Dette sociale et autonomie (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la dette sociale et à l'autonomie et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la dette sociale et à l'autonomie.

CMP (Nominations)

M. le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de ces projets de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement

Discussion générale

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Je sais combien votre assemblée est attentive au contrôle des finances sociales. Les sénateurs demandaient une nouvelle reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) depuis des années.

C'est une nécessité de court terme, au regard de la situation, mais aussi un outil pour regarder en face les grands défis de notre temps. Temps court, celui de l'urgence, et temps long, celui de l'ambition, sont donc les deux aspects de ces projets de loi.

Il y a quelques mois, le retour à l'équilibre était à portée de main. La crise sanitaire devenue crise économique rebat les cartes et nous assistons à une augmentation des déficits. C'est le prix d'une politique volontariste : aucun État n'a autant protégé ses citoyens dans la crise que la France.

Il est indispensable d'assurer le financement de la sécurité sociale, géré par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). La maturité des emprunts ne peut dépasser douze mois. Or 30 milliards d'euros de déficits passés se sont accumulés, et même en espérant un rebond économique, les déficits à venir sont inéluctables - d'où une très forte tension sur la trésorerie. Seul un transfert à la Cades autorise des placements à horizon long, plus sécurisants, et protège du risque de devoir décaler le paiement des prestations faute de financement.

Selon les principes de 1996, la dette sociale est gérée vertueusement et apurée au principal. Nous devons prolonger la durée de la Caisse de neuf ans, et repousser son extinction de 2024 à 2033.

Le Gouvernement tient à ce que cette reprise de dette inclut 13 milliards d'euros pour les hôpitaux car le déficit de l'assurance maladie et celui des hôpitaux sont liés. En supprimant cette reprise, votre commission prive les hôpitaux d'une bouffée d'air. (M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, le conteste.)

Ces textes posent par ailleurs la première pierre d'une réforme attendue. Comme en 1945, nous faisons le choix d'une nouvelle assurance sociale publique contre ce nouveau risque qu'est la perte d'autonomie. En 2040, 10,6 millions de Français auront plus de 75 ans, c'est deux fois plus qu'aujourd'hui.

Le Gouvernement s'est rangé à la volonté des députés de ne pas attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour créer la cinquième branche, afin de donner aux parlementaires toute la visibilité nécessaire d'ici là. Une mission rendra ses conclusions en septembre sur le financement comme la gouvernance.

Je salue les amendements qui clarifient les modalités de consultation pour élaborer ce rapport. L'ensemble des acteurs seront consultés. Il faut trouver un consensus pour dégager 1 milliard d'euros dès 2021 pour cette branche.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ces deux textes sont courts mais lourds d'enjeux. Monsieur le ministre, vous les avez présentés un peu rapidement à mon goût. Les chiffres de la dette sociale donnent le vertige : 136 milliards d'euros de dette transférés vers la Cades, le terme de l'amortissement repoussé au 31 décembre 2033. Nous voici revenus à la case départ, à la création de la Cades en 1996. On se fixait alors treize ans pour mener à bien l'amortissement...

L'image de Sisyphe revenu au pied de la montagne, que j'avais employée avant même la crise sanitaire, s'est vérifiée. Nous devons nous reposer les mêmes questions : est-il nécessaire, et possible, d'amortir la dette sociale ? Ne vaudrait-il pas mieux utiliser ces moyens à d'autres usages ?

La majorité de la commission a considéré que nous devions poursuivre l'objectif d'une extinction totale de la dette. Les dépenses de sécurité sociale ne sont pas une dépense d'investissement pour les Français de demain mais une protection immédiate. Chaque génération doit assumer le coût de sa propre protection sociale. L'enjeu n'est pas comptable : c'est une affaire de solidarité entre les générations.

Deux conditions doivent être remplies : que la dette transférée à la Cades soit légitime ; que l'on coupe au plus vite le robinet des déficits de la sécurité sociale.

La commission a approuvé le transfert des dettes passées des différents régimes de sécurité sociale et des dettes prévues sur les exercices 2020-2023. La part conjoncturelle des déficits constitue bien une dette sociale. Il est toutefois indispensable que toute perte de recettes de la sécurité sociale résultant de mesures de sauvegarde ou relance de l'économie soit compensée par l'État.

La commission n'a en revanche pas accepté le transfert à la Cades du tiers de la dette hospitalière, soit 13 milliards d'euros. En effet, les bâtiments hospitaliers ne font pas partie de la sécurité sociale, ils n'appartiennent pas à l'assurance maladie. La Cour des comptes, l'IGF et l'IGAS l'ont souligné. Cette dette est essentiellement due à des investissements immobiliers parfois surdimensionnés, mal maîtrisés, sous la tutelle de l'État. Le transfert à la Cades constituerait un précédent dangereux. Qui ne serait pas tenté demain de mettre n'importe quoi à la charge de la Cades, poursuivant indéfiniment son existence et parallèlement celle de la recette que constitue la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ?

L'État doit assumer lui-même la dépense des hôpitaux.

Pour couper le robinet des déficits, la commission a par ailleurs inscrit dans le projet de loi une règle d'or : le cumul des soldes consolidés des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devra être positif ou nul à compter du PLFSS pour 2025. C'est un cadre à la fois contraignant, qui impose des choix en matière sociale, et souple car les déficits ponctuels resteront permis, l'équilibre étant apprécié sur le moyen terme, et l'échéance pourra être étendue à dix ans en cas de circonstances exceptionnelles.

Sur la création d'un nouveau risque et d'une nouvelle branche Autonomie, la commission des affaires sociales n'a que peu amendé le texte de l'Assemblée nationale, que le ministre Véran a qualifié de « première pierre ».

Mais n'est-il pas étrange de demander un rapport fondateur au Gouvernement et d'en anticiper toutes les conclusions, notamment en termes d'organisation ? Quelle sera la place des différents acteurs, en particulier des départements ? Pouvez-vous nous éclairer sur les intentions du Gouvernement ?

La commission a veillé à ce que l'élaboration du rapport du Gouvernement associe toutes les parties prenantes, dont les collectivités territoriales et les aidants.

Soyons conscients que le plus dur reste à faire : nous avons besoin de nouveaux moyens financiers, comme le soulignait déjà le rapport Libault, et d'une nouvelle culture de la prise en charge du grand âge.

Il faut revoir la prise en charge de l'autonomie : l'Ehpad ne doit plus être l'alpha et surtout l'oméga, et le maintien à domicile doit être soutenu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants)

Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Ces deux textes ont été conçus pour répondre à l'urgence de la crise sanitaire qui grève les comptes sociaux. Ils illustrent cependant l'adage selon lequel vite et bien ne s'accordent guère.

Le transfert de dette de l'Acoss à la Cades participe d'un certain mélange des genres. Ainsi sur les 136 milliards d'euros transférés, 50 milliards d'euros relèvent de la pandémie, mais certaines dépenses ne relèvent pas de l'assurance maladie comme la fourniture de dispositifs médicaux pour les soignants ou la revalorisation des traitements. Le Gouvernement a une conception très large de la dette sociale ! La commission des finances avait déjà dénoncé, en PLFSS, le transfert du financement de Santé Publique France à la sécurité sociale.

Depuis sa création, la Cades s'est vue transférer quelque 260 milliards d'euros ; il en restait 90 milliards à amortir fin 2019. Le Gouvernement table désormais sur une extinction en 2033 - ce qui peut paraître optimiste. En effet, il faut envisager une dégradation du contexte économique qui réduirait ses ressources, ainsi qu'une dégradation de ses conditions d'emprunt sur les marchés.

La prolongation de la durée de vie de la Cades remet en cause l'engagement pris vis-à-vis des générations futures : on ne leur demande pas de rembourser des investissements à leur profit mais des dépenses courantes. Elle remet aussi en cause la baisse des prélèvements obligatoires attendue en 2024 avec la fin de la CRDS...

Si, comme le dit le ministre Véran, ce texte est la première pierre de la cinquième branche, nous sommes loin du mur. Rien sur les modalités de financement, sur les prestations... On envisagerait 2,3 milliards de recettes nouvelles pour des dépenses estimées entre 6 milliards d'euros et 9 milliards d'euros par an. L'affectation à une dépense nouvelle d'une ressource initialement dédiée à l'apurement d'une dette va dégrader le solde public au sens de Maastricht.

La commission des finances a émis un avis favorable que je qualifierai de timide, et espère surtout que cette nouvelle reprise de dette n'entraînera pas le gel de toute réforme du financement des comptes sociaux. En 2018, ce n'est que le retournement de conjoncture qui a laissé entrevoir un retour à l'équilibre...

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°8, présentée par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (n°557, 2019-2020).

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Depuis trente ans, les gouvernements et le patronat n'ont cessé de stigmatiser le trou de la sécurité sociale, mais d'où vient-il ? Cette dette sciemment entretenue est le résultat non d'une augmentation des dépenses mais d'une baisse des ressources de la sécurité sociale.

La prise en charge de l'activité partielle, les reports de charges et les exonérations de cotisations sociales ont été décidés par le Gouvernement en réaction à l'épidémie de Covid-19. Mais plutôt que de l'assumer, il a préféré transférer la facture à la sécurité sociale.

Non seulement cela contrevient à la répartition des missions régaliennes et de la sécurité sociale, mais c'est un mauvais calcul. En effet, la dette de l'État est financée à meilleur coût : selon l'économiste Michaël Zemmour, une prise en charge de la dette Covid par l'État coûterait un milliard d'euros par an et pourrait être gérée comme une dette exceptionnelle, appuyée par la politique monétaire de la Banque centrale européenne.

Or l'État préfère transférer 136 milliards d'euros à la Cades, dont 13 milliards d'euros correspondent à un tiers de la dette des hôpitaux. Les parois des deux budgets ne sont plus étanches. L'État fait payer à la sécurité sociale les décisions prises pendant la crise. Pourtant, la dette Covid concerne toute la Nation, et doit à ce titre être gérée par l'État. Le Haut conseil pour le financement de la protection sociale et la Fédération hospitalière de France suggèrent un traitement spécifique à très long terme.

Ce projet de loi organique remet en cause l'autonomie financière de la sécurité sociale en refusant de compenser les 30 milliards d'euros de pertes de recettes du fait des reports ou exonérations de cotisations sociales et les 15 à 20 milliards d'euros de moindres cotisations, pourtant décidées par le Gouvernement.

Enfin, 8 milliards d'euros de l'assurance maladie sont transférés, alors qu'il s'agit du budget de Santé publique France pour reconstituer les stocks stratégiques, verser les primes au personnel et étendre les indemnités journalières aux personnes devant garder leurs enfants.

La droite sénatoriale va plus loin dans cette logique comptable en inscrivant dans le projet de loi organique une règle d'or, la même qui justifie les politiques d'austérité européennes. Vous pensez supprimer les déficits en les interdisant - raisonnement simpliste, alors que la crise sanitaire a remis en cause bien des certitudes économiques. Vous inscrivez l'austérité dans le marbre alors que les personnels hospitaliers demandent un financement à la hauteur des besoins. C'est vous qui serez responsables, demain, des lits supprimés et des services fermés !

Enfin, ces textes n'ont pas été présentés aux instances de gouvernance de la sécurité sociale. Leur affaiblissement n'est pas nouveau, mais ici, elles ne sont pas même prises en considération.

Le Gouvernement remet en cause un mode de fonctionnement assis sur le paritarisme. La cinquième branche serait exclusivement financée par les assurés sociaux, et non par les employeurs. Or la cotisation sociale est la part socialisée du salaire mutualisé entre les salariés.

Le Gouvernement remet enfin en cause l'autonomie de financement de la sécurité sociale. La création de la CSG et les transferts de recettes fiscales qui n'ont cessé de progresser pour compenser les exonérations de cotisations patronales ont conduit à une étatisation forcée de la sécurité sociale. En 2020, 50,7 % seulement des recettes de la sécurité sociale étaient issues des cotisations. Le social est mis à contribution des orientations austéritaires du libéralisme européen.

La seconde partie de ce projet de loi concerne la perte d'autonomie. La majorité LaREM a décidé de créer une cinquième branche ex nihilo mettant la charrue avant les boeufs, contre les recommandations du rapport Libault de mars 2019, qui arguait que cela impliquerait l'effacement du département ! Nous sommes étonnés que la droite sénatoriale laisse passer cela.

Pour nous, la perte d'autonomie doit relever intégralement de l'assurance maladie. Nous proposons un service public de l'autonomie, financé par l'arrêt des exonérations de cotisations sociales et par une taxation des revenus financiers pour revaloriser les salaires de l'aide à domicile, exemplaire pendant la crise. Le Gouvernement renvoie aux départements le paiement des primes aux aidants à domicile, alors que les dotations ont baissé de 30 milliards d'euros en 2020.

Ce texte bafoue le principe d'autonomie organique et financière reconnu par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. Je ne reviendrai pas sur ce qui nous oppose. Vous parlez de non-compensation : il n'y en a aucune dans ce texte. Sur ce point, nous nous rejoignons.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aussi. Nous reviendrons sur certains points dans la discussion des articles.

M. René-Paul Savary.  - Le débat entre les systèmes bismarckien et beveridgien est intéressant : cotisations comme assurance ou salaire différé, ou système financé intégralement par l'impôt ?

L'État confond capital et intérêts : l'objection peut se comprendre. Faut-il faire amortir la dette par l'État ou la Cades ? Quoi qu'il en soit, il faudra la rembourser.

Sur les 136 milliards d'euros transférés à la Cades, 50 milliards d'euros sont imputables au Covid ; mais d'après Les Échos, il resterait encore 150 milliards d'euros à amortir. Qu'en est-il, monsieur le ministre, et quelles sont les intentions du Gouvernement face à cette situation catastrophique ? (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

M. le président.  - Je rappelle que les explications de vote doivent porter sur la motion.

Voici le résultat du scrutin n°127 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption   86
Contre 251

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (n°557, 2019-2020).

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Le choix politique du Gouvernement rendra déficitaire la sécurité sociale pour de nombreuses années, c'est irresponsable. Il fait mentir le chef de l'État qui promettait, dans son discours solennel du 14 juin, de ne pas augmenter les impôts : avec le transfert de 136 milliards d'euros, la Cades est maintenue neuf ans de plus, et avec elle, la CRDS - impôt particulièrement injuste car non progressif, qui sera prolongé après la fin de cette mandature. Plutôt que de rétablir l'impôt sur la fortune et de solliciter les plus aisés, vous frappez les plus modestes.

Ce faisant, vous grevez aussi les comptes sociaux, qui ne pourront plus jouer leur rôle d'amortisseur social. Ce choix politique s'inscrit dans la logique des dernières lois de financement qui ont conduit à réduire les droits des chômeurs et des plus précaires.

Vous avez rendu floue, presque illisible, la séparation entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. Or la sécurité sociale doit financer les dépenses sociales et non payer les choix politiques du Gouvernement.

On n'investit pas dans les hôpitaux avec une telle gestion ; il est beaucoup plus avantageux de faire gérer la dette par l'État.

Des dépenses qui ne relèvent pas de la sécurité sociale, comme l'aide à la garde d'enfants, sont transférées.

Sur une décennie, souligne Mickaël Zemmour, 100 milliards d'euros de ressources sociales issues de la CSG, de la CRDS et des cotisations, seront affectées au service de la dette et non aux dépenses sociales.

Vous faites le choix de grever à terme le budget de la sécurité sociale. Il était possible de faire autrement.

Pourquoi une telle décision ? L'expérience montre que la politique des caisses vides sert à justifier des réformes comme la baisse des droits pour les plus fragiles et les transferts au privé.

On parle souvent de notre taux de prélèvements obligatoires, sans rappeler qu'il s'agit de socialiser des dépenses qui, sinon, auraient lieu dans la sphère privée. Revenons à une logique plus humaine.

Sur le cinquième risque, nous ne sommes pas dupes : il s'agit de faire passer la pilule. Associations, familles, départements l'appellent de leurs voeux. Mais au-delà des effets d'annonce, il s'agit en réalité simplement de demander un rapport sur la possibilité de créer une nouvelle branche. Vous n'avez pas besoin du Parlement pour cela ! Le financement n'est même pas évoqué. Bref, un artifice de communication.

Monsieur le ministre, vous n'avez pas pris la peine de détailler ces projets de loi et passez les problèmes sous le tapis. Quand les Français se rendront compte que vous grevez le budget de la sécurité sociale en lui imputant des dettes qui ne relèvent pas d'elle, ils comprendront l'inanité de vos choix. (Applaudissements sur les travées des groupeSOCR et CRCE)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous souhaitons débattre des mesures contenues dans ces textes. Une grande partie de la dette transférée est de nature sociale, et son transfert est légitime. Nous reviendrons sur la dette hospitalière.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable également. En 2012, François Hollande avait promis de créer la cinquième branche ; nous le faisons.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Un simple rapport ! Sans financement !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Non, un amendement en ce sens a été voté à l'Assemblée nationale. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale puis un projet de loi dédié viendront d'ici la fin de l'année.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous partageons 90 % du contenu de cette motion, à l'exception de l'utilisation de la CSG pour rétablir l'équilibre. Nous la voterons donc.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°128 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption   86
Contre 251

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale commune (Suite)

M. Yves Daudigny .  - Je suis perplexe devant une séquence législative qui, à la faveur d'un amendement, nous amène à voter sur la création d'une cinquième branche - rien que cela ! L'occasion fait le larron, dit le ministre, mais sans financement pérenne, sans gouvernance bien établie, sans prestations bien définies, comment espérer transformer une secousse médiatique en événement historique ?

Je suis opposé au transfert de 136 milliards d'euros de dette à la Cades.

Ces décisions relèvent de choix politiques fondamentaux quant à la philosophie de la sécurité sociale. L'autonomie est un pilier de la sécurité sociale, consacrée par la loi Veil de1994. De plus, ces dernières années, par la suppression de cotisations et la non-compensation d'exonérations, vous avez accentué le flou entre les comptes de l'État et de la sécurité sociale - puis vous faites porter sur les assurés sociaux des milliards de dette qui ne doivent rien à leur comportement.

Relativisons l'argument du report sur nos enfants. De 1996 à 2019, la Cades a amorti 271 milliards d'euros. La dette publique dépasse 2 400 milliards d'euros ; elle était de 700 milliards d'euros en 1996. C'est bien l'État qui finance des charges courantes et rembourse ses emprunts par de nouveaux emprunts.

Comment ne pas voir une dramatisation des seules finances sociales ? Certes, il y a le Ségur et la cinquième branche. Mutualisez dette publique et dette Covid, c'est préconisé par les syndicats, le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCPS) et plusieurs économistes. Cela serait cohérent et préparerait l'avenir.

Face à une crise à nulle autre pareille, selon le FMI, l'État a toute légitimité à exercer son rôle d'assureur de dernier recours. Il emprunte moins cher et plus longtemps. En outre, une capacité de recettes de 10 milliards d'euros se libérerait ainsi pour construire un nouvel équilibre réel de la sécurité sociale.

A contrario, le dispositif que vous proposez recréera inévitablement de nouveaux déficits et de prolongements de la Cades alors que sa durée de vie était fixée à treize ans en 1996.

En refusant tout nouvel impôt, et alors que la crise a montré que notre système de protection sociale était précieux, vous conjuguez moindre efficacité, inégalités et perte de chances...

Le groupe socialiste et républicain ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Guillaume Arnell .  - Quel plaisir de vous retrouver, chers collègues, après trois mois d'absence.

L'ampleur inédite de la crise a fortement impacté nos finances sociales et notre système de sécurité sociale. Son déficit est dix fois plus important que prévu : 52,2 milliards d'euros contre 5,4 milliards d'euros. Le Gouvernement propose de transférer la dette à la Cades et créer une cinquième branche pour l'autonomie.

La contraction de la masse salariale du secteur privé, les reports de charges sociales et les dépenses pour l'épidémie expliquent ces sommes colossales, mais nécessaires. L'État doit les assumer. Or vous avez décidé de les transférer à la Cades. Cela pose question même si l'État doit apurer le déficit de la sécurité sociale.

En revanche, parmi les 136 milliards transférés, 13 milliards d'euros de dette des hôpitaux auraient dû être repris par l'État, selon l'engagement d'Agnès Buzyn en novembre. Je me félicite que le rapporteur ait supprimé la reprise de la dette des hôpitaux qui appartiennent à l'État et non à l'assurance maladie, comme l'a rappelé Alain Milon.

J'en viens à la création d'une cinquième branche. En 2060, les plus de 85 ans seront près de 5 millions contre 1,4 million aujourd'hui et en 2050, 2,2 millions de personnes seront en perte d'autonomie contre 1,2 million en 2015.

« Quand on a de l'espoir, la vieillesse même est belle », écrivait Anton Tchekhov. Il s'agit d'un formidable enjeu de société et les sénateurs du groupe RDSE plaident depuis de nombreuses années pour une grande réforme de la dépendance. Si nous nous réjouissons de cette annonce, pourquoi la créer par amendement ? C'est pour le moins incongru. La loi du 25 juillet 1994 avait créé les quatre branches. La cinquième branche aurait mérité un projet de loi à part entière ou d'être examinée dans le prochain PLFSS. Or son financement, ses bénéficiaires et sa gouvernance ne sont pas définis.

L'enveloppe de 2,4 milliards d'euros versée à la CNSA est insuffisante. Selon le rapport Libault, il faudra 6 milliards d'euros en 2024 et plus de 10 milliards d'euros en 2030. En outre, cette réforme risque d'arriver trop tard. Un amendement RDSE, pour dégager de nouvelles ressources dès 2021, a malheureusement été jugé irrecevable.

Le RDSE sera attentif à la mise en place d'une cinquième branche. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. Dominique Théophile .  - (M. Julien Bargeton applaudit.) Ces deux textes sont ambitieux et nécessaires, alors que la crise a jeté une lumière crue sur les limites de notre système de santé, faisant disparaître l'espoir de voir la dette sociale définitivement amortie d'ici quatre ans.

Créée en 1996 pour treize ans, la Cades a été prolongée au rythme des reprises de dettes -  la dernière en 2010, avec 130 milliards d'euros de dette supplémentaire du fait de la crise de 2008.

Le Covid-19 a provoqué à la fois un effondrement des recettes et une hausse des dépenses. Une reprise de la dette de l'Acoss par la Cades était inévitable.

Le projet de loi initial prévoyait la reprise de 136 milliards d'euros de dette : 31 milliards de déficit cumulé, 92 milliards de déficit prévisionnel jusqu'à 2023 et 13 milliards d'euros de reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux.

L'article premier du projet de loi organique prolonge jusqu'à 2033 la durée de vie de la Cades et la mobilisation de la CRDS, d'une fraction de la CSG et d'une partie des réserves du fonds de réserve des retraites (FRR).

La commission des affaires sociales est revenue sur les sommes transférées car il n'est pas cohérent qu'une partie de la dette des hôpitaux soit considérée comme de la dette sociale. Pendant des années, les établissements de santé ont été incités à emprunter pour financer leurs besoins. Le transfert de dette leur donnerait plus de visibilité et des marges de manoeuvre.

Le groupe LaREM a déposé un amendement pour réintroduire une fraction de la dette des hôpitaux dans le transfert à la Cades.

La réforme de l'autonomie est très attendue. Dès 2024, une fraction de la CSG sera réorientée vers la CNSA majorant son financement de 2,3 milliards d'euros. En 2040, 10,5 millions de personnes auront plus de 75 ans, soit deux fois plus qu'aujourd'hui.

Nous voici désormais à l'aube d'une réforme d'envergure. Dans le courant de l'année prochaine, nous espérons un projet de loi consacré au grand âge et à l'autonomie.

Nous nous félicitons du vote de notre amendement intégrant les associations de personnes handicapées au sein des concertations que mènera la mission de M. Laurent Vachey. Cette réforme ne doit en effet pas omettre la question du handicap et elle est scrutée avec attention en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, où la part des plus de 65 ans a été multipliée par 1,5 entre 1999 et 2014. Dans les Antilles, ils représenteraient près de 30 % de la population en 2030.

Parce qu'il s'agit d'une avancée sociale majeure, le groupe LaREM votera ces projets de loi, sous réserve de l'adoption de notre amendement de reprise de la dette des hôpitaux. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme Laurence Cohen .  - Après les différents projets de loi sur l'état d'urgence sanitaire et leurs flots d'ordonnances, ces deux projets de loi vont plomber pour des années notre système de protection sociale. Vous le rechargez de 136 milliards d'euros, ce qui est totalement injuste.

Comment justifier le transfert de la dette du Covid à la Cades, et non à l'État ? CSG et CRDS ne sont pas des impôts progressifs. Le Gouvernement se défausse en confiant à un organisme social ce gouffre financier. Or une grande partie des 136 milliards d'euros est due au confinement généralisé, ce qui ne relève pas de la Cades. Cette décision a été prise en raison de l'incapacité des hôpitaux à accueillir un afflux de patients du fait des politiques suivies par votre Gouvernement et ceux qui l'ont précédé, avec 10 milliards d'euros de coupes budgétaires en sept ans, des milliers de lits et d'emplois en moins. Or 13 milliards d'euros de ces 136 milliards d'euros relèvent de la dette des hôpitaux. Or les dépenses d'investissements des hôpitaux relèvent de l'État et non de la sécurité sociale. Certes, la commission des affaires sociales a supprimé ce dispositif.

Mais c'est un tour de passe-passe du Gouvernement : en novembre 2019, après neuf mois de grève, la ministre de la Santé s'était engagée à ce que l'État reprenne un tiers de la dette. Ce n'est pas aux citoyens de payer la dette hospitalière ! De plus, les conditions dans lesquelles la Cades peut emprunter sont bien moins favorables que celle de l'État. Il s'agit donc d'un choix économique aberrant, sauf à justifier de restrictions budgétaires à venir.

Alors qu'il faut consolider notre protection sociale, vous lui imposez une fois encore une charge indue et mortifère.

Pourquoi créer une cinquième branche ? La sécurité sociale, créée après la guerre par Ambroise Croizat et Pierre Laroque, est un système de protection sociale couvrant toute une vie. La perte d'autonomie est liée à l'état de santé, et donc relève de l'assurance maladie. Nous souhaitons d'ailleurs la prise en charge à 100 % de toutes les dépenses des assurés sociaux.

Nous nous opposons à la privatisation de la sécurité sociale, comme à la non-compensation par l'État des exonérations de cotisations sociales. Vous avez voté 66 milliards d'euros d'allègements l'an dernier, soit la moitié de la dette sociale.

Nous ne sommes pas pour le statu quo, mais proposons un grand service public national de la perte d'autonomie et d'accompagnement, incluant les services médico-sociaux. Tous ces salariés, majoritairement des femmes, ont fait tourner le pays alors qu'ils étaient en première ligne durant le confinement. Comment les prendre en compte ?

Le rapport Libault estime à 10 milliards d'euros les ressources supplémentaires nécessaires en 2030 pour prendre en compte le grand âge. La sécurité sociale a besoin de recettes nouvelles. Inspirez-vous des mesures de notre proposition de loi portant des mesures urgentes pour le système de santé, élaboré avec des professionnels, des syndicalistes, des usagers et des membres de directions lors de notre tour de France des hôpitaux et des Ehpad.

Entendez ceux qui sauvent des vies, s'occupent de nos aînés, qui ne veulent ni médaille ni chèques-vacances, mais du respect pour eux et leurs patients.

Déjà, le système assurantiel se met sur les rangs de ce marché juteux. Le groupe CRCE ne votera pas ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Daniel Chasseing .  - Ces projets de loi proposent une solution de moyen terme au besoin de financement urgent de la sécurité sociale. Il convient de sécuriser l'Acoss en transférant 136 milliards d'euros à la Cades. La commission des affaires sociales a soustrait 13 milliards d'euros, soit le tiers de la dette hospitalière, car cela relève des investissements immobiliers de l'État.

Le projet de loi crée aussi une cinquième branche, pour s'adapter au vieillissement de la population et traiter de l'autonomie. Dès 2024, une fraction de la CSG de 2,3 milliards d'euros sera donnée à la CNSA, mais la caisse devra être abondée dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

La dépendance relève du principe d'égalité territoriale financé par la solidarité. Je me réjouis donc de la création de cette cinquième branche, soit le financement de la totalité des aides-soignantes prises en charge jusqu'à présent à 30 % par le conseil départemental.

Il conviendrait de fusionner les sections tarifaires de la dépendance et des soins au niveau des Ehpad. II ne restera ainsi que deux sections : l'une, versée par la sécurité sociale comprenant le budget soins et le budget dépendance, l'autre, consacrée à l'hébergement, déjà contrôlée par le conseil départemental.

Le conseil départemental devrait être le responsable de gestion unique du placement en Ehpad. L'Agence régionale de santé (ARS) devrait contrôler les acteurs médicaux-sociaux.

Le département devrait gérer les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), avec une déclinaison par canton qui garantirait l'équité.

Par ailleurs, il convient de veiller à l'amélioration des conditions de travail en établissement, en valorisant les professions d'infirmier et d'aide-soignant. Cela passera nécessairement par la revalorisation des salaires et par un grand plan de formation et une validation des acquis de l'expérience.

Il est nécessaire d'augmenter le nombre d'emplois en Ehpad pour atteindre un taux d'encadrement de 0,7 à 0,8 pensionnaire alors que nous sommes actuellement à 0,6. L'augmentation de personnel devra être progressive, dès 2021 pour atteindre 6 milliards d'euros en 2024. Cette augmentation aurait dû être faite il y a longtemps. En 2006, Philippe Bas, ministre de la santé de Jacques Chirac, préconisait un taux d'encadrement d'un employé par pensionnaire dès 2012.

La crise a mis en évidence la précarité du secteur de maintien à domicile. Assurons la pérennité de ce personnel.

Le groupe Les Indépendants votera ces projets de loi.

M. Olivier Henno .  - Bravo à nos rapporteurs, en particulier à M. Vanlerenberghe, toujours à la recherche d'une forme de sagesse et d'équilibre. Jocelyne Guidez parlera de l'autonomie.

Le financement de la dette sociale est une question majeure pour notre pays. Nous peinons à sortir de la nasse, alors que 136 milliards supplémentaires seront portés à la charge de la Cades. À sa création en 1996, la Cades devait amortir jusqu'à 2009 la dette de la sécurité sociale à l'aide du prélèvement temporaire de la CRDS.

Nous avons cru lors de la loi de financement pour 2020 que nous touchions au port, mais, comme Sisyphe, ces efforts ont été réduits à néant.

Notre système est devenu trop complexe et il enchevêtre trop d'acteurs dont les rôles initiaux ne sont pas ceux d'aujourd'hui : États, CNSA, conseils départementaux...

Notre groupe partage le refus du transfert d'une dette immobilière hospitalière et la mise en oeuvre d'une règle d'or : la Cades n'a pas été conçue pour amortir la dette immobilière de l'État, lequel peut contracter des emprunts jusqu'à trente ans ; les textes actuels prévoient que la sécurité sociale peut recourir à de l'emprunt pour régler des problèmes de trésorerie et non pour couvrir des besoins de financement, mais cela n'est pas respecté.

La règle d'or devra être respectée afin de ne pas faire peser sur les générations futures le poids de dépenses de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, applaudit également.)

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires sociales met en garde depuis longtemps sur le risque de maintenir à l'Acoss un stock de dette et sur le transfert des exonérations de cotisations et de charges que l'État fait supporter aux caisses de la sécurité sociale.

Le 26 juin 2019, Gérald Darmanin nous annonçait ainsi que l'État pourrait bien ne pas rembourser les 2,5 milliards d'euros consentis aux gilets jaunes.

Le 15 octobre 2019, Agnès Buzyn et Olivier Dussopt avaient prétendu que, grâce à la croissance des années à venir, les 40 milliards d'euros de stock de l'Acoss seraient absorbés rapidement et qu'on pourrait financer l'autonomie grâce à la CRDS.

Outre les 31 milliards d'euros d'errements antérieurs, si l'on nous avait écoutés, c'est 100 milliards d'euros, et non 136 qu'on devrait transférer.

Certes, il n'y a pas d'autre solution, mais il faudra éviter de tels transferts à l'avenir - c'est le sens de la règle d'or proposée par le rapporteur général.

Le Gouvernement a choisi de faire de la Cades une auberge espagnole. J'ai lu dans un journal économique que le Gouvernement envisagerait de transférer 150 milliards d'euros en repoussant le délai. L'auberge devient une grande surface ! Ce serait inconcevable.

Au détour d'un texte dont ce n'est pas l'objet, on introduit une cinquième branche autonomie qui bénéficierait de 0,15 point de transfert de CSG en 2024 alors qu'il faudrait 10 milliards d'euros. Le ministre de la Santé évoque un milliard d'euros en plus au PLFSS... C'est une aumône.

Oui, un cinquième risque est nécessaire, mais pas de le créer ainsi au détour d'un texte !

Mon amendement prévoyant d'anticiper dès le 1er janvier 2021 le transfert de 0,15 point de CSG a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution - alors qu'un amendement identique a été accepté à l'Assemblée nationale... Passons.

Il faut aller au bout de la réflexion pour voir si les autres branches - maladie, famille, vieillesse - ne pourraient pas couvrir ce cinquième risque, car c'est leur vocation première.

Laissons-nous le temps de la réflexion. À la commission des affaires sociales, Bernard Bonne et Michelle Meunier ont fait des propositions.

La CNSA est-elle le bon outil ? Je n'en sais rien, mais là encore, il faut y réfléchir. Ce n'est pas aujourd'hui que l'on peut décider.

Si mon amendement est adopté, cela prouvera que le Sénat, lui, n'est pas dans la posture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jocelyne Guidez .  - Il n'y a pas de cohésion nationale sans fraternité, ni de fraternité sans solidarité. Notre héritage républicain, fidèle à la pensée de Victor Hugo, nous exhorte à considérer que rien n'est solitaire, mais que tout est solidaire. Le lien intergénérationnel est le pivot de notre modèle social.

À l'aune du vieillissement de la population, notre réponse doit être ambitieuse, favorisant l'espérance de vie en bonne santé. Les proches aidants sont au coeur de notre réponse - ne les oublions pas.

Mais les auxiliaires de vie sont aussi indispensables. Il faudra revaloriser leur carrière.

Sur tous ces sujets, il faut espérer que le prochain rapport intègre ces dimensions sociales importantes et qu'elles aient une rapide traduction législative et règlementaire.

Il est prévu que la CNSA soit à la tête d'une cinquième branche - dont les prestations sont actuellement payées en grande partie par les départements. Le texte ne prévoit d'ailleurs aucun financement. La question de l'opportunité de ces deux textes se pose, alors que les bénéficiaires ne tireront aucun bénéfice de cette création.

Créer une branche indépendante de l'évolution de l'Ondam est positif, mais encore faut-il prévoir un financement à la hauteur des enjeux, sachant que le rapport Libault prévoyait un besoin de 10 milliards d'euros.

En outre, pourquoi attendre trois ans pour le transfert ?

La prochaine loi de financement de la sécurité sociale ouvrira-t-elle des perspectives ? Le projet de loi Grand âge et autonomie, sans financement, ne sera pas à la hauteur des attentes.

Le groupe UC espère plus de clarté, mais votera ces textes.

La présidente de la CNSA le disait : la politique de l'autonomie ne peut pas être une politique en soldes. (M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, applaudit.)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut saluer l'ambition de cette loi, rien de moins qu'une cinquième branche ! Mais ses promesses seront-elles tenues ? La méthode proposée n'est pas rassurante. Un rapport à la rentrée sur la faisabilité du cinquième risque, une nouvelle annexe au PLFSS, et un financement dans quatre ans dans les comptes négatifs de la Cades : voilà ce que le Gouvernement prévoyait.

La loi de financement de la sécurité sociale ne porte que sur une vingtaine de milliards d'euros de crédits consacrés à l'autonomie alors que le montant global des aides sociales se monte à près de 66 milliards d'euros. Oui, nous avons besoin d'une vision plus large. À l'Assemblée nationale, les députés ont créé inopinément une cinquième branche, confiée à la CNSA, alors que le rapport prévu ne sera publié qu'à l'automne ! Il sera nécessairement incomplet, notamment sur le financement et les indispensables concertations n'auront pas lieu. Comment faire si vite ? Mais admettons qu'on encadre le tableau avant de le peindre. À quoi ressemblera-t-il ?

La nouvelle branche intitulée « Autonomie » a donc vocation à regrouper les prestations et services destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées. D'après APF France handicap, 35 millions de personnes pourraient à terme être concernées : 12 millions de personnes en situation de handicap, 15 millions de personnes âgées et 8 millions de proches aidants. C'est un défi considérable qu'il nous faut collectivement relever.

Sur la prise en charge du grand âge, tout a été dit. Hélas, la Covid ne fait que rendre encore plus profond le silence qui a répondu aux rapports Libault, El Khomri ou Bonne et Meunier. Les chantiers sont nombreux : il faudra augmenter le taux d'encadrement des personnes accueillies en établissement, hisser les professionnels du secteur au niveau du Smic, investir massivement, améliorer la coordination des acteurs, construire une politique de prévention plus efficace.

Le monde du handicap s'interroge également sur les opportunités qu'ouvrirait une telle innovation. Au premier abord, harmoniser les dispositifs d'aide à l'autonomie permettrait d'exaucer le voeu du législateur en 2005 qui prévoyait la suppression de toutes les barrières d'âge dans un délai de cinq ans. Plus de quinze années sont passées depuis, et il reste impossible de demander une prestation de compensation du handicap si le handicap est apparu après 60 ans.

Les marges de progression sont nombreuses et notre commission a fait des propositions.

En décloisonnant les dispositifs pour personnes âgées et personnes handicapées, on rendrait plus universel le soutien de la Nation aux plus vulnérables. Mais il nous faut des garanties, monsieur le ministre.

Le rôle des départements devra aussi être pris en compte. Le texte de la commission précise que le rapport attendu pour septembre devra être précédé d'une consultation de tous les acteurs du médico-social. Les besoins sont sept fois plus importants que les ressources annoncées.

Nous serons vigilants sur l'issue de ces travaux et le Sénat est prêt à être un acteur bienveillant de cette réforme, dès lors que nous aurons les garanties d'avoir les moyens pour la porter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Oui, il y a un besoin social de couverture du risque de perte d'autonomie due à l'âge.

Cette période de la vie peut être source d'inquiétude, pour les plus vieux comme pour leurs proches, et leurs familles. Les premiers signes en frappent la population de manière inégale et la prise en charge financière est complexe. Les grilles GIR ne sont qu'un instrument administratif. Le reste à charge est varié, selon le degré de dépendance, du lieu de prise en charge et des ressources personnelles. Selon Cynthia Fleury, la dépendance de nos aînés déteint sur les aidants qui s'usent prématurément par porosité.

La reconnaissance d'une cinquième branche, et du risque autonomie doit permettre une meilleure couverture des frais nécessaires. Il faut sanctuariser les moyens.

La création du risque autonomie est l'occasion de lisser les différences de droits selon les cases que l'on coche. Ne plus pouvoir couper sa viande, s'habiller seul, cela vient quand on vieillit mais aussi parfois lorsqu'on est en situation de handicap, même si ces risques sont insuffisamment couverts.

Le secteur associatif devra participer aux futurs travaux sur cette cinquième branche.

L'adaptation de la société au vieillissement n'est pas un enjeu nouveau et n'a pas été laissée de côté par les précédents gouvernements : c'était d'ailleurs l'intitulé de la loi que nous avons portée qui a permis de changer de regard sur cette tranche d'âge, a impulsé une dynamique de prévention et de lutte contre l'isolement. La loi a également relevé les plafonds de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile pour près de 700 000 bénéficiaires.

Les socialistes sont favorables à la création d'une cinquième branche. Mais il faudra une gouvernance paritaire et un financement suffisant. L'abondement de 0,15 point de CSG ne suffira pas. Nous sommes dans le flou face à cette improvisation soudaine.

Vous profitez d'un transfert de dette sociale inacceptable pour commencer à bâtir une cathédrale dont vous ne prévoyez que le rez-de-chaussée. Nous ne sommes pas dupes. Si la maîtrise d'ouvrage vous revient, monsieur le ministre, la maîtrise d'oeuvre devra compter sur notre vigilance. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Ces sujets ont déjà été évoqués par Olivier Véran en audition.

Le Gouvernement a déposé des amendements revenant sur la reprise de la dette des hôpitaux et sur la règle d'équilibre qui, quoique vertueuse, est prématurée.

Il y a un écart extrêmement faible, de 10 points de base, entre les taux servis par l'État et la Cades. Si l'État empruntait à plus long terme, cela coûterait plus cher à la collectivité. Un article de presse a semé l'émoi parmi vous, ce que je comprends.

Regardez les sources de cette information. Le sujet n'est ni arbitré, ni même en discussion au sein du Gouvernement.

Sur l'autonomie, je vous confirme que nous voulons procéder en plusieurs temps et que nous l'assumons.

Dans un deuxième temps, nous profitons de la loi organique pour créer la branche, introduite à l'Assemblée nationale par un amendement du rapporteur Thomas Mesnier. Le Gouvernement se range à ce choix.

Sans la création de cette cinquième branche, le PLFSS ne pourra pas prévoir les financements nécessaires : tel est le risque et tel est le choix qui se trouve devant nous.

Le PLFSS devra tirer toutes les conséquences de la concertation, qui a déjà commencé, sous la responsabilité de M. Laurent Vachey, sur deux sujets : le financement et la gouvernance.

La place des collectivités territoriales sera entière, monsieur le rapporteur général, dans cette concertation. C'est déjà le cas.

Il ne s'agit pas de faire les choses à la sauvette, Monsieur Cardoux, mais bien étape par étape. Je tiens à remercier les sénateurs Théophile et Mouiller pour les précisions qu'ils ont apportées en commission.

Le Gouvernement déposera des mesures de fond sur la réforme du grand âge. Un projet de loi sera déposé à l'automne en conseil des ministres. La question des métiers, de leur attractivité et de la transformation de l'offre, sera posée à ce moment-là.

Toutes les énergies seront effectivement nécessaires, madame Meunier, pour bâtir cette cinquième branche tous ensemble.

La discussion générale est close.

La séance est suspendue quelques instants.

Discussion des articles du projet de loi organique

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Meunier.  - Le groupe socialiste et républicain s'oppose au principe de prise en charge des mesures d'urgence par les comptes de la Sécurité sociale et de l'Unedic qui doivent être assumées par le budget de l'État. Cet amendement supprime le transfert de nouvelles dettes à la Cades, sans affectation de nouvelles ressources.

Une telle décision hypothéquerait l'avenir de nos assurances sociales en leur faisant supporter inutilement et injustement la dette Covid, dont elles ne sont pourtant pas responsables et alors que cette dette pourrait être plus habilement gérée par l'État.

M. le président.  - Amendement identique n°3, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Michelle Gréaume.  - La crise sanitaire a montré à quel point notre système de protection sociale est précieux, que ce soit pour l'accès universel aux soins ou pour les garanties de prestations sociales. Ce sont des atouts à renforcer et à élargir.

La crise a aussi révélé des fragilités, qui sont le fruit d'un sous-financement organisé du système de soins, surtout des hôpitaux et des Ehpad.

L'article premier du projet de loi organique reporte la fin du remboursement de la dette sociale au 31 décembre 2033, en transférant 136 milliards d'euros, ce qui revient à ajouter le fardeau de la crise à la sécurité sociale.

En son temps, après la crise de 2008, un gouvernement de droite avait fait la même chose en transférant 130 milliards de dette à la Cades, sous couvert d'impératif budgétaire pour préserver les finances sociales... On maintient ainsi sous pression pour de longues années les dépenses de santé, alors que 17 milliards de CRDS et de CSG auraient pu servir à financer des politiques sociales.

C'est d'autant plus injuste que la dette sera remboursée par les salariés et les chômeurs alors que les entreprises, exemptées d'un tel effort collectif, ont profité des mesures gouvernementales, activité partielle et garanties de l'État.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. Le report de la date limite d'amortissement de la dette est nécessaire pour permettre de nouveaux transferts sans alourdir excessivement les prélèvements obligatoires.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis. J'ai quelques remords à développer davantage...

Mme Laurence Cohen.  - Allez-y !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Soit. Depuis 1996, la dette sociale est distincte du reste de la dette publique et tout est mis en oeuvre pour assurer son remboursement dans un temps limité par l'affectation de recettes spécifiques. C'est un pilier du fonctionnement de notre système de sécurité sociale, puisqu'il assure la pérennité de son financement.

En 2011, c'est dans cette logique qu'un transfert de 130 milliards d'euros à la Cades a été décidé. Cette dette n'avait pas été transférée à l'État, comme vous l'avez rappelé, mais je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous, madame la sénatrice.

La situation actuelle est exceptionnelle. Le déficit sans précédent de la sécurité sociale en 2020 sera dû à une contraction de l'assiette de ses recettes. La sécurité sociale n'est évidemment pas responsable de la crise de la Covid, pas plus qu'elle ne l'était de la crise de 2008. C'est pourquoi, au lieu de contracter des emprunts de court terme, d'augmenter les impôts ou de réaliser des économies immédiates, nous faisons le choix de transférer la dette à la Cades, dans des conditions de financement proches de celles de l'État. Nous ne pouvons pas changer les règles du jeu alors que nous ne sommes pas encore sortis de la crise et que l'instabilité économique est réelle.

Enfin, le financement de la dépendance est aussi un choix responsable pour l'avenir.

M. Yves Daudigny.  - Nous sommes face à un dogme selon lequel les déficits sociaux sont transférés à une caisse qui l'amortit avec des recettes sociales.

Dans ces circonstances exceptionnelles, ne doit-on pas s'interroger, comme vous le faites vous-même, monsieur le rapporteur général, dans votre rapport, page 68, en, constatant que les 37 ans d'existence de la Cades constituent déjà un véritable échec ?

Dans quelques années, d'autres événements recréeront des déficits qui prolongeront à nouveau la vie de la Cades.

Notre proposition est soutenue par des économistes et par des organisations syndicales tout à fait sérieuses. Traitons cette situation exceptionnelle de façon à équilibrer une bonne fois pour toutes les comptes de la sécurité sociale, afin qu'elle soit en mesure de faire face aux nouveaux défis, dont les nouvelles thérapies et la cinquième branche.

Les amendements identiques nos1 et 3 ne sont pas adoptés.

L'article premier est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Soumettre la sécurité sociale aux mêmes règles que les autres financements est un vieux fantasme, libéral, qui prend corps avec cet article premier bis introduit par la droite sénatoriale.

Vous voulez interdire tout transfert de dette à la Cades, sous couvert de bonne gestion.

On ferme l'arrivée d'eau, en fixant l'Ondam en dessous du niveau des dépenses, en plus on met le couvercle sur la sécurité sociale, pour qu'il y ait toujours la même quantité dans le pot commun. Mais l'arrivée d'eau est percée, puisque 90 milliards d'euros d'exonérations et d'allégements de cotisations s'écoulent en 2020, selon la Cour des comptes. Comment dans ces conditions la sécurité sociale pourrait-elle continuer à fonctionner normalement ?

Les parlementaires votant cet article seront responsables des fermetures de lits d'hôpital dans leur territoire.

À rebours des leçons à tirer de la pandémie qui peut revenir à tout moment, vous allez de plus en plus loin dans la logique comptable, que nous rejetons.

M. le président.  - Amendement identique n°9, présenté par le Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même amendement, pour des motifs différents ! Nous ne rejetons pas le principe de cette règle d'équilibre vertueuse mais elle est prématurée alors que l'après-crise reste très incertain.

De plus, vous prévoyez un système d'assouplissement en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui serait quelque peu étrange, s'il fallait dès à présent l'activer.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable.

Monsieur le ministre, vous-même vous aviez introduit un mécanisme analogue dans le projet de loi sur les retraites. C'est vertueux, en effet, cela protège les générations futures. La loi de financement de la sécurité sociale n'est pas contraignante. Notre dispositif lisse sur cinq ans les déficits.

En 2025, on peut espérer être sorti de la crise de financement de la sécurité sociale. Nous sommes à la bonne date pour mettre en place cette règle.

Ce combat est porté depuis longtemps par la commission et le Sénat.

M. Yves Daudigny.  - Nous n'approuvons pas la mise en place de la règle d'or ; la sécurité sociale doit être équilibrée après estimation de ses dépenses indispensables auxquelles seront affectées des recettes pérennes. Sinon nous serons à la merci d'événements exceptionnels et de déficits nouveaux.

La règle d'or n'est pas efficace.

M. René-Paul Savary.  - Je m'étonne que le Gouvernement ne soutienne pas notre initiative. La règle a été proposée pour l'équilibre du système de retraites, soit 300 milliards d'euros.

Certaines années, il peut y avoir des déficits et d'autres années, des gains. Ils restent tous affectés à la branche, sur des années glissantes.

Hors crise, nous ne sommes pas fichus d'équilibrer nos comptes sociaux !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - C'est vrai !

M. René-Paul Savary.  - À force de jouer les cigales plutôt que les fourmis, nous sommes contraints d'être plus vertueux. C'est pourquoi nous voterons contre ces amendements. (Murmures de protestation sur les travées du groupe CRCE)

M. Fabien Gay.  - Au moment de la sortie de crise, quand le Président Macron déclare que les questions de santé doivent être traitées « quoi qu'il en coûte », la droite sénatoriale propose une règle d'or, inspirée du mécanisme européen de stabilité que la crise a fait exploser. Or nous parlons de vies humaines !

Vous ne posez jamais la question des recettes... Or nous pourrions débattre pendant plusieurs jours du déficit de la sécurité sociale en considérant les 66 milliards d'euros d'exonérations de cotisations. Le système a commencé sous le gouvernement de droite d'Édouard Balladur et se poursuit.

Il faut poser la question des recettes et des besoins nouveaux. Le mécanisme ne fonctionnera que sur le dos des peuples, comme le mécanisme européen de stabilité a entraîné des politiques d'austérité, avec des fermetures de lits, des déremboursements, etc...

Nous avons des débats de comptables et non plus des débats politiques. M. Savary a cité la réforme des retraites. Heureusement qu'il y a eu des millions de personnes dans la rue sinon, avec le système à points, les pensions auraient baissé de 11 points !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Au risque de tenir un discours de comptable, je précise que le parallèle avec les retraites ne me semble pas pertinent. Le champ, ici, est bien plus large ; mais, surtout, le mécanisme sur les retraites a été introduit avant la crise...or nous n'en sommes pas totalement sortis, sachant que ses conséquences vont durer plusieurs mois, voire plusieurs années !

Une règle pour être crédible, surtout en matière financière, doit être stable, viable, fiable. Remise en cause dès son vote, elle perdrait toutes ses vertus.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - On pourrait dire cela tout le temps !

M. Olivier Henno.  - Le groupe UC votera cet article. La règle d'or ne préempte aucunement le niveau de protection sociale ! Elle consiste simplement à faire correspondre les recettes aux dépenses, en renonçant à la facilité du transfert de nos dépenses aux générations à venir.

Ce n'est ni renoncer à des recettes ni acter un faible niveau de protection sociale. L'argumentation du groupe CRCE n'a aucun sens.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Monsieur Daudigny, la commission des affaires sociales s'est rendue en Allemagne, où une règle d'équilibre par caisse, c'est-à-dire par Land, est en vigueur. Et cela fonctionne, à l'évidence. Avec la crise, l'État compensera les déficits : c'est prévu dans leur règle d'or. Sans la copier, car notre décentralisation n'est pas celle de l'Allemagne, nous pouvons nous en inspirer dans notre cadre national.

À la demande du groupe CRCE, les amendements identiques nos4 et 9 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°129 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 109
Contre 228

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 4

Rétablir le b dans la rédaction suivante :

b) Le 5° du B du V est ainsi rédigé :

« 5° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, l'amortissement et les conditions de financement de cette dernière, ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et à l'utilisation de ces réserves, à la condition que ces dernières opérations aient une incidence sur les recettes de l'année ou, si elles ont également une incidence sur les recettes des années ultérieures, que ces opérations présentent un caractère permanent. » ;

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement modifie le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale en matière d'information du Parlement. Nous soutenons la reprise d'une partie de la dette des hôpitaux par la Cades ; si la majorité sénatoriale veut circonscrire la dette hospitalière à sa dimension patrimoniale, cette dette n'est pas seulement patrimoniale. Les hôpitaux ont été encouragés pendant des années à financer leurs dépenses par des emprunts bancaires. Et cette situation est la conséquence d'un Ondam contraint.

La reprise de leur dette leur donne des marges de manoeuvre pour financer des investissements au bénéfice de la santé de nos concitoyens. D'où cet amendement qui rétablit une disposition supprimée par la commission.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Rétablir le b dans la rédaction suivante :

b) Le 5° du B du V est ainsi rédigé :

« 5° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, l'amortissement et les conditions de financement de cette dernière, ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et à l'utilisation de ces réserves, à la condition que ces dernières opérations aient une incidence sur les recettes de l'année. » ;

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Défendu.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - L'élargissement du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à la reprise de la dette hospitalière avait justement pour objet de permettre le transfert. Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Le Gouvernement fait payer aux hôpitaux l'effacement de la dette. Or celle-ci résulte en partie des dépenses d'investissement, technologique ou immobilier, que l'État n'a pas su consentir.

Le Gouvernement fait du chantage : le Premier ministre s'est engagé en novembre 2019 à reprendre un tiers de la dette des hôpitaux. Qu'il tienne parole au lieu de se défausser sur la sécurité sociale !

Il serait intéressant de s'interroger sur l'imputation des charges immobilières au budget des hôpitaux...

M. Philippe Mouiller.  - Bonne question !

Mme Laurence Cohen.  - ... Il y a un certain consensus sur le sujet dans notre assemblée. (M. René-Paul Savary approuve.) Mais le Gouvernement ne veut pas de ce débat. C'est bien dommage !

Pourquoi la sécurité sociale devrait-elle prendre cette dette en charge pour 13 milliards d'euros, à l'heure où nous attendons des réponses fortes pour le personnel soignant et pour un service public, qui a démontré son efficacité durant la crise ?

Monsieur le ministre, vous envoyez un très mauvais signal avec cet amendement !

Mme Catherine Deroche.  - Le texte initial ne prévoyait qu'une reprise de la dette des établissements publics, mais le Conseil d'État, le 26 mai, y a vu une inégalité de traitement envers les hôpitaux privés exerçant une mission de service public. Mais les ARS peuvent flécher les crédits, ce qui inquiète certains établissements et notamment les centres de lutte contre le cancer qui m'ont alertée. L'amendement que j'avais déposé est devenu sans objet dès lors que le système de reprise de la dette a été modifié, mais je tenais à relayer leur inquiétude.

M. Daniel Chasseing.  - Sur les 13 milliards d'euros, les investissements immobiliers représentent environ les deux tiers soit 10 milliards d'euros. Les 3 milliards d'euros restants peuvent correspondre aux dépenses liées à la prise en charge de la Covid - salaires, masques, investissements, mobiliers - mais effectivement les 10 milliards d'euros devraient être pris en charge par l'État.

Mme Michelle Gréaume.  - Monsieur le ministre, vous avez séparé le champ du projet de loi de finances rectificative de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Alors pourquoi introduire dans la dette de la sécurité sociale le déficit d'un régime spécial de retraite des fonctionnaires ?

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Il y a dix ans, dans un rapport rédigé avec Jacky Le Menn, sur la T2A et les ARS, j'avais proposé que la dette des hôpitaux cesse d'être prise en charge par l'assurance maladie à l'instar de l'Éducation nationale, qui ne paie ni les écoles, ni les collèges, ni les lycées, ni les universités.

J'ai été particulièrement déçu, parce que je considère que c'est l'intégralité que l'État devait prendre en charge. Depuis, il a repris toute la dette de la SNCF à son compte. J'ai donc été déçu une première fois quand le Gouvernement a annoncé ne reprendre qu'un tiers de la dette, une seconde fois quand il l'a fait porter sur la Cades. Ce n'est pas aux hôpitaux d'assumer les charges immobilières.

Je vous demande donc de reprendre l'intégralité de la dette des hôpitaux. (Mme Catherine Deroche et M. Philippe Mouiller applaudissent.)

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8, première phrase

Supprimer les mots :

ainsi que celles consacrées à la prévention, à l'apprentissage de l'autonomie et à la recherche

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - La commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à intégrer dans les dispositions organiques relatives à la nouvelle annexe au PLFSS une présentation des dépenses relatives à la prévention, à la recherche et à l'apprentissage de l'autonomie. Il n'est pas opportun de prédéterminer au niveau organique le périmètre de la branche, qui doit faire l'objet d'un rapport au Parlement et d'un débat lors du prochain PLFSS.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°130 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 228
Contre 86

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLE PREMIER

Mme Michelle Gréaume .  - Il est temps que le Gouvernement explique aux Français ce qu'est la dette sociale. Cela évitera des transferts abusifs qui devraient être pris en charge par l'État. Les 136 milliards d'euros transférés à la Cades sont une dette liée en partie à la crise sanitaire et un rassemblement de déficits futurs qui auraient dû être traités dans un projet de loi de finances rectificative, et enfin la conséquence de sous-investissements et de mesures - exonérations de cotisations sociales non compensées et primes pour les gilets jaunes.

Rétablir clairement la distinction entre la dette sociale et la dette de l'État empêchera ce mécanisme de culpabilisation avec un « trou de la sécu » qu'il faudrait absolument combler et ce au prix des droits des assurés sociaux et d'un affaiblissement de la sécurité sociale.

Nous nous privons de 18 milliards d'euros de recettes annuelles qui auraient pu financer les hôpitaux et la dépendance, dès 2024. L'État coupera après des prestations en prétextant que les recettes sont insuffisantes.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Yves Daudigny.  - Le groupe socialiste et républicain est opposé au transfert de 136 milliards d'euros de dette à la Cades, qui met en danger la sécurité sociale.

Si le Gouvernement décide de transférer cette dette à la sécurité sociale, il doit aussi transférer les compétences et surtout les dotations correspondantes, sinon il assume le remboursement de la dette liée aux investissements.

Nous connaissons vos cruelles intentions : une majorité de ce montant ne relève pas de la sécurité sociale mais de mesures d'urgence et de politiques d'austérité. Ce remboursement justifiera une réduction du périmètre de la sécurité sociale. D'où cet amendement de suppression.

M. le président.  - Amendement identique n°5, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Le transfert de 136 milliards d'euros à la Cades - moins les 13 milliards d'euros de dette des hôpitaux - remet en cause la répartition des responsabilités. Les travaux de rénovation et les investissements immobiliers relèvent du budget de l'État. Votre projet n'a aucune logique si ce n'est de justifier vos politiques d'austérité futures et vos contre-réformes sur les retraites à points, les fermetures d'hôpitaux, la baisse des prestations sociales.

Alors que le Ségur de la santé va s'achever, j'espère, monsieur le ministre, que vous avez eu le courage d'annoncer aux professionnels de santé que, par vos choix, leurs conditions de travail vont continuer à se dégrader.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. Ce nouveau transfert à la Cades est nécessaire à court terme pour soulager la trésorerie de l'Acoss et à moyen terme pour ne pas transmettre de dette sociale aux générations futures.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos4 et 5 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Mme Michelle Gréaume.  - Sur les 136 milliards d'euros transférés à la Cades, 1,2 milliard d'euros provient du déficit cumulé de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) qui régit notamment les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Il tient à la décision des gouvernements successifs de geler le point d'indice et de ne pas remplacer les départs à la retraite. Comment renflouer la CNRACL si la masse salariale diminue ? Il suffirait de répondre aux revendications des personnels soignants qui demandent hausses des salaires et des effectifs. Ce n'est pas à la sécurité sociale de prendre en charge ce déficit mais à l'État de l'assumer en projet de loi de finances.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - L'avis de la commission est défavorable car la reprise de la dette de la CNRACL fait partie des missions de la Cades. Le Gouvernement peut-il nous apporter des précisions sur la trajectoire financière de la CNRACL ? Pourquoi n'est-elle pas concernée par la reprise des dettes pour les années 2020 à 2023 ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable également. Les prévisions de juin 2020 anticipent des niveaux de déficit de 1,6 milliard d'euros en 2020 et 2,2 milliards d'euros en 2021 ; la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait respectivement 1,3 milliard d'euros et 1,6 milliard d'euros.

La loi prévoit bien la reprise des déficits antérieurs. La dette pour les années à venir n'a rien à voir avec la crise de la Covid-19.

M. René-Paul Savary.  - Cela montre bien que le transfert à la Cades est un fourre-tout. La CNRACL connaît des difficultés en raison de la baisse du nombre de cotisants et de l'augmentation du nombre de retraités. C'est aussi la conséquence de la non-revalorisation indiciaire et de la politique de primes qui n'ouvrent pas de droits à la retraite.

Vous ne prenez qu'1,2 milliard d'euros sur 1,6 milliard d'euros de déficit prévu pour 2020. Pourquoi seulement une partie ? Idem pour la dette. Entre 2020 et 2023, le déficit cumulé serait de 11 milliards d'euros. Il y a une incohérence.

C'est comme pour la dette des hôpitaux. Les investissements hospitaliers relèvent de l'État et non de la Cades. Pourquoi seulement un tiers ? Si cela donne une bouffée d'oxygène aux hôpitaux, reprenez toute la dette ! Il y a trop de confusion.

M. Marc Laménie.  - Je mesure tout le travail de la commission des affaires sociales. On parle de 136 milliards d'euros de transfert de dette à la Cades. Comment nos concitoyens peuvent-ils se retrouver dans cette organisation si complexe ? Il ne faut pas oublier le volet humain. Nos concitoyens sont préoccupés par la situation des hôpitaux, par celle des Ehpad. Le drame des soignants ne date pas de la crise sanitaire.

Il faut trouver des solutions et faire confiance au travail de la commission des affaires sociales. Je me rallie à sa position.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - La reprise de la dette est liée à la crise sanitaire et économique. La CNRACL a par ailleurs une dette structurelle : c'est un autre sujet, important, mais qui ne relève pas de ce texte.

M. René-Paul Savary.  - Pourquoi ne fait-on pas de même pour les autres organismes ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Monsieur Savary, les régimes déficitaires sont compensés par les autres régimes ou le régime général : c'est la règle. Tant que la CNRACL ne sera pas structurellement équilibrée, il y aura des déficits. (Mme Michelle Gréaume proteste.)

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.

I  -  Alinéa 12

Rétablir le C dans la rédaction suivante :

« C.  -  La couverture de dotations de la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale couvrant une partie, qui ne peut excéder 13 milliards d'euros, des échéances des emprunts contractés au 31 décembre 2019 par les établissements de santé relevant du service public hospitalier est assurée par des transferts de la Caisse d'amortissement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à compter de 2021.

II.  -  Alinéa 13

1° Première phrase

Remplacer les mots :

A et B

par les mots :

A, B et C

2° Seconde phrase

Après le mot :

puis

insérer les mots :

les dotations mentionnées au C, dans la limite de 5 milliards d'euros par an, et enfin

M. Dominique Théophile.  - La dette des hôpitaux n'est pas que patrimoniale. Ce transfert sera une bouffée d'oxygène pour les établissements, alors que l'Ondam est contraint. Nous avons une fenêtre de tir : profitons-en ! Sortons de la sémantique État-Cades.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est à l'État d'assumer cette dette.

M. le président.  - Amendement identique n°16, présenté par le Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Défendu.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos13 et 16 ne sont pas adoptés.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article premier bis.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - L'article 2 transfère une fraction de CSG de 0,15 point à la CNSA pour financer la perte d'autonomie. Cela nous pose plusieurs problèmes. La CSG remet en cause les fondements de notre protection sociale telle qu'elle a été conçue en 1945 : une part socialisée du salaire, mutualisée entre les salariés pour répondre aux besoins sociaux, liés par exemple à la maladie.

D'où notre opposition à la création puis au développement exponentiel de la CSG.

Sur un rendement de 102 milliards d'euros, 68 milliards d'euros de CSG sont prélevés sur les salariés, 22 milliards d'euros sur les retraités et les 10 milliards d'euros restant des placements financiers et prélèvements sur le patrimoine. L'injustice sociale est patente ! Une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie suppose de trouver de nouvelles recettes pour la sécurité sociale - or la majorité sénatoriale et le Gouvernement rejettent nos propositions. En l'état, ce projet de loi va déstabiliser la sécurité sociale, dégrader les prestations sociales et accroître le reste à charge.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous attendez plus de moyens pour l'autonomie, nous aussi. Nous avons trouvé un équilibre avec 0,15 point de CSG à partir de 2024, tout en assumant l'amortissement de la dette. Mais je conviens qu'il faudra trouver d'autres moyens pour financer la cinquième branche.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable : en supprimant cet article, vous supprimez le financement de la branche à compter de 2024.

Je m'étonne de vos propos car la CSG pèse aussi sur le capital.

Une conférence de financement est en cours pour étudier le financement de la perte d'autonomie. Tout est sur la table. Olivier Véran s'est déjà engagé sur un milliard d'euros supplémentaires dès 2021.

Mme Laurence Cohen.  - Nous abordons cette question majeure à la suite d'un simple amendement à l'Assemblée nationale, sans discussion au fond ; c'est très précipité. Le groupe CRCE n'est pas pour la création d'une cinquième branche, nous sommes contre un financement par la CSG ou par quelqu'impôt que ce soit. Nous sommes pour un pôle public de la prise en charge, financé par les cotisations sociales. C'est projet contre projet.

M. Bernard Bonne.  - Je voterai contre cet amendement mais regrette que ce 0,15 % ne soit pas affecté dès 2021 à l'autonomie. Pourquoi attendre 2024?  Le président de la Cades arguait que cela repousserait d'un an l'apurement de la dette. Mais vu l'ampleur de celle-ci, et la durée de vie prévisible de la Cades, autant prolonger d'emblée le remboursement jusqu'à 2034 et affecter immédiatement des moyens au financement de l'autonomie. Le milliard d'euros annoncé ne suffira pas.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le 1° bis est abrogé ;

2° Le 4° est rétabli dans la rédaction suivante :

« 4° Une contribution de solidarité des actionnaires d'un taux de 2 % sur l'ensemble des dividendes des entreprises ; ».

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les aînés sont de plus en plus nombreux et les besoins en autonomie croissants. Et pourtant, le Gouvernement ne cherche pas à élargir l'assiette du financement, préférant ponctionner les principaux intéressés via la CSG que faire jouer la solidarité intergénérationnelle. Le système est à bout de souffle.

Nous sommes hostiles à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA). De l'argent, il y en a ! Nous proposons de remplacer la CASA par une contribution de solidarité des actionnaires. Elle rapporterait un milliard d'euros à la CNSA, ce qui permettrait de revaloriser l'heure de service à domicile à 25 euros. Les services de soins et d'aide à domicile nous appellent au secours. Il y a urgence, sachant que le nombre d'octogénaires aura quadruplé d'ici à 2030.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - L'avis de la commission est défavorable. Il faudrait un plan d'ensemble, plus global, pour le financement de la dépendance. Ce sera l'enjeu du rapport puis du prochain PLFSS.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

M. René-Paul Savary .  - J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fonds de réserve des retraites (FRR), objet d'un véritable détournement de fonds. Créé pour couvrir les déficits anticipés du régime de retraite du fait de la bosse démographique, il est régulièrement ponctionné pour compenser le déficit du FSV. Et on continue ! En 2033, des 34 milliards d'euros actuels - qui génèrent des rendements - il ne restera que 6,4 milliards d'euros à 10 milliards d'euros !

Or le déficit des caisses de retraite devrait passer de 12 milliards d'euros à 25 milliards d'euros avec la crise. Il faudra bien équilibrer... Cela montre que l'on met ce que l'on veut dans la Cades.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - Notre projet d'alternative à la cinquième branche est un projet de société. Il faut revisiter l'aide à domicile et les établissements médico-sociaux, développer des services aujourd'hui inexistants.

La perte d'autonomie n'est pas un risque supplémentaire ; il faut une prise en charge globale de la personne, en Ehpad comme à domicile, de la naissance à la mort. Cette prise en charge doit se faire dans le cadre de la branche maladie de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - La commission des affaires sociales est favorable à la création d'un cinquième risque ; elle attend d'étudier au plus vite le rapport qui en dessinera les contours. Une annexe au PLFSS détaille les risques portés par la sécurité sociale, l'État et les collectivités territoriales. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots : 

dans le cadre d'un système public, collectif et solidaire 

II.  -  Après l'alinéa 13

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 est complétée par un article L. 242-... ainsi rédigé :

« Art. L. 242-....  -  Les revenus financiers des sociétés tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l'article L. 123-1 du code de commerce, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, dont l'activité relève de l'article L 312-1 du code de l'action sociale et des familles sont assujettis à une contribution dont le taux est égal à la somme des taux des cotisations sociales patronales assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés. »

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous proposons de créer un service public collectif et solidaire pour couvrir le risque de perte d'autonomie.

Sans service public assurant une prise en charge intégrale, les familles continueront à payer de lourds restes à charge et les assurances privées à s'enrichir au détriment des assurés sociaux. Il faut un système exclusivement public et solidaire, une prestation déconnectée des revenus. Il exclut toute couverture individuelle privée.

Cet amendement est gagé par une taxation des revenus financiers des Ehpad lucratifs privés. Il paraît juste de mettre à contribution des groupes comme Korian qui a fait 3 milliards de chiffre d'affaires en 2020 et dont la gestion de la crise du Covid-19 a parfois été catastrophique.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - On peut en effet s'interroger sur ces établissements. Je rappelle néanmoins que Korian a renoncé à verser 54 milliards d'euros de dividendes cette année. Signalons en outre que les dividendes sont taxés.

Le reste à charge est beaucoup plus élevé dans ce type d'établissements ; est-il légitime que financés en partie par la collectivité, ils dégagent des bénéfices ? La question est légitime. Néanmoins, avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Le risque de perte d'autonomie fait partie des risques pris en charge par la solidarité nationale et est inscrit parmi les principes de la sécurité sociale. À cet égard, votre amendement est satisfait.

Faut-il pour autant une prise en charge entièrement publique ? Les acteurs privés contribuent à la diversité de la prise en charge ; il ne convient pas de les exclure mais il faut organiser leur participation. Allez-vous aussi supprimer les complémentaires santé ?

Le rapporteur général l'a rappelé, les revenus financiers sont déjà taxés, au titre de l'impôt sur les bénéfices et de la taxation des dividendes.

Enfin, je ne puis préempter les conclusions du rapport qui sera remis au Parlement sur le financement de la branche.

M. Alain Milon, président de la commission.  - À titre personnel, je m'abstiendrai. Lors de la crise du Covid-19, des directeurs d'établissements privés ont dit avoir subi des pressions de leur hiérarchie pour augmenter les bénéfices au détriment de la sécurité des résidents. Il faudra s'intéresser de près au fonctionnement de ces établissements.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Cardoux, Bonne, Bascher, Cuypers, Sol et Vial, Mme Gruny, MM. Lefèvre, Grand, Calvet et Kennel, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Savary, D. Laurent et Bouchet, Mme Bruguière, M. Pellevat, Mmes Micouleau et de Cidrac, M. Mouiller, Mme Imbert, M. Rapin, Mmes Richer et Lopez, M. Schmitz, Mme Puissat, MM. Pierre et Saury, Mme Berthet, M. Chatillon, Mmes Deroche et Lassarade, M. Mayet, Mme Lamure, M. Danesi, Mme Procaccia, MM. Gremillet, Brisson et Morisset, Mme Ramond, MM. Vaspart, Sido, Retailleau, Allizard et Babary, Mmes Deseyne et Sittler, M. Milon, Mme Chain-Larché, MM. Piednoir et de Legge, Mme Malet, MM. Bonhomme et Duplomb, Mmes Garriaud-Maylam, Lanfranchi Dorgal, Primas et Chauvin et MM. Laménie, Mandelli, Pointereau et B. Fournier.

I.  -  Alinéas 10 à 14

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 15

1° Première phrase

Remplacer les mots :

et d'une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs

par le mot :

relatif

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ce rapport analyse, le cas échéant, la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale si l'articulation des financements des branches existantes ne permet pas de répondre aux objectifs affichés.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Le groupe Les Républicains n'est pas opposé à la création d'une cinquième branche, mais estime que ce texte n'est pas le véhicule adapté. C'est une question d'orthodoxie financière !

Nous préférons, d'ici au PLFSS, synthétiser les contributions pour envisager, avec le recul nécessaire, la création d'une cinquième branche. En commission des affaires sociales, un collègue nous invitait à mettre le pied dans la porte ; mais alors, il faut l'ouvrir complètement ou on risque qu'elle nous claque au nez. Nous risquons de désagréables surprises.

L'argument du ministre selon lequel il n'y aurait pas de financement si nous ne votions pas la création de la branche est surprenant : le PLFSS peut à la fois créer une branche et assurer son financement.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 10 à 14

Supprimer ces alinéas.

Mme Michelle Gréaume.  - Le rapport Libault de mars 2019 préconisait la création d'un cinquième risque mais pas d'une cinquième branche, estimant que les départements risquaient d'être effacés et les prestations sociales transférées à des caisses locales.

La création d'une cinquième branche est contraire aux principes mêmes de la sécurité sociale. La perte d'autonomie - qui est d'ailleurs plutôt le neuvième risque que le cinquième - relève pour nous de la branche maladie. Créer une nouvelle strate, c'est fragiliser l'ensemble, se priver de l'expertise des départements et abandonner un secteur stratégique aux assureurs et aux marchés financiers. Sortir la dépendance de la branche maladie, c'est ouvrir la voie à de nouveaux prélèvements fiscaux en lieu et place des cotisations et casser la solidarité intergénérationnelle. L'affichage ne saurait suffire.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mme Lavarde, MM. Calvet, Karoutchi et Daubresse, Mme Morhet-Richaud, M. Cuypers, Mme Deromedi, M. D. Laurent, Mme Bruguière, MM. Brisson, Pellevat et Milon, Mme Imbert, MM. Le Gleut, Bascher, Perrin, Raison et de Legge, Mme Berthet, M. Morisset, Mmes M. Mercier et Puissat, MM. Laménie et de Nicolaÿ, Mmes Richer et Dumas, MM. Piednoir, Bonne, Savary, Bazin et Chatillon, Mme L. Darcos, MM. Sido, Bouchet, Pointereau, Vogel et Babary, Mmes Gruny et Lamure, MM. Rapin, Hugonet et Kennel et Mmes Deroche et Lassarade.

Alinéa 15, seconde phrase

Après le mot :

branche

insérer les mots :

sur le périmètre des prestations et services concernés ainsi qu'

M. Philippe Mouiller.  - Cet amendement a été rédigé en concertation avec les associations du monde du handicap, qui sont inquiètes du périmètre des prestations et services proposés.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n° 1er rectifié ter ; avis défavorable à l'amendement n°10. Monsieur Mouiller, votre amendement entre en contradiction avec celui de M. Cardoux.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux deux amendements. Le Gouvernement s'est engagé dans une réforme en profondeur de la prise en charge de l'autonomie en réaffectant une fraction de CSG et en proposant un rapport sur la création d'une nouvelle branche.

Les députés ont élargi les risques couverts par la sécurité sociale à l'autonomie et créé une cinquième branche ; le Gouvernement l'endosse et s'en félicite.

Cela permet d'identifier les recettes, les dépenses et le solde financier, de mettre en évidence l'effort que la Nation consacre à cette politique. C'est aussi un moyen de mieux définir les règles de pilotage et de gestion propre.

C'est une étape indispensable, puisque la concertation sur le pilotage et la gouvernance a été lancée.

Vous aurez l'occasion de débattre du financement lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; en outre, un projet de loi dédié sera déposé en conseil des ministres avant la fin de l'année pour concrétiser la création de la branche. Cela répond à une promesse formulée dès 2007 sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Nous sommes à l'orée d'un moment historique.

M. Bernard Bonne.  - Monsieur le ministre, quel était l'intérêt de mettre en place dès aujourd'hui la cinquième branche ? N'est-ce pas une coquille vide ? Vous créez la branche sans financement. On nous a annoncé 1 milliard d'euros pour 2021 et 0,15 % de CSG, à partir de 2024, soit 5,2 milliards d'euros par an environ. Cela ne couvre pas le besoin de financement estimé par le rapport Libault à 10 milliards d'euros à l'horizon 2030.

Mme Laurence Cohen.  - Monsieur le rapporteur, vous donnez un avis favorable à l'amendement n°1 rectifié ter qui supprime les alinéas 10 à 14, et défavorable à l'amendement n°10 de notre groupe qui supprime les mêmes alinéas ! À la rigueur, on pourrait avancer que l'amendement n°1 rectifié ter est plus complet ; mais nous ne sommes pas habitués, au Sénat, à un traitement aussi partisan d'amendements aussi similaires.

M. Dominique Théophile.  - L'amendement n°1 rectifié ter revient sur la création d'une nouvelle branche, préférant créer un risque porté par les branches existantes.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Non !

M. Dominique Théophile.  - Le groupe LaREM est, au contraire, résolument favorable à une nouvelle branche qui donnera une ossature et pilotera la politique en faveur de l'autonomie, y compris en prévention.

Les arguments relatifs à la situation économique ou au mélange des genres ne tiennent pas : il faut être à la hauteur de l'enjeu. Nos aînés, nos compatriotes en situation de handicap nous regardent. La création d'une nouvelle branche peut être actée dès aujourd'hui : chiche ! Ce sera un levier supplémentaire pour exiger les financements nécessaires à la prise en charge de l'autonomie.

M. Alain Milon, président de la commission.  - Monsieur Théophile, l'amendement n°1 rectifié ter n'a pas l'objet que vous lui prêtez. Ce texte porte sur la dette sociale ; on y a introduit une cinquième branche au détour d'un amendement ! Le Sénat, dans sa grande majorité, est favorable à la création d'un cinquième risque et d'une cinquième branche sur l'autonomie, mais pas de cette façon. Nous voulons une loi sur la perte d'autonomie, qui détermine la gouvernance, le financement, les responsabilités, l'équilibre entre Ehpad et maintien à domicile - sans sanctuariser la prise en charge en établissement.

Quant à ce qu'ont fait les uns et les autres, je vous rappelle que c'est la crise financière qui a empêché le président Sarkozy d'aller au bout. Mme Delaunay m'avait incendié en séance, nous accusant de n'avoir rien fait - mais sa loi sur le vieillissement n'allait pas plus loin.

Avançons ensemble, mais avec une vraie loi, pas un article additionnel à un texte sur la dette sociale !

Mme Catherine Deroche.  - Très bien.

M. René-Paul Savary.  - Nous sommes tous favorables à la prise en charge du risque de perte d'autonomie, qui n'est pas le cinquième mais plutôt le dixième ! En créant d'emblée une cinquième branche, vous mettez la charrue avant les boeufs, sans respecter les départements et l'assurance maladie qui financent déjà une partie de l'autonomie. (Mme Michelle Gréaume approuve.)

Tout à l'heure, le ministre s'est opposé à l'inclusion de la prévention dans le rapport, au prétexte que le financement était déjà éclaté et voilà que l'on crée un nouveau silo. Vous découpez la personne en tranches, selon qu'elle est malade ou en perte d'autonomie !

On ne peut pas d'un côté cajoler les élus locaux et de l'autre mépriser les conseils départementaux. Concertez, écoutez les partenaires sociaux, les élus locaux, les usagers, et construisez ensemble la réponse. Nous bâtirons ainsi, autour d'un tronc, un arbre respectable.

M. Olivier Henno.  - Je reconnais la rigueur de l'argumentation de M. Cardoux. La forme n'est pas très satisfaisante ; nous aurions voulu un habillage plus solennel. Le président Milon se dit pour une cinquième branche, mais pas dans ces conditions-là ; c'est respectable. 

Le groupe centriste, lui, y est favorable. Le conflit en paternité n'a pas lieu d'être : cette création est attendue par tous. La cinquième branche vaut bien une messe ! Notre vote n'est pas un chèque en blanc - le projet de loi de financement de la sécurité sociale décidera du financement, le projet de loi Autonomie, de l'architecture. Nous voterons contre l'amendement n°1 rectifié ter, pour acter la création de cette cinquième branche.

Mme Monique Lubin.  - Notre groupe est historiquement favorable à la création d'une cinquième branche, mais je suis quelque peu gênée aux entournures, voire amère ce soir.

Ce sujet aurait mérité d'être traité à un autre moment : il n'a rien à faire dans ce texte où vous l'avez glissé. Vous auriez dû nous permettre d'avoir un vrai débat sur le grand âge. On en parle beaucoup mais mesure-t-on réellement ce que va représenter la dépendance ?

Je partage, une fois n'est pas coutume, les arguments du président Milon. Nous ne devons nous interdire aucun débat. Cela ne peut pas se passer ainsi, en catimini.

Je ne m'opposerai pas à la création de la branche. Je n'ai absolument pas confiance : cela fera pschitt !

M. Daniel Chasseing.  - Je suis favorable à la création de cette cinquième branche. En 2015, nous avons voté la loi d'adaptation de la société au vieillissement qui n'a rien apporté en Ehpad et peu à domicile.

Dans les établissements pour personnes handicapées, le ratio personnel-résidents est d'un pour un : ce n'est pas la pénurie que l'on connaît en Ehpad. La prise en charge à domicile pour les personnes âgées est très précaire, nous l'avons vu pendant la crise de la Covid-19.

Le milliard annoncé ne suffira pas du tout ! Nous devrons travailler avec les conseils départementaux. Les départements doivent piloter l'enveloppe soins, sous le contrôle de l'ARS.

Il faut mettre ce cinquième risque le plus vite possible dans la loi.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Je reviens sur les propos de M. Théophile qui semble penser que mon amendement revient sur la cinquième branche. Il y a un problème de compréhension : ce n'est pas le cas ! Il est très révélateur que M. Chasseing ait conclu son propos sur le cinquième risque et non la cinquième branche : ce n'est pas tout à fait la même chose.

Je remercie M. Henno de sa louange de ma rigueur intellectuelle. Mais soit on accepte maintenant, pour des raisons idéologiques, de créer une coquille vide, soit l'on attend quelques mois pour remplir la coquille en ayant mis tous les interlocuteurs autour de la table. Je suis favorable à la seconde option.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Une fois n'est pas coutume, je suis en phase avec M. Savary : on ne peut pas écarter les départements, et ils sont d'ailleurs autour de la table.

Il vous est proposé d'acter le principe de création d'une cinquième branche, ainsi qu'un chemin balisé par plusieurs étapes. Après ce vote, viendront un rapport et une concertation.

Chaque année, le PLFSS sera l'occasion de débattre de la politique de l'autonomie. Et d'ici à la fin de l'année, il y aura ce grand projet de loi.

Ce n'est pas une question de confiance ! Moi, je vous fais confiance pour être vigilants et nourrir cette politique de l'autonomie afin qu'elle se traduise dans le quotidien de nos concitoyens.

Je ne puis envisager que les journaux titrent, demain, que le Sénat a refusé la création d'une cinquième branche. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains)

M. Alain Milon, président de la commission.  - Je m'attendais à une telle sortie !

Je crains que cette création ne soit que purement déclarative. En annonçant à la télévision la création de la cinquième branche, vous allez créer un espoir considérable dans le pays. Lorsque le Gouvernement a annoncé il y a un an la suppression du numerus clausus, tout le monde s'est attendu à avoir un médecin s'installer au coin de sa rue. Au Sénat, nous avons rappelé que nous allions simplement passer de 3 800 à 4 000 médecins formés chaque année. Personne ne s'en est fait l'écho. C'est la même chose ce soir. Vous faites une grande déclaration avec laquelle nous sommes complètement d'accord : mais attention à ce que cette cinquième branche ne soit pas une coquille vide. (MM. René-Paul Savary et Philippe Mouiller applaudissent.)

M. Yves Daudigny.  - Je n'ai aucune raison d'accorder ma confiance au Gouvernement. Mais j'ai tellement milité pour la création de cette cinquième branche, que je ne peux pas voter l'amendement de M. Cardoux. Je suis tenté de dire « chiche » au Gouvernement.

La porte est entrouverte : la cinquième branche peut être créée. Compte tenu de mon passé militant sur ce sujet, je voterai contre cet amendement.

À la demande des groupes LaREM et UC, l'amendement n°1 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°131 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 156
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande du groupe UC, l'amendement n°10 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°132 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption   16
Contre 298

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport s'attache également à évaluer les mesures alternatives répondant au même objectif, notamment la création d'un service public de l'autonomie et de l'accompagnement au sein de la branche maladie de la sécurité sociale.

Mme Laurence Cohen.  - Le groupe CRCE a voté pour l'amendement de M. Cardoux mais la réciproque n'a pas été vraie alors que nos amendements étaient assez similaires...

Le rapport prévu par l'article 4 est une bonne chose. Certains de mes collèges ont une grande foi dans ce Gouvernement malgré les promesses non tenues : je suis admirative ! En plus, nous ne savons pas qui sera ministre demain, n'est-ce pas ? On annonce un remaniement...

Nous souhaitons un rapport le plus étayé possible. Nous souhaiterions que la piste de la création d'un service public de l'autonomie au sein de la branche maladie y soit étudiée.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - L'avis de la commission des affaires sociales est défavorable. Le rapport devra traiter de cette question, entre autres. Il ne me paraît pas nécessaire de le préciser. (Mme Laurence Cohen se gausse.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Nous sommes beaux joueurs et nous allons retirer cet amendement mais ne croyons pas une seconde à ces engagements.

L'amendement n°11 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. Requier, Cabanel et Castelli, Mme Costes, M. Gold, Mme Guillotin, MM. Jeansannetas, Roux, Arnell, Collin et Corbisez et Mmes N. Delattre et Laborde.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il examine les conditions d'une réforme de la tarification des établissements médico-sociaux visant à réduire le reste à charge.

M. Jean-Claude Requier.  - L'article 4 crée une nouvelle branche de la sécurité sociale pour une vraie politique d'accompagnement de la dépendance. Cela passe par une réforme de la tarification des établissements médico-sociaux, notamment les Ehpad. De plus en plus de personnes perdent leur autonomie à domicile, faute de pouvoir payer un hébergement en Ehpad.

Cet amendement prévoit que le rapport du Gouvernement examine les conditions d'une réforme de la tarification des établissements médico-sociaux, tout particulièrement des Ehpad, avec l'objectif de réduire le reste à charge beaucoup trop lourd pour de nombreuses familles.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - L'avis est défavorable même si ce que nous dit M. Requier est parfaitement entendable.

Monsieur le ministre, allez-vous apporter beaucoup plus de précisions qu'il n'en est demandé dans le rapport, notamment lors du PLFSS ? Cela ne concerne pas seulement les Ehpad mais aussi le personnel qui intervient à domicile. Ces personnels, dont l'engagement est admirable, ne gagnent parfois pas plus de 900 euros par mois, sans compter les frais de déplacement. M. Véran a dit qu'il en avait conscience : passons aux actes.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je souhaite que le rapport reste centré sur les modalités de la création de cette cinquième branche. Il n'a pas vocation à évoquer l'ensemble des problématiques de la perte d'autonomie comme la tarification qui avaient été traitées dans le rapport Libault.

Le PLFSS permettra d'évoquer toutes ces autres questions. Le rapport a vocation à traiter l'architecture et la gouvernance de la nouvelle branche. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Claude Requier.  - Nous avons lancé un appel. Je retire mon amendement.

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

L'article 4 est adopté.

Explications de vote

M. Philippe Mouiller .  - Depuis deux semaines, les associations de personnes âgées, de personnes handicapées et d'aidants évoquent ce texte et les espoirs qu'il fait naître. Nous votons aujourd'hui un cadre sans en connaître le contenu et encore moins le financement.

Cette méthode est particulière et elle vous oblige. En septembre, il faudra apporter toutes les précisions attendues. Si vous ne répondez pas aux attentes, la chute sera terrible.

M. Bernard Bonne .  - Je regrette les propos du ministre sur un éventuel vote négatif du Sénat sur la création d'une cinquième branche. Cela fait des années qu'on attendait un tel projet. Aujourd'hui, vous le proposez alors qu'il s'agit d'un texte relatif à un règlement de dette. En outre, ce cinquième risque ne comporte aucun financement. C'est pour cela que nous sommes inquiets.

C'est pourquoi nous avions proposé de ne pas transférer la dette des hôpitaux à la Cades. Nous demandons des financements, rapidement. Les rapports Libault, El Khomri, et ceux du Sénat sont là : nous sommes prêts.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cette discussion a été l'occasion d'un débat projet contre projet. Nous n'avons pas la même vision de société que le Gouvernement ou la droite sénatoriale. Vous êtes restés sourds après la crise de la Covid-19.

Pendant le confinement, on applaudissait les soignants, on a distribué des médailles à tour de bras, mais quand il a fallu s'opposer aux politiques d'austérité, il n'y a plus personne. L'échec de trente années de libéralisme ne vous suffit pas.

L'urgence est à la relance, pas au renforcement de nos services publics... Vous poursuivez les exonérations de cotisations sociales qui ont fait perdre 90 milliards d'euros à l'État, soit quasiment le montant de la dette que l'État veut transférer à la sécurité sociale.

La branche perte d'autonomie est vide, complètement vide ; elle sera financée par les assurés sociaux... Comme l'a dit le député Pierre Dharréville « C'est une belle opération publicitaire, loin de l'histoire de la sécurité sociale ».

Hier encore, nous participions aux manifestations des soignants : les attentes sont énormes. Ils attendaient autre chose. Vous n'êtes vraiment pas à la hauteur ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)

M. Yves Daudigny .  - Le groupe socialiste et républicain votera contre ce texte, car le transfert de 136 milliards d'euros de dette à la Cades va priver la sécurité sociale des moyens nécessaires pour faire face aux défis à venir. Une autre solution était possible. Vous avez fait un mauvais choix.

C'est un texte piège, puisque les socialistes sont favorables à la création de la cinquième branche, et nous avons voté contre l'amendement qui l'aurait supprimée.

J'espère que ce vote ne sera pas celui des dupes ! Il faut maintenant mettre en place une vraie concertation avec tous les partenaires et prévoir des financements à la hauteur, sans quoi la mesure sera plus symbolique que réelle. Cette journée aura été très particulière.

Mme Michelle Gréaume .  - Je voterai contre ce texte. D'abord, le transfert de la dette et la création de la cinquième branche auraient dû être traités séparément.

La loi de financement de la sécurité sociale devient un véritable fourre-tout financier ; et ce soir, on introduit le cinquième risque qui méritait une loi à lui seul. Je suis choquée.

En outre, vous profitez de l'occasion pour faire un pas vers la fusion des régimes de retraite.

M. Daniel Chasseing .  - Je suis très favorable à la création de la cinquième branche, que nous attendions depuis longtemps. Après les annonces du président de la République et de Mme Buzyn, nous pensions même qu'elle serait en place avant la loi sur les retraites.

Il y a un manque d'encadrement dans les Ehpad et dans l'aide à domicile. Nous devons réfléchir à des hébergements innovants entre domicile et maison de retraite. Il conviendra de renforcer aussi l'action des départements qui ont vocation à gérer la dépendance.

J'aurais voté l'amendement de M. Requier, qui traitait de reste à charge, mais il l'a retiré.

Quant aux 92 milliards d'euros restants transférés à la Cades, ils résultent bien de la crise du Covid qui a grevé les recettes et augmenté les dépenses. Je voterai ce texte.

M. René-Paul Savary .  - Vous ne pourrez pas dire que le Sénat n'a pas voté la création de la cinquième branche, monsieur le ministre. Ceux qui l'attendaient vont sauter de bonheur sur leur chaise, et ils en tomberont en apprenant qu'il n'y a pas de financement...

Prudents, nous avons proposé des crédits dès 2021, mais l'amendement est tombé sur le couperet de l'article 40. Vous auriez pourtant pu lever le gage, monsieur le ministre !

Nous allons donc voter ce texte. (Mmes Laurence Cohen et Michelle Gréaume ironisent.)

À texte confus, réponse confuse. Ce texte mélange les enjeux financiers et sociétaux.

M. Alain Milon, président de la commission .  - M. Daudigny voulait la création de la cinquième branche et votera contre le texte ; la majorité sénatoriale fera le contraire...

À partir du 15 juillet, nous examinerons le projet de loi de finances rectificative 3, dont l'article 18 porte sur toutes les dépenses de sécurité sociale. Je sais que M. Darmanin voudrait que toutes les dépenses soient traitées dans le même texte ; nous y sommes très opposés. La commission des affaires sociales aurait voulu que l'article 18 devienne une loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour transmettre le message.

Mme Jocelyne Guidez .  - J'entends les différents points de vue sur la cinquième branche. Les attentes sont grandes, et quand une porte s'entrouvre, je suis tentée d'y mettre le pied.

Mais attention à ne pas donner de faux espoirs : il y a de l'humain derrière tout cela, des personnes handicapées, des aidants, des aides à domicile, des personnes vulnérables.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur .  - Je me félicite que nous ayons voté la création de la cinquième branche, à la condition que les financements complémentaires - car il y a déjà 22 milliards d'euros au titre de la sécurité sociale et 66 milliards d'euros au total - soient apportés. Il en faut plus, comme l'atteste le rapport Libault. Nous attendons donc des avancées.

Derrière ce texte, il y a des hommes et des femmes qui souffrent, qu'ils soient soignants ou malades.

La règle d'or a recueilli une large approbation : le dispositif prévu va s'étaler de 2024 à 2029, ce qui est compatible avec la lente reprise de l'économie. C'est un appel à une gestion plus vertueuse de la sécurité sociale, et aucunement à une réduction des prestations.

Mme Laurence Cohen .  - J'ai entendu beaucoup de voeux - on se croirait le 1er janvier !

Toutes les catégories de personnels hospitaliers, soignants, techniques, administratifs, se sont mobilisées pendant un an et demi. Le Gouvernement ne les a pas entendues. Ensuite est venu le Covid, et le personnel, remarquable, a fait face. Hommage a été rendu, ce soir, au personnel des Ehpad et de l'aide à domicile.

Mais nous attendons des actes, à commencer par des augmentations de salaires.

La création de la cinquième branche, c'est un cavalier ! (Mme Catherine Deroche approuve.)

Le Parlement est méprisé, mais on passe l'éponge, on fait confiance ! Pas nous ! Vous laissez faire ; visiblement, rien ne change et le Gouvernement n'est pas au rendez-vous.

Le groupe CRCE votera contre ces deux textes : il assume ses paroles, plutôt que de plaindre le personnel concerné avant de voter ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Le projet de loi est adopté.