Code de la justice pénale des mineurs (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du texte en discussion ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°56 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mme Garnier, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 121-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par les mots : « sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

M. Bruno Belin.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement est contraire à une décision du Conseil constitutionnel de 2019 : avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°56 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°57 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mme Garnier, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 121-5 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est supprimé.

M. Bruno Belin.  - Défendu

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La période de sûreté n'est pas nécessaire. Le mineur doit être réinséré.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°57 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°59 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mmes Garnier et Drexler, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 121-5 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent faire application des dispositions de cet article, sauf décision spécialement motivée prise en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci, lorsque le mineur de plus de seize ans est coupable d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d' au moins un an d'emprisonnement commis à l'encontre d'un militaire de la gendarmerie nationale, d'un fonctionnaire de la police nationale, d'un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, d'un policier municipal ou d'un agent des douanes. »

M. Bruno Belin.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement prévoit que l'excuse de minorité sera par principe écartée lorsque le mineur de 16 à 18 ans sera déclaré coupable d'un crime ou délit à l'encontre des forces de l'ordre ou des pompiers. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°59 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 5 BIS

Mme la présidente - Amendement n°77, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - C'est un amendement de coordination.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Par cohérence, avis défavorable. Je suis favorable à l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD).

L'amendement n°77 est adopté.

L'article n°5 bis est supprimé.

ARTICLE 6

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le dossier de personnalité est conservé pendant cinq ans à compter du dernier jugement en qualité de mineur dans des conditions définies par un décret. Il peut être remis à sa demande à l'intéressé à travers son avocat pour être produit en justice. » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le dossier unique de personnalité contient des informations à dimension sociale et personnelle réunies dans le cadre du suivi pénal d'un enfant. Ces documents peuvent être issus des procédures pénales et d'un dossier d'assistance éducative ; ils permettent de cerner la personnalité, mais également les conditions de vie familiale et sociale de l'enfant.

Certains jeunes pourront avoir affaire à la justice pour des faits commis peu de temps après leur majorité. Il paraît opportun, pour leur défense et pour permettre à la juridiction d'apprécier leur parcours et mieux individualiser leur réponse, de faire usage de ce dossier. Il serait utile de le conserver au greffe de la juridiction au plus pendant cinq ans et de veiller à ce qu'une copie soit remise à l'intéressé sur sa demande. 

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous comprenons l'idée, mais nous ne connaissons pas l'impact de cette mesure. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le dossier unique de personnalité est un outil spécifique à la justice des mineurs. Il ne paraît pas opportun de l'utiliser plus largement. En outre, le mineur devenu majeur peut faire connaître des éléments de ce dossier à la justice. C'est suffisant. Avis défavorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 21

Rédiger ainsi cet alinéa :

bis L'article L. 333-1 est abrogé ;

Mme Esther Benbassa.  - L'assignation a? résidence avec surveillance électronique n'est pas adaptée aux mineurs : elle est mal comprise et génère une grande anxiété sans présenter d'intérêt éducatif. Nombre de spécialistes du droit y sont opposés. Une bonne réforme de la justice des mineurs doit conserver ses spécificités et ne pas se résumer à un alignement sur la justice des majeurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons eu ce débat hier. Avis défavorable. L'assignation à résidence est une alternative à l'enfermement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même position.

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le 2° de l'article L. 334-4 est abrogé ;

Mme Éliane Assassi.  - Le recours à la détention provisoire des adolescents ne cesse de croître, selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il devrait pourtant être exceptionnel, car il ne permet pas de tenir compte de la situation individuelle des jeunes et son intérêt éducatif paraît nul.

Les mineurs âgés de 13 à 16 ans ne peuvent y être soumis que s'ils risquent une peine criminelle ou s'ils n'ont pas rempli leurs obligations en centre éducatif fermé.

Au regard des conséquences délétères, psychiques et physiques, de l'enfermement, nous le refusons dans les affaires correctionnelles.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le code de justice pénale des mineurs a pour objectif de lutter contre la détention provisoire excessive - les chiffres parlent d'eux-mêmes. Mais nous pensons que c'est la rapidité de la procédure qui permettra de la réduire. Néanmoins, certains actes, notamment en cas de réitération, rendent la détention provisoire nécessaire. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il faut tout faire pour éviter la détention provisoire mais c'est parfois un mal nécessaire. (Mme Éliane Assassi proteste.) Je n'ai pas changé : je ne suis pas un dogmatique ! Et nous ne nous connaissons pas suffisamment, madame, pour que vous puissiez le dire. Je suis contre la prison mais elle peut être nécessaire. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Le régime de la détention provisoire des mineurs est encadré. Il faut laisser le juge faire son travail en mettant plusieurs outils à sa disposition. Avis défavorable.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 334-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, le mot : « treize » est remplacé par le mot : « seize ».

Mme Éliane Assassi.  - Les textes internationaux et nationaux présentent la détention d'un mineur comme une anormalité uniquement acceptable en dernier recours.

Pourtant, le nombre de mineurs enfermés augmente : 75 à 80 % sont encore présumés innocents mais placés en détention provisoire. Les causes de cette augmentation doivent être scrutées. Nous ne sommes pas opposés à toute peine pour les mineurs, mais la peine d'emprisonnement relève d'un modèle révolu. Elle est déjà contestée pour les adultes. Les centres éducatifs fermés qu'on nous vante comme des modèles rappellent les bagnes pour enfants d'avant-guerre. Souffrez, monsieur le ministre, que j'utilise des images que vous avez pu employer. Cela ne vous plaît pas, mais c'est ainsi.

La détention provisoire doit n'être autorisée que pour les plus de 16 ans. À quoi ressemble un individu de 13 ou 14 ans ? À un grand enfant, ou à un adolescent ? À 13 ans, on a l'irresponsabilité pénale mais tout de même l'enfermement. Cet amendement y remédie.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Seuls les plus de 13 ans peuvent être placés en détention provisoire ; jusqu'à 16 ans, ce n'est possible qu'en matière criminelle ou en cas de non-exécution des obligations du mineur en centre éducatif fermé. C'est parfois un mal nécessaire dont il est difficile de se passer pour des faits particulièrement graves. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je le redis : je n'ai pas changé. Je ne vais quand même pas vous le chanter... La prison est parfois un mal nécessaire ; il faut laisser cet outil au juge.

L'image du bagne n'est-elle pas un peu excessive ? Des gamins nous l'ont dit : le premier séjour en prison peut être salutaire. Avis défavorable.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°55 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mmes Garnier et Drexler, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud et MM. Klinger, Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 521-9 du code de la justice pénale des mineurs dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, il est inséré un article L. 521-... ainsi rédigé :

« Art. L. 521-...  -  Un contrat d'engagements réciproques est signé entre les titulaires de l'autorité parentale et le service de la protection judiciaire de la jeunesse afin de garantir le respect par le mineur des obligations qui lui sont imposées dans le cadre de la période de mise à l'épreuve éducative.

« Le refus par les titulaires de l'autorité parentale de signer ce contrat est puni de 7 500 euros d'amende.

« En cas de refus manifeste de respecter leurs obligations contractuelles par les titulaires de l'autorité parentale, la protection judiciaire de la jeunesse saisit le juge des enfants. Celui-ci peut ordonner le séquestre par les organismes mentionnés à l'article L. 212-2 du code de la sécurité sociale des sommes perçues par les titulaires de l'autorité parentale au titre des allocations familiales jusqu'à la mise en oeuvre de leurs obligations et pour une durée qui ne peut excéder neuf mois. »

Mme Valérie Boyer.  - Un mineur ne peut être complètement responsable de ses actes lorsqu'il commet une infraction. Nous devons rappeler aux adultes leurs responsabilités éducatives. Le ministre de l'Intérieur l'a rappelé à propos du petit Yuriy.

Le devoir d'éducation relève d'abord des parents, comme le dit Maurice Berger. Cet amendement vise à restaurer leur autorité. Dans un contexte socio-économique souvent difficile, beaucoup de parents ont fini par baisser les bras. Ce rappel à la responsabilité parentale doit s'effectuer de façon ferme et solennelle : il faut un électrochoc, afin qu'ils se réinvestissent dans l'éducation et la surveillance de leur enfant.

Sur le plan pénal, le principe selon lequel « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » empêche toute sanction directe des parents pour les faits commis par leurs enfants.

Il s'agit ici de replacer l'autorité parentale au coeur de l'éducation des enfants à travers un contrat d'engagements réciproques signé entre les titulaires de l'autorité parentale et le service de la PJJ, afin de garantir le respect par le mineur des obligations qui lui sont imposées lors de la période de mise à l'épreuve éducative.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La place des parents doit être définie dans le code. Leur responsabilisation est en effet essentielle dans l'accompagnement. Ce contrat, laissé à l'appréciation du juge, pourrait dans ce cadre être utile. Avis plutôt favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis viscéralement, absolument opposé à cet amendement qui est d'une totale injustice en précarisant des gens déjà défavorisés.

La délinquance, c'est d'abord l'affaire des pauvres gens. Voyez les statistiques et les ouvrages de sociologie. À l'Assemblée nationale, répondant à Mme Le Pen qui exprimait des positions analogues, j'évoquais une femme ayant élevé seule ses trois enfants - deux sans problème, le troisième délinquant. Et elle devrait se trouver financièrement entravée ? Pour quel crime ? C'est inhumain. Je suis totalement contre, mais chacun voit midi à sa porte... (Mmes Esther Benbassa et Gisèle Jourda applaudissent.)

Mme Valérie Boyer.  - Monsieur le garde des Sceaux, je suis perturbée par la façon dont vous me répondez, sur le ton de la morale, comme s'il y avait les gentils et les méchants et comme si ma proposition était injuste et amorale.

Je ne comprends pas votre position alors que le ministre de l'Intérieur, votre partenaire, a évoqué cette possibilité !

Le Royaume-Uni a un système de contractualisation avec le Parenting Act. Des villes ont mis en place des contrats prévoyant la suppression d'allocations facultatives en cas de dérapage.

Où est la cohérence entre les déclarations du ministre de l'Intérieur et les vôtres ? Il ne s'agit pas d'une suppression mais d'un cautionnement.

En quoi est-il amoral, quand la solidarité nationale est sollicitée, de conditionner des allocations pour des familles qui ne font pas face à leurs responsabilités ? (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Nous sommes nombreux à soutenir cette position. Nous répondre qu'elle est amorale est déplacé. Lorsqu'on est parent, on est responsable de son enfant.

Mme Éliane Assassi.  - Madame Boyer, c'est vous qui nous dites cela ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela fait des années que l'on nous parle de la suppression les allocations familiales.

Mme Valérie Boyer.  - Du cautionnement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous nous y sommes toujours refusés, parce que c'est le droit de l'enfant. M. le ministre a raison de dire que les familles concernées sont souvent en grande difficulté. Nous soutenons sa position car votre amendement ne règlerait pas les problèmes.

Mme Dominique Vérien.  - Je n'ai pas compris votre opposition, monsieur le ministre, à la remise aux parents, qui est un premier pas vers la responsabilisation.

Suspendre les allocations, pourquoi pas, mais avec un véritable accompagnement, qui n'est pas prévu dans cet amendement. Je ne le voterai donc pas.

Mme Valérie Boyer.  - C'est un contrat d'engagement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame Boyer, vous avez déjà essayé de creuser hier un fossé entre le ministre de l'Intérieur et moi. C'est artificiel. Il n'a jamais évoqué des sanctions pécuniaires, mais le rôle primordial de l'éducation qui, carencée, peut mener à la délinquance.

Ne m'attribuez pas de propos, madame Boyer. Je n'ai pas parlé de morale, mais de justice. C'est très différent.

Madame Vérien, envisager la remise aux parents comme sanction, c'est assez désarçonnant ! Je n'y suis pas opposé sur le principe. La dame que j'ai évoquée, dont j'ai le souvenir précis, était une femme honnête. Faut-il la pénaliser car un seul de ses enfants est délinquant ?

L'amendement de Mme Boyer est socialement injuste.

Vous montez sur vos grands chevaux en me demandant comment je m'adresse à la représentation nationale. Mais avec mon coeur !

M. Max Brisson.  - Monsieur le garde des Sceaux, vous vous indignez d'un simple contrat entre la justice et les parents ! En vous écoutant, je me suis demandé si cet amendement, que j'ai cosigné, était un crime contre la justice. Mais la responsabilité des parents relève du pacte républicain ! Vous crispez le débat et la gauche s'offusque. Je voterai cet amendement sans état d'âme.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Le groupe CRCE ne votera pas cet amendement qui oppose une approche répressive à une politique sociale. La pression financière ne ferait qu'accentuer les difficultés des familles vulnérables.

Je suis allée à la prison de Longuenesse, qui accueille huit enfants de 13 ans, avec des adultes. Ce sont majoritairement des enfants de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), baladés de famille en famille, atteints psychologiquement. Ils auraient dû être suivis. Les parents ont demandé de l'aide, qu'ils n'ont pas eue parce qu'il n'y avait pas de psychologues. Plusieurs parents m'ont dit qu'ils avaient fait le tour des hôpitaux pour demander de l'aide, ils avaient prévenu que les enfants passeraient à l'acte. Rien n'a été fait. Et voilà ces enfants à Longuenesse, avec des adultes, alors qu'ils sont malades. Qu'y peuvent leurs parents ? C'est pour cela qu'il nous faut des moyens ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

L'amendement n°55 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 6 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'accélération à tout prix des procédures et jugements déshumanise la justice. Un enfant qu'on sanctionne doit être averti.

De plus, la comparution physique permet au cercle familial parents-enfants de se confronter à des tiers, bienvenus en cas de conflit, et de rétablir un cadre. Cessons de pousser à la dématérialisation des relations humaines.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement contraire à la position de la commission.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cette réforme renforce la responsabilité des parents en sollicitant leur autorité. Cela dit, avis favorable à cet amendement. Je suis d'accord avec Mme Assassi.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Une fois n'est pas coutume !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le montant de 3 750 euros est déjà très important.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°67 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après le mot : 

précitée,

rédiger ainsi la fin de cet article :

la deuxième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le mot : « et » .

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Retrait ?

L'amendement n°67 rectifié est retiré.

L'article 6 bis est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 6 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 323-2 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « l'un de » ;

b) Les mots : « peuvent néanmoins être ordonnés ou modifiés » sont remplacés par les mots : « ne doivent être ordonnés ou modifiés » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au besoin, le juge des enfants peut décerner un mandat de comparution contre le mineurs et ses représentants légaux. »

Mme Cécile Cukierman.  - L'article 6 bis permet que les mesures éducatives judiciaires provisoires soient prononcées et modifiées sans que le mineur ni ses représentants légaux ne soient présents. Ce n'est pas souhaitable. Entendre une personne énoncer une sanction a plus d'impact qu'un écrit. L'incarnation de la sanction participe de son efficacité.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article L. 413-1 est abrogé ;

Mme Esther Benbassa.  - L'article L. 413-1 du code permet la retenue jusqu'à douze heures d'un mineur âgé de 10 à 13 ans par un officier de police judiciaire. Il s'agit d'une mesure de privation de liberté pour ces enfants, qui peuvent être interrogés par la police ou la gendarmerie sous la contrainte. Elle ne saurait être imposée à des enfants de moins de 13 ans, présumés irresponsables.

Mme la présidente.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article L. 413-1, les mots : « dix à » sont supprimés ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il convient de limiter la retenue prévue par l'article L. 413-1 aux enfants de plus de 13 ans. N'allons pas en dessous.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La retenue n'est possible que pour les mineurs soupçonnés de crimes ou délits passibles d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cette procédure est parfaitement encadrée. Ne serait-ce que pour obtenir le nom des complices, on a besoin de cette disposition. Avis défavorable.

L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°35 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article L. 413-2 est abrogé ;

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement abroge le régime de retenue pour les enfants de 10 à 13 ans qui s'apparente à une garde à vue pour mineurs, au caractère plus répressif qu'éducatif.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°36 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Même avis pour les mêmes raisons.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mêmes causes, mêmes effets.

Les amendements identiques nos16 et 36 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° Les troisième à dernier alinéas de l'article L. 423-4 sont supprimés ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement important supprime la procédure en audience unique devant le tribunal pour enfant qui ne permet pas un temps de travail éducatif, pourtant nécessaire et déterminant pour le jeune.

Cette mesure, inspirée de la comparution immédiate des majeurs, nous semble inadaptée, voire dangereuse pour des mineurs et est en contradiction avec l'état d'esprit que vous affichez.

Cette audience unique vise à accélérer la procédure pénale - or les enfants sont des êtres en construction qui ont besoin de temps. En outre, il suffirait d'un rapport de moins d'un an pour pouvoir se prononcer, délai totalement injustifié pour un mineur au comportement par nature évolutif.

Un alinéa vise particulièrement les mineurs non accompagnés. Il est courant qu'ils refusent de se soumettre aux opérations de prélèvement, car ils ne sont souvent pas informés. Cette mesure interroge dans un contexte ou? les MNA sont plus souvent de?fe?re?s devant le juge des enfants a? l'issue d'une garde a? vue, et davantage incarcérés que les autres mineurs délinquants. Selon le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation des libertés, on compte un tiers de MNA dans certains quartiers pour mineurs, et jusqu'a? 50 % en établissement pénitentiaire pour mineurs.

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigé :

...° Au troisième alinéa de l'article L. 423-4, après le mot : « exceptionnel » sont insérés les mots : « et par décision motivée » ;

...° Au 1° du même article L. 423-4, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le mot : « trois » est remplacés par le mot : « cinq » ;

II.  -  Alinéa 11

Après la référence :

L. 423-4,

insérer les mots :

les mots : « déclaration de culpabilité ou » sont supprimés et

Mme Laurence Harribey.  - Amendement de repli.

Si la procédure d'audience unique est maintenue, il faut davantage l'encadrer. Elle ne doit pas devenir la voie de droit commun et signer la disparition de la justice spécifique des mineurs.

Une simple décision antérieure de culpabilité ne saurait suffire à justicier le recours à la procédure unique : c'est tout le problème des réitérants.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous sommes favorables à l'audience unique, utile dans certaines situations, comme le cas des réitérants. Quelque 5 % des jeunes occupent 50 % des audiences : il faut prévoir pour eux une réponse et une sanction rapide, ce qui n'empêche pas les mesures éducatives.

L'audience unique ne peut être réduite aux MNA, même si elle répond à certains cas. Cela dit, elle doit rester l'exception.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Tout a été dit. Nous sommes attachés à l'audience unique, qui n'interdit en rien les mesures éducatives.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

Mme Laurence Harribey.  - L'audience unique ne doit pas devenir la procédure de droit commun. Il faut l'encadrer. Faisons le pari de la réforme, mais nous avons un doute.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

7° À la deuxième phrase du 2° de l'article L. 423-7, les mots : « ni supérieur à trois mois » sont supprimés ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit d'introduire de la souplesse dans le travail des magistrats en fonction des situations.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Après la deuxième phrase du 2° de l'article L. 423-7, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le mineur ne bénéficie pas d'un suivi éducatif, ce délai est porté à six mois. » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Nous entendons la volonté du Gouvernement d'accélérer la justice, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la défense. De l'avis des professionnels, le délai de trois mois est insuffisant : cet amendement l'allonge à six mois.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les délais sont au coeur de la réforme : l'efficacité, c'est de pouvoir juger le jeune dans un court laps de temps. Avis défavorable à l'amendement n°40.

Je ne comprends pas l'amendement n°17 : il vaut mieux pour les mineurs que les mesures éducatives soient prises rapidement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Deux fois défavorable.

L'amendement n°40 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.

Mme la présidente.  - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 14 à 18

Supprimer ces alinéas.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Par cohérence, je le retire.

L'amendement n°73 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°78, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 15

Les mots :

de l'alinéa précédent

sont remplacés par les mots :

du présent article

L'amendement rédactionnel n°78, repoussé par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 24

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Les articles L. 433-4 et L. 433-5 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est procédé à une révision automatique de la détention provisoire tous les trois mois. » ;

Mme Laurence Harribey.  - Les articles L. 433-4 et L. 433-5 fixent les conditions dans lesquelles la détention provisoire du mineur de moins de 16 ans peut être prolongée. Nous proposons une révision automatique de la détention provisoire tous les trois mois, en cohérence avec la logique de la réforme qui est d'éviter la détention.

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 24

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 433-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est procédé à une révision automatique de la détention provisoire tous les trois mois. » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Il faut plus de régularité et d'encadrement de la détention provisoire des mineurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La main levée est possible à tout moment de la détention provisoire : avis défavorable aux deux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'assistance de l'avocat est une obligation ; il peut demander à tout moment une mise en liberté.

Avis défavorable à ces amendements qui alourdiraient considérablement la charge de travail des magistrats. Enfin, j'imagine mal un juge des enfants laisser croupir sans raison un gamin en prison sans examiner sa situation.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°18.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°19, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 413-6 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par une phrase ainsi rédigée : « La notification des droits des enfants ou des adolescents est orale et écrite. »

M. Fabien Gay.  - Nous sommes opposés à la généralisation de l'audience unique. Il y a un risque de dysfonctionnements du fait du manque de moyens. Chaque mineur doit avoir accès à ses droits de façon orale ou écrite, MNA compris.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par les articles 62 à 66 du code de procédure pénale qui prévoient que toutes les garanties soient notifiées au prévenu, majeur ou mineur, dans la langue qu'il comprend. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Absolument ! Votre amendement est satisfait puisqu'il est prévu dans la loi.

M. Fabien Gay.  - Mais ce droit n'est pas respecté !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Qu'il ne soit pas respecté, c'est autre chose, mais le droit l'énonce. Le mineur aura accès à ses droits par le truchement d'un interprète.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 413-8 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « de moins de seize ans » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cet examen doit être réservé à l'appréciation de la compatibilité de l'état du mineur avec la garde à vue. »

Mme Laurence Harribey.  - Le régime de la garde à vue doit s'appliquer de manière identique à tous les mineurs, y compris entre 16 et 18 ans. La visite médicale doit être obligatoire et l'examen médical ne doit en aucun cas être étendu à l'évaluation de la minorité de l'enfant, mais réservé à l'appréciation de la compatibilité de son état avec la garde à vue.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Un examen médical peut être demandé pendant la garde à vue pour savoir si le jeune peut y être maintenu.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 413-11 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est abrogé.

Mme Laurence Harribey.  - Des conditions de prolongation de la garde à vue aussi larges sont inadmissibles pour des mineurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La garde à vue doit pouvoir être prolongée pour établir les faits.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 435-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, il est inséré un article L. 435-.... ainsi rédigé :

« Art. L. 435-....  -  Des conclusions de nullité peuvent être déposées in limine litis jusqu'à l'audience sur la culpabilité. »

Mme Laurence Harribey.  - La notification des charges se faisant désormais devant le procureur, dans l'hypothèse d'un déferrement, il est nécessaire pour un bon exercice des droits de la défense que l'avocat du mineur ait jusqu'à l'audience de culpabilité pour déposer ses conclusions.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Je demande l'avis du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le code de procédure pénale s'applique aux nullités de la procédure. Il sera donc possible de les soulever lors l'audience sur la culpabilité. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Même avis.

L'amendement n°42 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 521-20 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, les mots : « ou l'assignation à résidence avec surveillance électronique » sont supprimés.

Mme Laurence Harribey.  - Nous supprimons l'assignation à résidence avec surveillance électronique, inadaptée aux mineurs.

L'exemple donné par le ministre d'une maman avec ses trois enfants montre qu'il est parfois utile de sortir de son environnement familial, mais tout est question d'équilibre.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons déjà eu ce débat : avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Parfois cette mesure est inadaptée, parfois non... Il faut donc conserver cette possibilité, qui est une alternative à l'emprisonnement. Avis défavorable.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 4

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le second alinéa de l'article L. 513-3 est ainsi modifié :

1° Les deux premières phrases sont supprimées ;

2° Le début de la dernière phrase est ainsi rédigé : « En tout état de cause, la cour statue... (le reste sans changement). » ;

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet amendement garantit la publicité restreinte des audiences y compris lorsque le jeune mineur au moment des faits est devenu majeur lors du procès.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Pour les mineurs, les audiences ne sont pas publiques. Avec le nouveau code de la justice pénale des mineurs, le cas d'un mineur jugé majeur devrait se produire moins souvent puisque les délais vont être plus rapides. S'opposer à la publicité des jugements nous semble contraire aux droits de la défense. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article L. 521-3, les mots : « dans un délai qui ne peut excéder trois mois » sont supprimés ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit là encore de laisser plus de souplesse aux magistrats.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable par cohérence.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°79, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au second alinéa de l'article L. 521-18 et à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 521-19, le mot : « second » est remplacé par le mot : «deuxième » ;

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°79, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 8

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 422-2 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par un alinéa rédigé ainsi :

« Le parquet s'assure avant la proposition d'une mesure de travail non rémunéré que son accomplissement est compatible avec le suivi réel de la scolarité du jeune, de sa formation ou de son activité professionnelle. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un amendement de bon sens. Pour être utile et pédagogique, le travail effectué par un mineur - travail non rémunéré comme alternative aux poursuites ou travail d'intérêt général comme peine -  ne doit pas faire obstacle au suivi de sa scolarité, de sa formation ou de son activité professionnelle. Les deux procédures doivent aller de pair, et non l'une au détriment de l'autre.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement est parfaitement satisfait dans la pratique. J'ai quelque expérience en la matière. Les magistrats font en sorte que la mesure prononcée soit mise en oeuvre dans de bonnes conditions. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le bon sens est une vertu cardinale, mais on peut penser qu'un travail non rémunéré, « adapté à la personnalité dudit mineur » ne sera pas effectué au détriment de la scolarité ou de la formation. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis conforté par ces avis ! Si c'est ainsi que cela se fait dans la pratique, pourquoi ne pas l'écrire ? Y aurait-il des pudeurs à ne pas écrire des choses tellement évidentes ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ce n'est pas comme cela que les décisions doivent se prendre mais c'est ainsi qu'elles se prennent déjà. Avis vraiment défavorable.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 521-8 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le mineur en fait la demande, le renvoi de l'affaire devant le tribunal pour enfants est de droit. »

Mme Laurence Harribey.  - Cet amendement renforce les garanties procédurales offertes aux mineurs, qui nous semblent amoindries par rapport à l'ordonnance du 2 février 1945.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article L 521-8 du code prévoit déjà le renvoi devant le tribunal pour enfant à la demande du mineur.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Tout pareil.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

ARTICLE 9

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 611-1 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et ses représentants légaux » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « peut néanmoins » sont remplacés par les mots : « ne peut pas » ;

Mme Michelle Gréaume.  - Cet article permet au juge des enfants de prononcer une mesure éducative judiciaire sans que le mineur, ni ses représentants légaux, ne comparaisse devant lui.

Alors qu'un mandat de comparution peut être adressé au mineur, aucune mention n'est prévue pour ses représentants légaux. Il faut que ces mesures éducatives judiciaires soient entendues par l'enfant et au moins l'un de ses représentants légaux pour que la peine soit comprise et acceptée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - On peut imaginer que les parents fassent obstruction en refusant de comparaître. Cela ralentirait le travail du juge des enfants. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté, de même que les articles 10 et 11.

Interventions sur l'ensemble

Mme Cécile Cukierman .  - Nous avons eu un véritable débat et j'en remercie mes collègues.

Un enfant, un adolescent, un jeune délinquant ne devint pas forcément un adulte délinquant. Pour l'éviter, il faut des moyens humains dans les juridictions et à la PJJ pour accompagner ces mineurs. Ce n'est qu'à cette condition que la réforme prendra tout son sens.

Un mineur réinséré qui retrouve le chemin du vivre-ensemble est une économie pour la société.

Sans dogmatisme, monsieur le garde des Sceaux, le groupe CRCE a proposé un projet différent pour cette réforme qui, à notre sens, renforce le volet répressif au détriment de l'éducatif. Nous voterons sans surprise contre ce texte.

Mme Esther Benbassa .  - L'ordonnance de 1945 était un texte novateur et protecteur. Elle a posé une vision bienveillante du droit face à ces jeunes en construction. Depuis, 90 % de ses articles ont été modifiés et sa philosophie même a fini par se perdre.

Le contrôle s'est substitué à l'éducation, la vision coercitive s'est imposée au gré des gouvernements et des faits divers, le principe de spécialisation s'est affaibli.

Le temps est une notion importante : il permet au jeune de se construire. La réforme ne peut se contenter d'accélérer les procédures. Il faut donner des moyens à la justice des mineurs et revenir au principe fondateur de la primauté de l'éducatif.

Le GEST votera contre ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Ce texte était très attendu. Il contient une idée forte : celle de la césure, demandée par les magistrats, avocats et éducateurs. Il y a d'abord le temps de la reconnaissance de culpabilité, des mesures éducatives puis, si nécessaire, le temps de la sanction.

Hélas, le texte est aussi source de désillusions. D'abord la procédure : il fallait un projet de loi, non une ordonnance. Et que dire de la publication d'une circulaire avant même le vote du texte ?

Les moyens ensuite : dans les 8 % de hausse du budget de la justice, il y a bien peu pour la justice des mineurs et le suivi éducatif.

Ensuite, en dessous de 13 ans, nous voulons la présomption irréfragable et non la présomption simple. C'est ce qui induit le primat de l'éducatif sur le répressif.

Quatrièmement, l'audience unique risque de se généraliser au détriment de la césure.

Enfin, la spécialisation de la justice des mineurs risque d'être mise en cause.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat a suivi le rapporteur sur le tribunal de police et défendu l'intervention du juge des enfants, mais je crains que cela ne suffise pas.

Mme Dominique Vérien .  - Le groupe UC votera ce texte, et j'espère que la CMP sera conclusive et que la réforme sera mise en place dans les délais demandés par les juridictions. J'espère que ce ne sera pas en échange du rétablissement du JLD, car la spécificité de la justice des mineurs suppose l'intervention du juge des enfants.

Enfin, il faut donner à la PJJ les moyens de se recentrer sur l'accompagnement des enfants.

M. Philippe Bas .  - Le groupe Les Républicains votera ce texte tel qu'amendé sur les recommandations de la commission.

Je salue la qualité des débats, sur un sujet d'une grande sensibilité, face à une situation très dégradée, entre délais d'intervention très longs et moyens éducatifs insuffisants.

Ce texte est clarificateur et simplificateur. Il doit améliorer le traitement de la délinquance des mineurs, en conservant les principes de l'ordonnance de 1945. L'éducation doit primer sans que la sanction ne soit oubliée, car il n'y a pas d'éducation sans autorité.

Nous avons critiqué le recours aux ordonnances, mais la véritable épreuve de vérité est pour demain : ces clarifications permettront-elles un surcroît d'efficacité ? Sinon, nous serions comme un constructeur automobile qui arrête le travail avec la conception du prototype sans distribuer le véhicule dans les succursales !

À vous, monsieur le garde des Sceaux, de poursuivre le travail avec les magistrats, les avocats et la PJJ. Ce défi, nous vous souhaitons de le relever. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Ce vote est l'aboutissement de dix années de travaux, de concertations, pour codifier un droit devenu trop peu lisible.

Le texte réaffirme les grands principes de la justice pénale des mineurs, consacre la césure pour renforcer le sens de la réponse pénale, tant pour le mineur que pour la victime, rationalise les mesures éducatives au profit d'une mesure unique. Cette réforme est à la hauteur des défis posés par « l'enfance traduite en justice », pour reprendre les termes de l'ordonnance du 2 février 1945. Les débats ont montré une convergence sur l'essentiel, et je salue le travail de la rapporteure. Je fais confiance au garde des Sceaux sur la question des moyens.

Le débat a bien eu lieu. Le groupe RDPI votera ce texte avec fierté.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux .  - Je suis heureux que cette réforme aboutisse et je remercie Mme le rapporteur pour la qualité de son travail.

Je suis touché de vous entendre saluer la qualité de nos débats, malgré les craintes initiales de certains sur la méthode retenue. Le débat a été complet, merci de l'avoir dit, sans dogmatisme.

J'espère, monsieur Bas, que je serai digne de votre confiance. Je ferai tout pour que cette belle réforme soit mise en oeuvre.

La justice n'est jamais aussi grande que quand elle se préoccupe du sort des plus petits. Ces mineurs, c'est aussi l'avenir.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Prochaine séance, jeudi 28 janvier 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication