Gouvernance et performance des ports maritimes français

Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français, présentée par M. Michel Vaspart et plusieurs de ses collègues, à la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Discussion générale

M. Hervé Maurey, co-auteur de la proposition de loi . - Il me revient, en tant que deuxième signataire de cette proposition de loi de notre ancien collègue Vaspart, d'ouvrir nos débats. La compétence et l'engagement reconnus de Michel Vaspart nous ont permis d'approfondir le sujet et de formuler des propositions concrètes à l'issue des travaux de la mission d'information sur la gouvernance et la performance des ports maritimes, dont le rapport a été adopté à l'unanimité par notre commission le 1er juillet. La mission a procédé à une trentaine d'auditions et s'est déplacée dans une dizaine de ports en France et à l'étranger, Anvers et Rotterdam notamment.

La mission a travaillé dans un contexte particulier marqué par les grèves liées à la réforme des retraites puis par la crise sanitaire. Cette crise a néanmoins mis en exergue le caractère stratégique du secteur pour l'approvisionnement de la Nation. Les acteurs de la chaîne logistique française ont signé le 7 octobre une charte d'engagement sous l'égide des ministres des Transports et de la Mer. Je salue l'engagement pris par les professionnels d'assurer un transport fiable et compétitif des marchandises et de privilégier le passage des marchandises par les ports français.

Deux propositions de loi ont été déposées : celle de Michel Vaspart et celle de Martine Filleul. Grâce à ces initiatives législatives, nous pouvons débattre.

La présente proposition de loi reprend les dix propositions de notre mission d'information et les quatre recommandations adressées au Gouvernement.

Le travail de Didier Mandelli et de Martine Filleul a enrichi ce texte : ses dix-sept articles couvrent l'ensemble des enjeux.

Nous manquons d'une stratégie de long terme et d'une vision claire de l'État sur les ports maritimes, malgré une annonce en novembre 2017. Dans un rapport de février 2019 intitulé « La compétitivité des ports français à l'horizon 2020 : l'urgence d'une stratégie », nous nous inquiétions des faibles performances des ports français en comparaison de ceux de nos voisins. Deux ans plus tard, nous en sommes au même point. Le Président de la République a pourtant fait des annonces le 14 juin dernier, mais qui n'ont été suivies d'aucun effet. Il est grand temps que le Gouvernement dévoile sa stratégie et la mette en oeuvre. C'est d'autant plus crucial que la Chine développe « les nouvelles routes de la soie » et dispose de seize terminaux dans treize ports, soit 10 % du volume traité par les ports européens.

En matière d'infrastructures d'accès aux grands ports, le sous-investissement est devenu chronique, notamment pour transport des céréales par rail qui est passé de 10 % pour la campagne 2012-2013 à 6 % pour la campagne 2017-2018. À Rouen, premier port céréalier de l'ouest, la part modale du fer ne représente que 6,8 % : ce n'est pas acceptable.

En tant que rapporteur spécial, je reste vigilant sur le soutien de l'État aux grands ports maritimes. Il demeure pour l'instant fidèle à son engagement de compenser l'intégralité des charges de dragage des grands ports maritimes. C'est positif, même s'il faut aller plus loin et parvenir à une prise en charge substantielle et pérenne de l'ensemble des dépenses non-commerciales des grands ports maritimes.

Le rapport de la mission d'information a déjà produit des effets puisque le Gouvernement a prévu dans le plan de relance un soutien du fret ferroviaire et un verdissement des ports. Mais les 175 millions d'euros prévus sur deux ans semblent insuffisants pour donner un véritable avantage comparatif à nos ports en termes de transition écologique. Le plan de relance est un premier pas, mais il faudrait aller au-delà.

Je souhaite que la vie de cette proposition de loi se poursuive au-delà du Sénat et qu'elle soit examinée à l'Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, nous attendons que vous vous empariez de nos propositions. (MM. Jean-François Longeot et Jean-Pierre Grand applaudissent.)

M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Les dix-sept articles de cette proposition de loi reprennent les conclusions de la mission d'information présidée par Martine Filleul et dont Michel Vaspart était rapporteur. Je salue son implication sur ces sujets. Le constat est largement connu : en dix ans, vingt rapports ! Si le secteur portuaire a fait l'objet de réformes de grande ampleur dans les années 1990, ses performances sont décevantes. En 2020, le tonnage de nos sept plus grands ports est inférieur de 40 % à celui de Rotterdam ! On estime entre 30 000 et 70 000 le nombre d'emplois perdus en France.

La situation ne s'est pas améliorée avec les grèves liées à la réforme des retraites et la crise sanitaire. Nous connaissons nos faiblesses qui résultent d'un sous-investissement dans les infrastructures de desserte de nos ports et d'une image de fiabilité écornée auprès des grands chargeurs et armateurs. Sans politique ambitieuse de massification du transport de marchandises, il serait illusoire de penser renverser la situation. À Hambourg, 50 % du fret passe par voie ferroviaire ou fluviale. L'augmentation de la trajectoire d'investissement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) prévue par la LOM est indispensable. Il manque aussi une vision stratégique à long terme de l'État.

La création d'un Conseil national portuaire et logistique (CNPL) répond à cet enjeu. La comitologie maritime est déjà étoffée mais il faut associer le côté mer et le côté terre pour prendre en compte tous les acteurs de la chaîne portuaire et logistique. En outre, le CNPL a vocation à intégrer des structures existantes : c'est donc une logique de rationalisation.

Nos concurrents sont mieux organisés que nous, que ce soit les Allemands, les Britanniques mais surtout les Chinois avec les nouvelles routes de la soie.

Les administrations de l'État ont tendance à nier la gravité de la situation au regard des investissements étrangers. En outre, l'information du Parlement est trop lacunaire sur ces sujets.

L'exclusion des acteurs économiques de la gouvernance des ports en 2016 pour prévenir les éventuels conflits d'intérêts est regrettable. Pourtant, des outils de prévention et de gestion de tels conflits existent : appliquons-les plutôt que de refuser toute implication du secteur privé.

L'avenir de nos ports est étroitement lié à celui du modèle économique du transport de marchandises et plus largement, à la structure de notre économie fortement importatrice. Nos ports sont pris en étau entre la baisse de leurs recettes et la hausse de leurs charges sociales et fiscales.

Notre commission a souhaité renforcer l'intégration des collectivités territoriales à la politique portuaire pour favoriser la coordination entre tous les ports. J'ai conservé les préconisations de M. Vaspart tout en y ajoutant des améliorations ponctuelles.

Nous voulons également améliorer l'attractivité et la compétitivité de nos ports ainsi que le verdissement de ce secteur. Nous sommes mobilisés pour soutenir nos ports et nous sommes prêts à y travailler avec vous et avec nos collègues de l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement va-t-il se décider à soutenir notre proposition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - « Homme libre, toujours tu chériras la mer » écrivait Baudelaire. Pour cela, il faut chérir les ports et les rendre plus forts, comme le souhaitait M. Vaspart et comme nous le voulons tous. Je sais combien la puissance maritime de la France est chère au Sénat et cet attachement se retrouve dans ce texte. Pourtant, il a été rédigé avant la crise sanitaire. En septembre, le Président de la République a présenté les grandes lignes de notre politique maritime, avec notamment, dans le plan de relance, 400 millions d'euros pour les acteurs maritimes et fluviaux et 1 milliard d'euros pour le fret ferroviaire, avec notamment la construction d'autoroutes ferroviaires reliant les ports entre eux.

En octobre, la charte portuaire a été signée avec les acteurs de la filière logistique et les partenaires sociaux. En novembre, nous avons nommé un directeur général préfigurateur pour Haropa, qui regroupe les ports de Paris et Seine-Normandie. Ce projet majeur avance.

La prochaine étape sera la présentation de la stratégie nationale portuaire au début de l'année prochaine, autour de trois axes : compétitivité, souveraineté et verdissement.

La compétitivité passe notamment par la reconquête des parts de marché avec le développement de l'intermodalité. La part du fret manutentionnée dans les ports français est d'environ 60 % ; notre ambition est de passer à 80 % d'ici 2050, ce qui impliquerait un doublement des emplois du secteur. Sans dialogue social de qualité, point de compétitivité : c'est tout l'objet de la charte portuaire qui a été signée en octobre.

Nos ports doivent en outre être intelligents et connectés pour devenir des moteurs de l'innovation. Les flux d'information liés au passage de la marchandise devront être digitalisés.

Cet objectif de reconquête sera au coeur de la stratégie nationale portuaire.

Le rétablissement de la souveraineté de nos ports est également crucial. Nous souhaitons nous saisir des outils tels que le décret sur les investissements étrangers en France. Notre souveraineté dépend de la bonne coordination entre nos ports d'État et nos ports décentralisés.

Le verdissement de nos ports doit être accéléré avec l'électrification des quais ; le plan de relance consacre 175 millions d'euros sur deux ans aux grands ports maritimes de métropole et d'Outre-mer et aux ports autonomes de Paris et Strasbourg. Nous soutiendrons aussi l'investissement des collectivités territoriales dans les ports décentralisés via la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dont le montant a été triplé l'an passé.

Le Gouvernement agit pour rendre nos ports plus forts et plus durables. Mais cette proposition de loi est-elle le bon véhicule ? Je ne le pense pas, nombre de ses dispositions relevant du domaine réglementaire et étant pour beaucoup en cours de mise en place.

Les parlementaires pourront être mieux intégrés dans les comités de pilotage et de suivi. Des contrats d'objectifs et de performances pourraient être signés entre l'État et les ports : votre proposition pourra être approfondie. Je vous propose donc de travailler ensemble sur divers sujets hors du cadre législatif.

Nous avons cependant des divergences. Les modifications de la gouvernance que vous proposez ne me semblent pas favorables à une meilleure compétitivité et bouleverseraient les équilibres de la loi de 2008 et de la loi Économie bleue de 2016.

Aucune région ne demande le transfert de compétence de gestion des ports : notre conviction est que l'État doit garder la responsabilité de ces ports, en lien avec les collectivités territoriales, notamment dans le cadre des nouveaux contrats de plan État-Régions (CPER).

Concernant les services portuaires, vous proposez un quasi-service minimum, qui poserait des difficultés d'ordre juridique mais aussi sociales en l'absence de concertation. La signature de la charte portuaire a posé des bases durables ; le climat social est apaisé, ce qui est indispensable à la continuité du service. Nous souhaitons avancer en pack avec la communauté portuaire.

Le Gouvernement ne soutient donc pas en l'état cette proposition de loi.

M. Jacques Fernique .  - Je m'exprime au nom de mon collègue Ronan Dantec, cloué au lit par la fièvre. En tant qu'écologistes, nous sommes extrêmement soucieux des ports : le transport maritime est une alternative au transport routier et doit contribuer à la décarbonation de l'économie.

Nos grands ports maritimes sont à une période charnière. En ce domaine, nous avons pris du retard : la stratégie portuaire nationale est annoncée depuis 2017... Cette proposition de loi, fruit du travail de Michel Vaspart, est donc bienvenue ; elle crée un cadre propice à la reconquête de parts de marché pour nos grands ports maritimes d'État, concurrencés par les ports de la mer du Nord.

Elle crée un Conseil national portuaire et logistique et prévoit une implication accrue des acteurs économiques, davantage de décentralisation sur demande, un contrat de compétitivité et d'objectifs et un verdissement des ports.

L'Organisation maritime internationale a adopté une stratégie de décarbonation ambitieuse, avec un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % à l'horizon 2050 et de 40 % dès 2030.

Je rappelle que le Sénat avait voté dans la LOM une stratégie de transition énergétique du transport maritime, via un amendement de Ronan Dantec, devenu article 147 de la loi, qui invite l'État à engager la concertation et à accélérer la transition pour l'ensemble des flottes.

La décarbonation du transport maritime passe par l'électrification des quais, préconisation de la Convention citoyenne pour le climat que le Gouvernement considère satisfaite par les 175 millions d'euros du plan de relance, qui compte beaucoup sur l'hydrogène. Nous serons vigilants sur ce point. J'espère que la discussion permettra de préciser les investissements envisagés pour le ferroutage, car les liaisons ferroviaires au départ de nos ports maritimes sont une de leurs faiblesses structurelles.

Le projet du Carnet, à Nantes-Saint-Nazaire, déjà ancien, prévoit la création d'un parc éco-technologique dédié aux énergies marines renouvelables - mais les élus locaux ne sont pas suffisamment associés. La régionalisation de certains grands ports ne doit pas être un tabou. Il faut une articulation entre petits et grands ports, développer le cabotage et le transport combiné entre maritime et fluvial.

Le GEST réserve son vote en fonction des débats. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Nadège Havet .  - Nous partageons tous l'ambition de Michel Vaspart, sénateur des Côtes d'Armor, pour nos ports : renforcer leur attractivité, augmenter leurs parts de marché, bâtir les infrastructures du XXIe siècle.

La mission d'information a dressé un état de lieux, dégageant trois angles d'approche - la gouvernance, le volet social, l'aménagement du territoire - et mis en exergue la problématique de l'intermodalité. Il faut en effet soutenir le secteur ferroviaire pour développer l'hinterland de nos ports.

Nous partageons l'appel à une association plus étroite des parlementaires et une participation d'un plus grand nombre d'acteurs. Un nouvel élan est indispensable : le trafic est revenu à son niveau d'il y a vingt ans dans nos grands ports maritimes, pénalisé par des coûts plus élevés que nos concurrents, un système logistique insuffisant, un sous-investissement chronique dans les infrastructures et une desserte est trop exclusivement routière. Pas moins de 40 % des containers à destination de la France métropolitaine transitent par des ports étrangers. Cela représente des dizaines de milliers d'emplois perdus.

Si nous partageons le constat, nous avons quelques réserves sur ce véhicule. Sur le calendrier d'abord, alors que Mme Annick Girardin s'est engagée à présenter la nouvelle stratégie portuaire avant le prochain Comité interministériel de la mer. Sur le volet financier ensuite, sachant que le plan de relance prévoit 200 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le verdissement des ports et de la flotte des affaires maritimes.

Nous ne sommes pas favorables à l'article 8, qui porte sur la disponibilité des services portuaires, en particulier du remorquage : il faut pacifier le dialogue social et l'on ne saurait instaurer un service minimum sans concertation avec les organisations syndicales.

La régionalisation des grands ports maritimes est-elle une priorité ?

Nous craignons enfin que le nouveau Conseil national portuaire et logistique ne fasse doublon avec le Conseil supérieur de la marine marchande.

Les ports autres que les grands ports maritimes - comme les ports bretons, dont celui de Brest - font pleinement partie du réseau national. Le renforcement de leur compétitivité est également indispensable.

Si nous nous réjouissons de ce débat, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Nathalie Delattre .  - Presque trente ans se sont écoulés avant que la France, deuxième superficie maritime au monde avec 11 millions de kilomètres carrés, ne dispose à nouveau d'un ministre de la mer de plein exercice. J'espère que cela marque un tournant, car l'heure est grave pour notre économie maritime.

Merci à Michel Vaspart et aux membres de la mission d'information présidée par Martine Filleul pour leur travail.

L'absence de vision stratégique est comblée par l'article premier de la proposition de loi qui instaure une stratégie nationale portuaire et un programme d'investissements pluriannuel. Tous les acteurs seront associés à l'élaboration de la politique maritime et au nouveau CNPL.

Des modifications législatives peuvent améliorer la gouvernance, car la coopération entre les acteurs est la clé de la compétitivité. Nous proposerons un amendement pour intégrer un représentant de la chambre du commerce et de l'industrie dans le conseil de surveillance.

Nous proposerons également de renforcer le dialogue entre le conseil de développement et le conseil de surveillance. Enfin, nous saluons la mise en place de contrats pluriannuels d'objectifs et de performance, ou encore la révision de la procédure de révocation du directeur général.

Le sujet de la décentralisation des ports divise, y compris au sein de mon groupe, car des intérêts européens et internationaux sont en jeu. Je pense aux ports du Havre, de Rouen et de Paris, bientôt intégrés au sein de l'établissement Haropa, à Dunkerque ou Marseille.

Mais pour les ports à vocation nationale, la régionalisation apporterait une vision stratégique territorialisée, tout en préservant l'exercice des missions régaliennes par l'État. Comme l'a dit Édouard Philippe, alors Premier ministre, aux Assises de l'économie de la mer en 2017, « l'échelon pertinent, c'est la région ».

Le grand port maritime de Bordeaux a été affaibli par une crise de gouvernance et une crise financière : le groupe MSC s'est retiré, entraînant une perte de 50 % du trafic de conteneurs. La LOM a été une occasion ratée, alors que le port de Bordeaux recèle un potentiel d'innovation certain, dont témoigne l'obtention d'un appel à projets européen relatif au déploiement de l'hydrogène en milieu portuaire.

L'institution de zones de relance économique temporaires et le suramortissement des biens améliorant la fluidité du passage portuaire et le verdissement sont une bonne idée. Les 5 milliards d'euros sur dix ans sont bienvenus pour renforcer les liaisons ferroviaires des ports avec leur hinterland, indispensable pour rattraper notre retard.

La grande majorité du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Gérard Lahellec . - Merci à Michel Vaspart, sénateur des Côtes d'Armor, pour son engagement. La Bretagne, petite région maritime...

M. Michel Canevet.  - Grande !

M. Gérard Lahellec.  - ... cherche sa place dans le concert mondial, et nourrit quelques ambitions en matière de développement de ses ports.

Notre pays a besoin d'une grande ambition portuaire et maritime, qui appelle une grande ambition politique. Il n'est pas indifférent que ce soit le Sénat qui prenne les devants.

Les différentes réformes ont conduit à une régionalisation de la gestion d'une partie des ports, preuve que l'activité portuaire ne se limite pas aux onze grands ports maritimes - qui n'arrivent pourtant pas à la hauteur des ports du nord de l'Europe. Aucun bilan n'a été fait de cette régionalisation. Pas de stratégie valable sans diagnostic préalable. On peut considérer que les ports ont deux grandes missions : l'une publique, de développement du territoire, l'autre privée, marchande.

Au lieu d'une régionalisation qui conforterait un désengagement de l'État, il faut fixer une ambition nationale pour la mission publique. Je vois d'ailleurs une contradiction entre l'article premier et l'article 6.

Il ne suffira pas de flexibiliser l'emploi des directeurs de ports ou d'instaurer un service minimum pour dégager de la compétitivité : il faudrait un double bilan financier, avec un budget public pour les missions publiques et un bilan privé pour les missions marchandes.

J'entends que les ports décentralisés trouveraient leur place autour des grands ports maritimes. Cela me trouble. Qui ici inviterait nos petits territoires ruraux à trouver leur place dans les espaces laissés libres par les métropoles ? Il nous sera très difficile de soutenir un texte qui comporte pareils risques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte crée un cadre propice à la reconquête de parts de marchés, alors que 90 % des échanges mondiaux se font par voie maritime. Nos ports français ont un impact économique considérable, avec une valeur ajoutée de 15 milliards d'euros et 350 000 emplois directs et indirects. La France possède trois façades maritimes, un accès à tous les océans, le deuxième domaine maritime au monde, et un dense réseau de 66 ports de commerce. Mais depuis 2008, nos ports sont en déclin. J'avais peine à le croire, mais le trafic de l'ensemble de nos grands ports maritimes métropolitains est inférieur de 40 % à celui du seul port de Rotterdam !

Nous péchons par absence de stratégie nationale portuaire.

L'environnement change : augmentation de la taille des navires, concentration économique, numérisation, stratégie chinoise des nouvelles routes de la soie. Ce retard de croissance nous coûterait 30 à 70 000 emplois sur la filière des conteneurs. En 2020, plus de 40 % des conteneurs à destination de la France métropolitaine transitent encore par des ports étrangers !

Pourtant, les potentialités de croissance sont considérables.

Cette proposition de loi reprend les recommandations de la mission d'information. On peut bien sûr s'interroger sur le véhicule législatif. Mais l'ambition est là. Un Conseil national portuaire et logistique où le poids des collectivités territoriales est conforté serait une bonne innovation, tout comme le renforcement du conseil de développement des grands ports maritimes, qui rendrait un avis conforme sur le projet stratégique.

Nous soutenons les mesures pour l'attractivité et la compétitivité des grands ports maritimes, notamment la régulation des services de pilotage et de remorquage, les zones de relance économique temporaires ou le suramortissement de 30 % pour la modernisation et le verdissement des ports.

Les acteurs portuaires doivent s'engager plus avant dans la transition écologique. Le suramortissement permettra l'acquisition d'équipements qui font baisser la pollution de 25 %. Il faut également favoriser le report modal.

J'en viens au fameux article 6, qui ouvre la possibilité d'un transfert de la propriété et de la gestion aux régions qui en feraient la demande, avec l'accord de l'État. Autant je pense que la régionalisation est judicieuse pour les ports intérieurs, autant je crains que cette décentralisation ne mette à mal la cohérence de la stratégie nationale.

Un mot sur les plateformes logistiques le long du canal Seine-Nord-Europe, un projet dont je suis l'ambassadeur depuis 25 ans, à la région, puis à l'Assemblée nationale et enfin ici. En reliant les bassins de la Seine et de l'Oise aux 20 000 kilomètres de réseau fluvial nord européen à grand gabarit, il permettra de faire voguer des bateaux de fret fluvial de 4 400 tonnes, soit l'équivalent de 220 camions, fera baisser les émissions de gaz à effet de serre, décongestionnera les autoroutes et créera de nombreux emplois, conjoncturels et structurels.

Sceptique sur la longévité de ce texte, le groupe UC le votera toutefois par adhésion à ses ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Philippe Tabarot applaudit également.)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nos ports sont sous-exploités au regard de leur potentiel. Il faut franchir un nouveau cap.

Ce texte est la traduction législative des conclusions de la mission d'information que j'ai présidée, dont Michel Vaspart était rapporteur.

Si nous étions d'accord sur l'essentiel, certaines divergences m'ont conduite à déposer une autre proposition de loi et font l'objet d'amendements.

Il faut que l'État définisse une stratégie nationale cohérente et ambitieuse. À cet égard, le CNPL est bienvenu.

Les ports constituent des lieux privilégiés de réindustrialisation, des gisements potentiels d'emplois. La création de zones franches est opportune. Mais il faudra des investissements dans les infrastructures bien plus importants que ce qui est prévu dans la LOM.

Bonne gestion et gouvernance efficace sont une autre condition de la compétitivité de nos ports. Il convient que les acteurs privés et les collectivités territoriales y soient davantage associés.

Mais un point central nous sépare. Nos ports constituent un outil de souveraineté nationale pour notre approvisionnement - nous l'avons vu lors de la crise sanitaire. À l'export, ils participent à la promotion de nos filières d'excellence.

C'est pourquoi le groupe SER s'oppose à la régionalisation des grands ports maritimes : l'État doit garder le contrôle de ces structures indispensables et à notre indépendance et à notre économie.

Pour nous, l'enjeu réside plutôt dans la coordination entre les ports, qui doivent jouer collectif - d'où l'importance des conseils de coordination interportuaires dont l'article 5 améliore le fonctionnement. Chaque façade maritime doit s'en doter.

Autre enjeu essentiel : le verdissement du transport de marchandises. Alors que la France dispose des voies navigables les plus longues d'Europe, 80 % des acheminements reposent sur le routier. Pourtant, quatre fois moins émetteur que la route, le fluvial est l'un des modes les plus vertueux.

Nos ports ont trop longtemps été perçus comme des « culs-de-sac » isolés, limités à leur zone d'exploitation. Le rapport défaillant à l'hinterland a freiné la constitution d'une chaîne logistique performante et écologique.

Le canal Seine-Nord-Europe est une première étape, mais il faut aussi une régénération de l'ensemble du réseau. Voies nationales de France (VNF) comme SNCF Réseau doivent être associés à la politique portuaire.

Pour rendre compétitif le fluvial, il convient de mutualiser et répartir uniformément les charges de manutention des conteneurs.

Le groupe SER demandera aussi la suppression de l'alinéa 3 de l'article 7 qui ouvre une dérogation à l'obligation de compensation écologique.

Enfin, nos ports ne seraient rien sans les femmes et les hommes qui les font vivre. N'affaiblissons pas le modèle social auquel les salariés sont attachés : la mise en place d'un nouveau service minimum n'est pas acceptable. Il faut avant tout donner aux dockers les moyens de s'adapter à la transformation numérique et de se former.

La mer sera une opportunité si notre politique portuaire préserve nos intérêts, protège nos richesses et agit comme moteur pour le développement des territoires, pour la création de valeurs et pour l'emploi, tout en favorisant la transition écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Joël Guerriau .  - Ce texte est le fruit du travail de la mission d'information relative à la compétitivité de nos ports. Cette compétitivité, c'est aussi celle de la France. Les enjeux sont multiples : économique, écologique, industriel, organisationnel et géopolitique. Depuis 2008, nos ports peinent à retrouver le cap.

Celui de Nantes-Saint-Nazaire, dans mon département, quatrième port français, concentre tous ces enjeux. Le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), dans un rapport récent, préconise une diversification de l'activité, une transition énergétique accélérée, une coordination renforcée avec les autres ports de la façade atlantique, mais surtout un élargissement de l'hinterland.

À cet égard, la présence de VNF et SNCF Réseau au CNPL est une bonne chose ; idem pour la composition du conseil de surveillance.

Édouard Philippe avait déclaré : « Il faut des ports entrepreneurs ». C'est très juste. Pour cela, il nous faut une stratégie.

Notre richesse maritime est un atout pour la France et une chance pour l'Union européenne. Pour défendre notre place dans la compétition internationale, le mécanisme des zones de relance économique portuaire est pertinent.

La gouvernance des ports doit inclure tous les acteurs en présence : Nantes-Saint-Nazaire, ce sont 120 entreprises, plus de 25 000 emplois et 80 métiers. La cohérence passe par la coordination entre le national et le local, et entre ports d'une même façade maritime.

Un mot sur l'atout écologique de nos ports. Ces derniers font des efforts de verdissement, et le suramortissement de 30 % introduit par ce texte est à saluer.

Enfin, je suis attaché à la décentralisation, je crois en la subsidiarité, mais la stratégie nationale doit primer face aux enjeux de la mondialisation. Nous devons réfléchir à une solution intermédiaire où l'État et les collectivités auraient des rôles complémentaires. Nous serons au rendez-vous pour ce travail.

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de Michel Vaspart, qui a eu un rôle moteur sur les affaires portuaires au Sénat. Son engagement se traduit par cette proposition de loi. Je salue aussi nos collègues Filleul, Maurey et Mandelli.

Si la crise sanitaire a montré la résilience de nos ports, elle a aussi mis en évidence des freins à la compétitivité.

« Nos portes d'entrées maritimes », qui font bien plus que nous connecter à l'économie mondialisée, sont à l'heure de vérité : face à la concurrence, il leur faut relever les défis d'une grande nation maritime.

Comité interministériel en 2018, Assises de la Mer... Il est temps de passer des discours aux actes.

Plus de 40 % des conteneurs à destination de la France métropolitaine passent par Anvers ou Rotterdam. Cette proposition de loi vise à muscler une politique publique défaillante.

Le constat est sans appel. La performance de nos ports demeure insuffisante au regard des atouts maritimes de la France, alors que le projet chinois des « nouvelles routes de la soie » a mis en lumière le caractère stratégique des ports pour l'approvisionnement en biens essentiels.

Songez que les six premiers ports hexagonaux traitent 294 millions de tonnes chaque année, quand le seul port de Rotterdam traite 469 millions de tonnes et celui d'Anvers, 235 millions de tonnes !

En France, 80 % des acheminements portuaires se font par la route, contre 50 % à Hambourg. Le développement du transport intermodal diversifié est crucial. Le modèle fluvial représente 2 % du transport intérieur de marchandises ; le ferroviaire, 9 % contre 35 % en Autriche.

Comment envisager de gagner des parts de marché si nous ne pouvons absorber l'augmentation ? Comme le dit le rapport d'information, « à la massification maritime doit correspondre une massification terrestre ».

La proposition de loi comporte des avancées, à commencer par la création du CNPL qui prendra en compte les politiques du transport terrestre de marchandises. Les amendements adoptés en commission vont dans le sens du développement du multimodal.

L'augmentation de la trajectoire d'investissement de l'Afitf serait un signal fort pour le fret ferroviaire et fluvial.

Une instance de discussion sur le surcoût de la manutention fluviale et un plan d'optimisation des coûts de manutention fluviale sont hélas devenus nécessaires.

Le prolongement du suramortissement fiscal en faveur du verdissement des navires est particulièrement opportun.

Je demande au Gouvernement une nouvelle fois de présenter au plus vite sa stratégie annoncée depuis 2017.

Terre et mer ne se tournent plus le dos, mais il faut davantage de convergence, d'ambition, d'intermodalité.

Monsieur le ministre, revenez sur votre avis et aidons nos ports à retrouver une place stratégique sur le continent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vivette Lopez . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je félicite mon ancien collègue Michel Vaspart : sa passion du littoral nous manque.

La France a souvent négligé sa vocation maritime, et Richelieu disait : « Les larmes de nos souverains ont souvent eu le goût salé des mers qu'ils ont ignorées ». Pourtant, quels atouts ! Trois façades maritimes, un accès à tous les océans, 66 ports de commerce, dont onze grands ports maritimes, sept sur le territoire métropolitain, quatre en outre-mer, une zone économique exclusive immense.

Pourquoi ce déclin ? Une absence de cap, un manque d'investissement, un lobbying actif des ports du Benelux à Bruxelles, le Brexit puis la covid... L'écart s'est creusé mais des ports comme celui de Barcelone ont compris que le temps n'était plus à l'attentisme.

Les ports français sont à la croisée des chemins, et je me félicite que le Sénat se soit emparé du sujet.

La proposition de loi refond la gouvernance du système portuaire : l'article premier crée un CNPL chargé du suivi de la stratégie nationale ; la composition des conseils de surveillance des grands ports maritimes est modifiée à l'article 2 pour mieux intégrer les acteurs locaux.

Les articles 3 à 6 traitent des procédures de nomination et de révocation des directeurs généraux des grands ports maritimes, des conseils de coordination interportuaire et de la décentralisation des grands ports maritimes aux régions qui le demanderaient.

Des dispositions encouragent la relance dans le contexte post-crise. L'article 8 introduit de la concurrence dans le secteur des services portuaires et notamment le remorquage ; c'est une avancée importante.

Troisième défi : la transition écologique. Diverses dispositions incitent les acteurs à s'y engager, comme la possibilité d'un plan d'optimisation des coûts pour favoriser le report modal.

Je remercie la gendarmerie maritime et son réseau Aquapol, dispositif tout à fait original qui rend nos ports plus sûrs, facteur d'une croissance bleue, sereine, durable.

Les articles 9 à 12 améliorent l'information du Parlement à travers quatre rapports. Celui sur les nouvelles routes de la soie serait tout à fait utile : la Chine contrôle déjà près d'un dixième des capacités portuaires européennes. Il y a là un enjeu de souveraineté.

Tous les acteurs sont prêts, mais il faut une impulsion claire de l'État. Le Président de la République a déclaré que le XXIe siècle serait maritime. Il faut donner corps à cette ambition, redonner à la France sa grandeur d'antan afin de laisser un patrimoine à notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je rends hommage à Michel Vaspart, à Martine Filleul qui a présidé la mission d'information, et à Didier Mandelli, notre rapporteur.

La mission d'information a pu mener son travail à son terme dans un contexte difficile, marqué par les grèves contre la réforme des retraites puis la crise sanitaire. Je souhaite que cette proposition de loi franchisse les portes de l'Assemblée nationale.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - La commission a examiné le texte le 25 novembre et adopté 31 amendements, dont 25 du rapporteur et 6 du groupe SER. Ce texte est donc le fruit d'un travail concerté. Le taux d'acceptation des amendements s'est établi à 43 %.

Sur les 19 amendements de séance, je donnerai quatre avis de sagesse, à l'article 6, car l'éventuelle décentralisation ne faisait pas partie des conclusions de la mission. L'article 6 a donc seulement pour rôle d'ouvrir un débat sur cette question, évoquée par certains pour le port de Bordeaux. Je ne pourrai pas donner d'avis favorable aux 15 autres amendements, qui sont en contradiction avec les conclusions de la mission dont le rapport a été adopté à l'unanimité.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

Remplacer le mot :

Deux

par le mot :

Trois

Mme Martine Filleul.  - La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à inclure un représentant de SNCF-Réseau au sein des conseils de surveillance des grands ports maritimes.

Nous nous en félicitons : une telle intégration favorisera le développement de l'intermodalité et de la massification des acheminements portuaires.

Pour autant, afin de limiter le nombre de membres des conseils de surveillance, le rapporteur a compensé  l'intégration de SNCF-Réseau par la réduction de trois à deux des représentants du personnel du port.

Ces derniers ne sont pas une variable d'ajustement ! Nous sommes opposés à ce recul : la représentation des salariés participe du bon fonctionnement de la démocratie au sein des conseils de surveillance. Il en va de la bonne qualité du dialogue social.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Cet amendement revient sur la position de la commission. Nous voulions des conseils resserrés. Le rapport du Conseil général de l'environnement et développement durable (CGEDD) proposait une jauge à douze ; nous avons laissé une certaine flexibilité : entre douze et quatorze. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Je partage les propos sur le caractère vital de nos ports, ainsi que sur l'intermodalité. Le fret ferroviaire bénéficiera de 200 millions d'euros dans le plan de relance : wagon isolé, transport combiné, pour rééquilibrer le rail et la route ; autoroutes ferroviaires pour relier les ports, Calais-Sète, Cherbourg-Bayonne ou encore Perpignan-Rungis qui sera prolongée au nord vers Dunkerque et Anvers et au sud vers Barcelone. Les infrastructures portuaires, ferroviaires et fluviales bénéficieront au total de 400 millions d'euros.

Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°7. Nous avons observé d'année en année une baisse de la conflictualité. Une charte sociale a été signée, pour aborder dans la sérénité les évolutions de la gouvernance.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire et Gold, Mme Guillotin et M. Requier.

Alinéa 8

Après les mots :

l'État,

insérer les mots :

dont un représentant élu de chambre consulaire,

Mme Nathalie Delattre.  - Cet amendement rétablit un représentant de la chambre consulaire locale au sein du conseil de surveillance. Il s'agit de mieux associer les acteurs économiques locaux au sein de la gouvernance des grands ports maritimes. Les chambres de commerce et d'industrie (CCI) développent et entretiennent l'activité portuaire depuis quatre siècles...

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Votre demande est satisfaite, car rien ne s'oppose à ce qu'un représentant de la CCI soit choisi comme personnalité qualifiée. On peut aussi penser à un représentant d'une chambre d'agriculture ou d'une grande coopérative dans un grand port céréalier. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Nathalie Delattre.  - Depuis des années, les CCI ont investi dans les ports. Or rien n'oblige à les retenir dans le collège. Que leur participation soit une simple possibilité est injurieux.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mme Canayer, MM. P. Martin, Chauvet, Bonnecarrère, Daubresse, Levi et Husson, Mme Deromedi et M. Rapin.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

avec un avis consultatif

Mme Agnès Canayer.  - Il s'agit de donner un avis consultatif au président du conseil du développement qui siège au conseil de surveillance. C'est une revendication forte au Havre, pour créer une complémentarité, voire une symbiose, entre conseil de surveillance et conseil de développement, et éviter tout blocage.

Ne changeons pas les règles de gouvernance au plus mauvais moment, après une crise sociale, une crise sanitaire, en plein Brexit. Ce n'est pas pendant la tempête qu'il faut changer de capitaine !

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Le rapport de Michel Vaspart proposait que le président du conseil de développement siège de droit au conseil de surveillance. L'argument des conflits d'intérêts doit être écarté. La présence du président du conseil du développement est légitime, avec voix délibérative. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Retrait ou avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Agnès Canayer.  - Changer les équilibres ne va pas dans le bon sens.

L'amendement n°3 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Un représentant de l'établissement public mentionné à l'article L. 4311-1. » ;

Mme Martine Filleul.  - Afin de mieux prendre en compte la nécessité de développer le fret ferroviaire et fluvial, il faut que VNF et SNCF-Réseau soient représentés au conseil de surveillance.

La commission a prévu un représentant de SNCF-Réseau mais n'a pas jugé utile d'inclure VNF. Or cela enrichirait le dialogue sur l'intermodalité.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - L'intermodalité est évidemment importante. VNF est déjà présent à Dunkerque, au Havre, à Marseille, à Rouen, à Paris... Il siège aussi dans des conseils de coordination interportuaire. Lorsqu'il est absent, comme à Nantes, La Rochelle, Bordeaux, c'est que les opportunités sont moins décisives pour le fluvial. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Nous avons mis en place un conseil interministériel qui intègre tous les exploitants ainsi que VNF et SNCF-Réseau et travaille sur la mise en oeuvre de la LOM et l'affectation des crédits du plan de relance. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Canayer, MM. P. Martin, Chauvet et Daubresse, Mme Deromedi et M. Rapin.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

Mme Agnès Canayer.  - Le président du conseil de surveillance doit être choisi parmi les représentants des collectivités territoriales. Or les grands ports maritimes sont des enjeux de développement de la Nation. Je propose de supprimer cette obligation.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Cet amendement est contraire au texte de la commission. Il n'y a pas de contradiction entre une stratégie nationale et la présidence par un élu local. Cette disposition demeure de surcroît peu contraignante : tout membre du collège des élus peut être choisi. Nous sommes favorables à une participation des élus locaux à la mise en oeuvre de la politique nationale. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Retrait ou avis défavorable par cohérence. De plus en plus souvent, des membres des conseils de surveillance sont issus du monde économique.

Mme Agnès Canayer.  - Il ne faut pas avoir de lecture unique. Laissons une faculté, selon les ports.

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

L?article 2, modifié, est adopté.

L?article 3 est adopté.

ARTICLE 4

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

« La première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 5312-11 du code des transports est ainsi rédigée : « Le conseil de développement rend un avis conforme sur le projet stratégique du port mentionné à l'article L. 5312-13 et des avis sur les projets d'investissements et la politique tarifaire du grand port maritime. »

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Il faut renforcer le conseil de développement face au directoire. Les questions les plus importantes doivent lui être soumises. Nous proposons donc de revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, plus respectueuse de la démocratie.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - J'ai proposé une réécriture globale de cet article, travaillé avec les acteurs. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Avis défavorable car le conseil de développement est un organe consultatif par nature. Un avis conforme entraverait la décision au conseil de surveillance.

L'élaboration de l'avis risquerait en outre de créer des conflits d'intérêts au sein d'une instance où siègent de nombreux acteurs économiques ayant des intérêts liés au port.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire et Gold, Mme Guillotin et M. Requier.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ils sont présentés par le président du conseil de développement au conseil de surveillance lors de la délibération de ce dernier sur les avis transmis.

Mme Nathalie Delattre.  - Les avis du conseil de développement sont transmis au conseil de surveillance. Ils sont présentés par le président du conseil de développement mais celui-ci ne peut participer aux débats. Je propose qu'il présente les avis et assiste aux délibérations.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - C'est bien évidemment le président du conseil de développement qui présentera les avis. Votre amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Nathalie Delattre.  - Peut-il assister à l'ensemble de la réunion ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Il peut être invité mais nous ne souhaitons pas qu'il participe à la délibération.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par M. P. Martin, Mme Canayer, MM. Chauvet et Levi, Mme Sollogoub, M. Bonnecarrère, Mme Garriaud-Maylam, M. Kern, Mme Saint-Pé, M. Moga, Mme Lassarade, MM. Cigolotti, Bonhomme et Meurant, Mme Loisier et M. Cazabonne.

Supprimer cet article.

M. Pascal Martin.  - Cet article, qui prévoit le transfert des grands ports maritimes aux régions qui le souhaitent, est inopportun.

La mission d'information ne s'est pas penchée sur cette question. De surcroît, à quelques mois des élections régionales, il me semble décalé de prendre une telle disposition.

Le rôle du représentant de l'État me semble confus.

Les grands ports maritimes - 80 % du trafic - étant des outils de souveraineté nationale, la stratégie nationale portuaire doit être déterminée par l'État.

La régionalisation risquerait de renforcer les inégalités territoriales et la concurrence entre ports ; or nous souhaitons tout le contraire : la mutualisation et la complémentarité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Martine Filleul.  - Le transfert à une région d'un grand port maritime ne nous semble pas opportun. Ce sont des maillons indispensables de la logistique, des outils de souveraineté nationale, qui assurent la continuité des approvisionnements en agroalimentaire ou en matériel médical, on l'a vu au printemps dernier...

Qu'est-ce qui pourrait empêcher une région en difficulté, demain, de céder un port à la Chine ? La moitié des grands ports maritimes ne s'intéresse pas à une telle solution et l'autre y est opposée - à la seule exception de Bordeaux.

Nous craignons un développement de la concurrence entre les ports français alors que c'est la coopération qu'il faut renforcer.

Pas question non plus de soumettre l'État à la tentation de céder un grand port maritime pour des motivations comptables.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Malhuret et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Decool et Chasseing et Mme Mélot.

M. Pierre Médevielle.  - L'importance et le rayon d'action de ces ports dépassent largement les enjeux régionaux.

Dunkerque a vocation à desservir les Hauts-de-France, l'Île-de-France mais aussi le Grand Est. Haropa a une aire d'influence sur toute la moitié Nord de la France et une partie de la façade atlantique. Marseille-Fos a vocation à s'intéresser à la moitié Sud de la France, mais aussi, par l'axe Rhône-Saône, à la Bourgogne Franche-Comté, à l'Île-de-France et au Grand-Est.

Ces grands ports peuvent retrouver leur lustre d'antan et accéder à une dimension internationale, mais nous avons pris beaucoup de retard. N'allons pas ouvrir la voie à des années de débats et d'immobilisme, à une absence de stratégie de développement national, à un manque de coordination des investissements.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°15, présenté par M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - Difficile d'affirmer à la fois les principes de l'article premier et d'envisager un transfert des ports.

La Bretagne a déjà connu le transfert de trois ports d'État, pour lesquels est versée une dotation d'à peine de 1,5 million d'euros par an - je vous laisse en tirer les conséquences... Nous ne voulons pas de ce type de décentralisation.

Les collectivités territoriales sont sous tensions et toutes ne veulent pas s'engager dans cette voie.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Les régions n'ont pas fait cette demande. Le port de Bordeaux a été le seul à l'évoquer lors des déplacements de la mission d'information.

La commission a ajouté des garde-fous, notamment en portant de trois à six mois le temps laissé au conseil de développement du port pour se prononcer sur la demande, en prévoyant l'avis de l'État et celui du CNPL. L'État pourra refuser.

Je partage en partie vos arguments en faveur de cette suppression et, au bénéfice de la stabilité dont les acteurs ont besoin, je donne au nom de la commission un avis de sagesse.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Avis favorable à la suppression. Nous allons présenter une stratégie nationale autour du verdissement, de la numérisation et de l'agrandissement des hinterland.

Aucune région ne souhaite une telle mesure.

M. Michel Canevet.  - Pardonnez ma voix discordante, celle d'un artisan résolu de la décentralisation. Si Michel Vaspart a prévu cette possibilité, c'est qu'il y a de bonnes raisons.

En 2017, le comité interministériel de la mer avait prévu qu'excepté Haropa, Dunkerque et Marseille-Fos, tous les ports pouvaient être décentralisés.

La France, grand pays maritime, est très en retard dans le commerce portuaire. Pourquoi les navires passent-ils devant nos ports pour aller débarquer à Rotterdam ou Hambourg ? Il faut bien changer quelque chose, améliorer l'écosystème.

M. Jacques Fernique.  - La décentralisation ne saurait être un tabou. On ne peut pas se satisfaire de la gouvernance actuelle des ports. Les élus locaux et régionaux doivent y être mieux associés.

M. Jean-François Rapin.  - Je suis assez surpris de certaines argumentations. Mme Filleul connaît bien la situation des Hauts-de-France. Calais et Boulogne, ports d'État régionalisés, sont devenus des plateformes impressionnantes, avec respectivement le plus grand port de passagers et la plus grande criée d'Europe ; rapprocher ces deux ports de Dunkerque pourrait avoir du sens.

Néanmoins, je serai sage dans mon vote, comme le rapporteur nous y invite. (Sourires)

Mme Agnès Canayer.  - Il s'agit d'assurer la complémentarité des 66 ports de commerce, dont 54 sont gérés par des collectivités territoriales. Le problème n'est pas là.

L'article 6 prévoit certes l'accord du conseil du développement mais n'encadre pas suffisamment l'accord de l'État. Il y a un danger qu'un grand port comme Le Havre soit régionalisé alors qu'il a clairement un rôle national.

Mme Nathalie Delattre.  - Sénatrice de la Gironde, je vous assure que le port de Bordeaux envie la gestion régionale du port de Bayonne. J'entends les arguments d'Agnès Canayer, mais je ne crois pas que cet article menace la stratégie nationale.

M. Pascal Martin.  - Lisez attentivement l'article 6 : « La demande est adressée au représentant de l'État dans la région. » Le rôle de ce dernier n'est pas précisé.

Le 1er juin prochain, avec le projet Haropa, les ports du Havre, Rouen et Paris deviendront un seul port, le cinquième port d'Europe du Nord.

Quelle région peut assumer de telles responsabilités financières ? Le Havre, c'est 32 000 emplois et Rouen, 18 000 !

Je ne crois pas qu'il soit opportun de traiter une telle question dans un amendement. Reparlons-en lors de l'examen de la loi 3D.

M. Loïc Hervé.  - Très bien ! (Mme Nathalie Delattre approuve.)

Mme Martine Filleul.  - Calais et Boulogne ont certes bénéficié de financements importants de la région, mais cela n'a pas permis de concurrencer réellement Anvers et Rotterdam. Cette tutelle différente les a plutôt handicapés !

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Nous avons ouvert un débat intéressant. Mais ne nous précipitons pas. Il y a des avantages à une régionalisation, mais aussi des inconvénients, comme le risque d'une concurrence.

Suivons la sagesse positive de M. le rapporteur.

M. Philippe Bas.  - Je suis co-auteur de la proposition de loi, mais je rejoins le président de la commission. En effet, l'article 6 prévoit une demande de la région, une consultation du conseil du développement par le représentant de l'État, un avis du CNPL... et puis plus rien. Qui prend la décision ?

Cette rédaction en fait un article d'appel plus que de droit. La politique nationale n'a pas l'ampleur qu'il faudrait. Cela devrait nous inciter à demander au Gouvernement de s'impliquer davantage.

L'activité du port du Havre a diminué de 25 % l'an dernier : cela m'inquiète. Le démantèlement d'une politique nationale qui n'a pas eu les effets attendus ne me semble pas la bonne solution.

Mme Céline Brulin.  - Nous avons une conception trop étroite de nos ports, qui doivent être mieux articulés avec l'hinterland et les infrastructures fluviales, ferroviaires, routières. Inspirons-nous du Benelux.

Je comprends la frustration de certains devant la faiblesse de l'engagement de l'État. Il ne joue pas totalement son rôle. Il faut chercher des solutions mais surtout, sans se priver de vision globale ! Monsieur le ministre, cela vous oblige.

Les amendements identiques nos1 rectifié ter, 8, 14 rectifié et 15 sont adoptés.

L'article 6 est supprimé.

L'amendement n°2 rectifié n'a plus d'objet.

ARTICLE 7

Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Joël Bigot. - La compensation des atteintes à la biodiversité ne peut se substituer à l'évitement ni à la réduction. Elle doit se faire « en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne ».

Or l'alinéa 3 de cet article permet de déroger aux obligations fixées par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages en matière de compensation des atteintes à la biodiversité.

La commission en a modifié la rédaction, mais cela ne nous rassure pas. En quoi la prise en compte est-elle préférable à la compatibilité ? Mieux vaut supprimer les alinéas en cause.

Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par MM. Dantec, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Par dérogation au dernier alinéa du II

par les mots :

En application

M. Jacques Fernique. - Cet amendement supprime les dérogations à la compensation des atteintes à la biodiversité.

Michel Vaspart proposait une approche fonctionnelle. Ainsi, « la compensation écologique pourrait notamment être utilisée pour développer des ceintures vertes autour des ports, renforçant leur intégration dans leur environnement et la préservation de ce dernier ».

Cet amendement assure la cohérence entre les mesures de compensation prévues par le droit de l'environnement et les projets stratégiques des ports, tout en conservant un haut niveau de protection de l'environnement.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Nous sommes tous sensibles à l'environnement et à la nécessité de compenser, mais, entre le développement des ports et la protection de l'environnement, il faut trouver un équilibre.

Avec son amendement limitant les dérogations au droit de l'environnement, la commission a trouvé, me semble-t-il, l'équilibre adéquat. Les dérogations prévues sont très limitées et ne peuvent concerner que la troisième phase. Cet article pourrait en outre régler des procédures en cours qui freinent des travaux de développement. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°5, mais avis favorable à l'amendement n°9 qui supprime les dérogations.

M. Daniel Salmon. - De dérogation en dérogation, on amoindrit le droit de l'environnement. Il faut respecter les règles pour protéger l'environnement directement autour du port, pas à 30 kilomètres. Il y a de nombreuses friches près des ports qui ne demandent qu'à être requalifiées dans le cadre des mesures de compensation.

L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°5.

L'article 7 est adopté.

L'article 7 bis est adopté.

L'article 7 ter est adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Martine Filleul. - Cet article traduit la recommandation n°5 du rapport de Michel Vaspart pour un service minimum du remorquage portuaire. La possibilité de réquisition a été heureusement écartée ; elle aurait constitué une remise en cause du droit de grève.

Ce dispositif fait suite à de nombreuses tentatives, notamment la proposition de loi de M. Retailleau sur le service minimum dans les transports publics, celle de M. Guerriau sur le préavis de grève des contrôleurs aériens et le passage de 48 à 72 heures du délai de déclaration de grève dans la LOM.

Même limitées, de telles mesures sont contre-productives et risquent d'envenimer les conflits, car la grève est souvent le symptôme d'une absence ou d'une insuffisance de dialogue social.

Un règlement européen de 2017, d'application directe, permet déjà aux autorités portuaires de régler les conditions du service et de fixer une exigence minimale. De plus, le remorquage n'est pas un véritable service public et les salariés des entreprises privées ne peuvent être réquisitionnés, d'où cet amendement de suppression.

Mme la présidente. - Amendement identique n°16, présenté par M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Michelle Gréaume. - C'est un article pernicieux : l'exposé des motifs fait de la mesure un simple élément de qualité et de disponibilité du service public. En réalité, son objectif est d'instaurer un service minimum portuaire, comme dans les transports en commun.

La compétitivité des ports souffre d'abord d'un sous-investissement chronique, pas des grèves ni du coût du travail. Doit-on rappeler qu'un travailleur portuaire a une espérance de vie de sept ans inférieure à la moyenne ?

Le règlement européen ne permet aucunement l'instauration d'un service minimum. En outre, cet article n'est pas propice au dialogue social dans les grands ports maritimes.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Nous avons supprimé les dispositions relatives au pilotage et au lamanage et introduit des mesures pour faciliter le dialogue social. Nous avons également trouvé une voie médiane sur l'amortissement de l'investissement des sociétés de remorquage.

Manifestement, cela ne vous suffit pas. Nous ne voulions pas faire de cet article un chiffon rouge mais donner aux ports les moyens de mieux réguler leur activité en tenant compte du vécu et des besoins. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Je l'ai dit, cette disposition pose des difficultés juridiques s'agissant de la réquisition du personnel d'entreprises privées. Elle porte atteinte au droit de grève et à la liberté d'entreprendre. Elle risque aussi de créer des difficultés sociales en nuisant à la concertation. Je rappelle également que nous avons signé une charte portuaire. Avis favorable.

Les amendements identiques nos10 et 16 ne sont pas adoptés.

L'article 8 est adopté.

L'article 9 demeure supprimé,de même que les articles 10 et 11.

L'article 12 est adopté, de même que les articles 13, 14 et 15.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 5312-14-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

 a) Les mots : « peuvent prévoir » sont remplacés par le mot : « prévoient » ;

b) Les mots : « du trafic ou » sont supprimés ;

2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les grands ports maritimes disposant d'un accès fluvial ou ferroviaire, elles fixent un objectif de part modale des modes massifiés d'au moins 20 % des trafics opérés par l'amodiataire du domaine public. »

Mme Martine Filleul.  - Pour engager le report modal vers le transport ferroviaire et fluvial, il convient d'aller au-delà de la possibilité de prévoir, dans les conventions de terminal, une part dégressive du montant de la redevance due en fonction de la performance environnementale de la chaîne de transport. Cet amendement prévoit des critères environnementaux, afin que des objectifs contractualisés de part modale alliés à un signal prix tenant compte des externalités soient mis en place par les ports. Les modes alternatifs au transport routier s'en trouveraient privilégiés.

Nous supprimons également la modulation de la redevance en fonction du trafic pour ne garder que celle liée à la performance environnementale de la chaîne de transports. Il s'agit d'encourager les pratiques vertueuses pour l'environnement.

Enfin, l'amendement fixe un objectif minimum de 20 % de recours aux modes massifiés pour les grands ports maritimes disposant d'un accès ferroviaire ou fluvial.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Je partage ces objectifs, mais l'amendement risque d'entraîner une requalification des conventions de terminal en contrats de concession. De plus, d'après les opérateurs, l'objectif de 20 % sera parfois difficilement atteignable compte tenu de l'état des réseaux ferroviaires et fluviaux.

Plutôt que de nous immiscer dans les relations commerciales, il convient de favoriser la concertation entre acteurs, comme s'y attache l'article 15 bis adopté par la commission. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Je partage les réserves techniques et juridiques du rapporteur. Je rappelle que nous avons prévu 400 millions d'euros pour le continuum portuaire-ferroviaire-fluvial et 200 millions d'euros pour le fret ferroviaire. La stratégie nationale portuaire abordera la question de l'intermodalité. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 5343-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces travaux font l'objet d'une facturation directe par la société de manutention au donneur d'ordre. »

Mme Martine Filleul.  - Les freins à une complète intégration du transport fluvial dans les chaînes logistiques tiennent principalement à l'augmentation des tarifs des prestations aux opérateurs de manutention depuis la réforme portuaire.

Or l'opérateur fluvial, qui ne maîtrise pas l'opération logistique de bout en bout, n'a ni le choix du terminal ni celui de l'entreprise de manutention, face à laquelle il n'a aucun poids commercial. Pour le transport routier et ferroviaire, l'ensemble des coûts de manutention portuaire est facturé au donneur d'ordre.

À Dunkerque, une initiative a été conduite avec succès, fondée sur la prise en charge, par les armements maritimes, du coût de la manutention. Les nouvelles modalités de facturation sont désormais la règle depuis le 1er janvier 2017.

Le rapport sur le dispositif d'aide au transport combiné remis en août 2017 à Mme Borne recommande d'intégrer les coûts de manutention fluviale dans les Terminal Handling Charges (THC). M. Duron est parvenu aux mêmes conclusions, de même que les rapports parlementaires de 2016. Il convient maintenant de généraliser ce dispositif.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - L'expérience de Dunkerque est intéressante, mais la généralisation serait difficile. Les coûts de manutention sont beaucoup plus élevés dans les autres ports : 1,47 euros par conteneur à Dunkerque, mais le surcoût à Marseille ou au Havre pourrait être de 5 à 10 euros. Plutôt que de réguler les relations commerciales, facilitons la concertation entre acteurs. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

ARTICLE 15 BIS

M. Michel Canevet .  - Cet article, comme l'alinéa 14 de l'article 7, renforce les instances de concertation pour faciliter les relations avec l'hinterland. C'est important pour que nos ports jouent un rôle international.

Les ports de Brest et de Roscoff sont candidats au projet de corridor atlantique voulu par l'Union européenne. Il faut développer à cet effet les réseaux ferroviaires et mettre en oeuvre le système européen de signalisation ; cela permettrait l'intermodalité et le fonctionnement en réseau.

Il convient que le Gouvernement aide les ports de l'extrême-ouest de se connecter à ce corridor, à Bordeaux, à Nantes-Saint-Nazaire, pour qu'ils occupent la place qui leur revient. Il existe un enjeu en matière d'acheminement des marchandises.

ARTICLE 15 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Supprimer le mot :

volontaires

Mme Martine Filleul.  - Cet article prévoit un dispositif de concertation pour faciliter le report modal vers le transport ferroviaire et fluvial, en réduisant le surcoût de la manutention, notamment fluviale.

Le groupe SER propose de le rendre obligatoire, à titre expérimental, dans tous les grands ports maritimes.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Dialogue et concertation, certes, mais dans la souplesse. Je partage vos objectifs, mais ils seront mieux atteints dans le cadre d'une démarche volontaire. Pour inciter les autres ports, il faut montrer l'exemple. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Nous avons mis en place un conseil ministériel pour le développement et l'innovation dans les transports et investissons dans l'intermodalité et le ferroviaire dans le cadre du plan de relance. Enfin, des instances de dialogue dotées de moyens importants existent déjà. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'article 15 bis est adopté, de même que les articles 16 et 17.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Je tiens à renouveler mes remerciements aux auteurs de cette proposition de loi.

Je salue l'engagement de chacun et la qualité de nos débats et remercie M. le ministre.

Je regrette malgré tout que le président du conseil de surveillance ne soit pas choisi au sein du collège des élus... Je souhaite que, désormais, cette proposition de loi poursuive son chemin.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.