Proposition de loi constitutionnelle et proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales (Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales.
Discussion des articles de la proposition de loi constitutionnelle (Suite)
ARTICLES ADDITIONNELS (Suite)
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article 72-1 de la Constitution, après les mots : « à son initiative », sont insérés les mots : « ou à celle d'un groupe de citoyens résidents ».
M. Guy Benarroche. - Les mobilisations citoyennes récentes ont porté haut et fort la revendication d'une participation accrue à la décision publique. La crise de confiance profonde des citoyens à l'égard des élus nécessite une évolution urgente des modes de participation des citoyens pour les associer aux décisions qui les concernent et les touchent dans leur quotidien, tout particulièrement les décisions des collectivités territoriales.
Nous ne sortirons pas de cette crise démocratique sans engager une réforme de nos institutions, avec notamment des référendums locaux d'initiative citoyenne, ouverts à l'ensemble des résidents.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Chacun ici reconnaît la pertinence de la démocratie participative, dont le premier acte est de voter...
Cependant, je vous demande de retirer votre amendement, car cette initiative citoyenne contraindrait l'exécutif local à organiser un référendum. Nous ne voulons pas inverser les rôles.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - En effet. En outre, votre amendement ouvrirait la voie à un vote à des résidents qui ne seraient pas électeurs. C'est contraire à la Constitution. Les Bretons en savent quelque chose... Avis défavorable.
L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 5
M. Laurent Burgoa . - C'est avec plaisir que je prends la parole pour la première fois ici, en tant que sénateur du Gard.
Nous devons protéger à tout prix l'autonomie financière des collectivités territoriales, socle de leur liberté d'action.
Le Gouvernement parle d'une loi 3D, voire 4D... Espérons qu'on ne parvienne jamais au 5D, celui de la disparition de certaines collectivités territoriales, faute de moyens financiers.
Faisons confiance à nos élus locaux. Depuis toujours, lorsqu'ils décident, ils paient. L'État devrait faire de même. Lorsque le Premier ministre décide d'augmenter de 1 % le RSA, il en coûte 1,6 million au département du Gard. Quand le ministre de l'Intérieur revalorise de 25 % la prime de feu, cela revient à une augmentation d'1,2 million d'euros pour le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Gard. Décider, c'est bien ; payer, c'est mieux ! (Applaudissements sur diverses travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Rédiger ainsi cet article :
Avant le premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L'autonomie financière des collectivités territoriales est garantie. »
M. Guy Benarroche. - À l'heure où les collectivités territoriales veulent s'engager en faveur de la transition écologique et répondre aux attentes citoyennes, il est important d'inscrire leur autonomie financière dans la Constitution.
Par une petite musique, selon laquelle les collectivités ne maîtriseraient pas leurs budgets, le Gouvernement a engagé un travail de sape de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Cet amendement les affranchit d'un diktat de Bercy.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Merci à notre collègue Burgoa qui apporte de l'eau à notre moulin : qui décide paie !
Monsieur Benarroche, nous sommes d'accord sur les intentions ; mais votre amendement supprimerait les dispositions de cette proposition de loi qui garantissent que les transferts soient toujours bien compensés.
Votre objectif est satisfait par le texte de la commission. Retrait ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Tout ceci est important. Mais mettons-nous d'accord sur le sens des mots. « Qui décide paie » : ce n'est pas si simple dans la réalité.
Dans la discussion générale, j'ai parlé des régions, qui n'auraient plus de pouvoir fiscal mais disposent de parts d'impôts nationaux comme la TVA, par décision du gouvernement précédent.
Lorsque nous avons proposé de baisser les impôts de production en raison de la crise économique, les régions nous ont demandé de leur donner de la TVA, vu la dynamique de cet impôt. L'absence de pouvoir lever l'impôt ne les empêche pas d'être autonomes financièrement.
Pour les communes, néanmoins, je vais au bout de ma pensée personnelle : le fait de lever l'impôt peut leur être plus nécessaire qu'au niveau de la région.
En Allemagne, pays fédéral, les Länder sont financés par des dotations que fixent conjointement le Bundesrat et le gouvernement allemand.
Attention quand vous dites qui décide paie, car quand une commune décide de travaux, d'autres collectivités et l'État apportent des subventions. Je sais que c'est la mode d'opposer l'État aux collectivités territoriales. Mais soyons prudents.
Monsieur Benarroche, le plan de relance prévoit 32 milliards d'euros pour le financement de la transition écologique ; les collectivités territoriales pourront en bénéficier.
M. Alain Marc. - Je suis tout à fait d'accord avec la ministre et les rapporteurs. Je ne voterai pas cet amendement dangereux qui pourrait se retourner complètement contre les collectivités territoriales.
Mme Cécile Cukierman. - Il faut sécuriser les finances des collectivités territoriales pour permettre aux élus de se projeter dans l'avenir.
Cependant, l'amendement rejoint votre critique sur un projet de loi de finances spécifique pour les collectivités territoriales. Qui garantit, à quel niveau ? L'autonomie serait-elle satisfaite ?
L'important, c'est l'autonomie fiscale, qui permet à une équipe élue de fixer ses priorités et décider tel ou tel investissement. C'est indispensable pour faire de la politique, au sens noble du terme.
L'accord de juillet a été accepté un peu sous la contrainte. Toutes les régions reconnaissent que la dynamique de la TVA ne sera pas à la hauteur pour boucler les budgets. (Mme la ministre marque son désaccord.)
L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Constitution est ainsi modifiée :
1° Après l'article 72-4, il est inséré un article 72-... ainsi rédigé :
« Art. 72-.... - Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. » ;
2° À la première phrase de l'article 88-3, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » et le mot : « seuls » est supprimé.
M. Éric Kerrouche. - Cet amendement symbolique demande que tous les étrangers puissent voter aux élections locales. Les modalités seront à définir dans la loi organique.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Si les citoyens de l'Union européenne peuvent voter aux élections locales, c'est dans le cas d'accords de réciprocité. Or, sans prévoir un tel accord avec les autres pays étrangers ni définir des conditions précises, on ouvrirait un débat trop large à l'occasion de cette proposition de loi.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. Pointereau, Mme Deroche, MM. del Picchia, Cardoux, Karoutchi, Savin, Courtial et Lefèvre, Mme Berthet, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. D. Laurent, Mmes Raimond-Pavero et Noël, MM. Le Gleut et Cuypers, Mme L. Darcos, M. B. Fournier, Mme Deromedi, M. Paccaud, Mme Thomas, M. Pemezec, Mmes F. Gerbaud et Imbert, MM. Bascher, Savary et Brisson, Mme Richer, MM. Piednoir, Sido, Hugonet, Guené, Rietmann, Perrin, Anglars, de Legge, Calvet, Panunzi, Vogel et H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Laménie, Bouchet, Mouiller, Sautarel et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Chevrollier et Mme Gruny.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 88-7 de la Constitution, il est inséré un article 88-... ainsi rédigé :
« Art. 88-.... - Les projets ou propositions de loi tendant à la transposition d'un acte législatif européen ne peuvent contenir des dispositions excédant ce qui est nécessaire à cette transposition. Les amendements à ces projets ou propositions ne sont recevables que s'ils sont destinés à assurer cette stricte transposition. Lorsque le Sénat considère qu'un projet ou qu'une proposition de loi contient de telles dispositions, la procédure du dernier alinéa de l'article 45 n'est pas applicable. »
M. Rémy Pointereau. - Le 12 janvier 2016, le Sénat a voté une proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, à la suite de ma mission sur la simplification des normes au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
Ce texte visait à inscrire dans la Constitution différents principes pour inciter le législateur à tenir compte et accepter que lui soient fixés comme objectifs contraignants, la simplification des normes et la stabilisation ou l'allègement des charges applicables aux collectivités territoriales souvent confrontées à une baisse de leurs ressources.
Il y avait trois principes clairs : celui qui « édicte la norme, doit la payer » ; principe repris à l'article 5 de cette proposition loi ; la création d'un mécanisme de « gage normatif », applicable aux projets et propositions de loi comme aux amendements, obligeant à compenser toute nouvelle charge ou contrainte pour les collectivités territoriales par la suppression d'une charge ou contrainte d'importance équivalente. C'est le « one in, one out ».
Le troisième principe vise à interdire la « surtransposition » de directives européennes par des textes se présentant comme des transpositions de celles-ci, et il est repris par cet amendement.
Souvent, les projets de loi assurant la transposition des directives vont au-delà des exigences définies par le législateur européen, introduisant ainsi de manière quasi subreptice des contraintes et charges nouvelles, notamment pour les collectivités territoriales.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Je salue un fin chasseur de la norme et des surcoûts. Nous partageons son agacement. Toutefois, les effets collatéraux de cet amendement seraient importants : on rognerait l'initiative parlementaire, ainsi que le « dernier mot » à l'Assemblée nationale ; ce n'est pas rien ! Certes, certaines normes doivent être allégées. Par exemple, celles sur le sport, comme le sait Dominique de Legge.
En revanche, pour la lutte contre le terrorisme ou la lutte contre le blanchiment, si la France veut introduire des contraintes plus strictes, elle ne pourrait le faire avec votre amendement. Mais à la suite de 2016, le Sénat avait préféré la rédaction suivante : « Les mesures assurant la transposition d'un acte législatif européen n'excèdent pas les objectifs poursuivis par cet acte. » Retrait, sauf si vous rectifiez votre amendement en ce sens.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Conseil national d'évaluation des normes veille à ce que la transposition des directives européennes soit proportionnée et mesurée. On peut transmettre un pouvoir normatif aux collectivités territoriales sur leurs compétences, mais il faut laisser au pouvoir législatif le pouvoir de décider si besoin. Avis défavorable.
M. Rémy Pointereau. - Avec cet amendement, je ne reprends que la proposition de loi constitutionnelle votée dans cet hémicycle, avec 187 voix sur 336 !
Les enquêtes publiques sur l'environnement sont à la charge des collectivités territoriales : c'est une surtransposition !
Le terrorisme ne relève pas d'une directive européenne. L'argument ne porte pas. Mais j'accepte la rectification que vous me proposez.
M. le président. - J'attends le texte. Il s'agira de l'amendement n°21 rectifié ter dont le vote est réservé.
ARTICLE 6
Mme Micheline Jacques . - Le rapport de la délégation aux outre-mer sur la différenciation territoriale préconise une refonte des collectivités d'outre-mer sous le terme de pays d'outre-mer (POM). L'emploi du terme « pays » est de plus en plus utilisé au quotidien, de même qu'en droit comparé.
L'article 6 répond au principe 44 des 50 propositions du Sénat pour une nouvelle décentralisation, mais il peut être enrichi.
Les aspirations sont très différentes, allant de l'autonomie à une compétence législative renforcée. Un cadre rénové pourrait remédier à de nombreux blocages.
Une approche sur mesure avait été envisagée.
L'article 6 démontre que les auteurs de la proposition de loi ne souhaitaient pas écarter l'outre-mer, ce qui permet de prendre date. La fusion des articles 73 et 74 de la Constitution serait compatible avec la création d'un groupe de travail.
M. Georges Patient . - L'article 6 crée un régime constitutionnel unique pour les outre-mer. Je suis très favorable à la fusion des articles 73 et 74, comme demandé par Michel Magras. Cela permettrait à chaque collectivité d'outre-mer d'adopter un statut à la carte, en dépassionnant la question statutaire.
Le 27 février 2020, les élus guyanais en Congrès étaient favorables à l'adoption d'un statut sui generis qui emprunterait aux deux articles de la Constitution.
L'article 6 peut cependant être amélioré, car il reproduit la distinction actuelle de la Constitution avec deux paragraphes très proches des deux articles. Il n'y a donc pas véritablement de fusion.
La question de la consultation des populations n'est pas traitée clairement. Le changement du cadre statutaire ne sera effectif que si la production normative est assouplie. Adoptez nos amendements pour suivre le cours de l'histoire.
M. Victorin Lurel . - Je m'associe totalement à ces prises de parole. En 2003, 75 % des Guadeloupéens avaient voté contre un texte qui n'était pas satisfaisant.
Il y a une évolution politique et sociologique. Le terme de pays est connu. Deux Congrès guadeloupéens ont demandé une révision constitutionnelle, pour qu'une loi organique permette de réviser les statuts. Nous demandions de fusionner les articles 73 et 74 pour sortir de cette logique binaire, qui est une logique de la peur : en changeant de statut, on craint en effet une baisse des crédits.
Je suis prudent en ce qui concerne les modifications institutionnelles. Je suis favorable à cet excellent article 6. Nous pourrions cranter ce dispositif puis créer un groupe de travail transpartisan pour avancer.
M. Philippe Bonnecarrère . - Mme Tetuanui, retenue en Polynésie, m'a chargé de la représenter. La fusion des articles 73 et 74 avait été interprétée par les Polynésiens comme un retour en arrière, d'où ses amendements, et le soutien à la position de sagesse de la commission qui propose un amendement de suppression de l'article.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Victorin Lurel. - Par cet amendement, le groupe socialiste, écologiste et républicain propose la suppression de cet article, mal rédigé, même si l'intention est bonne.
Mais il faut cranter les avancées. Je vais donc retirer cet amendement. On ne parviendra jamais à un consensus entre les territoires. Un ou deux territoires ne doivent pas prendre en otage les autres. Il faut que chacun puisse choisir d'évoluer ou non. La fusion des articles 73 et 74 est possible.
L'amendement n°12 est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission des lois.
M. Mathieu Darnaud, co-rapporteur. - Dès lors qu'il s'agit des territoires d'outre-mer, nous avons, Victorin Lurel comme moi-même, toujours recherché un consensus, ou du moins à éclairer nos collègues.
Les textes ultramarins doivent nous concerner collectivement. J'entends les imperfections de cet article, mais nous voulons travailler sur un texte constitutionnel. Invitons les territoires d'outre-mer à ce débat et éclairons la représentation nationale.
Dès lors que vous nous avez indiqué en commission que le texte était inabouti, nous avons été à l'écoute. Nous voulions présenter un texte expertisé - ce qui n'a pas été possible avant la remise de l'excellent rapport de Michel Magras.
Nous proposons de supprimer l'article 6 et nous nous engageons à mener une expertise globale. Nous avons le souci permanent d'entendre les demandes de nos collègues ultramarins.
Certains voudraient donner des compétences pénales aux pays d'outre-mer.
Nous retirons une disposition que nous souhaitions inclure mais avec l'engagement de réunir un groupe de travail sur le sujet. Ne touchons la Constitution que d'une main tremblante, comme le disait Montesquieu qui s'est invité dans nos débats.
Rapprochons les avis autour d'une disposition plus expertisée.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'histoire institutionnelle sous la Ve République a montré qu'il était facile pour un territoire ultramarin de passer d'une catégorie à l'autre. Au sein de chacune d'entre elles, il est possible de retenir des modes de gouvernance et des compétences propres. Il en est ainsi de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Polynésie française, de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre et Miquelon, par exemple.
Quant à Wallis-et-Futuna, le Gouvernement attend la modernisation de son statut pour l'ériger au niveau organique.
Il n'est pas utile de fusionner les articles 73 et 74 pour adopter un statut spécifique. Avis favorable.
M. Victorin Lurel. - Non madame la ministre, il n'est pas aisé de changer de catégorie ! Changer l'organisation administrative, en conservant les mêmes compétences, c'est la croix et la bannière !
Le texte proposé maintient l'unicité de la République, même si nous sommes déjà un pays non pas fédéral mais archipélique.
Si nous supprimons l'article, nous allons voter un texte sur les libertés locales sans évoquer les outre-mer ! Ce serait étrange pour notre assemblée !
Nous attendrons la réforme constitutionnelle. Mais le Sénat aurait déjà engrangé un texte qui améliorerait le stock d'idées.
L'amendement n°31 est adopté.
L'article 6 est supprimé.
Les amendements nos3 rectifié, 4 rectifié, 5 rectifié et 6 rectifié n'ont plus d'objet.
M. le président. - Nous revenons sur l'amendement préalablement réservé.
M. Pointereau a accepté de rectifier son amendement n°21 rectifié bis selon les préconisations de la commission. Il ne comprend désormais plus que quatre alinéas et devient l'amendement n°21 rectifié ter.
Avis favorable de la commission et avis défavorable du Gouvernement.
L'amendement n°21 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Constitution est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du premier alinéa de l'article 72, les mots : « les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 » sont remplacés par les mots : « les pays d'outre-mer » ;
2° Après le deuxième alinéa de l'article 72-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chacune des collectivités régies par l'article 73 accède au statut de pays d'outre-mer prévu aux articles 72-5 et 72-6 à compter de l'entrée en vigueur de la loi organique fixant son nouveau statut particulier, adoptée dans les conditions prévues au I de l'article 72-5 après le recueil du consentement des électeurs sur les éléments essentiels de ce statut. Les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 accèdent de plein droit au statut pays d'outre-mer. L'adoption des modifications de leur précédent statut destinées à le rendre conforme aux articles 72-5 et 72-6 est subordonnée au consentement de leur assemblée délibérante. Les articles 73 et 74 sont respectivement abrogés, pour chaque collectivité, à compter de l'entrée en vigueur des dispositions du présent article. » ;
3° L'article 72-4 est ainsi rédigé :
« Art. 72-4. ? Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition de l'assemblée nationale, du Sénat ou de l'assemblée délibérante ou d'une fraction du corps électoral intéressé, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située Outre-mer sur toute question l'intéressant et relevant de la compétence des pouvoirs publics constitutionnels.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par une loi organique. » ;
4° Après le même article 72-4, sont insérés deux articles 72-5 et 72-6 ainsi rédigés :
« Art. 72-5. ? I. ? Chacun des pays d'outre-mer dispose d'un statut particulier qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République. Ce statut lui permet de s'administrer ou de se gouverner et de gérer démocratiquement ses propres affaires et d'exercer un pouvoir normatif autonome dans le domaine de la loi ou du décret. Les lois et règlements doivent, le cas échéant, être adaptés à l'organisation particulière de chaque pays d'outre-mer et aux contraintes et caractéristiques de leur territoire.
« L'adoption et la modification des éléments essentiels du statut d'un pays d'outre-mer, tels que définis par la loi organique et qui concernent notamment l'exercice des compétences particulières du pays d'outre-mer ou son régime législatif, sont subordonnées au recueil préalable du consentement des électeurs intéressés. Toute autre modification peut leur être soumise pour approbation dans les conditions de forme et de procédure prévues à l'article 72-4.
« Aucune compétence particulière d'un pays d'outre-mer ne peut lui être retirée sans le consentement de son assemblée délibérante ou, le cas échéant, de ses électeurs.
« Les modalités d'application des deux premiers alinéas du présent I sont fixées par une loi organique.
« II. ? Le statut de chaque pays d'outre-mer est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
« 1° Les conditions dans lesquelles les dispositions législatives et règlementaires intervenant dans le domaine de compétence de l'État y sont applicables, et celles dans lesquelles elles y sont étendues ou adaptées, ou y font l'objet de dispositions particulières, le cas échéant, avec l'accord des institutions du pays, ainsi que les conditions dans lesquelles les engagements internationaux de la France sont applicables dans chaque pays d'outre-mer ;
« 2° La répartition des compétences respectives de l'État et du pays d'outre-mer, conformément à l'article 72-6, et les modalités d'exercice des compétences du pays ; le statut peut prévoir la possibilité pour un pays d'outre-mer de se voir ultérieurement attribuer de plein droit, à sa demande et à la date fixée par ses institutions, l'exercice de certaines compétences ;
« 3° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d'outre-mer sont consultées, avant leur adoption, sur les dispositions législatives et règlementaires prévues par les autorités compétentes de l'État et comportant des dispositions particulières au pays ;
« 4° Les conditions dans lesquelles certains actes des institutions du pays d'outre-mer sont adoptés, approuvés ou ratifiés par les assemblées parlementaires ou leurs commissions ou par le Gouvernement, le cas échéant, sous la forme d'une décision tacite née au terme d'un délai déterminé, ou font l'objet d'un avis conforme du Conseil d'État ;
« 5° Les règles et principes généraux gouvernant la composition, l'organisation et le fonctionnement des institutions du pays d'outre-mer, ainsi que les modalités de mise en ?ure du droit de pétition et du référendum local ;
« 6° Les modalités de l'exercice du contrôle juridictionnel spécifique par le Conseil d'État des actes de son assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi ; ces actes peuvent s'appliquer aux contrats en cours et, le cas échéant, sauf en matière répressive et pour des motifs impérieux d'intérêt général ou en cas de circonstances exceptionnelles, régler les conséquences juridiques pour l'avenir de faits situés dans le passé ;
« 7° Les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut notamment se prononcer, par voie d'action ou par voie d'exception, sur la conformité des lois aux dispositions du présent article, des articles 72-3 et 72-6 et à celles du statut de chaque pays ;
« 8° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d'outre-mer peuvent saisir pour avis le Conseil d'État d'une question relative à l'interprétation de leur statut ou à l'applicabilité d'un texte législatif ou réglementaire sur leur territoire ;
« 9° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d'outre-mer peuvent modifier les dispositions législatives lorsqu'elles sont intervenues dans leur domaine de compétence ;
« 10° Les conditions et limites dans lesquelles les actes de l'assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi peuvent être soumis à référendum, y compris à l'initiative d'une fraction du corps électoral.
« III. ? Les autres modalités de l'organisation particulière de chacun des pays d'outre-mer sont fixées par la loi.
« IV. ? Chaque pays d'outre-mer est représenté au Sénat.
« Art. 72-6. ? I. ? Dans chacun des pays d'outre-mer, les compétences de l'État comprennent notamment, sans préjudice de celles antérieurement exercées dans le cadre du statut précédemment en vigueur, la nationalité, les droits civiques, les garanties des droits fondamentaux et des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation et le contrôle de la justice, le droit pénal général, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par des lois organiques.
« Les autorités des pays d'outre-mer peuvent toutefois, dans les conditions et limites fixées par leur statut et par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, adopter des mesures relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions aux règles quelles édictent, dans le respect de conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique et des droits constitutionnellement garantis.
« Les pays d'outre-mer peuvent participer à l'exercice de certaines des compétences mentionnées au premier alinéa sous le contrôle des autorités de l'État.
« L'État et un pays d'outre-mer peuvent en outre exercer en commun certaines compétences.
« II. ? Les institutions d'un pays d'outre-mer peuvent être consultées, informées ou associées, selon le cas, aux décisions de politique étrangère concernant leur territoire. Un pays d'outre-mer peut être membre d'une organisation internationale, disposer d'une représentation auprès d'états ou d'organisations internationales, négocier des accords avec ceux-ci, dans son domaine de compétence et, sans préjudice de l'accord des autorités compétentes de la République, conclure ces accords.
« Les institutions d'un pays d'outre-mer peuvent, selon le cas, être informées, consultées ou associées quant à la négociation des engagements internationaux de la France destinés à s'appliquer sur leur territoire, et être appelées à approuver l'entrée en vigueur de ceux d'entre eux qui interviennent dans le domaine de ses compétences.
« La procédure de modification du statut d'un pays d'outre-mer au sein de l'Union européenne, dans les conditions prévues par les traités mentionnés à l'article 88-1, ne peut être engagée par la France sans leur consentement préalable.
« Les institutions des pays d'outre-mer sont associées par le Gouvernement à l'élaboration des projets d'actes mentionnés à l'article 88-4, ainsi qu'à la définition de la position de la France agissant des mandats de négociation des accords à conclure par l'Union européenne avec les États tiers, lorsque ces actes ou ces accords sont susceptibles de les affecter directement.
« III. ? Les institutions d'un pays d'outre-mer peuvent adopter des règles relevant de la loi ou du décret, ou décider d'étendre ou d'adapter localement les lois et décrets applicables en métropole, ou être appelées à approuver cette extension ou cette adaptation.
« Lorsque cette participation d'un pays d'outre-mer aux compétences que l'État conserve, prévue au troisième alinéa du I, s'exerce dans le domaine de la loi, ses actes peuvent entrer en vigueur dès leur approbation selon l'une des procédures prévues au II de l'article 72-5.
« IV. ? Chaque pays d'outre-mer peut prendre des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population de nationalité française et des citoyens de l'Union européenne, en tenant compte de la durée suffisante de résidence ou des liens personnels ou familiaux, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.
« V. ? Les pays d'outre-mer peuvent, si leur statut le prévoit, exercer par analogie les compétences dévolues aux catégories de collectivités territoriales mentionnées à l'article 72. Dans ce cas, les modalités d'exercice de ces compétences sont déterminées par la loi.
« Les deuxième et troisième alinéas du I de l'article 72-5 ne sont pas applicables aux compétences attribuées à un pays d'outre-mer en application du premier alinéa du présent V. »
Mme Micheline Jacques. - Cet amendement crée une alternative pour les dispositions relatives à l'outre-mer compte tenu de la suppression de l'article 6. Il propose également une base pour les travaux d'un futur groupe de travail.
En prévoyant d'insérer deux articles, 72-5 et 72-6, dans la Constitution, cet amendement préserve les articles 73 et 74. Cette rédaction répond aux aspirations en résolvant certains blocages. Le statut de pays d'outre-mer serait ainsi créé.
Cette proposition a vocation à être affinée, certes, mais attendre l'unanimité reviendrait à opposer un droit de veto à une ou plusieurs collectivités territoriales d'outre-mer.
M. le président. - Amendement identique n°22, présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.
M. Victorin Lurel. - Pour moi qui suis investi en politique depuis 33 ans, ce texte est le plus abouti, le meilleur que je connaisse bien qu'il demeure perfectible.
Il faut banaliser cette question.
Les outre-mer sont dans l'article 53. À chaque fois, il faut modifier la Constitution. Si ce texte était adopté, la question de l'appartenance à la République ne se poserait plus pendant des décennies. Il faudrait, comme à Porto Rico, poser la question tous les trente ans : « voulez-vous ou non rester Français ? » Ce texte est d'une grande plasticité et d'une grande audace : je vous invite à le voter.
M. le président. - Amendement identique n°25, présenté par M. Théophile.
M. Dominique Théophile. - C'est historique de nous retrouver sur cette question ! Nous avons travaillé sur cette problématique depuis des années avec les élus ultramarins. Petit à petit nous avançons... Nous arrivons à maturité.
Les articles 73 et 74 sont mal vus par nos concitoyens d'outre-mer. Nous avons besoin d'une boîte à outils. Chaque territoire d'outre-mer est différent et pourrait ainsi choisir un statut adapté à ses attentes.
Dépassionnons le débat entre les articles 73 et 74, tout en restant dans le cadre de la République. Nous voterons cet amendement.
M. le président. - Amendement identique n°28 rectifié bis, présenté par M. Patient et Mme Phinera-Horth.
M. Georges Patient. - En Guyane, nous avons travaillé en Congrès et nous avons appelé de nos voeux un statut sui generis ce qui a permis de dépassionner les débats.
M. Mathieu Darnaud, co-rapporteur. - Vous êtes favorables à la fusion des articles 73 et 74, mais vous ne les supprimez pas !
Demandons au président de la commission des lois une mission d'information pour avancer sur ce sujet. Il ne s'agit nullement d'enterrer le débat, croyez-le bien ! Pour preuve, nous avons proposé l'article 6.
Notre volonté est d'avancer ensemble. Je le redis avec gravité et solennité. Je souligne une nouvelle fois l'excellence des travaux de Michel Magras et des autres collègues ici présents. Retrait ou avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Vous souhaitez la création de la nouvelle catégorie des « pays d'outre-mer ». Les collectivités d'outre-mer, régies par l'article 74, deviendraient des pays d'outre-mer immédiatement ; les départements et régions d'outre-mer, relevant de l'article 73, après consultation des populations consultées.
Les pays d'outre-mer disposeraient d'une autonomie renforcée définie par leur statut. L'amendement prévoit ainsi de donner un pouvoir normatif autonome aux pays d'outre-mer. Cela reviendrait à constitutionnaliser un domaine législatif réservé, que le Parlement ne pourrait plus modifier sans leur accord.
En outre, les pays d'outre-mer pourraient être membres d'une organisation internationale ou conclure des accords internationaux. Cela va très loin, bien plus loin que le sujet de la fusion entre les articles 73 et 74 dont nous débattons. Tout le monde ne sera pas d'accord. Je pense notamment à Mayotte, très attaché à son statut actuel.
Si nous devions avancer vers une telle évolution systémique, il faudrait une large consultation avec les élus des territoires concernés. Nous devons donc poursuivre les échanges. Avis défavorable.
M. Victorin Lurel. - Cela fait trente ans que j'entends cela ! Il y aura toujours des oppositions. Avec notre texte, les territoires comme Mayotte ou La Réunion sont libres de ne pas évoluer. On donne seulement des marges de liberté au sein de la République. On est en train de rater une occasion historique : pour la première fois de ma carrière politique, je vois un accord transpartisan sur cette question.
Madame la ministre, je peux vous fournir une pile entière de documents d'experts sur le sujet.
Ce texte nous donne des marges de liberté. Le Sénat pourrait engranger dans son offre politique un dispositif innovant.
M. le président. - Il faut conclure !
M. Victorin Lurel. - J'étais avant celui qui s'opposait, je soutiens désormais une solution commune. Nous y travaillons depuis dix-sept ans !
Mme Micheline Jacques. - Retirer cet amendement reviendrait sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Je partage les propos transpartisans de mes collègues.
La démarche visant à inclure les outre-mer est d'autant plus importante que nous créons les articles 72-5 et 72-6 dans la Constitution, tout en maintenant les articles 73 et 74. C'est une ouverture du champ des possibles pour les collectivités ultramarines.
Les différents statuts ne sont pas incompatibles. La Polynésie, par exemple, est une collectivité et un pays d'outre-mer au sein de la République.
Il faut prendre date. Je maintiens donc mon amendement que, j'espère, mes collègues voteront.
M. Philippe Bas. - Le groupe de travail mis en place par le président Larcher avait très étroitement associé Michel Magras, alors président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. C'est après une consultation approfondie que des dispositions de l'article 6 avaient été arrêtées par notre groupe de travail. Nous avons proposé une différenciation à la carte des statuts des différentes collectivités d'outre-mer, afin d'assouplir les règles constitutionnelles.
Les dispositions de l'article 6 ne font pas consensus. Notre rapporteur nous propose donc d'ouvrir une nouvelle étape de la réflexion et il a raison.
Ces amendements sont très travaillés et je salue leurs auteurs. Mais ils me laissent perplexe : il est très difficile de s'engager dans cette voie en l'absence de consultation approfondie. Je pense que nous ne devons pas les adopter, non pas car nous les rejetterions mais parce que nous avons besoin de plus de consultations. Évitons l'improvisation sur ces sujets qui engagent tant l'avenir.
Mme Annick Petrus. - Saint-Martin n'a ni envie ni besoin de grand soir statutaire. Notre statut de collectivité d'outre-mer n'a que treize ans. Notre priorité est de consolider nos outils juridiques, administratifs et institutionnels. Le statut actuel, fondé sur la Constitution et la loi organique de 2007, nous convient globalement, même si des ajustements pourront être pris.
Il faudrait notamment remédier aux blocages dans la mise en oeuvre des réformes constitutionnelles de 2003 et 2008. Les propositions de Micheline Jacques et Victorin Lurel sont une bonne base de travail pour l'avenir.
Les amendements identiques nos9 rectifié bis, 22, 25 et 28 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du Préambule de la Constitution est ainsi modifié :
1° Les mots : « territoires d'outre-mer » sont remplacés par les mots : « pays d'Outre-mer » ;
2° Les mots : « et conçues en vue de leur évolution démocratique » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « pour leur permettre de se gérer librement et démocratiquement, dans le cadre d'un statut particulier tenant compte de leurs intérêts propres et dont les éléments constitutifs essentiels ne peuvent être modifiés sans leur accord. Partie intégrante de la République, les pays d'Outre-mer ne peuvent cesser d'y appartenir sans le consentement de leur population ni révision de la présente Constitution. »
Mme Micheline Jacques. - Il s'agit d'un amendement de coordination avec la proposition de création de la catégorie de pays d'outre-mer.
Il convient de préciser que cette réforme n'implique en rien un risque de distanciation des liens de citoyenneté au sein du peuple français, mais d'affirmer que le statut des pays d'outre-mer, qui tient compte de leurs intérêts propres, ne peut être modifié sans leur accord.
M. le président. - Amendement identique n°24, présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.
M. Victorin Lurel. - En voilà une belle affaire ! Avec Brigitte Girardin, j'ai rappelé que l'alinéa 2 du Préambule de 1946, qui parle de l'Union française, devrait être actualisé. Il est vrai que le rejet de l'amendement précédent rend celui-ci moins évident, mais nous le soutenons car il est sensé et fondé.
M. le président. - Amendement identique n°26, présenté par M. Théophile.
M. Dominique Théophile. - Défendu.
L'amendement identique n°29 rectifié n'est pas défendu.
M. Mathieu Darnaud, co-rapporteur. - Demande de retrait ou avis défavorable. J'ai souvent été rapporteur sur des textes statutaires ultramarins. Sur la Polynésie, nous sommes allés plus loin que l'existant concernant les relations internationales. De mémoire, ces textes ont toujours été adoptés à l'unanimité du Sénat. Il n'y a donc pas de raison, monsieur Lurel, qu'il n'en soit pas de même pour une réforme qui suivrait une réflexion commune.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos10 rectifié bis, 24 et 26 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 74-1 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots: « collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie » sont remplacés par les mots : « territoires mentionnés à l'article 72-3 » ;
b) Les mots: « à l'organisation particulière de la collectivité concernée » sont supprimés ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il peut également, dans les mêmes matières, procéder à la codification et à l'actualisation des dispositions en vigueur, en vue d'assurer le respect du principe de la hiérarchie des normes et de renforcer leur intelligibilité. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les règlements des assemblées parlementaires déterminent les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des procédures simplifiées pour l'adoption des projets et propositions de loi ayant pour principal objet la modification des dispositions législatives applicables dans les collectivités mentionnées au premier alinéa, ou la ratification d'ordonnances ou de décrets y afférents. »
Mme Micheline Jacques. - Cet amendement modifie l'article 74-1 de la Constitution pour étendre aux territoires ultramarins la possibilité, pour le Gouvernement, de recourir aux ordonnances afin d'y étendre ou d'y adapter les dispositions législatives après avis des assemblées délibérantes.
Il accélère autant que possible l'actualisation du droit d'outre-mer. À cette fin, l'objet des ordonnances est expressément étendu à la codification et à l'actualisation des dispositions en vigueur, en vue d'assurer le respect du principe de la hiérarchie des normes et de renforcer leur intelligibilité.
Il est enfin proposé de constitutionnaliser la possibilité de recourir à des procédures d'examen simplifié pour l'adoption des projets et propositions de loi ayant pour principal objet la modification des dispositions législatives applicables outre-mer.
M. le président. - Amendement identique n°23, présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.
M. Victorin Lurel. - Je tiens à rassurer notre excellent rapporteur : je ne lui fais aucun procès en défaut d'affection pour les outre-mer ! Avec cet amendement, nous visons l'actualisation, la ratification, la codification, l'accélération, et un peu plus de sûreté.
M. le président. - Amendement identique n°27, présenté par M. Théophile.
M. Dominique Théophile. - Défendu.
L'amendement identique n°30 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Sous-amendement n°32 à l'amendement n°30 rectifié de M. Patient, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 30, alinéas 6 à 9
Supprimer ces alinéas
M. Mathieu Darnaud, co-rapporteur. - Ce sous-amendement supprime la possibilité pour le Gouvernement d'actualiser sans contrôle du législateur les dispositions en vigueur dans les collectivités ultramarines, qui aurait pour conséquence de dessaisir le législateur de larges pans du droit.
Il supprime également la disposition selon laquelle le règlement des assemblées parlementaires détermine les conditions de recours à des procédures simplifiées pour les textes sur les collectivités ultramarines. De telles procédures sont déjà possibles et doivent demeurer facultatives.
Avis favorable aux amendements identiques nos11 rectifié bis, 23 et 27 sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Les différences de traitement se justifient historiquement car les collectivités d'outre-mer sont régies par le principe de spécialité législative. Étendre ce principe aux départements et régions d'outre-mer serait un gage d'efficacité, mais nécessite évidemment leur accord. Une adoption sans concertation pourrait être perçue négativement, comme une décision verticale de l'État.
Le projet de révision porté par le Gouvernement prévoyait de simplifier fortement la procédure. Il faut encore y travailler. Avis défavorable.
M. Victorin Lurel. - Cela aurait plus de sens si tous nos amendements avaient été adoptés. Aujourd'hui, je suis satisfait de l'avis favorable du rapporteur sur nos amendements, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement.
Madame la ministre, nous pouvons bien sûr être habilités. J'ai moi-même passé 29 lois de régions - mais cela est très long et, s'agissant des décrets, dépend du bon vouloir de l'administration.
Le sous-amendement n°32 est adopté.
Les amendements identiques nos11 rectifié bis,23 et 27, sous-amendés, sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. Éric Kerrouche. - Verre à moitié plein ou à moitié vide... Ce texte comporte plusieurs avancées pour les collectivités territoriales, mais je regrette que le tunnel de 50 % n'ait pas été retenu et que la loi de financement des collectivités territoriales, soutenue par les dangereux anarchistes de l'Association des départements de France (ADF) et l'Association des maires de France (AMF), n'est pas été votée. Nous nous abstiendrons.
M. Philippe Bas. - Notre groupe se réjouit de ce débat et votera de grand coeur ce texte - ce dont je suis ému. Une nouvelle étape commence. Je souhaite que l'Assemblée nationale en débatte rapidement. Il ne peut y avoir de réforme ambitieuse pour les collectivités territoriales sans inscription de celle-ci dans la Constitution.
La proposition de loi constitutionnelle est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°4 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 264 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 48 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Discussion des articles de la proposition de loi organique
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Maurey, de Nicolaÿ, Delcros et Longeot, Mme Saint-Pé, M. Henno, Mmes Billon et de La Provôté, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly, Sollogoub et Doineau, M. Malhuret, Mme Pluchet, MM. Chaize, D. Laurent, Menonville, Perrin, Rietmann, Daubresse, Laugier, Janssens, Somon, Chasseing, Bouchet, B. Fournier, Houpert, Pellevat, Paccaud, Louault, Cuypers, Reichardt, Regnard, Kern, Bonne, Bacci, Chatillon, Canevet et Brisson, Mme Imbert, MM. Decool et A. Marc, Mmes Lassarade et L. Darcos, MM. Vogel, Wattebled et Moga, Mmes Canayer et Gruny, MM. Piednoir et Laménie et Mme F. Gerbaud.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les mots : « et environnementales » sont remplacés par les mots : « , environnementales et sur l'aménagement du territoire » ;
M. Hervé Maurey. - Cet amendement prévoit que les études d'impact des projets de loi portent également sur l'aménagement du territoire. Trop souvent, cette dimension n'a pas été prise en compte, conduisant aux fractures que nous connaissons, notamment avec les gilets jaunes. Nous l'avons proposé dès 2017 avec Louis-Jean de Nicolaÿ.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Avis favorable, cela va dans le sens des propositions de la commission en confortant les études d'impact.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement partage l'objectif d'évaluation des politiques publiques au regard de leurs conséquences sur l'environnement et l'aménagement du territoire. L'étude d'impact des projets de loi comprend déjà des développements sur ces thématiques. (M. Hervé Maurey le nie.)
Beaucoup de choses existent déjà mais pour vous faire plaisir : sagesse. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe UC)
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le même huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - l'évaluation qualitative de l'impact des dispositions envisagées au regard des nouveaux indicateurs de richesse créés par la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; »
M. Éric Kerrouche. - Cet amendement prévoit une évaluation plus qualitative des projets de loi en intégrant dans les études d'impact les nouveaux indicateurs de richesse, au-delà du sacro-saint PIB.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Retrait ou avis défavorable car votre proposition a été supprimée dans une proposition de loi organique de 2018, à l'initiative de son rapporteur... M. Sueur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les évaluations prévues aux huitième et neuvième alinéas sont également réalisées par des organismes publics indépendants. Ces évaluations sont incluses dans les documents rendant compte de l'étude d'impact. Un décret en Conseil d'État détermine la liste et les modalités de désignation des organismes concernés ainsi que les modalités de réalisation des évaluations.
M. Éric Kerrouche. - Cet amendement prévoit que l'étude d'impact puisse être réalisée par des organismes publics indépendants. Madame la rapporteure sera-t-elle encore inflexible ?
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Non et je m'en réjouis. Monsieur Kerrouche, vous avez corrigé votre amendement initial qui laissait place à des organismes privés : avis favorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable. Les études d'impact sont déjà examinées par différents organismes qui en apprécient la qualité et sont transmises au Conseil d'État. Que peut-on faire de plus, sinon alourdir la procédure ?
Mme Dominique Vérien. - L'idée est ici de faire réaliser les études d'impact par des organismes indépendants de l'administration qui a besoin de vendre son projet. Les ministères sont juges et parties. Je voterai donc cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je soutiens également cet amendement. En effet, ce sont les services du ministre qui réalisent ces travaux. Il est rare dès lors que l'impact du projet de loi soit jugé négatif...
M. Éric Kerrouche. - Je sais que le Gouvernement n'est pas enclin à soutenir la recherche et l'université, comme le montre le projet de loi de programmation, mais certains laboratoires pourraient donner leur avis sur les projets de loi.
L'amendement n°3 rectifié est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Cet amendement rétablit le caractère limité de la durée des expérimentations, inhérente au principe même d'expérimentation et nécessaire pour pouvoir décider ensuite d'une généralisation ou d'un abandon.
En outre, l'article LO. 1113-6 du CGCT permet déjà au législateur ou au pouvoir réglementaire qui autorise une expérimentation de la prolonger pour une durée pouvant aller jusqu'à trois ans, ce qui permet de porter la durée totale d'expérimentation à huit années.
Cet amendement répond à toutes les questions.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Nous ne modifions pas la durée fixée dans la Constitution, mais estimons que la durée de l'expérimentation doit correspondre aux besoins. En outre, l'évaluation doit se faire tout au long de l'expérimentation.
Nous proposons un temps maximal en fonction de la nature du sujet. Souvenez-vous de la tarification sociale de l'eau, dont nous n'avons reçu l'évaluation qu'en janvier 2020, après sa pérennisation en décembre 2019. Je suis navrée d'émettre un avis défavorable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission des lois.
Alinéa 20
Remplacer les mots :
ci-dessus
par les mots :
aux 1° à 3°
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Il s'agit d'un amendement de précision.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°9 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - En cohérence avec le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations, cet amendement supprime l'article 3 visant à renforcer le rapport annuel, qui retrace l'ensemble des propositions d'expérimentation et demandes formulées par les collectivités territoriales.
Dans un objectif de simplification, il n'apparaît pas utile que ce rapport intègre un bilan annuel de l'ensemble des expérimentations en cours, dès lors que le Gouvernement transmet au Parlement, pour chaque expérimentation, un rapport d'évaluation.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Je suis dans mon quart d'heure de contrariété... (Sourires)
Aucun rapport n'a été remis sur les expérimentations, donc vous nous proposez de supprimer l'exercice ! Il nous semble pourtant extrêmement important de disposer d'évaluations dans la perspective d'une nouvelle étape de la décentralisation. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement transmet déjà un rapport pour chaque expérimentation, alors que vous souhaitez un rapport annuel ; la différence est minime.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Nous voulons les deux !
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté, de même que l'article 4.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Victorin Lurel. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°10, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission des lois.
Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. - Défendu.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis favorable.
Les amendements identiques nos4 et 10 sont adoptés et l'article 5 est supprimé.
Explication de vote
Mme Dominique Vérien . - J'espère que ces deux propositions de loi prospéreront et serviront de bases aux travaux futurs. J'ai bien noté que la commission des lois se pencherait sur les questions ultramarines. C'est très positif.
Le groupe UC votera le texte.
La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°5 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 263 |
Pour l'adoption | 236 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Prochaine séance demain, mercredi 21 octobre 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 19 h 35.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication