé par la droite sénatoriale, déborde la question religieuse ; il divise, fragilise, stigmatise... À tel point qu'il sépare.
Tout y est passé : suppression des allocations familiales, interdiction pour les mères voilées d'accompagner les sorties scolaires, drapeaux lors des mariages, fantasme du burkini ou des prières dans les universités, tutelle sur les associations, dissolution.
Nous combattons tous les intégristes, les terrorismes : c'est dans l'ADN du groupe CRCE, qui a toujours lutté contre le racisme, l'antisémitisme, le patriarcat.
Laïcité rime avec progrès social. En votant contre ce texte, nous réaffirmons que le redressement républicain se fera par l'émancipation et le progrès humain, et non par la discrimination. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche.)
Mme Nathalie Delattre . - Ce projet de loi s'inscrit dans le prolongement de notre commission d'enquête dont le rapport a été adopté à une large majorité en juillet 2020. De ses 44 propositions, 30 étaient du domaine législatif ; une vingtaine se retrouve dans ce texte, par exemple sur la police des cultes, les statuts de 1901 et 1905, la généralisation de l'INE ou encore le conditionnement des subventions locales à une charte.
Nous sortons d'un déni collectif : la radicalisation religieuse dépasse le phénomène terroriste. C'est un projet politique qui appelle une réponse politique, avec une vigilance particulière dans le domaine éducatif, associatif et sportif.
Pour toutes ces avancées, je voterai ce texte, qui apporte une réponse proportionnée.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Nathalie Delattre. - Au scrutin n°108, MM. Christian Bilhac, Bernard Fialaire et Jean-Claude Requier souhaitaient voter pour et non s'abstenir.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Interventions sur l'ensemble (Suite)
M. Thani Mohamed Soilihi . - L'ambition de ce texte était de répondre aux forces de fragmentation à l'oeuvre dans notre République, dans la continuité de l'esprit libéral de la loi de 1905, avec également des mesures techniques bienvenues.
Le texte de la commission s'inscrivait initialement dans cet esprit. Mais, à rebours, le débat en séance a introduit des dispositions en matière de neutralité religieuse dans l'espace public notamment, alors même que certains dénonçaient un texte contraire à l'esprit de 1905... Pourquoi, par ailleurs, supprimer les allocations familiales en cas d'absentéisme et dans le même temps rejeter l'article 21, de nature à affermir le respect de l'instruction obligatoire ?
Au regard de ces réserves et dans la perspective de la CMP, le groupe RDPI s'abstiendra. (M. François Patriat applaudit.)
M. Philippe Bonnecarrère . - Ce texte, disais-je à l'ouverture du débat, ne nous laisserait pas indemnes. L'examen l'a confirmé. Il est mal né, puisqu'il vise une partie de la population alors que ses mesures sont générales ; il frappera les bienfaisants alors qu'il ne visait que les malfaisants. Il révèle une forme de malaise vis-à-vis du fait religieux.
Il a fait l'objet d'une législation par surenchère, qui a conduit à l'adoption de mesures clairement inconstitutionnelles.
Le texte crée cinq infractions pénales nouvelles et pas moins de trente-trois interdictions. Il dit si peu sur ce qui permet de faire société, et tellement sur le manque de confiance au sein de cette société...
Vous aurez compris le sens de mon vote, qui m'est personnel.
M. Pierre Laurent . - Comme tous les membres de mon groupe, je voterai contre cette surenchère de mesures sécuritaires et racistes (marques d'indignation sur le banc de la commission), cet assaut d'amalgames discriminatoires introduits par la droite.
Mais la philosophie même du texte pose problème. Cette loi ne conforte pas les principes de la République, elle les fragilise !
À entendre nos débats, quelqu'un qui ne connaîtrait pas la loi de 1905 pourrait croire que c'est une loi non de liberté mais de contrôle et d'ordre public. On contrôle les associations, les fédérations sportives, les cultes, les musulmans de France, en ouvrant la porte à l'arbitraire.
Cette loi est passée à côté de bien des débats. Il y aurait eu beaucoup à dire sur nos relations internationales, nos relations avec des États qui organisent l'islamisme politique et oppriment leur propre population. Il y a eu beaucoup d'hypocrisie là-dessus.
M. André Reichardt . - À titre personnel, je voterai ce texte, grâce aux amendements du Sénat, même si je ne suis pas sûr qu'il atteigne son but.
Les flux financiers opaques liés au halal ou au hadj auraient mérité qu'on s'y attaque, comme l'avait proposé notre rapport d'information sur l'islam en France. On a préféré viser toutes les associations cultuelles...
Mon amendement sur la formation des ministres du culte n'a pas été accepté : nous continuerons donc à assister à des prêches prônant l'islam radical.
Je me félicite enfin de la préservation du droit d'Alsace-Moselle et remercie le ministre de sa compréhension à cet égard.
Enfin, la mise en oeuvre de nouvelles obligations sera contrôlée ; le Parlement devra être associé et informé.
M. Pierre Ouzoulias . - Les seuls séparatistes sont dans ce canton-ci de l'hémicycle (l'orateur montre les travées de gauche) : les partisans de la séparation de l'Église et de l'État, fidèles à Jean Jaurès et à Aristide Briand.
Nous avons défendu la liberté de conscience, la liberté de culte et la liberté d'association au nom de la loi de 1905.
Nous regrettons ce texte néo-concordataire qui soumet les cultes au régime d'autorisation. Nous regrettons que les Églises aient été défendues par des sénateurs de ce canton-là. (L'orateur montre les travées du centre et de droite.)
M. Loïc Hervé. - C'est vrai !
Clemenceau disait de la loi de 1905 : la séparation n'est pas faite, elle est commencée. Nous avons tenté de poursuivre cette oeuvre, mais vous avez refusé tout progrès, que ce soit sur l'Alsace-Moselle, la Guyane ou Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous figez la loi de 1905 tout en autorisant toutes les dérogations possibles. Au fond, vous êtes contre cette loi.
Nous sommes ici les seuls vrais laïcs. Votre défense de la laïcité est opportuniste, de circonstance et insincère. Nous voulons donner aux deux premiers articles de la loi de 1905 une valeur constitutionnelle et universelle. Nous invitons tous les républicains à nous rejoindre dans ce combat.
M. Thomas Dossus . - Voilà deux semaines que la boîte de Pandore est ouverte : deux semaines de surenchères identitaires, de l'interdiction du voile pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires et les mineures à celle des drapeaux étrangers dans les mariages en passant par la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire, qui ont fait sauter certaines digues entre la droite et l'extrême-droite. Vous avez créé un climat de division et de haine, en témoignent les attaques déjouées contre des mosquées ce week-end.
La droite ne s'est levée, pour défendre les cultes dans un moment de lucidité, que pour défendre le concordat et l'instruction en famille.
Ce texte stigmatisant remet en cause les libertés républicaines sans proposer la moindre solution au séparatisme social.
Le Président de la République, dans son discours des Mureaux, a rappelé que la République était un projet émancipateur. Mais où est l'émancipation quand on jette la suspicion sur les responsables associatifs des clubs sportifs, quand on refuse de s'attaquer au séparatisme social ?
Notre vision est celle de 1789. Les ayatollahs, les fanatiques, sont dans le camp de ceux qui dressent les uns contre les autres.
Nous nous opposons à ce texte qui instrumentalise l'idéal républicain.
M. Loïc Hervé . - Il y a cinq ans, j'étais maire d'une commune de 5 000 habitants de Haute-Savoie. Nous avons fait fermer, grâce à l'intervention de Bernard Cazeneuve, une école coranique et une mosquée. J'ai été menacé de mort et placé sous protection pendant un an. J'ai ainsi éprouvé et ressenti les conséquences du séparatisme et des dérives sectaires. Aussi, monsieur le ministre, ai-je considéré votre texte d'un très bon oeil.
En commission des lois, les rapporteurs ont cherché à conserver un équilibre qui protège la liberté de culte, mais, déjà, je sentais poindre un risque de dérive. Pendant ces quinze jours de séances sont apparues des horreurs juridiques issues de dérives médiatiques, auxquelles je ne suis opposé avec plus ou moins de succès. On est très loin de la lutte contre le séparatisme quand on parle de Saint-Pierre-et-Miquelon ou des allocations familiales !
En conscience, je ne voterai pas ce texte.
M. Stéphane Ravier . - Vous avez raison, madame Rossignol, nous sommes dans l'embarras, mais je ne me sens ni responsable ni coupable, pour avoir de longue date sonné le tocsin. Oserais-je dire que j'ai prêché dans le désert - le désert du politiquement correct ?
Vous avez fait preuve d'idéologie sur l'immigration et d'angélisme sur l'Islam de France, en refusant de voir qu'il ne peut y avoir qu'un islam en France, qui secrète un virus : l'islamisme. Voilà le bilan ! Mais si nul n'est prophète en son pays, nul ne peut être entendu de celui qui ne vient pas écouter...
Oui, monsieur Kanner, la droite ne va pas au bout de sa logique. Monsieur Laurent, vous avez raison, elle est hypocrite quand elle refuse de voter mes amendements pour voter des dispositions similaires... Elle ne sert qu'un intérêt partisan, alors que j'ai moi-même voté tous les amendements qui me semblaient pertinents.
Monsieur le ministre, vous réagissez à l'actualité dans la précipitation ; vous n'avez jamais voulu rien voir venir. Vous êtes prisonnier du politiquement correct, en refusant de nommer pour agir en amont. Pour ma part, j'assume de dire qu'il faut stigmatiser les islamistes !
M. le Président. - Il faut conclure.
M. Stéphane Ravier. - Je sais que l'Assemblée nationale passera à la moulinette ce texte issu d'un coup de menton du Gouvernement et d'un coup de communication de la droite...
Toutefois, compte tenu des avancées qu'il porte, je le voterai dans l'intérêt national.
Mme Dominique Vérien . - Ce texte - le premier dont j'ai été rapporteure - reprend de nombreuses recommandations de rapports du Sénat relatifs au séparatisme. Il marque une avancée.
Merci à Jacqueline Eustache-Brinio et à Stéphane Piednoir d'avoir si bien travaillé avec moi pour rendre ce texte plus constructif. Nous avons rétabli la liberté de l'instruction, préféré un régime déclaratif et favorisé le passage des associations en loi 1901 au statut de 1905.
La majorité du groupe UC a trouvé plus de points positifs que négatifs à ce texte qui me semble en continuité avec la loi de 1905. En France, le religieux est séparé du politique et le spirituel du temporel. Ce texte le rappelle à tous les cultes.
M. Jean-Claude Requier . - Le groupe RDSE, dans sa quasi-unanimité, a vu ce texte d'un oeil positif, de sa genèse à son examen en séance publique.
À son arrivée au Sénat, il semblait équilibré, permettant de renforcer les principes de la République tout en garantissant la liberté religieuse. Le travail en commission a continué dans cet esprit en évitant toute stigmatisation de nos concitoyens croyants et pratiquants.
Mais au cours des deux semaines de débats riches et intenses, cet équilibre nous a échappé et le texte a perdu sa nature consensuelle. Entre l'intransigeance exacerbée sur les services publics et la parenthèse libérale sur l'instruction en famille, la contradiction est difficile à justifier.
Ce texte comprend certes de bonnes dispositions, mais il échoue sur l'essentiel : l'unité.
Dans sa majorité, le groupe RDSE ne votera pas en sa faveur.
M. Guillaume Gontard . - Le climat qui règne dans notre pays est inquiétant. Les événements de ce week-end, qui a vu des mosquées être vandalisées, montrent que nous sommes loin de l'union.
Le projet du Gouvernement était problématique ; le texte qui sortira du Sénat est bien pire. Nous sommes face à une dérive totale et décomplexée. Réalisez-vous ce que vous avez voté ? Interdiction des mamans voilées en sortie scolaire, suppression des allocations familiales, lubie anti-drapeaux...
La Constitution nous empêchant de voter des dispositions pour les seuls musulmans, vous instaurez une police du vêtement contraire aux équilibres de 1905. Fini les enfants de choeur en aube sur les parvis des églises... Même l'uniforme des scouts est menacé !
En imposant la neutralité à l'université, que deviendront l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) ? Nombre de nageurs vont devoir se faire enlever au laser des tatouages de crucifix. La liste est longue...
Toutes ces dérives sont folles ! Même Le Point, qui fait sa Une sur l'islam une fois par mois, parle de « concours Lépine » et de « fièvre sénatoriale ».
Nous sommes loin du Sénat garant des libertés publiques ! Quelle différence entre la droite radicalisée et le Rassemblement national décomplexé ? C'est toute l'image de l'institution qui est mise en cause par ce texte qui saccage la République en piétinant la loi de 1905.
Nous voterons contre car nous sommes, tout simplement, républicains. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Jean-Louis Lagourgue . - Face à l'intégrisme, il faut réaffirmer les principes de la République, notamment celui de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Ceux qui ne les respectent pas doivent être sanctionnés. La République ne cèdera pas devant l'obscurantisme !
Trop longtemps, les puissances étrangères ont financé des institutions nocives. Il était donc nécessaire de renforcer les contrôles.
Nous voterons ce texte mais resterons vigilants quant à son application. Nous veillerons aussi à ce que l'administration ait les moyens d'exercer son contrôle.
M. Fabien Gay . - Nous avons débattu de séparatisme pendant quinze jours, mais quand nous avons voulu vous parler de séparatisme entre les riches et les pauvres, d'évasion fiscale, de discrimination en fonction du sexe, de la peau ou de l'orientation sexuelle, de la nécessité d'incarner la République dans tous les territoires par la présence des services publics, des relations diplomatiques avec des États qui soutiennent l'islamisme, monsieur le ministre, vous nous avez répondu : ce n'est pas à l'ordre du jour. Et nous avons récolté des sourires gênés...
Certains amendements votés sont stigmatisants : du port du voile aux drapeaux étrangers, la liste est longue, mes chers camarades. Pardon : mes chers collègues...
M. Loïc Hervé. - Chers frères et soeurs !
M. Fabien Gay. - Je constate que ceux qui parlent d'intégration à longueur de journée ont voté des mesures d'exclusion.
Pas moins de 17 millions de licenciés d'un club sportif seront fichés par la préfecture pour une question d'honorabilité. Cela pose le problème de l'inflation des fichiers.
Vous l'aurez compris : nous voterons contre ce projet de loi.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je remercie mes collègues ministres d'avoir porté avec moi la parole gouvernementale sur ce texte, au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Peu de textes font naître autant de débats et changeront autant les choses.
Je tiens également à remercier le Sénat pour nos échanges, parfois vifs mais toujours respectueux.
Je regrette les prises de parole pour explication de vote qui ne correspondent pas à l'esprit de concorde républicaine sur le diagnostic qui a régné ici. Le Gouvernement, en ne déposant qu'une quinzaine d'amendements, a voulu être respectueux du débat parlementaire.
M. Brisson appelle à n'être ni naïf ni excessif. Telle a été, je crois, la ligne du Gouvernement.
De nombreuses dispositions renforceront les possibilités d'action du ministère de l'Intérieur, du ministère de la justice et des élus locaux. Ce texte ranime la loi de 1905, grâce notamment à une police des cultes modernisée.
Nous avons discuté sans stigmatiser.
Monsieur Ravier, vous avez plusieurs fois affirmé que nous serions déconnectés des préoccupations des Français. Ayant été réélu au premier tour à la tête de ma mairie, je ne crois pas l'être. (Sourires) Vos propos excessifs ne font pas honneur au débat. Votre attitude a été politicienne.
Je souhaite que la CMP soit conclusive, mais le Gouvernement ne pourra pas accepter les dispositions relatives à l'expression de la religion dans l'espace public. Nous avions dès le début fixé cette limite dans nos discussions avec les groupes parlementaires, la commission des lois et les présidents des assemblées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC)
M. le président. - Merci pour vos propos.
À la demande du groupe CRCE, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°112 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 109 |
Le Sénat a adopté.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement sollicite du Sénat l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 14 avril 2021, après les questions d'actualité, d'une déclaration, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à l'organisation des prochaines élections départementales et régionales.
Avec l'accord du groupe RDSE, son espace réservé serait reporté à l'issue de la déclaration du Gouvernement et le soir.
Par ailleurs, par courrier en date du 9 avril, le groupe RDSE demande de réduire à 45 minutes la durée de la discussion générale des deux textes inscrits à l'ordre du jour de son espace réservé.
Prochaine séance, demain, mardi 13 avril 2021 à 9 h 30.
La séance est levée à 21 h 30.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 13 avril 2021
Séance publique
À 9 h 30
Présidence : M. Georges Patient, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme François Férat
. Trente-six questions orales
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente Mme Pascale Gruny, vice-président
. Débat sur le thème : « La loi EGAlim ou comment sortir de l'impasse dans laquelle ce texte a plongé l'agriculture » (demande du groupe Les Républicains)
. Proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique (texte de la commission, n°508, 2020-2021) (demande de la commission des affaires économiques)