Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Baromètre de l'action publique
M. Jean Castex, Premier ministre
Fractures territoriales et espérance de vie
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
: [Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Lutte contre la haine en ligne
: [Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Lutte contre la délinquance en zone rurale
: [M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
: [M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
Article 30 de la proposition de loi relative à la sécurité globale (I)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
: [Mme Florence Blatrix Contat
: [M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Avenir de l'usine de nickel du Sud en Nouvelle-Calédonie
: [M. Jean Castex, Premier ministre
Missions d'information (Nominations)
Problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols
: [Mme Gisèle Jourda, rapportrice de la commission d'enquête
: [Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
: [M. Laurent Lafon, président de la commission d'enquête
Lutte contre l'illectronisme et inclusion numérique
: [M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen
M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen
« Quel avenir pour l'entreprise EDF avec le projet Hercule ? »
M. Fabien Gay, au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Ordre du jour du mardi 19 janvier 2021
SÉANCE
du mercredi 13 janvier 2021
50e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Françoise Férat, Mme Martine Filleul.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - Au nom du Sénat, je tiens à vous adresser mes voeux, monsieur le Premier ministre, à vous-même ainsi qu'aux membres du Gouvernement.
J'adresse également mes voeux à mes collègues et aux collaborateurs du Sénat.
Je formule des voeux pour notre pays et pour tous nos compatriotes, pour que nous puissions ensemble traverser et surmonter la crise sanitaire, qui impose tant de souffrances, de sacrifices et de discipline.
Notre vocation est de contribuer collectivement à vaincre cette crise en préservant la démocratie qu'incarne le Parlement.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Stratégie vaccinale (I)
Mme Laurence Cohen . - Après le fiasco des masques et des tests, les Français sont inquiets de la stratégie vaccinale du Gouvernement, compte tenu des retards pris. Pourtant la mise sur le marché de plusieurs vaccins et bientôt du traitement mis au point par l'Institut Pasteur de Lille ravive l'espoir. La formidable performance des chercheurs s'est hélas accompagnée d'une course effrénée des grands laboratoires pour toucher le jackpot.
Agnès Pannier-Runacher a annoncé la construction de trois sites de production en France. Il était temps. Quand allez-vous obliger Sanofi à participer à cet effort collectif et à arrêter de supprimer des emplois de recherche et développement ? À quand une licence d'office pour produire les vaccins à prix coûtant et les mettre dans le domaine public ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie . - La mise sur le marché de vaccins efficaces à plus de 90 %, ce qui est exceptionnel, est un grand espoir. Des doses ont été préréservées par la France et l'Union européenne depuis avril : pas moins de six contrats nous assurent un accès direct aux vaccins.
Dès juin, nous avons également lancé un appel à projets de capacity building pour produire en France et en Europe. Nous sélectionnons les sites les plus productifs, ayant les meilleures capacités.
L'Union européenne a préréservé 600 millions de doses auprès de Pfizer, qui seront livrées cette année. Sanofi, pour sa part, a investi 600 millions d'euros pour une usine de vaccins d'ici deux ans. Je salue son action pour accompagner la montée en puissance du vaccin. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Cohen. - Sanofi n'est pas un petit laboratoire : il a le savoir-faire, les moyens, les chercheurs. Qu'il cesse donc de licencier !
Vous avez refusé notre proposition d'un pôle public du médicament. Il est encore temps de changer d'avis ! (Sourires)
Écoutez les signataires de la pétition « Pas de profit sur la pandémie ». Nous demandons la levée du secret des affaires pour faire la transparence sur les contrats signés avec Big Pharma, et exigeons que les vaccins et traitements contre la pandémie soient un bien public mondial. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)
Baromètre de l'action publique
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Alors que la crise sanitaire frappe notre pays, la situation de chaque territoire demeure unique. Une même mesure nationale n'aboutit pas au même résultat partout sur le territoire, d'où un manque de visibilité pour nos concitoyens.
Restaurer la confiance dans l'État et les politiques publiques est essentiel. Un pilotage efficace et une transparence accrue constituent la clé de voûte d'une démocratie qui fonctionne.
Le Président de la République a promis de placer son action sous le signe de la transparence. Le baromètre de l'action publique a été présenté ce matin en Conseil des ministres. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Sido. - On est sauvés !
Mme Patricia Schillinger. - Pouvez-vous nous présenter ce nouvel outil ? Comment contribue-t-il à la promesse de transparence portée par le chef de l'État ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. François Patriat. - Très bien !
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne . - Depuis plus trois ans, vous avez adopté de nombreuses lois. Nous faisons en sorte que les réformes prioritaires trouvent une traduction concrète dans le quotidien des Français.
La transformation de l'action publique est plus que jamais une priorité. Le baromètre présenté ce matin par Mme Amélie de Montchalin sera accessible sur le site internet du Gouvernement. Il permettra de suivre la mise en oeuvre de vingt-cinq réformes prioritaires, grâce à des indicateurs chiffrés dans huit domaines dont la transition énergétique, la santé, le travail, etc. Les données seront disponibles département par département en open data et réactualisées trimestriellement. Vous pourrez voir ce qui avance plus ou moins vite.
Cet outil contribuera à renforcer la confiance de nos concitoyens et d'accélérer la transformation concrète de l'action publique au service des territoires et des citoyens. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Patricia Schillinger. - J'espère que les territoires s'en saisiront. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)
Stratégie vaccinale (II)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'épidémie nous impose humilité devant un virus évolutif et responsabilité pour soutenir les politiques sanitaires lorsqu'elles sont présentées sur la base d'informations objectives.
C'est en responsabilité que nous devons envisager la campagne vaccinale.
Dès novembre, nous appelions le Gouvernement à mettre en place un plan clair, net et précis de vaccination, à la suite des conclusions du Conseil scientifique du 9 juillet.
Vous disiez être dans l'action, vous n'étiez que dans la réaction. Vous avez été mis dos au mur après la polémique déclenchée par le Président de la République lui-même. Ce retard a un coût économique, social et humain.
Le manque d'anticipation et la lenteur assumée doivent laisser la place à une mobilisation générale, en association plus étroite avec les élus locaux. Faites confiance à l'intelligence des territoires plutôt qu'aux consultants privés, déployez enfin les centres de vaccination, arrêtez un calendrier précis. Il n'y a même pas de campagne de communication !
Comment allez-vous rattraper votre retard, lié à votre manque d'anticipation, pour gagner la course contre la montre face aux variants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean Castex, Premier ministre . - Monsieur le président, bonne et heureuse année ! Au nom du Gouvernement, je vous adresse tous nos voeux pour la Haute Assemblée et pour la France en cette période difficile.
Merci au président Kanner de sa question, qui fait suite à celle de Mme Cohen. La France, et il faut s'en réjouir, n'a pas à rougir de sa stratégie globale de lutte contre cette pandémie. (Vives protestations à droite ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Échec de la stratégie de tests, dit Mme Cohen ? Faites donc la comparaison avec nos voisins européens ! (On se récrie à droite.) Je ne nie pas les difficultés - il y en a eu partout - mais la France est aujourd'hui parmi les pays qui testent le plus et le mieux !
M. Olivier Paccaud. - Bref, nous sommes toujours les meilleurs !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Pas moins de 84 % des résultats sont obtenus en moins de 24 heures. (Nouvelles exclamations à droite) Nous avons les taux d'incidence et de positivité parmi les plus bas d'Europe. Voilà les faits.
Nous avons confiné avant les autres, certes sans l'accord du Sénat, en préservant Noël et l'activité économique de décembre. (Protestations à droite) Vous verrez les chiffres du dernier trimestre...
M. Olivier Paccaud. - Tout va bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Ne nous autoflagellons pas.
M. Olivier Paccaud. - C'est de l'autosatisfaction !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Non, ce sont des faits ! Les Français qui ont fait les efforts nécessaires sont largement responsables de cette situation.
Mme Laurence Rossignol. - (Notant que le Premier ministre ne se tourne que vers la droite de l'hémicycle.) Vous êtes censé répondre à M. Kanner...
M. Jean Castex, Premier ministre. - Nous menons une action déterminée. Quel pays fait mieux ? Citez-moi un pays où tout va bien, nous nous y rendrons !
Certes les drames, les dégâts sont considérables, mais calmons le jeu. Nous sommes ici dans la Chambre de la sérénité... (Exclamations à droite)
La stratégie vaccinale vous a été présentée ici. Cas contact, je n'ai pu être présent mais j'ai été avantageusement remplacé par le ministre de la Santé. Cette stratégie n'a pas changé : suivant les recommandations de la Haute Autorité de Santé, nous priorisons les personnes les plus vulnérables au virus, qui sont le plus susceptibles de se retrouver en réanimation.
Soyons fiers de nos établissements de santé, de tous les personnels qui ont joué un rôle majeur depuis mars !
Nous avons commencé par le plus difficile : les résidents en Ehpad et USLD. Vous le savez, il faut prendre des précautions pour recueillir le consentement de ces personnes.
M. Laurent Duplomb. - Un document de 45 pages !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Cela prendra plusieurs mois. (Exclamations à droite) On ne juge pas un match de 90 minutes à la deuxième seconde.
La stratégie vaccinale, qui monte en charge, fait appel aux territoires. Mais nous avons des délais de livraison, des conditions de conservation qui font que ces vaccins ne peuvent être distribués en pharmacie, comme nous le souhaiterions. (Exclamations à droite)
Les choses se font dans l'ordre, en impliquant les acteurs locaux. L'enjeu, c'est de susciter l'adhésion d'un maximum de concitoyens. Ce n'est pas acquis. Celle-ci s'accroît, tant mieux.
À compter de lundi, la vaccination sera ouverte aux plus de 75 ans ; il faudra plusieurs semaines pour vacciner ces 5 millions de personnes.
M. Jean-François Husson. - C'est bien ce que nous vous disons !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Inutile donc de nous interpeller dès la première semaine... (Vives exclamations à droite)
J'ai toujours dit la vérité, y compris pour prendre des mesures difficiles que vous n'avez pas approuvées. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Patrick Kanner. - Nous vous demandons d'anticiper. Des vaccins stockés et non injectés, c'est le reconfinement assuré, et à la clé un drame économique.
Le 9 janvier, à Tarbes, vous disiez que la politique sanitaire est une politique d'État. Vous avez raison. Votre responsabilité devant les Français est immense. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Fractures territoriales et espérance de vie
M. André Guiol . - Une série d'études de l'Association des maires ruraux de France indique que l'espérance de vie d'un rural est inférieure de deux ans à celle d'un citadin. L'accès aux soins hospitaliers y est aussi inférieur de 20 %, sans doute une conséquence du manque de généralistes...
Il faut mieux intégrer les associations d'élus dans les instances de santé. Nous connaissons les mesures prises par le Gouvernement : l'augmentation du numerus clausus, qui n'aura d'effet que dans dix ans ; la nouvelle organisation de travail des jeunes médecins, qui affecte leur disponibilité ; la création de maisons de santé pluridisciplinaires, freinée par l'obligation de disposer de deux médecins. Pourquoi ne pas suspendre provisoirement cette obligation, en s'appuyant sur des infirmiers ? Ce serait une solution concrète, rapide et peu onéreuse. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - (« Ah ! » à gauche) Les problèmes d'accès aux soins dans les territoires ruraux ont en effet un impact sur l'espérance de vie en bonne santé. Cette situation est inacceptable, même si elle n'est pas nouvelle.
Nous avons supprimé le numerus clausus qui était une aberration. Nous étions 3 500 dans ma promotion de 1998 ; aujourd'hui, ils sont 10 000 étudiants en formation.
Il y a des solutions : les téléconsultations, dont le nombre est passé de 10 000 à un million par semaine pendant le confinement, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), l'exercice regroupé dans les maisons de santé pluridisciplinaires. La règle est en effet qu'il y ait deux médecins pour assurer une certaine stabilité mais la maison peut être créée, sans financement, avec un seul médecin. Je prendrai cependant une ordonnance pour donner du temps afin de recruter un second médecin ultérieurement. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. André Guiol. - Une fois n'est pas coutume, la réponse me satisfait.
Malaise des étudiants (I)
Mme Monique de Marco . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Une étudiante de Gironde, Léa, m'écrit : « À un moment clé de ma vie, il m'est impossible de me projeter. Seule derrière un écran sans vie depuis des mois, je me sens abandonnée par mes aînés. »
Un tiers des étudiants montrent des signes d'anxiété et de dépression, liée à l'isolement prolongé et à une vie sociale réduite à peau de chagrin. La réouverture des universités était annoncée pour janvier, mais n'a finalement pas eu lieu
Les consignes sont données tardivement et sans concertation. Les étudiants et les enseignants se sentent oubliés, sacrifiés.
Faisons preuve d'imagination ! N'est-il pas possible d'organiser des cours en présentiel, avec des jauges adaptées, pour rompre l'isolement et redonner espoir ? Il faut recruter davantage de psychologues, mettre en place un chèque Santé, répondre à la précarité avec un moratoire sur les loyers dans les résidences universitaires, augmenter les aides, recruter des assistantes sociales et élargir le RSA aux moins de 25 ans, y compris aux étudiants.
Quelles mesures concrètes envisagez-vous face à la détresse des étudiants ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Nous nous préoccupons chaque jour - parce que le sujet est éminemment interministériel - de l'avenir de notre jeunesse.
Sur le campus du Crous à Pessac, vous avez vu comme moi la détresse de certains étudiants, mais aussi l'engagement exceptionnel du personnel des Crous, des services de santé et des étudiants eux-mêmes.
Les cours reprennent très progressivement en présentiel, dans la concertation. Depuis décembre, nous travaillons à ce qu'un nombre croissant d'étudiants puisse bénéficier de cette reprise, car l'enseignement est avant tout une relation humaine.
Le Premier ministre a annoncé le doublement du nombre de psychologues dans les établissements d'enseignement supérieur, et le Crous recrute soixante assistantes sociales. Nous avons créé 22 000 emplois étudiants dans les universités pour compenser la perte des petits jobs. Nous essayons d'apporter des réponses pragmatiques et concrètes. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Accord sur le Brexit
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Quelque 1 246 pages dans la langue de Shakespeare, le 24 décembre : l'accord sur le Brexit est un miracle de Noël, grâce au travail de Michel Barnier et de son équipe, que je salue.
Après 47 ans de vie commune, 4 ans et demi de divorce et une pension alimentaire inconnue, nous devons appliquer l'accord et faire avec ses limites. De nombreuses questions restent en suspens.
Dans les Hauts-de-France, on s?interroge sur ce qui attend le secteur de la pêche à la fin de la période de transition, en 2026. Quels seront les effets sur nos pêcheurs, à court terme et après 2026 ?
On constate des pénuries dans les rayons des supermarchés britanniques, nos produits n'ayant pu être livrés. Anticipez-vous des difficultés dans le transport de denrées ?
Quid du protocole d'accord sur les services financiers promis pour mars 2021 ? Notre divorce est loin d'être achevé. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - C'est finalement un bon accord, inattendu, qui a été conclu au terme de négociations extrêmement difficiles. On craignait ne pas trouver d'accord sur la pêche, le Royaume-Uni y voyant un symbole de sa souveraineté retrouvée. Or nous avons préservé notre accès aux eaux britanniques et diminué les quotas de 25 % alors que les Britanniques exigeaient 80 %.
Il reste quelques points techniques à régler sur la bande des six à douze milles ou les îles anglo-normandes, et à appréhender l'horizon de juin 2026. Nous avons les outils pour prendre des mesures de sauvegarde, de rétorsion ou de compensation en cas de difficultés. Nous aurons en outre un levier supplémentaire avec la négociation des accords sur l'énergie, ce qui devrait garantir une stabilité relative.
S'agissant des services financiers, l'Union européenne a conservé sa capacité de délivrer unilatéralement, au cas par cas, des équivalences financières.
Nous savions que l'approvisionnement des commerces britanniques serait problématique. S'ajoute la situation sanitaire catastrophique en Angleterre - dont vous devriez vous informer avant de dresser des comparaisons hasardeuses avec la France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Stratégie vaccinale (III)
M. Fabien Genet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Face aux malades du Covid, à l'isolement, à la menace du variant britannique, au risque de reconfinement, nous ne sommes pas d'humeur à polémiquer.
Mais nous, parlementaires, ne sommes pas tirés au sort de manière anonyme et irresponsable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe SER) Nous rendons des comptes à nos concitoyens et relayons leurs interrogations.
À vous entendre, monsieur le ministre, tout va très bien. Pourquoi, alors, n'y a-t-il pas plus de Français vaccinés ? Pourquoi pas 20 % comme en Israël, 2 millions comme au Royaume-Uni ou même 500 000 comme en Allemagne ? Parce que vous avez choisi « un rythme de promenade en famille », pour citer le Président de la République !
Heureusement, le dévouement des soignants, l'engagement des préfets et des élus locaux offrent désormais un espoir sur le terrain, et ma commune de Digoin va accueillir un centre de vaccination.
Néanmoins, des inquiétudes persistent.
Pourquoi les pharmaciens ne peuvent-ils participer à la campagne vaccinale, au sein des centres de vaccination ? Pourquoi ne pas rendre la vaccination obligatoire pour les personnels des Ehpad, comme c'est le cas pour l'hépatite B ? Au lieu de chercher à convaincre les incertains, commençons par vacciner les volontaires qui sont nombreux et impatients ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je ne dis pas que tout va bien. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) J'aimerais pouvoir le dire, plutôt que de décompter chaque jour les décès, les hospitalisations, les contaminations...
Personne ne nie les difficultés de mise en place d'une telle logistique - tous les pays y sont confrontés. Je pense notamment à l'Allemagne et à ses vaccinodromes où l'on fait la queue pendant quatre heures, que la presse allemande ne s'est pas privée de critiquer... Personne n'est parfait.
Je salue le travail de tous les soignants qui vaccinent, dans les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad, dans des conditions parfois difficiles... Hier, nous avons vacciné 50 000 personnes. Notre rythme n'a rien à envier aux autres pays.
Je compte sur les pharmaciens, le jour où nous aurons un vaccin plus simple à conserver. Nous ne nous passerons pas de leur savoir-faire. Nous sommes capables de vacciner cinq millions de personnes en une semaine.
La Haute Autorité de santé nous demande de commencer par vacciner les personnes les plus vulnérables. Si nous ne le faisions pas, vous pourriez à bon droit nous le reprocher. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Malaise des étudiants (II)
M. Pierre-Antoine Levi . - Les étudiants sont en situation de détresse face à l'isolement et à la fermeture des universités.
Le 9 janvier dernier, un étudiant de Lyon 3 s'est défenestré de sa résidence universitaire. Même geste désespéré hier soir, d'une étudiante, toujours à Lyon. L'immense majorité des étudiants considèrent que l'enseignement s'est dégradé ; les cours en distanciel deviennent insupportables. Nous sommes au bord d'un décrochage massif qui risque d'entraîner de nombreux autres gestes de désespoir.
Le président de Lyon 3, Éric Carpano, l'a bien souligné : « La fermeture des universités, les cours à distance, l'arrêt des activités sportives, culturelles et festives ont favorisé l'isolement et la détresse psychologique. » La situation économique a plongé les plus fragiles dans la précarité.
Les étudiants veulent un cap. Il est invraisemblable de laisser les gens s'entasser dans le métro et de fermer les amphis, même avec le port du masque. Il en va de la qualité de leurs études, de la reconnaissance de leur diplôme sur le marché du travail, et surtout de leur santé physique et mentale.
Quelles réponses concrètes apportez-vous aux étudiants en détresse ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - J'adresse toutes mes pensées aux familles, amis, communautés, camarades des étudiants qui commettent ces gestes, dont les causes sont multiples.
Je rends un hommage appuyé aux enseignants qui travaillent d'arrache-pied pour que les cours aient lieu et pour accompagner leurs étudiants.
Nous n'avons pas fermé les universités pendant le deuxième confinement. Les salles de ressources sont ouvertes sur rendez-vous.
Depuis début janvier, pour les plus fragiles, il y a reprise des cours par groupe de dix. Nous envisageons un élargissement que nous examinerons vendredi prochain avec les conférences des présidents d'universités et des directeurs d'établissements.
Les plus fragiles sont les nouveaux entrants, les étudiants en situation de handicap et les étudiants internationaux qui se retrouvent seuls sur notre sol. Le retour sur le lieu de l'enseignement est très important pour l'avenir pédagogique mais aussi psychologique des étudiants. Nous travaillons pour faire de nouvelles propositions en ce sens.
M. Pierre-Antoine Levi. - Ces pistes d'action sont insuffisantes, les faits le montrent. Il y a urgence. Les étudiants ne doivent pas être sacrifiés. Il y va de l'avenir de notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Lutte contre la haine en ligne
Mme Patricia Demas . - Pendant que le monde entier effaré découvrait l'envahissement du Capitole, un autre évènement non moins important se produisait : les comptes du président des États-Unis étaient supprimés sur internet.
Certains ont eu pour premier réflexe de s'en réjouir et de saluer la décision des Gafam.
Mais cette censure doit, à y regarder de plus près, nous amener à réfléchir à l'état des libertés publiques et à la menace que font désormais peser ces multinationales sur la liberté d'expression. (Murmures sur les travées du groupe SER)
Laisser à des entreprises privées le soin de censurer ou non sur la toile est une atteinte grave à la démocratie. Il faut réguler la liberté d'expression mais par la loi et la justice, par les pouvoirs publics...
M. David Assouline. - C'est le rôle du Parlement qui doit faire la loi !
Mme Patricia Demas. - Il est vrai que nos législations sont inopérantes sur internet ; les fake news se multiplient et envahissent les réseaux sociaux.
Mais comment une entreprise peut-elle décider de ce qui peut ou non se dire ? Le Gouvernement s'est exprimé sur le besoin d'inventer de nouvelles formes de supervision démocratique : qu'entendez-vous par là ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie . - On peut se réjouir de la réaction des plateformes, mais elle crée en effet un précédent. D'abord, elle met en valeur le rôle des réseaux sociaux dans la vie démocratique. Par cette action, ces plateformes reconnaissent de facto leur responsabilité sur le contenu posté. Cela nous donne un levier pour agir. Enfin, cela pose la question des règles du jeu sur les réseaux sociaux.
Au niveau européen, nous nous sommes emparés du sujet. Le Président de la République et Cédric O sont proactifs sur le Digital Services Act, présenté récemment par les commissaires Margrethe Vestager et Thierry Breton.
Au législateur de fixer les règles du jeu et à la justice de contrôler leur application.
Mme Patricia Demas. - Il y a urgence. Passons des paroles aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Malaise des étudiants (III)
Mme Sylvie Robert . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La situation des jeunes, et notamment des étudiants, est très préoccupante. Plusieurs évènements tragiques ont émaillé ces dernières semaines. La confusion et l'absence de perspectives engendrent angoisse et mal-être. La précarité augmente et la détresse psychologique est alarmante, en dépit de l'investissement des enseignants et du Crous.
Il y a risques de décrochage, en plus de la démotivation, en raison de parcours chaotiques.
Les étudiants ont été les oubliés de la conférence de presse du 7 janvier. Quelles perspectives leur offrez-vous, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Le 7 janvier, nous n'avons pas parlé des étudiants car la décision avait été prise avant, afin que dès le 4 janvier, des groupes de dix soient accueillis dans les établissements...
M. Jean Castex, Premier ministre. - Oui, je l'avais dit avant.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - J'ai entendu la polémique sur la date de la circulaire, mais nous avons travaillé en amont.
Les examens se sont déroulés en présentiel pour 20 % d'entre eux, quand les enseignants ont estimé que c'était indispensable. Il est hors de question que l'on puisse prétendre que les diplômes auraient moins de valeur en 2020 ou 2021 !
Nous allons accompagner le retour des étudiants car l'enseignement est avant tout une relation humaine. Les étudiants ont besoin de revoir leurs professeurs et ceux-ci ont besoin de retrouver leurs étudiants. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
Mme Sylvie Robert. - On a beaucoup demandé aux jeunes. Il faut des mesures d'urgence, notamment dans l'accompagnement. Oui, il y a urgence à ce que votre Gouvernement ait un vrai discours en direction de la jeunesse, pour lui tracer des perspectives ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Lutte contre la délinquance en zone rurale
M. Bruno Rojouan . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'Intérieur, nos campagnes sont de moins en moins paisibles. En 2020, les violences ont augmenté de 8 % en zones rurale et périurbaine, alors qu'elles baissaient de 50 % en zone urbaine. Coups et blessures : plus 10 % ! Séquestrations : plus 15 % ! Règlements de comptes et homicides : plus 15 % ! Viols : plus 18 % ! Les comportements se radicalisent.
Illustration de cette dégradation, le 23 décembre 2020, trois gendarmes intervenant pour des violences conjugales se sont fait abattre dans un hameau du Puy-de-Dôme, département voisin du mien.
Cet échec, ce n'est pas seulement celui de l'ancien monde, c'est aussi le vôtre, monsieur le ministre. Entendez la détresse de nos concitoyens et des élus ruraux ! L'urgence n'est plus à d'hypothétiques expérimentations. Il faut des actes concrets et rapides.
Comment analysez-vous cette nouvelle délinquance qui gangrène nos territoires et que comptez-vous faire pour la combattre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je partage votre émotion en évoquant les trois gendarmes abattus.
Mais votre lecture n'est pas celle de mon ministère. Les zones de gendarmerie ne se superposent pas entièrement avec les zones rurales. Elles regroupent 51 % de la population et 95 % du territoire. Mais 70 % des statistiques que vous évoquez relèvent de zones urbaines.
Certes, la délinquance augmente davantage en zone de gendarmerie, mais elle est surtout due aux violences conjugales et intrafamiliales et aux refus d'obtempérer lors de contrôles routiers - un toutes les vingt minutes en zone de gendarmerie, un toutes les trente minutes en zone de police, ce qui a entraîné la moitié des morts en service l'an dernier - et aux séquestrations.
Dans le même temps, les cambriolages ont baissé de 40 % en zone de gendarmerie, tout comme les faits attentatoires au monde agricole, qui restent importants mais diminuent sur la majeure partie du territoire.
L'année 2020 a été très particulière, ce qui relativise la lecture des statistiques.
Monsieur le sénateur, soyez assuré de la continuité de la lutte contre la délinquance, en lien avec l'autorité judiciaire. (Quelques applaudissements sur les travées du RDPI)
Rave-party en Ille-et-Vilaine
Mme Françoise Gatel . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre de l'Intérieur, une rave-party lunaire s'est tenue dans le charmant petit village de Lieuron, en Ille-et-Vilaine, où 2 500 « teufeurs » de France, de Belgique, d'Angleterre et d'Espagne se sont rassemblés.
C'était une rave-party interdite mais très bien organisée, payante, avec entrée filtrée, stands de vente de stupéfiants, de nourriture et d'alcool.
Les conditions sanitaires étaient une vraie provocation, sans compter le risque de sécurité : un véhicule de gendarmerie a été brûlé, trois gendarmes ont été agressés. Agir est difficile, certes, et critiquer plus aisé. Merci, monsieur le ministre d'avoir sifflé la fin de la partie, et bien géré cette fin.
Mais comment donc 2 500 personnes ont-elles pu s'y rendre sans être le moins du monde inquiétées ? Pourquoi la gendarmerie n'a-t-elle pu infiltrer l'organisation pour anticiper et agir en amont ?
Certains Français partis skier en Suisse ont été verbalisés et placés en quarantaine. Pourquoi les 2 500 teufeurs ont-ils pu se disperser en France et y disperser le virus ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Ce n'étaient pas des teufeurs, mais des délinquants ! (Exclamations à droite)
Selon la loi, tout rassemblement de plus de 500 personnes, non autorisé, est illégal. Il y a eu 2 000 verbalisations, 15 arrestations, 4 mises en examen, 2,5 tonnes de matériel saisies, dont 15 murs de sons. Une information judiciaire a été ouverte.
Certes, je n'ai pas souhaité envoyer les paras contre des jeunes gens de 15 à 25 ans, comme certains boutefeux sur les réseaux sociaux le réclamaient. J'ai préféré clôturer le site, sans qu'il n'y ait de blessé ni de décès.
Je rappelle que 225 personnes ont été verbalisées sur le site pour consommation de stupéfiants. L'ordre républicain a été tenu.
Des réseaux de communication parallèles empêchent le ministère de l'Intérieur d'intervenir. Cela nous choque pour une rave-party mais aussi pour des rassemblements de black blocks. Le Sénat pourra s'y pencher prochainement car je demanderai au Parlement, sous l'autorité du Premier ministre, les moyens de renseignements pour activer les forces de l'ordre dans des conditions acceptables.
Article 30 de la proposition de loi relative à la sécurité globale (I)
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La nuit du 31 décembre, à Boofzheim en Alsace, un jeune homme a eu la tête arrachée en manipulant un tir d'artifice. Il ne s'agissait pas de délinquants qui visent la force publique, mais de jeunes gens qui s'inscrivent dans une tradition festive ancrée en Alsace, de plus en plus décriée par les habitants, les autorités et les secours. J'ai été alertée par les maires qui, malgré les interdictions, font face, chaque année, à des débordements. Les réglementations successives n'ont pas évité les accidents.
Il faut des sanctions réellement dissuasives, comme le prévoit l'article 30 de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Il faut interdire les feux d'artifice sans la présence d'un professionnel agréé, notamment dans les contrats de location de salle. Toute transgression doit être assimilée à un délit, avec amende forfaitaire et inscription au casier judiciaire. Je déposerai un amendement en ce sens lors de l'examen au Sénat.
Pourquoi ne pas réserver l'usage des feux de divertissement aux seuls professionnels, comme c'est déjà le cas pour les mortiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je partage votre émotion après le décès de ce jeune homme et j'adresse mes condoléances à ses parents et à la commune. Je pense aussi aux policiers et aux gendarmes qui sont parfois attaqués au mortier, comme cet été à Champigny-sur-Marne. La proposition de loi relative à la globale crée un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ; elle pénalisera l'utilisation, mais aussi la vente, y compris via internet, qui est un problème que nous devons suivre attentivement.
Les questions du protoxyde d'azote, sujet cher à Valérie Létard, et des rodéos urbains pourraient aussi être intégrées dans le texte, si le Sénat le souhaite, car nous travaillerons, une fois de plus, en co-construction. Le Gouvernement donnerait un avis favorable à de tels amendements. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Très bien !
Politique industrielle
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise sanitaire a souligné notre défaillance dans des secteurs productifs cruciaux. Je pense à la pénurie de masques, de gants, de matériels pour les professionnels de santé, en début de pandémie.
En octobre, on comptait trente plans de licenciement par semaine ; 657 ont été déployés entre le 6 mars et le 22 novembre, et le pire est à venir. Entendu ce matin par la commission des affaires économiques, Patrick Artus évoque un « bain de sang ». Pourtant rien n'a été exigé des entreprises qui reçoivent des milliards d'euros.
Michelin va supprimer 2 300 emplois, General Electric menace 800 emplois pendant que son PDG s'octroie un bonus de 47 millions de dollars ! Nous avons besoin d'un État stratège pour réduire notre dépendance industrielle.
Madame la ministre, quelle est votre feuille de route nationale et européenne ? Quelle est votre stratégie concernant l'avenir des Chantiers de l'Atlantique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie . - Le Président de la République a fait de la reconquête industrielle un marqueur de son action, après un million d'emplois industriels détruits entre 2000 et 2016.
Depuis, en 2017, 2018 et 2019, les créations d'emplois ont repris grâce à une politique déterminée et efficace. Nous agissons, avec le Président de la République et Bruno Le Maire. L'industrie est l'une des priorités du plan de relance, avec 35 milliards d'euros sur les 100 milliards.
Il y a des conditions : nous accompagnons les entreprises qui produisent et investissent en France. Nous accompagnons 800 entreprises avec 800 millions d'euros en échange de projets concrets. Et 6 500 entreprises seront accompagnées dans la numérisation.
Nous agissons avec les filières et les entreprises ; c'est ainsi que nous créerons à nouveau des emplois industriels.
Stratégie vaccinale (IV)
Mme Françoise Dumont . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans son désormais habituel point du jeudi soir, le Premier ministre a annoncé la liste des départements soumis au couvre-feu à 18 heures dès dimanche.
Le Var était exempté. Mais samedi, coup de théâtre : il y était intégré, avec la Drôme...
M. Jean Castex, Premier ministre. - Eh oui !
Mme Françoise Dumont. - Le nombre de vaccinés piétine - un million à la fin du mois ; 15 millions, les plus fragiles, à l'été, alors que l'Angleterre atteindra ce seuil à la mi-février ! Hier, seules 2 925 doses avaient été distribuées dans le Var, pour 1 076 000 habitants.
Vous maintenez les élus dans le flou sur les livraisons, sans tenir compte de leurs mains tendues. (M. le Premier ministre le conteste.)
Les touristes auront peur de se rendre dans les territoires les plus touchés. L'économie du Var, deuxième département touristique de France, sera mise à mal. Votre lenteur pourrait signer l'acte de décès de ce secteur si les chiffres de vaccination ne sont pas bons.
Pourquoi ne pas vous appuyer sur les élus locaux et l'intelligence des territoires pour fixer un objectif de vaccination plus ambitieux pour l'été ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Venez avec moi sur le terrain, vous verrez que les élus locaux, de tout bord, sont souvent plus contributeurs qu'on le dit à Paris, y compris dans le Var ! Je pense en particulier aux territoires du Haut-Var, où je me suis rendu récemment pour rencontrer la cellule de coordination départementale. Un maire recrute des médecins, un autre met à disposition des véhicules pour transporter des personnes âgées isolées vers un centre de vaccination. Ils me demandaient s'ils avaient le droit de le faire ; je leur ai répondu que nous ne sommes pas si jacobins qu'il faille demander une autorisation aux autorités nationales !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Heureusement !
M. Olivier Véran, ministre. - Il y a un décalage entre ce que vous percevez et ce que nous construisons sur le terrain. Vous pouvez participer aux cellules départementales ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
La répartition des doses de vaccins se fait au prorata de la population. Seule entorse à ce principe, les 50 000 premières doses du vaccin Moderna qui sont destinées au Grand-Est, à la Bourgogne Franche-Comté et aux Alpes-Maritimes, les territoires les plus touchés.
Je serai bientôt à Troyes pour rencontrer M. Baroin. Je suis en contact permanent avec l'AMF, l'ARF, l'ADF et France urbaine. J'étais récemment en conversation avec M. Rottner pour évoquer les modalités d'intervention des régions, en parfaite harmonie avec l'État, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Avenir de l'usine de nickel du Sud en Nouvelle-Calédonie
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à cette question mon collègue Gérard Pouadja. En Nouvelle-Calédonie, à la suite de la réduction de l'écart de voix entre indépendantistes et non indépendantistes, Vale a décidé de vendre son usine du Sud. La situation s'est enflammée et rappelle les heures graves des années 1980. L'État doit intervenir au plus haut niveau afin d'instaurer un dialogue ouvert pour la reprise de l'usine.
La situation semble avoir évolué car le Gouvernement s'impliquerait plus fortement. Une prise de contrôle temporaire de l'État au capital de Vale serait une bonne piste pour obtenir un consensus politique et industriel. En dépendent le maintien de 3 000 emplois, la paix civile, l'activité économique, mais aussi le dialogue politique entre indépendantistes et non indépendantistes, essentiel dans le cadre de la préparation du troisième référendum d'autodétermination prévu par l'accord de Nouméa.
Comment le Gouvernement entend-il organiser l'implication de l'État dans le dossier de reprise de l'usine du Sud ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean Castex, Premier ministre . - Je suis directement ce dossier, avec le concours actif de Sébastien Lecornu. Le nickel est en effet un secteur hautement stratégique. L'usine de Vale est en cours de cession, un seul repreneur est en lice. L'État intervient déjà massivement avec 500 millions d'euros de prêts, des garanties et des défiscalisations.
Ce projet de reprise a conduit à des troubles très graves début décembre. La réponse des forces de l'ordre et de la justice a été claire et très bien conduite. Il y a eu cependant, malheureusement, des dégradations. Certains, pourtant indépendantistes, ont demandé la nationalisation de l'usine ! Ils ont aussi bloqué une seconde usine, celle de SLN (Société Le Nickel), dont l'État est actionnaire minoritaire via Eramet, qui est désormais au bord de la faillite : 10 000 emplois y sont menacés.
Nous recherchons toujours la voie du dialogue. Le ministre de l'outre-mer a passé trois semaines en Nouvelle-Calédonie à l'automne. Le sujet du nickel était sur la table des négociations et de l'échéancier.
En novembre et en décembre, l'État a avancé des propositions pour faire évoluer l'offre de l'entreprise. Les discussions se poursuivent.
Mais pour pouvoir dialoguer, il faut réunir les conditions du dialogue et l'on ne dialogue pas sous la menace. La paix civile n'est pas négociable. Les décisions de justice pour condamner les casseurs doivent être respectées et appliquées.
Tout le monde doit se tenir autour de la table. Nous devons résister à la tentation de se référer aux années 1980 : trente années de rééquilibrage sont passées par là. Aujourd'hui, la moitié de la population du Caillou a moins de 30 ans !
Il ne s'agit pas de revenir sur le passé mais d'inventer une solution politique nouvelle pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie dans la République. Vous pouvez compter sur l'engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 45.
Missions d'information (Nominations)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la mission d'information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d'activités et de la mission d'information sur l'évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d'une partie des Français.
Conformément à l'article 8 du Règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques ont été publiées.
Elles seront ratifiées s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols.
Mme Gisèle Jourda, rapportrice de la commission d'enquête . - Ce débat fait suite aux travaux de la commission d'enquête sur la pollution des sols. Elle a constitué une réponse au mutisme et au manque de réactivité des autorités après les inondations de la vallée de l'Orbiel en octobre 2018. Je les avais interpellées en vain sur le sort des habitants et des élus, laissés sans solution face au risque sanitaire et écologique lié à une dérive d'arsenic provoqué par les inondations.
Cet exemple n'est pas un cas isolé : collèges bâtis sur des terres polluées dans le Val-de-Marne, terres agricoles contaminées au plomb et au cadmium dans le Gard et le Pas-de-Calais, pollution au mercure en Guyane... Hélas, la lutte contre la dégradation des sols et ses effets ne constitue pas une priorité des pouvoirs publics.
Aussi, je remercie le groupe SER d'avoir accepté la création d'une commission d'enquête sur le sujet. Ces travaux étaient nécessaires ; aucun territoire n'est épargné.
La commission d'enquête a émis pas moins de cinquante propositions, autour de six axes, pour refonder la politique de gestion des sols pollués.
Elle a d'abord souhaité une amélioration de l'information sur la pollution des sols, par analogie avec les règles applicables sur l'air et sur l'eau. Elle réclame l'affirmation d'un droit à l'information, l'établissement d'une cartographie nationale des risques et une enveloppe de 50 millions d'euros pour achever le diagnostic et l'inventaire des sols sur lesquels sont implantés crèches et établissements scolaires. Je regrette la suppression des 50 millions d'euros votés à cet effet par le Sénat en projet de loi de finances dans la mission « Écologie ». Quel est le soutien envisagé par l'État pour les collectivités territoriales confrontées à cette problématique ?
La commission d'enquête recommande également la création d'un véritable droit de la protection des sols, avec une définition de cette pollution dans le code de l'environnement, et la fin de l'asymétrie entre code de l'environnement et code minier s'agissant de la responsabilité des exploitants en matière de gestion des risques, en ajoutant dans ce dernier la santé publique comme objectif des entreprises minières.
Nous appelons en troisième lieu à renforcer la surveillance des installations industrielles et minières, actuellement limitée à la naissance et à la cessation de l'activité. Il convient d'améliorer les contrôles en l'absence de déclaration de cessation d'activité et d'instaurer une surveillance régulière des sites à risque.
Le quatrième axe concerne l'amélioration de la gestion et de la prévention des risques avec la création de structures départementales et l'introduction d'un volet d'alerte, de protection et de soutien à la population dans le plan de sauvegarde de toute commune comptant un site recensé sur Basol.
Il faut également améliorer la prévention et la réparation du préjudice écologique par un mécanisme de garantie financière.
Enfin, nous souhaitons que les friches minières soient mobilisées dans le cadre de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols et l'étalement urbain, en facilitant la mise en oeuvre de la procédure du tiers demandeur et en créant un fonds pour la reconversion des sites orphelins et de ceux dont le propriétaire ne peut assurer les travaux de dépollution. Les collectivités territoriales héritant de friches polluées doivent être aidées. Le fonds de reconversion du plan de relance n'est pas assez ciblé. Le Sénat avait voté la création d'un tel fonds dans le plan de relance lors de la dernière loi de finances, hélas écarté en nouvelle lecture.
Je remercie mes collègues, ainsi que président Lafon, pour la qualité des débats et l'excellent état d'esprit qui a présidé à nos travaux.
Nous avons tous partagé le même terrible constat et proposé des mesures d'envergure pour nos territoires. J'espère que notre débat mobilisera les pouvoirs publics au-delà des réponses ponctuelles. Il faut une politique ambitieuse pour protéger nos concitoyens : une loi s'impose.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - « Être contemporain, c'est avoir conscience de ses héritages, consentis ou contestés », écrivait René Rémond. La pollution est un héritage dont nous nous serions bien passés. Lié à l'industrialisation rapide du pays, il a creusé notre dette environnementale. De fait, l'écologie a longtemps été le parent pauvre des politiques publiques.
La France compte quelque 320 000 anciens sites d'activités industrielles ou de services et près de 3 000 anciens sites miniers. Il faut faire face à cet héritage et changer les règles ; cela relève d'un impératif de santé publique et de développement durable. Aussi, je vous remercie pour votre implication sur le sujet.
La première mesure à prendre, le B.A.-BA, est la prévention.
L'État exerce avec diligence son pouvoir de police et de contrôle des installations. Mon ministère effectue près de 18 000 contrôles par an, chiffre appelé à augmenter de 50 % d'ici la fin du quinquennat. Parfois, les contrôles ne suffisent pas et les pouvoirs publics doivent se tourner vers les exploitants en application du principe pollueur-payeur.
Les exploitants d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont soumis à des obligations que l'État vérifie. Au total ce sont 800 ICPE susceptibles de causer des pollutions importantes qui font l'objet de garanties financières, pour 650 millions d'euros provisionnés et mobilisables.
S'agissant des mines, l'existant ne suffit pas, d'où la réforme du code minier dont j'ai décidé de profiter pour faire évoluer la réglementation. Ainsi, la responsabilité de la maison mère pourra être invoquée même si la filiale est fermée ou insolvable. Nous étendons également la responsabilité résiduelle des exploitants jusqu'à trente ans après la cessation des travaux miniers.
Faire face à cet héritage nécessite d'assurer la mémoire des sites et la transparence. Aussi, mon ministère a mis à disposition du public des outils, comme la liste Basias qui recense plus de 300 000 terrains.
Cela permet également de lutter contre l'artificialisation des sols, véritable bombe à retardement pour la biodiversité. Pour offrir aux friches une nouvelle vie, le plan de relance prévoit, dans le cadre d'appels à projets lancés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), une enveloppe de 300 millions d'euros, dont 40 millions d'euros sur deux ans pour la reconversion d'anciens sites miniers. Ce travail de fond durera aussi longtemps que nécessaire.
Faire face à cet héritage demande aussi de parer aux urgences quand une pollution menace de s'étendre. De nombreuses pollutions historiques sont antérieures à la prise de conscience écologique. L'Ademe traite en urgence une vingtaine de sites par an.
L'État assume ses responsabilités pour protéger les populations, réparer le passé et préparer l'avenir. Nous viendrons à bout de cet héritage contesté et laisserons à nos enfants une terre plus propre que celle que nous avons trouvée. Je partage votre combat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Maryse Carrère . - Si la nécessité de la préservation de l'environnement est largement partagée, la pollution des sols est le parent pauvre de cette politique.
Le Gouvernement a prévu d'y consacrer 300 millions d'euros ; cela sera largement insuffisant compte tenu des dégâts constatés sur nos territoires : sols pollués plus que de raison, impossibilité d'appliquer le principe pollueur-payeur en raison de la disparition ou de l'insolvabilité de l'exploitant. Finalement, la charge revient aux collectivités territoriales qui n'en ont pas les moyens. J'ai en tête l'exemple du site exploité à Pierrefitte-Nestalas par la société Penarroya.
Que compte faire le Gouvernement, après s'être opposé aux 50 millions d'euros de crédits votés par le Sénat ? Irez-vous chercher la responsabilité de la maison mère quand la filiale est défaillante ? Comment faire payer les pollueurs ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - La réforme du code minier inscrite dans le projet de loi relatif au climat et à la résilience améliorera la concertation dès les premières étapes de la procédure et prendra en compte les enjeux environnementaux en post-exploitation.
Les sanctions seront renforcées pour s'harmoniser avec les obligations pesant sur les ICPE dans le code de l'environnement. La police résiduelle sera portée à trente ans pour rechercher la responsabilité des exploitants jusqu'à la maison mère en cas de nouveaux désordres. Cette réforme favorisera une meilleure gestion de l'après-mine.
M. Pascal Savoldelli . - J'ai participé à la commission d'enquête. Mon département du Val-de-Marne a souffert de la désindustrialisation engagée à une époque où les entreprises n'avaient aucune obligation forte en matière de dépollution.
Une loi fondatrice est nécessaire, comme sur la pollution de l'air et de l'eau. Les questions sanitaires et écologiques ne peuvent se résumer au principe pollueur-payeur ou à un fonds doté de seulement 4 millions d'euros en crédits de paiement quand le Sénat proposait 25 millions d'euros.
J'ai trois exemples en tête dans mon département. Le collège Saint-Exupéry à Vincennes est fermé depuis 2017 en raison d'une pollution au trichloréthylène antérieure aux années 1960 ; la dépollution coûterait 17 millions d'euros. Le collège Audin, à Vitry, doit faire l'objet d'une dépollution pour un coût de 8 millions d'euros avant même son ouverture. Le collège Assia Djebar, à Ivry-sur-Seine, enfin, ne peut ouvrir en raison de taux de mercure au-dessus des normes. La pollution empêche les collectivités territoriales d'accomplir leur mission d'accueil des élèves.
Que compte faire le Gouvernement pour régler ces situations impossibles pour les collectivités territoriales, les collégiens et leurs parents ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Une loi sur la pollution des sols serait un beau sujet. Le projet de loi climat et résilience prévoit une aggravation des sanctions lorsque la pollution est due à une mauvaise gestion des déchets, jusqu'à dix ans de prison et à 4,5 millions d'euros d'amende.
Les cas cités ne seront pas traités de la même manière. À Vincennes, l'origine de la pollution est industrielle et remonte à plus de cinquante ans, à une époque où il n'existait pas de réglementation. La responsabilité de l'exploitant ne peut être recherchée ; le coût des travaux revient donc au conseil départemental du Val-de-Marne et à la commune de Vincennes. Un soutien de l'État pourrait être envisagé.
À Ivry-sur-Seine, la remise en état des terrains a été effectuée en 1994 selon les règles. Le préfet a émis des réserves sur le permis de construire, mais l'aménageur n'a pas respecté les préconisations ; il est donc responsable. Nous travaillons sur ces dossiers au cas par cas.
M. Pascal Savoldelli. - Si vous aviez accepté les 25 millions d'euros votés par le Sénat, madame la ministre, vous seriez plus crédible dans votre enthousiasme !
À Vincennes, les frais de dépollution s'établissement à 17 millions d'euros. Comment pouvez-vous dire que cela incombe au conseil départemental quand on connaît le coût de construction d'un collège ? Il y a un devoir de responsabilité à assumer ! L'entreprise a créé de la croissance sur ce site.
Je fais appel à votre responsabilité, madame la ministre.
Mme Sonia de La Provôté . - Ma question porte sur le financement de l'aménagement des sites pollués dans le cadre du plan de relance. La reconversion des friches est difficile, en raison notamment du coût de la dépollution, surtout quand il s'agit de construire des logements.
Le plan de relance représente une belle opportunité de développer ces projets. Hélas, le fonds de 300 millions d'euros géré par l'Ademe est réservé aux seules friches minières ou ICPE. Toute friche industrielle devrait être accompagnée par le plan de relance. Les obstacles administratifs et financiers devraient être levés, d'autant qu'un risque de sous-consommation des crédits existe dans certains départements.
Ne faut-il pas prioriser les projets déjà engagés et élargir les critères d'attribution ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Les friches représentent un important gisement foncier contribuant à la stratégie zéro artificialisation nette et un enjeu majeur pour la reconquête des territoires et la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Le fonds précité de 300 millions d'euros comprend 40 millions d'euros pour les friches minières et les ICPE et 260 millions d'euros pour le recyclage foncier, la revitalisation des coeurs de ville ou les friches non minières ou les ICPE qui resteraient déficitaires. Cette seconde enveloppe sera décentralisée et utilisée selon un cahier des charges fixé par le préfet de région.
Les opérations de mise en conformité et de simple démolition décorrélées d'un projet global ne sont, en revanche, pas concernées. Mais la liste est tout de même large et le collège de Vincennes devrait candidater.
Mme Sonia de La Provôté. - Le coût de la dépollution des anciennes installations portuaires augmente considérablement, surtout si un projet de logements est concerné. Les 260 millions d'euros seront surtout réservés aux projets Petites villes de demain. Ce n'est pas à la hauteur pour les sites portuaires, qu'il faut inclure dans un accompagnement global.
M. Étienne Blanc . - Les techniques de dépollution des sols consistent à excaver, transporter les terres, les traiter puis les stocker. Or des techniques beaucoup plus douces existent, notamment au Québec. Je songe à la phytoremédiation, qui consiste à planter des végétaux et des arbres dont le système racinaire capte les métaux lourds et les résidus acides et pétroliers.
Plusieurs entreprises françaises s'y sont intéressées et ont participé à des programmes de recherche sous l'impulsion d'un universitaire de Franche-Comté. Une filière pourrait émerger.
Le Gouvernement envisage-t-il des appels à projet pour développer cette technologie douce, qui nécessite une grande anticipation puisqu'il faut tenir compte du temps de pousse des végétaux ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Le sujet des phytotechnologies m'intéresse beaucoup. Elles sont en général utilisées in situ sur différents sols, en complément des techniques conventionnelles. Elles sont conformes aux enjeux du développement durable. Des projets existent sur de nombreux sites.
L'Ademe et l'Ineris ont rédigé un guide sur l'état de l'art en 2016. À Saint-Laurent-le-Minier, l'agence a soutenu un projet en ce sens. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le CNRS conduisent des travaux de recherche pour améliorer ces techniques. Enfin, l'Ineris prépare pour la fin de l'année un retour d'expérience sur les phytotechnologies.
Nous sommes conscients du potentiel de ces alternatives.
M. Franck Menonville . - Le plan de relance prévoit 300 millions d'euros pour la réhabilitation des sols pollués, dont 40 millions d'euros pour la reconversion des friches. Un appel à projets a d'ores et déjà été lancé par l'Ademe en novembre dernier.
Le financement reste une problématique majeure, notamment dans le Grand Est où de nombreuses friches subsistent.
Dépolluer et réhabiliter les sites fait partie des propositions de la commission d'enquête, dont je salue le travail. Les incitations fiscales et la création d'un fonds spécial sont des propositions particulièrement intéressantes. Il faut les étudier, car le fonds du plan de relance, certes encourageant, ne sera pas suffisant.
Le lien avec la lutte contre l'artificialisation des sols est nécessaire : réhabiliter une friche permet d'éviter la consommation d'espaces nouveaux.
Quels financements seront consacrés à la dépollution des sols à l'issue du plan de relance ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Chaque année, l'Ademe lance plusieurs appels à projets. De 2010 à 2019, l'agence a soutenu 130 projets de conversion pour un coût de 42 millions d'euros.
Dans ce cadre du plan de relance, 300 millions d'euros sont prévus. Un premier appel à projets a été lancé début novembre 2020. Après le premier retour d'expérience, un état des lieux des besoins financiers sera réalisé.
Je suis favorable à un dispositif pérenne, mais la question de son financement n'est pas résolue. La députée Sandra Marsaud préside un groupe de travail qui nourrira la réflexion sur l'équilibre économique de ces opérations, peut-être par une proposition de loi.
M. Joël Labbé . - Les sols constituent une ressource inestimable, mais sous-estimée. Ils n'ont pas seulement un rôle nourricier ; ils abritent une part importante de la biodiversité. Je salue donc l'initiative de notre collègue Gisèle Jourda.
La loi de finances pour 2021 prévoit qu'une part de la taxe départementale d'aménagement des espaces naturels sensibles (ENS) finance la dépollution. Cela me semble relever d'un choix politique au vu du coût élevé de ces opérations.
De plus, les dépenses des départements sont très sollicitées par la crise, ce qui risque d'obérer leurs capacités à alimenter les fonds pour la biodiversité. Le rapport du Sénat propose des mécanismes de financement de dépollution. Comment s'assurer que la dépollution ne se fera pas au détriment des ENS ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Je ne le souhaite évidemment pas ! Les ENS ne perdront pas leurs financements. La dépollution des friches est financée par le plan de relance, qui contient d'autres enveloppes dédiées à la biodiversité. Ces enveloppes ne sont pas fongibles a priori.
Les départements utiliseront leurs fonds comme ils le souhaitent. Nous avons recensé, avec les préfectures, les projets des collectivités éligibles pour améliorer la planification. Les contrats de relance et de transition écologique intégreront aussi des mesures de protection de la biodiversité.
Nous souhaitons dépolluer et réhabiliter les friches industrielles tout en préservant la biodiversité. À titre d'exemple, nous avons lancé un projet de plantation de 7 000 kilomètres de haies, pour 50 millions d'euros inscrits au plan de relance.
M. Joël Labbé. - Je vous remercie de la précision de vos réponses. Je sais votre attachement à la biodiversité ; nous serons derrière vous pour vous soutenir dans les arbitrages.
Au niveau européen, la France doit jouer son rôle dans l'élaboration de la directive Sols.
Enfin, un mot pour vous inciter à écouter les élus - notamment mon collègue Jacques Fernique - concernant le projet de stockage StocaMine.
Mme Patricia Schillinger . - Compte tenu de notre histoire industrielle et minière, de nombreux sols de notre territoire sont pollués. C'est une menace pour la santé des habitants et des territoires ; or cette pollution ne fait pas l'objet de la même attention que celle de l'air et de l'eau.
Dans mon département du Haut-Rhin, les communes de Wittenheim et Sierentz ont hérité de sites très pollués par des exploitants de l'industrie chimique depuis disparus. Les élus locaux ne disposent pas toujours des informations nécessaires.
Il convient d'être transparent sur les risques sanitaires, mais aussi d'accompagner les acteurs publics dans la reconversion. Comment clarifier le rôle de chacun dans la dépollution des sols ? Que faire pour les pollutions sur terrains privés dont héritent les collectivités ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - La pollution des sols est dramatique quelle que soit son origine. Dans le cadre du projet de loi climat et résilience, nous allons renforcer les sanctions en cas de mauvaise gestion des déchets : jusqu'à dix ans de prison et 4,5 millions d'euros d'amende.
L'État peut, en cas de menaces graves, prendre en charge la dépollution d'un site ; mais dans un projet de reconversion urbaine, l'exploitant ou l'aménageur est responsable.
L'Ademe peut assurer la mise en sécurité d'un site ICPE quand l'exploitant est défaillant ou en cas de menace grave pour la population. L'Agence régionale de santé (ARS) peut demander que la mise en sécurité inclue le relogement temporaire ou définitif des riverains. Depuis 1999, 550 interventions de mise en sécurité ont été conduites. Pour un budget annuel de 18 millions d'euros, l'Ademe autorise environ trente interventions par an. Quatre-vingts sites identifiés par les Dreal feront l'objet d'interventions prochaines. L'agence aura les moyens de les mener.
Mme Patricia Schillinger. - Les élus réclament la désignation d'un donneur d'ordre. Il faut un comité de pilotage et des expertises pour déterminer ce qui peut être fait. Je connais votre détermination et sais pouvoir compter sur vous.
M. Joël Bigot . - Le rapport de la commission d'enquête est un modèle du genre.
Cela fait dix ans que nous attendons une refonte du code minier. Un projet de loi a été rédigé, mais nous nous dirigerions vers des ordonnances, malgré l'implication des parlementaires. Ce serait regrettable...
Je crois à la reconversion des sols pollués pour une meilleure circularité de l'économie, mais les termes de « sols pollués », de « friches » et de « réhabilitation » ne sont pas définis dans le texte. Allez-vous, comme le rapport le recommande, clarifier ces notions pour mieux dégager la chaîne de responsabilité, éviter un droit mou et sécuriser juridiquement le dispositif ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - La réforme du code minier sera intégrée au projet de loi relatif au climat et à la résilience. Des ordonnances sont effectivement prévues pour avancer plus rapidement sur certains aspects, mais les dispositions les plus sensibles figureront bien dans le texte et pourront donc être amendées.
L'article L. 173-3 du code de l'environnement fait référence à la pollution des sols. Le juge pénal est à même de qualifier la notion. L'article 57 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) précise les notions de réhabilitation et de remise en état. Enfin, la définition de friche existe aussi. Nous verrons s'il convient d'apporter des clarifications supplémentaires.
M. Joël Bigot. - Il est bon de savoir de quelle boîte à outils nous disposons pour réhabiliter les six mille sites qui défigurent nos villes et nos paysages. Nous resterons vigilants.
M. Jean-Pierre Moga . - Notre commission d'enquête a révélé l'enjeu négligé et sous-estimé de la pollution des sols sur la santé et l'environnement. Je remercie Laurent Lafon et Gisèle Jourda pour leur investissement.
La commission d'enquête identifie la dépollution des sols comme un impératif écologique majeur et établit six axes d'action.
Elle propose notamment la création d'un fonds pour la réhabilitation des sites orphelins et de ceux pour lesquels les financements ne sont pas suffisants. Le financement est le nerf de la guerre. Le Gouvernement prévoit-il un tel fonds qui existe dans d'autres pays ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Dans le cadre du plan de relance, 300 millions d'euros sont affectés à la dépollution. Nous verrons si des financements supplémentaires sont nécessaires. Ensuite, nous pourrons étudier la création d'un tel dispositif. Là où le foncier est cher, les besoins sont moins importants.
Concernant l'alimentation du fonds, nous pourrions envisager une fiscalité sur l'artificialisation des sols ou sur les produits et les activités polluantes, ou encore une dotation budgétaire comme celle dont bénéficie l'Ademe.
Nous étudierons les différentes pistes, mais il convient d'abord d'étudier les besoins.
M. Jean-Pierre Moga. - M. Savoldelli a évoqué le cas d'un collège à Vincennes, Gisèle Jourda la catastrophe de la vallée de l'Orbiel. Sans un tel fonds, il sera impossible de dépolluer tous les sites concernés.
Je ne suis pas favorable à la taxation des industries polluantes, déjà soumises à d'importantes contraintes. Je préfère une fiscalité plus générale.
Mme Sabine Van Heghe . - Je remercie Gisèle Jourda pour la qualité de son rapport et souligne le consensus de notre commission d'enquête.
Il faut mettre fin aux asymétries entre code minier et code de l'environnement en ce qui concerne la responsabilité des exploitants.
Le rapport propose l'extension aux exploitants de sites miniers de l'obligation de constitution de garanties financières pour la remise en état de la mine après fermeture ; l'intégration de la protection de la santé publique dans les intérêts protégés par le code minier ; l'extension aux sites miniers de la possibilité de rechercher la responsabilité de la société mère en cas de défaillance éventuelle de la filiale exploitante ; l'intégration des travaux miniers dans l'autorisation environnementale afin d'harmoniser les procédures administratives d'instruction, de contrôle et de sanction entre les sites miniers et les sites d'ICPE ; l'extension pour une durée de trente ans des conditions d'exercice de la police résiduelle des mines après l'arrêt des travaux afin de permettre à l'État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d'apparition de nouveaux désordres et dommages.
Nous attendons la réforme du code minier depuis plus de dix ans. Sa refonte est annoncée dans le projet de loi climat que nous examinerons au printemps prochain. Quel sera le sort de nos propositions ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Le principe d'une réforme du code minier a été annoncé en mai 2019. Cette réforme sera intégrée au projet de loi Climat et résilience : il s'agira d'améliorer les dispositifs de concertation, de prendre en compte les enjeux environnementaux dès les premières étapes de la procédure - le projet de Montagne d'or n'aurait pas passé ce cap - de renforcer les sanctions de l'après-mine. Vos propositions seront soumises au débat parlementaire et pourront faire l'objet d'amendements.
Mme Sabine Van Heghe. - Cela fait trop longtemps que nous attendons cette réforme. Nous comptons sur vous et sur les débats parlementaires.
Mme Sabine Drexler . - La Suisse a mis en place un programme de traitement des polluants, nous nous contentons en France de les confiner, laissant à nos enfants ce cadeau empoisonné. C'est le cas en Alsace, à Sierentz et à Colmar.
Après la faillite de l'entreprise en 1996, nos voisins suisses ont achevé la dépollution du site pollué par le Lindane, insecticide fabriqué jusqu'en 1974, pour un coût évalué à 250 millions d'euros. À Bonfol, en Suisse, la dépollution a coûté 400 millions d'euros. Du côté de Colmar, on s'est contenté d'une couverture étanche du site mais la surveillance mise en place démontre que la zone polluée ne cesse de s'agrandir.
Comptez-vous mener une politique d'élimination complète des polluants en allouant des moyens financiers nécessaires, comme l'ont fait nos voisins ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - La Commission européenne a mandaté un consortium pour réaliser un inventaire des sites ayant utilisé du Lindane. La France a répondu début décembre 2020.
Dans le Haut-Rhin, les sites de PCUK à Sierentz et Wintzenheim sont concernés. À Wintzenheim, 700 à 750 tonnes de déchets ont été entreposés dans les années 1970 et la couverture en place n'empêche le Lindane d'entrer en contact avec les eaux souterraines. Le montant total engagé est de 1,4 million d'euros et l'Ademe veille à limiter les risques de pollution. J'aurai plus d'informations dans les prochains jours.
Mme Sabine Drexler. - Pour les Suisses, ces assainissements sont une priorité absolue car ils savent que les coûts d'une pollution sont bien plus importants. Ils connaissent bien le dossier de StocaMine qui met en péril la plus grande nappe phréatique d'Europe ! Lorsque la pollution se déclarera, les Alsaciens seront empoisonnés, mais aussi les Suisses et les Allemands. En prenant les bonnes décisions, vous pourrez passer des paroles aux actes.
M. Jean-Jacques Michau . - Je salue le travail de la commission d'enquête. Les risques décrits touchent tout le territoire français. En Ariège, les industries textile et métallurgique, mais aussi l'extraction minière ont laissé de nombreuses friches. L'inventaire de 2003 répertoriait plus de 1 400 sites.
Aucun outil ne permet de disposer de toutes les données : il faut donc améliorer l'information. C'est un enjeu de confiance dans l'action publique. L'État devrait se doter d'une base de données lisible et accessible à tous les acteurs.
Pouvez-vous nous préciser ce que le Gouvernement entend mettre en oeuvre en matière d'information sur les sols français ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Vous avez raison : l'information doit être accessible pour tous. Le ministère est transparent depuis de nombreuses années, avec ses trois bases de données : Basias, Basol et SIS. Les deux premières concernent des sites suivis par l'inspection des installations classées, mais ne comprennent pas les sites et sols pollués ou potentiellement pollués par l'agriculture, les activités économiques ou encore les transports.
Je souhaite une meilleure coordination. Une nouvelle base InfoSols, opérationnelle depuis octobre, devrait permettre une meilleure communication auprès du grand public, garantir la transparence et améliorer la localisation. C'est un bon point de départ.
M. Laurent Burgoa . - Je remercie nos collègues pour le travail mené. Le rapport du Sénat propose la création d'un fonds de réhabilitation des sites et sols pollués pour prendre en charge de dépollution des sites orphelins et venir en aide aux collectivités qui n'ont pas les moyens d'entreprendre seules ces travaux. L'élargissement du projet de loi Climat à la réforme du code minier ne doit pas évacuer la question de l'après-mine. De Saint-Félix-de-Pallières à Tornac dans le Gard, les conséquences sur la santé de nos compatriotes inquiètent.
Votre Gouvernement va-t-il soutenir cette proposition ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Comme je l'ai dit tout à l'heure, le fonds Friches doté de 300 millions d'euros figure dans le plan de relance. Il faut d'abord un retour d'expérience avant d'envisager éventuellement un fonds pérenne. Quelles seraient ses sources de financement ? Une taxation sur les entreprises, sur les polluants, ou une dotation budgétaire ? Pour répondre à toutes ces questions, prenons le temps.
M. Laurent Burgoa. - Le tribunal administratif de Nîmes a annulé le 21 décembre 2020 neuf arrêtés du préfet du Gard qui avait mis à la charge des communes des dépenses liées aux déchets miniers. Le juge considère donc qu'il s'agit d'une compétence étatique. Prenez vos responsabilités !
M. Fabien Genet . - Je salue le travail remarquable de la commission d'enquête.
À Digoin, en Saône-et-Loire, nous avons d'importantes friches industrielles, notamment en raison d'un riche passé industriel de la céramique. La pollution est une épée de Damoclès : mettre à la charge du repreneur le traitement de ces pollutions condamne l'activité et le site devient alors orphelin. Le fonds Friches ne pourrait-il pas aider les repreneurs éventuels ?
À Montceau-les-Mines, la dépollution après la fermeture de la centrale à charbon dans les années 2000 semble bloquée : comment l'État peut-il inciter le groupe à accélérer le processus ?
Enfin, les opérations d'aménagement butent souvent sur le coût de la démolition. Comment aider les communes ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Ces situations sont complexes. À Digoin, un arrêté va imposer un cautionnement et des garanties financières au repreneur. À Montceau-les-Mines, les travaux de remise en état seront prochainement encadrés par arrêté préfectoral ; le sous-préfet réunit régulièrement un comité de pilotage ; 70 % du site a été évacué et les travaux devraient s'achever en 2024.
La loi ALUR a instauré le dispositif du tiers demandeur : cette procédure de substitution présente de nombreux avantages, notamment en termes de garanties financières qui sécurisent les opérations de dépollution.
Mme Marta de Cidrac . - Les friches sont une opportunité pour nos territoires. La plaine de Carrières-sous-Poissy et de Chanteloup dans les Yvelines était l'une des plus grandes poubelles à ciel ouvert de l'Île-de-France, avec 25 hectares souillés par 26 000 tonnes de gravats et détritus en tous genres dont 900 tonnes ont pollué les sols. Il y a urgence à la dépolluer pour la réhabiliter. Les élus locaux sont mobilisés sur ce projet, dans une logique de développement durable. L'État s'y est associé au sein d'un comité de pilotage.
Comment l'État va-t-il accompagner ce projet ? Quel est le calendrier ? Qui payera ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Ce dépôt sauvage était une aberration. Une filière responsabilité élargie du producteur (REP) est prévue dans la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC).
De nombreux travaux sont en cours. Je salue le travail de tous les acteurs qui a permis l'émergence d'un projet de territoires. Nous verrons si le fonds Friches peut être sollicité.
Par ailleurs il faut renforcer les sanctions sur les dépôts sauvages.
Ces questions ne peuvent se résoudre que par des projets de territoires. Les contrats de relance et de transition écologique peuvent aussi mobiliser des financements. Je vous invite à vous rapprocher de mon ministère.
Mme Marta de Cidrac. - Dans la plaine d'Achères, il y a aussi un problème de dépollution que gère la commune de Saint-Germain-en-Laye.
M. Jean-François Husson . - Le sol doit être davantage pris en considération, avec l'air et l'eau, dans les politiques environnementales. Notre commission d'enquête recommande de mieux réparer les préjudices écologiques sur les sites pollués. Un plan d'action devrait ainsi être élaboré pour chacun d'entre eux. L'État veut imposer la norme du zéro artificialisation nette, mais il doit assumer ses responsabilités.
Dans la Meurthe-et-Moselle, un site fermé depuis six ans a laissé derrière lui un terril de 2 500.000 mètres cubes de cendres sur plus de 30 hectares, sans aucuns crédits pour le traiter une fois la centrale fermée. Ce scénario est aussi banal qu'affligeant.
La commune de Dieulouard en Meurthe-et-Moselle a hébergé pendant plus de 50 ans une usine de recyclage des huiles usagées. Le sous-sol du site est aujourd'hui souillé d'hydrocarbures et l'entreprise responsable a fait faillite. Qui paie ?
Comment l'État peut-il assumer ses responsabilités, combler les carences juridiques et créer un cadre juridique robuste et protecteur ?
Mme Barbara Pompili, ministre. - Nous avons dû évoluer car la réglementation ne prévoyait ni la dépollution, ni les atteintes à la santé publique.
Des garanties financières ont été instaurées en 2012 pour la mise en sécurité des installations susceptible de polluer.
Aujourd'hui, 5 500 sites, dont la moitié de carrières, sont soumis à ces garanties financières, pour un montant de 3,5 milliards d'euros.
Les préfets ont demandé une quinzaine de garanties financières auprès d'organismes de crédit pour environ 3 millions d'euros, pour des remises en l'état ou mises en sécurité de sites.
Nous devons tenir compte de l'existant et du passé.
Les fonds du plan de relance permettront de combler les manques de la réglementation.
M. Laurent Lafon, président de la commission d'enquête . - Je salue l'initiative de Gisèle Jourda pour faire la lumière sur l'enjeu de pollution des sols, encore largement sous-estimé. Nous avons défriché un sujet complexe et majeur pour la santé de nos concitoyens et l'attractivité des territoires.
Je remercie nos collègues de leurs enrichissements.
Madame la ministre, ne laissez pas les collectivités territoriales se débrouiller seules avec des sols pollués par des activités anciennes.
Les élus prennent souvent en charge des dépollutions dont les coûts sont exorbitants.
Un sol pollué est souvent une double peine.
Les sols pollués résultent souvent de pollutions historiques qui signent une activité disparue du fait de la désindustrialisation. Ainsi en est-il dans la vallée de l'Orbiel. Les collectivités territoriales n'ont pas les moyens d'assumer ces coûts, alors que l'exploitant a disparu.
Dans le Val-de-Marne, de nombreuses écoles sont construites sur des sols pollués. L'État ayant lui-même autorisé ces anciennes activités, il doit aider les collectivités territoriales.
L'expérience le montre : la coopération entre État, collectivités territoriales, citoyens et entreprises fonctionne.
Vous nous avez annoncé la réforme du code minier, attendue depuis longtemps. Mais il reste un désaccord juridique sur la définition que nous faisons de la pollution des sols.
Nous sommes à votre disposition pour enrichir le futur projet de loi et enclencher de nouvelles actions. Souvent, ce qui bloque, c'est l'absence d'assise juridique forte. Nous serons attentifs à vos réponses.
Lutte contre l'illectronisme et inclusion numérique
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport : « lutte contre l'illectronisme et inclusion numérique ».
M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen . - L'illectronisme ne disparaîtra pas d'un coup de tablette magique. Tel était le titre du rapport de Raymond Vall de la mission d'information sur l'illectronisme et l'inclusion numérique.
Le groupe RDSE a souhaité un débat sur les conclusions de ce rapport. L'illectronisme mérite qu'on s'y attarde, car c'est une nouvelle forme d'exclusion dans notre monde hyper-connecté.
La fracture numérique exacerbe les fractures économiques, sociales et territoriales, disait Sébastien Soriano, président de l'Arcep, il y a encore quelques jours.
L'illectronisme est la difficulté ou l'incapacité à utiliser les appareils ou les outils numériques. Synonyme de progrès et d'innovation, le numérique peut accroître les inégalités.
La mission d'information, après trois mois d'investigations et 31 auditions, a émis 45 propositions.
Commençons par le constat : quatorze millions de Français sont éloignés du numérique, un Français sur deux n'est pas à l'aise avec les outils numériques. On y trouve souvent les personnes en situation de handicap, les détenus, les aînés.
Or avec la dématérialisation généralisée des services publics, la maîtrise du numérique conditionne de plus en plus l'accès au droit. Cela fait économiser 450 millions d'euros à l'État mais laisse de côté trois Français sur cinq, incapables de réaliser des démarches en ligne.
Comme le dit Sébastien Soriano : « Tout s'est compliqué à partir du moment où l'on a commencé à fermer les guichets physiques. Or l'enjeu, c'est d'abord de s'adapter à la vie des Français en prenant en compte leurs usages qui, en effet, passent de plus en plus par les canaux numériques, mais pas exclusivement », d'autant que l'ergonomie des sites publics est à la traîne.
Souvent, certains renoncent à leurs droits ; 12 % des demandeurs d'emploi ne maîtrisent pas le numérique. Cela les freine dans leur accès au marché du travail, encore plus dans la période actuelle de télétravail.
Or nous manquons d'outils et de financements. Le Gouvernement a octroyé 10 millions d'euros en 2018, 30 millions d'euros en 2019 pour le déploiement du Pass numérique, fer de lance de sa stratégie nationale pour un numérique inclusif. Certes, 250 millions d'euros seront alloués sur deux ans pour la formation de quatre millions de personnes en situation d'illectronisme. Mais il faudrait 1 milliard d'euros pour rattraper le retard ! Cette somme serait rapidement amortie car la résorption de la fracture numérique engendrerait 1,6 milliard d'euros de bénéfices par an.
Le Pass numérique est intéressant car il déploie une offre de formation mais il a peu séduit.
La commission a formulé 45 propositions autour de sept axes. Il faut affiner l'étude de l'Insee en matière de numérique et systématiser l'évaluation. Il faut passer à une logique 100 % accessible, proclamer l'inclusion numérique comme priorité nationale, créer un fonds de lutte contre l'exclusion numérique.
Pour épauler les collectivités locales, il est nécessaire de couvrir tout le territoire de Hubs France connectée d'ici 2022. La stratégie nationale doit se déployer au plus près des besoins de chaque bassin de vie.
Il nous faut utiliser l'école et l'entreprise pour repérer l'illectronisme, construire une « éducation nationale 2.0 » et prévoir un test de repérage lors de la Journée défense et citoyenneté.
Un choc de qualification au numérique des salariés est nécessaire. La norme ISO 26000, relative à la responsabilité sociétale des entreprises, peut être mobilisée, ainsi que le mécénat de compétence ou encore un crédit d'impôt pour les TPE-PME. La crise a montré que, pour les entreprises, le numérique n'était plus une option mais une condition de leur développement, voire de leur survie. Nous devons donc les soutenir dans cette voie, sans oublier les artisans, commerçants et autoentrepreneurs qui peuvent se sentir isolés face à de tels défis.
L'aménagement numérique du territoire et l'équipement informatique sont indispensables, mais la formation est encore plus nécessaire.
Cette mission d'information appelle à des investissements massifs pour ne laisser personne au bord du chemin. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques . - Nous vivons une période de grande transition. À la fin du XIXe siècle, nos sociétés agraires sont devenues industrielles, avec des conséquences sur les rapports économiques, la société et les institutions.
Avec le numérique, la révolution technologique bouleverse toute l'économie. On le voit avec l'émergence de très grandes entreprises, mais c'est vrai aussi dans le domaine du travail, dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Le numérique est l'épine dorsale de notre économie et de notre société. Il remet même en cause la démocratie, comme l'illustre la récente suspension des comptes du président Trump.
Ces grandes transformations sont particulièrement violentes dans nos sociétés. Dans ces périodes de « clair-obscur », comme le dit Antonio Gramsci, il y a des opportunités, mais aussi des risques importants, notamment de fracturation de notre société. La mobilisation des gilets jaunes, le Brexit illustrent la montée de la colère d'une classe moyenne qui se sent délaissée.
Les pouvoirs publics ont l'obligation d'accompagner cette grande transition pour éviter que les « inutiles » se révoltent. Entre treize et quatorze millions de Français - un sur six - se sentent éloignés du numérique et un Français sur trois manque de compétences de base.
Cela s'ajoute aux inégalités d'accès aux services publics et privés. Durant le confinement, certains ne pouvaient même pas télécharger ou imprimer leur attestation de sortie. On comprend la différence de vécu entre ceux qui sont connectés et les autres.
Le problème fondamental n'est pas l'inégalité de droit, mais de grammaire. Certains ne comprennent plus comment ce monde évolue. C'est une question sociale mais surtout démocratique : tous les Français doivent être des citoyens émancipés et autonomes.
C'est pourquoi le Gouvernement a fait de l'inclusion numérique une priorité. Entre 2017 et 2020, le budget de l'inclusion numérique est passé de 350 000 euros à 250 millions d'euros - alors que le problème n'était pas nouveau !
Nous avons plusieurs objectifs : accompagner les personnes en difficulté et les collectivités territoriales, financer la formation et structurer le secteur de la médiation numérique. Nous devons déployer les politiques publiques et mettre en réseau tous les acteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et UC ; M. Éric Gold applaudit également.)
Mme Michelle Gréaume . - En octobre 2017, le comité Action publique 2017 prônait des services publics totalement dématérialisés pour économiser quelque 450 millions d'euros par an. Mais pour quel accès aux services publics ? Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, estimait que 20 % des Français ne pouvaient faire leurs démarches en ligne.
Selon l'institut CSA, 36 % des personnes âgées de plus de 60 ans dans les Hauts-de-France étaient en situation d'exclusion numérique en 2018.
Que devient alors le principe d'égalité d'accès aux services publics ?
Comment assurer un droit effectif aux aides sociales, alors que les plus précaires sont touchés par l'illectronisme ? Quelles sont les voies de recours ? Enfin, si l'école doit lutter contre celui des enfants, d'autres dispositifs doivent être déployés pour les autres catégories de population : les initiatives locales de médiation sont, en ce domaine, intéressantes.
La perspective dessinée par CAP 2022 de disparition à terme des accueils physiques pose problème. À cet égard, l'axe 2 du rapport est intéressant : la cohabitation permanente entre le numérique et l'accueil. Les citoyens ont besoin d'un accueil physique. Le Gouvernement prévoit-il une dématérialisation à marche forcée des services publics ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - La dématérialisation n'est pas forcément une mauvaise chose, notamment pour l'accès aux droits. Je m'explique : le patron de la CAF de Bayonne m'a indiqué voici un an que la dématérialisation des démarches d'actualisation des droits avait divisé par trois le taux de non-recours.
Je n'ai aucune difficulté à admettre que les gouvernements successifs sont allés trop vite dans la dématérialisation. Avant de se poser la question de l'équipement, il fallait former et insister sur la qualité de la dématérialisation.
Les sites internet sont trop compliqués, on s'y perd. Le travail du Gouvernement a été de déployer France Services pour plus de services publics, de toujours conserver un guichet physique, de réintroduire des numéros de téléphone - Amélie de Montchalin y est très attachée - et de simplifier le vocabulaire administratif des sites.
M. Jean-Marie Mizzon . - L'usage du numérique est devenu vital pour notre économie et notre société. Selon l'Insee, 17 % de la population est concernée par l'illectronisme, et 50 % ne sont pas à l'aise avec le numérique.
L'équipement des ménages explique parfois les inégalités. Le taux brut de non-équipement est de 8 % en zone urbaine mais de 13 % en zone rurale. Cela s'explique notamment par le coût des équipements et des abonnements. Le rapport d'information de Raymond Vall propose plusieurs axes d'amélioration, dont la création d'un fonds contre l'exclusion numérique pour financer un chèque équipement. Quelles solutions pour équiper les ménages modestes ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - L'exclusion numérique tient à trois éléments : la connexion, les usages et l'équipement.
Le Gouvernement a choisi de se concentrer sur les usages. Par le passé, de nombreux conseils départementaux ou régionaux ont financé l'acquisition de tablettes ou d'ordinateurs pour les élèves. Malheureusement, ces outils ont parfois été laissés de côté, voire mis en vente sur internet... D'où l'intérêt de s'intéresser d'abord aux usages, d'autant que les collectivités territoriales investissent déjà dans l'équipement et bénéficient en outre souvent de dons de matériel par les entreprises.
M. Éric Kerrouche . - La pandémie est un révélateur de nos faiblesses, comme celles de l'université. Le tout numérique a mis à nu les inégalités sociales ; la précarité des étudiants est aussi une précarité numérique.
Les digital natives, démotivés, ont décroché.
Peut-on envisager des forfaits préférentiels pour les étudiants ? Quelle formation au numérique pour enseignants et étudiants ?
La crise sanitaire a certes accéléré la transformation numérique des universités, mais dans l'urgence, sans réflexion critique sur l'acceptabilité.
Les drames récents de la jeunesse étudiante montrent que l'enseignement ne saurait se réduire à un espace virtuel, dans une solitude monacale.
Comment mettre la politique numérique de l'enseignement supérieur au service de l'avenir de la jeunesse ? En quoi consisterait, à vos yeux, une numérisation vertueuse de l'université ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Avec Frédérique Vidal, pendant le premier confinement, nous avons porté une attention particulière aux étudiants et notamment à leurs forfaits internet. Nous aurions souhaité que la connexion aux sites des universités soit exclue de la consommation mais le principe général de neutralité du Net interdit le zero rating.
Cette rentrée dématérialisée a été très difficile pour les étudiants. Nous devons trouver le juste milieu entre cours en présentiel et dématérialisation.
Les 4 000 conseillers numériques seront aussi là pour les étudiants.
M. Patrick Chaize . - Illectronisme et inclusion numérique sont à la croisée des chemins entre culture, social et aménagement du territoire.
Priorité a longtemps été donnée à la couverture numérique du territoire et non à la maîtrise des usages, souligne Raymond Vall. La fracture numérique est territoriale, mais aussi sociale et culturelle.
Quelles réponses aux défis de l'inclusion numérique ? Le rapport Vall a identifié un manque criant de médiateurs labellisés dans certains territoires, et un manque de clarté dans les différents labels.
On oublie trop souvent un acteur : il est cité à la proposition n°30 ; c'est La Poste - identifiée par tous, disposant d'un maillage territorial unique. Qu'attendez-vous pour en faire le bras armé d'une politique publique pour l'inclusion numérique ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Comment assurer le déploiement de la médiation numérique sur tout le territoire ? Les 250 millions d'euros du plan de relance visent à répondre au manque de médiateurs.
Nous doublons leur nombre en déployant 4 000 conseillers numériques sur le territoire. C'est un saut quantique !
Nous discutons avec plusieurs acteurs, dont Emmaüs Connect et le groupe La Poste qui souhaite faire de l'inclusion numérique un axe fort de sa politique des années à venir.
M. Pierre-Jean Verzelen . - Merci aux membres de la mission d'information.
Nous encourageons la formation au numérique mais nombre de nos concitoyens, vu leur âge, leur parcours de vie, leur situation individuelle, sont voués à rester à l'écart. Or ces gens ont besoin de services publics, il faut donc les accompagner. Les services publics doivent avoir une ligne téléphonique, avec au bout des gens qui décrochent.
Les collectivités territoriales vont assurer un certain nombre de services publics dans les maisons France Services - sans doute rendront-elles un excellent service, car elles ont la connaissance du terrain, mais un tel transfert de compétences devrait s'accompagner d'un transfert de moyens de l'État, or le compte n'y est pas : 30 millions d'euros seulement ! Une aide financière de l'État s'impose. Pourquoi ne pas transférer des agents de l'État ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Concernant l'enveloppe consacrée aux maisons France Services, je vous renvoie à Jacqueline Gourault...
Vous avez raison, la moitié des treize millions à quatorze millions de Français éloignés du numérique ne pourra être formée. Il faut donc garder des guichets ouverts, des lignes téléphoniques, développer le « faire à la place de ».
Nous avons mis en place des kits d'inclusion numérique et une partie des 250 millions d'euros ira à l'outillage numérique, notamment dans le cadre du dispositif Aidants Connect, qui permet de réaliser, de manière sécurisée, des opérations numériques à la place de ceux qui ne le peuvent, sans passer par les listes d'adresses e-mail, d'identifiants et de codes d'accès que doivent aujourd'hui constituer les travailleurs sociaux.
J'appelle à créer un grand service public du numérique assurant une mission de formation, s'appuyant sur l'Éducation nationale, pour les enseignants et pour les élèves, qui doivent apprendre à être critiques des contenus qu'ils rencontrent sur les réseaux sociaux. Il faut un investissement massif, qui s'appuie aussi sur l'éducation populaire.
Le secteur numérique doit être non une filière mais un service public, une construction citoyenne face à des multinationales aussi puissantes que des États mais guère soucieuses de démocratie.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Nous cherchons à structurer ce secteur en injectant de l'argent public. Si je parle de filière et non de service public, c'est que beaucoup d'acteurs interviennent : collectivités territoriales, associations, entreprises de l'économie sociale et solidaire...
Nous finançons, via la Banque des territoires, des hubs territoriaux pour un numérique inclusif qui outillent les acteurs et les mettent en relation. Nous travaillons à des standards pour évaluer l'illectronisme ; ainsi nous avons investi dans Aptic et dans la coopérative La MedNum et nous finançons des conseillers numériques qui seront embauchés non par l'État mais par les collectivités ou par Emmaüs Connect.
Le rôle de l'État n'a pas été de faire mais de mettre en relation. Le numérique est une grammaire qui s'apprend, et il faut former les jeunes.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Je ne demande pas des milliers de postes de fonctionnaires et je ne méconnais pas le rôle des acteurs associatifs et de l'ESS, mais l'Éducation nationale doit servir de cadre, y compris hors du temps scolaire, pour éduquer au numérique, aux outils et aux contenus. L'investissement n'est pas encore à la hauteur.
Mme Nadège Havet . - La captation de notre attention, ressource très prisée, a un coût cognitif pour les usagers et un coût écologique pour la planète, ai-je dit hier lors du débat sur l'empreinte environnementale du numérique. Il y a l'excès - et l'insuffisance.
Le travail de Raymond Vall rappelle que le Sénat est aussi la chambre du numérique, indissociable de l'aménagement du territoire.
Jean-François Lucas, sociologue de la ville numérique, souligne que le confinement et la crise actuelle n'ont fait qu'accélérer la place prise par le numérique dans notre société et amplifier les risques d'exclusion.
L'illectronisme, qui a des conséquences dévastatrices sur le pacte social, a longtemps été sous-estimé. Priorité a été donnée à la couverture numérique du territoire et non à la maîtrise des usages.
Où en est-on du déploiement des référents numériques dans les intercommunalités, et de la formation des médiateurs numériques et médiateurs sociaux au numérique ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Vous évoquez la dérégulation du marché cognitif. Je vous conseille à ce sujet la lecture du livre de Gerald Bronner, Apocalypse cognitive.
Nous avons annoncé le déploiement de 4 000 conseillers numériques. Les collectivités territoriales pouvaient postuler sur une plateforme gouvernementale ; elles sont plusieurs milliers à l'avoir fait. J'ai signé une première convention avec l'Allier pour déployer trente conseillers. Nous nous appuyons sur les départements compte tenu de leurs compétences sociales. Nous visons la simplicité et la rapidité. Fin 2021, plus de 2 500 conseillers numériques seront sur le terrain.
Mme Maryse Carrère . - Ce sujet est important pour le groupe RDSE. Chacun doit avoir accès aux outils informatiques. Je salue les collectivités territoriales qui ont distribué des terminaux aux jeunes lors du confinement. L'ensemble de la population doit disposer d'une connexion à haut ou très haut débit.
C'est d'autant plus important que dès demain, les plus de 75 ans devront s'inscrire via la plateforme Doctolib pour se faire vacciner. J'ai peur que cette solution n'aide surtout ceux qui ne sont pas affectés par la fracture numérique.
La dématérialisation présente d'indéniables avantages, mais il faut veiller à préserver les relations avec les usagers. Quel bilan faites-vous du label e-accessible ? Comment améliorer le service public en ligne ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Les centres de vaccination pourront recourir à Doctolib, à KelDoc ou à Maïa : chacun est libre de choisir son système de réservation. La réservation pourra également se faire par téléphone, via un numéro indiqué sur le site sante.fr. En Allemagne, on constate que les réservations se répartissent à parts égales entre téléphone et plateformes.
Quant au label e-accessible, il a été supprimé, faute d'efficacité. Nous déployons, avec le soutien des associations de patients, une stratégie numérique très inclusive qui accorde une attention particulière à l'accompagnement des patients dans les usages numériques.
Mme Nassimah Dindar . - L'illectronisme touche 14 millions de Français, 50 % ne sont pas à l'aise avec le numérique. La situation est pire encore dans les outre-mer où la fracture générationnelle est plus précoce et plus prononcée. À La Réunion, comme ailleurs, la crise sanitaire a accéléré la généralisation du télétravail et du numérique comme outil de continuité pédagogique.
À La Réunion, mais aussi à Mayotte, l'illettrisme se conjugue à l'illectronisme ; de plus, seuls 13 % des sites sont accessibles aux personnes en situation de handicap.
Les 250 millions d'euros pour l'inclusion numérique seront-ils alloués en priorité à la simplification des démarches en ligne pour ces dernières ? Combien au titre d'Aidants Connect ? Combien de conseillers numériques pour La Réunion ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Nous accordons une attention particulière aux outre-mer. Après la Guyane, je serai fin février à La Réunion, pour évoquer l'inclusion numérique mais aussi les start-up. Je ne puis encore vous dire combien de conseillers seront déployés outre-mer. Le problème de l'illettrisme est une réalité aussi dans l'Hexagone : 17 % dans l'Aisne...
La question du handicap est particulière. Pour les personnes en situation de handicap physique, la dématérialisation peut être facteur de simplification, et elles sont d'ailleurs demandeuses. Lors du Conseil national du handicap, j'ai annoncé que d'ici 2022, les sites de l'État respecteraient 80 % du référentiel général d'amélioration de l'accessibilité.
Mme Viviane Artigalas . - Les cours à distance ont révélé une carence des compétences numériques chez nombre de d'enseignants et d'étudiants. La dématérialisation des services publics souligne les inégalités entre territoires.
Le numérique est un écosystème global ; le besoin d'accompagnement est incontournable.
Le rapport Vall préconise de créer une filière professionnelle de médiateur du numérique. Il convient que ces emplois soient pérennes et bien rémunérés afin d'attirer des profils compétents. Pourquoi ne pas en faire des agents du service public ? Leur financement doit être pris en charge par l'État. À cet effet, le Sénat a proposé un fonds d'un milliard d'euros, quatre fois plus que l'effort prévu dans le plan de relance. Il faut un plan national de formation et une meilleure reconnaissance du métier de médiateur numérique.
Le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre ces propositions ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Le Gouvernement développe la validation des acquis de l'expérience pour les médiateurs numériques en poste. La médiation est un vrai métier.
Le Pass numérique a connu des problèmes de temporalité : entre la signature du conventionnement et le déploiement sur le terrain est intervenu le confinement. À terme, nous voulons en faire un moyen de financement des lieux de médiation numérique.
C'est un outil qui peut s'avérer très efficace dans la lutte contre l'exclusion numérique.
Mme Viviane Artigalas. - Abonder les crédits alloués à l'inclusion numérique serait la meilleure preuve de votre volonté. La dématérialisation des services publics, c'est votre Gouvernement qui l'a voulue.
Mme Pascale Gruny . - La numérisation transforme notre économie, obligeant les PME à s'adapter pour survivre. Or un tiers des dirigeants de TPE-PME se disent mal à l'aise avec les outils numériques. Cette pénurie de compétences explique aussi qu'il y ait 191 000 postes à pourvoir.
L'illectronisme exclut et freine l'insertion professionnelle. Il est urgent d'accompagner les TPE-PME dans le défi du numérique, en encourageant la formation au numérique qui garantit l'employabilité.
Compte tenu de l'importance du capital humain, ne pourrait-on considérer les dépenses de formation au numérique comme un investissement, en permettant aux TPE-PME de les amortir ou de bénéficier d'un crédit d'impôt ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - La France est en retard en matière de digitalisation de ses TPE-PME, elle se classe seizième sur les Vingt-sept. Cela tient en effet à une forme d'illectronisme des dirigeants comme des salariés. D'où la nécessité d'un accompagnement, car la digitalisation est une question de survie, on le voit avec les confinements.
Avec Alain Griset, nous verrons comment les 4000 conseillers numériques pourront aussi répondre à la demande de ces entreprises. Souvent, on s'aperçoit de la situation d'illectronisme d'un dirigeant d'entreprise lorsqu'il se présente au guichet d'une Maison France Services ou d'une mairie.
Nous n'avons pas prévu pour autant de transformer les crédits de formation au numérique en crédits d'investissements pour les entreprises ; cela relèverait en l'espèce de la ministre du Travail.
Mme Pascale Gruny. - Vous ne répondez pas à ma question ! J'ai commis un rapport sur le sujet pour la délégation aux entreprises. Vos 4 000 conseillers ne suffiront pas pour aider tout le monde ! Le numérique, c'est demain, pas dans dix ans, et l'enjeu de l'employabilité est énorme.
Je salue l'initiative du conseil départemental de l'Aisne contre l'illettrisme et l'illectronisme. Mon département est le berceau de la langue française, la patrie de Jean de La Fontaine, de Jean Racine, d'Alexandre Dumas, mais au premier rang pour l'illettrisme ! Les entreprises ne s'y installent pas car elles ont besoin de personnes formées. Autant dire que j'attendais une autre réponse que vos 4 000 conseillers !
Mme Martine Filleul . - Ma question rejoint celle de M. Chaize. La Poste, avec ses 17 000 points de contact et ses postiers, peut jouer un rôle dans la lutte contre l'illettrisme. Ses agents sont en contact régulier avec les publics les plus éloignés du numérique et peuvent détecter les besoins. La Poste a déployé dès 2019 un plan pour l'inclusion numérique, avec du matériel en libre-service, des formations coup de pouce... Elle pourrait rapidement former un million de personnes.
Son président, Philippe Wahl, veut en faire un acteur de la politique publique d'inclusion numérique. Votre Gouvernement est-il prêt à l'inclure dans ses missions de service public et à lui octroyer les moyens nécessaires ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - N'en déplaise à Mme Artigalas, ce Gouvernement n'a pas lancé la dématérialisation : il n'a fait que la porter de 60 % à 70 % dans les services publics. La charge est donc largement partagée avec la majorité précédente.
En effet, La Poste peut participer à l'inclusion numérique en travaillant à la détection et à la formation ; nous y travaillons avec Philippe Wahl. La SNCF, Enedis, les banques, les mutuelles peuvent aussi être mobilisées dans le cadre des Points information médiation multiservices (Pimms). C'est ensemble - public, privé, société civile - que nous apporterons une réponse à la hauteur.
Mme Martine Filleul. - Le nouveau contrat d'entreprises entre l'État et La Poste serait l'occasion de généraliser les expérimentations menées par le groupe dans les quartiers de la politique de la ville et outre-mer.
M. Cyril Pellevat . - Le confinement a mis en lumière les dangers du tout-numérique.
Le Défenseur des droits recommandait, en 2019, de préserver plusieurs modalités d'accès aux services publics pour assurer l'accès aux droits des personnes éloignées du numérique. C'est particulièrement important pour les territoires de montagne, où la couverture numérique est encore lacunaire. Le déploiement des maisons France Services contribue à la préservation des guichets physiques tout en assurant un accompagnement de qualité.
La formation aux outils du numérique doit être adaptée à la diversité des publics.
La dématérialisation fera économiser 450 millions d'euros par an à l'État, mais elle doit être conduite de façon graduée et ne laisser personne de côté. Peut-on flécher une partie des économies ainsi réalisées vers la lutte contre l'illectronisme et l'accessibilité ? Plusieurs modalités d'accès aux services publics seront-elles préservées ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Oui, il y aura plusieurs modalités d'accès.
Il a été envisagé de réinjecter les ressources dégagées par la dématérialisation vers la formation numérique ; j'avais même envisagé un système pollueur-payeur, mais nous y avons renoncé car cela aurait créé une usine à gaz.
Nous avons préféré une enveloppe de 250 millions d'euros pour accompagner les collectivités territoriales et cartographier l'offre de médiation numérique.
Le besoin d'inclusion est très divers ; nous veillerons à une forme de péréquation entre les territoires.
Mme Else Joseph . - Internet a facilité les démarches et encouragé l'accès aux services publics dans nos territoires, et le confinement a renforcé l'usage du numérique.
Pour combler les retards, l'Éducation nationale a un rôle à jouer. Or il y a aussi, pour certains élèves et enseignants, des difficultés qu'il convient de cartographier. Il faut aussi recenser les infrastructures, les zones blanches, les compétences des élèves comme des enseignants. Une expérience en ce sens a été menée dans les Ardennes, en lien avec l'Observatoire communal de la lecture publique.
Ne tombons pas dans l'illusion de la digitalisation béate. Celle-ci doit simplement améliorer l'accessibilité des services.
Le Gouvernement va-t-il accompagner cette démarche, en particulier auprès de l'Éducation nationale ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - L'Éducation nationale a en effet un rôle central à jouer dans la lutte contre l'illectronisme sous toutes ses formes. On ne naît pas avec un téléphone portable dans la main.
Utiliser Facebook ou Instagram et faire une démarche en ligne, ce n'est pas la même chose. Demander à un jeune de faire suivre son CV, c'est lui dire deux mots qu'il ne comprend pas.
C'est pour cela que le ministère de l'Éducation nationale mène, avec Jean-Michel Blanquer, un travail important d'éducation numérique, avec une heure et demie de cours par semaine en seconde, l'identification des élèves en difficulté et l'accompagnement par les enseignants. Il y a encore beaucoup à faire mais c'est un sujet qui tient à coeur au Gouvernement.
M. Bruno Rojouan . - La stratégie française s'est longtemps concentrée sur les infrastructures en oubliant la fonction, et mis la charrue avant les boeufs. Nos concitoyens en payent le prix. Des actions ont pourtant été menées par des associations ou des collectivités territoriales pour lutter contre la fracture numérique, grâce à la familiarisation avec l'outil numérique dès le plus jeune âge à l'école, et à la formation des personnes en situation d'exclusion, notamment dans l'Allier, département où vous êtes à nouveau annoncé samedi, Monsieur le ministre.
Un changement de cap doit s'opérer sur cette question de la formation. Il faut passer d'une logique d'assistance à une logique d'autonomie numérique.
L'inclusion numérique est essentielle pour mener une vie normale. Comment les actions de formation lancées par le Gouvernement vont-elles évoluer à long terme ? Prudence, avant de substituer systématiquement le numérique à l'accueil !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - J'ai décliné notre vision du numérique lorsque je me suis rendu dans l'Allier, au tiers-lieu du Mazier, dans le bocage numérique de Bourbon L'Archambault, pour signer les accords sur les conseillers numériques avec le président Claude Riboulet. Notre volonté à long terme est forte. Au-delà des 250 millions d'euros du plan de relance, nous voulons donner aux collectivités territoriales et aux associations les moyens d'embaucher des conseillers numériques, des médiateurs numériques, pour mettre en réseau les acteurs qui font un travail remarquable. Nous devons professionnaliser et structurer ce secteur à long terme.
présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
Mme Patricia Demas . - Les conclusions du rapport de Raymond Vall montrent que la facture numérique s'aggrave. Les causes de l'illectronisme sont multiples. Il faut passer un cap pour bâtir une politique de l'inclusion numérique. Reste la question des moyens, qui demeurent insuffisants.
Les 4 000 conseillers numériques seront financés par l'État pour deux ans. Comment seront-ils recrutés ? Il serait utile pour les collectivités candidates que les délais de quinze jours accordés pour contractualiser puissent être étendus à un mois.
C'est l'intérêt in fine des recrutés. La question cruciale de la pérennisation de ces contrats à leur terme se pose, dans l'optique de la professionnalisation du secteur.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Une fois que la collectivité a candidaté, nous nous adapterons, même si nous souhaitons aller assez vite. Quelque 350 heures de formation sont en effet prévues et il faut que les conseillers soient rapidement opérationnels.
Les 250 millions d'euros pour l'inclusion numérique sont prévus pour deux ans et nous avons conscience que la question de l'illectronisme n'aura pas disparu...
Il y a quatre ans, 350 000 euros étaient prévus, aujourd'hui ce sont 250 millions d'euros ; nous sommes passés à une autre échelle. Bien sûr, cela ne s'arrêtera pas dans deux ou trois ans, mais nous faisons en sorte que les conseillers numériques soient déployés sur le terrain et c'est cela l'enjeu prioritaire.
M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen . - Je remercie l'ensemble des intervenants à ce débat. Le numérique irrigue tous les aspects de notre vie quotidienne. C'est une chance pour les citoyens, une opportunité pour revitaliser les territoires mais parfois aussi un handicap ou un facteur discriminant.
Le principe d'accessibilité aux services publics doit rester notre priorité.
Le groupe RDSE est vigoureusement attaché au principe d'égalité devant les services publics. Les personnes les plus fragiles sont souvent victimes d'exclusions administratives. Cela concerne toutes les générations. C'est pourquoi le programme Action publique 2022, qui prévoit de dématérialiser les 250 démarches administratives les plus courantes, nous préoccupe, sachant que 40 % des Français ne seraient pas à l'aise avec les démarches en ligne.
Nous ne sommes bien entendu pas opposés à la modernisation de l'administration, mais il faut respecter le principe de mutabilité des services publics.
Comme le disait Gaston Jèze, le pape des finances publiques, « L'organisation d'un service public proprement dit est susceptible d'être modifiée à tout instant. »
La dématérialisation - correctement préparée - est un véritable progrès. L'information doit être intelligible pour les usagers. Le numérique doit rester complémentaire des canaux traditionnels. Comme le soulignait notre ancien collègue Pierre-Yves Collombat : « la dématérialisation des démarches doit être pensée en fonction de l'usager réel et non de l'usager rêvé ».
Notre ambition collective ne doit pas se résumer à pallier la disparition des services publics sur les territoires. La dématérialisation ne doit pas être l'ennemie de l'aménagement du territoire, comme le préconisait le Défenseur des droits dans son rapport en 2019. Le recul de la présence humaine aux guichets et la dématérialisation ont été la source de nombreuses ruptures d'égalité entre les usagers.
La transformation numérique de l'État ne doit pas l'exonérer de l'exigence de simplification préalable des démarches ! La reconnaissance du droit à l'erreur est indispensable.
L'inclusion numérique est pour nous une priorité : passons des annonces aux actes, monsieur le ministre !
Espérons que les propositions de notre mission d'information éclaireront l'action du Gouvernement ! (Applaudissements)
La séance, suspendue à 20 heures, reprend à 20 h 20.
« Quel avenir pour l'entreprise EDF avec le projet Hercule ? »
M. le président. - A la demande du groupe CRCE, l'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Quel avenir pour l'entreprise EDF avec le projet Hercule ? ».
M. Fabien Gay, au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste . - Le groupe CRCE a demandé ce débat pour trois raisons : d'abord, l'opacité des négociations avec la Commission européenne, alors que ni les salariés ni les parlementaires, ni les usagers, ni les salariés ne sont informés.
Pire, vous voulez passer par un cavalier législatif dans le texte de la Convention citoyenne pour demander une habilitation à légiférer par ordonnance. Pour nous, et sans doute pour tous les groupes politiques du Sénat, c'est non !
Ensuite, à chaque démantèlement d'une entreprise publique, les prix explosent pour les usagers, devenus des clients.
Cela aboutit aussi à des scandales financiers, économiques et sociaux, comme pour les privatisations des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. N'attendons pas dix ans pour qu'une commission d'enquête démontre ce que nous savons déjà !
Voulons-nous livrer un monopole de fait et démanteler une nouvelle fois une entreprise publique ?
Ce débat n'est ni technique ni économique mais extrêmement politique. Il n'y a rien d'inéluctable.
L'énergie - donc EDF - est un bien commun indispensable à tous, comme le rappelle la Constitution et le préambule de 1946. Avec les nouveaux usages, elle est encore plus nécessaire. Nous allons donc débattre sur sa production et son transport, loin des slogans moralisateurs d'EDF avec sa campagne #Metstonpull.
Les libéraux font l'erreur de théoriser que l'énergie est un bien comme les autres : ignorance totale ou véritable escroquerie en bande organisée ? La production doit être égale à la consommation pour éviter surtension ou sous-tension et donc, dans les deux cas, blackout.
Libéraliser pour baisser les prix est un leurre, car une entente se créera nécessairement pour livrer l'énergie correspondant aux besoins exacts des usagers. Les libéraux ont créé de toute pièce un pseudo-marché de l'énergie où les prix varient artificiellement pour garantir des dividendes aux acteurs alternatifs.
C'est précisément pour cela que, depuis un siècle, des réflexions ont été engagées pour sortir l'énergie des lois du marché, avec deux tentatives de nationalisations avortées : en 1894 avec Jean Jaurès, puis lors du Front Populaire dans les années 30.
Il aura fallu attendre la Seconde Guerre mondiale pour aboutir aux grandes nationalisations du secteur de l'énergie, de l'électricité et du gaz, grâce au député communiste Marcel Paul, qui créa un statut protecteur pour les agents. EDF était la garantie d'égalité de nos territoires. Où que vous habitiez, vous aviez accès à l'électricité, à un prix accessible au plus grand nombre grâce aux tarifs réglementés.
Pourtant, au début des années 1990, Enedis pour la commercialisation et RTE pour le transport ont vu le jour.
Hercule est une nouvelle étape du démantèlement et de la déréglementation du secteur de l'énergie : vous allez livrer une entreprise publique aux marchés financiers en effectuant une nouvelle spoliation d'un bien commun, pénalisant 12 millions de foyers en précarité énergétique.
Ce projet Hercule, c'est l'enfant de Jupiter, (Sourires) négocié avec la Commission européenne...
C'est un marché de dupes que de vouloir modifier l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Si on demandait à Renault de vendre un tiers de sa production de Clio à prix coûtant à Peugeot, pour que cette entreprise puisse la concurrencer sur le marché automobile, on crierait à l'aberration... Voilà l'Arenh !
C'est donc fromage et dessert pour les alternatifs ! Ils auraient tort de s'en priver, puisque l'entreprise publique et les usagers paient la note. Où sont les investissements promis par les alternatifs ?
Il y aurait donc, avec Hercule, trois entités : EDF bleu, avec le nucléaire, national à 100 % ; EDF vert avec Enedis, les énergies renouvelables, Dalkia, EDF en outre-mer et en Corse, une partie des activités internationales et la direction commerciale, qui pourra être privée à 35 % ; EDF azur avec les barrages hydroélectriques, qui resteraient publics mais dont les concessions pourraient être attribuées au privé.
Ne s'agit-il pas de nationaliser les dettes et de privatiser les profits ? La force d'une entreprise intégrée, c'est que les profits d'une branche peuvent être réinjectés dans une autre. Isoler le nucléaire des 600 millions d'euros de profits annuels d'Enedis, c'est amputer l'entreprise. Dans quelques années, vous viendrez nous dire « Regardez, l'entité publique croule sous les dettes ! Il faut l'ouvrir au privé pour lui donner la capacité à investir... » Bla-bla-bla ! On connaît la symphonie libérale !
Même si les barrages hydroélectriques restent propriété de l'État, combien de concessions seront confiées au privé ? Alors que la part du nucléaire décroît, on remet au privé une part considérable de notre énergie pilotable, nécessaire à l'équilibre électrique.
Les prix payés devraient être suffisamment rémunérés. Vous mettez la sécurité énergétique entre les mains des marchés financiers.
Quand tout sera démantelé, que Direct Energie aura le monopole sur une région, EDF sur une autre région... Imaginez ce que cela donnera en cas de coup dur, comme les grandes tempêtes de 1999 ou celle de la Roya l'an dernier !
En 2016, paraissait le livre Révolution du candidat Emmanuel Macron. Cessez de suivre les vieilles recettes de Mme Thatcher ! Arrêtez de vous obstiner ! Ce qui serait révolutionnaire, ce serait de renationaliser EDF et GDF, pour constituer un véritable service public de l'énergie du XXIe siècle, cogéré avec les élus, les salariés et les usagers.
Nous tenons une proposition de loi à votre disposition. Il ne reste plus qu'à l'inscrire à l'ordre du jour et à l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
Mme Denise Saint-Pé . - La réorganisation éventuelle d'EDF par le projet Hercule élaboré par sa direction à la demande du Gouvernement, interroge.
L'objectif initialement recherché, avec l'Arenh, est loin d'être atteint. Imposer à EDF de réserver une partie de sa production à ses concurrents au prix de 42 euros par Mégawatt-heure (MWh) est aberrant.
Le bénéfice annoncé pour le consommateur, sous prétexte de concurrence accrue, est inexistant avec un prix de l'électricité sans cesse croissant ; au point que la précarité énergétique, auparavant un épiphénomène en France, est une réalité grandissante.
D'un autre côté, de multiples fournisseurs alternatifs, qui ne produisent pas un kilowatt-heure d'électricité, boursicotent au gré des prix de gros et se fournissent chez EDF chaque fois que c'est à leur avantage.
Je comprends que l'État négocie âprement avec Bruxelles pour sauver EDF et mettre fin à cette situation ubuesque.
Que l'État souhaite conserver dans son giron l'EDF bleu nucléaire est indispensable et stratégique.
De même avec EDF azur pour la production hydroélectrique des grands barrages, sous réserve que les autres exploitants, notamment pyrénéens - comme la SHEM (société hydro-électrique du midi), voient leurs intérêts préservés.
Mais l'ouverture au privé d'EDF vert sur les énergies renouvelables et la fourniture d'électricité sont hasardeuses. Cela signifierait la disparition du tarif réglementé.
Je crains que l'appât du gain de l'éolien offshore se fasse au détriment du photovoltaïque ou de l'éolien terrestre.
Que le réseau de distribution électrique qui appartient aux collectivités locales, à nos communes et qui a simplement été concédé à Enedis, puisse dépendre des désidératas d'investisseurs privés, me laisse sans voix.
La péréquation nationale est seule garante d'un service public en zone rurale. Pourquoi remettre en question un système électrique national qui a fait ses preuves, au risque de transformer EDF en colosse aux pieds d'argile ?
Un projet de loi est-il bien prévu comme vous l'avez annoncé, Madame la ministre, lors d'une audition au Sénat en novembre dernier ?
M. Jean-Claude Tissot . - La crise sanitaire, économique et sociale a relégué au second plan de nombreux débats d'avenir, mais je remercie le groupe CRCE pour celui de ce soir.
La volatilité des prix de l'énergie, l'augmentation des énergies renouvelables ou les difficultés d'entretien du parc nucléaire sont des mutations importantes, liées à la transition écologique, qui affectent le secteur énergétique. EDF a un rôle central pour notre indépendance énergétique et la maîtrise de notre politique écologique.
Pourtant, le projet Hercule va à contre-courant des besoins. Le Gouvernement propose un découpage purement capitalistique d'EDF, créé par le CNR. Non, ce n'est pas une demande de la Commission européenne, mais la poursuite du projet gouvernemental de démantèlement des entreprises publiques pour des considérations uniquement financières. Certes, EDF connaît des difficultés, en raison de décisions court-termistes : sous-rémunération chronique d'EDF par l'Arenh et mauvaise gestion capitalistique de l'État actionnaire irresponsable.
Le démantèlement d'EDF pourrait remettre en cause nos choix énergétiques et notre indépendance énergétique. Cela priverait le groupe d'une stratégie coordonnée à long terme.
Le cas des réseaux de distribution est frappant : dans le projet Hercule, Enedis serait intégré à une filiale qui verrait son capital ouvert à 35 %, au pire. Il faut une véritable politique énergétique maîtrisée, souveraine, pour maintenir un tarif identique du kilowatt-heure pour tous, quel que soit le territoire : EDF appartient à tous, tous les Français doivent avoir leur mot à dire. D'où notre proposition de référendum d'initiative partagée. Le groupe SER s'opposera avec fermeté à ce démantèlement (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE)
M. Stéphane Ravier . - L'un de nos derniers fleurons industriels, EDF, est en danger de mort, avec un démantèlement en trois filiales : EDF bleu, EDF vert et EDF azur.
C'est la conséquence du processus de destruction voulu par la Commission européenne, fidèlement appliqué par les gouvernements successifs, après la transformation en société anonyme en 2000 et l'Arenh, imposé par la loi sur la Nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) en 2010.
Les prix ont augmenté de 50 % pour les ménages, preuve que la concurrence n'est pas toujours bénéfique.
Puisque ce projet fait appel à la mythologie herculéenne, osons nettoyer les écuries de Bruxelles : sortons des traités européens qui nous pénalisent, des logiques masochistes antinationales et antisociales ! Refusons de livrer nos capacités énergétiques aux appétits voraces de quelques financiers et reprenons la main ! Nous en avons les talents, à nous d'en trouver les moyens !
EDF, deuxième producteur d'électricité au monde, nous offre une des électricités les moins chères en Europe et les moins dispendieuses en gaz carbonique de tous les pays développés.
Ne revenons pas en arrière, mais projetons-nous dans le futur, avec un État protecteur, qui garantit un service de qualité. Tournons le dos aux talibans verts coupés des réalités économiques et réellement écologiques ! Il faut investir 200 milliards d'euros pour livrer 30 EPR d'ici 2085, innover, la combinaison nucléaire-hydraulique n'ayant d'intérêt que si elle est décarbonée, supprimer l'Arenh.
Les Français ne doivent pas subir les coupures auxquelles sont condamnés tous les pays pour avoir cru à l'idiotie selon laquelle l'énergie serait un bien marchand comme les autres, alors que c'est une garantie d'indépendance nationale. Ne la laissons pas aux mains des idéologues et des financiers !
Madame la ministre, d'autres scénarios que celui de ce projet Hercule sont-ils prévus pour sauver EDF ?
M. Gérard Longuet . - Libéral et résolument européen, je remercie pourtant le groupe CRCE de ce débat et l'intervention de Fabien Gay m'a particulièrement réjoui, même si je n'en partage pas les conclusions.
Madame la ministre, vous avez une belle charge et une énorme responsabilité, parce que vous avez à combattre la Commission européenne sur l'avenir de l'énergie électrique nucléaire.
Avec quatre paquets en vingt-cinq ans, plusieurs directives et règlements, la Commission européenne a considérablement affaibli le nucléaire français, par une erreur sur l'analyse de marché : pour faire coïncider offre et demande, il faut pouvoir stocker, or l'électricité ne se stocke pas et se transporte mal.
La production d'électricité est devenue un choix politique. Certains pays européens refusent le nucléaire. Ils en ont évidemment le droit, à condition d'assumer les coûts supplémentaires, surtout si on leur impute, comme je le souhaite, celui du CO2 émis.
Le nucléaire nous apporte l'indépendance, une production électrique sans carbone et peu coûteuse, et un soutien au secteur de la recherche scientifique et de l'industrie. Le nucléaire, avec 200 000 salariés de haut niveau, nous place sur le podium de la compétition internationale dans laquelle nous n'avions pas de si beaux atouts.
L'Arenh, après dix ans d'expérience, est un échec, et pas seulement parce que le coût du mégawattheure, à 42 euros, est trop faible. Le dispositif est un piège dont EDF ne peut sortir. Le Gouvernement négocie à Bruxelles ; une porte s'ouvre, vous avez des soutiens. Le nucléaire n'appartient pas au passé : Bill Gates lui-même y investit massivement, certes sous des formes différentes. Il représente une réponse décarbonée au besoin mondial d'énergie.
Nous risquons d'y perdre si le contrat pour défense était mal négocié. Ne nous accordons pas sur un prix de décroissance, de renoncement ou de censure pour le nucléaire, sans quoi nous ne pourrons assurer son développement technologique. Le nucléaire ne peut être facturé au coût marginal sauf à renoncer à l'entretien du parc et à la préparation de l'avenir. Ne nous mutilons pas.
Le président Macron, au Creusot, a découvert que le nucléaire était non le complément mais la condition même du développement des énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Franck Menonville . - Depuis quelques semaines, l'avenir d'EDF est au coeur de l'actualité. Les négociations avec la Commission européenne s'accélèrent dans une certaine opacité. Aussi, je salue l'initiative du groupe CRCE qui nous permet d'en débattre.
EDF est le fleuron de l'État stratège et représente un enjeu majeur.
Le pari de l'atome fait par la France au mitan du vingtième siècle a été remporté : le nucléaire nous assure une avance considérable et des prix compétitifs. Nous avons oeuvré pour notre souveraineté énergétique. Il ne peut y avoir de neutralité carbone sans nucléaire. Il constitue un atout concurrentiel pour nos concitoyens et pour nos entreprises.
Nous devons toutefois être lucides sur notre appareil de production détenu par EDF, marqué par un vieillissement du parc nucléaire et un problème de tarification. Avec un parc construit en moins de deux décennies, EDF se trouve face à un mur d'investissements, alors que sa dette se chiffre en centaines de millions d'euros. Quant à la tarification, il est nécessaire de l'adapter avant l'échéance de 2026, afin de doter EDF de capacités d'investissement suffisantes.
Le nucléaire doit rester un actif public, compte tenu des enjeux de souveraineté et de sécurité.
Une entité intégralement publique comme EDF bleu est indispensable à la modernisation du parc. Il est nécessaire, dans le même temps, de développer les énergies renouvelables qui n'ont ni les mêmes contraintes ni les mêmes avantages. EDF vert serait majoritairement détenue par EDF bleu, mais des garanties sont nécessaires.
La filière hydrogène présente un grand potentiel pour l'avenir de l'entreprise.
La distribution ne doit pas être exclue et l'hydraulique rester à l'abri de la concurrence.
Le projet Hercule doit garantir qu'EDF demeure un ensemble intégré et contrôlé par l'État. Il doit être ambitieux pour l'avenir et préserver notre souveraineté énergétique. Un statu quo sur l'Arenh serait, à cet égard, préjudiciable.
La France doit défendre ses intérêts. Il faut poursuivre des échanges déterminés avec la Commission européenne pour garantir l'avenir du géant mondial qu'est EDF.
Le Parlement doit être associé à toutes ces démarches en transparence avec, le moment venu, un projet de loi.
M. Daniel Salmon . - Si les écologistes ont rarement été en accord avec la politique d'EDF, jamais débattue démocratiquement, nous reconnaissons son rôle moteur de stratège et la qualité du service offert aux Français.
L'énergie est un bien public. Aucun gouvernement, jusqu'à présent, n'avait songé à privatiser EDF. Hélas, celui-ci prépare la dislocation de l'entreprise, qui portera un coup fatal à ce bien commun. La logique du service public de l'énergie est mise à mal. La partie vendable de l'entreprise sera celle des énergies renouvelables et du réseau. Cela se traduira par des diminutions d'emplois et moins de recherche et de développement.
Nous lançons également l'alerte sur les barrages hydrauliques, première source d'énergie renouvelable en France et compléments indispensables des centrales nucléaires, dont les 150 contrats de concession seront remis en concurrence pour répondre aux exigences de Bruxelles. Il y a danger pour la sécurité des usagers et de l'approvisionnement.
Hercule ne répond pas à la question du portage de la dette d'EDF ni à sa sous-rémunération chronique.
La politique énergétique française est à un tournant. La fuite en avant vers le nucléaire, avec la construction prévue de six nouveaux EPR, est mortifère pour le pays et intenable financièrement pour l'entreprise, sur laquelle pèsent déjà 36 milliards d'euros de dette. EDF fait face à un mur d'investissement en raison de son parc nucléaire vieillissant et des besoins d'investissement dans les énergies renouvelables.
Le coût du fiasco de Flamanville est passé de 3 à 19 milliards d'euros. Les dernières estimations font état d'un coût de production de 110 mégawattheures contre 46 pour les panneaux photovoltaïques. Garder coûte que coûte le nucléaire a un prix...
Hercule commence par un H, comme Hinkley Point... Nous demandons le retrait immédiat de ce projet délétère et appelons à un dialogue avec tous les opérateurs et à un débat national sur l'avenir d'EDF. Il n'est pas acceptable que la représentation nationale soit exclue de ce dossier.
Les crises actuelles rappellent combien un service public fort est nécessaire pour garantir l'accès de toutes et tous au bien commun qu'est l'électricité quand la précarité énergétique s'accroît. Quelque douze millions de foyers sont concernés.
La France est vulnérable en temps de paix, indéfendable en temps de guerre, à cause de ses centrales. Continuer la fuite en avant pour sauver une industrie du passé ou arrêter les frais, assumer les pertes et préparer la sortie du nucléaire en développant les énergies renouvelables ? Cela mérite un débat national que vous refusez honteusement aux Françaises et aux Français ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Notre pays possède avec EDF un champion national et international et l'un des parcs électriques les plus décarbonés.
Le 8 décembre 2020, lors de sa visite de Framatome au Creusot, le Président de la République a réaffirmé que notre avenir énergétique relevait d'un mix entre nucléaire et énergies renouvelables. L'avenir passe par le nucléaire qui assure notre statut de puissance, mais la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a fixé de nouveaux objectifs : le nucléaire ne devra plus représenter que 50 % du mix énergétique en 2035, contre 70 % actuellement, et la part de l'électricité renouvelable devra passer de 18 % à 40 % en 2030.
Les 10 et 11 septembre 2020, le Conseil européen a donné son feu vert à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990.
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, EDF doit jouer un rôle clé dans la transition énergétique. L'entreprise doit investir dans son parc nucléaire, les énergies renouvelables, l'hydroélectricité et les réseaux. Ses principaux concurrents européens investissent déjà massivement dans les énergies renouvelables.
Or les mécanismes de régulation de l'économie nucléaire et hydroélectrique ne sont plus adaptés et ne permettent pas à EDF d'investir suffisamment dans son parc.
Depuis la création de l'Arenh en 2011, en échange de la conservation de ce parc, EDF peut vendre 25 % de sa production d'origine nucléaire, jusqu'en 2025, aux fournisseurs privés, dans le but de les inciter à investir dans la production électrique. Mais, comme l'a souligné le président-directeur général d'EDF le 2 mai 2019 devant la commission des affaires économiques, cela revient à ce que les investissements publics financent des acteurs privés, dont les moyens peuvent être considérables. Ce mécanisme empêche EDF de profiter de la production issue de son travail.
Dans le même temps, l'entreprise fait face à de nombreux défis s'agissant de son parc de 56 réacteurs. Le financement du grand carénage, estimé à 100 milliards d'euros par la Cour des comptes, pose question, tout comme l'allongement de la durée d'exploitation des réacteurs dont les plus anciens affichent une activité supérieure à quarante ans.
Le coût de construction des EPR en cours ne cesse d'augmenter, alors que six nouveaux EPR sont annoncés. Quant au développement du secteur hydroélectrique, il demeure bloqué dans l'attente du règlement de contentieux européens.
Les Français ne comprendraient pas qu'EDF soit reléguée au second plan. Le projet Hercule doit permettre à notre champion national de tenir son rang tout en participant à la transition écologique.
Il n'est pas question de démanteler ce fleuron ; notre groupe sera vigilant.
M. Jean-Claude Requier . - L'électricité a un statut à part ; elle est, selon le Conseil d'État, un produit de première nécessité non substituable. Depuis l'Acte unique européen qui a ouvert le secteur à la concurrence, notre souveraineté énergétique est toutefois grignotée.
Le plan de sauvetage Hercule sépare EDF en trois entités : EDF bleu, à capitaux entièrement publics, qui assurerait la production nucléaire, azur où serait cantonnée la production des barrages et vert où seraient regroupés les autres énergies renouvelables et Enedis, ouvert aux capitaux privés.
Le prix de l'Arenh, en échange, pourrait être revalorisé pour rétablir la capacité d'investissement d'EDF. Fixé à 42 euros le mégawattheure en 2012, il est en effet trop faible et pénalise EDF face aux opérateurs alternatifs.
L'ouverture à la concurrence n'a pas favorisé l'émergence de nouvelles capacités de production ni réduit les prix pour le consommateur. Ce résultat n'est pas conforme aux objectifs généraux du droit de la concurrence.
Le groupe RDSE ne peut envisager que la production d'électricité sorte du giron de l'État. Il ne faut pas non plus perdre la main sur le secteur des énergies renouvelables : après tant de subventions, il serait inacceptable de privatiser quand cela devient rentable. Les objectifs de l'accord de Paris imposent qu'EDF demeure majoritairement publique.
Au Creusot, le Président de la République a rappelé que l'atome reste stratégique. Nous craignons toutefois un affaiblissement du nucléaire, fleuron français. Si Hercule participe à une démarche tactique pour répondre aux exigences européennes, pourquoi pas...
L'absence de transparence nous inquiète néanmoins. Pourquoi ne pas instaurer une nouvelle commission Champsaur ? Les citoyens sont complètement exclus des négociations avec la Commission européenne. Le Parlement doit également être associé au projet.
Les interrogations des Français sont légitimes. Démantèlement ou préservation de notre patrimoine énergétique ? Le Gouvernement doit répondre et rassurer les Français comme les salariés d'EDF.
La pression du tout-marché est toute aussi puissante que la dérive des continents au détroit de Gibraltar. Les colonnes d'Hercule qui matérialisent le bicamérisme seront-elles assez fortes face aux forces en présence ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
Mme Marie-Claude Varaillas . - Alors que nous sommes au coeur d'une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent, le Gouvernement prépare en catimini la réorganisation du secteur électrique.
À la fin de l'année 2018, Jean-Bernard Lévy a présenté la stratégie de son groupe dans le cadre de la PPE : loin des enjeux de transition écologique, la poursuite du processus de libéralisation initié en 1996 se profile avec le projet Hercule.
Pourtant, la sécurité d'approvisionnement reste fragile. Nous sommes dans un contexte de sous-investissement dans la production électrique malgré les soutiens financiers colossaux aux fournisseurs alternatifs.
La part des énergies renouvelables est encore largement minoritaire, loin des objectifs du paquet Climat énergie qui prévoit en 2030 une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et de porter la part des renouvelables à 32 %.
La précarité énergétique, pendant ce temps, augmente et touche désormais un ménage sur cinq. L'État a donc une responsabilité première dans l'organisation de ce secteur.
Si EDF, détenue à 83,6 % par l'État, reste un géant au premier rang mondial, dont le chiffre d'affaires atteignait 69 milliards d'euros en 2018, il n'en demeure pas moins que le groupe est endetté à hauteur de 41 milliards d'euros, que le secteur électrique, notamment la filière nucléaire, est fragilisée, d'autant qu'elle est l'objet de défiance depuis Fukushima. Réduire l'électricité au nucléaire comme l'a fait le président Macron au Creusot est donc mortifère.
Segmenter les diverses activités du groupe et privatiser le réseau de distribution et les EnR est un non-sens. L'urgence climatique exige des investissements massifs de long terme, incompatibles avec le marché.
L'avenir d'EDF ne peut se négocier dans l'opacité et le secret ; la réponse du Premier ministre - l'absence d'accord européen à ce stade - peine à nous convaincre, pas plus que la promesse de maintenir une entreprise intégrée.
La Commission européenne veut qu'EDF soit démantelée entre quatre structures étanches, ce qui interdit toute stratégie de groupe, comme toute politique industrielle cohérente ; pire, ces futures structures pourront se faire concurrence.
L'équipement électrique du pays, le prix de l'énergie et l'amélioration du service public sont les grands absents de ce projet. Nous ne pouvons accepter qu'EDF soit découpée hors de tout contrôle démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Patrick Chauvet . - Ce débat sur le projet Hercule est à la fois opportun et légitime.
Opportun car l'absence d'informations officielles nourrit le doute et les craintes. La presse se fait l'écho du projet Hercule, sans que les élus ou les salariés soient informés.
Initié par le précédent Gouvernement, le projet Hercule réorganise les activités de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité.
Prévue fin 2019, la présentation officielle a été repoussée à de nombreuses reprises en raison de la prolongation des discussions avec la Commission européenne. Où en sommes-nous ?
Les modalités d'organisation semblent varier entre deux et trois entités. On évoque une EDF bleu, vert, azur, avec des contenus évolutifs. C'est à l'État, qui détient 84 % du groupe, de fixer les objectifs et les ambitions. Quels sont-ils ?
Sur le fond aussi, les inquiétudes sont légitimes. Sur le nucléaire, les critiques régulières contre l'Arenh sont l'un des motifs principaux de la réorganisation du groupe. Celui-ci est fortement endetté et fait face à un mur d'investissements, notamment au titre de la rénovation du parc existant et de la construction de l'EPR de Flamanville. EDF souhaiterait à la fois l'augmentation du tarif de l'Arenh pour financer ses investissements et une refonte du système afin que les fournisseurs dédommagent EDF lorsqu'ils recourent au marché de gros. C'est un enjeu essentiel pour maintenir la concurrence sur le marché de l'énergie, mais aussi pour que les prix de l'électricité restent abordables. Cette réforme doit être concomitante à celle de la réorganisation du groupe. Sans cela, le projet Hercule ne sera pas accepté. Il faut apporter de la sécurité juridique, notamment en matière de droit de la concurrence, mais sans pour autant remettre en cause l'existence du groupe.
Quels engagements pouvez-vous prendre concernant l'emploi ? Comment les salariés seront-ils associés à la réorganisation ?
M. Serge Mérillou . - (Mme Angèle Préville applaudit.) Démanteler et privatiser semblent être les maîtres mots du Gouvernement pour nos entreprises publiques. Après ADP, EDF !
Salariés, collectivités territoriales, élus et consommateurs montent au créneau pour exprimer leurs craintes de voir cette entreprise, héritière du Conseil national de la Résistance, démantelée avec le projet Hercule, voulu par la Commission européenne.
Le sujet de l'hydroélectricité m'est cher. Il y a de nombreux barrages EDF sur la Dordogne. La loi de 2004 sur le service public de l'électricité et de gaz et celle de 2006 sur l'eau ont amorcé une dangereuse libéralisation des activités hydroélectriques, alors que d'autres pays ont su protéger leurs concessions.
Le groupe SER s'oppose à ce processus et c'est pourquoi il a déposé une proposition de loi prolongeant nos concessions hydroélectriques.
Vous affirmez ne pas souhaiter leur mise en concurrence à travers leur regroupement dans EDF azur. Mais quid des concessions n'appartenant pas à EDF ?
Dans les territoires, l'inquiétude monte. La SHEM, filiale d'Engie, pourrait faire l'objet d'une mise en concurrence qui, si elle était actée, menacerait sa survie.
L'eau est un bien commun. Les barrages sont un acteur de la gestion de l'eau sur nos territoires : tourisme, pêche, irrigation, eau potable en dépendent. La filialisation de l'hydroélectricité se traduira-t-elle par une sortie d'EDF pour se plier aux exigences de la Commission ?
Le moment est venu que l'État stratège prenne le pas sur l'État régulateur, ou plutôt liquidateur. C'est pourquoi le groupe SER soutient le principe d'un référendum d'initiative partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Daniel Gremillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a 75 ans, en ces lieux, le Général de Gaulle assurait devant l'Assemblée consultative qu'il était du rôle de l'État d'assurer la mise en valeur des grandes sources de l'énergie. EDF était créée ; c'est un héritage collectif auquel les Français sont très attachés, un fleuron que nous avons mis du temps à construire.
Face à l'urgence climatique, c'est aussi le fer de lance de notre transition énergétique.
Dans ce contexte, les négociations du Gouvernement avec la Commission européenne sur l'Arenh, le groupe EDF et les concessions hydroélectriques inquiètent au plus haut point.
Les salariés craignent un démantèlement du groupe en plusieurs filiales.
Les négociations sont conduites en toute opacité, malgré les demandes du Sénat et notamment de sa commission des affaires économiques. En novembre, madame la ministre, vous aviez promis une loi. Ou en sont les négociations, quand les élus y seront-ils associés, quel seront le véhicule et le calendrier ? M'assurez-vous que le sujet ne sera pas traité au détour d'une lettre rectificative ou d'un amendement aux projets de loi Climat ou 4D ?
Sur le fond, ces réformes soulèvent trois craintes légitimes. La première tient au caractère public et intégré du nouveau groupe. Devant notre commission des affaires économiques, Jean-Bernard Lévy avait indiqué que la réorganisation devrait respecter « le caractère intégré du groupe ». Nos élus locaux sont très inquiets de l'ouverture à la concurrence de notre réseau public de distribution d'électricité ou de nos concessions hydroélectriques.
Autre préoccupation, l'intérêt de la réforme. M. Lévy évoquait 2 milliards d'euros en plus chaque année. Avec une dette de 40 milliards d'euros, le groupe doit parvenir à financer, tout à la fois, le Grand carénage, les chantiers des EPR ou encore les énergies renouvelables.
Cette réforme aura un impact sur les salariés du groupe, sur les concessions des collectivités et sur le prix de l'électricité. Le Gouvernement doit apporter des réponses claires : il est dangereux de réformer dans le brouillard.
Merci au groupe CRCE d'avoir mis ce sujet stratégique à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Jacques Michau . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis de nombreux mois, nous sommes interpellés par les élus et les salariés d'EDF au sujet du projet Hercule. Il y a de quoi s'interroger, en effet : il eût été normal que le Parlement, les élus et les citoyens soient régulièrement informés sur ce projet vital, alors que vous avez privilégié l'opacité. Le rapport d'information du Sénat du 17 juin 2020 sur le plan de relance demandait déjà d'être associés aux travaux stratégiques de l'exécutif.
Il aura fallu attendre l'initiative du groupe CRCE pour que ce débat soit enfin programmé...
Nous avons décidé, avec d'autres groupes, de déposer une demande de référendum d'initiative partagée.
La réorganisation risque de sacrifier les intérêts des usagers, des salariés, bref de la France, au profit d'actionnaires privés.
Autre motif de crainte : le sort des barrages.
Enfin, l'inquiétude est grande sur l'impact social de cette restructuration.
Ou en sont les négociations avec la Commission européenne ? Allez-vous enfin associer la représentation nationale à vos travaux ? Quel sera le véhicule législatif ? Comment répondez-vous au désarroi des salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Michel Savin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2015 et la loi sur la transition énergétique, la Commission européenne demande l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques.
N'y a-t-il pas un risque de faire passer la rentabilité de ces concessions avant l'agriculture, l'irrigation et le tourisme ?
Le changement climatique va impacter nos ressources en eau. Étant donné l'intérêt stratégique de cette ressource vitale, notre pays ne devrait-il pas défendre sa souveraineté nationale en la matière ?
L'entretien des ouvrages est essentiel à la sécurité des populations.
Ces ouvrages permettent de gérer les pointes de consommation mais aussi d'assurer l'approvisionnement d'urgence en eau des réacteurs nucléaires.
Enfin, cette ouverture à la concurrence ne risque-t-elle pas de faire augmenter le prix de l'électricité ?
Mme Borne, alors ministre de la Transition écologique, a reconnu la spécificité de la situation française en matière hydroélectrique. En voulant faire figure de bon élève en Europe, elle serait la seule à ouvrir ses concessions. Consciente de cette situation, votre collègue avait mentionné des hypothèses de travail pour éviter la mise en concurrence de nos barrages grâce à la création de structures publiques. Ces propos font écho au dernier scénario du projet Hercule : une structure EDF azur pourrait protéger ces concessions de la concurrence.
À chaque demande sur le projet, madame la ministre, vous tirez argument des négociations en cours pour ne pas répondre. Ce n'est plus soutenable. Allez-vous défendre la souveraineté nationale ? Êtes-vous, oui ou non, favorable à la mise en concurrence des concessions hydroélectriques françaises ?
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Malgré nos clivages politiques, nous avons tous à coeur d'assurer un meilleur avenir pour notre fleuron national et notre pays - mais j'ai entendu beaucoup de contre-vérités. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)
M. Fabien Gay. - Ça commence bien !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Le Président de la République l'a dit le 8 décembre dernier au Creusot : nous faisons le choix d'un mix énergétique décarboné plus équilibré avec des EnR mais aussi du nucléaire.
La France est l'un des pays les plus vertueux : un Français émet 20 % de moins de gaz à effet de serre qu'un Européen, et 35 % de moins qu'un Allemand. La performance française est le fruit de choix politiques effectués dans un contexte alors très différent.
Le débat aura lieu en son temps sur l'évolution de notre mix énergétique, mais ce n'est pas le débat de ce soir.
Les interrogations, les doutes sont nombreux. Je vous le dis : en Europe, les concurrents d'EDF montent en puissance sur les EnR, l'hydrogène, l'efficacité énergétique et le stockage. La France et EDF ne peuvent perdre cette bataille (Interruptions sur les travées du groupe CRCE) par immobilisme et par attentisme. Il en va de notre rayonnement de notre souveraineté et de l'avenir de notre pays. (Nouvelles interruptions)
Oui, EDF doit être un champion mondial de la transition écologique et énergétique. C'est mon engagement et celui du Gouvernement. (M. Fabien Gay proteste.)
Regardons la réalité en face : 40 % de la commercialisation de l'électricité est réalisée par des alternatifs, afin que les Français puissent choisir librement leurs contrats.
M. Fabien Gay. - Pas la production !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Certes ! Mais le dispositif de l'Arenh, créé en 2010, ne couvre pas les coûts du parc car son prix n'a pas évolué depuis 2012. Le nucléaire a un coût, la sécurité, la maintenance, la modernisation ont un coût.
La régulation de l'hydroélectricité est aussi dépassée. Nous avons deux contentieux européens bloquants de nouveaux investissements. Il faut, ici aussi, que nous évoluons.
Oui, notre Gouvernement a ouvert une discussion avec Bruxelles en lien étroit avec EDF. Il s'agit de garantir le financement du parc nucléaire existant : EDF doit être correctement rémunérée, quelle que soit l'évolution des prix sur le marché, y compris en prenant en compte le remboursement de la dette. Et les consommateurs français doivent être protégés des fluctuations : la péréquation ne sera pas remise en cause et les tarifs réglementés perdureront.
Nous entendons mettre également un terme aux contentieux sur les concessions hydrauliques d'EDF, dont nous ne voulons pas nous séparer.
Nous ne cachons rien de nos ambitions ni de nos exigences. La discrétion préside à toute négociation... Ce n'est pas le signe d'un complot ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE)
M. Fabien Gay. - Nous n'avons jamais dit cela !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Notre seule volonté est d'obtenir l'évolution de la régulation, car elle est en faveur d'EDF, du consommateur et de notre politique énergétique. Notre pays a tout à y gagner. Ces évolutions entraîneront probablement une réorganisation de certaines structures internes du groupe.
M. Fabien Gay. - Nous y voilà !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Je combats trois contre-vérités : non, nous n'allons pas dépecer EDF, ni la démanteler. Et oui, nous préserverons le statut des salariés, auxquels je rends hommage et que je veux rassurer.
M. Fabien Gay. - C'est gagné !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Les parcours professionnels des salariés seront préservés, de même que le statut des activités gazières. Nous garderons un groupe public intégré. L'actionnariat privé existe déjà dans EDF.
M. Fabien Gay. - Nous le savons !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Nous pourrons envisager des plafonds d'ouverture au privé. EDF est une entreprise publique et le restera : c'est l'ADN du groupe et de la France.
Certes, la négociation prend du temps, car le Gouvernement tient bon dans les négociations sur les points essentiels avec la Commission européenne. Jamais cette négociation ne préemptera l'indispensable discussion avec la représentation parlementaire, avant toute réforme. Nous dédierons une discussion spécifique sur le sujet, et non dans le cadre du projet de loi Climat ou 4D. Ce sera le gage d'une meilleure décision. De même, la réforme se fera avec les partenaires sociaux. Ce dialogue est le gage de la meilleure décision pour le pays.
Loin des rumeurs, des contre-vérités et des peurs, nous donnerons à EDF les moyens de devenir un champion de la transition énergétique. Le Gouvernement travaille à assurer l'avenir de la transition écologique de la France, et vous pouvez compter sur ma totale détermination.
Prochaine séance, mardi 19 janvier 2021, à 9 h 30.
La séance est levée à 21 h 55.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du mardi 19 janvier 2021
Séance publique
À 9 h 30
- Trente-six questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat (demande du groupe Les Républicains)
- Proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage (demande du groupe Les Républicains)