Rappels au Règlement
M. Bruno Retailleau . - Je suis stupéfait. Lors du PLFSS, nous avons eu une courte apparition du ministre en charge de la santé et de la sécurité sociale. Pour le budget, nous n'avons pas même eu cela !
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, ce n'est pas contre vous ; vous êtes un ministre consciencieux, présent et respectueux de nos débats, mais que Bruno Le Maire ne participe pas à nos travaux relève d'une très grande désinvolture.
D'abord, un budget est un acte profondément politique ; au-delà des chiffres, c'est un acte grave confié au Parlement ; le ministre doit venir le présenter.
Ensuite, le plan de relance engage 37 milliards d'euros d'argent public : ce n'est pas rien, et le ministre ne sera pas là.
Enfin, il y a une forme de mépris envers le Parlement. Certes, le ministre a du travail, mais « zapper » le Parlement dans une crise où des pouvoirs très étendus ont été confiés au Gouvernement par le Parlement, ce n'est pas bien.
Le ministre aurait à tout le moins pu faire une apparition pour montrer son respect de la démocratie représentative et de ceux que nous représentons, les Français. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Patrick Kanner . - Nous ne sommes pas la voiture-balai du Parlement. L'absence quasi-permanente de M. Véran, y compris ce matin pour les conclusions de la commission mixte paritaire sur le PLFSS, puis l'absence totale de Bruno Le Maire, notamment cet après-midi sur le plan de relance, point d'orgue de la discussion budgétaire, est inacceptable.
Monsieur le ministre Dussopt, on vous aime bien, vous êtes là et vous prenez du temps pour travailler avec nous mais l'absence du ministre de l'Économie et des finances ne peut être tolérée.
Le Sénat n'est pas un Bundesrat. Le Gouvernement nous considère-t-il dignes d'écoute ? Vous nous voyez mécontents, en colère, non pour nous mais pour les Français que nous représentons. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Jean-Claude Requier . - Je m'associe aux remarques de mes homologues. La mobilisation des membres du Gouvernement à l'occasion de cette crise est compréhensible ; cependant, l'élasticité a des limites en période budgétaire, alors que nous examinons des mesures exceptionnelles.
Le Sénat n'est pas une instance consultative mais une assemblée parlementaire de plein exercice. Il convient que le ministre des Finances vienne expliquer les choix du Gouvernement et débattre avec la représentation nationale.
Monsieur Le Maire, faites-nous une petite visite, cela nous ferait plaisir et cela honorerait le Sénat... (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Hervé Marseille . - À la suite de mes collègues, je déplore l'absence du ministre de l'Économie et des finances. Nous réclamons depuis plusieurs mois un plan de relance. Nous avons dû attendre la fin de l'année, ce qui fait beaucoup de temps de perdu pour un pays dont l'économie est exsangue.
On aurait pu espérer la présence du ministre de l'Économie : cela aurait montré l'intérêt du Gouvernement pour le Parlement. Nous avons un conseil de défense qui gouverne, un Gouvernement qui prend des décisions par ordonnance et des élections reportées.
Nous avons nous-même confié ces pouvoirs au Gouvernement... Dans d'autres pays ce n'est pas la même chose. En contrepartie, le Gouvernement pourrait venir rendre compte des ses décisions devant la représentation nationale.
Monsieur le ministre, nous avons de la sympathie pour vous... C'est le syndrome de Stockholm, sans doute ! (Exclamations amusées sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Vous répondez à toutes nos questions et vous le faites avec courtoisie : peut-être pourriez-vous devenir ministre de l'Économie et des finances. (Rires et applaudissements sur les mêmes travées)
De grâce, que le Gouvernement entende le Parlement et vienne travailler avec lui. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Pascal Savoldelli . - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'associe aux propos de mes collègues.
Hier, j'ai dit que nous étions dans une situation des inédits. Aujourd'hui, nous connaissons un double inédit. Pour le débat de ce matin sur le PLFSS, nous n'avons pas le ministre de la Santé, de la sécurité Sociale et des solidarités ; pour le plan de relance, nous n'avons pas le ministre de l'Économie, des finances et du plan de relance ! C'est irrespectueux et pas sérieux.
Tout n'est pas politique mais beaucoup de choses le sont. Quand le politique est convoqué devant ses responsabilités, il ne doit pas laisser la chaise vide. C'est une question de responsabilité démocratique.
J'aurais bien aimé débattre avec le ministre, lui dire qu'il ne doit pas y avoir de confusion entre la notion d'entreprise et celle de capital.
Débattons : notre démocratie sera vivifiée par le pluralisme des analyses et des idées. Là, il faut corriger le tir ! Peut-être ne changerez-vous pas de cap, mais montrez un minimum de respect à notre égard, mais aussi à l'égard de tous les Français : salariés, chefs d'entreprise, commerçants, artisans, chômeurs...
Heureusement que certaines institutions parviennent à faire contrepoids : ainsi, le Conseil d'État n'a pas suivi votre réforme de l'assurance chômage. Monsieur le ministre, faites passer le message. (Applaudissements sur toutes les travées)
Mme Sophie Taillé-Polian . - Monsieur le ministre, vous êtes là pour nous écouter et nous répondre ; le ministre de l'Économie et des finances préfère s'adresser à la presse pour ses annonces chiffrées, comme hier matin.
Des décisions sont prises par un conseil de défense opaque, et les ministres ne sont pas là pour débattre avec la représentation nationale, et en particulier avec la chambre des territoires - ceux-là même qui ont été en première ligne dans la crise.
Je vous le dis solennellement, cette désertion doit cesser et les ministres doivent nous répondre au lieu de s'exprimer dans la presse. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics . - J'ai entendu vos rappels au Règlement. Je les transmettrai au ministre des Finances et au chef du Gouvernement ; je vous rappelle cependant que j'ai compétence sur l'intégralité des actes budgétaires.
Le ministre Bruno Le Maire est aujourd'hui en Italie pour rencontrer son homologue afin d'évoquer la relance au niveau européen.
Monsieur Marseille, après plusieurs jours passés avec vous, je ne saurais dire qui est victime du syndrome de Stockholm... (Sourires)