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Table des matières
Respect des principes de la République
: [M. Jean Castex, Premier ministre
Menace d'un Brexit sans accord pour la pêche
Mme Annick Girardin, ministre de la mer
Prévention du Covid-19 et vaccination
Création d'un million d'emplois pour les jeunes
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
Décret du 2 décembre 2020 sur la collecte de données personnelles
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
Politique énergétique et climatique
Désenclavement des territoires par les lignes ferroviaires
: [M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
Politique sociale du Gouvernement
Libération de suspects liés à l'attentat de Nice
: [M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Situation en Nouvelle-Calédonie
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer
Création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux
Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la proposition de loi
Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Laurence Cohen, rapporteure
Aménagement numérique des territoires
Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de résolution
Modification de l'ordre du jour
Ordre du jour du jeudi 10 décembre 2020
SÉANCE
du mercredi 9 décembre 2020
43e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de Mme Laurence rossignol
Vice-Présidente
Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
Mme la présidente. - Je vous prie d'excuser le président Larcher, qui se trouve au musée d'Orsay pour présenter nos condoléances à la famille de l'ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct par Public Sénat et sur notre site internet.
J'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres et du temps de parole.
Respect des principes de la République
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Une seule question, Monsieur le Premier ministre : quelle est la conception du Gouvernement de l'unité de la Nation dans notre République indivisible ? (Applaudissements et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean Castex, Premier ministre . - La question, courte, pourrait vous valoir, si j'osais, une réponse de 45 minutes voire de deux heures, tellement elle est fondatrice et majeure. Vous me permettrez de faire un lien entre celle-ci et le projet de loi adopté par le Conseil des ministres ce matin, qui vise précisément à conforter l'unité de notre République.
La République est notre bien collectif le plus précieux.
Certains, hélas - ils sont divers et nombreux - ne partagent pas notre conception de cette unité et cherchent à porter atteinte à ses valeurs fondatrices. Ils le font parfois par la violence, parfois en inculquant à leurs enfants des principes contraires à nos principes républicains et ils le font en excipant de la belle loi de 1901, usant de son couvert pour détacher de la République les plus jeunes de nos enfants.
Certains viennent troubler le droit de manifester en s'adonnant à des violences inadmissibles que l'unité de la République ne saurait tolérer.
Notre conception est faite d'intransigeance et de grande fermeté - et les dispositions législatives que vous allez bientôt examiner porteront témoignage de notre engagement résolu.
Cette conception, c'est aussi une conception émancipatrice, de progrès, qui s'appuie sur l'éducation, l'habitat, toutes les politiques publiques qui font le lien entre citoyennes et citoyens. L'unité de la République appelle en effet la cohérence de nos politiques publiques et c'est à cette cohérence que travaille ardemment mon Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Roger Karoutchi. - Je ne mets pas en doute vos intentions. La Nation, pour nous, n'est pas un agrégat de communautés mais un creuset dans lequel tout le monde se retrouve.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Très bien !
M. Roger Karoutchi. - Je vous entends, monsieur le Premier ministre, mais j'entends aussi le Président de la République faire une liste de 300 à 500 personnalités issues de la diversité pour donner leur nom à des rues ou leur ériger des statues.
Sincèrement, Félix Éboué n'a pas eu besoin d'une telle liste pour entrer au Panthéon, pas plus que Gaston Monnerville pour présider cette noble assemblée, ni Michel Manouchian, ni tous ceux dont la valeur personnelle a appelé la reconnaissance de la République.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Roger Karoutchi. - Figurer sur une liste réduit les mérites de ceux qui y sont inscrits parce qu'ils sont originaires de la diversité et non en raison de leur valeur personnelle. Le creuset de la Nation, c'est l'intégration, pour un avenir commun, dans une Nation unie dans les difficultés et les crises, qui ne distingue pas l'appartenance à des catégories.
Ici, beaucoup de sénateurs sont d'origines et de religions diverses. Tous sont des Français qui servent la République. Monsieur le Premier ministre, faites en sorte que l'État défende la République et la Nation, unies et indivisibles. (Bravos et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements nourris sur la plupart des travées des groupes UC, INDEP, RDSE et SER)
Menace d'un Brexit sans accord pour la pêche
Mme Catherine Fournier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, en ce jour de deuil national, la famille centriste salue la mémoire de Valéry Giscard d'Estaing, celle d'un grand homme d'État. L'Union européenne fait partie de son héritage, avec l'institution du Conseil européen, la préfiguration de l'euro, l'élection des députés européens au suffrage universel.
Or la situation de l'Union européenne est très préoccupante en ce moment avec le Brexit. L'échéance du 2 janvier est imminente, et aucun accord n'est encore en vue. Élue de la Côte d'Opale, je me fais l'écho des sourdes inquiétudes des pêcheurs. Dans 24 jours, si aucun accord n'est trouvé, la pêche française sera irrémédiablement atteinte. Les pêcheurs seront comme des agriculteurs à qui l'on retirerait leurs terres. Les pêcheurs de Boulogne pourraient tout perdre ; ils n'auraient alors plus rien à perdre.
Le Conseil européen de demain et vendredi traitera la pêche séparément du paquet global, ce qui fait le jeu des Britanniques. Si les dispositions sur la pêche adoptées par le Conseil européen ne sont pas satisfaites, la France est-elle prête à aller jusqu'au veto ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Annick Girardin, ministre de la mer . - Je m'associe à votre hommage à Valéry Giscard d'Estaing, un grand homme de l'Europe moderne.
Dès ce soir, la présidente de la Commission européenne et Boris Johnson vont s'entretenir de ce sujet. Je vais vous rassurer, comme je le fais auprès des pêcheurs : ils ne seront pas les oubliés ni les sacrifiés du Brexit.
Les négociations sont en effet dans la dernière ligne droite. Il n'y aura pas d'accord global sans ces lignes rouges, qui prévalent pour huit États membres. Nous ne lâcherons rien. Quelle sera l'acceptation des pêcheurs ? Au 1er janvier 2021, nous aurons probablement perdu un peu de quotas, mais nous aurons conservé nos accès. Nous serons fermes là-dessus. Nous présenterons le plan d'accompagnement annoncé par le Premier ministre dans les jours qui viennent. Nous attendons le résultat définitif des négociations, mais nous nous préparons avec l'ensemble des ministres concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
Prévention du Covid-19 et vaccination
M. Jérémy Bacchi . - Ma question s'adressait à M. le ministre de la Santé qui brille hélas par son absence depuis huit semaines. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER ; mouvements à droite)
Une question est sur toutes les lèvres : la France va-t-elle sortir du second confinement le 15 décembre ? Nous avons 10 000 contaminations par jour au lieu de 5 000, objectif fixé par le Gouvernement...
Il nous faut une véritable stratégie de dépistage avec un accompagnement des personnes testées et isolées, sinon c'est un coup d'épée dans l'eau.
Comment protéger les populations quand un bon nombre d'entreprises ne jouent pas le jeu ? Que faire si des employeurs obligent leurs salariés cas contacts à se rendre sur leur lieu de travail dans l'attente des résultats des tests PCR ? J'ai été alerté sur de telles situations dans mon département. C'est inadmissible. Il faut des moyens pour la vaccination et la prévention.
Qu'allez-vous faire ? Comment accompagner les cas contacts isolés qui subissent des pressions de leur entreprise ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)
Voix sur les travées socialistes. - Où est Véran ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Nous souhaitons tous nous projeter vers l'avenir. Jusqu'au bout, 2020 aura été une année d'incertitudes.
Le Gouvernement ne s'est jamais laissé aller au fatalisme. Depuis le premier jour, le Gouvernement travaille à des mesures adaptées à la situation, dont nous avons appris à accepter qu'elle change de jour en jour.
Nous connaissons de mieux en mieux le virus. Les vaccins sont là. Pour envisager la suite, nous dévons être au plus près de l'état de nos connaissances.
Chaque jour, plus de 10 000 personnes sont testées positives. Nous restons vigilants car nous sommes loin des 5 000 cas par jour, cible présentée par le Président de la République sur la base d'un large consensus scientifique.
La tendance est malheureusement au ralentissement de la baisse et de nouvelles mesures seront annoncées demain en fonction des dernières évolutions constatées et des derniers arbitrages.
Le virus continuera à circuler activement durant ces prochaines semaines et mois, froids, où nous passons davantage de temps à l'intérieur.
M. Jérémy Bacchi. - Je regrette l'absence de réponse à ma question.
Nous jugerons le Gouvernement sur les actes. Nous ratons cette nouvelle étape après avoir raté celles des masques et du dépistage.
À l'heure où les Français sont défiants, il faut créer un pôle public du médicament pour sortir de l'emprise du lobby des laboratoires pharmaceutiques, comme le groupe CRCE le proposera dans une heure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)
Création d'un million d'emplois pour les jeunes
M. Alain Richard . - Notre économie subit un choc majeur ; nos entreprises et services publics innovent pour remonter la pente.
Dès le début du plan de relance, le Gouvernement a mis en place des dispositifs pour l'accès à l'emploi des 800 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail.
Je salue la force de travail et l'engagement des agents de Pôle Emploi, des missions locales et des collectivités territoriales qui se mobilisent.
Madame la ministre, pouvez-vous nous faire un point d'étape sur le degré de réponse sur le terrain, sur le dispositif que vous avez mis en place et éventuellement sur l'impulsion à donner pour qu'il atteigne le succès, c'est-à-dire l'accès au marché du travail ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Le Gouvernement s'est engagé dès l'été en faveur de l'emploi des jeunes dans la crise que nous affrontons : ce sont plus de 6,7 milliards d'euros que nous mobilisons pour apporter à chaque jeune une solution, quelle que soit sa situation.
Quatre mois après le lancement de notre plan, près d'un million de jeunes ont été embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI ; plus de 170 000 aides à l'embauche ont été accordées et 70 % des embauches sont en CDI.
L'apprentissage poursuit sa montée en puissance avec plus de 420 000 apprentis à la rentrée 2020. Nous pulvérisons le record de 2019 ! S'y ajoutent 300 000 parcours ou contrats d'insertion supplémentaires.
Le 26 novembre, nous avons renforcé le plan Jeunes pour donner à chacun un soutien financier dès lors qu'il s'engage dans une formation ou un parcours vers l'emploi. Et votre groupe a déposé un amendement en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2021. J'invite chacun à s'emparer de la plateforme unjeuneunesolution.gouv.fr qui a déjà reçu plus de 400 000 connexions.
Je sais pouvoir compter sur la mobilisation du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Décret du 2 décembre 2020 sur la collecte de données personnelles
M. Michel Dagbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je souhaite exprimer mon émotion aux familles des victimes du crash d'hélicoptère survenu hier.
En 2008, le fichier de police dit « Edvige » (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) avait été retiré dès sa création après une mobilisation citoyenne. Or deux ans après, au nom de la lutte contre le terrorisme, vous prenez trois décrets qui étendent les possibilités de collecte d'information de trois fichiers présentant les mêmes risques.
Le périmètre très large des données collectées, avec l'extension du filage aux personnes morales et groupements, en plus des personnes physiques, vise désormais tous les acteurs du monde économique, associatif et syndical.
Les données qui pourront être recueillies sont intrusives, de la vie professionnelle aux habitudes de vie, déplacements, pratiques sportives, santé psychiatrique mais surtout la mention des opinions, et non plus des seules activités politiques, religieuses ou philosophiques, portent atteinte aux libertés.
La protection des Français, à laquelle nous sommes tous attachés, ne peut se faire au détriment des libertés publiques. Allez-vous suivre, monsieur le ministre de l'Intérieur, les avis de la CNIL et de la Défenseure des droits ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Nous sommes tous très touchés par le crash de cet hélicoptère, sur lequel le président de la République et le Premier ministre se sont exprimés. Je me rendrai demain en Savoie. J'ai aussi un mot pour ce policier de Seine-et-Marne tué en faisant son travail lors d'un contrôle routier parce qu'une voiture n'a pas voulu s'arrêter.
Le Gouvernement a pris trois décrets : un pour les enquêtes administratives de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la préfecture de police de Paris et deux autres pour le renseignement territorial de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Entre 2008 et aujourd'hui, la RGPD a été adopté ; le terme « parti politique » a été transformé en « opinion politique » ; et c'est le Parlement qui l'a voté... Ensuite, la CNIL a fait des contrôles et révélant que certaines dispositions étaient sujettes à caution, a demandé au Gouvernement de retravailler sa copie.
De plus, la menace a évolué, comme j'ai pu le dire à la délégation parlementaire au renseignement, et lors des échanges avec les parlementaires. À chaque fois, ces décrets sont pris après avis de la CNIL et validation du Conseil d'État.
Passer « d'opinion » à « activité », conformément au RGPD, vise les opinions des extrémistes qui vont commettre des attentats.
Laïcité
Mme Nathalie Delattre . - Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité : telle devrait être la devise de la France. C'est l'objet de la proposition de loi constitutionnelle que je viens de déposer en ce jour anniversaire de la loi de 1905, inspirée par mes illustres prédécesseurs radicaux.
Notre principe laïc est ébranlé par des dérives religieuses, mais aussi sectaires et communautaristes. Il était temps que le projet de loi confortant le respect des principes de la République soit adopté ce matin en conseil des ministres, pour étayer les murs porteurs que sont nos services publics, l'éducation, le sport, la sécurité, etc.
Il faut en effet mieux contrôler les associations cultuelles déguisées en associations culturelles, les fonds étrangers, certaines influences sur les milieux sportifs. Ce sont des avancées de ce texte. Mais nous ne sommes pas d'accord sur l'interdiction de l'école à domicile : le contrôle oui, mais pas par les élus locaux, et l'interdiction non !
Je salue la reprise dans votre projet de loi de quelques recommandations de la commission d'enquête que j'ai présidée, mais oserez-vous aller plus loin dans l'écoute du Sénat? Tiendrez-vous compte des doutes du Conseil d'État ?
La laïcité est la liberté de croire ou de ne pas croire, sans contrainte sociale ou étatique, spécificité française et modèle dans le monde depuis 115 ans. Comment allez-vous la préserver et l'affirmer dans ce nouveau siècle ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Cette question aurait pu s'adresser aussi au ministre de l'Éducation, dont je salue l'action dans ce domaine. Le Sénat apportera sa marque essentielle...
M. Gérard Larcher. - Comme toujours ! (Marques d'approbation à droite)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Oui, monsieur Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. - Je n'ai rien dit ! (Sourires)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ah, mais je suis aussi à la disposition de M. Larcher, de la commission des lois et de l'ensemble des groupes politiques pour que nous trouvions un consensus sur ce texte, comme l'aurait voulu Aristide Briand, qui déclarait que le Parlement était là pour à la fois « pacifier les esprits et rendre de la force à la République ». (Exclamations à droite)
Ce texte s'attaque au champ associatif, mais aussi au vaste champ de l'action publique, comme aucun gouvernement ne l'a fait jusqu'à présent. La neutralité des agents, non seulement chargés de missions de service public, mais aussi dans les délégations de service public, doit être réaffirmée.
M. Jacques Grosperrin. - Oui.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Chaque semaine, les conseils des ministres qui se succèdent dissolvent des associations séparatistes. Je souhaite de tout coeur que nous réussissions à y travailler avec le Sénat pour faire entendre la voix de la République. (Quelques applaudissements sur les travées du RDPI)
Politique énergétique et climatique
M. Jacques Fernique . - Il y a cinq ans, les accords de Paris redonnaient l'espoir d'une planète habitable. Demain, le Conseil européen rehausse notre objectif climat. C'est bien, mais si des actes à la hauteur suivent, c'est mieux.
En matière écologique, les petits pas sont des reculs : c'est Nicolas Hulot qui l'a dit. (Vives exclamations à droite) Or la démarche initiée avec la Convention citoyenne pour le climat paraît compromise.
Le ton du Président rappelle la manière dont un de ses prédécesseurs avait sifflé la fin du Grenelle. Après les « Amish », viennent les« activistes », le rapport de la convention qualifié de « truc » qui ne serait « ni la Bible, ni le Coran », puis le nucléaire, et ses EPR, qui serait maintenant la « principale solution » ...
Faut-il comprendre que « le climat, cela commence à bien faire » ?
Entre coups de communication et coups de gueule, nous perdons du temps. Un temps que le climat ne rattrapera pas. La loi Convention climat ne s'appliquera pas avant le prochain quinquennat.
Comment allez-vous traduire concrètement les engagements européens de baisse de 55 % des émissions dans cette loi ?
Rénovation thermique, régulation de la publicité, interdiction des véhicules les plus émetteurs, redevance sur les engrais azotés, éco-conditionnalité... (Marques d'impatience croissantes à droite, où l'on observe que le temps de parole imparti est écoulé.)
Mme la présidente. - Il faut conclure !
M. Jacques Fernique. - Qu'allez-vous faire des propositions de la Convention ? (Bravos et applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité . - Depuis le début du quinquennat, nous travaillons de concert avec le Parlement, les citoyens, les sphères économiques et financières pour renforcer cette ambition écologique.
Avec la diversification des sources d'approvisionnement, le développement des énergies renouvelables par programmation pluriannuelle de l'énergie, la France s'inscrit dans une trajectoire permettant d'atteindre la neutralité carbone en 2050, grâce à un mix énergétique revu pour réussir cette ambition.
Ainsi, 30 milliards d'euros du plan de relance sont consacrés à la transition énergétique - dont 1,2 milliard d'euros pour la décarbonation de l'industrie qui pourra être atteinte par exemple par des investissements privés dans l'hydrogène ; en tout 7 milliards d'euros sont dédiés à cette technologie d'avenir.
Le bonus écologique ne cesse de progresser, avec 2 600 demandes par semaine contre 1 300 auparavant ; la part des véhicules électriques dans les ventes a été multipliée par trois dans le dernier trimestre ; enfin il faut mentionner le succès de MaPrimeRénov' avec 30 000 dossiers contre 10 000 auparavant...La route est longue, mais cette ambition va être renforcée par le projet de loi soumis aujourd'hui au Parlement...
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Les petits pas comptent autant qu'une vision d'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Désenclavement des territoires par les lignes ferroviaires
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées des INDEP) Nous constatons une réduction excessive du nombre de trains - incompatible avec le respect des règles sanitaires. Ceux qui demeurent sont bondés. Quelles mesures propose le Gouvernement pour éviter qu'ils deviennent de nouveaux clusters ?
La ligne Paris-Toulouse via Orléans et Limoges, dite « POLT », dessert douze départements et trente indirectement, mais le sous-investissement chronique allonge le temps de parcours.
L'État a annoncé la mobilisation de 1,6 milliard d'euros prévus pour la régénération des lignes (Mme Éliane Assassi s'exclame.) et de 400 millions d'euros pour la rénovation du matériel Intercités. (Murmures sur les travées du groupe CRCE)
Dans le plan de relance, 380 millions d'euros étaient prévus pour réduire de 30 minutes le temps de trajet sur cette ligne.
Les dysfonctionnements de la nouvelle ligne qui dessert 3,5 millions d'usagers vont-ils se résorber ?
Le Gouvernement va-t-il demander à la SNCF de surseoir à la disparition de l'établissement Infrastructures et circulations de Limoges, qui compte trente emplois et intervient sur toute la ligne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité . - Les lignes ferroviaires sont essentielles pour le maillage des territoires. Nous leur accordons une importance particulière. (Murmures sur les travées des groupes CRCE et SER)
Un protocole drastique a été mis en place avec port du masque, désinfection des rames, algorithmes assurant un espacement maximal des passagers dans les trains lors de la réservation, formation et protection des équipes. Seuls 1 % des clusters concernent les transports.
Certes, les points d'affluence méritent notre attention.
M. Pascal Savoldelli. - Rien sur la loi « 3D » ? (On le déplore sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - L'offre des TGV est réduite à hauteur de 30 %, mais le taux de fréquentation est de 10 %. Le retour à la normale est prévu pour la fin de l'année.
Quant à la ligne POLT, près de 3 milliards d'euros par an sont destinés à la régénération avec le renouvellement du matériel roulant, financés à 100 % par SNCF Réseau ; 1,6 milliard d'euros, financés à 100 % par la SNCF, sont prévus pour la modernisation de la ligne.
La suppression de l'établissement Infrastructures et circulations de Limoges n'est pour l'instant qu'une rumeur.
M. Daniel Chasseing. - Je souhaite que les citoyens des Intercités entrent dans le XXIe siècle, notamment en ayant la possibilité de téléphoner, de communiquer. Je n'ai pas eu de réponse sur l'établissement de Limoges.
Stratégie vaccinale
M. Bernard Bonne . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à Monsieur le ministre des Solidarités et de la santé... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Son absence répétée relève-t-elle d'une bouderie ou d'un mépris de notre assemblée ? (Applaudissements)
Quelle est votre stratégie vaccinale contre la covid-19 ? Avoir une stratégie, c'est anticiper. Nous ne semblons pas au point, comparés à l'Allemagne ou la Grande-Bretagne qui a commencé hier à vacciner. Où en sommes-nous sur l'achat, l'approvisionnement, le conditionnement et la conservation des doses, l'acheminement ? Où les Français pourront-ils se faire vacciner ? Quel sera le rôle des médecins généralistes, celui des médecins coordonnateurs des Ehpad ? L'impréparation semble grande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Le ministre Véran n'est pas de caractère boudeur, et a le plus grand respect pour votre Haute Assemblée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est sans doute timide...
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - C'est un honneur et un plaisir pour moi de le représenter auprès de vous.
La campagne vaccinale se prépare dans de bonnes conditions. La transparence et la pédagogie s'imposent, alors que 61 % des Français n'auraient pas l'intention de se faire vacciner...
Les vaccins Moderna et Pfizer devraient être les premiers à obtenir une autorisation européenne. La Haute Autorité de Santé (HAS) a d'ores et déjà fait des préconisations et défini les publics prioritaires. La nomination de l'infectiologue Alain Fischer en tant qu'expert référent participe à cette démarche de transparence. La HAS s'est également penchée sur l'impact de la sérologie sur la balance bénéfice-risque : à ce stade, le statut sérologique est neutre sur la priorisation.
La vaccination se fera après consultation médicale, en présence d'un médecin pour la phase 1 ; la question de la déléguer à d'autres professionnels de santé sera tranchée sur la base de l'avis de la HAS. Le Gouvernement veille au circuit logistique pour assurer la bonne vaccination au bon moment.
M. Bernard Bonne. - Merci pour votre réponse, même si elle ne me rassure pas vraiment. Je vous remercie surtout de votre présence régulière dans notre hémicycle et nos commissions et du respect que vous montrez de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadège Havet applaudit également.)
EDF et projet Hercule
M. Sebastien Pla . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis quelques semaines, la presse, mieux informée que le Parlement, alerte sur les risques que fait peser le projet Hercule sur le service public de l'électricité et l'indépendance énergétique du pays : perte de statut des salariés d'EDF, inflation des prix...
Nous ne pouvons accepter que l'Élysée sacrifie des biens stratégiques à la doctrine libérale de Bruxelles. Hercule, c'est le démembrement du fleuron de l'énergie qu'est EDF en trois entités - bleu, vert, azur -, la nationalisation des pertes et la privatisation des profits.
La France sera le seul pays européen à affaiblir un secteur aussi vital et rentable, à privatiser les barrages. À qui profite le crime ?
Pourquoi fragiliser EDF, qui doit être l'acteur majeur de la transition énergétique ? Où en sont les négociations avec Bruxelles, quel sera le véhicule législatif de la réorganisation, que répondez-vous aux inquiétudes des salariés ? Monsieur le Premier ministre, c'est vous que nous souhaitons entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité . - Le Gouvernement ne veut évidemment pas déstabiliser notre fleuron industriel, qui produit l'électricité la plus décarbonée d'Europe - et qui est le garant de notre souveraineté énergétique.
L'objectif de nos échanges avec Bruxelles est bien qu'EDF demeure un moteur de la transition, et que le groupe dispose d'un cadre de régulation adapté...
M. Fabien Gay. - Adapté à qui ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - ...et de capacités d'investissement accrues, car ses concurrents européens n'attendent pas. Nous sommes en négociation avec la Commission européenne avec le but de conserver un groupe intégré, qui puisse investir tout en préservant l'emploi et le savoir-faire. Nous devons financer le parc nucléaire dans la durée, et protéger les consommateurs de hausses de prix. Nous cherchons une issue au contentieux sur l'hydroélectricité et défendons avec détermination les intérêts de la France.
M. Sebastien Pla. - Vous répondez toujours à côté... Jusqu'à quand allons-nous tolérer que le Gouvernement brade en toute opacité les bijoux de famille ? Non à la privatisation d'EDF ! (Applaudissements à gauche)
Politique de sécurité
M. Henri Leroy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Face à la délinquance qui explose, au communautarisme qui nous gangrène, au terrorisme qui tue, aux black blocs qui pillent, cassent et sèment la terreur à chaque manifestation, nous étions nombreux - parlementaires, maires, policiers, gendarmes - à attendre le Livre blanc de la sécurité intérieure.
C'est chose faite ; il servira à la Lopsi3, au Beauvau de la sécurité annoncé hier par le Président et réclamé par le Sénat depuis juin 2018 et à la remise du rapport sur l'état des forces de sécurité intérieure.
Comme le dit le Livre blanc, les maires sont des acteurs centraux de la sécurité communale. Ils sont responsables de la politique de prévention et sont, à travers leur police municipale, un réseau d'information des forces de sécurité.
Le redéploiement territorial de la gendarmerie et de la police dans les communes est une question majeure, or les critères évoqués dans le Livre blanc sont flous et intriguent. Jamais il n'est fait mention des maires, qu'il faudrait pourtant absolument associer. Quels seront les vrais critères de ce redéploiement ?
Que ferez-vous concrètement contre la fureur dévastatrice des black blocs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Les élus locaux ont été consultés pour rédiger le Livre blanc - qui n'est qu'un document de travail. Il servira de base à la discussion qui aboutira, à terme, à une grande loi de sécurité intérieure.
L'année 2021 sera l'occasion de définir les grands enjeux. Ce n'est évidemment pas une commission qui déterminera la répartition des gendarmes et de la police : nous y travaillerons en osmose avec les élus de tous les territoires, sans exclure des projets originaux, des expérimentations - association des deux armes ou spécialisation selon le type de délinquance. Les élus locaux y seront pleinement associés.
Les black blocs sont des individus violents, casseurs. Nous devons casser la dynamique de la peur. J'ai donné instruction aux préfets de définir leur profil et de réfléchir avec le garde des Sceaux aux moyens de les empêcher d'agir - par des interdictions de paraître, par exemple.
Stations de ski (I)
M. Loïc Hervé . - La montagne est en deuil depuis hier, et je rends hommage aux victimes de l'accident d'hélicoptère en Savoie.
Dans notre inconscient collectif, la montagne rime avec bons moments en famille. Mais n'oublions pas que c'est un secteur économique, dont 20 % du chiffre d'affaires se fait à Noël.
Depuis l'annonce brutale de la fermeture des remontées mécaniques, et en l'absence de date de réouverture, on sent la colère monter.
On nous a expliqué la nécessité d'une coordination européenne ; or l'Autriche et la Suisse vont laisser leurs infrastructures ouvertes.
La Tour Eiffel va rouvrir mais les remontées mécaniques restent fermées dans tout le pays, pour une durée indéterminée. Curieuse conception de la différenciation !
Quelle coordination européenne souhaitez-vous ? Quelle vraie différenciation locale allez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe SER)
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Je m'associe à votre hommage.
Le Gouvernement ne prend pas ces mesures de restriction de gaîté de coeur, ni parce que les activités de plein air seraient les plus dangereuses, mais parce que les stations sont aussi des lieux de fête et de rassemblement.
Or l'épidémie n'est pas encore maîtrisée et nous devons rester vigilants. Si nous ouvrions trop tôt, nous prendrions un risque sanitaire mais aussi économique car nous hypothéquerions le mois de février, qui est le haut de la saison.
La coordination européenne a été lancée, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, afin d'éviter à la fois une concurrence déloyale et une réimportation du virus. L'Italie, l'Allemagne, la Bulgarie, la Slovénie, Andorre ont annoncé fermer les stations pour la période des fêtes.
En Autriche, hôtels, bars, restaurants seront fermés, et une quarantaine est imposée. Il n'y aura de fait pas de concurrence touristique.
En Catalogne, nous avons obtenu qu'il y ait une interdiction pour les non-résidents d'accéder aux stations de ski, avec des contrôles. C'est ce que nous demanderons aussi à la Suisse. Si nécessaire, nous ferons des contrôles aux frontières ; nous poursuivons la coordination diplomatique mais il s'agit de décisions cantonales. Nous accompagnerons les professionnels. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Loïc Hervé. - Sur quels fondements juridiques allez-vous contrôler ? Bars, restaurants, discothèques sont fermés. Ce n'est pas sur un tire-fesses que l'on attrape la covid ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER)
Des protocoles sont prêts. Il faut donner de l'espoir à la montagne ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Stations de ski (II)
Mme Sylviane Noël . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quinze jours après les annonces décriées du président de la République, le monde de la montagne est en colère. La Tour Eiffel rouvre alors que les remontées mécaniques sont fermées. De qui se moque-t-on ?
On autorise néanmoins l'accès aux licenciés au sein d'une association sportive affiliée de la Fédération française de ski... Comment mettre en oeuvre une mesure aussi discriminatoire, qui créera la frustration chez les vacanciers privés de ski ? Sans compter que le coût de fonctionnement journalier d'une station avoisine les 45 000 euros...
Nous avons besoin de confiance et de visibilité. Visibilité temporelle d'abord : quels critères détermineront la date de réouverture ? Visibilité organisationnelle ensuite : comment organiser les autres activités comme les jardins d'enfants en front de neige ? Quelle responsabilité des maires ? Visibilité financière enfin : comment seront compensées les pertes de ces activités qui réalisent leur chiffre d'affaires annuel sur quatre mois ? La saison d'hiver est très courte, le temps presse. Donnez-nous des réponses au plus vite ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Le plus dangereux, ce ne sont pas les activités en plein air mais les rassemblements chez les particuliers. C'est là que se sont créés les clusters en Autriche l'hiver dernier...
Le Premier ministre recevra le 11 décembre les acteurs de la filière pour évoquer les mesures d'accompagnement. Il y aura un dispositif ad hoc de soutien, une compensation des charges fixes pour les remontées mécaniques ; le fonds de solidarité pourra être étendu à des zones territoriales entières pour couvrir toute l'activité commerciale, y compris les agences de location saisonnière ; un fonds de garantie des pertes fiscales des collectivités territoriales concernées est à l'étude ; les saisonniers déjà recrutés seront éligibles à l'activité partielle sans reste à charge ; les activités autres que le ski alpin restent possibles ; les jardins d'enfants seront ouverts.
L'État est au rendez-vous. La réunion du 11 décembre permettra d'envisager d'autres mesures. L'objectif est une réouverture progressive, pour éviter les fermetures. Les ministres Lemoyne, Blanquer et El Haïry travaillent sur une reprise des classes de neige en février, qui marque la haute saison.
Enfin, Atout France prépare une campagne de communication et de promotion.
Politique sociale du Gouvernement
Mme Martine Filleul . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Des travailleurs pauvres, des retraités, des étudiants viennent allonger les queues devant les associations d'aide alimentaire. La crise sociale est là, partout.
Nous attendions beaucoup du PLF. Vous préférez, obstinément, préserver les intérêts des plus fortunés et des grandes entreprises en refusant de les faire contribuer fiscalement.
Vous restez sourds à nos appels - refusant d'améliorer la prise en charge du chômage partiel ou d'augmenter le Smic. Vous privez les Français de leur liberté, mais aussi de fraternité, à la différence du Conseil National de la Résistance, qui avait compris en son temps qu'il fallait de grandes réformes sociales.
Quand aurez-vous une vraie politique sociale, au-delà des mesures d'urgence au coup par coup ? Quand vous inspirerez-vous des départements qui instaurent un revenu minimum de base ? Quand étendrez-vous le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ? (Applaudissements à gauche ; on ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Vous avez raison, la crise de la covid-19 a déclaré la guerre aux classes populaires, qui sont les plus exposées à la maladie, à la récession et donc au chômage. Nous avons un devoir de solidarité.
Le Gouvernement n'a pas attendu la crise sanitaire pour agir. Vous nous reprochez de ne pas avoir augmenté les minima sociaux, mais nous avons augmenté dès 2017 l'AAH et l'allocation de solidarité pour les personnes âgées, revalorisé la prime d'activité, ce qui a fait baisser le taux de pauvreté dans notre pays.
Nous consacrons 8,5 milliards d'euros à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Dès le 1er janvier 2021, les frais dentaires, optiques, auditifs seront remboursés à 100 %. Tous les frais de santé liés à la covid-19 sont intégralement pris en charge.
Nous protégeons les plus fragiles en reconduisant les droits aux minima sociaux, en dégageant 3,5 milliards d'euros d'aides directes pour 8 millions de personnes, en consacrant des dizaines de millions à la mise à l'abri, à l'aide alimentaire, à la distribution de masques - je salue l'action des associations à cet égard. Enfin, nous consacrons 6,7 milliards d'euros au plan « Un jeune, une solution ». (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
Mme Martine Filleul. - Cette crise aurait pu être l'occasion pour le Gouvernement de changer de politique, de traiter la question sociale ; au contraire, vous restez le Gouvernement des riches. (Applaudissements à gauche)
Libération de suspects liés à l'attentat de Nice
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au garde des Sceaux.
Il y a une semaine, deux individus, en détention provisoire pour leur participation présumée à l'attentat de Nice en 2016, ont été libérés pour vice de procédure. Ils ont été les premiers surpris - l'un d'entre eux aurait demandé de prolonger sa détention pour une nuit supplémentaire afin de préparer sa sortie. (On s'amuse sur les travées du groupe Les Républicains) Heureusement, ces deux Albanais, en situation irrégulière, ont été interpellés et assignés à résidence.
C'est un épisode surréaliste, mais pas unique. Plusieurs individus ont été ainsi libérés en raison de malencontreuses erreurs de procédure : un homme suspecté de crime contre l'humanité, un autre accusé d'avoir asséné des coups mortels à sa mère, un membre présumé du narco-banditisme...
La justice est indépendante, ce qui confère aux juges de nombreux pouvoirs. Le corollaire doit être un régime de responsabilité renforcée, seule réponse à la défiance dont souffre une magistrature discréditée par ces négligences, certes minoritaires mais insuffisamment sanctionnées.
Quelles dispositions allez-vous prendre pour éviter pareils errements administratifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je tiens tout d'abord à vous souhaiter un bon anniversaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Vous abordez un sujet grave. Veuillez excuser M. Dupont-Moretti, retenu à l'Assemblée nationale. C'est un grave dysfonctionnement qui a conduit à la libération de deux personnes suspectées de lien avec l'attentat de Nice - j'ai une pensée pour les victimes et leurs proches.
Le garde des Sceaux a diligenté immédiatement une enquête auprès de l'inspection générale de la justice pour faire toute la lumière sur cette affaire. Si des fautes ont été commises, nous en tirerons les conséquences. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Cette enquête devra également permettre de faire des propositions pour que ce type de situation ne se reproduise pas. La hausse historique du budget de la justice doit se traduire par une plus grande efficacité.
Enfin, ces deux personnes ont immédiatement été placées sous la surveillance du ministère de l'Intérieur et sont assignées à domicile et sous contrôle judiciaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Vous nous rassurez !
Situation en Nouvelle-Calédonie
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je relaie la question de Gérard Poadja, qui a mal à son pays depuis l'annonce de la reprise de l'usine du Sud qui enflamme la Nouvelle-Calédonie. C'est la première fois depuis trente ans qu'on assiste à des affrontements aussi violents.
Hier, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré vouloir une solution négociée. Dans le secteur du nickel, le consensus est la règle. En 1988, les accords de Matignon permettaient aux Kanaks d'accéder à l'économie du nickel ; en 1998, l'accord de Nouméa décidait la construction de l'usine du Nord et organisait l'entrée des Calédoniens à l'actionnariat. En 2008, l'usine du Sud était acceptée par la population locale. Le consensus ne se décrète pas, il se construit.
Le risque, à limiter l'espace du dialogue à la seule offre soutenue par l'État, c'est que les évènements des années 1980 se répètent et que la fermeture de l'usine du Sud ne mette 3 000 familles au chômage, mais aussi la rupture du dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes, et donc la fin de la paix civile.
Face à ces risques majeurs, le Gouvernement est-il prêt à ouvrir le dialogue au-delà de l'offre actuelle, pour aboutir à un projet consensuel ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer . - Le Gouvernement est bien évidemment prêt à ce dialogue. Je condamne les violences et salue le courage des forces de l'ordre et l'action récente de l'autorité judiciaire.
Attention à ne pas banaliser la violence en Nouvelle-Calédonie : elle n'est pas inéluctable. La poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou est tout aussi symbolique que les violences de 1980.
Le dialogue est l'affaire de chacun. L'État soutient massivement les usines de nickel en Nouvelle-Calédonie et ne laissera pas supprimer les 3 000 emplois - ce n'est pas négociable. Il est hors de question de mettre l'usine sous cocon.
Il n'y a plus qu'une offre sur la table. Des accords sont en cours entre les différents protagonistes privés, mais la question de l'actionnariat calédonien doit être traitée. Je reste à la disposition de votre assemblée sur ce dossier si difficile et important. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 16 h 15.
La séance reprend à 16 h 30.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux
Discussion générale
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux, présentée par Mmes Laurence Cohen, Cathy Apourceau-Poly, Michelle Gréaume et plusieurs de leurs collègues.
Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la proposition de loi . - En juin, lors de sa visite à l'usine de vaccins Sanofi de Marcy-L'étoile, le Président de la République a indiqué que la politique du médicament devait constituer une priorité et annoncé 200 millions d'euros pour financer des infrastructures de production et de recherche et développement.
Jean Castex, dans son discours de politique générale, dénonçait un niveau de dépendance déraisonnable et inacceptable concernant les biens et les ressources stratégiques. Or les financements au bénéfice de l'industrie pharmaceutique se font sans contrepartie. Pire, les entreprises versent des milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires tout en licenciant et en menaçant de délocaliser ; elles font des profits sur la vie de millions de personnes. Cela est d'autant moins acceptable en période de pandémie !
La santé ne doit pas dépendre des choix financiers de grandes entreprises. Nous devons développer des capacités de production et de distribution de médicaments et de vaccins indépendantes du secteur privé. D'où notre proposition de loi, fruit de longues réflexions et de fructueux échanges. Après le scandale Vioxx de la firme Merck en 2006, François Autain et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) ont proposé la création d'un pôle public du médicament pour réguler et assurer les approvisionnements, fixer des règles plus respectueuses de la santé publique et garantir un équilibre entre l'État, les citoyens, les médecins et l'industrie pharmaceutique qui y seraient associés. Cette proposition de loi a été mise en débat et a, depuis, fait l'objet de discussions entre les acteurs concernés.
En 2020, 2 400 ruptures de médicaments ont été constatées. La pandémie a accéléré la démonstration de l'urgence d'extraire les médicaments de la loi du marché : la santé publique doit être considérée supérieure aux intérêts financiers. Le 1er avril dernier, j'ai interpellé le ministre de la Santé par une question d'actualité sur le manque de masques, de médicaments et de respirateurs et sur l'intérêt d'un pôle public pouvant réquisitionner les grands groupes pharmaceutiques. Sur le même sujet, Olivier Véran avait répondu à notre collègue Laurence Cohen que nous ne pouvions plus rester dépendants et que nous avions besoin d'une autonomie a minima européenne.
Récemment, les pénuries de maques, de respirateurs, de médicaments anticancéreux et de vaccins contre la grippe ont renforcé notre conviction. Des acteurs politiques et associatifs de tous bords en sont venus à reprendre notre proposition. Le rapport de la mission d'information de 2018 de MM. Daudigny et Decool a repris notre proposition de production publique de certains médicaments essentiels. En juillet 2020, la députée Coralie Dubost a proposé la création d'un établissement pharmaceutique européen. L'UFC-Que Choisir, France Assos Santé, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), la Ligue contre le Cancer et l'Observatoire de la transparence du médicament sont également favorables à la création d'un pôle public de production et de distribution des médicaments essentiels.
Face aux pénuries persistantes et à la situation sanitaire, la souveraineté industrielle et sanitaire de la France est remise en question, tant que nous ne sommes pas capables de produire des produits essentiels. La France paie ses choix politiques de désindustrialisation et de délocalisation en Asie du Sud-Est. Il y a vingt ans, 80 % des principes actifs étaient produits en France, contre 20 % désormais.
Nous avons les capacités de nous réindustrialiser, mais il manque une volonté politique et des outils de pilotage publics. Lorsque le Gouvernement envisage de rapatrier la production de médicaments, il pense uniquement au paracétamol, alors que les besoins vont bien au-delà.
Sanofi évoque une relocalisation, non pas en France, mais en Europe de l'Est où le coût de la main d'oeuvre est moins élevé ! L'Europe libérale montant les peuples les uns contre les autres pose problème. Il faut, au contraire, une Europe solidaire. Une initiative citoyenne européenne a été lancée le 1er décembre par plusieurs associations pour un accès égal aux vaccins et traitements.
La filière du sang, de ses médicaments dérivés et du plasma est également menacée en France. La construction de la nouvelle usine près d'Arras devrait relever d'un pôle public du médicament.
La crise de la covid démontre l'urgence de sortir les médicaments et les vaccins du marché et de créer un pôle public du médicament, appuyé sur un observatoire citoyen et financé par une augmentation de la fiscalité des laboratoires pharmaceutiques. Ce texte va dans le sens du progrès ; je vous invite à le voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet-Monge applaudit également.)
Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Ce texte part d'un constat unanime : les choix de la politique du médicament ont fini par nous exposer encore plus aux pénuries.
Les riches auditions ont été suivies par les différents groupes politiques. La commission des affaires sociales du Sénat est pionnière en matière de lutte contre les tensions d'approvisionnement. Malgré l'absence d'adoption d'un texte de commission, un consensus s'est fait sur le constat et le remède : la puissance publique doit prendre le relais en cas de carence s'agissant d'un bien essentiel.
Que fait le Gouvernement ? Les mesures de stockage figurant dans la LFSS pour 2020 prévoient un stock de sécurité de quatre mois minimum de couverture nationale. Le Gouvernement l'a ramené à deux mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, cédant à la pression des industriels, qui craignaient des surcoûts.
En outre, aucun contrôle par l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) n'est prévu. En 2020, elle n'a pris qu'une seule sanction financière pour rupture de stock d'un montant inconnu, mais inférieur à 1 million d'euros.
La loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a autorisé la réquisition de produits indispensables, comme le curare et d'autres médicaments de réanimation, mais le Gouvernement a préféré payer le prix fort en recourant directement aux producteurs. Les mesures existantes sont donc insuffisantes. De fait, l'ANSM a recensé 3 200 signalements de médicaments en tension en 2020, un niveau record.
L'obsession des industriels pour la rentabilité a des conséquences désastreuses pour les patients. Les médicaments anciens, peu chers, sont souvent indisponibles, car ils intéressent peu les Big Pharma. Les médecins doivent prescrire des alternatives, réduire la posologie ou retarder le traitement, ce qui entraîne des pertes de chances pour les patients. Cette situation est délétère et dangereuse.
La création d'un pôle public du médicament s'inscrit dans des exemples étrangers comme celui de la Fondation Oswaldo Cruz au Brésil, que j'ai eu la chance de visiter comme présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Brésil, qui produit, à la demande du ministère de la santé, des médicaments essentiels.
Retrouvons notre souveraineté en maitrisant notre production ! Nous resterons, sinon, à la merci de Sanofi qui a fermé douze sites de production en dix ans et supprimé 5 000 emplois. Paul Hudson, son président-directeur général, vient d'annoncer qu'il supprimerait 400 emplois en France en 2021. C'est scandaleux !
Nous ne voulons pas faire table rase des circuits de production et de distribution existants, mais introduire un nouvel acteur complémentaire des industries pour les médicaments essentiels en tension. Si nous établissons en amont une liste des produits concernés et nous appuyons sur des acteurs publics et privés, cela est possible.
Certes, ce projet entraînerait, en l'état, quelques difficultés d'application du fait de la concurrence entre le pôle public du médicament et les agences sanitaires, mais elles pourront être levées par la navette parlementaire.
La proposition de loi vise aussi à lutter contre la défiance vis-à-vis des produits innovants et des vaccins qui se fonde sur l'opacité de la méthode de production, du financement de la recherche, de la négociation du prix parfois indécent et des démarches de pharmacovigilance.
L'opacité de la recherche, maintenue au prétexte de secret des affaires, pose problème : on ne connaît ni le montant du crédit d'impôt recherche (CIR) versé pour un projet, ni le prix de cession des brevets financés par un organisme public de recherche. L'article 38 de la LFSS pour 2021 est un pas en avant, mais insuffisant.
S'agissant des prix, il n'est pas admissible que l'urgence ou la détresse confère un pouvoir léonin aux grands laboratoires au détriment de la sécurité sociale. Novartis a ainsi demandé 2 millions d'euros par unité pour un médicament de thérapie génique contre une maladie rare touchant les enfants. Sans connaître le coût réel de production, l'assurance maladie est obligée de signer un chèque ! À côté du service médical rendu, il faut d'autres critères pour rationaliser le coût d'une innovation pour les finances publiques.
Après le scandale du Mediator, il fallait renforcer le contrôle des médicaments innovants. La pharmacovigilance s'est améliorée, mais elle demeure lacunaire s'agissant des dispositifs médicaux. Le rapport des députés Julien Borowczyk et Pierre Dharéville est éclairant.
L'article 4 de la proposition de loi créé un observatoire citoyen indépendant placé auprès de l'ANSM. N'attendons pas de nouvelles victimes ! Dotons-nous des instances nécessaires pour renforcer notre démocratie sanitaire.
Notre modèle social est chaque jour fissuré, fracturé. Nous portons la voix des oubliés, des blessés de la mondialisation et de la course au profit et défendons le dernier bien que nous pensions avoir préservé de la logique marchande : la santé.
Ce texte est un premier jalon. Débattez-le et enrichissez-le même si, à mon grand regret, la commission ne l'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Ce sujet prend un sens particulier avec la crise de la covid-19, qui a confirmé les fragilités de la chaîne d'approvisionnement. Nous connaissons depuis plusieurs années des ruptures et des tensions.
Les chiffres sont là, avec la multiplication par vingt des tensions entre 2008 et 2018 ; désormais, 80 % des principes actifs sont fabriqués hors de l'Union européenne, notamment en Chine et en Inde, et 40 % des médicaments finis.
Ce ne doit cependant pas être une fatalité, mais un levier pour aller vers davantage d'autonomie au niveau européen. Faire de la France une Nation de production, telle est la volonté du Président de la République affichée le 16 juin dernier.
Les relocalisations et l'innovation garantiront l'autonomie européenne. La feuille de route « Pour mieux prévenir, informer les citoyens en matière de santé » a été publiée le 8 juillet 2019. Elle comprend vingt-huit actions pour quatre objectifs, dont le renforcement de la coopération européenne.
La stratégie pharmaceutique pour l'Europe, annoncée le 26 novembre dernier, renforcera la souveraineté sanitaire et les investissements dans la recherche, avec la création d'une autorité spécifique pour faire face aux situations d'urgence et l'établissement de règles identiques pour les acteurs.
Une partie de la réponse est européenne, mais nous avons pris des mesures au niveau national, notamment pour augmenter nos capacités de production et les diversifier.
Le plan de relance y contribue avec 100 milliards d'euros, dont 35 milliards d'euros pour l'industrie. Il se fonde sur quatre piliers : améliorer notre compétitivité, faire de la transition écologique un avantage comparatif, moderniser l'appareil de production, innover. Ainsi, 6 milliards d'euros seront investis dans les infrastructures médicamenteuses et 20 milliards d'euros dans la recherche et l'innovation.
Nous avons également pris des mesures réglementaires pour réduire la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement, dont une obligation de stockage dans la LFSS pour 2020. Le décret, après validation du Conseil d'État, a été notifié à la Commission européenne. Nous avons également renforcé les sanctions financières pouvant être prises par l'ANSM en cas d'infraction.
S'agissant de la proposition de loi, nous partageons certains de vos constats, comme la nécessité d'un programme public de production. Le point 20 de la feuille de route prévoit d'expertiser cette solution en cas de pénurie.
Vos propositions, hélas, ne prennent pas en compte l'existant. Santé publique France dispose de prérogatives en matière de distribution des produits de santé et peut réaliser des acquisitions groupées. Elle a ainsi organisé une régulation nationale pour deux hypnotiques et trois curares lors de la crise sanitaire.
La mobilisation des secteurs public et privé est essentielle. Un pôle public isolé du paysage industriel atteindrait une limite opérationnelle : quels médicaments seraient concernés ? Pour quels marchés et selon quel modèle économique ?
Une approche franco-française ne peut faire émerger un outil productif viable sur le long terme. Il faut une réflexion au niveau européen.
Merci d'avoir inscrit cette proposition de loi à votre ordre du jour pour débattre du sujet. La pandémie a constitué un déclic : parler de résilience européenne n'est plus un tabou. Nous devons porter des projets européens pour faire le poids et construire un écosystème complet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin . - Les pénuries de médicaments et de vaccins, que nous évoquons régulièrement, font l'objet d'un constat unanime dans cette assemblée. Les tensions ne cessent de croître : elles concernaient 404 médicaments en 2013 contre 2004 en 2020 !
Le rapport de nos collègues Yves Daudigny et Jean-Pierre Decool en témoigne. De ses trente propositions a été tirée une proposition de loi largement cosignée. Celle que nous examinons propose des solutions différentes. Nous remercions le groupe CRCE d'évoquer ce sujet grave : les tensions et les pénuries de médicaments occasionnent des pertes de chance pour le patient et de temps pour les professionnels de santé. Elles mobiliseraient ainsi seize équivalents temps plein (ETP) pour la seule Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Les traitements anti-cancéreux, les anesthésiants et le vaccin contre la grippe sont notamment concernés.
Les industriels peinent à répondre aux fluctuations de la demande et les solutions qu'ils proposent ne sont pas satisfaisantes. S'agissant de produits stratégiques, cela relève de notre souveraineté. Nous dépendons depuis trop longtemps de fabricants étrangers, en particulier l'Inde et la Chine, et nous nous en trouvons fragilisés. Cela a ainsi affaibli notre réponse au début de la crise sanitaire.
Il ne faut cependant pas laisser penser que rien n'a été fait. Des actions ont été entreprises : plan de prévention et de gestion des ruptures de stock en 2016, possibilité de remplacer un médicament par un autre pour les pharmaciens en 2019, feuille de route pour la période 2019-2022, dont nous attendons d'ailleurs l'évaluation annuelle, notamment.
Face à l'aggravation de la situation, le Gouvernement a présenté un plan d'action en juin dernier pour relocaliser la production. Il faut aller dans ce sens, mais les tensions ayant des origines multifactorielles, elles ne sauraient être réglées par une seule solution.
La proposition de loi en élabore cinq. Nous souscrivons au renforcement de la transparence et de la démocratie sanitaire, mais pas à la création d'un pôle public de production du médicament assis sur une taxe sur les industries pharmaceutiques. Cela pourrait les inciter à délocaliser encore plus !
Surtout, il manque au texte une dimension européenne indispensable : nous ne pouvons agir seuls. La Commission européenne a lancé une commande groupée de vaccins contre la covid, première étape vers l'Europe de la santé que nous appelons de nos voeux. Il aura fallu une crise sans précédent, mais les citoyens réclament désormais des résultats.
Il faut agir, mais nous doutons de l'efficacité de la proposition de loi. Avec quelques collègues, je voterai contre, mais une majorité du groupe s'abstiendra pour marquer l'importance du sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub . - « Tant qu'on a essayé de combattre la peste avec des mots latins, elle a tranquillement dévoré l'humanité », écrivait Barjavel.
Avec le développement des pénuries, accéder à un traitement n'est plus une évidence. La nature ayant horreur du vide, nous voyons des marchés parallèles se constituer ; cela est délétère.
Nous avons participé, en 2018, à la mission d'information présidée par Yves Daudigny sur le sujet. Agnès Buzin a présenté, en juillet 2019, une feuille de route comprenant vingt-huit actions. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer sur son application ?
Les tensions d'approvisionnement augmentent, avec des effets pénalisants pour les patients comme pour les professionnels de santé. Elles créent des situations inacceptables, anxiogènes et chronophages !
L'article premier de la proposition de loi instaure un programme public de production pour les médicaments en rupture d'approvisionnement. Un décret du 28 septembre 2012 la définit comme l'incapacité, pour une pharmacie, de délivrer un médicament pendant soixante-douze heures. Elle peut être due à une rupture dans le stock ou dans la chaîne de distribution, dont chaque maillon dépend du précédent. La pénurie peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et la stratégie à mettre en oeuvre varie en fonction de la situation.
Les outils de transparence sont effectivement améliorables ; ils font l'objet des articles 2 et 4.
La feuille de route précitée a élargi la plateforme de signalement des ruptures d'approvisionnement à toute la chaîne de distribution. De fait, les causes en sont nombreuses et multifactorielles. L'absence de la matière première en représente 17 %, mais elles peuvent aussi être dues à un problème dans une usine, à l'éclatement des étapes de fabrication entre différents sites, à une production en flux tendu ou au développement des marchés émergents. La libre circulation des biens et l'évolution du marché du médicament, comme la recherche d'une rentabilité à tout prix, peuvent également être évoquées.
La loi du 29 décembre 2011 a renforcé les obligations des acteurs : l'industriel exploitant doit déclarer à l'ANSM les ruptures de stock et envisager des solutions ; le grossiste-répartiteur doit respecter ses obligations de service public sur son territoire et le pharmacien doit faire une déclaration à l'ANSM et envisager des solutions avec le grossiste.
Le noeud du problème est que la substance de guérison est un produit commercial soumis à la loi du marché. Vous proposez de l'en sortir : est-ce possible ? Est-ce surtout la bonne solution ?
En 2018, dans le cadre des travaux de la mission dite Daudigny-Decool, vous souhaitiez déjà la création d'un pôle public du médicament. Auditionnée, une des sous-directrices de la direction des soins vous avez répondu que l'État gagnerait plutôt à renforcer sa capacité à réguler.
Je ne partage pas vos conclusions. Comment assurer un accès suffisant aux matières premières ? L'État peut-il assumer le risque financier d'une production à perte ? Quid de la logistique et du stockage ? Enfin, la taxation de l'industrie pharmaceutique prévue à l'article 5 est contraire à une dynamique de relocalisation. Votre objectif est louable, mais votre texte ne permettra pas de lutter efficacement contre les pénuries.
Il serait préférable de réformer la politique de prix du médicament et d'améliorer l'accès aux médicaments innovants. Pourquoi ne pas constituer des stocks suffisants, sans pour autant initier une tendance mondiale qui assécherait les ressources ? Les laboratoires négligents en matière d'approvisionnement doivent aussi être davantage sanctionnés.
La réflexion doit se poursuivre et les effets du plan de gestion des pénuries initiés par la loi de 2016 et de la feuille de route doivent être évalués.
Le groupe Union Centriste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP)
Mme Émilienne Poumirol . - La pandémie a fait ressortir dans le débat public les difficultés et la faiblesse de la France et de l'Europe dans le domaine du médicament et l'échec de la stratégie de rationalisation des laboratoires pharmaceutiques. Cette situation n'est pas nouvelle. Merci au groupe CRCE de poser le débat.
Nous partageons les constats de Laurence Cohen et ses collègues, dont la nécessité d'une solution publique de production. Pas moins de 40 % des médicaments commercialisés en Europe et 80 % de leurs principes actifs proviennent de pays tiers.
Les politiques ultralibérales démontrent leurs effets néfastes. Encore marginales dans les années 2000, les pénuries se multiplient : l'ANSM envisage le chiffre de 2 400 en 2020, contre quarante-quatre en 2008 !
Le sujet a marqué l'examen de la LFSS pour 2021. Notre groupe a fait des propositions fortes, comme l'obligation de stocks de quatre mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, votée par le Sénat, mais supprimée, hélas, par l'Assemblée nationale.
Il existe également un défaut de transparence. Les sommes investies par l'État dans la recherche ne sont jamais rendues publiques, ni prises en compte dans la négociation du prix du médicament. Nous payons deux fois la facture : par le CIR et les investissements publics dans la recherche et par l'assurance-maladie après la commercialisation. Tout est à revoir. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) n'a pas connaissance du montant des investissements publics ; cela pose un véritable problème de transparence.
Les gouvernements qui se sont succédé n'ont fait que de la gestion de crise, au lieu de renforcer la souveraineté et la démocratie sanitaires. La covid n'a pas fait exception : ni les patients, ni les élus locaux, ni les professionnels de santé, ni les associations n'ont été véritablement associés à la gestion de la crise. Il faudra davantage de démocratie sanitaire dans le cadre de la campagne de vaccination. Nous soutenons donc la création d'un observatoire citoyen des prix du médicament, et défendrons un amendement sur ce sujet.
La France ne peut agir seule contre les Big Pharma. L'Union européenne est en train de renforcer sa politique à travers le centre européen de prévention et de contrôle des maladies, auquel des moyens de surveillance renforcés sont attribués, et, alors que l'Agence européenne du médicament n'a qu'une compétence d'appui, en passant des commandes groupées de vaccins. Le 11 novembre, la Commission européenne a annoncé la création de deux institutions de veille sanitaire. Elle lancera aussi prochainement sa stratégie pour sortir de la dépendance en matière de médicaments. En 2023, sera enfin créée une nouvelle instance chargée des risques sanitaires.
La France doit retrouver sa souveraineté sanitaire et faire passer les citoyens avant les industriels. Le groupe SER partage les constats du groupe CRCE d'une reprise en main nécessaire par les pouvoirs publics.
Cela doit-il passer par la création d'un pôle public du médicament ? L'idée est intéressante, mais, dans un secteur déjà complexe, mieux vaut ne pas ajouter une nouvelle structure administrative.
L'Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) et la pharmacie centrale des armées peuvent produire des médicaments ; la seconde avait ainsi fabriqué 77 millions de comprimés de Tamiflu en 2009. La licence d'office permet de contraindre le détenteur d'un brevet de le laisser exploiter en cas de menace sur la santé publique. Il faut, en revanche, une volonté politique pour appuyer sur ces leviers, ainsi qu'une meilleure coordination entre les acteurs.
Nous devons construire une solution avec les parlementaires européens. L'Europe, en effet, représente la bonne échelle pour les relocalisations. Les industriels ont fait le calcul de leur coût - 15 % à 20 %. Cela leur semble envisageable, en contrepartie de mesures fiscales favorables.
Ce serait une source d'emplois et de richesse pour nos territoires, comme le moyen de renforcer notre souveraineté et notre indépendance.
Nous partageons la même ambition : ce qui semblait utopique jadis devient réalisable ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Le temps des tempêtes est propice à la révélation des carences et des failles. Ainsi en est-il de la covid.
Qui aurait pensé que nous manquerions de paracétamol ? Nous en connaissons les causes, mais il faut toujours une prise de conscience douloureuse.
L'indisponibilité des médicaments, désormais chronique, concerne tous les traitements et tous les vaccins. La forte augmentation de la demande mondiale a entraîné une concurrence délétère et des difficultés d'approvisionnement. Durant des années, nous avons perdu notre souveraineté sanitaire avec la délocalisation des chaînes de production à l'autre bout du monde. Comment entendre sans frémir Paul Hudson déclarer que Sanofi servirait les États-Unis en premier en cas de découverte d'un vaccin ?
Madame la rapporteure, votre proposition de loi a le mérite de poser le problème de la souveraineté sanitaire, sur laquelle nous devons changer de paradigme idéologique. Il faut relocaliser notre industrie pharmaceutique, renforcer la transparence s'agissant de la gestion des stocks, revoir la tarification et la distribution de certains produits.
Pour faire face aux pénuries, vous proposez la création d'un pôle public du médicament. Nous pensons que la politique des gouvernements successifs de réduire, depuis huit ans, le prix des médicaments n'incite pas les industriels à produire en France et à nous servir prioritairement. L'idée d'un pôle public du médicament apparaît séduisante, mais elle doit être accompagnée d'un financement et d'une organisation opérationnels.
Les différences de prix pèsent sur les stratégies d'allocation des stocks. Nous avons déjà un arsenal législatif pour contrer les pénuries en intervenant sur la gestion des stocks. Monsieur le ministre, qu'en est-il de la volonté du Gouvernement de le mobiliser ?
L'État doit développer une stratégie pour une production de proximité. Nous pourrions envisager un accord-cadre incitatif entre l'État et les industriels et prévoir des contreparties. Le pôle public du médicament pourrait alors se concentrer sur les médicaments de niche, en mobilisant l'AGEPS et la pharmacie centrale des armées.
En revanche, il me semble difficile de rendre une entreprise entièrement responsable du cycle de production et de commercialisation d'un produit. De même, la réquisition des industries pharmaceutiques apparaît contre-productive.
La crise a renversé la table de certains clichés : la souveraineté n'est plus un gros mot, même dans les chapelles du nouveau monde !
Votre texte étant bien intentionné, mais non abouti : nous ne pouvons pas le soutenir. Mieux vaudrait apprendre de nos échecs dans la gestion de la crise actuelle.
Il me semble qu'un pôle public doit avoir une taille suffisante pour se fournir en principes actifs à l'international. Il faudrait aussi que l'État ait les moyens de construire des usines, pour plusieurs centaines de millions d'euros, et qu'il réussisse à produire à des coûts compétitifs.
Cette proposition de loi a le mérite de poser la question de la souveraineté sanitaire, mais la réponse est insatisfaisante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Decool . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Récemment, je lisais un article du Monde sur un campus de 45 hectares abritant 5 200 salariés près de Bombay en Inde, fabriquant 60 millions de doses de vaccin anti-Covid par mois - assez pour vacciner 25 à 30 millions de personnes. Le vaccin est issu de l'université d'Oxford et d'AstraZeneca et les doses - qui ne nous sont pas destinées - sont stockées en attente d'autorisation...
Cela illustre le décrochage de l'industrie française et européenne. Les unités de fabrication sont presque devenues un monopole de l'Asie. Et 40 % des médicaments finis, 80 % des substances actives sont produits en dehors de l'Union.
En 1970, la France comptait 420 entreprises de médicaments. En 2017, elle n'avait plus que 138 sites de production de médicaments et 92 sites de production de principes actifs - contre plusieurs milliers pour l'Inde ou la Chine. Nous perdons notre indépendance sanitaire - peut-être l'avons-nous déjà perdue.
Selon l'article 5 de la Constitution, le Président de la République est le garant de notre indépendance nationale. Or la situation est gravissime et il convient de recenser nos outils existants pour trouver des solutions rapides, probablement au niveau européen.
La pharmacie centrale des armées fabrique des médicaments et détient des AMM ; elle a su préserver sa souveraineté sur la production ; elle pourrait répondre à des besoins de santé publique moyennant un assouplissement réglementaire.
Tout cela, nous l'avons découvert en 2018, au cours de la mission d'information sur les produits de santé. Avec Yves Daudigny, je préconisais un programme public d'approvisionnement - la proposition n°8 est reprise au mot près à l'article premier de cette proposition de loi. Mais pourquoi, alors, le groupe CRCE a-t-il été le seul à ne pas approuver le rapport ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; marques d'agacement sur les travées du groupe CRCE)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Ça marchait mieux avant...
M. Jean-Pierre Decool. - Vous ne serez donc pas surpris que, préférant renforcer les outils publics existants, je ne vote pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Alors que la crise sanitaire se poursuit, que la commission d'enquête sur la gestion de la crise présentera son rapport demain, il faut tirer au plus vite les enseignements de cet épisode.
Des millions de masques ont manqué durant des semaines faute de stocks stratégiques et la puissance publique n'a pas su s'en procurer en urgence. En Auvergne-Rhône-Alpes, les équipements de protection individuels ont manqué ; des associations, palliant les carences des services déconcentrés, ont dû livrer du gel hydroalcoolique en lien avec l'Union régionale des pharmacies.
Les déprogrammations d'opérations chirurgicales s'expliquent aussi par la pénurie de médicaments en réanimation, avec des conséquences encore plus graves. Le système de santé français a été sous tension, et s'est avéré bien vulnérable.
Le Sénat alerte depuis des années sur les ruptures d'approvisionnement. En 2020 près de 3 200 médicaments auront été en rupture, que ce soit pour le cancer, la maladie de Parkinson ou la grippe saisonnière, contre 404 en 2013 ; un Français sur quatre en a souffert ; 74 % des professionnels de santé ont déclaré avoir été exposés à des pénuries et 45 % d'entre eux considèrent que cela a dégradé la survie à cinq ans de leurs patients, d'où des pertes de chance.
Un pôle public restaurerait la souveraineté sanitaire de la France ; il serait conforme à une recommandation du Parlement européen. Il en existe au Brésil, en Inde, en Suisse, mais aussi aux États-Unis.
Nous pourrions améliorer également la démocratie sanitaire comme nous y encouragent les associations.
Entendons l'urgence. La crise climatique va amplifier les crises sanitaires. Il est temps, avec un sens collectif des responsabilités, d'anticiper, car la fonte du permafrost, les pesticides annoncent les maladies et pandémies à venir.
Le pôle public du médicament est une première réponse à l'échelon national, assurant une régulation de la continuité des approvisionnements, en complément de la relocalisation des productions. Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme la rapporteure applaudit également.)
M. Martin Lévrier . - Oui, la pénurie de médicaments est une réalité ; près d'un Français sur quatre s'est vu refuser la délivrance d'un traitement pour cause de pénurie.
Les ruptures et tensions ont été multipliées par quatre sur les six dernières années.
Les professionnels de santé, prescripteurs et pharmaciens ont trouvé des solutions : la consommation de curares et d'hypnotiques a augmenté de 2 000 % en quinze jours, au plus fort de la crise sanitaire.
La commission n'a pas adopté la proposition de loi que nous examinons, qui crée un pôle public du médicament et un observatoire citoyen ; et qui, pour les financer, augmente de 0,17 à 1 % la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques.
Dès 2012 puis en 2016, de nouvelles obligations ont été imposées aux professionnels de la distribution et de la fabrication. Cela n'a pas suffi. En juillet 2019, Mme Buzyn a présenté une feuille de route pour promouvoir la transparence de l'information et restaurer la confiance, lutter contre les pénuries de médicaments, renforcer la coopération nationale et européenne et créer un comité de pilotage stratégique.
L'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 oblige les industriels du médicament à disposer de stocks pour quatre mois, et à acheminer des alternatives thérapeutiques en cas de rupture sur les médicaments d'intérêt majeur ; et ce, sous peine de sanctions financières.
En juin 2020, le rapport de Jacques Biot a recommandé de renforcer la recherche française en solutions thérapeutiques, augmenter les capacités de production sur notre territoire, et construire une résilience à l'échelle européenne.
Chez moi à Limay, l'entreprise Seqens, spécialisée dans la pharmacie de synthèse, a bénéficié du soutien de l'État pour investir en France et pour minimiser les risques de rupture de la chaîne logistique sur ses médicaments qui interviennent dans la prise en charge des patients de la covid-19. Le Gouvernement est à pied d'oeuvre dans nos territoires !
Il a aussi instauré un comité de pilotage interministériel, à quoi il faut ajouter la base de données européenne unique sur les dispositifs mis sur le marché.
Augmenter la fiscalité sur les entreprises pharmaceutiques nuirait à leur compétitivité et irait à l'encontre des besoins de relocalisation.
Le groupe RDPI votera contre la proposition de loi.
M. Fabien Gay. - Vous nous surprenez.
M. Jérémy Bacchi . - La France, au premier rang de la production pharmaceutique européenne en 2008, est aujourd'hui quatrième. Il reste encore une soixantaine d'usines de principes actifs, comme chez moi à Septèmes-les-Vallons.
Les marchés financiers et les industriels décident du coût des médicaments, donc de l'accès des populations à ces produits. Heureusement, depuis 1945, la sécurité sociale prend en charge le remboursement. Mais quand l'approvisionnement en principes actifs est interrompu, la puissance publique est démunie.
Cette perte de maîtrise publique est un casse-tête pour les patients, qui vont à la pharmacie la boule au ventre...
Sanofi reçoit 150 millions d'euros d'aides publiques par an ; et pourtant, elle licencie. Elle a supprimé 3 000 postes de chercheurs en dix ans tandis qu'elle verse la moitié de ses bénéfices à ses actionnaires.
Les scandales du Mediator et de la Dépakine ont entraîné une suspicion à l'égard des médicaments ; la recherche effrénée de profit a entamé la confiance dans les vaccins. Cette proposition de loi n'est pas une utopie : il faut simplement la volonté et les moyens financiers.
La pharmacie centrale des armées et celle des hôpitaux doivent être renforcées. Or on affaiblit les structures hospitalières. L'hôpital Sainte-Marguerite à Marseille a fermé sa pharmacie, après ses urgences et son service de réanimation. On démantèle l'hôpital et la concurrence entre les cliniques privées et le public fait fuir le personnel de santé.
Les industriels du médicament ont tout intérêt à voir disparaître les pharmacies centrales, pour imposer leurs tarifs.
On a vu de grands progrès thérapeutiques : les thérapies ciblées et les immunothérapies ont révolutionné le pronostic de certaines affections, mais certains traitements coûtent jusqu'à 80 000 euros par an... Où est la justification ? Pour les industriels, c'est le reflet du coût de la recherche et développement ; mais ils investissent dans celle-ci 15 % de leur chiffre d'affaires, contre 30 % dans la communication.
Nous augmentons la contribution de l'industrie pharmaceutique de 0,17 % à 1 % mais Pfizer a réalisé 377 milliards d'euros de profits en dix ans ; une taxe de 1 % sur cette somme n'est pas excessive. Ce n'est qu'un juste retour sur les bénéfices réalisés grâce à l'argent public du crédit d'impôt recherche.
Le groupe CRCE vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mmes Raymonde Poncet Monge et Emilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme la présidente de la commission applaudit également.) Je partage pleinement les propos de Christine Bonfanti-Dossat.
Les ruptures de stocks sont un problème récurrent qui suscite l'agacement des professionnels de santé et l'incompréhension des patients.
Le rapport demandé par le Premier ministre à Jacques Biot, rendu public le 18 juin dernier, n'a pas été un appel décisif dans la lutte contre les pénuries. Les causes de celles-ci sont diverses : demande plus importante à l'échelle mondiale, quotas imposés aux industriels... Il serait présomptueux de prétendre les résoudre à l'échelle nationale.
Le Sénat a voté un amendement dans le PLFSS 2021 tenant compte du lieu de fabrication dans le prix de remboursement d'un médicament ; l'Assemblée nationale hélas ne l'a pas maintenu.
Relocaliser implique des coûts importants notamment de rapatriement des activités chimiques. Il me semble préférable d'optimiser la capacité des sites existants.
Les entreprises de répartition pharmaceutique assurent très bien leurs responsabilités en matière de distribution ; elles l'ont montré avec la distribution des masques de l'État au début de la crise.
Depuis 35 ans, tous les gouvernements réduisent dans les LFSS les crédits alloués au médicament - ces derniers représentaient 50 % des économies au titre de l'Ondam l'an dernier. Le médicament et l'hôpital sont les variables d'ajustement !
Depuis juin, vous saviez que nous manquerions de doses de vaccin contre la grippe. Pourquoi ne pas avoir anticipé ? Plus jamais ça, monsieur le ministre.
Un pôle public du médicament n'est pas la réponse. Un programme public pour les médicaments en arrêt de production est facile à envisager, mais les ruptures d'approvisionnement sont plus difficiles à anticiper. Il y a les déclarations des laboratoires, mais comment ce pôle public prendrait-il la main ? La taxe proposée dans le texte suffirait-elle à fiancer le pôle public ?
Il n'y a pas d'un côté la planification vertueuse d'État, de l'autre le tout libéral. L'équilibre est à la frontière entre les fonctions régulatrices de l'État et le jeu de la concurrence. Les solutions proposées dans la proposition de loi, bien qu'intéressantes en théorie, posent des difficultés de mise en oeuvre concrètes.
Je crois savoir que des travaux se tiendront entre l'État et l'ordre des pharmaciens afin d'améliorer le système d'information sur les pénuries et de tensions, qui restent un vrai sujet de préoccupation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je m'excuse auprès de M. Decool car j'ai omis de préciser que cette feuille de route ministérielle était inspirée du rapport Daudigny-Decool de 2018.
Une évaluation sera présentée début 2021, madame Guillotin. Quant à l'état des lieux sur les 28 actions, il sera présenté le trimestre prochain, mais je puis vous dire, madame Sollogoub, que nous avons bien avancé, notamment les actions au niveau européen. Nous voulons sanctionner le non-respect des obligations et accélérer le développement des marchés conjoints européens.
Madame Poumirol, un amendement sur les contributions publiques à la recherche a été adopté dans le PLF pour 2021. Nous serons attentifs à ses effets.
Madame Bonfanti-Dossat, un accord-cadre est en négociation avec les industries de santé. Le décret prévu à l'article 48 de la LFSS pour 2020 a été transmis au Conseil d'État.
Monsieur Bacchi, votre taxation risque de décourager la relocalisation. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE)
Je considère, madame Imbert, que le bilan de la campagne vaccinale contre la grippe saisonnière a été plutôt un succès car nous avons vacciné plus de monde que l'an dernier : les 12 millions de doses ont été diffusées en deux mois au lieu de quatre l'an dernier et nous avons commandé 2,4 millions de doses supplémentaires, désormais disponibles en officines.
Je salue l'action des pharmacies. Pour l'an prochain, il faudra rapprocher les commandes des officines de la population cible, nous passerons le message aux industriels.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Prêtons attention aux mots de la proposition de loi. Il ne s'agit pas que le pôle public fabrique tous les médicaments et les distribue !
Mais nous sommes tous d'accord ici pour reconnaître qu'il y a des choses qui ne vont pas et que les mesures du Gouvernement ne vont pas assez loin.
Certaines ruptures sont volontaires car ces médicaments ne sont pas rentables.
Sanofi a décidé d'arrêter la commercialisation de l'Immucyst, ce vaccin BCG utilisé comme antinéoplasique, ce qui a privé nombre de patients d'un traitement qui leur aurait évité une ablation de la vessie. Qu'a-t-on fait contre ce laboratoire ? Rien !
Notre pôle public est un outil parmi d'autres pour retrouver notre maîtrise et notre souveraineté.
Mme Sollogoub se demande si cela ne coûtera pas trop cher à l'État. Certes, cela va coûter de l'argent...
Mme la présidente. - J'aimerais clore la discussion générale.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Notre article 5 répond à la question du financement. Et l'État pourra retirer le CIR aux entreprises qui n'auraient pas joué le jeu.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Cela fait des années que la situation se dégrade. Il y a un blocage idéologique de nos collègues Les Républicains ou des plus libéraux de notre assemblée. Pour eux, les interventions publiques ne sont jamais positives. Mais les Français ne comprennent plus vos discours sur l'État stratège quand ils constatent chaque jour l'impuissance publique...
Depuis longtemps, alors que les entreprises du médicament délocalisaient, je demandais des mesures : on me traitait de quasi-bolchévique. Or le bilan est aujourd'hui très négatif.
Après nos questions écrites et orales pendant deux ans, Mme Buzyn nous a expliqué en 2019 qu'elle allait mieux coordonner ; mais c'est la pagaille générale car il manque une architecture publique, un monopole pour coordonner, réguler, rendre les prix transparents et les moduler, et enfin, veiller à la production locale des médicaments essentiels.
Aux États-Unis, des établissements publics existent à l'échelle d'un ou de plusieurs États, créés avec les hôpitaux pour produire des médicaments.
Mme Éliane Assassi . - Notre proposition de loi n'est pas liée à la crise de la covid-19 : cela fait très longtemps que nous y travaillons. Je me souviens que nous l'avions évoquée lors de la fermeture par Sanofi de son site de Romainville.
Cela pose la question de la souveraineté mais aussi de la coordination internationale. La crise a provoqué un repli nationaliste au sein même de l'Union européenne, notamment pour l'accès aux doses de vaccin. Mais il y a eu des coopérations : les hôpitaux allemands ont accueilli des patients français, des médecins cubains sont arrivés en Italie.
Le vaccin devrait être un bien public mondial et être vendu à prix coutant : c'est ce qu'a dit notre Président de la République. Mais pour cela, il faut une solidarité internationale. Le décalage est grand, quand on apprend le refus du G20 d'imposer un partage des droits de la propriété intellectuelle sur les formules.
Notre proposition de pôle public s'inscrit dans une dynamique de coordination internationale. Cette complémentarité entre national et international fait l'objet de notre article premier.
Mme Laurence Cohen, rapporteure . - Je tiens à rassurer mon collègue Jean-Pierre Decool. J'avais participé à la mission et j'avais défendu l'idée d'un pôle public. Une première étape était de s'appuyer sur l'Agence générale des équipements et des produits de santé (Ageps) et la pharmacie centrale des armées : une très bonne proposition, en toute modestie !
Pourquoi n'ai-je pas voté le rapport ? Parce qu'il contenait trop de cadeaux aux grands groupes pharmaceutiques ; et pas assez de sanctions.
À la demande du groupe CRCE, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°43 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 267 |
Pour l'adoption | 27 |
Contre | 240 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE 2
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Il faudrait agir au niveau européen pour redonner de la force à notre industrie. Mais si l'on attend une décision européenne, les délocalisations vont se poursuivre. On voit aussi des flux intra-européens : des entreprises françaises qui bénéficié du CIR transfèrent leurs laboratoires à Francfort... Vive l'Europe !
La solidarité européenne dépend de la pression dans chaque pays. La solidarité a ses limites. Lorsque l'Italie a manqué de respirateurs, l'Allemagne a fermé ses frontières et interdit l'exportation de ces machines, préférant les garder, au cas où.
Pour que la solidarité fonctionne, il faut que les pays soient dans un relatif équilibre, et non que certains soient hyperdépendants.
Un pôle public serait un interlocuteur pour permettre à l'Europe d'évoluer dans ses pratiques. Voyez Ébola ! Une directive prévoyait un achat groupé de vaccins, dispositif jamais utilisé jusqu'à la crise de la covid-19.
Si la France dispose d'un outil efficace, les choses progresseront mieux au niveau européen.
À la demande du groupe CRCE, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°44 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 267 |
Pour l'adoption | 27 |
Contre | 240 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
ARTICLE 4
Mme Michelle Meunier . - La gestion de la pandémie a mis en évidence le recul de la place des usagers et usagères du système de santé. Cet article 4 crée un Observatoire citoyen qui leur accordera enfin la place qui leur est due.
L'opacité fait naître la défiance. Nous avons intérêt à associer les personnes et les associations sont prêtes à participer. Ce serait un pas dans la direction de la démocratie sanitaire.
Le groupe SER y est favorable.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Il ne s'agit pas de confier le pouvoir à la technocratie. C'est pourquoi un observatoire complète le pôle public. Les usagers attendent que leurs avis soient entendus et aient des effets. L'Observatoire constatera, mais le pôle public pourra agir et peser sur les événements.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 3
Après le mot :
citoyen
insérer les mots :
des médicaments, des vaccins et
II. - Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
citoyen
insérer les mots :
des médicaments, des vaccins et
Mme Émilienne Poumirol. - Le groupe SER partage totalement l'objectif de renforcement de la démocratie sanitaire via la création d'un observatoire citoyen des dispositifs médicaux.
Nous souhaitons élargir son champ afin que ses missions concernent également les médicaments et les vaccins, pour répondre à l'exigence de rééquilibrage dans l'accès à l'information des pouvoirs publics et du grand public concernant le marché des médicaments, des vaccins et dispositifs médicaux.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - C'est un amendement de cohérence avec notre proposition de loi. La démocratie sanitaire doit être robuste et décisionnelle.
Je regrette que la commission ait choisi de ne pas soutenir ces deux amendements.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Les principes de transparence et de participation des citoyens sont fondamentaux. Ils sont déjà mis en place ou en passe de l'être.
Le rapport de l'ANSM comporte des éléments sur la vigilance. Des données agrégées et anonymisées sont en ligne dans le cadre de la politique d'open data de l'agence.
Depuis juillet 2019, des représentants des patients et d'usagers du système de santé siègent dans les différents conseils de l'ANSM. L'agence auditionne les parties prenantes régulièrement. Il n'est pas nécessaire de créer une instance spécifique. Avis défavorable.
M. Olivier Henno. - Le groupe UC ne votera pas ces amendements. Il n'y a pas lieu de multiplier tous ces organismes mais de les animer et de les faire vivre. La démocratie, c'est la lisibilité.
Or notre pays souffre d'une suradministration et d'une sous-politisation. La prolifération de ces organismes participe de cette confusion.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Je siège à l'ANSM, qui joue un rôle très important, et qui se voit confier des missions de plus en plus nombreuses, avec des moyens de plus en plus restreints....
Mais sa mission n'est pas celle d'un observatoire citoyen, composé de personnes extérieures assurant la transparence.
Si tout était parfait, il n'y aurait pas eu le scandale du Mediator, ou ceux sur la formation des prix. Réfléchissons différemment !
L'observatoire de la transparence du médicament a fait un travail colossal sur cette transparence. Mais vous préférez nous dire : « Dormez, bonnes gens, tout va bien ! »
M. Pascal Savoldelli. - Quand on a le même amendement, chers collègues du SER, il est correct de le retirer au profit de celui de l'auteur de la proposition de loi, même si vous avez voté contre l'article premier... (M. Bernard Jomier proteste ; murmures à droite)
Les amendements identiques nos1 et 2 ne sont pas adoptés.
L'article 4 n'est pas adopté.
ARTICLE 5
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Payer un pôle public du médicament par une contribution sur le chiffre d'affaires des grandes entreprises du médicament poserait problème. Mais les choix de localisation ne sont pas seulement liés aux taxes.
Le journal Le Revenu conseille d'investir dans Sanofi, l'entreprise française qui dégagera le plus de dividendes. L'année dernière, elle avait déjà enregistré 7 % d'augmentation des dividendes....
Réguler l'économie, c'est aussi prélever des richesses indûment perçues pour les distribuer aux sous-traitants PME. Or Sanofi ne traite pas bien ses sous-traitants. Je préfère des médicaments un petit peu plus coûteux mais fabriqués en France à des médicaments moins chers, de mauvaise qualité, réalisés en dehors de l'hexagone, surtout s'il s'agit de génériques, dont le taux de retours est particulièrement élevé.
Le mode de financement proposé pour le pôle public du médicament permet une planification souple à la française. Donnons-nous en les moyens.
M. Pierre Laurent . - Une nouvelle fois, nous gâchons une occasion de prendre une décision essentielle et de réagir efficacement.
Nous avons mis beaucoup de fonds publics pour sécuriser l'achat de vaccins : 1,5 milliard de doses achetées !
Clément Beaune a confirmé que l'essentiel des vaccins sera produit en Europe.
À cause de la pandémie, nous voulons sécuriser l'accès aux vaccins. C'est une urgence à laquelle aucun gouvernement ne peut se soustraire. Continuons ainsi avec la création du pôle public du médicament au lieu de tout recommencer à zéro !
Changeons de logique : souvenons-nous de la déclaration du directeur France de Sanofi, groupe soi-disant français : « Ceux qui paient auront le vaccin. » C'est ainsi qu'ils pensent, tout le temps ! Tout le monde a dû le recadrer. Soit nous laissons ces gens-là faire la loi, soit nous réagissons et nous devrons le faire tôt ou tard, sinon nous allons au-devant de catastrophes sanitaires, qui seront le prix à payer pour les rendements des groupes pharmaceutiques. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Pourquoi ne pas voter, tous ensemble, la création d'un pôle public du médicament, demandé par quarante organisations ?
Gilead Sciences marche dans les pas de Sanofi : ce laboratoire américain vend un traitement pour 28 700 euros alors qu'il est produit pour quelques centaines d'euros seulement : le Sovaldi, traitant l'hépatite C.
Il ne faut pas gâcher l'argent public. Un pôle public du médicament, en apportant de la transparence, éviterait de tels scandales, véritable hold-up au détriment de l'État français.
Mme Émilienne Poumirol. - Nous ne partageons pas la position de la majorité sénatoriale, mais le constat de pénurie. Je regrette que nous n'ayons pas plus avancé sur ce texte. La création d'une solution publique de production pour les médicaments en tension est nécessaire, mais pas pour ajouter un étage administratif supplémentaire à un système déjà complexe.
Nous pouvons démultiplier nos capacités de production. Il faut plus de volonté politique pour sanctionner et non créer un système administratif encore plus compliqué.
L'État pourrait conventionner avec les sites de productions présents en France pour produire des médicaments en tension, et s'appuyer sur l'AP-HP et la pharmacie centrale des armées. Il manque aussi une volonté européenne.
M. Bernard Jomier. - Sur le principe, nous sommes favorables à un pôle public du médicament. Nous ne sommes pas là pour faire des déclarations mais pour écrire la loi - le texte qui nous est proposé ne nous paraît pas opérant. Il faut donc accepter qu'il soit amendé et les propos que j'ai entendus tout à l'heure sont une première dans cet hémicycle...
M. Pascal Savoldelli. - Vous aviez rigoureusement le même amendement !
M. Bernard Jomier. - Et alors ? (Murmures à droite)
Nous avons déposé trois amendements ; la volonté de ne pas y travailler empêche d'améliorer le texte. Le Gouvernement a été dilettante dans la gestion démocratique de la covid-19. La Conférence nationale de santé n'a jamais été sollicitée. L'instance existante au sein de l'ANSM pour la transparence du médicament n'est pas une instance de démocratie sanitaire. La majorité sénatoriale aurait pu améliorer le texte pour progresser sur la démocratie sanitaire. Nous regrettons l'absence de ce petit pas en avant.
M. René-Paul Savary. - Merci, madame Cohen, d'avoir posé ce débat. Il faut mieux définir la stratégie du médicament. Nous voulons une stratégie publique et non un pôle public du médicament.
Le PLFSS accorde 30 milliards d'euros au médicament, mais c'est la ligne budgétaire qui prend un coup régulièrement. À force de rogner les prix et de développer les génériques, nous avons asséché des laboratoires qui délocalisent. Rouvrons les discussions avec les laboratoires, tenons nos engagements et ne laissons pas les mains trop libres au Comité économique des produits de santé !
Faisons des propositions dans le cadre européen. L'innovation part, faute de fonds propres suffisants. On achète cher des médicaments conçus en France mais fabriqués ailleurs !
M. Pierre Laurent. - Il faut voter le texte !
M. René-Paul Savary. - Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte mais continuera de faire des propositions. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Michelle Gréaume. - La pénurie des médicaments est un problème majeur qui ne cessera de s'amplifier si l'on ne fait rien, multiplié par 30 en vingt ans. Les pénuries se multiplient. Médicaments et produits de santé sont soumis aux logiques de l'offre. Pour réduire le coût de la main-d'oeuvre, les groupes ont délocalisé leur production : nous dépendons maintenant à 80 % de la Chine et de l'Inde ! Et le Gouvernement a refusé de réquisitionner les sites de production fermés et disposant de toute l'infrastructure de production, comme ceux de Sanofi à Romainville ou de Famar à Lyon.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Je regrette que notre proposition de loi n'ait pas abouti. Au moins, nous avons débattu... Je regrette la timidité de mes collègues ne se saisissant pas de cet outil public, au service de l'intérêt commun. Nous ne voulons pas remplacer ce qui fonctionne, y compris dans le privé.
Notre proposition est simple : l'article premier crée un pôle public du médicament ; l'article 2 instaure un Conseil national du médicament pour le piloter ; l'article 3 sur les réquisitions a fait sursauter de stupeur certains, mais c'est déjà une prérogative du Premier ministre ; l'article 4 élargit l'Observatoire citoyen pour une vraie démocratie sanitaire ; l'article 5 taxe de 1 %, seulement, les grands labos, ce qui rapporterait 260 millions d'euros. Nous sommes soutenus, entre autres, par l'UFC-Que Choisir, la Ligue nationale contre le cancer, la CGT...
J'espère que nous nous reverrons bientôt. Nous voulons que cette proposition de loi puisse être amendée avec le concours de toutes les sensibilités politiques ; le refus ne vient pas du groupe CRCE.
L'article 5 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe CRCE.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°45 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l'adoption | 27 |
Contre | 252 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Je remercie le groupe CRCE de sa constance. Merci, monsieur le ministre, de votre présence pour remplacer le ministre de la Santé. (Exclamations) Relançons l'émission « Perdu de vue » pour retrouver le ministre au Sénat ! (Rires et applaudissements au centre et à droite)
Aménagement numérique des territoires
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, concernant l'aménagement numérique des territoires, présentée par Mme Éliane Assassi, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues.
Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de résolution . - Nous abordons un thème cher au Sénat et crucial pour nos concitoyens. La crise sanitaire a révélé de nouvelles fractures : celle entre les premiers de cordée et les premiers de corvée ; les fractures sociales auxquelles se sont ajoutées des fractures numériques territoriales.
Grâce au réseau téléphonique mobile et à une connexion internet de qualité, certains on put profiter de leurs proches, travailler, se divertir, faire leurs courses pendant le confinement...mais, pour bien d'autres, l'isolement numérique a accompagné l'isolement physique, résultant en une situation insupportable moralement et handicapante.
Les réseaux de télécommunications, à l'image des voies de communication du XIXe siècle, sont un puissant levier d'aménagement du territoire, de désenclavement, d'intégration au monde.
Notre groupe réclame l'intégration du très haut débit - soit une connexion supérieure à 30 mégabits par seconde- au service universel.
Le monopole de France Telecom, devenu Orange, a été cassé pour permettre l'installation de ses concurrents. Ce changement de paradigme et la succession de plans n'ont pas permis d'avancer vers une couverture intégrale des territoires et trop de nos concitoyens restent toujours sur le bord des routes numériques.
Alors que le plan France Très haut débit du Gouvernement se fixe l'objectif de la couverture de 80 % de la population à la fibre optique, pour un investissement total de 20 milliards d'euros.
Dans les territoires les plus denses - représentant 57 % de la population - les opérateurs s'engagent à déployer des réseaux de fibre privés mutualisés de très haut débit dans le cadre de conventions signées avec l'État et les collectivités concernées. Cela nécessite un investissement des opérateurs de 6 milliards à 7 milliards d'euros.
Pour le reste - soit 90 % du territoire ! - les collectivités territoriales créent des réseaux d'initiative publique (RIP), qui peinent à trouver des gestionnaires. Ainsi, seules 26 % des prises installées bénéficient de l'offre de plus d'un seul opérateur. C'est le schéma bien connu de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes. Là où la rentabilité est assumée, c'est le privé, là où elle ne l'est pas, la puissance publique s'y substitue, dans un contexte d'asséchement général des ressources.
Dans les zones intermédiaires, on laisse encore la main au privé, par des appels à manifestation d'intérêt, pour répondre à des questions relevant de l'intérêt général.
Les RIP coûtent 13 milliards à 14 milliards d'euros, cofinancés par les fournisseurs. Les recettes d'exploitation et le privé doivent financer l'investissement, mais sans sanctions associées.
Il reste un besoin de subvention publique de 6,5 milliards. En décembre 2017, le Gouvernement a fermé le guichet distribuant les subventions. Il l'a rouvert en décembre 2019, avec 140 millions d'euros, passés à 440 millions dans le budget 2020 ; le Sénat a obtenu en PLFR3 une rallonge de 30 millions d'euros ; puis le plan de relance inscrit dans le budget 2021 de nouvelles autorisations d'engagement de 240 millions d'euros.
En cumulé, ce sont 550 millions d'euros qui sont mis à disposition du plan France Très haut débit, soit très en-deçà des 800 millions d'euros nécessaires.
La Cour des comptes considère que le projet doit passer de 20 milliards à 35 milliards d'euros et que son terme doit être reporté à 2030, ce qui ouvre encore de nouvelles questions de financement.
Il faut changer de modèle. La politique de l'État ne peut se limiter à une politique de guichet, à un conventionnement ou pire, à des enchères comme l'a indiqué la convention citoyenne pour le climat.
Les sanctions prévues n'ont jamais été mises en oeuvre par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), alors que les opérateurs n'avaient rempli que 60 % à 70 % de leurs obligations : 67 % pour Orange et 75 % pour SFR dans les zones dites AMII (appel à manifestation d'intérêt d'investissement).
Pourquoi permettre aux opérateurs privés d'être propriétaires des infrastructures dans les zones denses et rentables et les exonérer de cette obligation en zone non rentable ? Pourquoi ne pas avoir soit séparé partout les infrastructures et les activités d'opérateurs, à l'image par exemple du rail, soit conservé un modèle unifié ?
Il est nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux et dont le financement serait assuré à la fois par les opérateurs mais également par l'État, doté de ressources mutualisées, alimenté par les entreprises sur leurs bénéfices, souvent considérables et si souvent décriés comme le résultat d'ententes. Toutes les recettes de l'opérateur de réseau seraient également obligatoirement réinvesties dans le développement et l'entretien du réseau existant, mutualisant les recettes des zones denses pour couvrir les besoins des zones moins denses.
La Commission européenne a fixé, pour 2025, l'objectif d'une couverture totale des locaux à 100 mégabits par seconde, soit la mise en place de la fibre jusqu'à l'ensemble des abonnés.
La France se doit donc de créer les moyens d'atteindre ces objectifs pour éviter le renforcement de fractures territoriales par de nouveaux déserts numériques alors même que le droit au très haut débit doit être garanti pour nos concitoyens. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Éliane Assassi . - Le groupe CRCE a fait le choix de ce thème pour montrer combien des pans entiers du territoire ont été abandonnés par l'État.
Récemment, la mise aux enchères des fréquences de la 5G a apporté 2,7 milliards d'euros à l'État sans aucune autre exigence que de rapporter de l'argent frais dans ses caisses. C'est bien curieux, d'autant que les opérateurs avaient pourtant alerté le Gouvernement sur le fait que ces enchères n'avaient aucun caractère d'urgence, en raison des lacunes dans la couverture de la 4G ; d'autant que ce passage à la 5G devrait également priver d'accès près de 4 000 foyers dans 40 départements particulièrement enclavés..
Tout est organisé autour de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits. La 5G est une innovation d'importance, pouvant devenir une alternative sérieuse à la fibre dans les territoires enclavés.
Mais le seul prisme du Gouvernement reste la rentabilité : les pylônes seront multipliés en zones denses pour attirer des consommateurs. Or ce n'est pas la technologie en soi qui est importante, mais ce que l'on en fait.
Quel est l'intérêt pour nos concitoyens ? Surtout, qui en décide ? La question est donc démocratique.
Il faut donc établir un grand service public qui assure le droit à l'accès au très haut débit pour tous, à travers un plan stratégique de développement numérique soumis au Parlement.
Il faut rétablir un pôle public. La privatisation de France Telecom a été une folie économique et sociale. Alors que la rente du cuivre aurait pu financer la couverture de tout le territoire, l'État a préféré brader ce fleuron industriel.
Le développement numérique reste un angle mort démocratique, le Parlement devant se borner à constater le respect ou non par les opérateurs privés de leurs engagements peu contraignants dans le cadre du Plan France Très haut débit et du contrôle de l'Arcep.
Quant aux citoyens qui remettraient en question la 5G, le Président de la République les a qualifiés dédaigneusement d'amish, montrant un mépris tout jupitérien. Or l'utilité publique de ces usages mérite des débats avec la convention citoyenne, mais aussi avec les associations, les élus et le Parlement.
Le groupe CRCE vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue la démarche engagée par cette proposition de résolution, dont je partage le constat : la fracture numérique.
Qu'il s'agisse de continuer à apprendre, à travailler, à se soigner, à garder un contact avec nos proches, le numérique est crucial.
Il faut répondre au défi de désenclaver le territoire et rendre plus attractives nos zones rurales. Mais le groupe UC ne peut souscrire à la solution proposée.
Cette proposition de résolution propose d'insérer dans le service universel du numérique le THD. Or dans la directive européenne créant un code européen des communications électroniques, seul le haut débit y est intégré.
Seuls 600 000 euros ont été décaissés pour le plan Très haut débit.
Les financements sont pourtant sur la table. Faut-il créer un pôle public ?
La planification et l'initiative publiques sont déjà à l'oeuvre dans les zones sous-denses. Ailleurs, il a été jugé préférable de s'appuyer sur une logique concurrentielle, accompagnée cependant d'engagements des acteurs privés. Ce rythme est satisfaisant : ainsi 5 millions de prises ont été installées en 2019.
Cette proposition de résolution veut revoir le financement des RIP. En 2019, 25 départements n'avaient pas suffisamment de crédits pour finaliser leur plan de déploiement. Le Sénat avait alerté sur cette insuffisance. Mais le plan d'urgence prévoit 240 millions d'euros supplémentaires, pour une couverture intégrale par la fibre, ce qui nous satisfait.
C'est une victoire politique majeure pour notre assemblée et notre commission. Je salue Hervé Maurey et Patrick Chaize, particulièrement mobilisés.
À la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR avaient rendu respectivement 67 % et 75 % des sites raccordables dans les zones AMII. L'Arcep doit maintenant exercer ses pouvoirs de sanctions.
Le groupe de l'Union centriste votera contre cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Michel Houllegatte . - « Un État moderne est un État qui sait donner des impulsions, sans se substituer aux acteurs de la société - citoyens, associations, entreprises, collectivités territoriales : L'État épaule leurs efforts, en leur donnant les moyens d'agir par eux-mêmes ». Ces paroles prononcées le 26 août 1999 par Lionel Jospin, alors Premier ministre, lors des universités d'été de la communication à Hourtin, définissaient la politique du Gouvernement en matière de « nouvelles technologies d'information et de communication ».
Mais il faudra attendre février 2013 pour que les fondements de cette politique soient posés par François Hollande dans le cadre du Plan France Très haut débit : un partage des rôles entre privé et public, à travers 3,3 milliards d'euros prévus de crédits de l'Europe.
Grâce à cette méthode, nous dépasserons les 40 millions de logements et locaux raccordés en 2025.
Les acteurs privés investissent ainsi 10 milliards d'euros par an.
L'État doit plus que jamais accompagner les collectivités territoriales. Notre assemblée a pesé de tout son poids pour que l'Europe participe plus. C'est chose faite : le financement atteint 550 millions d'euros dont 240 millions du plan de relance. Cela donne une visibilité aux 21 départements n'ayant pas complété leur plan de financement. Certes, quelques incertitudes demeurent sur le futur cahier des charges, sur les raccordements complexes, mais l'horizon semble dégagé.
Une des particularités du plan de 2013 est d'avoir renforcé l'action du régulateur. Le statut d'autorité indépendante de l'Arcep lui donne l'assurance d'exiger que les engagements contraignants pris par les opérateurs soient respectés et qu'en cas de manquement les sanctions soient appliquées.
Le traitement des 43 retards constatés sur les 445 premiers sites du New Deal de la couverture ciblée fera figure de test.
L'Arcep a toujours su faire preuve de fermeté les opérateurs avaient même déposé une QPC. Elle devra se pencher sur les retards en zone dense, tels Bobigny, Lille ou Clermont-Ferrand.
Concernant la qualité des raccordements, attention à ce que les « paquets de nouilles », selon l'expression des techniciens, ne viennent obérer la vitesse de connexion. Le groupe SER s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Patrick Chaize . - Au risque de troubler le groupe CRCE, je vais être assez bienveillant avec cette proposition de résolution. (Sourires) Je souscris aux considérants et je comprends votre raisonnement. Mais je voterai contre ! Intégrer le très haut débit dans le service universel des télécoms est-il nécessaire, si la loi Daddue mentionne un accès adéquat en haut débit ? Le Sénat avait milité pour que le raccordement soit fait selon la meilleure technologie disponible mais en vain, hélas.
Quant à la création d'un pôle public des télécoms, deux remarques : c'est une autorité administrative, l'Arcep qui est chargée de la mise en oeuvre du service universel. Elle s'en acquitte très bien. Sur la maîtrise publique des infrastructures numériques, la mission Loutrel doit rendre ses conclusions prochainement. J'estime pour ma part que cette mission devrait revenir à l'ANCT.
Sur la construction, le compte y est presque : il faudrait 630 millions d'euros pour rendre raccordables 100 % des foyers. L'État apporte déjà 550 millions d'euros, et 50 millions d'euros supplémentaires seraient facilement mobilisables via un programme ouvert aux opérateurs privés. Le reste à financer doit pouvoir être abondé dans un futur PLF...
Pour les raccordements longs, il faudra plusieurs dizaines de millions supplémentaires ; vous vous êtes engagé à une expérimentation dès 2021. Il faudra la généraliser.
Quant au respect des obligations des opérateurs privés, nul ne saurait dicter à l'Arcep la sévérité dont elle doit faire preuve.
Les solutions avancées par cette proposition de résolution sont anachroniques. En proposant de créer un opérateur national propriétaire des réseaux, vous rejouez le match.
Je n'ai pas d'a priori idéologique sur la propriété publique des réseaux, mais les RIP créés par la loi de 2004 sont une bonne mesure, et je me dois de me désolidariser de votre initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre-Jean Verzelen . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) L'État ne sait plus aménager le territoire. Il y a dix ans, il promettait d'amener la fibre à tous les Français. Le résultat, ce sont les zones AMII : les opérateurs ont intérêt à privilégier les zones urbaines denses, et rien pour la ruralité. En ville, avec 40 mètres de fibre, on raccorde deux immeubles ; chez moi, à Crécy-sur-Serre, deux maisons...
Ces syndicats mixtes se sont créés au niveau départemental pour les zones AMII. L'État a fini par apporter l'argent. Il y a bien une fracture numérique et des retards des opérateurs, mais les choses ont plutôt bien avancé.
En matière de décentralisation, pas besoin de 3D, 4D, 5D ou plus : regardez ce qu'ont fait les collectivités territoriales pour la fibre. Les élus locaux ont fixé les priorités, l'État les a accompagnés et financés. Voilà ce dont il faut s'inspirer.
Pour la téléphonie mobile, le New Deal va plutôt dans le bon sens : les opérateurs sont juridiquement responsables, financièrement sanctionnables, et on fait confiance aux territoires. Quant à la 5G, c'est intéressant mais beaucoup d'habitants n'ont toujours pas le Edge !
L'autorité de régulation existe déjà : c'est l'Arcep. Ne touchons pas à ce qui fonctionne bien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC)
M. Guillaume Gontard . - Hier, un habitant de Pierre-Châtel dans le sud Isère m'interpellait sur l'absence de connexion à la fibre ; un maire du Trièves m'indiquait qu'un jeune couple avait renoncé à s'installer dans sa commune faute de liaison internet et mobile ; un artisan me racontait devoir prendre sa voiture pour télécharger un dossier d'appel d'offres depuis un village voisin. C'est hélas le quotidien de nombreux habitants en zones rurales et en montagne.
Malgré les millions d'euros de financements publics européens, nationaux, régionaux, intercommunaux et même communaux, le constat d'échec est patent ; il est technique et financier mais c'est avant tout celui d'un modèle privé de concurrence et de rentabilité défaillant, qui ignore la cohérence et l'équité territoriales.
Je remercie le CRCE d'avoir demandé l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de résolution que j'ai cosignée. L'État doit redevenir moteur de l'aménagement du territoire. Les opérateurs privés ne s'intéressent qu'aux zones denses. Comme pour le rail, on aurait pu imaginer un modèle où l'État déploie et détient les réseaux et les loue aux opérateurs privés. Mais on a laissé ces derniers déployer les réseaux sans concertation, installer leurs antennes-relais sans mutualisation - aberration écologique, gâchis économique et déni démocratique, puisque les populations ne sont pas informées.
Conséquence : l'État a dû se substituer aux opérateurs en 2013 en lançant France Très haut débit pour compléter la couverture du pays. On mesure les conséquences de la privatisation de France Télécom. Faute d'opérateur national, voilà la France incapable de fibrer son petit territoire en moins d'une décennie.
Les promesses présidentielles de 100 % haut et très haut débit fin 2020 ne seront pas plus tenues que celle de sortir du glyphosate. (M. Daniel Salmon applaudit.) : l'objectif est déjà reporté à 2025. Pour tenir cet horizon, il faut un soutien exceptionnel aux collectivités territoriales. Faute de mesures contraignantes pour les opérateurs, les zones blanches perdureront.
Le Gouvernement persiste à vouloir déployer la 5G dans les grandes villes, sans débat démocratique et sans attendre le résultat des études sanitaires. Quelle télémédecine en zone rurale, quand on ne peut même pas envoyer un mail ou passer un coup de téléphone ?
Votre politique aggrave la fracture numérique et territoriale.
Vous auriez au moins pu conditionner le déploiement de la 5G à celui de la fibre...
Le GEST votera cette proposition de résolution et ne comprend pas que le vote du Sénat ne soit pas unanime. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE)
M. Frédéric Marchand . - Le numérique n'est pas un luxe mais un droit essentiel. Chacun, partout sur le territoire, doit avoir un accès performant à internet. L'infrastructure numérique est un bien de première nécessité, un élément clé de cohésion du territoire, d'inclusion et de compétitivité économique. L'État agit avec détermination, notamment à l'égard des opérateurs. Le Gouvernement a conclu en janvier 2018 un accord historique avec des engagements contraignants pour les opérateurs : convertir les pylônes, assurer la couverture mobile dans des zones stratégiques, généraliser la 4G dans les transports, optimiser le passage de la 4G dans les bâtiments, proposer une offre de 4G fixe. L'Arcep contrôle en toute transparence le respect de ces obligations.
La loi ELAN de 2018 a fixé des objectifs complémentaires de couverture. Le très haut débit et la résorption des zones blanches lèveront un obstacle à l'arrivée des entreprises et des travailleurs indépendants dans les zones rurales ; cela induit une nouvelle forme d'aménagement du territoire, de nouveaux modes de vie.
En 2022, 100 % des Français seront éligibles au très haut débit, et le Gouvernement se fixe l'horizon 2025 pour la fibre.
Les départements - dont 75 % ont prévu la généralisation de la fibre optique d'ici 2025 - sont les maîtres d'ouvrage, mais l'État reste le principal financeur avec 3,3 milliards d'euros sur le quinquennat, auxquels s'ajoutent 240 millions d'euros du plan de relance.
La trajectoire retenue fait de ce quinquennat le plus volontariste depuis des décennies. En zone d'initiative publique, 4,3 millions de locaux ont été connectés au deuxième trimestre 2020, soit une hausse de 72 % en un an ! À ce jour, 76 % du territoire est couvert par la 4G, contre 45 % au 1er janvier 2018. Plus de 2 000 nouveaux pylônes seront déployés en deux ans.
Le très haut débit permettra aussi de déployer la télémédecine - nous sommes passés de 50 000 consultations l'année dernière à un million lors du premier confinement.
La représentation nationale pourra mesurer à chaque pas le déploiement de la fibre, du très haut débit et de la 4G.
Le groupe RDPI votera contre cette proposition de résolution.
M. Éric Gold . - La crise que nous vivons a fait émerger un besoin de réforme. Nous ne pouvons que partager le constat de cette proposition de résolution : le besoin de numérique est plus fort que jamais pour l'accès aux démarches administratives, à la télémédecine, à l'information, à la culture, aux savoirs, et bien sûr au télétravail.
Le numérique est également un outil de désenclavement et d'attractivité des territoires ruraux. La polarisation de notre modèle d'aménagement du territoire autour des métropoles a eu des effets délétères ; pour désengorger les métropoles et relancer la dynamique des zones rurales et périurbaines, il faut un accès internet de qualité partout et pour tous. Accompagnons le rêve des Français qui aspirent à quitter les centres-villes !
Le plan France très haut débit prévoit une couverture intégrale en 2025. L'État a inscrit des crédits supplémentaires dans le plan de relance pour arriver à 550 millions d'euros pour le déploiement de la fibre.
Quelque 10,5 millions de locaux seront abonnés à la fin de l'année et les 41 millions de locaux français le seront d'ici quatre ans ; 96 % du territoire est ouvert par la 4G avec au moins un opérateur : les chiffres sont encourageants, notamment grâce aux RIP qui se substituent aux opérateurs privés.
Régie Auvergne numérique pourra ainsi desservir bientôt tous les locaux, grâce aux 300 millions d'euros investis par la Région, les quatre départements, l'État et l'Europe. L'aide de l'ANCT aux collectivités territoriales devrait accélérer le déploiement du très haut débit.
Cette proposition de résolution crée un nouveau droit au très haut débit sous la forme d'un service universel, mais c'est déjà ce que prévoit le plan France Très haut débit.
Le RDSE s'abstiendra sur ce texte : il faut avant tout sécuriser l'investissement public et privé, sanctionner le non-respect des engagements, renforcer la concertation face aux oppositions locales.
Un mot, pour conclure, sur l'illectronisme. En 2020, une personne sur deux ne se sent pas à l'aise avec le numérique et treize millions de personnes en demeurent éloignées. Trois personnes sur cinq ne peuvent réaliser de démarches administratives en ligne : 13 % des démarches seulement sont accessibles aux personnes en situation de handicap. L'État a débloqué 250 millions d'euros pour déployer notamment 4 000 conseillers numériques ; le RDSE estime qu'il faudra 1 milliard d'euros pour financer l'inclusion numérique. N'oublions pas ces citoyens qui se sentent exclus de cette société hyperconnectée.
Mme Viviane Artigalas . - La proposition de résolution que nous examinons a un objectif très louable : améliorer l'aménagement numérique de nos territoires.
Cependant, le groupe SER est partagé sur les propositions. Oui, le numérique est un bien commun, mais nous pouvons espérer qu'avec le plan de relance, le déploiement de la fibre s'accélérera.
Entre emballement et retard par rapport à l'innovation, nous sommes sur une corde raide. J'évoquerai plusieurs points de vigilance.
La couverture du territoire doit être totale, mais chacun doit pouvoir choisir son niveau de débit. Tous nos concitoyens ont-ils besoin du très haut débit ? À l'heure où l'on recherche la sobriété, une couverture équilibrée et stable qui n'exclut personne serait la véritable entrée dans le monde moderne.
La crise a montré la nécessité du développement des usages du numérique - pour le télétravail, l'enseignement, pour demander une aide de l'État ou pour accéder aux services publics dématérialisés. Or la mission d'information du Sénat sur le sujet a montré que trois Français sur cinq étaient exclus des usages numériques.
Elle préconise de mieux cartographier les zones d'exclusion numérique, d'améliorer l'accessibilité des sites publics en ligne, d'octroyer un crédit d'impôt pour la formation en entreprise et un chèque pour l'achat ou la location d'un équipement, préférablement reconditionné.
Ces propositions nous semblent à même de favoriser la réussite de la stratégie nationale pour un numérique inclusif à laquelle le plan de relance consacre 250 millions d'euros. Ces financements seront-ils pérennes ?
Le numérique ne saurait se réduire à la seule question de l'aménagement du territoire ; il doit contribuer à une société plus égalitaire, sobre et durable. Restons vigilants sur la stratégie comme sur le type de réseaux à déployer. Au politique de mesurer les risques et les avantages, en prenant en compte toutes les dimensions du problème. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean-Marc Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sujet ô combien fondamental, la fracture numérique persiste et fait mal.
Au-delà de l'aménagement, il nous faut un plan qui déménage.
Dans le Puy-de-Dôme, l'état des réseaux est inadmissible. On a annoncé un plan ambitieux d'inclusion numérique en janvier 2018, et un réseau d'initiative public via France Très haut débit en Auvergne.
Malgré des améliorations, la fracture numérique est toujours là. La crise sanitaire va bouleverser notre mode de vie. Le numérique est fondamental pour nos ruraux dans tous les aspects de leur quotidien.
Le développement numérique doit aussi accompagner le retour à la campagne et l'extension du télétravail - ans quoi la fracture continuera de s'accroître.
Le Gouvernement met en place un plan de numérisation des TPE-PME, dont 30 % seulement ont un site internet. L'objectif est louable : maintenir une activité en ligne alors qu'ils sont obligés de fermer. Mais une partie de ces petites entreprises n'ont pas d'accès aux réseaux leur permettant de développer le commerce en ligne...
La 5G risque d'accroître la fracture numérique si elle n'est pas installée sur tout le territoire. Or son développement sur les cinq prochaines années semble fléché sur les métropoles, le périurbain et les axes autoroutiers.
Cette proposition de résolution étatise fortement le développement numérique et remet en cause l'architecture actuelle. Or le tout État n'a pas fait ses preuves et l'État n'en a pas les moyens. Il faut renforcer les RIP qui ont fait leurs preuves. Le temps n'est plus à la recentralisation (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Demas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'interviens à la tribune pour la première fois, sur un sujet qui me touche.
Dans mon village de Gilette, dans les Alpes-Maritimes, l'aménagement numérique est une belle promesse. Mais l'accès au numérique peut engendrer de nouvelles fractures territoriales.
Si les « considérants » relèvent du bon sens, je m'interroge cependant sur les propositions. La proposition de résolution souhaite un soutien exceptionnel de l'État - difficile de s'opposer à ce voeu pieux. Elle demande des mesures plus contraignantes pour que les opérateurs privés respectent leurs obligations. Je rappelle simplement que le Sénat a été en pointe pour mettre la pression sur les opérateurs via l'Arcep. Je salue l'action de Patrick Chaize.
Bref, je suis dubitative. La lecture de l'exposé des motifs me trouble.
Mme Éliane Assassi. - N'en rajoutez pas !
Mme Patricia Demas. - Créer un opérateur national, propriétaire des réseaux ? Là, franchement, je m'inquiète. Faudrait-il remettre en cause le travail des collectivités territoriales avec les RIP ? Cet excès de centralisme semble arriver à contretemps, alors que l'essentiel des zones sous-denses est en passe d'être couvert.
Je m'inquiète de la place laissée aux petites collectivités territoriales rurales. Sur les 500 millions d'euros du plan de relance sur la transformation numérique, elles bénéficieront d'une enveloppe de 88 millions d'euros ; cela devrait me rassurer. Mais la mise en oeuvre de la feuille de route est complexe, l'architecture financière alambiquée. Le calendrier me paraît impossible à tenir. Je crains que les collectivités les moins avancées soient à leur tour frappées d'illectronisme. L'État devrait leur consacrer plus de temps et de moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques . - Je ne vais pas ébranler le groupe CRCE en indiquant que je ne suis pas d'accord sur toute la proposition de résolution. (On fait mine de s'en étonner sur les travées du groupe CRCE.)
Mais je partage l'objectif de développement de la couverture numérique, qu'il s'agisse d'infrastructures, de déploiement des réseaux ou des usages. Car il nous faut aussi former les Français - un sur six n'utilise jamais un ordinateur, un sur trois n'est pas à l'aise avec des compétences de base - car la question des usages est au coeur de la fracture numérique.
Le budget de la lutte contre l'illectronisme est passé en trois ans de 350 000 euros à 250 millions d'euros. Et j'ai annoncé le déploiement de 4 000 conseillers numériques financés par l'État, soit un doublement. Je serai lundi dans l'Allier pour signer une première convention.
Le numérique a constitué la ligne de vie des Français durant le confinement. Face à l'urgence de résorber la fracture numérique, les engagements du Président de la République seront tenus.
Ne vous en déplaise, 100 % des Français auront accès au très bon débit, soit 8 mégabits par seconde, d'ici 2020 - c'est déjà le cas ; 100 % des Français auront accès au très bon débit, soit 30 mégabits par seconde, d'ici 2022, dont 80 % par la fibre. Le Gouvernement aidera les 20 % restants soit à monter en débit, soit à acquérir une antenne satellite.
Nous avons prévu 240 millions d'euros dans le plan de relance pour atteindre 550 millions d'euros pour couvrir 100 % du territoire français en fibre d'ici 2025. Cela nous semble être le bon ordre de grandeur.
À ce jour, 21 départements n'ont pas d'objectif de couverture 100 % fibre d'ici 2025 : nous allons reconventionner avec eux pour qu'ils atteignent cet objectif. J'étais dernièrement dans les Pyrénées-Orientales pour ce faire.
Pour les raccordements longs ou complexes, nous travaillons avec l'Arcep à un subventionnement.
Nous tiendrons l'objectif de fibrer 100 % du territoire en 2025 - objectif unique en Europe. Je me suis engagé dans le DADDUE au développement d'un service universel de la fibre à l'horizon 2025, qui en fera un bien essentiel au même titre que l'eau, l'électricité ou le téléphone.
La fibre et la lutte contre la fracture numérique sont les sujets sur lesquels les résultats du Gouvernement font le moins débat.
Aucun pays en Europe ne développe plus vite la fibre que la France. La moitié de la fibre installée en Europe l'est en France ! C'est une victoire du Gouvernement mais aussi des collectivités territoriales. (On se félicite, à gauche, que le ministre le reconnaisse.)
Le précédent plan Zones blanches 2003-2018 avait déployé 600 pylônes. Avec le New Deal, 2 500 pylônes seront déployés en deux ans, uniquement dans les zones blanches ! C'est un effort spectaculaire. (Sourires à gauche)
Nous déployons chaque année 5 millions de prises. Ce fut le cas en 2019 ; en 2020, malgré le confinement, nous ferons encore mieux. Chaque jour, ce sont 19 000 nouvelles prises qui sont rendues raccordables.
Nous étions en retard sur la commercialisation ; désormais, nous sommes champions d'Europe, devant l'Espagne.
L'objectif du Gouvernement est aussi de déployer les technologies d'avenir et la 5G. Mais son premier objectif est bien la réduction de la fracture territoriale. Madame Assassi, vous avez évoqué un déséquilibre territorial sur la 5G. Or la France est le seul pays en Europe...
Mme Éliane Assassi. - Encore ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - ... à avoir inscrit dans les contrats d'attribution des fréquences 5G une obligation d'équilibre du territoire : un quart des pylônes devront être déployés en zone rurale.
Je note votre soutien à cette technologie, suffisamment rare sur ces bancs. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Vous nous prenez pour des ringards ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Ceux qui brûlent les antennes 5G sont ceux qui brûlent les antennes 4G et les points de mutualisation de la fibre. Il serait illogique d'être pour la fibre et contre la 5G...
Monsieur Gontard, je n'ai pas tout compris dans votre intervention. Dans l'Isère, c'est un RIP qui déploie la fibre : retournez-vous contre le responsable ! Votre raisonnement est contre-intuitif.
Madame Demas, avec Amélie de Montchalin, nous avons réuni les associations de collectivités la semaine dernière pour évoquer la question des 88 millions d'euros de soutien à la transition numérique. Il n'y a pas d'obligation de candidater d'ici début janvier : certaines collectivités sont prêtes mais il y aura d'autres échéances plus tardives. Nous avons expliqué notre philosophie et rassuré les collectivités sur le caractère simple et qui opérationnel de cette enveloppe.
Le développement du numérique est toujours trop lent pour nos concitoyens, j'en ai bien conscience. C'est pour cela que le Gouvernement ne soutient pas cette proposition de résolution. Aujourd'hui, nous avons un dispositif qui marche, le meilleur d'Europe. (On ironise sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. - Du monde !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Peut-être du monde, en effet, à l'exception de la Corée du Sud, que je connais bien... Il faut certes maintenir la pression sur les opérateurs, régler les problèmes opérationnels, mais de grâce, ne cassons pas ce qui fonctionne bien.
La proposition de résolution n'est pas adoptée.
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. - L'ordre du jour du jeudi 17 décembre au matin a été modifié hier pour inscrire la déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l'épidémie de covid-19.
Pour l'organisation du débat qui suivra, nous pourrions prévoir un temps de parole de 14 minutes pour le groupe Les Républicains, de 12 minutes pour le groupe socialiste, écologiste et républicain, de 10 minutes pour le groupe de l'Union centriste, de 8 minutes pour les autres groupes et de 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, ainsi qu'un temps de 5 minutes attribué respectivement à la commission des affaires sociales et à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Il en est ainsi décidé.
Prochaine séance demain, jeudi 10 décembre 2020, à 10 h 30.
La séance est levée à 20 h 30.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du jeudi 10 décembre 2020
Séance publique
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président Secrétaires : MM. Jean-Claude Tissot et Pierre Cuypers
1. Proposition de loi visant à supprimer la possibilité ouverte au dirigeant d'une entreprise de déposer une offre de rachat de l'entreprise après avoir organisé son dépôt de bilan, présentée par Mme Sophie Taillé?Polian (n°714, 2019?2020)
2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (texte de la commission, n°177, 2019?2020)
De 16 heures à 20 heures
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président
3. Proposition de loi constitutionnelle visant, face à la crise actuelle à construire le monde d'après fondé sur la préservation des biens communs, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (n°419 rect., 2019?2020)
4. Proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Olivier Jacquin, Claude Raynal, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Thierry Carcenac et Rémi Féraud (n°477, 2019?2020)
À l'issue de l'espace réservé au groupe socialiste, écologiste et républicain
5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et sur le projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales