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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Rapprochement entre Carrefour et Couche-Tard
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Suppressions de postes chez Sanofi (I)
Avenir de l'Office national des forêts (ONF)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Crise de la filière aéronautique
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance
Suppressions de postes chez Sanofi (II)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté
Secteur viticole et sanctions commerciales américaines (I)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance
Accords de pêche après le Brexit
Mme Annick Girardin, ministre de la mer
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Secteur viticole et sanctions commerciales américaines (II)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté
M. Jean Castex, Premier ministre
Renforcer le droit à l'avortement
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Mme Laurence Rossignol, rapporteure
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi
Mme Monique Lubin, rapporteure de la commission des affaires sociales
Modification de l'ordre du jour
Droits nouveaux dès 18 ans (Suite)
Ordre du jour du jeudi 21 janvier 2021
SÉANCE
du mercredi 20 janvier 2021
52e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Rapprochement entre Carrefour et Couche-Tard
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Alors que des discussions ont été ouvertes entre le groupe québécois Couche-Tard et Carrefour, vous avez mis fin à cette tentative de rapprochement au nom de la sécurité alimentaire de la France. Il faut se féliciter du retour du politique dans le domaine commercial.
L'État a son mot à dire en temps de crise, surtout vis-à-vis du premier employeur privé de France. C'est le sens de la loi Pacte qui prévoit un contrôle des investissements directs étrangers dans les secteurs stratégiques.
Carrefour compte 364 000 salariés. Premier employeur privé français, il était sur le point d'être racheté par un géant québécois qui réalise plus de 70 % de son chiffre d'affaires dans les carburants.
Carrefour rayonne dans le monde. Ce rachat ne va pas de soi : les indices boursiers ont doublé outre-Atlantique depuis la crise de 2008 alors qu'ils ont baissé en Europe : c'est bien une bulle financière qui permettrait à Couche-Tard d'envisager ce rachat.
Nous soutenons votre décision courageuse mais quid du e-commerce, que Carrefour devra financer seul ? Que dire de la France qui doit rester une terre attractive pour les investissements ?
Quelles sont les raisons vous ayant conduit à prendre cette décision courageuse (On ironise sur les travées à droite.) et rassurer les investisseurs étrangers ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance . - Vous avez parfaitement résumé les choses. (Nouvelles marques d'ironie à droite)
Une grande entreprise étrangère veut racheter le premier employeur privé français. Si certains veulent laisser faire, sur un groupe représentant 20 % de la distribution alimentaire du pays, grand bien leur fasse !
L'État se doit de garantir la sécurité alimentaire de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après la loi Pacte, nous avons prévu par décret de contrôler les investissements étrangers sur l'ensemble de la chaîne alimentaire ; le règlement européen fait de même.
Au lendemain de la pandémie, nous savons désormais que des produits agricoles peuvent ne plus circuler dans notre pays. Nous voulons garantir la sécurité alimentaire de toute la chaîne, de la production à la distribution, en passant par la transformation. Cela remet-il en cause l'attractivité de la France ? Grâce à la politique voulue par le Président de la République, elle est le pays le plus attractif en Europe et le restera (On ironise à droite.) car nous maintiendrons une politique attractive pour les investisseurs étrangers en France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Stratégie vaccinale (I)
Mme Martine Filleul . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mercredi dernier, excédé, vous disiez, monsieur le Premier ministre, qu'il ne fallait pas revenir chaque semaine sur la vaccination. Il y a pourtant matière !
Ma mère, 97 ans, en Ehpad privé faute de place dans le public, ne sera pas vaccinée avant février. Or la vaccination a déjà lieu dans l'Ehpad public voisin depuis début janvier.
Comment expliquer une telle différence de calendrier ? Comment expliquer qu'une personne de 82 ans patiente cinq heures au téléphone pour avoir un rendez-vous pour se faire vacciner le 8 mars seulement ?
Pourquoi la France est-elle classée 25e sur 27 au niveau européen pour sa stratégie vaccinale alors que nous avons tous eu le même nombre de vaccins ?
À quoi nous sert Mac Kinsey ?
Je suis en colère, mais j'ai surtout peur pour ma mère, peur pour les résidents des Ehpad, peur pour les personnes dites prioritaires. Quand mettrez-vous fin à cette situation, quand mettrez-vous fin à ces aberrations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes CRCE et Les Républicains)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Le Gouvernement évoque régulièrement, et en toute transparence, la stratégie vaccinale.
À ce jour, plus de 585 000 Français ont été vaccinés, dont près de 100 000 hier. (On en doute à droite.) L'objectif d'un million de vaccinés d'ici fin janvier sera atteint, et même sans doute dépassé. L'objectif est de 2,4 millions de vaccinés d'ici fin février et peut-être 4 millions si le vaccin d'Astra-Zeneca est approuvé. Nous allons donc rejoindre le concert des pays européens.
Cette stratégie dépend toutefois de la livraison et de l'acheminement des doses. Au 17 janvier, nous avions reçu 1,6 million de doses et 315 000 vont nous être livrées très prochainement. Il n'y a pas de stock caché ! (On feint de s'en féliciter à droite.) Les stocks sont dans les centres. En pleine collaboration avec les élus locaux, les préfets et les ARS, les acteurs de terrain sont au courant du nombre de doses disponibles.
Le ministre de la Santé informera régulièrement du nombre de doses par centre, par département et par région. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Martine Filleul. - Seuls 10 % des résidents d'Ehpad sont vaccinés. Sortons du mensonge : nous ne sommes pas prêts ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes CRCE et Les Républicains)
Territoires éducatifs ruraux
M. Éric Gold . - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, vous avez lancé lundi une expérimentation appelée « Territoires éducatifs ruraux », adaptation aux zones rurales des « Cités éducatives » mises en place depuis plus d'un an dans 80 quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Les territoires ruraux représentent 34 % des écoles et 20 % des élèves ; ils sont trop souvent oubliés. L'objectif de cette expérimentation est de lutter contre les inégalités territoriales et sociales en matière d'éducation, notamment pour que chaque jeune ait la possibilité de poursuivre des études, quel que soit son lieu d'habitation. Or les jeunes ruraux sont 23 % à ne pas continuer dans le supérieur, contre 15 % en moyenne nationale. Pourtant, leurs résultats sont bons, notamment au bac.
Chacun doit pouvoir suivre sa voie. Il faut lutter contre l'autocensure, l'isolement, le déclin démographique et industriel en créant un vrai écosystème autour des jeunes à l'échelle de chaque bassin de vie. Les réponses doivent être construites avec les élus qui connaissent les besoins et les réalités locales. Le secteur de la santé, surtout, pourrait y gagner en matière de recrutement de jeunes talents dans ces territoires.
Comment les territoires éducatifs ruraux s'appuieront-ils sur les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports . - La revitalisation rurale, notamment par l'école, est essentielle pour recréer de l'attractivité. Le primaire rural fait réussir - mieux que la moyenne nationale.
Nous avons déjà pris l'engagement de ne fermer aucune école, ni aucune classe rurale, sans l'accord du maire. Nous poursuivrons dans ce sens.
Il faut aussi suivre une logique qualitative. Grâce au rapport de Salomé Berlioux, la nouvelle secrétaire d'État à l'Éducation prioritaire, Nathalie Elimas, a travaillé avec les académies de Normandie, d'Amiens et de Nancy-Metz pour encourager la réussite des élèves des zones rurales : dédoublement de classes, cordées de la réussite, internats d'excellence...
Chaque territoire éducatif rural sera un cas particulier fondé sur un accord entre les collectivités territoriales et l'État. L'éducation prioritaire concerne autant la campagne que la ville : cette nouvelle étape en consacre le principe. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Suppressions de postes chez Sanofi (I)
M. Ronan Dantec . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Sanofi vient de confirmer la suppression de 400 postes dans ses services de Recherche et Développement (R&D) en France, en total décalage avec le contexte économique et social actuel et la volonté affichée d'une société plus autonome et résiliente.
Je vous soumets donc, madame la ministre, trois questions.
Est-il rationnel de réduire notre capacité de recherche scientifique et médicale alors que nous sommes convaincus qu'il faut renforcer l'autonomie européenne en matière de production de médicaments ?
Est-il raisonnable qu'une entreprise européenne bénéficiant d'aides publiques et de commandes publiques massives remette sur le marché du travail des centaines de salariés, selon les mots de Mme Borne ?
Enfin, est-il acceptable, alors que les Français sont inquiets, qu'une entreprise de cette importance fasse passer un message aussi brutal, tout en assumant d'augmenter les dividendes ?
Si vos trois réponses à ce questionnaire à choix multiple (QCM) sont négatives, comment prévoyez-vous d'intervenir pour que Sanofi revienne sur sa décision indécente ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie . - Il s'agit d'une information que nous avons déjà partagée sur ces bancs en juin et je vous avais répondu. Sanofi a décidé de recentrer ses sites de R&D sur trois verticales d'excellence, dont les vaccins.
Nous serons extrêmement vigilants sur la réindustrialisation de la France et le renforcement de notre excellence en matière de santé.
Nous avons demandé à Sanofi qu'aucun départ contraint n'ait lieu, et son patron s'y est engagé ; que les dépenses de R&D augmentent et elles seront portées à 2 milliards d'euros par an ; et enfin que Sanofi réimplante des sites de production : un site de vaccins évolutifs sera ainsi construit.
Entre 2005 et 2015, la production de produits pharmaceutiques en France a été divisée par deux, car nous n'avions pas de politique suffisamment attractive pour attirer les industriels français et étrangers. Nous mettrons toutes nos forces afin de relocaliser les industries de santé : c'est notre priorité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Ronan Dantec. - Des médicaments usuels ne sont plus produits en France et en Europe, disait Emmanuel Macron en juin. Nous pensions innocemment qu'il allait y remédier, notamment dans le domaine du diabète où se situent les suppressions d'emplois. En fait, il s'y résignait ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Avenir de l'Office national des forêts (ONF)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'ONF rassemble 9 000 agents, gère 6 millions d'hectares, dont 3 millions de forêts communales, pour un chiffre d'affaires de 700 millions d'euros, ce qui représente 40 % du bois produit en France.
Mais cet établissement rencontre des difficultés croissantes et il est structurellement déficitaire : 79 millions d'euros cette année... Son chiffre d'affaires a reculé de 45 millions en 2020, obligeant son conseil d'administration à relever son plafond d'endettement à 550 millions d'euros. C'est une fuite en avant qui ne fera qu'accentuer les difficultés à venir.
L'ONF vit une crise sociale avec la chute des effectifs, et existentielle avec des défis contradictoires et une dispersion de ses missions. Quelque 300 rapports ont été commis en trente ans, et qui sont restés sans suite.
Des choix stratégiques doivent être faits au plus vite pour assurer la pérennité de l'ONF et renforcer la place des collectivités territoriales. Que compte faire le Gouvernement alors que la forêt française est au coeur du défi climatique et sanitaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Comme beaucoup de Français, le Gouvernement est attaché à l'ONF et à ses agents.
Il faut soutenir cet organisme, dont l'expertise est reconnue à l'étranger. L'ONF se trouve face à divers défis : climatique, sanitaire avec les scolytes et financier.
La forêt doit être préservée et cultivée. Nous avons augmenté les crédits budgétaires de l'ONF de 10 millions d'euros. De plus, le plan de relance consacre 200 millions d'euros à la forêt. Il va également falloir finaliser un contrat entre l'État et l'ONF, mais aussi entre l'ONF et les communes forestières que gère l'ONF. Telle est notre feuille de route et la Haute assemblée y sera associée (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Stratégie vaccinale (II)
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sénatrice des Yvelines, je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, au nom des maires de France, désemparés.
Ils ne vous comprennent plus et ne savent plus comment vous aider. Ils ont pris en charge, avec les préfets et les ARS, la campagne vaccinale. Ils ont le doigt sur la couture du pantalon, mais aussi le porte-monnaie ouvert : ils financent tout, jusqu'aux aiguilles et seringues qui ne sont pas livrées conformes. Ils sont prêts à s'engager, sans arrière-pensée politique. Ils paient votre désorganisation et supportent le mécontentement, l'incompréhension, la détresse et bientôt la colère de nos concitoyens.
Le cabinet de la maire de Rambouillet reçoit un appel par minute depuis lundi matin !
Vous n'avez rien anticipé, ni tiré aucun enseignement des dysfonctionnements de la première vague. Comment expliquer que des centres qui devaient ouvrir la semaine prochaine resteront fermés, malgré vos promesses d'accélération ? Comment expliquer que les maires n'aient pas de visibilité à plus de deux jours sur les rendez-vous ?
Cela rend le pays épidermique. Comment et quand reprendrez-vous les choses en main ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - (Certains sénateurs du groupe Les Républicains s'étonnent que le Premier ministre ne réponde pas en personne.) Sans arrière-pensée politique, je vais vous faire plaisir : la campagne de vaccination se fera main dans la main avec les maires. (On en doute à droite.) Depuis la fin décembre, par l'intermédiaire des cellules départementales de vaccination, nous avons demandé aux maires de proposer des lieux propices à la vaccination et de prendre l'attache des personnes pouvant être vaccinées.
La nouvelle étape a débuté lundi, avec les plus de 75 ans. Plus de 800 centres ont ouvert et les maires assumeront le transport des personnes vulnérables. Je les en remercie.
Depuis le début de la campagne, le nombre de doses disponibles est précisément connu ; c'est aux autorités locales de ne pas ouvrir plus de centres que nécessaires. (Vives protestations à droite) Elles ne doivent pas non plus ouvrir davantage de créneaux de rendez-vous que de doses disponibles.
Pour reprendre la métaphore de Gabriel Attal, si Mme Pécresse avait été chargée des stocks lors du Débarquement, les soldats auraient débarqué la fleur au fusil mais sans munitions dans leurs barillets. (Très vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, tandis qu'on applaudit sur celles du RDPI)
Mme Sophie Primas. - Je suis outrée par vos propos ! Il est indigne de renvoyer la responsabilité sur les maires. Nous ne connaissons pas les doses disponibles et il est mensonger d'affirmer le contraire ! Vous aurez beau le répéter, ce mantra est un mensonge ! (Très vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Crise de la filière aéronautique
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les conséquences de la crise sanitaire sont catastrophiques pour le secteur aéronautique. La chute du trafic aérien, inédite depuis la seconde guerre mondiale, a mis en péril les compagnies aériennes et, par effet domino, toute la filière de construction d'avions. Boeing a annoncé 30 000 suppressions d'emplois ; Airbus, 15 000 dont 5 000 en France, pour faire face à la baisse de 40 % de ses commandes.
Dans la Somme, dans le bassin d'Albret et ses 3 000 salariés, c'est un séisme économique et social d'une amplitude inimaginable. Le plan de sauvegarde a limité les effets de cette crise, aussi violente qu'imprévisible, mais nous sommes rentrés dans le dur, avec l'adaptation des capacités industrielles à la réalité de ce marché cassé.
Nous ne pouvons pas laisser un bassin industriel sombrer. Le savoir-faire doit perdurer pour que nous soyons opérationnels lors de la reprise attendue en 2023. Personne n'est responsable de la déflagration actuelle, mais si nous ne maintenons pas en vie la supply chain en France, lors de la reprise, la sous-traitance se déplacera dans les pays low cost et alors, nous serons responsables.
La résilience ne sera possible qu'avec un soutien sans faille de l'État. Cet effondrement doit être conjoncturel et non définitif : les sous-traitants vous le demandent ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance . - Nous serons aux côtés des bassins picard, normand, occitan, pour soutenir la filière aéronautique et les sous-traitants. Je me rends dès vendredi à Toulouse pour soutenir Airbus.
La crise touche de manière très inégalitaire l'économie française : le BTP, l'agroalimentaire s'en sortent bien. D'autres moins, et le secteur aérien est particulièrement touché : 400 000 emplois et 58 milliards d'euros de chiffre d'affaires sont en jeu.
Avec la garantie emprunt, nous soutenons Airbus ; nous soutenons aussi les compagnies aériennes, Air France, mais aussi les compagnies étrangères qui ont continué à acheter des Airbus : 566 commandes en 2020, grâce au soutien de l'État.
Quant aux sous-traitants, nous avons mis en place un fonds d'investissement de 15 milliards d'euros pour que les ingénieurs travaillent sur de nouveaux projets et l'innovation. Le département de la Somme pourra bénéficier de ces crédits.
C'est une préoccupation prioritaire du Gouvernement de maintenir notre filière aéronautique parmi les plus performantes. Nous aiderons le secteur à passer ce cap difficile. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Demilly. - Venez nous voir dans la Somme pour en parler, monsieur le ministre.
Suppressions de postes chez Sanofi (II)
M. Pascal Savoldelli . - Sanofi a annoncé la suppression de 1 000 emplois en France dont 400 en R&D.
L'entreprise est passée de onze à bientôt trois sites en France depuis 2008. Allez dire aux 300 personnes qui ont perdu leur emploi à Alfortville, sur le site dédié à la sécurité du médicament que ces licenciements n'étaient pas contraints ! Regardez l'état des chercheurs : ils sont écoeurés !
Ma collègue Laurence Cohen vous a interpellé la semaine dernière pour savoir quelles mesures ce Gouvernement comptait prendre pour préserver l'emploi dans ce secteur, alors même que nous traversons une épidémie mondiale.
Certes, la France produit trois des six vaccins validés en Europe. Mais que faites-vous des centaines de suppressions d'emplois prévus par Sanofi ? L'entreprise a reçu près d'un milliard d'aides publiques en dix ans, et qu'elle a versé 4 milliards à ses actionnaires. Vous prévoyez de verser 2 milliards d'euros supplémentaires à Sanofi. Cet argent sera-t-il investi en France ?
Sanofi est en train de manquer un rendez-vous sanitaire, social et démocratique. Qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie . - Il n'y a aucune ambiguïté : le secteur de la santé est une priorité de notre politique économique et industrielle. Le Gouvernement a mis en place un comité stratégique des industries de santé, alors que pendant des années elles n'ont pas été soutenues dans notre pays et qu'elles se sont déplacées en Allemagne et ailleurs.
La production de produits pharmaceutiques a été divisée par deux entre 2005 et 2015. C'est contre cela que nous agissons. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.) N'oubliez pas non plus que Sanofi a investi dans un site de production de vaccins évolutifs en France à Marcy-L'étoile, grâce au soutien du Gouvernement alors que nous étions en concurrence avec Singapour.
Grâce à notre soutien, trois sites français produisent des vaccins. Cela ne s'est pas réalisé par l'opération du Saint-Esprit !
Le plan de relance consacre 35 milliards d'euros à l'industrie, à l'innovation et à la reconquête industrielle. Nous allons faire en sorte de pouvoir rebondir le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Pascal Savoldelli. - Sanofi peut fabriquer en France les autres vaccins. Demandez-leur de le faire ! Les salariés sont prêts !
Une vision stratégique est nécessaire : pourquoi avoir refusé la création d'un pôle public pour les médicaments ? Nous vous demandons une grande ambition de santé pour la France ! C'est cela que l'on vous demande, et pas le Saint-Esprit ! (Applaudissements et rires sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains)
Islam de France
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lundi à l'Élysée, à l'initiative du Président de la République, une partie des membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) a signé la « charte des principes pour l'islam de France », qui semble satisfaire le Gouvernement mais soulève de nombreuses interrogations. Est-il normal que l'État s'invite dans l'organisation des cultes pour demander par écrit le respect de principes qui devraient s'imposer à tous, comme l'égalité homme-femme, la laïcité, la liberté de renoncer à une religion sans être menacé, le respect des orientations sexuelles,« l'adhésion à la cohésion nationale ».
La charte a été rédigée par le CFCM, ce qui en fait un règlement intérieur de l'organisation. De plus, cinq seulement de ses neuf fédérations membres l'ont signée ; d'autres, qui ne l'ont pas fait, telle la branche Musulmans de France, proches des Frères musulmans, refusent donc les lois de la République.
Êtes-vous prête à dissoudre les associations qui s'opposent clairement à nos principes républicains ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - La majorité des fédérations du CFCM a formellement approuvé la charte signée à l'Élysée ; les autres ont encore quelques jours pour s'y associer. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) C'est une démarche forte, un engagement clair envers la République et qui engage les fédérations signataires et leurs imams. Cette charte est un acte fondateur pour l'islam de France. Il est dit dans ses dix articles que les préceptes religieux ne l'emportent pas sur le droit. Certaines pratiques coutumières y sont dénoncées.
Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur ont gagné leur pari d'accompagner l'islam de France sans s'immiscer dans son organisation. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie ironise.) C'est une ligne de crête, mais un premier pas vers l'islam des lumières. (M. Jérôme Bascher s'exclame.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Comme d'habitude, vous ne répondez pas à la question. Irez-vous au-delà de la communication des tweets ? Notre pays n'est pas un amalgame de communautés ; notre République est une, indivisible et laïque, ce que vous semblez oublier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du RDPI)
Secteur viticole et sanctions commerciales américaines (I)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le conflit Airbus-Boeing pèse encore très lourd sur les filières françaises des vins et spiritueux qui en sont les victimes collatérales.
En octobre 2019, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a autorisé les États-Unis à imposer des taxes de 7 milliards de dollars aux produits européens ; dans la foulée, Trump imposait une taxe de 25 % sur les vins tranquilles. En octobre 2020, c'est l'Union européenne qui était autorisée à appliquer 4 milliards d'euros de taxes ; en représailles, la taxe américaine de 25 % était étendue à tous les vins et spiritueux. Elle s'applique depuis le 12 janvier. Conséquence : les importations américaines de vins français et européens ont été divisées par deux, soit 600 millions d'euros de perte de chiffre d'affaires entre 2019 et 2020.
Dans mon département du Gers, les vins de Plaimont, des côtes de Gascogne, les eaux-de-vie d'Armagnac sont très pénalisés.
Au-delà du fonds de soutien renforcé aux filières viticoles, quels sont vos objectifs et calendrier pour lever les sanctions exorbitantes dont sont victimes les viticulteurs français ?
L'investiture du président Biden ouvre une fenêtre de négociation qu'il ne faut pas manquer. Cela doit être à l'ordre du jour des premiers échanges entre le Président de la République et son homologue américain : qu'en est-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Henri Cabanel applaudit aussi.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance . - Je partage totalement votre appréciation. Les viticulteurs français n'ont pas à être les victimes collatérales du conflit Airbus-Boeing, avec des taxes de 25 %. Nous avons pris, à la demande du Premier ministre, avec le ministre de l'Agriculture, des mesures immédiates pour les soutenir financièrement : aide au stockage, aide à la distillation, exonération de charges sociales et ouverture du fonds de solidarité dès lors qu'ils ont perdu 50 % de leur chiffre d'affaires à hauteur de 200 000 euros, alors qu'auparavant ils n'avaient droit qu'à 10 000 euros par mois.
Les viticulteurs sont aussi éligibles à la prise en charge des coûts fixes à hauteur de 3 millions d'euros. C'est un soutien franc et massif.
J'ai rappelé hier à Margrethe Vestager que vous attendez un fonds de compensation européen. Il est légitime et nécessaire que la Commission européenne aide les viticulteurs français.
Je m'engage à aller le plus rapidement possible à Washington avec Franck Riester et bien entendu avec l'accord du Premier ministre et du Président de la République, pour négocier la levée de ces sanctions. Nous devons sortir d'une guerre commerciale entre les États-Unis et l'Europe qui ne fait qu'un seul vainqueur : la Chine. Nous sommes alliés, nous devons retrouver les voies d'un commerce équitable entre nos deux continents. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. François Patriat. - Très bien !
M. Franck Montaugé. - Ne perdons pas les marchés conquis avec patience et talent au fil des ans par nos viticulteurs. Il faut aller très vite.
Le Président de la République doit normaliser les relations commerciales avec les États-Unis. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Accords de pêche après le Brexit
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'adresse toutes mes condoléances aux proches des pêcheurs décédés en Manche il y a quelques jours.
Les pêcheurs se morfondent et leurs bateaux sont à quai car ils n'ont toujours pas la licence pour la zone des 6 à 12 milles. Que se passe-t-il, alors que le Premier ministre avait promis aux marins-pêcheurs de France et des Hauts-de-France la poursuite de leur activité dans les meilleures conditions possible ; que Clément Beaune, ici présent, m'appelait le 24 décembre pour me dire qu'un accord était trouvé et que l'accès aux eaux anglaises était préservé pour nos marins-pêcheurs ; puis qu'en déplacement avec Olivier Dussopt dans les Hauts-de-France maritimes, le 1er janvier, les deux ministres annonçaient l'arrivée imminente de licences pour les navires habilités à pêcher dans cette zone essentielle ?
Vous ne souhaitez pas, madame la ministre, que la pression monte mais il faut la faire redescendre ! Que se passe-t-il donc ? Éclairez-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Annick Girardin, ministre de la mer . - L'accord sur la pêche est un compromis raisonnable. Le Royaume-Uni voulait récupérer 100 % de nos quotas, nous n'en avons rendu que 25 % et préservé nos accès à la zone économique exclusive (ZEE), aux 6 à 12 milles du Royaume-Uni, de Jersey et de Guernesey.
Les autorisations de pêche ont été données pour tous les bateaux de la ZEE. Nous avons communiqué à la Commission européenne une liste de navires prouvant leur antériorité dans les 6-12 miles : ainsi, 172 ont été validés, il reste 23 navires de remplacement direct à valider.
Les choses avancent insuffisamment vite. J'ai vu hier le commissaire européen et Michel Barnier sur le sujet. Je verrai les professionnels demain au Comité national des pêches et, lundi, j'assisterai au Conseil de l'Agriculture et de la pêche. Nous sommes sur les quais aux côtés des marins-pêcheurs. Comme l'a rappelé le Premier ministre, nous avons aussi prévu un plan d'accompagnement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. François Patriat. - Bravo !
M. Jérôme Bascher. - Vous noyez le poisson !
M. Jean-François Rapin. - Je n'ai pas de doute sur votre volonté, mais à quelle échéance ? Un marin qui ne pêche pas ne gagne pas d'argent. Les pêcheurs ne sont pas sereins depuis plusieurs années. J'insiste pour qu'ils retrouvent leur tranquillité au plus vite.
Cantines scolaires
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, le nouveau protocole sanitaire renforcé prévu pour la restauration scolaire à partir du 25 janvier interdit les brassages entre plusieurs classes du premier degré dans un même espace de restauration.
Pour les collectivités territoriales, de façon pragmatique, c'est inconcevable. Ainsi, la communauté de communes du canton d'Erstein - dont les 28 communes représentent 48 000 habitants - accueille 1 500 enfants dans 23 points de restauration. À vingt minutes pour le déjeuner, il faudrait huit heures pour faire manger tous les élèves ou quatre heures si 50 % de la restauration est composée de repas à emporter. Il y a 24 classes dans six bâtiments. Comment faire ? Ce n'est pas sérieux !
Quid des accueils de loisirs sans hébergement (ALSH), du périscolaire, du mercredi ? Nous attendons eu urgence des réponses claires ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. David Assouline s'exclame.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports . - Nous prenons la question des cantines scolaires très au sérieux depuis le premier confinement ; le premier protocole, déjà très strict, a eu pour intérêt de créer des réflexes dans l'ensemble de notre système scolaire, en partenariat avec les collectivités locales.
Nous avons donné dix jours à chacun pour s'adapter, jusqu'au 25 janvier. Une foire aux questions sur le site internet du ministère apporte des réponses concrètes. La facilité serait de supprimer la cantine scolaire, qui est un point de fragilité, du point de vue de la gestion de la crise sanitaire ; mais l'alimentation équilibrée des enfants est un enjeu social essentiel : il fallait la maintenir.
Les mesures strictes ne font plaisir à personne mais sont un mal nécessaire. Le non-brassage des élèves du primaire peut être assuré sans que les repas durent quatre heures, chaque cas étant particulier. Il s'agit ici d'étaler l'arrivée des enfants, là d'utiliser un autre local. Chaque inspecteur de l'Éducation nationale travaille avec chaque collectivité territoriale pour adapter les mesures, dans un esprit constructif. Peu de pays réussissent à maintenir leurs écoles ouvertes. Soyons fiers de l'Éducation nationale et des collectivités territoriales qui y parviennent, en maintenant le service de la cantine au bénéfice de nos enfants, qui est pour certains d'entre eux le seul moment de la journée où ils mangent équilibré.
M. Claude Kern. - Merci, mais les collectivités territoriales arrivent à leurs limites ; sans révision de ce protocole, la restauration scolaire risque de fermer, malheureusement, et à l'encontre de la volonté des acteurs de la maintenir.
Secteur viticole et sanctions commerciales américaines (II)
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quelles seront les conséquences des sanctions américaines sur la filière viticole ?
En octobre 2019, une taxe de 25 % est imposée aux produits viticoles européens dans le cadre du contentieux Airbus, qui lui est totalement étranger. En octobre 2020, 4 milliards d'euros de sanctions sont pratiquées par l'Union européenne aux produits américains dans le cadre du contentieux Boeing. En décembre 2020, de nouvelles sanctions américaines sont étendues aux vins et spiritueux.
Quand mettrez-vous fin à cette mauvaise série consternante ? Nous vous avions alerté sur le risque d'accélération des crispations américaines que provoqueraient les taxes européennes.
Engagez des discussions avec vos homologues de la nouvelle administration Biden pour mettre fin à cette taxe dévastatrice pour la viticulture française !
Comment accompagnerez-vous la filière ? La coupe est pleine, monsieur le ministre ! Ne répétez pas que l'Europe nous aidera, vous l'avez déjà beaucoup dit...
La France compte trois fleurons : l'aéronautique, le luxe et les vins et spiritueux. Faites en sorte que les vins et spiritueux restent dans ce trio, indispensable à notre balance commerciale et à l'emploi dans nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Toute la filière viti-vinicole est victime des décisions unilatérales américaines prises par l'administration Trump, avec ce qu'elles avaient d'incertain et parfois d'incohérent.
Nous devons avancer avec l'administration Biden, toujours sans naïveté, pour engager une véritable désescalade.
Le Gouvernement doit aider la filière viti-vinicole et notamment la belle filière du cognac, que vous connaissez si bien ; il le fait avec les nouvelles aides au stockage, les exonérations de charges, le fonds de solidarité, les aides à la compétitivité.... Nous nous y employons. Nous sommes sur tous les fronts. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Daniel Laurent. - Les aides sont indispensables pour les producteurs et les négociants doivent conserver leurs marchés ; il faut obtenir la suppression de ces taxes.
Plus que des promesses non tenues, nous attendons des actes et du courage politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Stratégie vaccinale (III)
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alors que certains doutaient de la volonté de nos concitoyens de se faire vacciner, ils sont chaque jour plus nombreux à le souhaiter.
Toutefois, après trois semaines de campagne, à peine 600 000 personnes sont vaccinées et seulement 800 centres de vaccination sont ouverts. Après les masques et les tests, est-ce un raté de plus dans cette crise sanitaire qui n'en finit pas ?
Les élus locaux sont, une fois de plus, en première ligne, en particulier dans les territoires ruraux. Quelque 2 000 collectivités territoriales attendent encore une validation administrative pour ouvrir un centre de vaccination.
Dans la Haute-Vienne, malgré la mobilisation du conseil départemental et des communes, il n'y a que sept centres de vaccination. La démarche pour obtenir un rendez-vous, véritable parcours du combattant, aboutit rarement. N'y a-t-il pas assez de vaccins, compte tenu de la nécessité d'une deuxième injection ? Nous sommes loin du compte ! Allez-vous accélérer ? Nous attendons non pas des paroles, mais des mesures concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Le Gouvernement l'a dit dès le départ en présentant sa stratégie vaccinale : le rythme de vaccination a été recommandé par la Haute Autorité de santé en fonction de la vulnérabilité des populations ; soit d'abord les résidents d'Ehpad, puis les plus de 75 ans et les plus fragiles.
La campagne dépend évidemment du nombre de doses disponibles par territoire, commune ou centre de vaccination. C'est sur cette base, et sans aucune polémique, que l'état du nombre de doses disponibles par territoire a été communiqué aux autorités locales.
Actuellement, 56 % de nos concitoyens veulent se faire vacciner, soit 14 % de plus qu'en décembre. La vaccination est effectivement victime de son succès : aujourd'hui, 585 000 personnes ont été vaccinées, dont 100 000 pour la seule journée d'hier.
Oui, il est compliqué de prendre un rendez-vous, ma propre mère octogénaire a dû se faire aider par son fils. (Murmures ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains) Mais depuis quelques jours, les choses se mettent en ordre.
L'intensité de la vaccination augmente et les six millions de nos concitoyens de plus de 75 ans ou vulnérables seront vaccinés d'ici juin, comme nous l'avions annoncé.
Mme Isabelle Briquet. - Il y a donc bien un gros souci, vous le reconnaissez. Quand travaillerez-vous vraiment avec les élus locaux ? Ils sont prêts à prendre toute leur part mais ne peuvent pallier toutes les carences de l'État central. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Insécurité à Nîmes
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'Intérieur, j'associe à ma question Vivette Lopez et je réaffirme mon soutien au maire de Lasalle, Henri de Latour, agressé sur le marché de sa commune par un individu qui refusait le port du masque.
Tous les piliers de la République sont attaqués. Vendredi dernier, un directeur et une institutrice d'une école nîmoise étaient agressées par un parent d'élève. L'agresseur leur a promis un sort pire que celui de Samuel Paty ! Le 4 décembre, deux hommes, fuyant la police, se sont introduits dans la cour d'une école élémentaire. Le 15 juin, après la mort d'un homme à proximité de cette même école, on a dû délocaliser l'école pour la fin de l'année... Nous reculons ! C'est ce que neuf responsables d'établissements écrivent dans une lettre ouverte au Président de la République.
Règlements de comptes en plein jour, occupations de bâtiments scolaires, menaces sont devenus le quotidien dans ce quartier du chemin bas d'Avignon. Vous devez protéger ce sanctuaire de la République qu'est l'école.
Monsieur le ministre, nous attendons toujours l'affectation de treize policiers supplémentaires annoncée le 23 septembre.
Comment protéger les écoles ? Quelle est donc la stratégie, au-delà des coups de communication épisodiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - (Exclamations à droite) Le Gouvernement s'associe à votre message de soutien à ce maire comme à tous les élus qui subissent quotidiennement des agressions et ces mises en cause.
Pour les protéger, le Gouvernement prend des dispositions. En témoignent les débats actuels de la commission spéciale sur le projet de loi confortant les principes de la République, qui travaille avec le ministre sur ces questions.
Depuis 2018, sur le terrain, la police de sécurité du quotidien se déploie dans 55 quartiers de reconquête républicaine, qui seront 60 à la fin du quinquennat. Et 10 000 postes de policiers et gendarmes seront créés d'ici 2022. Nous nous engageons aussi avec des recrutements supplémentaires et les moyens de France Relance : un quart du parc automobile des forces de sécurité sera renouvelé.
La mission « Sécurités » a vu ses crédits augmenter dans la loi de finances 2021, avec l'accord du Sénat.
Dans le Gard, une unité de dix fonctionnaires dédiée à la lutte contre le narcotrafic et l'économie souterraine a été mise en place en octobre. Plus de 350 opérations ont été menées en 2020.
Le quartier du Chemin bas d'Avignon a reçu le renfort de 60 membres des compagnies républicains de sécurité, avec une relève demain jusqu'au 24 janvier au moins.
Tout le Gouvernement est mobilisé pour la sécurité des Français, en y mettant des moyens concrets. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Patriat. - Très bien !
Situation des étudiants
Mme Kristina Pluchet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre de l'Enseignement supérieur, depuis plus de dix mois, les étudiants sont isolés par l'enseignement à distance et plongés dans une immense détresse psychologique qui peut conduire aux drames de ces derniers jours.
Décrochage, paupérisation, abandons de cursus... Certains n'ont même pas d'accès numérique suffisant pour suivre leurs cours. Faisons-leur confiance ! Les jeunes sont prêts aux efforts nécessaires pour aller en cours, les élèves de BTS, du secondaire, des prépas ont pu reprendre les cours, pas les étudiants. C'est une injustice mal vécue.
Le présentiel en demi-groupe, prévu à partir du 25 janvier pour les étudiants de première année, doit être généralisé à tous.
Vos annonces de jeudi dernier sont inappropriées, madame la ministre. Les étudiants n'ont pas besoin seulement de psychologues ; ils ont surtout besoin de retourner en cours !
De nombreux présidents d'université sont prêts à les accueillir en petits groupes. Écoutez-les et ouvrez les yeux sur la vie difficile de ces jeunes ; mettez un terme à leur isolement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean Castex, Premier ministre . - (Exclamations et marques d'appréciation sur les travées du groupe Les Républicains) Ce sujet grave mobilise le Gouvernement dans son ensemble.
Si nous en sommes là, si vous me réclamez la réouverture des universités, comme vous le faites pour les commerces et les lieux culturels, c'est, rappelons-le, qu'il y a un virus qui circule et une crise sanitaire. (Vives exclamations à droite, ainsi que sur les travées du groupe SER, où l'on feint la surprise.) Hé oui ! Le virus est la cause de toutes les difficultés actuelles. (Mêmes mouvements)
Hier, on comptait 70 686 morts, plus de 2 800 personnes en réanimation. L'incidence moyenne sur 7 jours est de 19 000 cas.
Dans tous les pays voisins, l'enseignement se fait aussi en distanciel à l'université ; je vous invite à avoir une vision raisonnable et raisonnée.
Oui, il y a des conséquences dramatiques à la circulation de ce virus. Mais on ne peut pas satisfaire à toutes les demandes.
M. Pierre Ouzoulias. - Et les transports ? Et les commerces ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - La France a fait le choix, avec l'accord du Sénat, de tenir le plus possible sur l'ouverture des écoles, collèges et lycées. Malheureusement, la situation sanitaire ne permet pas de le faire pour l'enseignement supérieur. (On le déplore sur diverses travées.)
Après concertation avec l'Université, nous avons relâché autant que la situation sanitaire le permet l'accès en présentiel des étudiants. (Mme Kristina Pluchet proteste.) Mais je ne saurais dire de manière péremptoire qu'il faut aller au-delà ! Les autres pays ne le font pas ; cela doit nous inciter à la modestie ! (Quelques murmures à droite)
Nous devons naturellement accompagner ces situations difficiles. Nous le faisons au niveau pécuniaire, sur le terrain de l'emploi et au niveau psychologique. Si nécessaire, cet accompagnement sera renforcé.
De nouvelles évolutions virales nous conduisent à la plus grande prudence, dans l'intérêt des étudiants et de la population.
Fin octobre, à la veille du reconfinement, nous en étions à 50 000 contaminations par jour. Que n'ai-je entendu lorsque j'ai décidé la fermeture des commerces ! Mais un mois après, il n'y en avait plus que 15 000. Depuis, la circulation du virus augmente légèrement.
Nous devons calmement expliquer aux étudiants pourquoi il nous faut prendre des mesures difficiles. (M. Laurent Duplomb proteste.) Nous invectiver ici ne changera rien à leur situation. Nous agissons et allons continuer à agir, mais nous devons le faire de manière responsable et raisonnable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
Stratégie vaccinale (IV)
M. Jean Louis Masson . - Les grands hôpitaux publics ont le statut de centres hospitaliers universitaires (CHU). Mais il y a deux centres hospitaliers régionaux (CHR) - statut plus restrictif - à Orléans et Metz-Thionville. Or, l'ARS du Grand Est privilégie systématiquement les CHU, notamment pour la dotation en vaccins.
Pourtant l'épidémie était beaucoup plus aiguë en Moselle que dans les départements voisins. Or, on a orienté des personnes âgées vers le CHU du département voisin, bien que la Moselle soit de très loin le département le plus peuplé de l'ancienne région Lorraine. Les Mosellans doivent être soignés dans de bonnes conditions, sans supporter les conséquences des discriminations dont le CHR de Metz-Thionville est l'objet.
Le maintien dans le statut hybride de CHR n'a pas de sens. Il faut fusionner les statuts des CHR et CHU et fournir aux CHR - en stricte égalité avec les CHU - les moyens dont ils ont besoin : équipements de pointe, personnel et investissements.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Je ne maîtrise pas suffisamment le sujet des CHU et CHR pour vous répondre sur le champ sur ce point précis. Je vous propose de nous en entretenir ensuite, après la séance. J'imagine que la réflexion sur ces statuts entre dans le cadre de celle que nous avons lancée sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT).
Je tiens à vous rassurer : notre stratégie de vaccination se déploie sans discrimination mais se fonde sur des critères démographiques, notamment celle des personnes prioritaires : résidents d'Ehpad, soignants, plus de 75 ans, personnes touchées par des pathologies lourdes.
Quand les doses arrivent, ARS, préfet, département et communes sont tenus au courant de leur nombre et de leur répartition.
Il y a aujourd'hui 800 centres de vaccination et 350 devraient ouvrir dans les prochaines semaines.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Pourquoi donc en avez-vous fermés ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je veux donc vous rassurer sur l'absence évidente de discrimination dans l'élaboration et le déploiement de la stratégie vaccinale. (Mme Agnès Canayer s'exclame.) Sur le CHR, je vous propose de nous revoir hors de cet hémicycle.
M. le président. - Prochaine séance de questions d'actualité au Gouvernement, mercredi 27 janvier 2021 à 15 heures.
La séance est suspendue à 16 h 25.
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 16 h 45.
Conférence des présidents
Mme le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observations d'ici la fin de la séance de ce matin.
Renforcer le droit à l'avortement
Mme le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l'avortement.
Discussion générale
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Le thème sensible qu'aborde cette proposition de loi mobilise des convictions aussi ancrées que diverses. Grâce à la mobilisation des militants et de Simone Veil contre l'hypocrisie et l'emprise sur le corps des femmes, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est devenue un droit, et les avortements clandestins ont heureusement disparu. Qu'il me soit permis de rendre hommage à toutes celles et ceux grâce à qui les femmes exercent ce droit aujourd'hui.
Cet héritage appartient à l'histoire, mais doit être aussi conjugué au présent. Des reculs sont observés, y compris en Europe, à nos portes. La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale a produit un rapport très complet sur le sujet.
Tout a été fait pour maintenir le droit à l'IVG effectif. Cela a été le cas pendant la crise sanitaire, même si celle-ci n'a pas été sans conséquence sur l'exercice de ce droit. Le ministère des Solidarités et de la Santé s'est pleinement mobilisé pour assurer un accès dans les délais. Le délai, pour une IVG en ville, a été porté à neuf semaines d'aménorrhée. La téléconsultation a montré toute son efficacité et la possibilité de se procurer la pilule abortive en pharmacie a été facilitée.
Cette proposition de loi allonge le délai légal de recours à l'IVG. De nombreuses raisons, parfois liées à l'organisation des services ou à l'utilisation sélective de la clause de conscience, parfois liées à l'âge, la vulnérabilité ou une situation de couple compliquée, expliquent le retard de certaines femmes dans leurs démarches. Allonger le délai rendra le droit à l'IVG plus effectif. Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a donné un avis favorable. L'offre de l'IVG doit parallèlement être développée et les professionnels formés pour mieux orienter les femmes.
D'après une enquête de 2019, la clause de conscience spécifique ne pose pas de difficultés ; sa suppression par la proposition de loi aurait donc surtout une portée symbolique.
Avant d'ouvrir la compétence en orthogénie à toutes les sages-femmes, comme le propose le texte, il faut les former et définir à quelles femmes cela pourrait s'adresser. Une expérimentation a été lancée par l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale.
J'ai suivi les débats en commission et j'ai compris qu'avec la question préalable, nous ne pourrions pas discuter des articles.
Sur cette question, il faut avancer sereinement dans le respect des convictions de chacun. Si le cheminement est interrompu aujourd'hui, il continuera cependant.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Quelque 46 ans après l'adoption de la loi Veil - qu'il faudrait sans doute appeler plutôt la loi Veil-Halimi pour rendre hommage au rôle fondamental de Gisèle Halimi - l'IVG est un droit fondamental dont l'effectivité n'est toujours pas garantie.
Dans une dizaine de départements, l'offre de soins est si faible qu'un tiers des avortements n'a pas pu être réalisé sur place ; dans six régions métropolitaines sur treize, la situation est très tendue. De fait, depuis quinze ans, le nombre d'établissements qui pratiquent l'IVG a reculé de 22 %. À chaque fois que l'on ferme une maternité, on ferme un centre d'IVG.
La proposition de loi ne peut suffire ; il faut également faire de l'IVG - et plus généralement de la santé sexuelle et reproductive - une priorité de santé publique.
L'Argentine a enfin dépénalisé l'IVG en décembre dernier, mais elle a accompagné cette avancée d'une politique plus large dans ce domaine.
Ce n'est pas la première fois que nous vous proposons d'allonger de deux semaines le délai légal et de supprimer la clause de conscience.
Mais le Gouvernement et la majorité sénatoriale s'y étaient opposés, au motif que le véhicule législatif ne convenait pas. Avec cette proposition de loi, les conditions sont réunies. Le travail mené par Albane Gaillot à l'Assemblée nationale a été mené en profondeur et nous bénéficions de l'éclairage du CCNE.
L'article premier porte le délai légal à quatorze semaines. Je signale à quelques collègues qui ont salué la nouvelle législation en Argentine qu'elle prévoit ce même délai. Certains objectent que seules 10 % des IVG sont pratiquées entre la dixième et la douzième semaine : tant mieux ! Mais ce chiffre ne dit rien de toutes les femmes qui n'ont pas pu obtenir un rendez-vous à temps, en raison de cycles irréguliers ou d'absence de signes cliniques de grossesse.
Rappelons que trois IVG sur quatre concernent des femmes sous contraception. Il peut aussi y avoir des changements de situation matérielle ou affective. Parfois les rendez-vous proposés interviennent trop tardivement. Les IVG peuvent ne pas représenter une priorité absolue ou les médecins, l'été, peuvent être en vacances et les services désorganisés.
Quelle issue après douze semaines ? Au moins deux mille femmes avortent à leurs propres frais à l'étranger, selon le CCNE, un peu plus selon les associations ; cela est source d'inégalités puisqu'elles prennent l'opération à leurs frais. Quelle hypocrisie de devoir compter sur nos voisins ! Autre solution, elles demandent une interruption médicale de grossesse (IMG), procédure contraignante qui prive la femme de son autonomie puisque la décision est soumise à l'accord préalable d'un collège de médecins. Mais combien d'entre elles ont-elles dû poursuivre une grossesse non désirée ?
Le CCNE ne s'oppose pas à l'allongement du délai légal. La clause de conscience spécifique à l'IVG a été créée en 1975 pour offrir un compromis à ses opposants. Cela culpabilise inutilement les femmes, alors que la clause de conscience générale permet déjà aux soignants de refuser de pratiquer l'IVG.
Nous avons d'ailleurs supprimé cette clause spécifique pour les IMG dans la loi de bioéthique.
Le texte prévoit également l'extension aux sages-femmes de la compétence pour pratiquer des IVG instrumentales, or la loi de financement de la sécurité sociale satisfait en partie ce point - en grande partie grâce aux auteurs de la proposition.
Celle-ci n'apporte que des réponses partielles. La santé sexuelle et reproductive demeure l'angle mort de nos politiques sanitaires.
Le maillage territorial est le principal obstacle à l'accès à l'IVG et au respect du choix des femmes à choisir leur technique. Il faut également renforcer l'éducation à la vie sexuelle et affective dans les collèges et les écoles.
Pour rendre le droit à l'IVG effectif, il faut un pilotage national proactif de notre offre d'IVG. Je compte sur vous, monsieur le ministre.
Inspirons-nous de l'Institut national du cancer (INCA) et créons un institut national de la santé sexuelle et reproductive.
La commission des affaires sociales a rejeté le texte ; je vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
Mme Florence Lassarade . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dès 1974, Simone Veil rappelait que l'avortement de convenance n'existe pas. L'IVG découle du droit des femmes à disposer de leur corps, dans de bonnes conditions de santé et de sécurité. Elle estimait que l'IVG ne pouvait être que précoce, compte tenu des risques physiques et psychiques pour la femme.
Le foetus n'est pas une personne, mais pas non plus un objet : l'IVG n'est pas un acte médical comme les autres. C'est aussi l'avis du CCNE.
En France, 232 244 IVG ont été réalisées en 2019, soit une grossesse sur quatre interrompue volontairement. La moitié a eu lieu dans les six premières semaines, et seulement 5,3 % dans les deux dernières. Pourtant, entre 1 500 et 2 000 femmes, étant hors délai légal, seraient obligées de se faire avorter à l'étranger selon le CCNE. C'est deux fois moins que le chiffre rapporté dans l'exposé des motifs de la proposition de loi.
Pourquoi limiter à douze semaines ? Parce qu'à quatorze semaines, l'embryon est devenu un foetus ; il mesure dix centimètres, ses organes sont formés et il se meut. On a 99 % de chances de déterminer son sexe. Selon le professeur Nisand, la tête est ossifiée et on doit, geste terrible, écraser son crâne. L'IVG est beaucoup plus complexe alors et le protocole doit être révisé pour limiter les risques pour les femmes.
L'IVG est une urgence médicale et devrait être traitée comme telle. Or le nombre d'établissements pratiquant l'IVG a chuté de 22 % : ils sont victimes des réorganisations hospitalières.
Ne devrions-nous pas porter nos efforts sur le développement de l'offre plutôt que sur l'allongement du délai ?
La proposition de loi supprime aussi le délai de deux jours de réflexion après l'entretien psychosocial. Rappelons que ce dernier n'a lieu que si la femme l'accepte. Elle doit pouvoir réfléchir si elle le souhaite.
La double clause de conscience est spécifique à l'IVG, parce qu'il ne s'agit pas d'un acte médical anodin. Elle n'empêche nullement le recours à l'avortement.
L'allongement du délai légal à quatorze semaines risque enfin d'inciter certains soignants à ne plus pratiquer l'IVG.
Le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition de loi qui n'améliore pas l'accès à l'IVG. Aujourd'hui, l'enjeu est le développement de notre politique de santé sexuelle et de l'offre d'IVG afin d'assurer une prise en charge précoce. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Voici 46 ans, la loi Veil dépénalisait l'IVG, mais rien n'est jamais acquis : il faut rester vigilant.
La proposition de loi porte le délai légal à quatorze semaines, autorise les sages-femmes à pratiquer des IVG chirurgicales et étend le recours au tiers payant.
Ces deux dernières dispositions seront satisfaites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Je comprends la volonté des auteurs de faire face au problème du départ à l'étranger de milliers de femmes chaque année pour une IVG, mais je suis opposée à l'allongement du délai légal à quatorze semaines : ce sera une fuite en avant. Le Royaume-Uni a fixé le délai à vingt-quatre semaines ; la France sera toujours en deçà. Déjà, de nombreux médecins refusent de pratiquer une IVG après dix semaines. Si nous passons à quatorze semaines, ils seront encore plus nombreux.
Le vrai problème est l'augmentation des délais : l'IVG est marginalisée dans les hôpitaux publics, souvent pratiquée par des vacataires. Il faudrait assurer l'accès à l'IVG dans les cinq jours après la première consultation.
La loi Veil est bien faite : veillons à sa bonne application.
N'oublions pas la détresse des femmes. Les centres sociaux ont un rôle d'information et de soutien.
Les carences de prévention expliquent l'absence de diminution du nombre d'IVG. Le nombre d'IVG, de 230 000 en 2019, soit une grossesse sur quatre, reste bien trop élevé, c'est particulièrement alarmant chez les mineures. Le CESE s'alarme. Un établissement scolaire sur quatre ne prévoit pas d'éducation à la sexualité.
Nous saluons l'extension du délai pour l'IVG médicamenteuse. Il faut renforcer les moyens d'accès à l'IVG, la prévention et l'accompagnement des personnes pour réaliser l'IVG avant la douzième semaine.
Le groupe Les Indépendants votera contre l'allongement de douze à quatorze semaines mais, étant opposé au refus de débattre, il votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier applaudissent également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi, tout le monde en convient, ne cherche pas à rouvrir le débat sur l'IVG en France, mais à améliorer l'effectivité de ce droit. Or les obstacles se multiplient ; le rapport d'information de l'Assemblée nationale montre bien que ce droit n'est pas toujours garanti, beaucoup dépend de la situation socio-économique et territoriale des femmes.
Le GEST votera pour la proposition de loi et contre la motion tendant à opposer la question préalable, qui conduit au statu quo : offre de soin en orthogénie dégradée, concentrée territorialement, faiblesse de la prévention, absence de campagnes d'éducation. Mais peut-on s'abriter derrière ces problèmes pour s'interdire des avancées ?
Pour remédier à ces manques, j'invite mes collègues à amender la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.
Les IVG doivent être pratiquées le plus tôt possible mais il demeurera toujours des diagnostics tardifs ou des situations particulières. Le CCNE l'a dit, il n'y a aucune objection médicale ni éthique à l'allongement du délai. La contrainte de départ à l'étranger après la douzième semaine renforce les inégalités, auxquelles il faut mettre fin.
Il n'y a pas de nécessité juridique à la clause de conscience spécifique. Objectivement, la clause de conscience générale assure le même droit individuel à chaque professionnel de ne pas pratiquer l'IVG.
En insistant sur le caractère spécifique de l'IVG, ce n'est pas un droit individuel que l'on garantit, c'est un stigmate qu'on pose.
Dans certains pays les acquis - ou plutôt les conquis - des femmes sont menacés. Dans d'autres, comme l'Argentine, ils avancent. Pour le poète, « rien n'est jamais acquis à l'homme » ; mais que dire de la femme ? Refusons le statu quo qui ouvre la voie aux remises en cause et adoptons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Xavier Iacovelli . - Dépénalisé et légalisé il y a plus de 45 ans, l'IVG est attaquée partout dans le monde. Elle reste fragile et nous devons la protéger. « Aucune femme ne recourt à l'IVG de gaieté de coeur, il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame », disait Simone Veil à la tribune de l'Assemblée nationale le 26 novembre 1974.
En 2019, 232 244 IVG ont eu lieu sur notre territoire. Chaque année, entre mille et deux mille femmes ont avorté à l'étranger car elles étaient hors délai.
Seulement 5 % des IVG sont pratiquées entre dix et douze semaines, mais ce chiffre est de 16,7 % à Mayotte, signe de fortes disparités territoriales. Les IVG tardives sont aussi plus nombreuses chez les jeunes : elles représentent 10,5 % pour les mineures, 8,5 % pour les 18-20 ans et 6,6 % chez les 20-24 ans.
Plusieurs voisins européens ont des délais plus longs que les nôtres : quatorze semaines en Espagne, dix-huit en Suède, vingt-deux aux Pays-Bas et même vingt-quatre semaines au Royaume-Uni.
Il faut entendre le cri d'alerte des professionnels. Le 11 décembre, le CCNE s'est fondé sur plusieurs principes pour énoncer qu'il n'y avait pas d'objections éthiques à passer à quatorze semaines. La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale est du même avis.
Étendre les compétences des sages-femmes pour pratiquer les IVG instrumentales jusqu'à dix semaines serait une avancée notoire. Il faut faire face aux nombreuses disparités - je pense notamment à l'outre-mer. La suppression du délai de réflexion permettra de fluidifier le processus. Cette disposition est soutenue par les professionnels.
Sanctionner un pharmacien qui refuse la contraception d'urgence va dans le bon sens.
La clause de conscience générale qui existe dans notre droit suffit largement. La clause de conséquence spécifique fait de l'IVG un acte à part, renforçant la stigmatisation.
Chaque année, mille jeunes femmes de 12 à 14 ans sont enceintes.
L'entrée en vigueur le 28 août 2020 du remboursement à 100 % de la contraception est une bonne nouvelle. Grâce à la gratuité de la contraception, le taux d'IVG pour les mineures de 15 à 18 ans a baissé de 9,5 à 6 % de 2012 à 2008.
Le groupe RDPI laissera ses membres libres de voter en leur âme et conscience sur ce texte qui pose un débat crucial, avec des pistes intéressantes.
Nous regrettons que la commission n'ait pas souhaité un débat sur le fond de la question. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
M. Stéphane Artano . - Les rédacteurs du code civil avaient écrit : « La femme est donnée à l'homme pour faire des enfants ; elle est sa propriété comme l'arbre à fruits est celle du jardinier. » (Rires) Depuis, la législation a fort heureusement évolué...
Mais après quarante-cinq ans, le droit à l'avortement est loin d'être acquis. Discours culpabilisants, difficultés à trouver un praticien... Déjà en 2015, un rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat soulignait que 130 établissements pratiquant l'avortement avaient fermé en dix ans, alors que la demande restait stable.
Les positions sont partagées au sein du RDSE. Certains estiment que cette proposition de loi est une mauvaise réponse à un vrai problème. Le collège national des gynécologues et obstétriciens français s'oppose à l'allongement du délai au profit d'une prise en charge plus rapide. Des médecins soulignent les risques d'une IVG au-delà de quatorze semaines pour la santé et estiment que les professionnels de santé seront moins nombreux à vouloir la pratiquer, ce qui provoquerait une augmentation des délais.
On s'interroge, au-delà des considérations éthiques : l'augmentation du délai légal doit-elle pallier les défaillances de notre système de santé ?
Laurence Rossignol appelle de ses voeux un pilotage national de l'IVG et un institut national de la santé sexuelle et reproductive dans son rapport. J'y souscris pleinement.
Nous devons promouvoir l'accès à la contraception et la sensibilisation dès le plus jeune âge.
Plus que jamais le groupe RDSE regrette la motion. Nous avions déploré que ces questions aient été examinées en catimini ; on ne peut que se réjouir que le groupe SER ait inscrit ce texte dans son temps réservé pour que nous en débattions. Monsieur le ministre, vous avez saisi le CCNE, nous avons pris connaissance de l'avis de l'ordre des médecins, du collège des gynécologues, de l'ordre des sages-femmes, du Planning familial... Toutes les conditions étaient réunies pour débattre. On ne peut balayer ce texte d'un revers de main.
Le RDSE votera unanimement contre la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Laurence Cohen . - Je remercie Laurence Rossignol d'avoir repris le travail transpartisan de l'Assemblée nationale. Nous défendons depuis longtemps les mesures que celle-ci a votées le 8 octobre dernier.
Le groupe CRCE a déposé en 2017 une proposition de loi pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution et en 2019 un nouveau texte pour allonger les délais légaux. Nous avons déposé des amendements supprimant la double clause de conscience. Nous soutenons cette proposition de loi : pour les femmes, maîtriser leur fécondité est une condition de leur émancipation.
Conscient de leurs difficultés pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a momentanément allongé le délai légal de douze à quatorze semaines. Il suffit de le pérenniser, comme le CCNE l'a approuvé. Cela répondra à la situation des cinq mille femmes hors délai qui doivent se rendre à l'étranger. L'avortement ne se fait jamais de gaieté de coeur. Dois-je rappeler que près de trois femmes sur quatre recourant à l'IVG sont sous contraception ?
La fermeture de 8 % des établissements réalisant des IVG, soit 130 sites, a fragilisé l'accès à l'IVG. Quand il y a des reculs comme en Pologne, il est indispensable de rendre le droit à l'IVG effectif. Le rassemblement de catholiques traditionalistes anti-IVG au Trocadéro dimanche dernier - heureusement ultra-minoritaire - en rappelle la nécessité. La motion de la droite sénatoriale leur fait écho. (M. Philippe Mouiller le conteste.)
Je rends hommage aux combattantes de ce droit, aux 343 signataires du manifeste, à l'engagement de Simone Veil, à l'opiniâtreté de Gisèle Halimi.
Rappelons les différentes dates : remboursement de l'IVG par la sécurité sociale en 1982, allongement du délai de dix à douze semaines en 2001, suppression du délai de réflexion et prise en charge à 100 % des frais en 2016, extension en 2017 du délit d'entrave à l'IVG pour viser les sites de désinformation.
Le Sénat aurait pu s'enorgueillir de voter cette proposition de loi à l'unanimité.
En 2021, il est temps d'arrêter d'être frileux sur les droits des femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur les travées du GEST)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce débat renvoie à des histoires singulières, parfois familiales, souvent douloureuses, et à l'histoire universelle des droits des femmes. La loi du 17 janvier 1975 soutenue par Simone Veil dépénalisait l'avortement avant la dixième semaine de grossesse. Cette loi était aussi un compromis, réaffirmant le respect de la vie à l'article premier, concédant une clause de conscience et conditionnant l'IVG à une situation de détresse.
Le délai légal de recours à l'avortement a été allongé à douze semaines en 2001. Le droit à l'IVG est régulièrement soumis au débat pour le réduire ou l'étendre.
Rappelons les mots de Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis ; vous devez rester vigilantes votre vie durant. »
À titre personnel, je suis favorable à l'allongement du délai légal à quatorze semaines, opposée à la suppression de la clause spécifique et pour la question préalable.
Concernant l'article premier, le CCNE n'a pas d'objection éthique, mais alerte sur le risque d'y voir un palliatif aux difficultés d'accès. Je partage cette analyse.
L'OMS a défini depuis 1977 le seuil de viabilité du foetus à vingt semaines ou 500 grammes. Cette proposition de loi ne remet pas en cause l'équilibre de 1975.
Les IVG tardives, entre la dixième et la douzième semaine, ne représentent que 5,3 % du total.
Voir plus de 2 000 femmes partir à l'étranger pour avoir accès à l'IVG n'est pas acceptable. Mais je doute que l'article premier suffise à régler le problème.
Si l'IVG est un droit essentiel, l'acte n'est jamais anodin. Simone Veil l'a dit avec pudeur, aucune femme n'y recourt de gaieté de coeur.
Un travail est probablement à mener auprès des professionnels de santé pour orienter chacune vers la meilleure contraception. Il faut aussi mieux informer les jeunes filles, mais aussi les garçons - la responsabilité de la contraception ne peut reposer sur les seules femmes. Le préservatif et la pilule ne sont pas les seules méthodes. Il faut aussi stopper l'érosion des moyens de l'orthogénie.
L'article 2 supprime la clause de conscience qui était l'un des éléments du compromis de 1975. Les arguments médicaux ou scientifiques ne s'opposent pas à l'accès à l'IVG mais le débat moral reste prégnant en France et l'IVG ne peut être considérée comme un acte médical ordinaire. Il faut conserver la clause de conscience spécifique.
L'article premier bis permet aux sages-femmes de pratiquer une IVG instrumentale jusqu'à la fin de la dixième semaine. L'article 70 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale lance une expérimentation de trois ans sur le même sujet ; donnons-lui du temps pour décider en conscience.
Le projet de loi Bioéthique aurait été un cadre plus approprié pour l'extension du délai légal. Bien que favorable à l'article premier, la remise en cause de la clause de conscience spécifique, la généralisation de l'IVG instrumentale par les sages-femmes alors qu'une expérimentation est en cours, et l'absence de mesures concernant la contraception m'incitent, comme la majorité de mon groupe, à voter la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Stéphane Ravier . - En 2019, notre pays a atteint le triste record de 232 200 avortements, soit 26 par heure, une grossesse sur quatre. Ce sont 232 200 femmes blessées dans leur chair et leur coeur.
L'avortement n'est jamais sans conséquence psychologique, d'autant qu'en 2010, 47 % des femmes qui avortaient le faisaient pour des raisons matérielles ; le chiffre a sans doute augmenté avec la crise et le rabotage de la politique familiale.
Comment a-t-on pu abandonner les femmes de France désireuses de maternité ? Comment ne pas voir la coïncidence entre le début de l'hiver démographique et le regroupement familial des étrangers ? (Exclamations indignées à gauche) À une salvatrice politique nataliste, vous avez préféré une suicidaire politique immigrationniste ! Résultat, la natalité est au plus bas depuis 1945.
La famille, c'est la petite patrie où se transmet la glorieuse Histoire, les traditions, le savoir être de la grande patrie française. Les enfants sont la preuve que les sacrifices d'hier n'ont pas été vains.
Plus de 87 % des Français voudraient avoir plusieurs enfants : le désir naturel d'enfant revient, malgré votre acharnement. Il faut s'en féliciter, et accompagner ce choix par une audacieuse politique en faveur des familles françaises.
Les Françaises qui veulent devenir mères doivent être rassurées sur leur avenir matériel. Cela suppose de rehausser le quotient familial, de défiscaliser la majoration des pensions de retraite des familles nombreuses, de rétablir l'universalité des allocations familiales, de développer l'offre de crèches, de garantir le retour à l'emploi des femmes...
Nous qui avons eu la chance de naître, sachons proposer aux femmes de notre pays un véritable choix, et déclarons à nouveau « Famille française, je vous aime ! ». (Rires et huées sur les travées du groupe SER)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je rappelle que trois quarts des femmes qui ont recours à l'IVG avaient fait le choix d'un moyen de contraception. L'IVG n'est jamais une facilité.
Chaque année, deux mille femmes se trouvent hors des délais légaux ; elles ont le choix entre l'IMG, la poursuite d'une grossesse non désirée ou un avortement à l'étranger, en Espagne, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. Comment nier leur détresse et leur dénier un droit fondamental ? Comment pouvons-nous remettre à nos voisins la protection de la santé de ces femmes ?
Il est de notre devoir de protéger la santé et la dignité de nos concitoyens. Une grossesse non désirée menée à son terme a des conséquences dramatiques, y compris pour les pères.
L'allongement à quatorze semaines ne pose pas de problème éthique ni de risque de complications médicales, c'est pourquoi le groupe SER votera ce texte.
Il est grand temps de supprimer la clause de conscience spécifique introduite dans la loi Veil à titre de compromis. La clause de conscience générale permet déjà à un praticien de refuser un acte médical. Cette clause spécifique conserve à l'IVG un statut à part, stigmatise et culpabilise les femmes ; il convient de la supprimer.
Au-delà de l'allongement de deux semaines, l'effectivité du droit à l'avortement repose avant tout sur la fluidité du parcours pour y accéder.
L'obligation pour les ARS de publier un répertoire des professionnels pratiquant l'IVG est bienvenue, mais il faut l'intégrer à une amélioration globale du parcours et de la politique de santé sexuelle et reproductive.
Il est intolérable que le recours à ce droit fondamental dépende du lieu d'habitation ou de la situation sociale. Entre 2007 et 2017, 70 centres pratiquant l'IVG ont fermé ; 37 départements de métropole comptent moins de cinq praticiens libéraux pratiquant l'IVG médicamenteuse ; c'est une restriction de fait. À cela s'ajoutent les inégalités de niveau de vie.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Émilienne Poumirol. - Le groupe soutient la position de la rapporteure en faveur d'une politique publique globale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
M. Pierre Charon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Toutes les femmes doivent décider si elles souhaitent devenir mère ou non. La loi Veil était indispensable. Ce droit doit être préservé et garanti à toutes, y compris en cette période de crise sanitaire.
Mais doit-on répondre à la crise sanitaire par un allongement des délais ? C'est un aveu d'échec de notre politique sanitaire. Le constat est accablant : 232 000 IVG en 2019, un taux de recours de 15,6 ? contre 10 ? en Espagne, 8 ? aux Pays-Bas, 5 ? en Italie et 4,4 ? en Allemagne. Et ce malgré la loi Santé de 2016 qui a fait évoluer l'offre de soins...
Ne serait-il pas souhaitable de mieux informer sur les délais légaux, de renforcer la prévention, de laisser le choix de la méthode ? Le conseil national de l'Ordre des sages-femmes préconise un droit opposable à l'accès à l'IVG dans les douze semaines, pour réduire les IVG tardives.
N'y a-t-il vraiment aucune différence entre douze et quatorze semaines ? Ces deux semaines marquent le passage de l'embryon au foetus. L'IVG devient plus difficile, techniquement mais aussi psychologiquement. C'est pourquoi l'Académie de médecine s'est prononcée contre l'allongement des délais.
Le conseil national de l'Ordre des médecins s'inquiète d'un affaiblissement du principe même de la clause de conscience avec la suppression de la clause spécifique, qui a contribué au juste équilibre trouvé par la loi Veil. Conservons cette double liberté aux praticiens.
L'Assemblée nationale a adopté en juillet un amendement à la loi Bioéthique autorisant l'interruption médicale de grossesse à tout moment pour « détresse psychosociale », ce qui a jeté le trouble dans l'opinion.
Qu'un avortement puisse avoir lieu jusqu'à neuf mois sur ce fondement porte atteinte à la dignité et au respect de l'être humain - et je vous fais grâce des techniques employées... Cet amendement, adopté contre l'avis du rapporteur, est inutile, dangereux et, j'ose le dire, honteux. (Réactions à gauche) Je souhaite que nous revenions dessus.
Nous assistons à une dérive. Cherchons ensemble les moyens de réduire le nombre d'IVG pratiqué en France.
Je voterai la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À ce stade de la discussion, je souhaite revenir sur certains arguments entendus. Ceux qui portent sur l'ontogenèse ne sont pas recevables ; le CCNE les a balayés, l'Académie nationale de médecine ne les reprend pas. Ce sont les arguments qu'ont toujours employés les opposants à l'IVG, dont la légitimité n'est pas en question ici.
Le CCNE a estimé qu'aucune considération éthique ne s'opposait à l'allongement du délai. Les fondements de notre bioéthique ont évolué avec le temps : il y a des valeurs ancestrales, comme la non-malfaisance, et d'autres plus récentes, comme l'autonomie ou le principe d'égalité, qui doivent aussi être intégrées dans la réflexion.
L'allongement du délai résoudra-t-il la question de l'accès à l'IVG ? En partie seulement, je le reconnais. Mais ce n'est pas le propos de ce texte. Il y a ceux qui votent des droits formels, et ceux qui s'attachent à faire appliquer des droits réels.
Pour que l'avortement devienne un droit pour toutes les femmes, il faut suivre les pistes ouvertes par ce texte, comme l'Institut de santé sexuelle et reproductive.
Je vous invite donc à poursuivre le débat dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme le président. - Motion n°1, présentée par Mme Imbert et les membres du groupe Les Républicains.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l'avortement (n°23, 2020-2021).
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi issue de l'Assemblée nationale allonge de douze à quatorze semaines le délai légal de l'IVG, supprime la clause de conscience spécifique, étend les compétences des sages-femmes en matière d'IVG et supprime le délai de réflexion de deux jours en cas d'entretien psychosocial préalable.
En 2019, 230 000 IVG ont été réalisées en France, et 1 500 à 2 000 femmes ont dû avorter à l'étranger. Mais 95 % ont pu le faire en France avant la dixième semaine.
Ne croyez pas que cette proposition de loi lèverait les difficultés que rencontrent certaines femmes. Le nombre de centres d'IVG s'est réduit depuis vingt ans. La question des moyens reste entière. Le nombre important d'IVG montre que c'est un droit fondamental, mais pose aussi la question de l'information des femmes.
Ce texte n'oppose pas pro et anti-avortement ; l'examen en commission a été apaisé, et personne ne remet en cause la loi Veil, à laquelle nous sommes tous très attachés.
L'article premier porte le délai légal d'IVG à quatorze semaines de grossesse, soit seize semaines d'aménorrhée, ce qui pose des questions médicales et éthiques.
Tout avortement présente un risque de complications pour la femme, y compris pour ses futures grossesses. Pour l'Académie de médecine, le risque augmente avec l'allongement du délai.
L'allongement ne répond pas à la demande des femmes, qui espèrent au contraire une prise en charge plus rapide. Y voir une réponse aux problèmes d'accès à l'IVG serait une erreur d'appréciation. La réponse passe par un renforcement de l'offre de soins sur le territoire, seule façon de régler le problème sur le temps long.
La difficulté d'accès aux soins n'est pas la seule cause des IVG hors-délai. Il faut renforcer la prévention en matière de contraception, dans le cadre scolaire notamment, mieux informer, apporter une réponse rapide, car l'IVG est une urgence.
Le droit à l'IVG est un acquis fondamental ; à nous de faire en sorte qu'il s'exerce pour toutes.
Deuxième mesure importante, la suppression de la clause de conscience spécifique, introduite par la loi Veil. Dans son avis du 11 décembre, le CCNE rappelle que l'IVG n'est pas un acte médical ordinaire et que cette clause, inscrite à l'article L. 22-12-8 du code de la santé publique, devait être maintenue.
Acceptons que le compromis trouvé en 1975 soit préservé en 2021.
L'article premier bis étend aux sages-femmes la possibilité de pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu'à la dixième semaine. La loi de financement de la sécurité sociale a prévu une expérimentation pour trois ans, ce qui paraît plus adapté.
Enfin, le délai de réflexion de deux jours en cas d'entretien psychosocial doit être maintenu car, Simone Veil le rappelait, l'avortement n'est jamais anodin : c'est toujours un drame.
Écouter les femmes, les accompagner, voilà un défi autrement plus ambitieux qu'un allongement de deux semaines.
Le groupe Les Républicains entend rappeler par cette motion son attachement au droit existant. Le droit à l'avortement est par essence une exception, un ultime recours pour les femmes dans une situation sans issue.
Je vous invite à voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Michelle Meunier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Toutes et tous, nous sommes attachés à la défense du droit à l'avortement. Chacun l'a rappelé. C'est une avancée fondamentale de la société française de ces cinquante dernières années à laquelle 75 % des Français sont favorables. Nous voulons que ce droit soit effectif pour chaque femme.
Nous devons porter un regard neuf et lucide sur la pratique de l'IVG : dans quel délai les femmes sont-elles reçues en consultation, comment ? Quels sont les obstacles auxquels elles se heurtent encore ?
Mme Imbert a fait état de chiffres globalement acceptables. Mais nous ne saurions nous en satisfaire : les moyennes ne sont que des moyennes, elles masquent des inégalités criantes.
Le délai pour obtenir un rendez-vous avec un gynécologue est de trois à cinq jours à Nantes, mais de quatre semaines à Paris. C'est inacceptable !
L'expérimentation de l'IVG instrumentale par les sages-femmes a été votée dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, pour une période de trois ans. Permettons à ces professionnelles formées et volontaires d'offrir un véritable choix aux femmes tout en réduisant les inégalités d'accès à l'IVG.
Vous réfutez toute vision manichéenne. Soit. C'est pourquoi nous devons donner consistance à ce droit hérité du combat de nos mères et de nos soeurs, et de l'engagement politique de nos aînées, Simone Veil et Gisèle Halimi. Au lieu d'accepter le débat, vous fuyez la réalité, courant en vain après la frange la plus réactionnaire de votre électorat...
Débattons, discutons ! C'est notre rôle de parlementaires.
Le groupe SER votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - La commission a donné un avis favorable à la motion.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure . - On cite souvent la phrase de Simone Veil : « L'avortement est un drame ». Le premier drame, le drame séculaire de la condition féminine, est la grossesse non désirée, que les relations sexuelles soient consenties ou non.
Je me suis replongée dans les débats de 2010, lors du passage de dix à douze semaines. C'étaient les mêmes arguments, mot pour mot : menace d'eugénisme, risque médical... Rien de tout cela ne s'est produit. Cela ne se produira pas plus en portant le délai à quatorze semaines.
J'aurais préféré que l'on débatte, mais l'essentiel est que la navette se poursuive - ce que dit souhaiter le ministre - et que le texte aboutisse. J'espère qu'un groupe de l'Assemblée nationale l'inscrira à l'ordre du jour et que le Gouvernement convoquera une CMP.
Je suis à votre disposition pour défendre une politique de soutien à la santé sexuelle et reproductive, qui comprend la contraception, l'avortement et la fertilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . - Jean-Michel Blanquer, Élisabeth Moreno et moi-même avons missionné les inspections pour dresser un état des lieux de l'éducation à la sexualité, et notamment la sensibilisation aux violences sexuelles.
Le Gouvernement regrette que le débat ne se poursuive pas, mais laissera les parlementaires décider, en sagesse.
Mme Nadège Havet . - La discussion générale a eu lieu ; si la motion est votée, il n'y aura pas de débat. La question préalable permet de ne pas engager la discussion du texte du fait d'un motif d'opposition qui rendrait inutile toute délibération au fond. Or tous les sujets abordés par la proposition de loi méritent discussion. Laissons place au débat !
À l'Assemblée nationale, les débats ont été animés, dépassant les clivages traditionnels.
Le Parlement se plaint de ne pas être respecté par le Gouvernement, accusé de trop recourir aux ordonnances... Mais le Parlement se respecte-t-il lui-même, quand il refuse de débattre alors qu'entre mille et quatre mille femmes partent avorter à l'étranger ?
La question préalable porte atteinte au bicamérisme : seule l'Assemblée nationale se prononcera.
Le groupe RDPI votera contre cette motion, car il croit au bicamérisme et, malgré des avis divergents sur le fond, souhaite débattre du texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Philippe Mouiller. - Dites-le à votre président !
Mme Raymonde Poncet Monge . - Le GEST regrette le dépôt de cette motion. Alors que la commission des affaires sociales a débattu du texte article par article, le débat n'aura pas lieu en séance plénière.
Certaines questions cheminent dans la société, jusqu'à trouver un jour une réponse législative - je pense à l'AAH. Cela aurait pu être le cas pour la double clause de conscience, fruit d'un compromis vieux de plus de quarante ans.
Le recours à la question préalable est abusif. Vous prenez dix minutes pour critiquer, article par article, la proposition de loi, mais nous ne pouvons vous répondre ! Pourquoi refuser le débat ? Nous le regrettons.
Merci à Laurence Rossignol d'avoir inscrit cette proposition de loi dans la niche du groupe socialiste, ce qui permettra à la navette de se poursuivre et, espérons-le, d'aboutir à l'adoption du texte. Le Sénat s'est privé de son rôle. Le GEST votera contre la question préalable.
M. Daniel Chasseing . - Depuis 1975, le droit à l'IVG a connu de nombreuses étapes : remboursement en 1982, douze semaines en 2001, extension du délit d'entrave en 2017...
Cette proposition de loi énumère les carences de prise en charge de l'IVG : difficulté à trouver des informations, des interlocuteurs, des médecins pratiquant l'IVG. (Mme la rapporteure le confirme.)
À quatorze semaines, le foetus atteint 130 millimètres, l'IVG est plus compliquée : dilatation du col, complications hémorragiques... Beaucoup de praticiens refuseront de réaliser l'acte, pour des raisons éthiques ou médicales. Un tel allongement serait contre-productif.
Il faut améliorer l'information et la prévention, car l'IVG est l'échec de la contraception. Il faut aussi renforcer la prise en charge, l'offre de soins, l'accompagnement, conserver la clause de conscience spécifique et renforcer la politique familiale.
Le groupe INDEP est favorable à l'IVG jusqu'à douze semaines, mais défavorable à l'IVG à quatorze semaines.
Cependant, nous voulons poursuivre le débat et voterons contre la question préalable.
M. Alain Milon . - L'allongement proposé ferait passer le délai de quatorze à seize semaines d'aménorrhée. À l'échographie, la différence est sensible, cher Bernard Jomier !
Cette proposition de loi ne répond pas aux problèmes réels que rencontrent les femmes. Elle ne supprimera pas les disparités de l'offre de soins, n'accélérera pas l'obtention d'un premier rendez-vous, ne prévoit ni réorientation ni accompagnement quand la clause de conscience est invoquée ; elle n'offrira pas une meilleure information sur les techniques d'IVG, ne facilitera pas les IVG médicamenteuses ambulatoires précoces, ne renforcera pas les moyens des centres de santé et du Planning familial. Elle ne résout pas les difficultés des femmes allant avorter à l'étranger.
Avant de modifier la loi, assurons-nous que tout a été fait pour l'appliquer. Modifier la loi ne saurait en masquer les carences. Il faut s'attaquer aux racines du mal. Je voterai cette question préalable.
Mme Laurence Cohen . - Il est paradoxal d'énumérer les carences qui ne seront pas résolues par ce texte. Cela fait des années que nous dénonçons la casse du système de santé public, dans tous les domaines ! Allez-vous enfin voter un Ondam à la hauteur des enjeux, satisfaire les revendications des professionnels de santé, renforcer l'offre de soins sur tout le territoire ? Chiche ! Pourquoi être plus exigeant sur l'avortement que sur les autres lois ?
Oui, il faut augmenter les moyens, cesser de fermer les services et les centres d'IVG. Reconnaissons le savoir-faire des soignants en augmentant les salaires et permettons aux sages-femmes de réaliser des IVG instrumentales.
L'allongement de douze à quatorze semaines poserait un problème éthique, voire médical, dites-vous ? Ce délai atteint vingt-quatre semaines au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, sans que cela mette en danger la vie des femmes ! Ce texte aurait été un pas important dans le droit des femmes à maîtriser leur fécondité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)
À la demande du groupe Les Républicains, la motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°53 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est un scandale !
La séance est suspendue quelques instants.
Droits nouveaux dès 18 ans
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans, à la demande du groupe SER.
Discussion générale
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise sanitaire actuelle affecte particulièrement durement les jeunes, dont la situation financière, matérielle, psychologique et morale s'est fortement dégradée. Quelque 29 % des 18-25 ans seraient en dépression. Plusieurs drames se sont déroulés récemment. Un jeune s'est ainsi défenestré à Villeurbanne et les tentatives de suicide se multiplient. Les effets des confinements excessifs sont plus que préoccupants. Hélas, on ne compte qu'un psychologue pour 30 000 étudiants.
Dans le monde du travail, les jeunes occupent les postes les plus précaires et sont souvent les premiers à perdre leur emploi. Environ 30% des actifs de moins de 25 ans sont au chômage. Un jeune de moins de 25 ans sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit 1,5 million de personnes.
Or les jeunes sont exclus du système de solidarité nationale. J'ai récemment visité des centres d'aide alimentaire qui observent le rajeunissement de leur clientèle.
Certes, des aides d'urgence ont été débloquées, mais elles restent insuffisantes pour résoudre les problèmes structurels.
Parmi les cinq millions de pauvres en France, plus de la moitié a moins de 30 ans, soit une augmentation de près de 50 % depuis 2002.
Il faut réfléchir à ouvrir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans. Tel est le socle de cette proposition de loi pour constituer une réponse rapide face à l'urgence.
Aujourd'hui, il est possible de bénéficier du RSA et du RSA jeunes actifs, mais cela ne concerne que 1 500 jeunes. En effet, difficile de se prévaloir de deux ans d'emploi sur trois années consécutives quand on a de 18 à 25 ans.
Le Gouvernement précédent a créé la Garantie jeunes, excellent dispositif mais lourd et difficile à mettre en oeuvre rapidement. Fin 2017, 75 000 jeunes en bénéficiaient. L'objectif de 100 000 n'a pas été atteint fin 2020, ce qui laisse subsister quelques doutes sur la montée en charge du dispositif annoncé par Élisabeth Borne. En outre, les maisons de l'emploi s'interrogent sur leur capacité à recruter suffisamment de chargés de mission pour faire face à l'afflux des demandes.
Notre proposition semble donc plus directement utile pour soutenir les jeunes. Le RSA s'élève à un peu plus de 564 euros ; son versement aux 18-25 ans coûterait quelque 4,5 milliards d'euros par an.
Le plan de relance se concentre exclusivement sur l'offre. Les jeunes en sont d'ailleurs les grands oubliés. Les taxes sur le tabac, le prélèvement forfaitaire unique - autrement dit la flat tax - ou l'ISF sont des sources de financement possibles et facilement activables pour la mesure que nous proposons.
Cette proposition de loi constitue la première brique d'une démarche d'ensemble en faveur de la jeunesse. Les expérimentations des différents conseils départementaux sur le revenu de base offrent un cadre structurant.
Il faut s'inscrire dans une perspective universelle et structurelle et travailler sur les dispositifs d'insertion des jeunes et sur leurs financements, comme le demande la commission des affaires sociales. Les socialistes ont longuement travaillé sur le sujet.
Ce débat devra être mené à l'occasion des prochaines élections. Vous n'aimez pas le terme RSA jeunes : moi non plus ! Je préfère évoquer des droits nouveaux pour les moins de 25 ans, un minimum jeunesse, afin d'aligner la majorité sociale sur la majorité légale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
Mme Monique Lubin, rapporteure de la commission des affaires sociales . - La proposition de loi de notre collègue est une réponse concrète et immédiate à l'urgence sociale de la crise. La situation des jeunes s'est dégradée depuis les années 2000 ; désormais, près d'un jeune sur cinq se trouve en situation de pauvreté. En 2018, 14 % des Français étaient sous le seuil de pauvreté monétaire. C'était 19,7 % pour les 18-29 ans.
Il est trop tôt pour évaluer toutes les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire sur les jeunes, mais il est certain que le chômage les touchera davantage.
La plupart des prestations sociales sont ouvertes avant 25 ans : allocation aux adultes handicapés (AAH), allocation de solidarité spécifique (ASS), prime d'activité et aides au logement par exemple. Le RSA fait figure d'exception, voire d'anomalie. Pourtant, on peut voter et payer des impôts dès 18 ans...
Le RSA était versé à deux millions de bénéficiaires en 2020 à hauteur de 564 euros pour une personne seule ou 847 euros pour une personne seule avec enfant ou un couple sans enfant. Il est possible d'en bénéficier avant 25 ans dans des conditions spécifiques comme la charge d'un enfant. Depuis 2010, les jeunes ayant travaillé pendant deux ans peuvent également en bénéficier, mais le nombre de bénéficiaires est passé de 9 000 en 2011 à 734 en 2019.
Seuls 91 000 allocataires du RSA sont âgés de moins de 25 ans et il s'agit en majorité de jeunes mères isolées.
La Garantie jeunes, gérée par les missions locales, est l'un des meilleurs dispositifs pour les ceux qui n'ont ni emploi, ni formation. Concernant 91 124 jeunes en 2020, elle montera en charge jusqu'à 200 000 bénéficiaires en 2021 dans le cadre du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea).
Il faut également saluer le versement d'aides exceptionnelles en 2021, telles que des aides aux chômeurs de moins de 26 ans et aux jeunes diplômés de moins de 30 ans, ex-boursiers et demandeurs d'emploi.
Toutes ces mesures demeurent toutefois des réponses ponctuelles qui ne concernent pas tous les jeunes précaires.
Dès lors, il apparaît nécessaire d'ouvrir le bénéfice du RSA à partir de 18 ans et de supprimer en conséquence le RSA jeunes actifs.
Cette proposition a été inspirée par plusieurs mouvements de jeunesse et elle reprend une recommandation de l'ancien député Christophe Sirugue, auteur d'un rapport en 2016 sur les minima sociaux. Ce dispositif pourrait bénéficier à 1,4 million de jeunes majeurs pour un coût estimé à 5,8 milliards d'euros, que l'État devrait prendre intégralement à sa charge.
Ce texte constitue un premier pas pour soutenir les jeunes et répondre à leur détresse sociale. Il faut également davantage soutenir les étudiants défavorisés, les parents isolés, les jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Plus largement, je soutiens la création d'un revenu universel d'activité (RUA), mais cette proposition du Gouvernement a peu de chance de se concrétiser d'ici la fin du quinquennat.
Comme le démontrent les travaux d'Esther Duflo, il est faux de croire que les minima sociaux sont des trappes à inactivité.
Si la commission des affaires sociales a rejeté cette proposition de loi, j'y suis favorable à titre personnel et je vous invite à la voter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Le Gouvernement est pleinement engagé sur le sujet, contrairement à ce que j'ai pu entendre. Le combat contre la pauvreté demande de la persévérance et de l'humilité. Sur les 5,4 millions de 18-29 ans, 20 % sont touchés par la pauvreté. Quelque 1,3 million de jeunes sont dans la précarité, chiffre qui a augmenté en raison de la pandémie.
Cette proposition de loi remédie à ce constat en ouvrant aux moins de 25 ans le droit au RSA. Le Gouvernement n'y est pas favorable.
À la logique consistant à ouvrir une allocation à tous les jeunes avant même qu'ils aient trouvé une formation ou un emploi, nous préférons encourager la formation et l'accès à l'emploi, complétés par le versement d'une allocation pour les plus précaires.
Le Gouvernement offre une solution à tout jeune qui en fait la demande ; il va chercher ceux qui ne font pas les démarches. Nous avons contractualisé à cet effet avec les départements.
Cette démarche s'inscrit dans le cadre du plan de prévention et de lutte contre la pauvreté, présenté par le Président de la République en septembre 2018. Celle-ci concerne notamment les jeunes sortis de l'ASE. Plus de 50 % des 20 000 jeunes devenus majeurs en 2019 ont été pris en charge dans le cadre de la stratégie contre la pauvreté. Un accord avec l'Union nationale des missions locales et la CNAF a été passé pour qu'un référent ASE soit désigné dans chaque mission et qu'il présente à chaque jeune les dispositifs auxquels il a le droit.
En 2020, les plus fragiles ont bénéficié de mesures exceptionnelles. De fait, les jeunes sont touchés de plein fouet par une crise qui leur impose de nombreux sacrifices. Certains n'ont pas pu achever leur formation, d'autres entrent sur un marché du travail dégradé. C'est pourquoi, contrairement à ce qu'ont dit certains, nous leur consacrons le premier volet du plan de relance, avec « Un jeune, une solution » et diverses mesures pour faciliter l'accès à l'emploi. Une aide de 5 000 euros est ainsi offerte pour l'embauche d'un alternant de moins de 18 ans en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation ; et de 8 000 euros pour un alternant de plus de 18 ans.
Des formations qualifiantes ou pré-qualifiantes vont être proposées à des jeunes sans qualification ou en échec dans l'enseignement supérieur, mais aussi des formations dans le secteur du soin, qui vont prendre de l'ampleur et doubler dans les cinq prochaines années.
L'accompagnement vers l'emploi comme la Garantie jeunes et le Pacea est renforcé.
En juin, 800 000 jeunes ont reçu une aide de 200 euros. Cela visait particulièrement les ultramarins isolés. En novembre, les 740 000 étudiants boursiers et bénéficiaires des APL, de moins de 25 ans, ont reçu 150 euros. Enfin, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures majeures fin novembre.
Notre devoir est de tendre la main aux jeunes. Aucun ne doit rester au bord du chemin. Le Gouvernement s'y est engagé : chacun doit trouver sa place.
M. Daniel Chasseing . - Rares sont les pans de la société qui sortiront indemnes de la crise sanitaire. Mais la jeunesse est dans une situation particulièrement préoccupante.
C'est pourquoi je salue l'initiative du groupe socialiste qui a présenté cette proposition de loi. Nous devons toujours améliorer notre modèle social.
La proposition d'aujourd'hui n'est pas nouvelle mais le contexte l'est. Avec cette pandémie, les jeunes, privés de leurs belles années, demandent plus de considération et d'accompagnement dans l'emploi et la formation.
Plus que de nouveaux droits, nous devons donc créer de nouvelles opportunités en nous appuyant sur les dispositifs qui ont fait leurs preuves.
Le plan « Un jeune, une solution » doit être renforcé. La Garantie jeunes, l'un des mécanismes les plus prometteurs notamment pour les décrocheurs, doit être étendue. Il faut capitaliser sur les réussites. Il est important de proposer un accompagnement de proximité avec, en retour, un engagement du jeune à retrouver un parcours de formation et d'emploi. L'allocation ne serait qu'un élément de cet accompagnement.
Je regrette toutefois le bornage dans le temps de ces contrats. La Garantie jeunes devrait se poursuivre jusqu'à son succès : une formation ou un emploi. Il faut améliorer la formation d'aides-soignantes et d'infirmiers, par exemple, dont le besoin est criant.
Le Gouvernement doit tenir ses promesses de financement des entreprises qui embauchent des apprentis, dont le nombre a d'ailleurs augmenté en 2020.
Il convient de mieux aider les étudiants qui n'ont pas pu travailler pendant les vacances.
Le groupe INDEP votera contre l'extension du RSA aux 18-25 ans mais souhaite que le Gouvernement fasse plus pour les étudiants et mieux dans l'accompagnement vers le travail.
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Face à la pauvreté, face à la précarité, face à l'exclusion d'une partie grandissante de la jeunesse, il y a urgence. Le taux de pauvreté des jeunes est passé de 8 à 13 % entre 2002 et 2018 ; chez les jeunes vivant seuls, il monte à 22 %. La crise sanitaire a depuis aggravé la situation.
Toutes les organisations que nous avons auditionnées nous le disent : la jeunesse de notre pays est percutée par la crise.
L'aide alimentaire explose et les conséquences psychologiques sont dramatiques. La jeunesse est au bord de la rupture : voilà la leçon de la crise, et il est temps d'agir.
La France, qui peut être fière de son modèle social, en a exclu en partie sa jeunesse. C'est une anomalie européenne : chez quasiment tous nos voisins, les droits sociaux s'ouvrent pleinement avec la majorité.
La Garantie jeunes accompagne les bénéficiaires pendant un an et demi mais elle est très lourde à mettre en place, contrairement au RSA, qu'il suffirait d'élargir. Ne s'agit-il pas de décourager les potentiels bénéficiaires ?
Celles et ceux qui n'ont d'ordinaire que les mots de « simplification de l'État » à la bouche lorsqu'il s'agit d'attaquer notre modèle social, rechignent aujourd'hui à une simple mise à jour du RSA. Nous en connaissons les raisons : dogmatisme libéral et mépris pour la jeunesse.
Bruno Le Maire déclarait ainsi sur BFM-TV, vendredi dernier : « À 18 ans, ce qu'on veut, c'est un travail et pas une allocation. » Comment travailler alors que le taux de chômage a atteint 22 % chez les jeunes au troisième trimestre 2020 et que la vague de défaillances d'entreprises est à venir ?
Il est urgent d'agir. Le Gouvernement a fait preuve de célérité pour soutenir les industries, parfois très polluantes. Qu'il fasse de même pour les jeunes.
Le soupçon d'oisiveté est battu en brèche par les travaux d'Esther Duflo, prix Nobel d'économie, qui ont montré que plus on aide quelqu'un, plus il est apte à sortir de la trappe à pauvreté.
Écoutez le CESE qui, le 2 décembre, a demandé solennellement l'élargissement du RSA aux 18-25 ans. Mes chers collègues de droite, pour ceux qui sont encore là (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), écoutez aussi Aurélien Pradié, secrétaire général des Républicains qui, le 12 janvier, lors d'un débat à l'Assemblée nationale, déclarait que les fous sont ceux qui ne posent plus les vraies questions - et notamment pas celle du RSA pour les 18-25 ans.
Il s'agit d'une question de dignité. Tout est déjà en place, les départements peuvent agir s'ils reçoivent les financements. Alors que vos politiques économiques et sociales hypothèquent l'avenir de toute une génération, ayez la décence d'investir d'urgence sur leur présent, quoi qu'il en coûte. Il est urgent de faire sortir les jeunes des mesures d'exception pour les faire entrer dans l'universel, comme tous les autres citoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE)
M. Dominique Théophile . - Les plus jeunes sont les premiers touchés par la crise.
Cette proposition de loi n'est pas nouvelle mais elle actualise un débat vieux de trente ans. En 1988, le gouvernement Rocard avait créé le RMI, face à une nouvelle pauvreté de masse. Les jeunes de moins de 25 ans en avaient été écartés parce que bénéficiant d'autres dispositifs. Cette limite d'âge n'a pas, depuis, été remise en cause.
La présente proposition met en lumière les difficultés de la jeunesse française. En France, 1,5 million de jeunes vivent dans la pauvreté. En quelques années, le taux de pauvreté a augmenté de 8 à 13 % dans cette catégorie de la population.
En CDD, intérim ou entre deux contrats, les jeunes n'ont pas retrouvé d'emploi en raison des confinements successifs. Des mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat des jeunes ont été mises en place ces derniers mois, comme le doublement des aides d'urgence du Crous. Mais la crise s'annonce longue.
Nous partageons les objectifs de la proposition de loi - sortir la jeunesse française de la précarité et la conduire vers son émancipation - mais pas les moyens.
Nous pensons que la perspective d'un jeune ne saurait être celle des minima sociaux. Or essayer ce dispositif, même le temps de la crise, serait inévitablement l'adopter.
Nous avons mieux à leur offrir. Le plan « Un jeune, une solution » au sein du plan de relance, doté de 6,7 milliards d'euros, constitue un effort sans précédent à l'égard des jeunes. Ce plan prévoit des primes à l'embauche, 100 000 services civiques supplémentaires et 300 000 parcours d'insertion. Entre août et novembre 2020, plus d'un million de jeunes de moins de 26 ans ont été recrutés en CDI ou en CDD de plus de trois mois.
Ce plan renforce la Garantie jeunes en faveur des 16-25 ans. Elle donne droit à l'aide financière calquée sur le RSA et surtout à un accompagnement. Au 31 décembre 2019, quelque 366 000 jeunes de 18 à 21 ans ont été concernés. Les moyens des missions locales ont été augmentés : 200 000 jeunes en bénéficieront cette année.
Est-ce assez ? Non. Comme la Garantie jeunes peut être une porte d'entrée vers l'emploi pour les plus précaires, investissons dans ce dispositif qui allie garantie de ressources et accompagnement.
La jeunesse, bousculée par la crise, a besoin d'aides mais aussi de perspectives. Lors du projet de loi de finances pour 2021, nous avons fait adopter deux amendements renforçant l'apprentissage et l'insertion professionnelle.
Le groupe RDPI, dans sa majorité, ne votera pas cette proposition de loi.
M. Stéphane Artano . - Depuis la première vague de pandémie du Covid-19, nous sommes confrontés à une crise sans précédent qui a paupérisé la jeunesse. Un jeune sur quatre n'a plus d'activité professionnelle.
Sans épargne, exclus des dispositifs de solidarité nationale, les jeunes tombent plus facilement dans la grande précarité. C'est pour tenter de la freiner que plusieurs organisations de jeunesse et associations plaident depuis longtemps pour l'ouverture du RSA aux moins de 25 ans, et plus particulièrement en cette période exceptionnelle de crise sanitaire. Elles estiment que le plan d'urgence « Un jeune, une solution » fonctionne peu.
L'ouverture du RSA aux moins de 25 ans offrirait un filet de sécurité nécessaire pour leur éviter de tomber dans l'extrême précarité. Toutefois, la question mérite d'être posée et les opinions divergent au sein du groupe RDSE.
Je salue les mesures exceptionnelles du Gouvernement comme la création de 20 000 jobs étudiants, le doublement des aides d'urgence du Crous ou encore le doublement de la Garantie jeunes en 2021. Toutes ces mesures sont bienvenues, mais ponctuelles alors que la situation des intéressés s'aggrave depuis une vingtaine d'années.
En décembre, le Président de la République a déclaré qu'il préférait lutter contre la pauvreté par l'activité économique et notamment par des dispositifs comme Territoire zéro chômeur, auquel il croit « à fond ». La ministre du Travail a dit en janvier à l'Assemblée nationale qu'il fallait apporter une réponse immédiate aux jeunes mais que l'objectif premier du Gouvernement était de l'accès à un emploi, gage d'autonomie.
Monsieur le ministre, le Gouvernement réfléchit-il à une Garantie jeunes universelle ? Le dispositif coûterait près de 6 milliards d'euros. L'État, qui ne compense pas l'intégralité des dépenses départementales du RSA aujourd'hui, ne le fera pas plus demain.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe RDSE s'abstiendra.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Les jeunes sont les premières victimes des conséquences de la pandémie. Nombre d'entre eux tombent dans l'extrême précarité et se tournent vers l'aide alimentaire. La fréquentation des étudiants a explosé. Les bourses n'y changent rien. Les associations nous alertent. Pour les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, les perspectives s'éloignent. Un pauvre sur deux a moins de 30 ans.
Dans mon département, la majorité des précaires passent sous les radars. Selon un rapport de Marie-George Buffet sur les effets du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse remis en décembre 2020, le mal-être des jeunes progresse, ainsi que le nombre de suicides.
Des associations de jeunes ont publié le 1er décembre une tribune dans Le Monde pour demander un RSA dès 18 ans. La proposition de loi répond à cet appel. Le Gouvernement a-t-il peur que les jeunes bénéficiant de 500 euros par mois renoncent à chercher un emploi ? L'aide n'inviterait pas à la paresse, mais tout au contraire, à l'implication dans des projets sociaux et écologiques.
Le filet de sécurité sociale que sont les allocations n'est pas un hamac ! Nous pensons que les études sont un droit pour se projeter demain. Or, la Garantie jeunes est conditionnée à la recherche d'un travail.
L'augmentation des bénéficiaires de la Garantie jeunes sera fonction des moyens alloués aux missions locales qui devront recruter des milliers de conseillers. Notre jeunesse aspire à des réformes structurelles et à un statut social.
Cette proposition de loi est une urgence sociale indispensable mais insuffisante si elle ne s'accompagne pas d'un engagement de l'État auprès des départements pour garantir un financement à l'euro près.
Nous savons que les départements n'auront pas les moyens d'une telle dépense, puisque les charges liées au RSA et à la lutte contre la pauvreté vont d'ores et déjà augmenter d'au moins 10 %.
Le groupe CRCE votera ce texte, première étape vers un statut qui garantit l'autonomie et l'émancipation. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue cette proposition de loi de M. Cardon - le charme des premières fois, profitez-en, cher collègue ! (Sourires)
La jeunesse française est assurément très touchée par la crise sanitaire. L'abbé Pierre disait : « Il n'existe pas d'autre voie vers la solidarité humaine que la reconnaissance de l'autre en tant que personne et le respect de sa dignité. » Nous n'apporterons pas cette reconnaissance par un texte de trois articles.
Fracture territoriale, culturelle, éducative et maintenant générationnelle : notre système de redistribution est en cause, et notamment sa complexité, avec dix minima sociaux différents. Cela nourrit la rancoeur, accroît l'injustice et les non-recours.
Il y faut une réflexion globale ; la mission d'information à venir sur la précarité y contribuera, en clarifiant l'architecture de ces minima. La condition d'âge au RSA peut sembler singulière, mais il faut anticiper les conséquences structurelles d'une telle réforme, en matière budgétaire et en accompagnement.
Le rapport de Christophe Sirugue pose des conditions à l'extension du RSA, notamment son articulation à d'autres mesures - l'accès aux prestations familiales et à la fiscalité, entre autres.
De plus, les robinets de l'argent public ne couleront pas éternellement. La mesure proposée coûterait 5,8 milliards d'euros. C'est une somme importante, or l'argent magique n'existe pas, même si la période où nous vivons pourrait le laisser croire.
Il convient de laisser les départements en dehors de ce débat, en leur épargnant un effort sur le reste à charge qui est tout simplement inenvisageable.
Quid de la cohérence avec le doublement de la Garantie jeunes ?
Le groupe UC est attaché à la valeur travail. J'ai été vice-président du conseil départemental du Nord, en charge du RSA et de la lutte contre les exclusions. La dignité de la personne est étroitement liée à l'exercice d'une activité, d'une formation, d'un apprentissage, donc d'un travail : le retour à l'emploi des allocataires du RSA est une question essentielle.
Le groupe UC ne votera pas ce texte qui ouvre cependant un débat, à poursuivre en envisageant dans sa globalité le parcours d'un jeune. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Apporter une allocation sociale à chaque jeune dès 18 ans, quelle que soit sa situation : voilà la réponse de cette proposition de loi, mais à quelle question ? (Mme la rapporteure proteste.)
« La jeunesse montre l'homme comme le matin montre le jour » écrivait le poète John Milton. (Exclamations sur les travées du groupe SER) La majorité succède à une phase d'apprentissage de l'autonomie ; mais ce n'est pas une arrivée, plutôt une étape.
Les jeunes sont divers : apprentis, lycéens, étudiants, jeunes travailleurs, urbains, ruraux, leurs situations, leurs aspirations, leurs besoins sont différents, ainsi que leurs attentes. Ils portent en germe la société de demain. Puis une autre société lui succédera, comme un matin succède à un autre : « la jeunesse montre l'homme, comme le matin montre le jour ! » (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
Ce matin, un brouillard épais trouble le lever du jour : la crise sanitaire touche les jeunes de plein fouet. Nous devons dissiper le brouillard pour leur redonner des perspectives, dégager la ligne d'horizon.
Le RSA pour tous, est-ce le message politique que nous voulons leur transmettre ? Il faut plutôt leur dire que leur avenir dépend d'abord d'eux-mêmes, que les clés de la réussite sont dans l'effort et le travail. L'État leur doit avant tout un accompagnement vers la liberté.
Chaque situation appelle des dispositifs spécifiques. L'universalité n'est pas l'égalité.
Aucun jeune ne se construit avec les minima sociaux comme horizon ; le défi, c'est l'accompagnement et l'insertion.
Il existe des dispositifs pour cela : les bourses pour les étudiants, « Un jeune, une solution », dispositif porté par les missions locales qui permet de toucher près de 500 euros par mois, Garantie jeunes pour ceux qui sont sans ressource et déscolarisés, service civique, parcours emploi-compétences, tous assortis, dès le début, d'un contrat de responsabilité.
Le RSA peut d'ores et déjà être attribué aux moins de 25 ans, sous conditions : femmes enceintes, jeunes parents, certains actifs.
Étendre le RSA est une mauvaise réponse à une mauvaise question. Offrons aux jeunes de l'espoir et une chance, offrons-leur assurance et liberté ! Donnons-leur notre soutien, notre confiance et un accompagnement adapté, pas une allocation !
Modification de l'ordre du jour
Mme le président. - Par courrier en date de ce jour, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, demande que, dans le cadre de l'espace réservé à son groupe de demain, jeudi 21 janvier, la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels soit examinée avant la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises.
Il en est ainsi décidé.
Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol. - Très bien !
Droits nouveaux dès 18 ans (Suite)
Discussion générale (Suite)
Mme Annie Le Houerou . - Près d'un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Un étudiant sur quatre a un travail qui lui est indispensable pour vivre.
Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et près de 15 % des étudiants présentent des signes d'épisodes dépressifs majeurs.
La situation s'aggrave avec la crise sanitaire. Le constat, alarmant, est partagé par les associations et l'observatoire des inégalités.
Le Président de la République a déclaré le 15 octobre dernier : « c'est dur d'avoir 20 ans en 2020. » Je crains que ce ne soit encore plus dur en 2021...
La crise a coupé court à toute une économie de la débrouille : petits boulots dans les bars, restaurants et commerces ; baby-sitting, aide aux devoirs, livraisons de repas... La précarité touche particulièrement les femmes : ainsi, 40 % des étudiantes ont arrêté leur activité rémunérée pendant le confinement, contre 31 % des étudiants.
Nous ne nions pas les initiatives du Gouvernement, mais ces dispositifs de courte durée sont insuffisants face à l'ampleur cinglante de la crise.
La proposition du groupe SER est une réponse à l'urgence sociale, qui peut être mise en place dans des délais très courts.
Les jeunes sont les parents pauvres de la solidarité nationale. La solidarité familiale ne saurait être la réponse à la crise. Les violences intrafamiliales concerneraient 10 % des enfants. Et même dans les familles sereines, on constate les ravages de la précarité.
Les vies de misère que nous croisons sont souvent celles de jeunes de moins de 25 ans en galère.
Le diagnostic est établi. L'observatoire des inégalités propose un revenu minimum unique, cette proposition de loi le reprend pour que nos jeunes trouvent le chemin de l'émancipation. Rappelons que le RSA est un parcours accompagné.
Ce texte n'exclut pas des réformes plus structurelles telles que celles proposées le groupe socialiste de l'Assemblée nationale.
Le groupe SER, naturellement, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)
M. Rémi Féraud . - La pandémie a entraîné un choc économique inédit depuis 1945 ; les jeunes sont les plus touchés par cette crise d'une violence inouïe.
Or les 18-24 ans sont la principale faille de notre système de protection sociale. Nous aurions dû, dès 2020, soutenir la jeunesse. Le groupe SER l'a proposé dans le projet de loi de finances, se heurtant à une barrière idéologique.
Interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur l'extension du RSA aux 18-25 ans, Bruno Le Maire déclarait que les jeunes préféraient travailler ; au journaliste qui lui demandait si ce n'est pas aussi le désir des bénéficiaires du RSA de plus de 25 ans, le ministre a répondu par un silence désemparé, mais éloquent...
Sortons du conservatisme ! Le moment est venu, monsieur le ministre, de mettre enfin en oeuvre les mots si souvent prononcés par votre Gouvernement : « bon sens », « pragmatisme »...Demander aux jeunes de s'intégrer dans la société sans leur en donner les moyens, ce serait du cynisme. Mais je vois que le discours commence à changer, timidement, à droite. Nous proposons non pas un horizon à ces jeunes, mais un socle.
On nous parle d'assistanat, de paresse ; mais la prix Nobel d'économie Esther Duflo démonte ces poncifs. Rien ne démontre que les allocations découragent la recherche d'un travail.
Le groupe SER ne manque pas d'idées, comme un revenu d'existence dès la naissance. Cela coûte-t-il plus cher que la baisse des déductions des impôts de production ou la suppression de l'ISF ? Pourquoi attendre ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Marc Laménie . - Je salue l'initiative du groupe SER et l'auteur de cette proposition de loi, Rémi Cardon, qui ont le mérite de lancer le débat sur la situation très difficile des jeunes.
Nous l'entendons souvent sur le terrain, dans mon département des Ardennes, qui connaît une situation sociale très difficile : « que faites-vous pour les jeunes ? »
Oui, les jeunes galèrent mais aussi beaucoup de retraités, de personnes seules.
Avancer l'âge d'attribution du RSA à 18 ans, c'est poser un dilemme. Le président Raynal peut en témoigner : l'enjeu financier est considérable, face à de telles réalités. Priorité doit aller à l'humain. Or la situation financière des collectivités territoriales, leur autonomie sont fortement grevées par le RSA.
Le volet social reste une priorité, mais le lien doit être nourri entre l'État et les départements. L'Éducation nationale doit s'impliquer fortement dans la formation des jeunes pour susciter des vocations.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Très bien !
Mme Agnès Canayer . - Plus qu'un filet, il nous faut un tremplin. Le réseau transpartisan des missions locales, que je remercie pour son implication permanente, est pleinement engagé pour l'insertion professionnelle des jeunes. Selon lui, aucun système seulement fondé sur une allocation ne peut répondre aux besoins des jeunes.
Leurs attentes sont autres : ils veulent s'insérer professionnellement dans la société. Les auteurs de cette proposition de loi, relative au critère d'âge pour l'accès au RSA, s'inscrivent dans la perspective d'un revenu universel, qui n'est pas une solution.
Il n'est pas possible de se contenter d'un filet de sécurité social minimal. Vous ne proposez que d'élargir le champ d'éligibilité du RSA, mais il faut d'abord accompagner les jeunes, pour les aider à définir leur projet, retrouver l'estime de soi et, in fine, leur place.
Cet accompagnement existe déjà : c'est la Garantie jeunes, que le plan « Un jeune, une solution » développe. Une procédure alliant accompagnement et allocation de plus de 400 euros fournit une réponse à leur situation : c'est un dispositif gagnant-gagnant, grâce à l'action des missions locales dont les moyens ont été renforcés par le projet de loi de finances pour 2021. Le partenariat est un atout pour les jeunes. Donner pour donner ne convient pas. Il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un travail, les jeunes doivent être accompagnés.
Je crois en l'existant. Présidente de mission locale, je crois en le mérite et la nécessité d'aider chaque jeune à s'en sortir. Quel est intérêt de créer un doublon, qui enterrerait la Garantie jeunes, procédé le plus adapté pour répondre à l'inactivité des jeunes précaires ?
Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Très bien !
La discussion générale est close.
Mme le président. - En l'absence de texte élaboré par la commission, nous passons à la discussion du texte initial de la proposition de loi.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Esther Benbassa . - Cette proposition de loi crée des droits sociaux mais c'est aussi une bouée de sauvetage pour de nombreux jeunes Français. Pourtant plus diplômés et plus qualifiés que les générations précédentes, ils sont souvent plus précaires.
Selon l'observatoire des inégalités, le taux de pauvreté des jeunes est passé de 8 % à 13 % entre 2002et 2018.
La crise sanitaire a aggravé les choses : précarité, pauvreté, isolement et dépression. Son impact sur les jeunes est impitoyable.
En 2020, selon l'Insee, le taux de chômage des moins de 25 ans s'élève à 21,8 %.
Avec le couvre-feu, les jeunes ne peuvent plus travailler le soir dans la restauration rapide ou faire du baby-sitting.
Cette proposition de loi aiderait la jeunesse qui souffre de la crise. La France a une des législations les plus restrictives en la matière. Cette proposition de loi est une innovation utile que le GEST soutient.
M. Thierry Cozic . - Je soutiens moi aussi cette proposition de loi, nécessaire pour les jeunes actifs. La crise accroît la pauvreté et les inégalités, quelque 13 % des 18-25 ans sont pauvres, en augmentation de 50 % depuis 2002. Veut-on une jeunesse sacrifiée ? Selon la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), 64 % des 18-24 ans présentent une détresse psychologique et 23 % ont des pensées suicidaires. Les récentes tentatives de suicide ne peuvent que nous alerter : ce sont les prémices d'une crise profonde frappant notre jeunesse.
Il y a urgence. La relance n'interviendra pas avant 2022. Penser que la solution d'ici là passera par le travail est illusoire. Pierre Mendès-France disait que le soutien de la jeunesse était ce qu'il y avait de plus précieux.
Donnons à la jeunesse les moyens de se former sans craindre un avenir nuageux, afin qu'elle puisse croire en des lendemains plus sereins ! Cela n'a pas de prix. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Patrick Kanner . - Les jeunes n'ont plus de vie sociale, ni affective ; ils n'ont plus d'argent. Il faut trouver une solution d'urgence. Arrêtons tout de suite la petite musique opposant des vertueux qui croient au travail des jeunes, et des professeurs de laxisme et de paresse qui soutiennent une allocation de moins de 500 euros !
La mesure que nous défendons est facile à mettre en oeuvre et finançable, du moins par le ruissellement de la dette.
La Garantie jeunes que j'ai instaurée n'a pas vocation à devenir universelle, car elle est différente : elle s'applique aux « NEET », c'est-à-dire aux personnes sans études, sans emploi ni formation, avec un accompagnement très serré. Je salue à mon tour le travail remarquable des missions locales à leur égard.
Mais j'en appelle à présent à votre responsabilité sur l'article premier : il s'agit de redonner espoir à notre jeunesse par notre volonté partagée. Chacun s'honorerait à ouvrir cette perspective. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Guy Benarroche . - Le GEST soutient cette proposition de loi.
L'absence d'une solidarité pour les moins de 25 ans m'interpelle. Au pays de Bourdieu, pourquoi maintenir les inégalités entre jeunes, certains ayant la chance d'être plus soutenus que d'autres par leurs familles ?
Certains jeunes, à cause des effets des seuils, sortent de l'ASE. Aider les jeunes devrait constituer notre objectif commun et prioritaire. Il est urgent de voter la proposition de loi pour que le « quoi qu'il en coûte » ne laisse pas de côté toute une génération. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER)
Mme Sophie Taillé-Polian . - « Donner pour donner » ? C'est une conception bien éloignée de toute réalité ! Lorsqu'on aide les entreprises pour les sauver, c'est la même situation ! Le « quoi qu'il en coûte » ne vaudrait-il que pour certains ?
Le plan « Un jeune, une solution » ne suffit pas. Le président Kanner a rappelé la spécificité de la Garantie jeunes. Quels que soient les mérites de ce dispositif, il n'est pas à la hauteur de la situation.
Le service civique ? On observe un dévoiement de celui-ci, non plus en faveur de l'engagement de la jeunesse ou de son émancipation, mais vers de petits boulots mal payés, y compris dans des services publics qui devraient embaucher ! On fait travailler la jeunesse à moindre coût !
N'oublions pas non plus que les jobs étudiants proposés par le Gouvernement nuisent à la qualité des études des jeunes qui ont le plus de difficultés. Il faut donc élargir le RSA aux 18-25 ans : ce n'est pas la panacée, mais c'est une aide d'urgence. D'autres solutions d'avenir existent pour émanciper durablement la jeunesse. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE)
M. Pascal Savoldelli . - Notre vote sera sincère et direct. Mme Apourceau-Poly a évoqué le taux de pauvreté. Un SDF sur quatre a moins de 30 ans. Dans le Val-de-Marne, 5 000 jeunes sont tombés dans la pauvreté...
Vous voulez développer le travail des étudiants. Mais 90 000 d'entre eux arrêtent leurs études pour des raisons financières. Avant la crise sanitaire, il y avait 5,6 millions de personnes au chômage ; et 524 000 emplois à pourvoir. Voulez-vous condamner 5 millions de personnes aux minima sociaux ? Là, il y a des urgences !
Après quatre projets de loi de finances rectificative et un plan de relance, on pourrait tout de même voter cette proposition de loi...
Les étudiants des grandes écoles n'ont pas besoin de travailler pour étudier. Un étudiant de l'ENA touche un salaire d'environ 2 000 euros nets ! Certes, il y a un débat sur l'inconditionnalité par rapport à la valeur travail, qui traverse toutes les sensibilités politiques, et beaucoup de propositions sont sur la table. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
À la demande du groupe Les Républicains, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
(Exclamations sur les travées du groupe SER)
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°54 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l'adoption | 93 |
Contre | 232 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE 2
Mme le président. - Si l'article 2 n'était pas adopté, l'article 3, qui en constitue le gage, deviendrait sans objet. Cela vaudrait rejet de la proposition de loi. Je ne vois aucune demande d'explication de vote.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°55 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l'adoption | 93 |
Contre | 232 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 2 n'étant pas adopté, l'article 3 n'a plus d'objet.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Avis sur une nomination
Mme le président. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable - 13 voix pour, 1 voix contre - à la nomination de Mme Laure de La Raudière à la présidence de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Prochaine séance demain, jeudi 21 janvier 202, à 10 h 30.
La séance est levée à 20 h 40.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du jeudi 21 janvier 2021
Séance publique
De 10h 30 à 13 heures
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président
Secrétaires : Mme Patricia Schillinger - M. Pierre Cuypers
. Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, présentée par Mme Annick Billon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°272, 2020-2021)
De 14h 30 à 16 heures
Présidence : M. Georges Patient, vice-président
. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises (texte de la commission, n°270, 2020-2021)