SÉANCE
du mardi 9 juin 2020
90e séance de la session ordinaire 2019-2020
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Secrétaires : M. Victorin Lurel, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Protéger les victimes de violences conjugales (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Discussion générale
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous connaissez notre volonté de lutter efficacement contre les violences conjugales. Dès le 9 mai 2019, j'ai adressé une circulaire aux procureurs généraux afin qu'ils déploient à cet effet tout l'arsenal répressif, qu'ils fassent preuve de fermeté contre les auteurs et protègent les victimes. J'ai promu le Téléphone grave danger, le nombre d'appareils distribué est passé de trois cents en février 2019 à plus de mille aujourd'hui.
Cette volonté s'est exprimée tout au long de la crise sanitaire. Au-delà des dispositifs de signalement ou des plateformes d'hébergement et de suivi, j'ai tenu à ce que les violences conjugales demeurent un contentieux prioritaire et continuent à être traitées par les juridictions pendant le confinement, dans le cadre des plans de continuité de l'activité. Les nouvelles demandes d'ordonnance de protection ont été traitées dans le délai de six jours prévu par la loi du 28 décembre 2019. J'ai prolongé toutes les ordonnances de protection dont l'échéance était prévue entre le 12 mars et la fin de l'état d'urgence sanitaire, augmentée d'un mois.
Je connais l'engagement du Sénat dans la lutte contre les violences conjugales. La loi du 28 décembre 2019 est un pas important. Elle améliore le traitement de la requête en ordonnance de protection, aménage l'exercice de l'autorité parentale, déploie le bracelet anti-rapprochement, étend le champ d'application du Téléphone grave danger.
La circulaire du 28 janvier 2020 aux magistrats comporte des instructions de politique pénale traduisant les conclusions du Grenelle des violences conjugales, piloté par Marlène Schiappa. Ces mesures concernent aussi bien l'accompagnement des victimes que le suivi des auteurs et la création de filières dédiées au sein des juridictions. Citons l'interdiction pour l'auteur de se rendre dans certains lieux fréquentés par la victime, leur prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, les stages de responsabilisation pour prévenir les violences. Les juridictions se mobilisent pour intégrer ces mesures dans leur projet de juridiction.
Les services de la Chancellerie formalisent les nouvelles procédures de délivrance de l'ordonnance de protection. Le décret du 28 mai dernier supprime la convocation des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, incompatible avec le délai de six jours prévu par la loi. Il unifie la saisine du juge et précise les conditions procédurales, tout en garantissant le respect du contradictoire. Je sais que d'aucuns trouvent ces procédures trop strictes, mais elles garantissent la mise en oeuvre de l'engagement du Gouvernement et de la volonté du législateur. Des échanges sont actuellement en cours pour faciliter l'accès aux huissiers et mes services envisagent un possible doublement du délai de notification. Nous rencontrons les professionnels demain.
La passerelle entre procédure d'urgence pour l'ordonnance de protection et procédure au fond sur l'exercice de l'autorité parentale évitera au demandeur d'avoir à former une nouvelle demande en cas de rejet de l'ordonnance de protection. Cette dernière est trop peu délivrée, et j'ai donc constitué un comité de suivi des ordonnances de protection, présidée par Ernestine Ronai.
Notre engagement collectif va plus loin. De nombreuses propositions du Grenelle visent à mieux prévenir et réprimer ces violences indignes de notre civilisation. Certaines trouvent leur traduction dans la présente proposition de loi.
Le phénomène d'emprise est particulièrement pris en compte. Il explique le silence des victimes, leur comportement craintif : l'emprise les cloue auprès de leur bourreau et les entraîne parfois vers la mort.
La proposition de loi modifie le code civil, le code pénal et le code de procédure pénale.
Au plan pénal, il s'agit d'abord de faciliter le signalement des violences conjugales, en donnant la possibilité au médecin de porter les faits à la connaissance du procureur, même sans l'accord de la victime. Je me réjouis que votre commission ait approuvé cette mesure, et l'ait améliorée en précisant que le médecin agira en conscience, en ayant à l'esprit la notion d'emprise.
Le texte améliore la procédure pénale, avec l'interdiction absolue de recourir à la médiation pénale, qui reprend une demande ancienne des associations. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, le juge pourra suspendre le droit de visite et d'hébergement des enfants même sans violence directe à leur encontre.
La proposition de loi améliore enfin les incriminations et renforce la répression du harcèlement ayant conduit au suicide, de l'espionnage au sein du couple ou de l'exposition des mineurs à la pornographie. Commanditer des sévices sexuels sur mineurs à l'étranger pour les visionner sur internet sera puni à titre autonome, même si ces crimes ne sont ni commis, ni tentés.
Sur le plan civil, le texte tient compte des conséquences dévastatrices des violences conjugales sur la famille en excluant toute possibilité pour les enfants de devoir soutenir financièrement le parent condamné pour violence sur l'autre parent au titre de l'obligation alimentaire. La commission a élargi utilement ces dispositions.
De même, la proposition de loi engage une réflexion sur la possibilité de frapper le conjoint violent d'indignité successorale.
Le bracelet anti-rapprochement pourra désormais être imposé par un juge civil, en plus du juge pénal. À cet égard, je soutiens l'amendement du groupe LaREM.
Votre commission des lois a utilement complété les dispositifs proposés. Je partage votre constat sur l'organisation des débats : j'aurais moi aussi préféré un texte unique, mais la proposition de loi Pradié est arrivée avant la fin du Grenelle ; elle était consensuelle. Il ne fallait pas attendre.
Grâce à l'engagement du Gouvernement, le nombre d'ordonnances de protection est passé de 2 975 en 2016 à 3 300 en 2018 et 3 930 en 2019, soit une augmentation de 21 %. Il reste beaucoup à faire. On déplore 36 homicides conjugaux en 2020, contre 150 en 2019. Cela donne de l'espoir, même si nous ne devons pas crier victoire. Il nous faut continuer notre travail. (Quelques applaudissements au centre)
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Professionnels, associations, familles se mobilisent contre les violences conjugales, au-delà désormais des sphères militantes. La société se réveille. Enfin, on appelle les faits par leur nom : féminicide. Dès 2017, le Président de la République a fait de l'égalité hommes-femmes la grande cause du quinquennat.
Le Grenelle des violences conjugales a réuni tous les acteurs, avec une première réunion le 3 septembre 2019, en écho au numéro de téléphone d'urgence 39 19. Pendant trois mois, onze groupes de travail thématiques ont avancé ensemble pour mieux prévenir et mieux sanctionner les violences conjugales. Désormais, plus de 65 % de la population connaît le numéro 39 19, contre 9 % seulement auparavant.
Les propositions restituées fin octobre ont été reprises par le Gouvernement et ont donné lieu à plus d'une cinquantaine de mesures de politique publique, présentées par le Premier ministre le 25 novembre 2019. Certaines relèvent de la loi, et ont été traduites dans la loi Pradié et dans la présente proposition de loi.
La mobilisation de la société civile, des experts, des préfets, des élus s'est traduite par des mesures concrètes : grille d'évaluation du danger, formation de 120 heures pour les forces de l'ordre à l'accueil des victimes... Je remercie l'Ordre des médecins pour son rôle dans la libération de l'écoute. Les professionnels de santé pourront mieux signaler les violences, et ainsi sauver des vies.
Une femme meurt « sous les coups » de son conjoint tous les trois jours, entend-on. Mais le premier mode opératoire est par arme à feu. C'est pourquoi il faut pouvoir saisir les armes dès le dépôt de plainte. Nous oeuvrons à déployer les filières de l'urgence, pour un traitement plus rapide et plus efficace.
La société prend conscience de la situation des enfants. Avec Adrien Taquet, nous portons des mesures de protection, notamment l'aménagement de l'autorité parentale. Cette proposition de loi décharge les descendants de l'obligation alimentaire vis-à-vis du parent condamné.
Le terreau des violences conjugales, c'est la domination d'un membre du couple sur l'autre. La notion d'emprise entre dans la loi pour la première fois. Elle peut mener jusqu'au suicide forcé, ce qui sera reconnu comme circonstance aggravante.
Deux centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales par région seront ouverts d'ici la fin du quinquennat. Des appels à projets, sur le modèle de celui d'Arras, ont été lancés. C'est un moyen de faire baisser la récidive.
Pendant le confinement, nous avons ouvert une ligne d'écoute spéciale avec la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales (Fnacav), qui dépasse les 500 appels depuis sa création le 6 avril.
La priorité est de sortir rapidement le conjoint violent du foyer. C'est pourquoi nous améliorons la coordination pour ouvrir des places d'hébergement spécifiques. Les auteurs de violences sont désormais éloignés en trois heures en moyenne, contre quarante-huit heures avant.
Ce matin j'ai réuni à Matignon les pilotes des onze groupes de travail du Grenelle. Un tiers des préconisations du Grenelle est déjà mis en place, un tiers est en cours de déploiement et un tiers poursuit son chemin, notamment avec le présent texte.
Pendant le confinement, on a dénombré cinq fois plus de signalements sur le portail arretonslesviolences.gouv.fr et 36 % de plus auprès des forces de l'ordre. Élisabeth Moiron-Braud remettra en juillet les conclusions de sa mission de suivi de la prévalence des violences conjugales pendant le confinement.
Divers partenariats nous ont permis d'ouvrir 90 points d'écoute et d'orientation. Le centre d'entraînement de l'OM a ainsi mis ses locaux à disposition des victimes de violences conjugales. Nous avons déployé le signalement par SMS au 114, prévu un fonds d'urgence d'un million d'euros pour soutenir les associations, financé 20 000 nuitées pour les victimes...
Je remercie les parlementaires de tout bord, et notamment les membres de votre commission des lois et de votre délégation aux droits des femmes, qui ont enrichi le texte. Nous poursuivons le même but : lutter contre les violences conjugales et ne rien laisser passer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur le banc de la commission)
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Encore une loi sur les violences conjugales, toujours tant de violences. En 2020, 36 femmes ont été tuées par leur conjoint.
Cette proposition de loi inscrit dans la loi plusieurs préconisations du Grenelle. La commission des lois regrette la concomitance de plusieurs textes sur le sujet, qui ne permet pas de vision globale ; le calendrier d'examen ne nous a pas laissé le temps d'évaluer l'impact du confinement sur les violences intrafamiliales. La délégation aux droits des femmes a mené un travail de veille sur le sujet, nous aurons donc bientôt des éléments d'information.
L'arsenal juridique contre les violences conjugales est déjà très étoffé. De fait, les mesures proposées ici le complètent à la marge : interdiction de la médiation en cas de violences conjugales, renforcement des sanctions en cas de harcèlement, interdiction de la géolocalisation. De nouvelles sanctions civiles sont également prévues : décharge de l'obligation alimentaire - la commission des lois a revu la rédaction - et indignité successorale.
D'autres mesures sont de prévention, comme la suppression du droit de visite et d'hébergement. La saisie des armes prévue à l'article 9 est déjà autorisée et pratiquée, elle n'a rien de révolutionnaire. Et la possibilité pour les professionnels de santé de déroger au secret médical est conditionnée à un danger immédiat et à une situation d'emprise. Le but est manifestement essentiellement pédagogique.
L'article 11 sur l'accès des mineurs aux sites pornographiques se contente d'inscrire dans la loi une jurisprudence ancienne de la Cour de Cassation. La question du contrôle est pourtant essentielle. Souvent, les collégiens y accèdent à ces sites avec leur premier smartphone, au risque d'impacter leur développement et leurs relations avec l'autre sexe. Flaubert écrivait à Louise Colet, le 8 octobre 1852 : « Plus l'humanité se perfectionne, plus l'homme se dégrade ». Je vous propose de confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) un rôle de régulation et le pouvoir de saisir la justice afin qu'elle ordonne le blocage de ces sites. Seules des mesures réellement dissuasives inciteront les éditeurs à agir.
Le Président de la République, devant l'Unesco, le 20 novembre dernier, donnait six mois aux acteurs pour trouver une solution. Le dossier n'a pas avancé, il est donc nécessaire que la représentation nationale s'en saisisse.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Très bien !
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La commission des lois n'a pas été convaincue par les mesures relatives à l'accès provisoire à l'aide juridictionnelle mais a approuvé le droit à un certificat médical, la possibilité de prononcer certaines interdictions en complément de peine ou la nouvelle infraction pour sanctionner les commanditaires de crimes et délits commis à l'étranger.
Nous avons besoin de bonnes lois, mais aussi d'une volonté politique implacable et de moyens. C'est à ce prix que nous pourrons protéger les plus fragiles et infléchir ce monde de violence. Nous devons tous être guetteurs de violence : elle empêche, tout simplement, de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Je remercie la commission des lois et Mme Mercier pour leur travail. Il y a sept mois, nous débattions de la proposition de loi Pradié avant même de connaître les conclusions du Grenelle. Je déplore que la lutte contre les violences conjugales alimente l'inflation législative sans permettre de vrai débat - au moins sont-elles devenues un sujet récurrent de l'agenda parlementaire ! Hélas, cela peut conduire à la parution de décrets regrettables, comme celui du 27 mai, qui marque un recul des droits des victimes.
Sur l'interdiction de la médiation pénale ou la remise en question de l'autorité parentale pour le conjoint violent, des amendements écartés au Sénat ont été repris par le Gouvernement trois semaines plus tard.
Les bonnes pratiques sont pourtant connues. Difficile de comprendre que sur 88 homicides conjugaux, une seule victime ait bénéficié d'une ordonnance de protection ; que 41 % des femmes aient signalé, en vain, au parquet ou aux forces de l'ordre des violences ou des menaces avant d'être tuées ; que sept meurtres aient été commis malgré une interdiction de rentrer en contact ; que 88 % des femmes victimes seraient satisfaites de l'accueil reçu au commissariat. Ce n'est pas le constat des experts !
Le confinement a rendu difficile la protection des femmes et des enfants enfermés dans un foyer violent. L'interaction entre police, parquet et juge civil a été insuffisante. Les victimes doivent pouvoir porter plainte et se voir assurer un accueil adapté dans chaque commissariat, chaque gendarmerie, sur tout le territoire.
Il y a urgence : pour de nombreuses femmes, la réalité du confinement n'est pas terminée. Nous devons gagner ensemble le combat contre les violences conjugales. Espérons que cette proposition de loi y contribuera. (Applaudissements)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je salue nos collègues masculins impliqués sur ce thème. Nous en débattons depuis plusieurs mois. Certes, c'est un signe que le sujet préoccupe, mais surtout que nous légiférons dans de mauvaises conditions.
Cette proposition de loi, déposée en catastrophe, vise avant tout à réconforter la majorité En Marche, dépitée que l'innovante proposition de loi dite Pradié ait su rassembler. Elle ne mérite ni excès d'indignité ni excès d'honneurs. Elle permettra de continuer à avancer, à la marge, et, surtout, de réparer l'erreur du décret du 27 mai 2020 relatif à l'ordonnance de protection qui rend son usage impossible. Trouver un huissier dans la journée est déjà un tour de force. Impossible, en 24 heures, d'obtenir qu'il fasse signifier une ordonnance et en faire retour devant le juge ! Ce décret, fruit de l'incompétence ou du cynisme, qui a mis cinq mois à paraitre, a de facto interdit le recours à l'ordonnance de protection. L'amendement socialiste a reçu l'aval de la majorité, je m'en félicite.
Nous proposerons des amendements complémentaires sur la résidence des enfants, le traitement du conjoint violent, le rôle des magistrats ou l'accueil des plaignantes par les services de police.
Demeure la question des moyens, pour la formation, pour les associations ou encore pour l'aide juridictionnelle. Sans cela, nous n'obtiendrons aucun progrès réel.
Les chiffres connus sur le confinement sont dramatiques. Il faudra en faire un bilan. Nous voterons sans doute ce texte, avec un enthousiasme relatif, vu sa portée limitée. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et RDSE)
Mme Françoise Laborde . - La loi du 4 avril 2006 a marqué une prise de conscience sur les violences conjugales. Celle du 9 juillet 2010 a renforcé la prise en charge juridique des victimes en créant l'ordonnance de protection. La loi du 4 août 2014 a aggravé les sanctions et renforcé l'accompagnement des victimes.
Lorsqu'il existe une politique publique volontariste et claire, on obtient des résultats, dit Ernestine Ronai. La loi d'août 2018, puis la loi Pradié de 2019, à l'issue du Grenelle des violences conjugales, ont renforcé à leur tour le dispositif.
La présente proposition de loi marque une nouvelle avancée.
Les pédopsychiatres exhortent à privilégier l'intérêt de l'enfant. Un conjoint violent ne peut être un bon parent et ne saurait conserver son autorité parentale. Il en va de la construction de l'enfant. Cela doit être une évidence judiciaire.
Je salue ainsi les articles premier à 5. La reconnaissance de l'emprise comme violence psychologique marque un changement de paradigme. L'article 6 sur l'obligation alimentaire et l'article 8 sur le signalement par les professionnels de santé reprennent des recommandations de notre délégation aux droits des femmes.
Luc Frémiot nous a cité des témoignages de l'enfer vécu par certaines femmes confinées avec un conjoint violent. L'un avait calculé à la minute près le temps qu'il fallait à sa femme pour aller au supermarché : au moindre retard, elle était battue... Cela n'arrive pas qu'aux autres.
De nombreux acteurs se sont mobilisés et je leur rends hommage. Les mesures expérimentées, comme le SMS au 114 et l'éloignement des conjoints violents, devront être poursuivies.
Je regrette en revanche l'absence de mesures de lutte contre les violences incestueuses, qui vont souvent de pair avec les violences conjugales. Il est urgent de briser ce tabou. Il faut une prise en charge psychologique des enfants témoins de violences, y compris dans les familles recomposées.
Notre groupe sera vigilant sur la création du comité de pilotage annoncé pour améliorer la mise en oeuvre des ordonnances de protection. Nous attendons aussi des explications sur le décret du 27 mai dernier... Pour nombre d'entre nous, la lutte contre les violences faites aux femmes est un fil rouge de notre mandat parlementaire. Nous voterons en faveur de ce texte, pour que la peur change de camp. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes RDSE, UC, SOCR et Les Républicains)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Les statistiques glaçantes rappellent l'importance des violences conjugales. En 2019, elles ont fait 150 victimes, 121 en 2018, 109 en 2017.
Selon le Conseil économique, social et environnemental, elles sont plus fréquentes et plus graves outre-mer, où la libération de la parole et l'éloignement du conjoint violent sont entravés par l'insularité et de la faible superficie.
Heureusement, la prise de conscience de l'urgence est désormais collective. Le Grenelle des violences conjugales a donné lieu à des annonces fortes en novembre 2019 : budget de 800 000 euros, généralisation du bracelet anti-rapprochement, amélioration du traitement des ordonnances de protection, suppression de l'autorité parentale, adoptées à l'unanimité dans la loi Pradié.
Pendant le confinement, les signalements de violences conjugales ont augmenté de 36 %. Des mesures exceptionnelles ont été mises en place : plateformes, signalement en pharmacie et dans les centres commerciaux, numéro d'écoute, éviction du domicile.
Ce texte complète notre droit en y inscrivant la notion d'emprise psychologique. Le recours à la médiation sera écarté. Tout médecin ou professionnel de santé pourra alerter le procureur sans l'accord de la victime, s'il a l'intime conviction qu'elle court un danger immédiat et est sous l'emprise de l'auteur des violences.
Le cybercontrôle, moyen d'asseoir son emprise sur l'autre, sera désormais sanctionné, je songe à la géolocalisation sans consentement. La proposition de loi met fin à des violences « juridiques » telles que l'obligation alimentaire, qui peut contraindre le descendant d'une victime à financer son parent violent. La commission des lois a réécrit le dispositif pour éviter le risque d'inconstitutionnalité. Elle a ajouté à l'indignité successorale les actes de torture, barbarie et agressions sexuelles. Nous avons déposé des amendements allant dans le même sens.
Des dispositions visent la protection des mineurs : suspension du droit de visite et d'hébergement en cas de violences conjugales, lutte contre l'exposition à la pornographie.
La proposition de loi renforce les peines dans les cas de harcèlement sur conjoint ayant conduit au suicide, de violation du secret des correspondances, d'usurpation d'identité du conjoint.
Cette proposition de loi contient des dispositions importantes et attendues et le groupe LaREM soutient fortement son adoption. La procédure accélérée démontre la volonté politique du Gouvernement. Cet arsenal juridique complet ne sera efficace qu'avec une réelle évolution des mentalités. Je ne doute pas que nous trouverons l'équilibre en CMP.
Mme Esther Benbassa . - Quoi de commun entre Sylvia, 40 ans, du Bas-Rhin, Karine, 48 ans, de la Haute-Loire, et Aminata, 31 ans, de Seine-Saint-Denis ? Elles n'ont ni le même âge, ni la même origine sociale, ni géographique. Elles sont toutes trois mortes poignardées en 2019. Sylvia est décédée après avoir demandé le divorce ; Karine a été assassinée par son ex-petit ami deux ans après leur séparation ; Aminata a succombé aux blessures infligées par son conjoint, sous les yeux de ses deux filles.
L'urgence aurait nécessité un projet de loi de fond sur toutes les violences au sein des foyers. La secrétaire d'État a préféré un Grenelle des violences conjugales dont l'intérêt et l'efficacité restent à démontrer.
Le groupe CRCE n'est pas hostile à cette proposition de loi dont les intentions sont louables. Les articles 3 et 11 A sont importants pour les mineurs ; l'article 9 également, qui autorise la saisie des armes détenues par un conjoint violent. Nous soutenons les dispositifs garantissant la vie privée numérique des victimes : ils inscrivent la lutte dans le XXIe siècle.
La proposition de loi n'est pas exempte de faiblesses. L'article 8 met à mal le secret médical, et inciterait les victimes à ne pas se confier à un médecin.
Mais les reproches à ce texte visent moins ce qu'il contient que ce qu'il omet. La seule réponse aux violences intrafamiliales est la répression, il n'y a rien sur l'éducation ni sur la prévention, pas plus que dans la loi Pradié. Nous le regrettons. Policiers, magistrats, personnel de santé devraient être formés à recevoir les victimes, sans minimiser ce qu'elles endurent.
Et où sont les moyens financiers ? Selon le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, un milliard d'euros devrait être consacré à cette lutte. Seulement 557 millions d'euros ont été inscrits en crédits de paiement dans la loi de finances pour 2020, alors que les associations ont déjà vu leurs subventions baisser considérablement.
Enfin, qu'en est-il de l'accompagnement psychologique, de la thérapie comportementale pour les conjoints violents ? Peut-on guérir les comportements pervers, possessifs, manipulateurs ? Accompagner les agresseurs, c'est en tout cas protéger les victimes. Notre groupe présentera des amendements pour renforcer l'action préventive.
Près de 1 400 femmes ont été tuées en dix ans par leur conjoint ou leur ex-compagnon. Elles représentent 80 % des victimes d'homicides conjugaux.
Toute loi sur les violences conjugales est un mémorial pour ces femmes assassinées et, pour d'autres, représente l'espoir d'échapper à un tel sort. Malgré nos réserves, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mmes Michelle Meunier et Martine Filleul applaudissent également.)
M. Dany Wattebled . - Parmi les violences intrafamiliales en 2018, il y a eu 149 homicides, dont 121 femmes, 20 enfants. Face à l'insupportable, la République doit être à la hauteur. Deux textes ont été votés depuis deux ans ; je m'en félicite. La loi de 2018, dite loi Schiappa, a renforcé la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Elle a institué une nouvelle infraction, l'outrage sexiste, contre le harcèlement de rue et elle a combattu le harcèlement en ligne, précisé la définition du viol, et porté le délai de prescription à trente ans à compter de la majorité de la victime.
La loi Pradié de 2019 est plus centrée sur les violences au sein du couple. Le bracelet anti-rapprochement en est une mesure importante. Cette loi a renforcé le régime juridique de l'ordonnance de protection.
La proposition de loi examinée aujourd'hui transcrit certaines préconisations du Grenelle des violences conjugales, et inclut des mesures sur les mineurs. Je me félicite de la suspension du droit de visite du parent conjoint violent, de la médiation pénale et la médiation familiale, de l'aggravation des peines pour atteinte à la vie privée ; et plus encore, je me réjouis de l'inclusion dans le code civil, pour la première fois, de la notion d'emprise.
L'arsenal juridique est étoffé. Il faut le compléter par un travail de formation des policiers, gendarmes et magistrats, par des moyens financiers supplémentaires pour les associations, par des campagnes de communication.
Trop longtemps, la société a tu la réalité des violences intraconjugales. Ce combat doit mobiliser société civile et puissance publique.
Le groupe Les Indépendants approuve pleinement la démarche de la commission des lois et votera cette proposition. (M. le président de la commission applaudit.)
Mme Dominique Vérien . - Dix mille : c'est le nombre d'appels au 39 19 durant le confinement, preuve du danger qui règne pour les femmes dans notre société.
Mais nous étudions le troisième texte en moins de deux ans sur ce sujet, preuve que le temps de la lutte contre ce fléau est arrivé. Cela est positif. Et pourtant, l'arsenal juridique n'est pas suffisamment employé dans les territoires. Il faut passer de la parole aux actes.
Cette proposition de loi comporte des avancées, même si je regrette que certains éléments n'aient pas été votés dès la proposition de loi Pradié. Elle ne reprend pas toutes les conclusions du Grenelle de l'environnement ; il faudra sans doute un quatrième texte.
La saisie des armes des conjoints violents, l'évolution du secret médical ou la suspension du droit de visite, la lutte contre le harcèlement en ligne sont à souligner.
L'inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) proposée par Marie Mercier est une bonne solution. La consultation d'images pédopornographiques est souvent un prélude à un passage à l'acte. Et l'enfant violé sur l'image est un enfant véritablement violé.
Je salue la rupture avec le dogme du lien familial sacré, longtemps le credo des juges aux affaires familiales, selon lequel on ne sépare pas l'enfant de ses parents. Mais comment estimer nécessaire, positif, de préserver un lien entre le bourreau et sa victime ?
On n'échappe pas seule à l'emprise, cette mare de mazout dans laquelle on se débat, engluée. Sans aide extérieure, impossible de nettoyer ses ailes et reprendre son envol. L'emprise est souvent la clé de compréhension des violences conjugales qui conduisent au meurtre.
La suspension du secret médical est encadrée, j'en remercie la rapporteure. Je défendrai néanmoins un amendement car la notion de « danger immédiat pour la vie » est inopérante : s'il y a danger immédiat, il est déjà trop tard pour intervenir. La simple notion de danger est préférable.
Un bémol, également : la prévention, la détection, le travail contre la récidive sont indispensables pour lutter contre les violences conjugales.
Je me félicite de certaines dispositions : l'éloignement du conjoint violent, la reconnaissance de victimes pour les enfants témoins, le numéro d'appel de la Fnacav pour les conjoints violents. Dois-je rappeler que, dans notre rapport sur la pédocriminalité dans les institutions, Marie Mercier, Michelle Meunier et moi-même appelions de nos voeux la création d'un tel numéro ?
Mieux former policiers et gendarmes permettrait de mieux accueillir les victimes et d'éviter la main courante, pour privilégier un dépôt de plainte systématique.
Je m'interroge sur les stages pour les agresseurs. Pensez-vous qu'ils puissent être guéris en quelques heures ou deux jours ? Les six mois d'attente d'un homme violent pour être reçu par un psychologue ne se transformeront-ils pas en six mois d'enfer pour les victimes ?
Je pourrais souligner le manque criant de psychologues dans les commissariats, ou d'infirmières scolaires dans les établissements. Mais ce n'est pas parce que le chemin est long qu'il ne faut pas le prendre.
Malgré les insuffisances de cette proposition de loi, le groupe centriste la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Michelle Meunier, Martine Filleul, ainsi que Mme le rapporteur, applaudissent également.)
Mme Laure Darcos . - Cette proposition de loi est une conséquence du Grenelle des violences conjugales et un prolongement de la loi Pradié, qui a permis le renforcement de l'ordonnance de protection et le bracelet anti-rapprochement associé à l'éviction du conjoint violent du domicile, ainsi qu'un relogement facilité pour les victimes. Pourquoi un nouveau texte avant un bilan de la loi de 2019 ?
Il faudrait des moyens suffisants, notamment pour le bracelet électronique. La proposition de loi Pradié était un texte pragmatique. Quant au présent texte, la commission de l'Assemblée nationale n'a rien laissé des dispositions sur l'autorité parentale qui figuraient dans la rédaction initiale, estimant qu'elles étaient satisfaites par le droit actuel. Dans le passé, les décisions de retrait étaient trop peu nombreuses, sans doute parce que prédominait l'idée que l'intérêt supérieur de l'enfant exige de maintenir coûte que coûte le lien avec le parent auteur des violences. La loi de 2019 a permis aux juridictions civiles et pénales de prononcer le retrait de l'autorité parentale, total ou partiel, voire de la suspendre durant six mois, dans l'attente d'une décision judiciaire. Cela préservera l'intégrité physique et psychique des enfants, qu'il faut protéger.
La délégation aux droits des femmes a mené de nombreux travaux sur la fragilisation des enfants, parfois atteints d'un syndrome de stress post-traumatique : le fonctionnement cognitif est affecté, conduisant souvent à l'échec scolaire. À l'âge adulte en outre, ces enfants risquent de reproduire des comportements violents.
La proposition de loi permet au juge de suspendre le droit de visite et d'hébergement en cas de contrôle judiciaire, ce qui n'était pas prévu par la loi de 2019. C'est indispensable pour protéger les victimes et je soutiens totalement cette mesure.
Il est temps de mettre un terme à l'inflation législative et de laisser les acteurs se saisir de ces outils. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol . - (M. Patrick Kanner applaudit.) Je rends hommage aux militantes féminines, souvent raillées et caricaturées, sans lesquelles pourtant on ne parlerait jamais de violences conjugales. Nous n'en avons pas fini avec la compréhension collective du phénomène et l'action publique.
Sans surprise, le groupe socialiste et républicain votera ce texte, ou plutôt ces articles - car il ne s'agit pas réellement d'une loi.
La première loi sur les violences faites aux femmes date de 1992 - le fait que le meurtrier soit le conjoint avait été inscrit comme une circonstance aggravante.
Il y a une addition permanente de nouvelles lois et de nouveaux articles sur les violences faites aux femmes. Le tissu juridique est pourtant loin d'être parfait. La loi d'aujourd'hui ne rompt pas avec cette construction et d'autres suivront...
Ce mode de construction segmente les différentes dimensions de la condition des femmes. Nous aurions voulu une mobilisation de la société. Il y a eu le mouvement #Metoo, et les médias ont fait un travail énorme, comme jamais auparavant. Mais nous aurions souhaité une grande loi contre les violences faites aux femmes, y compris les violences économiques. Les femmes subissent les impayés de pensions alimentaires - je regrette à cet égard que la mise en place de l'Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (Aripa) ait été retardée de six mois.
Cette grande loi aurait également pu traiter des droits reproductifs et sexuels. Lorsqu'on s'oppose à l'allongement du délai d'IVG pendant le confinement, on fait une violence aux femmes. Et pourtant, vous venez régulièrement au Parlement avec des textes, vous auriez donc pu inclure une loi anti-sexiste.
La dimension mortifère des séparations n'est pas suffisamment prise en compte. On continue à ne pas vouloir se mêler, à la Chancellerie, de l'office du juge. Pourtant les séparations donnent lieu à des violences. Il faut indiquer ces matières comme celles sur lesquelles le juge doit se prononcer systématiquement.
Dans la vraie vie, il n'y a pas « le » juge mais quantité de juges... et il y a aussi beaucoup de femmes maltraitées. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - La méthode et le calendrier de cette proposition de loi sont contestables, peu après la loi Pradié. Mais il faut souligner les avancées, malgré un arsenal juridique déjà assez complet. Je salue les exceptions d'indignité inscrites à l'article 3.
S'agissant de l'obligation alimentaire, on renoue avec l'esprit du code civil qui vise à moraliser les comportements. La commission des lois a, je la soutiens, préféré la décision au juge à un dispositif automatique.
De même, une personne peut être jugée indigne d'être admise à la succession du défunt et la commission des lois a élargi cette possibilité aux cas de peines correctionnelles - cela s'applique également lorsque le conjoint violent est décédé avant l'action publique.
Sur la protection des mineurs, les mesures sont purement techniques mais seront précieuses en pratique. En revanche, le chapitre 8, hétérogène, comporte seulement trois articles de portée limitée, sur l'exposition à la pornographie limitée ou l'achat à l'étranger de vidéos représentant des crimes et des abus sexuels.
La législation française paraissant complète, il faut s'interroger sur les outils pertinents. Le confinement a permis de mieux comprendre dans quelle camisole psychiatrique, selon les mots de Luc Frémiot, vivent les victimes d'emprise, subissant vingt-quatre heures sur vingt-quatre la présence de leur agresseur.
Je salue le travail de la délégation aux droits des femmes et du rapporteur Marie Mercier.
Tout texte qui concourt à une amélioration de la situation est un progrès. Aussi je ne doute pas que la majorité du groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)
M. Max Brisson . - Le texte d'Aurélien Pradié a apporté des avancées significatives. Je salue la proposition de loi d'aujourd'hui. Mais je regrette qu'en quelques mois nous ayons deux textes différents sur un sujet identique. En outre, je m'interroge sur la pertinence de l'outil législatif pour traiter de ce problème.
La levée du secret médical est néanmoins une avancée, comme les mesures de prévention, d'accueil et de suivi. Après la loi Pradié, la majorité devait laisser sa marque législative... Mais tout ne sera pas réglé.
Soutenir les associations, former les policiers et gendarmes, améliorer le fonctionnement de la justice, mieux coordonner les acteurs : tels sont les enjeux à traiter.
Avec la délégation aux droits des femmes, nous avons rendu visite dans nos départements à ceux qui sont engagés dans cette lutte. J'ai rencontré des personnes admirables, mais des structures d'une grande fragilité, dont les financements dépendent de nombreuses autorités. Que de temps passé en démarches, que d'instabilité ! Ces structures sont souvent contraintes de fonctionner en silo alors que la synergie serait nécessaire pour apporter tout le soutien approprié aux victimes. Une meilleure coordination des moyens et des procédures simplifiées ne passe pas par la loi. J'appelle de mes voeux un rôle accru des collectivités territoriales.
Néanmoins, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . - Merci pour vos observations et propositions. La formation des policiers et des magistrats est déjà à l'oeuvre. Mme de la Gontrie a évoqué le décret du 27 mai. Vous avez décidé dans la loi Pradié que les ordonnances de protection seraient publiées dans un délai de six jours. Nous nous assurons par ce décret qu'elles puissent effectivement l'être, tout en respectant le principe du contradictoire. À cet effet, un délai de vingt-quatre heures est prévu pour informer le défendeur. Dès demain, la haut-fonctionnaire de mon ministère chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes réunit les professionnels et les associations pour en discuter. Un comité de pilotage sera mis en place.
Je prendrai en compte les suggestions utiles et rectifications nécessaires, dès lors que le principe du contradictoire est respecté. Mon seul souci, c'est d'assurer l'effectivité du délai de six jours.
La discussion générale est close.
La séance est suspendue quelques instants.
Discussion des articles
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier (Suppression maintenue)
Mme la présidente. - Amendement n°31, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur les moyens des politiques publiques de lutte contre les violences conjugales.
Mme Michelle Meunier. - On l'a entendu dans la discussion générale, nous le disons sur toutes les travées : la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales nécessite des moyens à la hauteur des ambitions affichées. Les dispositions de cette proposition de loi ne seront efficaces que si le Gouvernement renforce de manière conséquente les moyens de la justice et des associations.
Les moyens et les modalités d'intervention de la police et la formation des professionnels de la justice, de la police, des services sociaux, médicaux, de l'hébergement devront être évalués. Il faut également une information massive sur les outils mis à disposition des victimes.
Cet amendement assure la bonne information des parlementaires sur les moyens consacrés à cette politique.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Vous savez que nous sommes contre les demandes de rapport. Beaucoup d'informations sont déjà disponibles. Il s'agit, par ailleurs, d'un sujet dont le Parlement pourrait se saisir.
Avis défavorable sur l'amendement, mais convergence de vues sur le message...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Marlène Schiappa établit chaque année un bilan de la politique - interministérielle - conduite contre les violences conjugales.
L'amendement n°31 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°32, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas de violences conjugales, l'inscription au registre de main courante ne peut se substituer au dépôt de plainte. »
Mme Martine Filleul. - Cet amendement défend le principe de la plainte car la main courante n'a aucun effet. Il est suffisamment difficile pour une femme de se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie, il ne faudrait pas l'inciter à choisir la main courante.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Nous avions déjà examiné cet amendement au moment de la loi Pradié et nous l'avions rejeté, car l'article 15-3 du code de procédure pénale prévoit déjà que « les officiers et les agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale ».
L'adoption de cet amendement pourrait créer un risque d'interprétation a contrario en donnant l'impression que, pour d'autres infractions, cela serait plus acceptable. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Il faut être très lucide : s'il y a eu main courante et non plainte, les parquets ne seront pas informés. Si au premier degré de la démarche, dans un commissariat ou une gendarmerie, on s'en tient à une main courante, on manque l'entrée dans la procédure pour ces victimes de violences.
Nous en avons déjà parlé, c'est vrai, mais il est important de spécifier cela dans le texte. Quand je vois le décret sur les ordonnances de protection, j'estime que nos débats ne sont pas inutiles.
Mme Laurence Rossignol. - Ce n'est pas utile de le dire car c'est dans la loi, dit la rapporteure. Mais la loi n'est pas appliquée ! De nombreuses femmes, ignorant le code de procédure pénale, croient avoir déposé plainte puis s'étonnent de ne rien voir changer !
Qu'on ne nous explique pas qu'il y a des formations ! Visiblement, tous les gendarmes et policiers ne sont pas assidus...
Mme Dominique Vérien. - Chez moi, la plainte est la règle désormais... parce que le colonel de gendarmerie en a décidé ainsi. Ce n'est pas normal que l'application repose ainsi sur la volonté personnelle. C'est pourquoi je voterai cet amendement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - La main courante n'empêche pas l'ouverture d'une enquête ni les poursuites par le parquet. Il est positif de laisser le choix à la victime.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation. - Cela me pose un problème s'il y a une différence de nature entre main courante et dépôt de plainte. Je voterai cet amendement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je comprends ce que vous ressentez. Le problème est réel, mais la solution ne réside pas dans une nouvelle mesure puisqu'elle figure déjà dans la loi. Il convient donc de former les gendarmes et les policiers pour qu'ils appliquent cette disposition. Restons-en là.
L'amendement n°32 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°60 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du second alinéa de l'article 515-10 du code civil, les mots : « par tous moyens adaptés » sont remplacés par les mots : « par voie de signification à la charge du ministère public ou par voie administrative ».
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement revient sur le décret du 27 mai pris en application de la loi du 28 décembre 2019. Lorsqu'une femme veut obtenir une ordonnance de protection, elle demande une date d'examen contradictoire à un juge. Lorsque le juge fixe une date, cette femme a vingt-quatre heures pour la notifier à son adversaire et en apporter la preuve au juge. Si elle ne le fait pas, sa requête est caduque. Elle doit soit déposer un recommandé avec accusé de réception - mais cela prend six jours ! - soit faire appel à un huissier ou à un gendarme. La démarche est difficile et coûteuse : les délais ne sont donc pas adaptés.
Nous proposons que la démarche revienne par voie de signification à la charge du ministère public ou par voie administrative afin de simplifier le recours aux ordonnances de protection. Nous résolvons ainsi la question du délai de vingt-quatre heures qui a beaucoup ému les associations et les avocats. Je vais dans le sens de Mme la garde des Sceaux qui a dit tout à l'heure qu'elle souhaitait un recours massif aux ordonnances de protection et j'ajouterai... quoi qu'il en coûte ! (Sourires)
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - D'abord, nous avons supprimé la lettre recommandée avec accusé de réception. Nous avons organisé, au sein des tribunaux, pour répondre à l'exigence des six jours, les filières de l'urgence. Demain, nous aurons une nouvelle réunion de travail à ce sujet.
Dès que le juge aura fixé la date de l'audience, les associations, les avocats et les huissiers qui sont disposés à organiser des permanences assureront la mise en oeuvre de la signification.
La voie administrative monopoliserait les services de police et de gendarmerie pour délivrer des décisions de justice, ce qui ne semble pas opportun.
Si les forces de l'ordre ou administratives n'arrivent pas à notifier la décision au défendeur, elles ne peuvent pas dresser un procès-verbal d'absence, qui par contre peut être fait par huissier. L'impact n'est donc pas le même.
Enfin, nous travaillons à inclure les frais d'huissier dans l'aide juridictionnelle.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
Mme Laurence Cohen. - Nous partageons l'analyse de notre collègue sur le décret du 27 mai.
Notre amendement n°84, jugé irrecevable au titre de l'article 41, allait dans le même sens. Monsieur Bas, je m'étonne de cette irrecevabilité alors que notre amendement traitait du même sujet et qu'une proposition de réécriture a été proposée à l'amendement du groupe socialiste et républicain. Ce n'est pas la première fois que notre groupe pâtit d'une application des irrecevabilités, et il faudra faire le point sur cette pratique, qui varie en fonction des groupes.
Nous n'avons pas été convaincus par la garde des Sceaux qui est malheureusement partie. Les démarches administratives pèsent sur les victimes.
M. Philippe Bas, président de la commission. - L'amendement n°60 rectifié bis et le vôtre, déclaré irrecevable, étaient différents. Le vôtre reprenait les termes du décret : il intervenait donc directement dans le champ réglementaire, quels que soient ses mérites.
L'amendement n°60 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article 515-11 du code civil, après les mots : « violence allégués », sont insérés les mots : « , y compris celles mentionnées à l'article 222-14-3 du code pénal, ».
Mme Claudine Lepage. - Cet amendement renforce la lutte contre les violences faites aux femmes en intégrant les violences psychologiques, définies à l'article 222-14-3 du code pénal, à l'ordonnance de protection.
Elles participent en effet de l'installation du phénomène d'emprise de l'auteur des violences sur la victime. Les associations spécialisées et les avocats amenés à accompagner les femmes victimes de violences soulignent un manque de prise en considération du caractère psychologique des violences.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Votre amendement est satisfait par le code pénal. Retrait ou avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. - Je vous prie d'excuser la garde des Sceaux, retenue quelque temps à l'Assemblée nationale.
Demande de retrait ou avis défavorable pour les mêmes raisons. Les violences psychologiques sont déjà largement prises en compte.
L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article 515-11 du code civil, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « ou le danger ».
Mme Michelle Meunier. - L'exigence cumulative de la vraisemblance de faits de violence allégués et du danger pose de nombreuses difficultés d'interprétation. En effet, elle sous-entend que le danger n'est pas forcément produit par la violence : il y aurait donc des violences sans danger.
Cela pousse certains praticiens à écarter l'octroi de l'ordonnance de protection en considérant que les violences alléguées ne constituent pas un danger suffisant. Cette situation engendre un risque pour de nombreuses femmes : toute violence doit entraîner une protection de la victime.
Cet amendement rend plus effective la portée de l'ordonnance de protection en supprimant cette exigence cumulative.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement rend alternatives et non plus cumulatives les conditions de faits de violence allégués et de danger pour la délivrance d'une ordonnance de protection.
Une ordonnance de protection est prononcée dès que le juge considère comme « vraisemblables » la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée. Il dispose déjà d'une large marge d'appréciation. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le guide des bonnes pratiques de l'ordonnance de protection qui a été publié la semaine dernière le rappelle.
Mme Laurence Rossignol. - Nous avions déjà eu ce débat lors de l'examen de la proposition de loi Pradié. Les juges ont des pratiques diverses : le cumul des deux exigences - violence alléguée et danger - est trop lourd, d'autant qu'il s'agit de les apprécier subjectivement. Cela laisse une trop grande marge d'appréciation au juge et restreint la possibilité de prononcer une ordonnance de protection.
En outre, ne pensez-vous pas que seule l'une des deux exigences devrait suffire ? Qu'une femme se rende devant le juge pour violences conjugales devrait suffire pour constater le danger.
Si le but du Gouvernement est d'accroître le nombre d'ordonnances de protection, il faut permettre au juge de choisir une des deux conditions.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je fais confiance aux juges aux affaires familiales qui exercent un rôle difficile, mais ils doivent respecter les règles juridiques, soit dans le cas présent le cumul des conditions. Une seule devrait suffire au juge pour agir.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je suis sensible à ces arguments, mais ils ne sont pas adaptés à la rédaction de l'amendement. Il ne faut pas proposer une alternative au juge : violence ou danger. Ce n'est pas cohérent avec vos explications.
Il aurait été préférable de supprimer les mots « et le danger », car les violences suffisent à accréditer l'hypothèse d'un danger, sauf à imaginer un danger sans violence, ce qui serait complexe à estimer pour un juge.
Seriez-vous prête à rectifier votre amendement en ce sens ? Qu'est-ce que le danger ? Sans violence, il est trop difficile à apprécier.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Nous pourrions proposer « les violences de nature à mettre en danger » ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - Nous sommes coopératifs !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je ne suis pas d'accord avec la proposition du président Bas : des menaces de mort créent un danger, mais ne ressortent pas de la violence. Il faut donc viser les deux, la violence et le danger, mais pas forcément simultanément.
L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°61 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article 515-11 du code civil, après le mot : « danger », il est inséré le mot : « vraisemblable ».
Mme Monique Lubin. - Pour la délivrance des ordonnances de protection, la notion de danger est souvent interprétée par les juges du fond comme un danger de moins de huit jours auquel est exposée la victime.
Or le danger peut s'analyser en danger vraisemblable et non en danger caractérisé. Cet amendement renforce la protection des victimes en élargissant la notion de danger et il a été proposé par le conseil national des barreaux.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Une ordonnance de protection est prononcée dès que le juge considère comme « vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée ».
Votre amendement est satisfait par le droit en vigueur car la violence de même que le danger doivent être vraisemblables. Demande de retrait.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Cet amendement aboutirait à ce qu'un défendeur soit expulsé de son domicile ou perde son autorité parentale en raison d'une double vraisemblance.
Il faut que le danger soit caractérisé, tandis que la violence peut être vraisemblable. Cela relève en outre du guide pratique de l'ordonnance de protection.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement de repli remonte des professionnels ; il est fondé sur la pratique.
La France, contrairement à l'Espagne, ne s'est pas saisie de l'ordonnance de protection : les juges n'en ont pas fait usage. Il faut en faciliter l'accès en simplifiant la notion de danger.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation. - Les chances qu'une victime soit prise au sérieux ne doivent pas dépendre de la formation des professionnels ni de son appréciation vraisemblable du danger. Lorsqu'une femme demande le divorce, elle est en danger. Or le juge pensera-t-il de même ? Je voterai donc cet amendement.
L'amendement n°61 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°40 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa de l'article 515-11 du code civil, les mots : « est compétent pour » sont remplacés par les mots : « se prononce sur chacune des mesures suivantes ».
Mme Monique Lubin. - Le droit actuel prévoit que le juge aux affaires familiales ait compétence pour statuer sur plusieurs mesures dans le cadre de l'ordonnance de protection, et notamment sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il peut choisir de ne pas se prononcer sur certaines, y compris lorsqu'elles peuvent s'appliquer.
Cet amendement prévoit que le juge doit statuer sur chacune des mesures de l'ordonnance de protection.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - En principe, le juge civil ne peut statuer que sur des demandes qui ont été formulées et ayant fait l'objet d'un débat contradictoire.
La proposition de loi Pradié est un point d'équilibre entre ce qui est possible procéduralement et le souhait de voir le juge se prononcer davantage sur le panel des mesures de l'ordonnance de protection. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons.
Mme Laurence Rossignol. - Pourquoi cet amendement ? Je parviendrai peut-être à convaincre un ancien et actuel ministre de la Protection de l'enfance.
Lors d'un procès d'assises d'un père pour infanticide, celui de la petite Marina, le juge n'était pas tenu à statuer sur le maintien de l'autorité parentale de l'auteur de ce meurtre sur les autres frères et soeurs. Comme nous ne sommes pas favorables aux peines automatiques, il faut obliger le juge à se prononcer. Ici, c'est la même démarche, pour le maintien ou non du droit de visite ou d'hébergement. Cela n'est en effet pas précisé dans certaines ordonnances de protection. Sur chacune des mesures de l'ordonnance, le juge doit dire oui ou non.
L'amendement n°40 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°41 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 515-11 du code civil est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du 3° est ainsi modifiée :
a) Les mots : « À la demande du conjoint qui n'est pas l'auteur des violences » et le mot : « lui » sont supprimés ;
b) Après les mots : « , sur ordonnance spécialement motivée, », sont insérés les mots : « au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences » ;
2° La deuxième phrase du 4° est ainsi modifiée :
a) Les mots : « À la demande du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin qui n'est pas l'auteur des violences » et le mot : « lui » sont supprimés ;
b) Après les mots : « sur ordonnance spécialement motivée, », sont insérés les mots : « au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n'est pas l'auteur des violences ».
Mme Claudine Lepage. - Le droit à l'éviction du conjoint violent est reconnu en théorie comme un principe de droit commun dans la mise en sécurité des victimes de violences conjugales. En pratique, il n'est appliqué qu'à titre subsidiaire et est trop peu sollicité. Cet amendement vise à améliorer l'effectivité de ce principe en prévoyant que les victimes n'aient pas à faire la demande de leur maintien dans le logement. « Sauf circonstances particulières, sur ordonnance spécialement motivée », le maintien au domicile de la personne qui n'est pas auteur des violences est de droit.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le droit en vigueur le prévoit déjà mais la rédaction que vous proposez permet de réaffirmer encore ce principe. Avis favorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Nous avons déjà eu ce débat en décembre. Le logement du couple est attribué à la personne qui n'est pas l'auteur des violences. Priver le juge de tout pouvoir d'appréciation est inopportun, voire dangereux. Un grand nombre de victimes veulent déménager car elles ne souhaitent pas être localisées. Ne modifions pas la loi de 2019. Un point d'étape sera fait lors du comité de pilotage sur les ordonnances de protection. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement n'empêche pas le juge de le décider, mais il faut des circonstances particulières et une ordonnance spécialement motivée.
Que des femmes souhaitent habiter ailleurs relève d'un autre cas de figure. Le plus fréquemment, la femme et les enfants veulent que le conjoint violent quitte le domicile. Merci à Mme la rapporteure d'avoir trouvé la précision utile.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - C'est déjà le droit positif. Nul besoin de le rajouter. L'avis est toujours défavorable.
L'amendement n°41 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°70 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 515-11 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le 4°, il inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Se prononcer sur le maintien de l'autorité parentale de l'auteur des violences. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l'autorité parentale de la partie défenderesse doit être spécialement motivée, et le juge doit se prononcer sur les modalités du droit de visite et d'hébergement au sens de l'article 373-2-9 ; »
2° Au 5° les mots : « sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et, au sens de l'article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d'hébergement, ainsi que, le cas échéant » sont remplacés par les mots : « , le cas échéant et y compris si la suspension de l'autorité parentale prévue au 4° bis est prononcée, ».
Mme Michelle Meunier. - Inspiré des recommandations des associations d'accompagnement des femmes et partant du principe qu'un conjoint violent n'est pas un bon père, cet amendement prévoit l'examen systématique de la suspension de l'autorité parentale de l'auteur des violences dans le cadre de l'ordonnance de protection. Il prévoit que le juge doit se prononcer sur le maintien de l'autorité parentale de la partie défenderesse, puis sur les modalités du droit de visite et d'hébergement. La suspension de l'autorité parentale n'entraîne toutefois pas automatiquement la cessation de la contribution aux charges du mariage, de l'aide matérielle pour les partenaires d'un Pacs et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le juge aux affaires familiales peut se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, pour protéger l'enfant et le conjoint victime.
Lui confier un pouvoir de suspension de l'autorité parentale dans le cadre de l'ordonnance de protection ne me semble pas opportun. Nous avons voté il y a quelques mois un mécanisme de suspension de l'exercice de l'autorité parentale - et non pas suspension de l'autorité parentale - pour six mois, pour les personnes poursuivies ou condamnées, même non définitivement, pour un crime sur l'autre parent.
Les parents violents peuvent se voir retirer totalement l'autorité parentale en dehors de toute condamnation pénale par le tribunal judiciaire. Il convient de mettre ce système à l'épreuve avant de le modifier à nouveau. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis défavorable pour les mêmes raisons.
À la demande de la commission, l'amendement n°70 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°117 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 225 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°71 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° bis de l'article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler le ou les lieux de scolarisation de son ou ses enfants ; ».
Mme Laurence Rossignol. - Madame la rapporteure, nous reprenons des débats de la proposition de loi Pradié, non totalement achevée ! Depuis décembre dernier, notre connaissance commune des violences faites aux femmes a évolué.
La séparation est la première cause de passage à l'acte dans les féminicides. De plus, les enfants sont un moyen de pression du parent qui refuse la séparation à l'encontre de l'autre parent. De nombreux articles ont parfaitement décrit ces situations.
L'école est le moyen pour un ex-conjoint qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement mais encore détenteur de l'autorité parentale de retrouver les enfants et la mère et de la poursuivre de sa haine et de sa rancoeur. C'est à ce moment qu'arrivent les féminicides.
Nous proposons donc que dans l'ordonnance de protection, le juge puisse prévoir que le lieu de scolarisation ne soit pas communiqué au conjoint, même s'il a conservé l'autorité parentale.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Il s'agit de retirer à un des parents l'exercice de l'un des attributs de l'autorité parentale, mais les deux sont liés : si le juge confie l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'un des deux parents, il est possible de le priver de certaines informations relatives à la vie quotidienne et à l'éducation de l'enfant.
Le JAF doit déjà se prononcer, dans le cadre de l'ordonnance de protection, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ce qui répond à votre amendement. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Retrait ou avis défavorable. Il y a confusion. La mention de l'école ne doit pas figurer dans l'ordonnance de protection. Cela se rattache à l'exercice de l'autorité parentale, comme l'a dit Mme la rapporteure.
C'est l'interdiction d'entrer en contact avec le parent victime et les enfants et l'interdiction de paraître sur le lieu de l'école qui seront plus efficaces.
Mme Laurence Rossignol. - Je ne retirerai pas l'amendement. Si le JAF a organisé l'exercice de l'autorité parentale de telle façon que le père violent ne connaisse pas le lieu de scolarisation des enfants, c'est possible. Mais la justice française est très attachée au maintien du lien. Il a fallu beaucoup de temps pour expliquer qu'un mari violent n'était pas forcément un bon père.
On exfiltre une femme, des enfants, mais on conserve au père le chemin pour aller jusqu'à la mère, par un appel téléphonique à la mairie ou au rectorat.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Nous tous avons de bonnes intentions. Si le juge suspend l'exercice de l'autorité parentale, pourquoi appliquerait-il la mesure que vous proposez ? C'est en conscience que le juge prendra ou non les mesures nécessaires en l'espèce.
L'ordonnance de protection ne contient pas les mêmes garanties qu'un jugement : pour aller vite, on prend le risque de ne pas protéger les droits de la défense afin de protéger la victime. Mais ensuite, il faut une procédure contradictoire.
À vouloir multiplier les réglages de procédure, vous n'améliorerez pas la protection des femmes. Le juge dispose déjà de tout un arsenal pour protéger les victimes, notamment pour éviter de donner l'adresse de l'école des enfants.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - N'oubliez pas, président, qu'il y a du contradictoire dans l'ordonnance ; c'est pourquoi il y a un délai de six jours et il est possible de faire appel.
Nous ne sommes pas d'accord : certains pensent que le lien de scolarisation ne doit pas être connu, d'autres non. N'entrons pas dans des arguties procédurales pour écarter cet amendement.
Mme Laurence Cohen. - Lors de nos auditions à la délégation aux droits des femmes, nous avons eu connaissance de drames dans ces circonstances. Dans la vraie vie, cela existe !
L'arsenal existe, mais il y a des manques. Sinon, on n'aurait pas besoin de renforcer la loi ! Il faut donner des outils supplémentaires au juge pour protéger les femmes.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Soyons réalistes : le JAF ne prendra pas cette mesure, puisqu'il n'aura pas pris la précédente.
L'amendement n°71 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly et Tissot.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° bis de l'article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, la partie demanderesse peut poursuivre la dissimulation de son domicile ou de sa résidence ou du lieu de scolarisation de ses enfants prévue par les alinéas précédents à l'expiration de l'ordonnance de protection. »
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement permet au juge de dissimuler l'adresse du domicile après la fin de l'ordonnance de protection.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je n'y suis pas favorable car les mesures de l'ordonnance de protection sont nécessairement provisoires.
Votre amendement ne prévoit en outre aucun délai limite, alors que l'ordonnance peut être renouvelée.
Si le danger persiste, il convient de passer à la voie pénale pour réprimer efficacement les auteurs d'infraction. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°25 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 7° de l'article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de location du logement d'une personne qui n'a pas commis de violences, et au bénéfice de qui a été attribuée la jouissance du logement commun ou conjugal, ne peut être rompu ou résilié qu'avec son accord exprès. »
Mme Monique Lubin. - Lorsque la victime de violences obtient une ordonnance de protection, le conjoint ou ex-conjoint auteur des violences peut être exclu du logement.
Or actuellement, lorsque l'auteur des violences est titulaire du bail de location du logement commun, il peut demander au propriétaire, unilatéralement, la résiliation ou la rupture du contrat de bail. Cette situation n'est que trop fréquente. Cet amendement s'assure que le conjoint ou ex-conjoint violent ne puisse dénoncer le contrat de bail et que le bailleur ne puisse le rompre qu'avec l'accord exprès de la victime qui occupe le logement.
Ainsi, l'ordonnance de protection produirait des effets opposables au propriétaire bailleur du logement occupé par la victime.
Protégeons les femmes victimes, qui ont le droit de rester dans leur logement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Votre amendement pose plusieurs difficultés. Le dispositif fait mention du logement commun ou conjugal. Or les époux sont automatiquement co-titulaires du bail : dans cette hypothèse, aucune résiliation unilatérale du bail n'est possible.
Les partenaires d'un PACS peuvent également être co-titulaires du bail, s'ils l'ont demandé mais ce n'est pas automatique.
La disposition de cet amendement ne peut pas être applicable envers le bailleur : celui-ci n'a pas connaissance des décisions judiciaires et n'a aucune relation contractuelle avec la personne qui n'est pas titulaire du bail.
En tout état de cause, une personne victime de violences à laquelle le JAF attribuerait la jouissance du logement ne pourrait pas être expulsée du logement, mesure qui ne peut être prononcée que par un juge. La victime bénéficiaire d'une ordonnance de protection ne serait pas considérée sans droit ni titre et il n'est pas imaginable qu'un juge prononce l'expulsion dans ce cas-là.
Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable pour les mêmes raisons. La loi du 28 décembre 2019 prévoit des dispositions pour l'attribution de logements d'urgence aux victimes de violence.
L'amendement n°44 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l'article 515-11 du code civil, les mots : « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants » sont supprimés.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement prévoit que le parquet soit toujours informé de la délivrance d'une ordonnance de protection.
En effet, selon la loi du 28 décembre, en cas de délivrance d'une ordonnance de protection et en présence de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, le procureur de la République est informé sans délai. S'il n'y a pas d'enfant, il n'y aurait pas lieu d'informer le procureur de la République, selon la loi du 28 décembre. C'est curieux... Comment piloter les ordonnances de protection sans une information complète ?
En matière civile, la remontée des informations entre le juge et le parquet n'est pas toujours aussi naturelle que dans le domaine pénal. Supprimons cette condition limitative.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le parquet en est tenu informé car il est présent à tous les stades de l'instance civile. Il reçoit toutes les demandes et est partie jointe à l'audience dans la plupart des cas.
La loi ne prévoit toutefois son information expresse lors de la délivrance d'une ordonnance de protection que dans le cas particulier d'enfants en danger.
Compte tenu des difficultés qu'il a pu être constaté dans les circuits d'information dans les juridictions, il me semble effectivement utile de préciser dans la loi que toutes les ordonnances de protection font l'objet d'une information sans délai du parquet. Je ne crois pas que cela affaiblisse la protection des enfants. Avis favorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Je comprends l'intention des auteurs de l'amendement mais il produit l'effet contraire de ce qui est recherché...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ah !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je vais essayer de vous en convaincre. Le procureur de la République est déjà informé des ordonnances, étant partie jointe à la procédure. C'est dans la loi de 2019. Et lorsque je me rends dans les juridictions, je constate qu'elles ont toutes fait en sorte qu'il soit systématiquement prévenu.
C'est le parquet qui fait procéder à l'inscription de l'ordonnance de protection au fichier des personnes recherchées et au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes.
Votre amendement supprime le signalement spécifique des mineurs en danger, ce qui serait un recul pour leur protection.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - La dialectique de la garde des Sceaux me laisse coite... Je n'entends rien qui limite le champ d'information du parquet.
De deux choses l'une. Soit cela existe déjà, si c'est utile, pourquoi ne pas l'écrire ? En outre, la présence systématique du parquet dans les procédures civiles reste théorique. Soit l'on considère que l'information actuelle est restrictive, et je ne vois pas en quoi notre amendement amoindrirait leur protection !
Mme Dominique Vérien. - Très bien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Vous écrivez dans l'amendement : « les mots « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants » sont supprimés ». Cela pose un problème en matière de protection des mineurs, puisque vous supprimez un spécialement spécifique.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Non !
Mme Laurence Rossignol. - Ayons des travaux constructifs. L'article 515-11 du code civil, dans sa rédaction actuelle, réserve la transmission de l'ordonnance au parquet à l'hypothèse de dangers possibles sur les enfants.
Nous disons que toute ordonnance de protection doit être systématiquement transmise au parquet. Cela n'enlève rien au droit des enfants. (Mmes Marie-Pierre de la Gontrie, Françoise Laborde, Annick Billon et Dominique Vérien approuvent.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Depuis la loi Pradié, à l'article 515-10, il est écrit explicitement que toute ordonnance est transmise au ministère public. Le 515-11 est une alerte supplémentaire en faveur des enfants en danger, un dossier particulièrement signalé à l'attention des procureurs. Nous souhaitons la conserver
Mme Laurence Rossignol. - Il est possible que nous nous trompions... mais, à la relecture dudit article, il ne me semble pas.
L'amendement n°42 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mmes Annick Billon et Dominique Vérien. - Très bien !
Mme la présidente. - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l'article 515-12 du code civil, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » .
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement prévoit l'allongement de l'ordonnance de protection de six mois à un an. En cette période, les tribunaux ne fonctionnent pas très bien, les procédures sont longues. En outre, des procédures pénales peuvent ralentir les procédures civiles engagées par la victime.
Notre amendement évite un nouveau passage devant le juge au bout de six mois.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a déjà allongé de quatre à six mois ce délai.
Les mesures de l'ordonnance de protection peuvent également être prolongées au-delà de cette période si une requête en divorce ou séparation de corps, ou une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale a été déposée. Un compromis satisfaisant entre la protection apportée aux victimes de violences et l'atteinte aux libertés individuelles.
L'ordonnance de protection est un outil de l'urgence dont il faut renforcer l'efficacité mais cela ne doit pas, si les violences persistent et que des infractions sont commises, remplacer la procédure pénale, mieux à même de protéger la victime sur la durée. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Nous sommes passées de quatre à six mois déjà en 2014. En outre, l'ordonnance est prolongée de façon systématique et automatique quand il y a une demande de divorce, de séparation de corps ou une requête relative à l'autorité parentale, sans nouveau passage devant le juge.
L'amendement n°38 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°76 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
I - Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du I de l'article 515-11-1 du code civil est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « peut », sont insérés les mots : « prononcer une interdiction de se rapprocher de la partie demanderesse à moins d'une certaine distance qu'il fixe et » ;
2° Les mots : « se trouve à moins d'une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l'ordonnance » sont remplacés par les mots : « ne respecte pas cette distance ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre...
Dispositions relatives au bracelet anti-rapprochement dans le cadre de l'ordonnance de protection
M. Thani Mohamed Soilihi. - La loi du 28 décembre 2019 a permis au juge aux affaires familiales de prononcer le port d'un bracelet anti-rapprochement dans le cadre civil de l'ordonnance de protection. Toutefois, le code civil rattache le prononcé du dispositif à l'interdiction de contact mais pas à une interdiction de se rapprocher de la victime.
Il convient de prévoir que le juge aux affaires familiales qui ordonnera le port d'un bracelet anti-rapprochement aura préalablement interdit à l'auteur des violences de s'approcher à moins d'une certaine distance de la victime. Il s'agit d'assurer la pleine efficacité du dispositif déjà adopté.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement corrige utilement le dispositif du bracelet anti-rapprochement que peut ordonner le juge aux affaires familiales.
Il s'agit de renforcer la sécurité juridique et l'efficacité du dispositif voté par le Parlement dans la loi du 28 décembre 2019. Avis favorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°76 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°74 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la mise en oeuvre de la généralisation du bracelet anti-rapprochement.
Mme Laurence Rossignol. - Pardon, monsieur le président, madame la rapporteure, cet amendement demande un rapport...(Sourires) Nous sommes curieux de connaître l'avancement du bracelet anti-rapprochement et ne savons comment nous y prendre. J'ai cru comprendre, de l'exposé de l'amendement précédent, qu'il existait un groupe de travail : il convient d'en informer le Parlement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le Gouvernement est encore dans une phase de préparation du déploiement du bracelet anti-rapprochement, avec le lancement d'appels d'offres et la constitution des équipes qui vont faire fonctionner ce dispositif. Il serait intéressant que la ministre nous donne des détails sur l'état d'avancement de ces préparatifs.
En revanche, un rapport ne permettra pas d'en accélérer le déploiement. Avis défavorable sur la demande de rapport mais nous attendons des explications sur l'avancement du projet.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable à cette demande de rapport. Beaucoup de personnes travaillent au ministère sur le bracelet anti-rapprochement, qui était l'un de nos engagements forts.
Nous venons d'envoyer à la CNIL notre projet qui suppose un fichier informatisé. Des marchés publics ont été passés pour le bracelet. Nous venons d'obtenir 8,75 millions d'euros du Fonds national pour la transformation publique.
Il sera mis en oeuvre en septembre 2020 pour un déploiement complet en décembre 2020. Ce projet est complexe techniquement et juridiquement, mais nous sommes dans les temps.
L'amendement n°74 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article premier demeure supprimé, de même que l'article 2.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2 (Suppression maintenue)
Mme la présidente. - Amendement n°29 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne et Tissot.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s'applique pas au parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection prévue par l'article 515-9 du présent code si l'ordonnance de protection a été requise à l'encontre de l'autre parent. »
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement nous a été suggéré par la Fédération nationale Solidarité femmes. Il prévoit que le parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection n'est pas tenu de communiquer à l'autre parent tout changement de résidence.
Il s'agit encore de renforcer la protection du parent victime pendant l'exercice de l'ordonnance de protection du deuxième parent, qui a encore l'autorité parentale.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement exempte le parent victime bénéficiaire d'une ordonnance de protection de l'obligation d'informer l'autre parent de tout changement de résidence dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
Cet amendement est similaire à l'amendement n°71 rectifié relatif à la dissimulation du lieu de scolarisation des enfants.
La problématique est identique : il s'agit de retirer à l'un des parents l'exercice de l'un des attributs de l'autorité parentale.
Le juge aux affaires familiales doit se prononcer, dans le cadre de l'ordonnance de protection, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il peut, le cas échéant, interdire au défendeur de se rendre à la résidence de l'autre parent si nécessaire.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Je le maintiens !
L'amendement n°29 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 373-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La résidence principale du ou des enfants ne peut pas être fixée chez le parent condamné pour la commission de faits de violences sur l'autre parent ou sur son ou ses enfants. »
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement pose la question de la fixation de la résidence d'un enfant chez le parent condamné. Aujourd'hui, c'est possible. L'idée demeure qu'un conjoint violent peut être un bon père. Or l'enfant ressent les violences, quand bien même il n'en serait pas victime. Elles ont, en outre, souvent lieu à domicile. Les JAF, qui sont des gens de grande qualité, n'ont pas forcément l'appréciation adéquate de cette situation.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement interdit que la résidence principale d'un enfant puisse être fixée chez un parent condamné pour faits de violences à l'encontre de l'autre parent ou de ses enfants.
La loi du 29 décembre 2019 a créé les suspensions automatiques de l'exercice de l'autorité parentale pour les infractions les plus graves, ce qui supprime de facto la résidence chez le parent condamné ou poursuivi. Laissons le temps à cette loi d'être appliquée. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Nous sommes tous soucieux de l'intérêt de l'enfant. Le juge assure la pesée des équilibres.
L'article L373-2-11 du code civil précise que le juge doit prendre en considération les pressions psychologiques ou physiques réalisées par un parent sur l'autre, pour décider du lieu de résidence de l'enfant.
Mme Laure Darcos. - Je soutiens cet amendement. J'ai récemment entendu un cas dans l'Essonne où la parole de l'enfant mineur n'a pas été prise en compte. Cela est trop souvent le cas. Les associations nous le disent. Cet amendement va dans le bon sens et je le voterai.
M. Jérôme Bascher. - Je ne suis pas spécialiste de ces sujets. Dieu m'en garde. La ministre, à juste titre, a dit que le juge pèse les équilibres. J'aime cette expression... Depuis tout à l'heure, on dénonce les erreurs des juges. De fait, il n'est de justice que d'hommes et ceux-ci peuvent se tromper.
On veut dire au juge ce qu'il doit juger. Or j'ai souvenir des débats sur les peines plancher où cela était absolument « impossible » aux dires de ceux qui soutiennent aujourd'hui ces amendements et j'aime la cohérence.
Mme Muriel Jourda. - La réalité est infiniment plus complexe que ce qui en est dit ici. Il s'agit d'apprécier la réalité d'un dossier. Seul le juge, qui a l'intégralité des éléments du dossier, est capable de décider.
Les séparations sont parfois paroxystiques et il faut laisser aux juges le soin d'en apprécier la complexité. Cet amendement crée une automaticité. Le rejet de cet amendement m'apparaît raisonnable.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ce débat éveille en moi beaucoup de souvenirs, de ministre en charge de la protection de l'enfance ou de président de conseil départemental également responsable de ce domaine. La première intuition est de retirer l'enfant du domicile du conjoint violent, mais il pourrait y avoir 1 %, 2 % ou 3 % de cas où il est nécessaire de l'y laisser.
Parfois, le juge n'a pas souhaité, dans certaines situations, par exemple lorsque la mère est gravement malade, retirer l'autorité parentale au père violent. Peut-être cela sera-t-il exceptionnel, mais il faut laisser une marge d'appréciation au juge.
Un système dans lequel le juge est un automate est un mauvais système pour la prise en compte des difficultés psychologiques et sociales qui peuvent survenir dans une société qui est malheureusement assez imaginative dans la création de telles situations, qu'il faut traiter avec des moyens relevant de l'appréciation du juge et des services sociaux.
Ne leur imposons pas de prendre des décisions préjudiciables à l'enfant dans les cas exceptionnels qui pourraient survenir.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation. - Tous les avis sont respectables, mais on a du mal à accepter l'idée qu'un conjoint violent n'est pas un bon parent.
Nous avons, au sein de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité, entendu beaucoup d'experts : tous nous ont affirmé que les enfants seulement témoins de violences intrafamiliales sont traumatisés, comme des victimes de guerre. Dans notre société où l'on se prémunit contre de nombreux risques, appliquons le principe de précaution en la matière, et votons cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et à gauche)
Mme Françoise Laborde. - J'ai suivi sans mot dire vos amendements précédents, nous voterons également celui-ci.
Il parait tellement extraordinaire que l'enfant puisse résider chez le parent violent ! L'exception confirme la règle. Si, dans un dossier particulier, le JAF doit prendre une décision différente, il pourra l'expliquer, mais cela me semble relever de l'exceptionnel.
Tous les juges, tous les psychothérapeutes, les pédiatres que nous avons entendus nous disent ce que vient de rappeler Annick Billon : les violences sont un traumatisme pour les enfants. Nous ne pouvons les laisser exposés à la guerre !
M. Max Brisson. - Je ne suis pas juriste et me rallie volontiers aux démonstrations impressionnantes du président Bas. Pas cette fois : notre société a du mal à rompre avec son héritage historique et le juge fait partie de la société. Le Parlement doit prendre ses responsabilités et manifester sa volonté de rompre avec cet héritage.
Je voterai cet amendement.
À la demande de la commission, l'amendement n°35 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°118 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l'adoption | 116 |
Contre | 213 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°78, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 373-2-9 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un parent a exercé ou exerce des violences sur l'autre parent, la résidence habituelle de l'enfant est fixée au domicile de ce dernier. »
Mme Christine Prunaud. - Je partage l'objectif des auteurs des autres amendements. Selon l'Observatoire des violences envers les femmes, les enfants sont des co-victimes dans 41 % des cas. Parmi eux, 84,5 % sont témoins des violences. Mais la garde alternée est souvent maintenue, permettant au père violent de maintenir sa domination sur son ex-compagne. Les enfants servent de prétexte, voire d'appât.
Cet amendement interdit la garde alternée en cas de violences.
Mme la présidente. - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 373-2-9 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « La fixation de la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacun de ses parents est exclue en cas de condamnation de l'un des parents pour la commission de faits de violences sur l'autre parent ou sur son ou ses enfants, et dans le cadre de l'attribution d'une ordonnance de protection prévue à l'article 515-11. »
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Défendu.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable aux deux amendements. Nous avons eu le débat précédemment. Ces amendements priveraient aussi le juge de toute appréciation. Une telle automaticité me semble grave et contraire à l'intérêt des mineurs prévu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cet amendement est excessif.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Vos propos me paraissent étranges : en quoi vouloir que la résidence ne soit pas fixée chez le parent violent serait contraire à l'intérêt de l'enfant ? Votre argument va trop loin.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je ne le pense pas.
Mme Laurence Cohen. - Nous sommes ici pour faire la loi mais il faudrait laisser le juge apprécier face à des situations de violence dont nous connaissons les conséquences sur les enfants.
Comment le juge pourrait-il décider une garde alternée dans une telle situation ? Il faut protéger les victimes. Il y a un blocage de la société à reconnaître qu'un homme violent, un conjoint violent, est aussi un père violent...
Mme Michelle Meunier. - Ce texte commence à prendre une drôle de tournure... Il est dommage que M. Taquet soit absent de ce débat.
Sans doute, madame la garde des Sceaux, vos mots vous ont-ils échappé un peu vite... Il y a un changement dans la prise en compte des violences conjugales : l'enfant est passé de témoin à victime.
L'ignorer, comme vous le faites, de manière un peu systématique et brutale, est regrettable.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Prenons-nous le sujet par le bon bout ? Si l'enfant est en danger, il sera protégé par le juge aux affaires familiales qui dispose d'un arsenal de mesures pour lui épargner ce danger.
Si personne ne souhaite que l'enfant soit au domicile du père violent, nous devons laisser la faculté de juger, au cas par cas, selon la situation familiale.
Vous raisonnez constamment comme si, a priori, la femme victime de violences était toujours une bonne mère. C'est hélas plus compliqué et le juge peut avoir une appréciation différente Des situations douloureuses le montrent, en France, tous les jours. N'abordons pas cette question si grave par le petit bout de la lorgnette.
Madame Cohen, votre amendement présente en outre une lacune rédactionnelle car il n'évoque pas le critère de la condamnation du père ou du conjoint violent par la justice. Le soupçon, la présomption, la mise en accusation ne suffisent pas !
La meilleure garantie que nous puissions apporter à l'enfant en danger est la protection du juge.
M. Marc Laménie. - Avant l'intervention du président Bas, j'étais tenté de voter cet amendement tant nous connaissons des situations sombres dans nos départements. Dans la majorité des cas, c'est le père qui est violent. Avec la crise sanitaire, les violences conjugales ont été amplifiées. Beaucoup de réunions de conciliation ont lieu à distance.
Il s'agit aussi de sujets tellement sensibles. Convaincu par les explications du président Bas, je ne voterai pas cet amendement.
À la demande de la commission, l'amendement n°78 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°119 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 111 |
Contre | 215 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande de la commission, l'amendement n°36 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°120 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 213 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°77, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 373-2-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de violences conjugales avérées, l'exercice exclusif de l'autorité parentale est confié au parent victime. »
Mme Laurence Cohen. - Notre arsenal législatif s'est étoffé sur la question des violences conjugales. Cela est satisfaisant, même si je regrette l'absence d'une loi-cadre telle que nous le proposons depuis 2012. La loi Pradié ne traitait initialement pas du sujet de l'autorité parentale.
Notre amendement propose que l'exercice de l'autorité parentale soit exclusivement confié au parent victime. Un mari violent, en effet, ne peut être un bon père, même si j'entends ici encore des résistances...
Mme Esther Benbassa. - C'est sûr !
Mme Laurence Cohen. - Hélas, la loi ne prend pas en compte tous les types de violences.
Notre amendement se fonde sur une recommandation émise notamment par le juge Édouard Durand et par Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, lors de leur audition par la délégation aux droits des femmes le 20 mai dernier : la mère victime de violences conjugales, se voit attribuer exclusivement l'exercice de l'autorité parentale.
Pour eux, il faut combler cette lacune législative en inscrivant dans le code civil cette présomption légale : pas de coparentalité en cas de violence conjugale.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je comprends votre émotion, mais l'automaticité pose problème : on ne peut transformer le JAF en automate. Il y a tellement de possibilités humaines différentes. Parfois, la réalité n'a aucun talent. Laissons la loi de 2019 s'appliquer. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Nous sommes tous d'accord : un compagnon violent a de fortes chances de ne pas être un bon père, cela a été démontré. Si nous le savons, les juges le savent aussi. Ce n'est que sur l'automaticité que nous divergeons. Laissons le juge apprécier in concreto. Une interdiction totale et absolue, sans contrôle de la proportionnalité, ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly, Féraud et Tissot.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 373-2-1 du code civil est complété par les mots : « , parmi lesquels figure notamment la commission de violences sur l'autre parent ou sur le ou les enfants ».
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement coche toutes les cases : il laisse au juge une marge de manoeuvre mais l'invite à tenir compte de l'évolution de la société.
Un conjoint violent n'est pas un bon père mais reste père. Cet amendement ne concerne ni l'ordonnance de protection ni l'autorité parentale mais le droit de visite et d'hébergement. Selon l'article 373-2-1 du code civil, celui-ci ne peut être refusé que pour un motif grave. Nous indiquons au juge que ce motif peut être la commission de violences sur l'autre parent ou sur les enfants.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur.
Mme Laurence Rossignol. - Non !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Si, par l'article 372-2-11 qui précise que le juge prend en compte les violences subies par les enfants et l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre parent. Votre amendement n'apporte pas de plus-value. Retrait ou avis défavorable.
Mme Laurence Rossignol. - Cet article est peut-être satisfait par le code mais pas par la pratique. Cela dit, je le retire.
L'amendement n°30 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly et Tissot.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l'article 373-2-6 du code civil, après les mots : « l'article 373-2-2, », sont insérés les mots : « ou lorsqu'un parent n'exerce pas le droit de visite et d'hébergement fixé par une décision, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresignée par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ou par une convention homologuée, ».
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement est en rapport avec celui, plus loin, qui abroge le délit de non-représentation d'enfant.
Il existe un déséquilibre en matière d'exercice de l'autorité parentale : lorsque les enfants ne sont pas confiés à l'autre parent selon les modalités prévues par le jugement de séparation, celui qui a la garde principale peut être condamné. Mais le parent qui n'exerce pas son droit de visite et d'hébergement n'est pas sanctionné, ni même rappelé à l'ordre. Les sociologues parlent des « enfants de la fenêtre », attendant que le père vienne les chercher - ou pas, juste pour gâcher le week-end de la mère. Celle-ci n'a aucun moyen de pression sinon de demander un droit de visite et d'hébergement plus lâche encore.
Je retire l'amendement, car je ne veux pas de condamnation, mais la fin du délit de non-présentation.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Depuis la loi de réforme de la justice du 23 mars 2019, des sanctions peuvent être prononcées à l'encontre du parent qui ne respecte pas ses obligations : c'est l'article 373-2-6 du code civil.
L'amendement n°28 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Billon, A.M. Bertrand, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, de la Provôté, Dindar, Férat, C. Fournier, Gatel, Laborde, Loisier, Malet, Puissat, Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Vérien et Vullien, MM. Cadic, Chevrollier, Détraigne, Henno, L. Hervé, Kern, Lafon, Laménie, Laugier, Longeot et Moga, Mme Morin-Desailly et M. Capo-Canellas.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 378-2 du code civil, les mots : « et pour une durée maximale de six mois » sont supprimés.
Mme Annick Billon. - Une remise à plat du code civil sur l'autorité parentale s'impose. Le principe de coparentalité ne permet pas de tirer les conséquences des violences conjugales. Or les experts le soulignent : un conjoint violent n'est pas un bon père. Pourquoi suspendre l'autorité parentale uniquement seulement en cas de commission d'un crime ? L'enfant a besoin de sécurité et de stabilité. Inscrivons l'attribution exclusive de l'autorité parentale au parent victime ; l'auteur de violences ne doit pouvoir rencontrer son enfant que dans un espace de rencontre adapté, en présence d'un tiers.
Mme la présidente. - Amendement n°79, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 378-2 du code civil, les mots : « pour une durée maximale de six mois » sont remplacés par les mots : « jusqu'au procès en cour d'assises ».
Mme Laurence Cohen. - Il y a un progrès sur la perception de l'autorité parentale en cas de violences conjugales. La proposition de loi Pradié a instauré la suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale, mais seulement pour six mois. C'est trop court. Mais ne fixer aucune limite pose problème : la personne poursuivie est présumée innocente. Cet amendement limite la suspension de l'autorité parentale jusqu'au procès en cour d'assises. C'est une recommandation du Haut Conseil à l'égalité, car le délai entre l'infraction et le jugement peut se compter en années.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Laissons d'abord vivre la loi Pradié, qui prévoit une suspension automatique de six mois.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis. La limitation de durée permet de s'assurer de la constitutionnalité du dispositif. L'article 378-2 du code civil s'applique dès les poursuites. La suspension ne peut être que provisoire, dans l'attente de la décision du juge.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation. - Je retire mon amendement imparfait au profit de celui de Mme Cohen.
L'amendement n°5 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°79 n'est pas adopté.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par les mots :
la décision de ne pas suspendre le droit de visite et d'hébergement est spécialement motivée ;
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement impose au juge de motiver spécialement le maintien du droit de visite et d'hébergement, malgré les violences exercées sur l'autre parent. Il s'agit de s'assurer qu'il a réellement étudié l'affaire.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Cela alourdirait inutilement la procédure et serait incohérent car le juge n'a pas à motiver spécialement le contrôle judiciaire ni le prononcé de l'obligation de résidence séparée. Je peux rappeler cette nouvelle possibilité de suspension par circulaire mais faisons confiance aux juridictions.
Mme Laurence Rossignol. - Certes, il est des situations dans lesquelles il faut maintenir la résidence alternée ou le droit de visite et d'hébergement mais dès lors que la décision du juge n'est pas la plus évidente, il est légitime qu'il la motive spécialement.
L'amendement n°34 rectifié est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°72, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 390 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle ne peut concerner la poursuite du délit prévu par l'article 227-5 du code pénal. »
Mme Laurence Rossignol. - Le délit pénal de non-représentation d'enfant est demandé par le parent qui n'a pas eu l'enfant en droit de visite et d'hébergement comme le prévoyait la convention. Ce délit a beaucoup d'inconvénients : à 80 %, il s'applique à la mère. Il suffit que les faits soient commis pour que la sanction soit prononcée, sans rechercher l'intention. Le demandeur peut utiliser la citation directe. Un adolescent qui refuse d'aller chez son père verra sa mère systématiquement condamnée. Or il est difficile pour la mère de l'obliger à s'y rendre.
Mon premier choix, c'est la suppression du délit de non-représentation d'enfant, lourd et disproportionné. Cet amendement exclut la citation directe.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis défavorable. La citation directe permet à la victime de surmonter une éventuelle inertie de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Cela mérite plus !
L'amendement n°72 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, A.M. Bertrand, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, de la Provôté, Dindar, Doineau, Eustache-Brinio, Férat, C. Fournier, Gatel, Guidez, Joissains, Laborde, Loisier, Malet, Perrot, Puissat, Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Vérien et Vullien, MM. Cadic, Chevrollier, Détraigne, Henno, L. Hervé, Kern, Lafon, Laménie, Laugier, Longeot et Moga, Mmes Cohen et Morin-Desailly et MM. Capo-Canellas et Cazabonne.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de la première phrase du second alinéa de l'article 132-43 du code pénal sont ajoutés les mots : « Sauf en cas de condamnation pour violences intrafamiliales, ».
Mme Annick Billon. - Les interdictions de contact n'entrent en vigueur qu'à la libération du condamné ; parloir ou unité de vie familiale pendant le temps de détention peuvent maintenir la victime sous l'emprise du conjoint violent, qui continue, depuis sa cellule, à la terroriser. Il est nécessaire de mettre fin à cette incohérence.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement est satisfait. L'interdiction est applicable pendant la période d'incarcération. Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le problème peut se traiter au niveau réglementaire. Un décret est en cours d'écriture qui modifie l'article D403 du code de procédure pénale. À chaque fois qu'une interdiction de contact a été décidée, elle interdira la délivrance d'un permis de visite. Retrait ou avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement est extrêmement important. Nous avons été surpris de voir qu'il y a un droit de parloir alors que le père est condamné. Soit cela passe par la loi, soit cela passe par décret, mais évitez les trous dans la raquette.
Mme Annick Billon. - Il y a des cas où l'emprise se poursuit pendant la détention. Il y a urgence !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le décret est déjà écrit, il sera publié très prochainement.
L'amendement n°6 rectifié ter est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Meunier et Préville, M. Daudigny, Mmes Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin, MM. Tourenne et P. Joly et Mme M. Filleul.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 227-5 du code pénal est abrogé.
Mme Laurence Rossignol. - Puisque des amendements repoussés au Sénat par le Gouvernement sont repris par les députés LaREM, je ne désespère pas.
Le délit de non-représentation d'enfant est un sujet qui monte. Ce délit qui vise massivement les femmes est largement détourné par les pères afin de poursuivre leur harcèlement après la séparation.
La citation directe aboutit systématiquement à la condamnation de la mère, avec parfois de lourdes conséquences. Elle ne prend pas en compte les situations nouvelles. Nous n'en avons pas besoin, d'autant que d'autres articles du code pénal visent la soustraction d'enfant.
Ne faisons pas condamner une femme dont l'adolescent refuse d'aller chez son père... sans compter que la convention continue de s'appliquer pendant les poursuites pénales pour maltraitance !
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly et Tissot.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 227-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La poursuite du délit mentionné au présent article comprend obligatoirement l'audition du ou des enfants capables de discernement, le cas échéant assistés d'un avocat. »
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement de repli prévoit l'audition systématique par le juge des enfants capables de discernement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je comprends qu'il puisse y avoir des abus mais l'abrogation du délit de non-représentation d'enfant ne permettrait plus de sanctionner les parents qui refusent d'appliquer les décisions du juge aux affaires familiales. Avis défavorable.
L'audition par le juge peut être une épreuve pour l'enfant. Ce n'est pas toujours dans son intérêt de la rendre obligatoire. Avis défavorable également à l'amendement n°27 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. - Et lors de la séparation ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Il est vrai que le droit de visite et d'hébergement est souvent source de tensions, voire de violences psychologiques. Mais supprimer le délit de non-représentation de l'enfant paraît excessif, notamment pour le parent qui ne peut voir son enfant. Vous savez que nous traitons nombre d'affaires d'enlèvements internationaux d'enfant et le sujet est extrêmement douloureux.
La jurisprudence admet, en outre, qu'en état de nécessité, en cas de danger actuel ou imminent pour l'enfant, la personne ne sera pas pénalement responsable d'une non-représentation. S'il est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas voir l'un ou l'autre parent, c'est au JAF d'en décider en modifiant les modalités du droit de visite et d'hébergement. Aussi, avis défavorable.
Défavorable à l'audition systématique de l'enfant par le juge, elle peut le mettre devant un conflit de loyauté difficile à dépasser.
Mme Muriel Jourda. - Le sujet est sensible, complexe et protéiforme. Sans doute, certains hommes se servent du délit de non-représentation pour se venger de leur ex-femme. Mais cela ne recouvre pas l'intégralité des situations. Si les condamnations frappent essentiellement les femmes, c'est que la garde principale de l'enfant est généralement confiée à la mère.
Il n'y a pas d'obligation pour un adolescent d'aller chez son père. Chacun sait qu'il est difficile de contraindre un adolescent à faire ce qu'il ne souhaite pas ! Il y a aussi le cas de femmes qui se vengent de leur ex-conjoint en les privant de leur enfant ; il faut que ces hommes trouvent une réponse adaptée à leur situation.
Lors d'une séparation, l'enfant aura été entendu par le JAF, le psychologue, le juge des enfants parfois. Faut-il lui imposer une nouvelle audition ? Il peut ne pas souhaiter donner un avis, faire un choix ; beaucoup sont soulagés que le juge tranche. Au magistrat d'apprécier le bien-fondé du comportement de chacun.
Mme Michelle Gréaume. - En quoi l'audition de l'enfant peut-elle gêner ? Un adolescent est tout à fait en mesure de donner son avis, comme il le fait en cas de divorce ou de séparation.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Le sujet est sensible, c'est pourquoi il faut y faire attention. Pour qu'un délit de non-représentation soit constitué, il faut une décision préalable du JAF. Or le parent qui aurait à y redire peut saisir le JAF pour demander une modification de la décision initiale. Évitons que le parent se fasse justice lui-même en ne remettant pas l'enfant.
En cas de délit, il y a une enquête préalable puis, en cas de citation directe, une audience contradictoire, en présence du ministère public, qui garantit le respect des droits des uns et des autres. En outre, un recours est toujours possible.
Les garanties sont suffisantes. Je voterai contre ces amendements ; il faudrait au moins une étude d'impact.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Il faudrait un projet de loi !
Mme Laurence Rossignol. - Il faut tenir compte de l'évolution des familles, des couples. Les véritables cas de non-représentation de l'enfant - une minorité ! - continueront à être sanctionnés par l'article 227-7 qui traite de la soustraction d'enfant mineur. Je veux bien entendre qu'il est délicat de supprimer de la sorte un article du code pénal, mais vos propos sur l'audition de l'enfant sont terriblement régressifs ! Je regrette qu'Adrien Taquet ne soit plus là pour les entendre. L'idée que l'on protège l'enfant de la sorte n'est pas la bonne façon d'appréhender l'intérêt de l'enfant dans les conflits familiaux - d'autant que je propose que l'enfant soit systématiquement accompagné d'un avocat.
Ne dites pas qu'une audition est traumatisante : voir sa mère condamnée pour délit de non-représentation par le père l'est bien plus !
Mme Laurence Cohen. - C'est vrai.
L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°27 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°37, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La victime présumée de violences est informée de chaque étape de la procédure en suite de son signalement aux autorités compétentes.
Elle est informée le cas échéant des modifications du régime de détention ou du contrôle judiciaire de l'auteur présumé.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement prévoit l'information de la victime à chaque stade de la procédure. Après le dépôt de plainte, c'est le trou noir. La victime doit être informée des modifications du régime de détention ou du contrôle judiciaire de l'auteur de violences, et notamment de sa libération. Il en va de sa sérénité.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le code de procédure pénale prévoit déjà cette information : l'article 10-2 au début de la procédure, les articles 712-16 et suivants au moment de la libération, ou l'article 745 sur le sursis avec mise à l'épreuve. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°37 n'est pas adopté.
ARTICLE 4
Mme Annick Billon, présidente de la délégation . - Cette proposition de loi fait entrer la notion d'emprise dans le code civil. Le comportement parfois étonnant de la victime ne peut se comprendre qu'à la lumière de ce concept. La psychiatre Marie-France Hirigoyen a bien expliqué les étapes de l'emprise, qui conduisent à la dévalorisation et à l'isolement progressif de la femme. Le contrôle est rendu plus facile par les nouvelles technologies. Une femme battue en vient à relativiser, à croire que ce qu'elle vit est normal.
L'interdiction de toute médiation en cas d'emprise va dans le bon sens. Elle complète utilement la loi de 2019 qui limitait cette interdiction aux cas de violence alléguée, même en cas d'accord des conjoints.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Brisson, Dallier, Pointereau, Milon et D. Laurent, Mmes Noël, Canayer et Deromedi, M. Grand, Mme Deroche, MM. Magras, Cuypers et Laménie, Mmes Berthet, Duranton et Puissat, M. Frassa, Mmes Richer et Lassarade, M. Bascher, Mmes Morhet-Richaud, Boulay-Espéronnier et Lopez, MM. Lefèvre, Bouchet, Vogel, Sido, Dufaut et Le Gleut, Mmes L. Darcos, Bonfanti-Dossat et Delmont-Koropoulis, M. Bonne, Mme Raimond-Pavero, M. Saury, Mme Lamure, M. Pierre, Mmes Deseyne et Lherbier, MM. Savin et Rapin et Mme Garriaud-Maylam.
Alinéas 3, 4, 6 et 7
Supprimer le mot :
manifeste
M. Max Brisson. - L'emprise est un phénomène insidieux et latent. N'interdire la médiation que dans les cas où elle serait manifeste apparaît trop restrictif au regard de la réalité vécue par les victimes. Le juge doit pouvoir librement apprécier l'existence de l'emprise sans être tenu par son caractère manifeste. Inutile de restreindre son champ d'application.
M. Philippe Bas, président de la commission. - L'avis de la commission des lois est défavorable. Mon avis personnel est que l'emprise qui ne se voit pas ne sera pas prise en compte par le juge, qu'elle soit ou non qualifiée de manifeste par la loi.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ici, l'utilisation du mot « manifeste » ne sert pas à restreindre le champ : il faut plutôt lire a contrario. Par définition, l'emprise est sournoise, insidieuse, difficile à détecter. L'emprise « manifeste » est celle que le juge pourra appréhender. Si elle n'est pas manifeste, comment le juge pourra-t-il la percevoir ? Avis défavorable.
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann et MM. Ouzoulias et Savoldelli.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l'ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, l'auteur des violences fait l'objet d'une orientation vers une structure sanitaire, sociale, psychologique ou professionnelle.
« Cette mesure exécutée au sein de ladite structure consiste dans l'accomplissement par l'auteur, à ses frais, d'un stage, d'une thérapie comportementale ou d'une formation de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou d'un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, en application du 2° du présent article. »
Mme Michelle Gréaume. - Souvent, lorsqu'une femme dépose plainte pour violences conjugales, son conjoint n'écope que d'un rappel à la loi. Il peut se trouver renforcé dans sa position dominante et dans son sentiment d'impunité, et la femme faire l'objet de représailles. Un simple rappel à la loi n'est ni répressif, ni éducatif, et ouvre la voie à la récidive.
Il devrait être systématiquement accompagné d'une formation de responsabilisation, d'un stage de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, voire d'une thérapie comportementale. C'est l'approche éducative qui réduira le risque de récidive.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je vous rejoins : une prise en charge sanitaire et sociale des auteurs est essentielle pour éviter la récidive. Celle-ci peut déjà être ordonnée dans le cadre d'une peine de suivi socio-judiciaire assortie d'une injonction de soins ou d'un sursis probatoire. Le Monde a réalisé récemment un reportage sur le sujet. L'amendement me paraît déjà satisfait : avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Nous travaillons sur ce sujet. L'hébergement des conjoints violents pendant le confinement a été assorti d'un suivi et de stages. L'article 41-1 du code de procédure pénale prévoit déjà des compléments, certes non systématiques, au rappel à la loi. Avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - J'entends que c'est prévu dans la loi. Soit. Mais la proposition de loi est plutôt répressive. La prévention, l'accompagnement sont importants pour éviter la récidive.
Lors des auditions, un magistrat, Édouard Durand, nous a signalé que les stages sont tellement courts qu'ils sont inutiles. Comment cadrer le traitement des hommes violents pour que les stages soient efficaces ? Ceux-ci ne sauraient servir d'excuse, sans susciter de remise en cause profonde.
Mme Michelle Gréaume. - Veillons à ne pas mélanger suivi et thérapie - laquelle permet à certains de se rendre compte du mal qu'ils font.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je partage votre avis. Nous travaillons sur ce volet avec les associations et les services pénitentiaires de probation. J'ai rencontré à Grenoble des conjoints violents, qui avaient suivi des stages perlés, sur plusieurs semaines, et témoignaient de leur cheminement. La durée des stages cependant ne relève pas de la loi et dépend de la gravité des faits, de la personnalité des auteurs. Avis défavorable.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 6
Mme la présidente. - Amendement n°85, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 207 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l'un de ses ascendants, descendants, frères ou soeurs, le débiteur est déchargé de son obligation alimentaire à l'égard du créancier, sauf décision contraire du juge. »
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il s'agit d'empêcher qu'un juge ordonne à une victime de s'acquitter d'une obligation alimentaire à l'égard du créancier violent. Nous souhaitons donc restaurer le caractère automatique de la décharge de l'obligation alimentaire en cas de crime sur un débiteur ou ses proches ; mais sans rétablir la version de l'Assemblée nationale. Nous proposons une rédaction de compromis car le juge pourra toujours prendre une décision contraire. Notre formulation écarte le risque constitutionnel car la mesure ne s'appliquerait qu'en cas de crime. Elle reprend la préoccupation de la commission en englobant tout l'entourage touché par le drame.
Le dispositif est ainsi équilibré et proportionné.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je ne suis pas convaincue par votre dispositif pour deux raisons.
La décharge de l'obligation alimentaire reste automatique à raison d'une condamnation pénale criminelle et pose toujours un problème de constitutionnalité. Vous permettez au juge aux affaires familiales de revenir, éventuellement des années après, sur cette dispense si le condamné le saisit d'une action en réclamation d'aliments ; mais cela ne garantit pas l'intervention d'un juge dans un délai raisonnable.
En outre, votre dispositif ne prend plus du tout en compte les délits, alors que nous protégeons toutes les victimes.
Cela pourrait entraîner une sorte de présomption en faveur du créancier, selon laquelle les délits ne constitueraient pas un manquement suffisamment grave pour justifier une dispense. Et comme le législateur n'élargit pas non plus la liste des « proches » du débiteur, le juge pourrait en conclure que la disposition se veut d'interprétation.
Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable à cet amendement qui me semble proportionné et permet de protéger les débiteurs dans les cas les plus graves, tout en conservant le pouvoir d'appréciation du juge comme le souhaite la commission des lois.
Votre rédaction prend en compte l'ensemble des crimes commis dans le cercle familial ; cela est conforme à notre objectif. A contrario, le dispositif de la commission des lois est plus restrictif et, dans bien des cas, ne couvrirait pas les enfants.
L'amendement n°85 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
ARTICLE 6 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°91, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.
Alinéa 3
Après le mot :
complice,
ajouter les mots :
à une peine criminelle ou correctionnelle
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Il s'agit d'une précision rédactionnelle pour exclure les condamnations pour violences volontaires de nature contraventionnelle.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable.
L'amendement n°91 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°86 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt
par les mots :
un crime envers le défunt n'ayant pas entraîné sa mort
II. - Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Thani Mohamed Soilihi. - La commission des lois a étendu le champ de l'indignité successorale. Nous allons plus loin dans cette logique en permettant au juge de déclarer indigne tout héritier ayant commis un crime contre la victime n'ayant pas entraîné la mort. Cela correspond à de nombreux actes de violence graves.
Notre rédaction encadre le champ d'appréciation du juge, et limite le risque de créer un nouveau champ de contentieux entre héritiers successoraux.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement va moins loin que ce qu'a voulu la commission : elle a donné au juge la faculté de prononcer une indignité successorale en cas de délit de violences volontaires ou d'agression sexuelle. Elle a élargi la mesure au cas où l'action publique a pris fin avant la condamnation du fait du décès du prévenu. L'idée est ici de ne pas empêcher l'indignité lorsque les faits sont suffisamment établis. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'Assemblée nationale a introduit un nouveau cas d'indignité dans le cas où l'héritier aurait été condamné à une peine criminelle pour violences volontaires ou viol commis sur le défunt. La rédaction de votre rapporteur inclut les violences volontaires correctionnelles, mais non les contraventionnelles : cela me semble trop large, d'autant que ces dernières peuvent être requalifiées en délit du fait de la circonstance aggravante - la violence a visé le conjoint.
Cet amendement est un compromis entre la position de l'Assemblée nationale et celle de la commission des lois. Je le préfère. Avis favorable.
L'amendement n°86 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6 bis, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°65 rectifié, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'un notaire ou un organisme d'assurances est informé d'une enquête en cours pour homicide, tous les droits de l'auteur présumé dudit homicide relatifs au règlement de la succession ou à l'application d'un contrat d'assurance vie, sont suspendus jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours.
Mme Claudine Lepage. - Les règles successorales produisent des non-sens lorsqu'une personne est tuée par son conjoint, souvent héritier direct, et présumé innocent. Les familles sont alors doublement touchées : elles ont perdu leur parent et l'assassin perçoit une assurance-vie ou un héritage !
Une exclusion automatique de la succession est possible en cas de meurtre, mais rien n'est dit des enquêtes en cours.
Les notaires et les organismes d'assurance-vie doivent être informés des enquêtes en cours pour homicide sur conjoint. En pareil cas, le règlement de la succession ou la liquidation de l'assurance-vie doivent être suspendus.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par l'article 726 du code civil qui exclut de la succession celui qui est condamné comme auteur ou complice pour avoir volontairement donné la mort au défunt ; et l'article L. 132-24 du code des assurances prive d'effet le contrat d'assurance-vie à l'égard du bénéficiaire condamné pour avoir volontairement donné la mort à l'assuré.
Votre amendement ne règle pas la question de l'information des notaires et des organismes d'assurance-vie au sujet des enquêtes en cours, condition nécessaire pour suspendre la succession ou le règlement de l'assurance-vie. Des points d'amélioration pourraient sans doute être trouvés. Dans la pratique, le notaire est informé des circonstances et il peut en informer à son tour l'organisme d'assurance-vie. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable.
L'amendement n°65 rectifié n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°47 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 41-3-1 du code de procédure pénale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'attribution du téléphone grave danger permet à la personne bénéficiaire de dissimuler son domicile ou sa résidence et d'élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie, et pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée. Le cas échéant, la personne bénéficiaire est autorisée à dissimuler également l'adresse de l'établissement scolaire de son ou ses enfants. L'expiration de la période d'attribution du téléphone grave danger ne met pas fin à la possibilité de dissimulation d'adresse.
« Le cas échéant, le juge aux affaires familiales compétent est informé de l'attribution du dispositif de téléprotection.
« Le juge aux affaires familiales peut statuer de nouveau sur la suspension de l'autorité parentale ou sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ou du droit de visite et d'hébergement si l'attribution du dispositif de téléprotection rend nécessaire un nouvel examen. »
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement concerne le Téléphone grave danger. Il ajoute la possibilité pour le bénéficiaire de dissimuler son adresse ainsi que celle de l'école de ses enfants.
Inspiré par les recommandations de la Fédération nationale solidarité femmes, l'amendement prévoit aussi l'information du juge aux affaires familiales de l'octroi du Téléphone grave danger par le procureur de la République. Il prévoit également que le juge aux affaires familiales peut réexaminer ses décisions antérieures à la lumière de cette information, si une adaptation des modalités d'exercice de l'autorité parentale est rendue nécessaire.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'article 41-3-1 du code de procédure pénale prévoit l'attribution du Téléphone grave danger dans deux cas : en présence d'un danger avéré et imminent, sans condition de procédure ; et lorsque l'auteur des violences a fait l'objet d'une interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime. Dans ce cas, notamment dans le cadre de l'ordonnance de protection, les mesures prévues ici ont pu être prises par le juge aux affaires familiales.
De plus le procureur a déjà la possibilité de demander la mise en place d'une ordonnance de protection qui permet au juge aux affaires familiales de se prononcer sur l'autorité parentale.
Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. L'amendement est satisfait car un Téléphone grave danger est octroyé soit dans le cadre d'une procédure pénale, soit dans celui d'une ordonnance de protection. La victime peut déjà dissimuler son adresse en donnant l'adresse de son avocat par exemple.
Il y a aussi l'interdiction de contact, l'interdiction de paraître dans certains lieux, lorsque l'auteur de violences connaît le lieu de vie de sa victime.
L'amendement est dans un cas satisfait, et dans l'autre, inutile.
L'amendement n°47 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°73, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre...
« De la protection des victimes de violences conjugales
« Art. 706-.... - En cas de risque d'une particulière gravité pour l'intégrité physique de la victime d'une infraction mentionnée à l'article 132-80 du code pénal ou de son ou ses enfants, la victime ou la victime et son ou ses enfants peuvent être autorisées, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal judiciaire, à faire usage d'une identité d'emprunt dans le cadre d'une protection destinée à assurer leur sécurité.
« Le fait de révéler qu'une personne fait usage d'une identité d'emprunt en application du présent article ou de révéler tout élément permettant son identification ou sa localisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, des violences à l'encontre de cette personne, de ses enfants ou de ses ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, la mort de cette personne, de ses enfants ou de ses ascendants directs. »
Mme Michelle Meunier. - Cet amendement offre aux victimes de violences conjugales particulièrement menacées la possibilité d'obtenir une identité d'emprunt, prévue pour protéger des personnes bénéficiant d'exemption ou de réduction de peines, pour avoir permis d'éviter la réalisation d'infractions ou d'identifier les auteurs ou complices. La vie de l'intéressé en est bouleversée.
Actuellement, l'identité d'emprunt n'est envisagée que pour des cas limitativement énumérés par le code de procédure pénale. Elle offre aux femmes en situation de grave danger du fait de leur conjoint ou ex-conjoint violent un statut de protection supplémentaire, pour se dissimuler plus efficacement.
La menace provient parfois de l'entourage du conjoint ou ex-conjoint violent, situations qui ne sont pas visées par l'ordonnance de protection. Notre ajout est donc utile.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Actuellement, l'identité d'emprunt peut bénéficier à des personnes victimes d'un réseau de proxénétisme ou de traite des êtres humains, ou à des « repentis » qui ont empêché la réalisation d'un crime ou d'un délit. Ces personnes peuvent craindre des représailles de la part de criminels agissant en bande organisée.
Les victimes de violences conjugales peuvent craindre des représailles de la part de leur conjoint, notamment au moment du dépôt de plainte. Il nous semble cependant que d'autres outils, comme le bracelet anti-rapprochement, peuvent offrir une protection plus appropriée. L'identité d'emprunt doit rester exceptionnelle. Elle impose à la victime un changement de vie considérable. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°73 n'est pas adopté.
L'article 7 bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Brisson, Dallier, Pointereau et Milon, Mme Gruny, M. Segouin, Mme de Cidrac, M. Piednoir, Mme Garriaud-Maylam, MM. Rapin et Savin, Mmes Lherbier et Deseyne, M. Pierre, Mme Lamure, M. Saury, Mme Raimond-Pavero, M. Bonne, Mmes Delmont-Koropoulis, Bonfanti-Dossat et L. Darcos, MM. Le Gleut, Dufaut, Sido, Vogel, Bouchet et Lefèvre, Mmes Lopez, Boulay-Espéronnier et Morhet-Richaud, M. Bascher, Mmes Lassarade et Richer, M. Frassa, Mmes Puissat, Duranton et Berthet, MM. Laménie, Cuypers et Magras, Mme Deroche, M. Grand, Mmes Deromedi, Canayer et Noël et M. D. Laurent.
Après l'article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le a de l'article 311-12 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Lorsque le vol porte sur des objets ou des documents qui entravent la liberté de déplacement ; ».
M. Max Brisson. - Cet amendement prévoit que les entraves à la liberté de se déplacer, comme le vol de clefs de voiture à la victime de violence conjugale, pourront faire l'objet de poursuites pénales.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement modifie l'article 311-12 du code pénal, qui prévoit une immunité familiale concernant les vols commis entre conjoints ou entre descendants et ascendants.
Cette immunité familiale ne s'applique pas cependant aux objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime. L'amendement est donc satisfait. Le vol de clefs de voiture ou d'une carte d'abonnement à un réseau de transport en commun porte sur des objets indispensables à la vie quotidienne et pourrait donc être poursuivi. Retrait, mais je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Retrait ou avis défavorable. L'immunité de l'article 311-12 ne vise que les époux. Il est délicat de considérer qu'un conjoint commettrait un vol en se jugeant maître d'un véhicule commun. Le juge civil sera compétent lors de la séparation des époux. Les objets dont le vol « entraverait » la liberté de déplacement peuvent être nombreux...
M. Max Brisson. - Quel est alors le sens de l'article 7 bis sur le vol des moyens de communication ?
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°63, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
I. - Après l'article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° du I de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-129 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«...° Pour le locataire ayant déposé plainte pour violences conjugales ou titulaire d'une ordonnance de protection ; ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Dispositions relatives au logement
Mme Claudine Lepage. - Les victimes de violences conjugales peuvent souhaiter quitter leur logement rapidement afin d'échapper aux coups de leur agresseur. Les locataires victimes de violences conjugales doivent pouvoir bénéficier du préavis réduit à un mois, au lieu de trois, pour donner congé au propriétaire, comme d'autres personnes en situation de vulnérabilité.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Nous partageons votre préoccupation et le champ de l'amendement est très restreint. Avis favorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet amendement est bien intentionné, mais les victimes de violences conjugales peuvent déjà quitter facilement leur logement. La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) autorise la victime à mettre fin à la clause de solidarité des titulaires du bail. Inversement, le dépôt d'une plainte ne suffit pas pour caractériser la vulnérabilité... Avis défavorable.
L'amendement n°63 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°64, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Après l'article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa des I et II de l'article 15 de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, après le mot : « familiales », sont insérés les mots : « , dans le cadre d'une procédure pénale ou d'une procédure liée à une séparation ».
II - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre...
Dispositions relatives au logement
Mme Claudine Lepage. - La loi du 28 décembre 2019 a mis en place la possibilité pour des organismes déclarés de louer des habitations à loyer modéré afin de les sous-louer aux victimes de violences conjugales. Ce dispositif est réservé aux décisions prises dans le cadre d'un divorce ou d'une ordonnance de protection. Cela exclut de nombreuses victimes, et le faible nombre d'ordonnances de protection - environ 2 000 - rend les mesures difficilement applicables, d'autant qu'elles ne concernent que les couples mariés.
Cet amendement ouvre cette possibilité aux procédures de séparation ou de condamnation pénale afin d'inclure dans le dispositif les concubins ou les personnes qui n'ont pas encore entamé de procédures au civil mais seulement au pénal. Je souhaite que toutes les victimes de violences conjugales puissent être hébergées.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La loi du 28 décembre 2019 a créé deux expérimentations, d'une durée de trois ans, relatives au logement. Elles débuteront en juin et sont réservées aux personnes victimes de violences ayant obtenu une ordonnance de protection.
Vous élargissez les expérimentations aux personnes en cours de procédure pénale ou de séparation. Or le but d'une expérimentation est de pouvoir tester un nouveau mécanisme auprès d'une population bien définie, déjà large puisque le recours aux ordonnances de protection s'accroît.
Il semble nécessaire de la mener à bien avant d'en tirer les enseignements et de l'étendre éventuellement dans un second temps. Défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Le dispositif de la loi Pradié est expérimental. Un bilan sera fait le moment venu, ne l'étendons pas dès à présent d'une manière excessive.
Le nombre d'ordonnances de protection est plus élevé que le chiffre que vous avez cité : 3 300 en 2018, 3 930 en 2019.
L'amendement n°64 n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 20 h 5.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 35.
Mise au point au sujet de votes
Mme Dominique Vérien. - Sur les scrutins nos117, 118, 119 et 120, Mme Valérie Létard souhaitait voter pour.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 8
Mme Michelle Meunier . - Ce chapitre est essentiel pour une meilleure prise en charge judiciaire grâce au signalement des violences. Le signalement au procureur par un professionnel de santé doit être dérogatoire au secret professionnel. Le médecin signalant ces actes ne doit pas risquer d'être condamné à un an d'emprisonnement et à 15 000 euros d'amende pour avoir violé le secret professionnel.
Cela n'entachera pas la relation de confiance entre la victime et le médecin. Il est urgent de rétablir la hiérarchie des secrets : entre secret destructeur et secret du médecin qui panse les plaies mais ne protège pas les victimes. Ce secret couvre l'agresseur et lui permet de recommencer à humilier, anéantir, frapper, violer.
Le lien de confiance n'est plus entre le médecin et le patient, mais entre la victime et le reste de la société, celle qui soigne comme celle qui juge et qui punit.
Pensons aussi aux enfants. Ils finissent sinon par penser qu'il est normal que l'un des parents soit le maître de l'autre. Ils assistent aux violences, aux menaces et sont détenteur d'un secret familial qui ne peut être révélé. Faisons primer la révélation du secret par le médecin pour protéger l'enfant victime. Protéger la mère, c'est protéger l'enfant, le rappellent les magistrats tel Édouard Durand.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Le 3 septembre, le Premier ministre lançait le Grenelle contre les violences conjugales. En 2018, 121 femmes et 28 hommes sont morts sous les coups de leur conjoint. Ce constat n'est pas une fatalité.
L'article 8 est directement issu du Grenelle. Il vise à ne pas pénaliser les médecins qui signalent des violences, et non à suspendre le secret médical.
Qui peut se satisfaire que seuls 5 % des déclarations soient réalisées par des professionnels de santé ? La relation entre le patient et le médecin est issue du serment d'Hippocrate : « Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me sont confiés. Reçu à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers ». Le code de la santé publique et celui de la déontologie médicale sont préservés par cet article qui respecte une autre partie du serment d'Hippocrate : « J'interviendrai pour protéger les personnes si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ».
L'article est issu de discussions avec l'Ordre des médecins, dont le communiqué de presse du 18 décembre 2019 salue la modification de l'article 226-14 du code pénal.
Cette disposition protège les professionnels de santé et surtout les victimes de violences conjugales pour éviter les scénarios du pire. Voilà ce qui guidera nos positions, d'où nos avis défavorables sur les amendements.
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann et MM. Ouzoulias et Savoldelli.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Nul ne peut nier l'effet délétère de l'emprise psychologique dans un couple. La première étape est le déni ; la victime finit souvent par se considérer comme responsable.
Nous ne voulons pas que le médecin puisse dénoncer auprès du procureur de la République les actes de violence qu'il peut être amené à constater. Une telle atteinte au secret médical pourrait pousser la victime à renoncer aux soins. Le lien de confiance entre le médecin et son patient doit être préservé. C'est pourquoi notre amendement supprime l'article 8.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Lorsqu'on prête le serment d'Hippocrate, on vous donne une toge. On m'en avait donné à l'époque une crasseuse et usée, signe du nombre de personnes l'ayant portée avant moi.
« Mes yeux ne verront que ce qu'ils doivent voir ». Le secret médical protège le patient, pas le médecin. Il permet de garder le lien de confiance mystérieux qui se tisse entre les deux.
Votre amendement est contraire à la position de la commission, qui a veillé au maintien du secret médical. Il peut déjà y être dérogé lorsqu'il en va de la survie du patient. La crainte que vous exprimez n'est pas justifiée. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann et MM. Ouzoulias et Savoldelli.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 1111-17 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Le professionnel de santé qui a l'intime conviction que son ou sa patiente subit des violences conjugales peut, avec l'accord de ce ou cette dernière, le ou la mettre en relation avec des associations en charge de lutter contre ces violences ou avec tout organisme susceptible de l'aider. »
Mme Esther Benbassa. - L'article 8 autorise le médecin à dénoncer la situation au procureur, contrevenant au secret médical qui est une garantie de liberté d'échange avec le représentant du corps médical. La relation de confiance est indispensable au bon fonctionnement des soins. Le médecin ne doit pas devenir un rouage de la procédure judiciaire.
Préférons un devoir de conseil et d'accompagnement. Le personnel soignant devrait pouvoir donner aux victimes des contacts avec les associations spécialisées, les plus à même d'accompagner les victimes. Nous proposons donc une alternative à la fin du secret médical prévu dans cet article.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Un médecin pourra toujours orienter sa patiente vers une association ou vers une structure de prise en charge adaptée.
Malheureusement, cet accompagnement social de la victime n'est pas toujours suffisant : il faut parfois prévenir la justice qui a seule les moyens de mettre un coup d'arrêt à la violence du conjoint.
Conservons l'article 8. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - Je regrette que ces amendements ne fassent pas plus débat. De nombreuses associations féministes pointent des contradictions. La secrétaire d'État les a aussi montrées à l'Assemblée nationale. Certaines femmes sont victimes d'emprise qui les paralyse. Elles ont besoin d'être aidées par les professionnels de santé à prendre conscience de cela, afin de pouvoir réagir.
Cependant, la femme doit avoir le libre choix. Ne les prenons pas pour des mineures incapables de se prendre en main. D'où l'amendement de suppression de l'article 8 qui n'est pas suffisamment nuancé malgré les améliorations de la commission des lois.
Bien sûr, police et justice doivent jouer un rôle comme l'a indiqué la rapporteure. Mais il faut aussi un accompagnement psychologique de soutien opéré par les associations qui ont d'ailleurs besoin de davantage de moyens.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - J'ai entendu comme vous quelques associations féministes déplorer cet article. La question se pose. Mais dans des situations d'urgence, on ne peut pas dire à la fois qu'on ne peut rien laisser passer et risquer de voir des médecins être sanctionnés lorsqu'ils ont alerté.
La réalité est parfois différente de la théorie. Parfois des femmes refusent de porter plainte et s'opposent à toute intervention alors qu'elles sont en danger de mort. Il faut alors que quelqu'un d'autre intervienne. Pendant le confinement, nous avons ouvert un fonds d'un million d'euros pour les associations de terrain : des crédits restent disponibles. Je vous invite à diffuser cette information.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je regrette que cet amendement ne puisse pas venir en complément de l'article.
Nous aurions dû débuter l'examen de cet article par un débat. Faut-il, à chaque fois que cela est possible, dénoncer les faits de violences conjugales ? Chacun de nous peut le faire, pas seulement les médecins.
Ensuite, qu'en est-il du rapport de confiance entre le médecin et sa patiente ? À quel moment est-il le plus efficace de déclarer des faits à la justice ? Si la patiente n'a plus confiance, elle pourrait ne plus venir au cabinet du médecin.
Un amendement de notre groupe propose l'accord de la patiente. Le seul cas où l'accord de la victime n'est pas nécessaire, c'est quand elle est mineure.
Être sous emprise nécessite d'être accompagné, ce n'est pas être mineur. Mon amendement valide le dispositif mais impose l'accord. Sinon, nous détruirons le lien de confiance entre le médecin et la patiente.
L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°49, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :
1° Les 1° et 2° sont ainsi rédigés :
« 1° Dans les cas où la loi impose d'alerter le procureur de la République :
« Tout professionnel désigné au présent alinéa qui, dans l'exercice de ses fonctions, suspecte des violences physiques, psychologiques ou sexuelles de toute nature, y compris les mutilations sexuelles à l'encontre d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d'un état de grossesse, est tenu, sans avoir à recueillir l'accord de quiconque, d'en informer sans délai le procureur de la République. Les professionnels désignés pour une obligation de signaler au procureur de la République sont tous les médecins ;
« 2° Dans les cas où la loi autorise d'alerter les autorités compétentes :
« Tout autre professionnel ou toute personne qui suspecte ou acquiert la connaissance de violences physiques, psychologiques ou sexuelles de toute nature, y compris les mutilations sexuelles, à l'encontre d'un mineur, d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d'un état de grossesse, ou d'un adulte, informe sans délai le procureur de la République. Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d'un état de grossesse, l'auteur du signalement n'a pas à recueillir l'accord de quiconque ; »
...° Le 3°, qui devient le 4°, est ainsi rédigé :
« 4° À tout professionnel ou toute personne qui suspecte ou acquiert la connaissance qu'un mineur est en danger ou qui risque de l'être. Il informe sans délai la cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, des informations préoccupantes définies par le décret n° 2013-994 du 7 novembre 2013 organisant la transmission d'informations entre départements en application de l'article L. 221 - 3 du code de l'action sociale et des familles. » ;
Mme Michelle Meunier. - Cet amendement précise dans la loi l'obligation de signalement par les médecins de violences sur mineurs. Cet amendement avait été adopté par le Sénat en juillet 2018 lors de l'examen de la loi de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, mais n'avait pas passé le cap de la CMP. Nous avons l'occasion de rattraper le temps perdu.
Or les médecins sont face à un dilemme éthique : soit ils signalent les violences et risquent des poursuites, soit ils ne signalent pas et risquent également des poursuites pour entrave à la saisine de la justice.
Ce dilemme explique le faible taux de signalement lorsqu'un médecin détecte dans l'exercice de sa profession les signes d'alerte de violences psychologiques, physiques et sexuelles à l'encontre d'un mineur.
L'obligation de signaler les suspicions de violences mettrait un terme à ce dilemme et sauverait la vie de mineurs.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - J'ai beaucoup travaillé sur cette question de l'obligation de signalement avec nos collègues Catherine Deroche et Maryse Carrère. L'équilibre actuel, qui repose sur une option de conscience qui laisse aux professionnels de santé la faculté de signaler, est satisfaisant. Instaurer une obligation de signalement ne mettrait pas fin au dilemme éthique qui se pose à tout médecin qui suspecte que des violences sont commises sur un mineur. Le médecin est toujours dans un conflit de devoir.
Il est vrai que vous défendiez une position différente, favorable à l'obligation de signalement.
Je suis moi-même cohérente avec la position que nous avions alors défendue sur le sujet, ce qui m'amène à émettre un avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je salue à mon tour votre travail. L'objectif de l'amendement est satisfait. Il pourrait d'ailleurs créer de la confusion.
Le code pénal délivre les professionnels du secret médical lorsque la victime est mineure. Pour autant, seuls 5 % à 6 % des signalements sont le fait des médecins libéraux. Notre plan de lutte contre les violences faites aux enfants, que j'ai présenté le 20 novembre dernier, installera d'ici à 2022 des équipes pédiatriques référentes pour accompagner et soutenir les médecins libéraux qui se retrouvent souvent très seuls face à de telles situations.
Cela existe déjà au CHU de Nantes, dans le service pédiatrique. L'objectif est de déployer de telles équipes dans tous les territoires. Avis défavorable.
Mme Michelle Meunier. - Il faut aller vite !
L'amendement n°49 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°48, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
estime en conscience
par le mot :
suspecte
Mme Michelle Meunier. - La rédaction de la commission des lois fait référence à une clause de conscience du médecin ou professionnel de santé signalant des violences conjugales. Je préfère le mot « suspecte » : le médecin n'a pas à convoquer sa conscience qui relève de la doctrine déontologique des soignants reprise dans la partie règlementaire du code de la santé publique ; il n'y a pas lieu de l'inscrire dans le code pénal.
Les professionnels de santé sont formés à détecter des signaux d'alerte, à repérer des situations. Ils ne peuvent donc que suspecter des faits dont les conséquences graves nécessitent le signalement.
Le signalement doit être favorisé ; au procureur ensuite de diligenter une enquête contradictoire.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - J'ai proposé à la commission la formulation « estime en conscience » pour bien marquer la responsabilité qui incombe au professionnel et pour insister sur l'option de conscience qui s'applique en pareilles circonstances.
Il n'y a pas d'opposition entre nos deux rédactions : l'on n'attend pas du professionnel qu'il ait la certitude que des violences sont commises pour pouvoir signaler. C'est l'enquête qui appréciera ce qu'il en est véritablement. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - La décision de déroger au secret médical est éminemment lourde ; elle est au coeur d'une tension éthique que la rédaction de la commission des lois nous semble bien traduire. Avis défavorable.
L'amendement n°48 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Vérien, MM. Delcros et Janssens, Mmes Gatel, C. Fournier et Vermeillet, M. Brisson, Mmes Kauffmann, Billon et Perrot, MM. Détraigne et Kern, Mmes Férat, Guidez, Bonfanti-Dossat et Sollogoub, MM. Canevet et Laugier, Mme Vullien, M. Delahaye, Mme A.M. Bertrand, MM. Poadja, Cadic et Lafon et Mme Morin-Desailly.
Alinéa 4, première phrase
Supprimer le mot :
immédiat
Mme Dominique Vérien. - L'article 8 prévoit que la dérogation au secret médical peut se faire lorsque ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat. Cette rédaction renvoie à un risque de mort imminente pour la victime de violences, ce qui ne recouvre pas toujours les cas de violences conjugales. Dès que le médecin a l'intime conscience d'un danger, il convient de lui permettre de signaler le cas, sans que ce danger soit immédiat.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je suis attachée au secret médical, garantie essentielle pour les patients. Si on l'affaiblit, les patients risquent de ne plus consulter leur médecin.
Je suis défavorable à l'élargissement proposé : s'agissant de personnes majeures, la dérogation au secret médical ne peut être admise que pour sauver un patient dont la vie est directement menacée. Le médecin peut accompagner la patiente, l'encourager à porter plainte, mais il n'a pas vocation à se substituer à elle. Le lien de confiance entre le médecin et son patient est fragile : il faut tout faire pour le préserver. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Il n'y a pas de risque que les dérogations au secret médical soient trop restreintes. Elles iront au-delà du danger immédiat et vital. La formulation de la commission des lois a obtenu l'accord de l'Ordre national des médecins.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Notre rapporteure a formidablement plaidé en faveur de l'accord obligatoire de la patiente... (Sourires) J'y suis également favorable, car la confiance est essentielle. Je ne soutiendrai donc pas cet amendement.
Mme Dominique Vérien. - Sous emprise, la victime ne peut se défendre seule sans être aidée. Je comprends qu'il y a eu négociation avec l'Ordre des médecins pour une rédaction d'équilibre.
L'amendement n°11 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Montaugé, Mme Lepage, M. Féraud, Mme Rossignol, MM. Duran, Tissot, Vaugrenard, Manable, Fichet et Daudigny, Mme Conway-Mouret, MM. Mazuir et Leconte et Mme Perol-Dumont.
Alinéa 4, dernière phrase
1° Supprimer les mots :
s'efforcer d'
2° Supprimer les mots :
en cas d'impossibilité d'obtenir cet accord,
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Dans cet article, il est dit que le médecin doit s'efforcer de recueillir l'accord de la victime majeure, mais, à défaut, il peut s'en passer et faire de son propre chef le signalement. La relation de confiance étant essentielle, l'accord doit être obligatoire avant tout signalement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Il est difficile de se rendre compte de l'emprise, qui vampirise à votre insu votre volonté. La victime ne s'appartient plus, car elle subit en permanence une influence abusive et négative. Quand le bourreau n'est pas là, la victime reste quand même sous emprise. Le diagnostic est difficile.
Il faut aider la patiente qui n'existe plus pour elle-même. Elle ne donnera jamais son accord sous emprise. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis également défavorable. Les dérogations au secret médical existent déjà pour les mineurs et les personnes vulnérables. Cela sera désormais possible pour les victimes de violences conjugales.
Mme Laurence Cohen. - Il faut rester équilibré dans votre présentation. L'emprise n'est pas un phénomène démoniaque, comme dans les films d'épouvante. Progressivement, le bourreau va dévaloriser sa victime qui finira par ne plus réagir aux coups.
Pourquoi avoir rejeté l'amendement n°14 rectifié qui permettait au médecin de signaler à la patiente des solutions d'accompagnement par des associations ? Ce n'est pas cohérent. Madame la rapporteure, je sais que vous avez l'esprit de justice... J'en appelle à l'équité.
Nous voterons cet amendement.
Mme Esther Benbassa. - En psychanalyse, l'emprise n'est pas diabolique ; c'est une relation perverse. La victime doit s'en rendre compte pour s'y soustraire. Le médecin doit soustraire la victime de cette emprise avant de porter plainte.
Phénomène aussi complexe que la perversité, l'emprise est diverse. Elle est très difficile à dénouer, d'autant que, suivis ou pas, les pervers ne guérissent pas.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation. - Je voterai cet amendement mesuré. Peu de signalements sont le fait des médecins ; il faut les y inciter, à condition que la victime soit d'accord.
L'amendement n°21 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°50, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
...° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucune action en responsabilité civile, pénale, disciplinaire et administrative ne peut être intentée à l'encontre de tout professionnel ou toute personne qui a appliqué le présent article de bonne foi.
« Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l'identité ou tout autre élément permettant l'identification d'un professionnel ou de toute personne qui a appliqué le présent article sans son consentement. »
Mme Michelle Meunier. - Par cohérence avec le sort de l'amendement n°48, je le retire.
L'amendement n°50 est retiré.
L'article 8 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°80, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 515-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection à une victime dont le médecin ou tout autre professionnel de santé, l'ayant pris en charge aurait porté à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple. »
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement garantit la mise en sécurité de la victime ayant fait l'objet d'un signalement alors qu'elle n'avait pas donné son consentement. Il convient donc que le JAF délivre en urgence une ordonnance de protection. Tous les moyens de protection doivent être mis en oeuvre. Si l'alerte ne vient pas de la victime, les risques de ratés seront importants.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Votre amendement est satisfait par l'article 515-10 du code civil qui permet déjà au procureur de la République de demander une ordonnance de protection, avec l'accord de la victime.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis.
Mme Laurence Cohen. - Nous sommes dans le cas où la victime a fait l'objet d'un signalement en dehors de sa volonté. C'est le médecin qui passe outre le secret médical. Puisqu'il y a désaccord de la victime, l'amendement n'est donc pas satisfait...
Mme Marie Mercier, rapporteur. - On recherche l'accord de la victime. Sans, ce sera plus difficile...
L'amendement n°80 n'est pas adopté.
L'article 8 bis est adopté, de même que l'article 8 ter.
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 8 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de violences, la victime qui se présente spontanément, avant toute déclaration aux autorités de police, dans un établissement médical doit systématiquement se voir remettre, par le personnel soignant qui l'a examinée, un certificat d'examen médical constatant son état de santé consécutif aux violences. »
Mme Esther Benbassa. - L'article 8 ter prévoit l'obligation de remettre un certificat médical constatant les blessures de la victime quand l'examen médical a été requis par l'OPJ ou le magistrat.
Cet amendement étend cette obligation même lorsque la victime ne s'est pas présentée au préalable aux autorités de police.
Les victimes ont besoin d'un document constatant la nature et la gravité des coups portés, notamment dans la perspective de procédures d'indemnisation au civil. Donnons une consécration législative à cette recommandation de la Haute Autorité de Santé et faisons concorder la pratique et le droit, comme l'a préconisé le Grenelle.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Indépendamment de toute procédure judiciaire, le médecin, quelle que soit sa spécialité, remet en main propre à la patiente qui le lui demande un tel certificat. L'amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Rien n'empêche le médecin de remettre un certificat à la victime, comme le préconise la Haute Autorité de Santé. Cela n'a pas à figurer dans la loi. En outre, la déontologie médicale interdit au médecin de se prononcer sur les dires du patient et sur les liens de causalité ; c'est le rôle de l'enquête. Il se contente de constater les faits, après l'examen médical. (Mme le rapporteur le confirme.) Avis défavorable.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
CHAPITRE VI : DISPOSITIONS RELATIVES AUX ARMES
Mme la présidente. - Amendement n°75, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
Compléter l'intitulé du chapitre par les mots :
et aux interdictions de paraître ou de contact
M. Thani Mohamed Soilihi. - Amendement de cohérence rédactionnelle.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Ce complément est utile. Avis favorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°75 est adopté, et l'intitulé du chapitre VI est ainsi modifié.
ARTICLE 9
Mme Annick Billon, présidente de la délégation . - Les articles 9 et 9 bis concernent la saisie d'armes lors d'une perquisition. Selon le rapport de 2019 de l'inspection générale de la justice sur les homicides conjugaux, 68 % des agressions sont commises avec une arme à feu ou une arme blanche. Tout combat contre les armes est donc utile.
Pour autant, la proposition de loi pose deux problèmes. D'abord, l'article 56 du code de procédure pénale concerne les personnes suspectées de crime. Or le féminicide intervient souvent après des violences, psychologiques et physiques, qui ne sont pas d'ordre criminel. La mesure de l'article 9 n'intervient-elle pas trop tard dans le parcours de l'auteur de violences ?
Ensuite, comme le rappelle l'enquête du Monde, « Féminicides : mécanique d'un crime annoncé », il y a aussi des féminicides par strangulation ou défenestration. Le catalogue des armes par destination est sans limite.
Selon l'IGJ, la solution réside dans la généralisation de projets de juridiction ambitieux, le suivi des auteurs et leur éviction systématique du domicile, une meilleure articulation entre forces de l'ordre et magistrats, un décloisonnement au sein des juridictions. Bref, la solution passe plus par la prévention que par la confiscation des armes. Ces articles sont une avancée, certes, mais ne sont sûrement pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre les violences faites aux femmes.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 9 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°81, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Laurence Cohen. - Notre position est cohérente. La lutte contre les violences faites aux femmes ne peut se résumer à une surenchère répressive. Alourdir les peines ne coûte rien, certes, mais ce n'est pas ce qui dissuadera les hommes violents. Malgré l'échec flagrant de cette politique, la droite et le Gouvernement persistent.
L'article 9 bis supprime une peine alternative à l'emprisonnement en rendant cette interdiction cumulative avec une peine d'emprisonnement.
Privilégions plutôt une politique d'éducation dès le plus jeune âge et de prévention sur le long terme, et évitons de répéter les erreurs du passé. À quand un bilan des dispositifs existants comme l'ABCD de l'égalité ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je vous rejoins sur la nécessité d'une politique d'éducation et de prévention, mais l'article 9 bis est une avancée dans la protection des femmes : il n'interdit pas les peines alternatives mais prévoit qu'en matière de saisie d'armes, d'interdictions de paraître et d'entrer en contact, la peine peut être prononcée cumulativement avec une peine de prison. Il s'agit de protéger la victime pendant et après la détention. Retrait ou avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - L'article 9 bis est important pour la protection des victimes. Le tribunal pourra interdire au conjoint violent de rencontrer la victime pendant trois ans, sans avoir à l'assortir d'une autre peine. C'est notamment utile lorsque le condamné est absent. La peine d'interdiction de contact autonome persiste comme peine complémentaire.
Cela n'empêche pas la mise en oeuvre de politiques éducatives. Le ministre de l'Éducation nationale s'est engagé à réaliser un audit, qui sera présenté prochainement, des trois séances d'éducation à la vie affective et sexuelle. Avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - À l'aune des explications données, je retire mon amendement. Je sais la ministre attentive à l'évaluation de ces mesures. (Mme la ministre le confirme de la tête.)
L'amendement n°81 est retiré.
L'article 9 bis est adopté.
ARTICLE 10
Mme Annick Billon, présidente de la délégation . - Les auteurs de violence utilisent les nouvelles technologies pour enfermer leur proie dans une camisole numérique. Le rapport du Haut Conseil à l'égalité sur les violences faites aux femmes en ligne est éclairant. Notre délégation a abordé, dans son rapport d'information de 2018, le sujet du cybercontrôle dans le couple via un logiciel espion. Installé sur le téléphone portable d'un enfant, il permet de surveiller la mère même après la séparation. Nous nous félicitons que ce texte prenne en compte ce harcèlement.
Mme la présidente. - Amendement n°51, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7
Après les mots :
de solidarité
insérer les mots :
ou l'ancien conjoint, concubin ou partenaire
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Les articles 10 et suivants aggravent les peines en matière d'atteinte à la vie privée lorsque ces faits sont commis par le conjoint, concubin ou partenaire. Nous étendons cette aggravation aux anciens conjoints, concubins ou partenaires de Pacs, car c'est souvent au moment de la séparation que les violences apparaissent.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par l'article 132-80 du code pénal, dit « loi des ex » : la circonstance aggravante est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un Pacs. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°51 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
ARTICLE 10 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°52, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Alinéa 4
Après les mots :
de solidarité
insérer les mots :
ou l'ancien conjoint, concubin ou partenaire
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Défendu.
L'amendement n°52, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 bis est adopté.
ARTICLE 10 TER
Mme la présidente. - Amendement n°53, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Alinéa 2
Après les mots :
de solidarité
insérer les mots :
ou l'ancien conjoint, concubin ou partenaire
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Défendu.
L'amendement n°53, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 ter est adopté.
ARTICLE 10 QUATER
Mme la présidente. - Amendement n°54, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Alinéa 2
Après les mots :
de solidarité
insérer les mots :
ou l'ancien conjoint, concubin ou partenaire
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Défendu.
L'amendement n°54, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°23, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende
par les mots :
des peines mentionnées à l'article 222-33-2-1
M. Thani Mohamed Soilihi. - L'article 10 quater introduit par la commission institue une circonstance aggravante, lorsque la victime est le conjoint, du délit d'appels téléphoniques ou de messages malveillants réitérés. Ces faits sont alors punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Or l'article 222-33-2-1 du code pénal prévoit que le délit de harcèlement moral du conjoint par des « propos ou comportements répétés » est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Par cohérence et pour ne pas créer d'asymétrie injustifiée, nous alignons les peines encourues.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Retrait, sinon avis défavorable, pour des raisons juridiques.
Le texte de la commission des lois est cohérent avec l'aggravation de la peine prévue pour les délits d'usurpation d'identité, de violation des données personnelles ou de la correspondance : de 15 000 à 30 000 euros et de un à deux ans d'emprisonnement. Il n'y a pas de raison d'aggraver la sanction en s'alignant sur la sanction du harcèlement, qui suppose de démontrer une altération de la santé physique et mentale de la victime. C'est la différence avec un appel téléphonique malveillant.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il s'agit seulement ici de cohérence avec l'échelle des peines. Plutôt que d'inventer une peine intermédiaire, renvoyons à une peine qui existe dans l'arsenal pénal.
L'amendement n°23 est adopté.
L'article 10 quater, modifié, est adopté.
ARTICLE 11 A
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . - Pour la première fois, le Grenelle des violences conjugales a appréhendé conjointement les violences conjugales et les violences faites aux enfants.
Les victimes de faits pédocriminels sont fragilisées tout au long de leur existence. Elles vont parfois être à leur tour auteurs de violences.
C'est une des grandes avancées du Grenelle, et des mesures que nous portons avec Marlène Schiappa, que de prôner une logique de prévention, avec des centres de prise en charge des auteurs de violences. Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants crée également un numéro d'appel pour les auteurs potentiels, en association avec les centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (Criavs).
Malheureusement, la France est au second rang européen pour le téléchargement de contenu pédopornographique, avec plus de 100 000 connexions à des sites pédopornographiques par an ; s'y ajoutent 50 000 envoyés des États-Unis.
Hier, je visitais la plateforme Pharos. Chaque mois, ce sont 300 000 tentatives de connexion bloquées. La protection des mineurs doit passer par une répression accrue des criminels en ligne, qui ont un sentiment d'impunité derrière leur écran.
Ce marché international est devenu un véritable business. Derrière tout échange d'image de ce genre, il y a une victime - et 20 à 30 % de ceux qui consultent sont aussi des producteurs d'images.
La protection de l'enfance en ligne est une condition de sa protection hors ligne. L'aggravation de la peine encourue de deux à cinq ans entraînera l'inscription automatique au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv). Actuellement, le juge ne décide de l'inscription que dans 50 % des cas : cela laisse environ 500 personnes par an qui ne sont pas inscrites et peuvent être embauchées dans une structure accueillant des enfants...
L'inscription vaudra automatiquement pour vingt ans. La consultation systématique du fichier par les administrations, les associations et les collectivités territoriales sera encouragée.
Mme la présidente. - Amendement n°55, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Le ministre a bien décrit le mécanisme du Fijaisv, que la commission des lois a inversé : le juge d'instruction pouvait décider d'inscrire au fichier les personnes mises en examen mais non condamnées, il pourra désormais décider de ne pas les y inscrire, l'inscription devenant la règle. Pendant tout le temps de la procédure, ils resteront inscrits au fichier que peuvent consulter policiers, magistrats, mais aussi maires, préfets et responsables d'associations !
Certes, les mentions non pertinentes sont censées être retirées, mais les fichiers ne sont jamais nettoyés, faute de temps. La CNIL a ainsi constaté que 40 % des inscriptions au système de traitement des infractions constatées (STIC) étaient inexactes ! Je préfère donc qu'il revienne au juge de décider de l'inscription au Fijaisv.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le Fijaisv est un outil précieux de prévention de la récidive. Il est déjà possible à un juge d'instruction d'y inscrire une personne mise en examen et placée sous contrôle judiciaire ou assignée à résidence sous surveillance électronique.
Nous avons souhaité faire de l'inscription la règle. Certes, cela peut aboutir à ce que des personnes finalement déclarées innocentes soient temporairement inscrites. S'il faut choisir entre deux inconvénients, je préfère cependant ne pas prendre le risque d'embaucher au contact de mineurs quelqu'un sur qui pèsent des soupçons. Le principe de précaution doit prévaloir ; c'est un principe d'action. Avis défavorable.
Il appartient au service du casier judiciaire qui gère le Fijaisv de veiller à sa mise à jour régulière. Un individu qui y figure peut toujours demander l'effacement des données le concernant.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Il ne le sait pas !
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Il faut le lui dire. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s'exclame.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Le code de procédure pénale prévoit deux formes d'inscription au fichier : automatique ou non, selon la peine encourue. La commission des lois a souhaité que l'inscription soit automatique pour les personnes mises en examen sauf avis contraire du juge ; c'est effectivement inverser la logique actuelle.
Nous travaillons pour que le Fijaisv soit plus systématiquement consulté. Depuis la loi Villefontaine du 14 avril 2016, le procureur peut déjà informer l'administration de la mise en examen d'une personne qu'elle emploie.
L'inscription automatique de personnes présumées innocentes soulève une question de principe. Avis favorable à l'amendement. Les juges ordonnent peu d'inscriptions au Fijaisv : moins de 200 par an. Une circulaire sera adressée aux procureurs pour leur demander de requérir plus fréquemment l'inscription de personnes mises en examen.
Mme Laurence Rossignol. - Avis favorable ? Vous devriez venir plus souvent, monsieur le ministre !
Mme Dominique Vérien. - Je ne voterai pas cet amendement. Le fichier sert à éviter l'embauche auprès de nos enfants de personnes soupçonnées, bien que pas condamnées. Lorsqu'un enseignant fait l'objet de soupçons, le laisse-t-on dans sa classe ? Non, sans le renvoyer pour autant, on l'écarte.
Les raisons de l'inscription ne sont pas connues de la personne qui interroge l'administrateur, mais quand on gère un centre de loisir ou un club sportif, on préfère ne prendre aucun risque.
Si le juge décide que le risque ne justifie pas une inscription au fichier, il en prend la responsabilité.
M. Pascal Allizard. - Le sujet est grave. Nous hésitons entre le principe de précaution et la présomption d'innocence.
Les magistrats n'inscrivent au fichier que 50 % des condamnations ? C'est peu. Maire pendant vingt-deux ans, j'ai hélas été confronté au problème. On se doit de protéger les enfants lorsque l'on recrute un encadrant.
Mais je m'étonne que l'on ne fasse pas de différence entre condamnation et instruction, sans prévoir de mesures à titre conservatoire. Je trouve grave, à la fois de mettre des enfants en face d'un délinquant, mais aussi de faire inscrire sur un fichier un innocent.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - C'est vrai.
M. Pascal Allizard. - Je suis perplexe et préfère laisser au juge la responsabilité de l'inscription.
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est toujours le cas.
M. Jérôme Bascher. - Je défends pour ma part le principe de cohérence. Faut-il laisser le juge libre d'apprécier, sachant que la justice est humaine et peut se tromper ? À nouveau, nous nous prenons les pieds dans le tapis.
Tout à l'heure, s'agissant des femmes battues, on a fait primer le principe de précaution. Là, on invoque la présomption d'innocence pour refuser l'inscription de ceux qui maltraitent des enfants. Madame de la Gontrie, vous usez à géométrie variable d'un argument et de l'autre : c'est de l'idéologie, pas de la cohérence.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je n'ai rien compris...
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Il faut distinguer la condamnation, qui entraine une inscription automatique dès lors que la peine encourue est de cinq ans, du stade de l'instruction, où s'applique le principe de la présomption d'innocence. (M. Jérôme Bascher s'exclame.) Le juge est libre de décider ou non l'inscription - mais doit y procéder si le parquet le demande.
Dans la pratique, le juge prévient l'administration : dès qu'un personnel de l'Éducation nationale fait l'objet d'une enquête, il est écarté du contact des enfants. Il faut agir au niveau des pratiques des administrations. La solution trouvée nous semble équilibrée et protectrice de nos enfants.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Monsieur Allizard, le code de procédure pénale prévoit déjà l'inscription de personnes mises en examen. Nous avons seulement déplacé le curseur : l'inscription se faisait sur décision du juge, elle se fera désormais sauf décision contraire du juge. La décision reviendra toujours au magistrat, nous y avons veillé.
C'est un bon équilibre, d'autant que les inscriptions au fichier sont insuffisantes, alors que c'est un élément fort de la protection de l'enfance. L'intérêt supérieur de l'enfant, dans le doute, doit primer, étant entendu qu'en cas de non-lieu, la correction du fichier doit être immédiate. La commission des lois ne cherche pas à faire la révolution !
L'amendement n°55 n'est pas adopté.
L'article 11 A est adopté.
ARTICLE 11
Mme Annick Billon, présidente de la délégation . - Depuis 2014, notre délégation alerte sur l'exposition croissante des mineurs à la pornographie qui véhicule une image dégradante des femmes, déshumanise la sexualité en banalisant la violence et met à mal la notion de consentement.
Le traumatisme est comparable à celui de l'exposition à la violence. Ne laissons pas la pornographie faire l'éducation sexuelle de nos enfants. Nous prônions dans notre rapport d'information une éducation à la sexualité dans les établissements scolaires, avec une sensibilisation aux violences sexuelles.
C'est en alliant volets préventif et répressif que nous ferons évoluer les mentalités. Appuyons-nous sur l'expertise des associations agréées.
Mme la présidente. - Amendement n°16, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Établir un lien entre la consommation de pornographie et les violences conjugales est hasardeux et traduit une conception moraliste et pudibonde de la production pornographique. Celle-ci n'est pas uniforme et toutes les productions ne sauraient être perçues comme violentes ou dégradantes. De nouvelles plateformes féministes et progressistes émergent, loin des stéréotypes.
La simple prohibition de la pornographie ne saurait remplacer des cours d'éducation sexuelle à destination des adolescents. Le lien direct entre pornographie et violences conjugales et intrafamiliales n'étant pas établi, nous supprimons cet article.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'article 11 codifie une jurisprudence de la Cour de cassation. La proposition de loi contient des dispositions qui débordent le champ des violences conjugales et traite de la protection des mineurs. C'est le cas ici. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le sujet n'est pas la consommation de contenus pornographiques par des adultes mais bien l'accès des enfants à ces contenus. Par un simple clic sur un bandeau certifiant qu'il est majeur, un enfant se retrouve sur des sites pornographiques. L'âge moyen du premier accès est de 14 ans ; 50 % des enfants voient du matériel pornographie sur Internet dès 11 ans.
C'est une forme de violence pour un jeune cerveau. Les enfants reproduisent les scènes qu'ils voient, cela façonne leur conception de la sexualité, du rapport à l'autre, au corps, au consentement. Ils sont 75% à estimer avoir été exposés trop tôt à ces contenus.
Le sujet n'est pas complètement étanche avec celui des violences familiales ; des pédiatres le confirment.
Il faut développer l'éducation sexuelle auprès des jeunes, les aider à construire une pensée critique, et mieux informer les parents.
Un protocole de lutte contre l'exposition des enfants aux sites pornographiques a été signé en janvier dernier par Cédric O, réunissant tous les acteurs. Avis défavorable.
Mme Laurence Rossignol. - Je voterai contre l'amendement de Mme Benbassa, mais je suis très perplexe sur l'utilité de l'article proposé par le Gouvernement. Je ne peux le blâmer : nous sommes tous complètement désarmés. Nous ne savons pas comment faire, quelles que soient les chartes, les plans de lutte, pour éviter qu'un mineur consulte ces sites. Un jour, il faudra bien aborder aussi les dangers de cette pornographie pour les mineurs, et même pour les adultes - et pour les personnes qui sont utilisées dans ces films. Une affaire entre adultes consentants ? Mais quel consentement pour les acteurs de ces films produits à l'étranger, dans des pays sans règlementation, alors que les scènes sont de plus en plus violentes ? Peut-être un jour cessera-t-on de dire que la pornographie fait partie des libertés individuelles...
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°92 rectifié, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'il constate qu'une personne dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne permet à des mineurs d'avoir accès à des contenus pornographiques en violation de l'article 227-24 du code pénal, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel adresse à cette personne, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l'accès des mineurs au contenu incriminé. La personne destinataire de l'injonction dispose d'un délai de quinze jours pour présenter ses observations.
À l'expiration de ce délai, en cas d'inexécution de l'injonction prévue au premier alinéa du présent article et si le contenu reste accessible aux mineurs, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'ordonner, en la forme des référés, que les personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique mettent fin à l'accès à ce service. Le procureur de la République est avisé de la décision du président du tribunal.
Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins lorsque le service de communication au public en ligne est rendu accessible à partir d'une autre adresse.
Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel peut également demander au président du tribunal de judiciaire de Paris d'ordonner, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du service de communication en ligne par un moteur de recherche ou un annuaire.
Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel peut agir d'office ou sur saisine du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.
Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - C'est un amendement très important. Que ce soit sur un ordinateur ou sur leur smartphone, les mineurs peuvent de nos jours très facilement visionner des contenus pornographiques disponibles gratuitement en ligne.
En violation de la loi, de nombreux sites internet n'opèrent aucun contrôle de l'âge des visiteurs. Il suffit d'un clic, par lequel le mineur certifie avoir plus de 18 ans, pour que des milliers de vidéos pornographiques lui soient accessibles. Pourtant des solutions d'identification de l'âge existent, par exemple en passant par FranceConnect ou en utilisant une carte de paiement.
Beaucoup de mineurs visionnent ces images dès leur entrée au collège, aux intercours : on s'interroge sur l'impact à moyen terme pour leur développement affectif, psychologique et sexuel. On sait que 50 % des moins de 12 ans ont visionné un film pornographique entier. Parfois, des enfants de 7 ou 8 ans accèdent à des images pornographiques alors qu'ils regardent un autre film.
En principe, l'article 227-24 du code pénal permet de sanctionner les sites qui diffusent des images pornographiques susceptibles d'être vues par un mineur. La peine encourue est de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Mais, en pratique, cet article n'est pas appliqué dans l'univers numérique, la justice ne parvenant pas à atteindre les éditeurs de ces sites, souvent basés à l'étranger, dans des paradis fiscaux, non coopératifs.
Les demandes ont explosé pendant le confinement, et surtout pour des films pornographiques violents, autrefois limités aux personnes sadomasochistes ou BDSM. Aujourd'hui, le violent est devenu normal, et les jeunes filles trouvent normal que leur partenaire soit violent.
Cet amendement institue une nouvelle procédure, destinée à obliger les éditeurs des sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l'âge de leurs clients : d'abord, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) leur adresserait une injonction de se mettre en conformité avec la loi, puis il pourrait saisir le président du tribunal judiciaire de Paris afin qu'il ordonne aux opérateurs de rendre impossible l'accès à ces sites, qui ne pourraient donc plus être consultés depuis la France. Au moins, nous nous proposons d'agir. De telles mesures fonctionnent bien contre les cercles illégaux de jeu en ligne !
Adopter cet amendement reviendrait à mettre en oeuvre l'engagement que le Président de la République avait pris, le 20 novembre 2019, à l'Unesco. Il avait donné six mois aux acteurs de l'internet pour mettre en place un contrôle parental par défaut, sans quoi il serait nécessaire de légiférer. Cette question devait être traitée dans le projet de loi de réforme de l'audiovisuel, mais son avenir est désormais très incertain. Le présent texte est un bon véhicule puisqu'il traite également de la protection des mineurs.
C'est la fable du colibri : même petit, il transporte une goutte d'eau dans son bec pour éteindre l'incendie de la brousse - il fait sa part. Nous ne pouvons accepter de ne pouvoir rien faire. En 2001 lorsque j'ai été élue maire, on me soumettait déjà ce problème. Saisissons cette occasion de protéger nos enfants.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Nous allons essayer d'être aussi passionnés que Mme le rapporteur. Madame Rossignol, vous avez raison, l'article 11 ne suffit pas, mais nous mettons en oeuvre un ensemble de mesures.
L'exposition des mineurs à la pédopornographie est une préoccupation du Président de la République.
Le protocole d'engagement a été signé entre Cédric O, les associations, les hébergeurs, les éditeurs de contenus, les grandes plateformes, les fournisseurs d'accès et les constructeurs de téléphones. Ils se sont engagés à proposer sous six mois un dispositif pour restreindre très fortement l'accès des mineurs à la pornographie, avec le contrôle parental par défaut, car cela reste un moyen d'action efficace.
Adopter cet amendement ne mettra pas à bas l'engagement des acteurs. L'article premier de la loi Avia a aussi intégré l'exposition à la pornographie des mineurs. L'article 11 de la loi réintroduit dans le droit « dur » une jurisprudence de la Cour de cassation.
Le projet de loi Audiovisuel dont vous serez peut-être saisi, peut-être sous une forme différente, prévoyait la fusion du CSA et de la Hadopi pour créer l'Arcom, comprenant dans son champ de compétences la lutte contre la pornographie.
Cet amendement est utile, avis favorable.
L'amendement n°92 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann et MM. Ouzoulias et Savoldelli.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 222-14-3 du code pénal, il est inséré un article 222-14-... ainsi rédigé :
« Art. 222-14-.... - Le fait d'exposer un mineur à des violences commises sur le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité est puni des peines prévues au b des articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13. Le mineur exposé est considéré comme victime des violences. »
Mme Esther Benbassa. - Selon une étude du ministère de la Santé, 170 000 enfants sont témoins de violences conjugales au sein des foyers français.
Les conséquences à une telle exposition sur le long terme sont prouvées : syndrome de stress post-traumatique, effets négatifs dans le développement cognitif et émotionnel, problèmes de comportement...
Le rapport de domination et de violation qui touche le parent battu s'établit aussi avec l'enfant du couple, qui subit par là même un mauvais traitement. Ce préjudice doit être reconnu, or aujourd'hui, sur le plan pénal, l'enfant n'est pas considéré comme victime, sauf s'il est lui-même directement victime de violences.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je partage l'idée générale qui sous-tend cet amendement : le mineur exposé aux violences en est indirectement la victime.
Le code pénal prend déjà en compte cette dimension : les faits de violence au sein du couple sont punis plus sévèrement lorsqu'un mineur a assisté aux faits. Cet amendement est satisfait. Retrait ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - La loi du 3 août 2018 a déjà reconnu ce statut de victime pour le mineur exposé aux violences conjugales.
De même, dans la circulaire du 9 mai 2019, la garde des Sceaux a demandé aux parquets de retenir systématiquement cette circonstance aggravante.
Votre amendement pose un problème constitutionnel : depuis la loi de 2018, les sanctions pour violences sur mineur sont aggravées. Il n'est pas possible de créer un délit autonome puisque ces faits sont déjà des circonstances aggravantes. Cela violerait la règle du non bis in idem.
Le Grenelle a conclu à la nécessité d'une écoute pluridisciplinaire et 64 unités d'accueil pédiatriques à l'enfance en danger sont déjà installées. Nous en prévoyons 104 en 2022.
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
L'article 11 bis est adopté.
ARTICLE 12 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°56, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 20 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Art. 20 - Lorsque l'avocat intervient dans une procédure présentant un caractère d'urgence, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, l'aide juridictionnelle est attribuée de manière provisoire par le bureau d'aide juridictionnelle ou par la juridiction compétente.
« L'aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d'aide juridictionnelle établit l'insuffisance des ressources. »
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Les victimes doivent être aidées par un professionnel. À l'Assemblée nationale, Philippe Gosselin et Naïma Moutchou ont mené des travaux importants pour que l'aide juridictionnelle soit attribuée, dans le cas des violences conjugales, sans condition de ressources.
Je propose de rétablir l'article 12 supprimé en commission, curieusement au motif qu'il était possible d'obtenir l'aide juridictionnelle en cas d'urgence. Cela prend entre quinze jours et six mois selon les tribunaux, et cela dépend aussi des objets.
Fixons le cadre de demande d'aide juridictionnelle en urgence, pour que cela soit égalitaire. Une circulaire de la garde des Sceaux prévoit qu'il faudrait une attribution en vingt-quatre heures en cas de violences sexuelles sur mineurs, mais ce n'est pas le cas en pratique ! Or l'article le prévoyait.
Mme la présidente. - Amendement identique n°82, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. - Je suis étonnée de la position de la commission des lois. Les compagnons violents enferment souvent leur victime dans une grande dépendance économique. Pourquoi en rajouter ?
Le rapport d'information de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, commis en janvier, estimait que cela faciliterait les démarches des femmes. Édouard Durand recommandait le versement d'une aide juridictionnelle dès le début de la procédure. La victime pourrait même être domiciliée chez son avocat.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet article ne présente qu'un apport très modeste au regard de la situation existante, car la solution dépend de l'organisation des bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) et des priorités qu'ils appliquent dans le traitement des dossiers.
La circulaire du 28 janvier 2020 de la garde des Sceaux appelle les BAJ à mettre en place un circuit spécifique permettant l'attribution sous vingt-quatre heures de l'aide juridictionnelle au profit de la partie demanderesse en cas d'ordonnance de protection. L'aide est alors attribuée définitivement.
Le système actuel donne suffisamment de souplesse aux juridictions et aux bureaux d'aide juridictionnelle lorsque l'admission à l'aide est nécessaire à titre provisoire.
L'article 12 remet en cause tout le système actuel d'attribution de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en privant les juridictions judiciaires et administratives de leur faculté de l'attribuer au regard de l'urgence de chaque situation, sans avoir à se limiter à tel ou tel type de contentieux.
Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Avis favorable. Les violences conjugales figurent en première place des raisons, mais renvoyons au décret la disposition du périmètre. Des conventions donnent lieu à dotation complémentaire quand les barreaux mettent en place une permanence et le périmètre des conventions intègre depuis peu les ordonnances de protection.
Les amendements identiques nos56 et 82 ne sont pas adoptés.
L'article 12 demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°57, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la revalorisation de l'aide juridictionnelle.
Mme Laurence Rossignol. - L'aide juridictionnelle est la condition d'accès à la justice pour tous. De nombreuses questions, montants différenciés, plafonds de ressources, mériteraient un débat avec le Gouvernement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'aide juridictionnelle mériterait un projet de loi à part entière. Nous en avons débattu lors de l'examen de la dernière loi de finances au cours de laquelle le Sénat s'est opposé à une réforme adoptée au détour d'un amendement à l'Assemblée nationale....
Ceci étant dit, je propose l'application de la « jurisprudence » habituelle de la commission sur les demandes de rapport. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Un rapport parlementaire a été publié l'an passé, ainsi que le rapport du Conseil national de l'aide juridique. Une commission présidée par Dominique Perben devrait rendre ses conclusions dans quelques semaines. Nous en débattrons alors.
L'amendement n°57 n'est pas adopté.
L'article 12 bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Yung, Mme Cartron et MM. Bargeton, Hassani et Lévrier.
Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont ainsi admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle les étrangers ayant subi des violences familiales ou conjugales, sans que soit applicable la condition de régularité du séjour. »
M. Richard Yung. - La loi de juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle permet aux étrangers d'en bénéficier si le cas présenté est jugé « digne d'intérêt ». Mais les pratiques des bureaux d'aide juridictionnelle sont variables et cela est préjudiciable aux étrangers qui disposent souvent de faibles ressources.
Cet amendement précise que tous les étrangers victimes de violences familiales ou conjugales peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle dans le cadre de toute procédure civile, pénale ou administrative.
Mme la présidente. - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est complété par les mots : « ainsi que pour l'étranger victime des délits et crimes mentionnés aux articles 222-7 à 222-16-3, 222-22 à 222-22-2, 222-23 à 222-26, 222-27 à 222-31, 222-33-2 à 222-33-2-2 du code pénal ».
Mme Esther Benbassa. - Les femmes étrangères sont régulièrement victimes de violences mais ne peuvent s'adresser à la justice faute d'accès à l'aide juridictionnelle.
Les personnes étrangères ne bénéficient pas automatiquement de l'aide juridictionnelle qui est en principe délivrée sous condition de nationalité ou de régularité du séjour. Pourtant, la loi du 3 juillet 1991 avait ouvert la voie à un élargissement à certains migrants.
Si l'aide juridictionnelle est désormais délivrée à certains étrangers en situation irrégulière, les victimes de violences conjugales, de harcèlement moral, de viol ou d'agression sexuelle ne peuvent en principe en bénéficier que si elles se trouvent en situation régulière.
Mme la présidente. - Il est minuit, je vous propose de continuer néanmoins pour achever l'examen du texte.
Il en est ainsi décidé.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Les étrangers peuvent déjà être admis à l'aide juridictionnelle sans condition de résidence, lorsqu'ils sont parties civiles ou qu'ils bénéficient d'une ordonnance de protection. Ces amendements sont donc satisfaits. Retrait.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Si la victime ne dispose pas de ressources, elle est admise à l'aide juridictionnelle automatiquement. Je préfère la rédaction de la proposition de loi, plus solide. Avis défavorable.
L'amendement n°18 rectifié est retiré.
L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Yung, Mme Cartron et MM. Bargeton, Hassani et Lévrier.
Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l'article L. 121-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'autorité administrative ne peut pas procéder à son retrait lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales. » ;
2° La seconde phrase du second alinéa de l'article L. 122-1 est complétée par les mots : « , y compris lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
3° La seconde phrase du septième alinéa de l'article L. 313-25 est complétée par les mots : « et ne peut pas être retirée par l'autorité administrative lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
4° La seconde phrase du septième alinéa de l'article L. 313-26 est complétée par les mots : « et ne peut pas être retirée par l'autorité administrative lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
5° Le dernier alinéa de l'article L. 314-8-2 est complété par les mots : « , y compris lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
6° L'article L. 314-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité administrative ne peut pas procéder au retrait de la carte de résident prévue au 8° lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Dispositions relatives aux étrangers victimes de violences familiales ou conjugales
M. Richard Yung. - Cet amendement complète le dispositif de protection des victimes de violences familiales ou conjugales de nationalité étrangère, renforcé par la loi du 7 mars 2016 et par la loi du 10 septembre 2018. Il s'applique aux conjoints de Français titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », aux conjoints de Français titulaires d'une carte de résident, aux bénéficiaires d'une ordonnance de protection, ainsi qu'aux bénéficiaires du regroupement familial.
Mais les conjoints de ressortissants communautaires, de réfugiés, de bénéficiaires de la protection subsidiaire, d'apatrides ne sont pas protégés. Cet amendement y remédie.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - En temps normal, l'étranger titulaire d'une carte de séjour doit être en mesure de justifier qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. S'il cesse de remplir l'une de ces conditions, alors il risque un retrait.
En l'espèce, bénéficiant du titre de séjour en tant que conjoint, l'étranger doit normalement pouvoir justifier d'une communauté de vie effective avec son conjoint.
Certains dispositifs prévoient expressément des exceptions à cette condition. Mais rien n'est prévu pour les conjoints de ressortissants communautaires.
L'amendement est donc bienvenu pour accorder un même traitement quel que soit le titre accordé. Avis favorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Cet amendement est satisfait pour les conjoints de ressortissants communautaires. Cela a été confirmé plusieurs fois par la jurisprudence communautaire. En cas de besoin, le droit de séjour du conjoint peut être maintenu même si la communauté de vie est rompue. C'est le cas pour les personnes victimes de violences conjugales. En aucun cas, le Ceseda ne permet de retirer le titre. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°10 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par M. Yung, Mme Cartron et MM. Bargeton, Hassani et Lévrier.
I. - Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « de plein droit » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La preuve des violences familiales ou conjugales peut être apportée par tout moyen. » ;
2° L'article L. 314-5-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La preuve des violences familiales ou conjugales peut être apportée par tout moyen. » ;
3° Le dernier alinéa de l'article L. 431-2 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « de plein droit » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La preuve des violences familiales ou conjugales peut être apportée par tout moyen. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Dispositions relatives aux étrangers victimes de violences familiales ou conjugales
M. Richard Yung. - Dans son rapport de 2019, le Défenseur des droits a constaté que certaines préfectures continuent de subordonner le renouvellement des titres de séjour à l'obligation de produire la preuve d'un divorce en cours - voire d'un divorce pour faute - ou d'une condamnation pénale de l'auteur des violences. Il est impératif de mettre fin à cette pratique, qui n'est pas conforme à la volonté exprimée par le législateur dans la loi de 2016.
Cet amendement garantit le renouvellement de plein droit du titre de séjour des étrangers victimes de violences familiales ou conjugales et précise que la preuve des violences peut être apportée par tout moyen.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement règle les conséquences d'une cessation de la vie commune pour violences conjugales en prévoyant un renouvellement de plein droit du titre de séjour et en permettant la preuve des violences conjugales par tous moyens.
Il est déjà satisfait. Les bénéficiaires de ces titres de séjour ne se voient pas retirer leur titre du fait de la cessation de la vie commune et les textes en permettent un renouvellement de plein droit. Ne compliquons pas les choses !
Par ailleurs, les faits de violence peuvent déjà être prouvés par tous moyens. Ce problème administratif doit être réglé par une circulaire.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°8 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°62, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa, les mots : « qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des » sont remplacés par les mots « victime de » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison de la menace » sont remplacés par le mot : « menacé » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « à l'étranger qui continue à bénéficier d'une telle ordonnance de protection » sont supprimés ;
3° Au dernier alinéa, les mots : « même après l'expiration de l'ordonnance de protection » et les mots : « , pendant la durée de la procédure pénale y afférente » sont supprimés ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si, au terme des procédures judiciaires, les faits de violences conjugales ne sont pas reconnus, la carte de séjour délivrée est retirée sans délai. »
II - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Du droit au séjour
Mme Claudine Lepage. - La loi du 10 septembre 2018 a prévu la délivrance d'une carte de séjour aux seules victimes de violences conjugales qui bénéficient d'une ordonnance de protection. Or très peu sont délivrées chaque année. L'amendement supprime cette condition de l'ordonnance de protection pour autoriser au séjour sur notre territoire les victimes de violences conjugales.
Si, au terme des procédures judiciaires, les faits de violences ne sont pas reconnus, la carte de séjour est immédiatement retirée.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Les violences ou menaces doivent être attestées par l'obtention d'une ordonnance de protection.
Tenons-nous en au droit existant : la délivrance d'une ordonnance de protection est la garantie qu'un juge a apprécié la vraisemblance des faits et du danger encouru, ce qui évite tout détournement de ce fondement de délivrance d'une carte de séjour temporaire.
Par ailleurs, si l'on transfère l'appréciation aux services de la préfecture, il n'est pas certain qu'ils se fondent sur une vraisemblance des faits allégués comme le prévoit le code civil en matière d'ordonnance de protection ; ils pourraient au contraire exiger une matérialité plus grande des faits.
Les ordonnances de protection sont plus souvent délivrées par les JAF et les étrangers sans séjour régulier peuvent obtenir l'aide juridictionnelle.
Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes motifs.
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
L'article 14 demeure supprimé.
Mme la présidente. - Amendement n°19, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les violences administratives dans le cadre conjugal, leurs incidences et les moyens d'y remédier.
Mme Esther Benbassa. - Je souhaite attirer votre attention sur les violences administratives consistant, pour le partenaire maltraitant, à confisquer ou détruire les documents administratifs personnels de sa conjointe ou son conjoint, afin de bloquer la victime dans ses démarches et l'accès à ses droits. Une forme d'emprise est ainsi maintenue. Cette brutalité psychologique frappe particulièrement les personnes étrangères, les plaçant en situation de vulnérabilité sur notre territoire.
La confiscation par le conjoint violent des documents administratifs place la victime dans une situation de dépendance. Pendant le confinement, certains confisquaient formulaires d'autorisation de sortie et stylos ! Pour les migrants s'ajoute la crainte de l'expulsion.
Le phénomène est hélas trop méconnu : cet amendement concerne un rapport au Parlement sur le sujet.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Plus utile que demander un rapport sur ces formes de violence, il convient de sensibiliser les pouvoirs publics à ces situations. Retrait.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Je partage votre constat. Le sujet a été abordé lors du Grenelle et pendant le confinement par les associations. Un groupe de travail sur les violences économiques a été créé à cet effet. Je reçois les banques jeudi pour les sensibiliser sur la réalité vécue par les femmes quittant leur conjoint, lorsque celui-ci se précipite pour supprimer les moyens de paiement... Avis défavorable.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°58 rectifié, présenté par Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement dans lequel il rend compte de l'état de la situation des 16 départements dépourvus d'intervenant social en gendarmerie et en commissariat (ISCG), des mesures à prendre pour favoriser la généralisation du dispositif en lien avec les collectivités locales ainsi que sur l'opportunité d'ouvrir dans les territoires ruraux le financement à hauteur de 100 % des ISCG via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).
Mme Laurence Rossignol. - Les intervenants sociaux en gendarmerie et en commissariat (ISCG) sont salués pour leur efficacité. Mais seize départements en sont encore dépourvus.
Il serait utile que les communes puissent les financer en tant que de besoin via le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Cet amendement demande un rapport sur cette proposition.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'accompagnement social des victimes est important, mais il s'agit d'une demande de rapport. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - L'augmentation du nombre de ces intervenants est prévue par le Grenelle. Sur les 80 nouveaux postes annoncés en 2020 par Christophe Castaner, il y a déjà eu 15 recrutements.
Un comité suit leur implantation dans chaque territoire. Il livrera un bilan cet automne. Avis défavorable.
M. Marc Laménie. - Tous les amendements relèvent de préoccupations intéressantes. Au sein de la délégation aux droits des femmes, nous avons souvent abordé ce sujet. La tâche des forces de sécurité est considérable en la matière, plus encore avec la crise sanitaire. Un partenariat avec les communes est envisageable, mais se pose la question des moyens.
Je me rallierai à la position du rapporteur.
L'amendement n°58 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport dressant un état des lieux des conséquences du confinement sur les violences au sein du couple et un bilan détaillé et chiffré des mesures prises pendant l'état d'urgence sanitaire pour lutter contre ces violences.
Mme Martine Filleul. - Cet amendement demande au Gouvernement un rapport afin de connaître les conséquences de cette crise sur les violences conjugales, mais aussi afin de pouvoir en tirer les conclusions nécessaires.
La proposition de loi a été élaborée et votée à l'Assemblée nationale avant la crise sanitaire et le confinement, facteur aggravant des violences conjugales.
Mais nous n'avons pas de bilan sur l'ampleur de ce phénomène. Les tribunaux tournaient au ralenti et les délais d'audience se sont allongés tandis que les stages de responsabilité n'ont plus eu lieu. Évaluons les dispositifs pour les améliorer ou les pérenniser. Nous devons identifier également les difficultés spécifiques rencontrées par les victimes de violences.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'impact du confinement sur les violences conjugales ou sur les mineurs a été rapidement identifié comme un enjeu de première importance.
J'espère que le Gouvernement pourra présenter un bilan détaillé et chiffré. Le Gouvernement a créé un certain nombre de dispositifs. L'Ordre des avocats, de son côté, a mis en place un numéro dédié.
Avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Dès fin mars, j'ai confié une mission à Élisabeth Moiron-Braud, présidente de la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof) sur l'évaluation de la prévalence des violences conjugales pendant le confinement.
Les résultats seront rendus en juillet. Il y a eu cinq fois plus de signalements sur la plateforme, 36 % de plus d'appels mais moins de féminicides, semble-t-il.
J'ai présenté, il y a quinze jours, les évaluations et les résultats chiffrés sur le site du ministère. Nous vous les adresserons, ils sont publics.
Le dispositif d'alerte dans les pharmacies a donné lieu à des comparutions immédiates et à des relogements. Une alerte par SMS est également possible au 114.
La Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales (Fnacav) a aussi mis en place un accompagnement des auteurs de violences conjugales par le biais d'un accueil téléphonique. Certaines personnes qui n'arrivent pas à gérer leurs accès de violence ont besoin d'être aidées. Depuis début avril, plus de 500 appels ont permis d'accompagner des hommes avant qu'ils ne soient violents. Une plateforme a permis de reloger en trois heures - contre 48 heures habituellement - les auteurs de violences conjugales. Nous pérenniserons ces dispositifs.
Nous avons mis en place 90 points d'écoute et d'accompagnement des femmes dans les supermarchés et les centres commerciaux ouverts durant le confinement, grâce à l'engagement des associations de terrain.
Nous travaillons à un plan de confinement pérenne en Europe pour l'avenir.
L'amendement n°59 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 15 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann et MM. Ouzoulias et Savoldelli.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois, à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux dispositifs de prise en charge des victimes de violences conjugales au sein des couples de même sexe. Ce rapport s'accompagne d'éléments chiffrés quant au nombre de personnes concernées chaque année et les moyens permettant de mieux expertiser ces phénomènes.
Mme Esther Benbassa. - Les violences conjugales touchent tous les milieux et tous les couples, y compris les couples de même sexe. Pourtant, nous ne disposons pas de statistiques satisfaisantes.
La mission interministérielle pour la protection des personnes contre les violences conjugales ne dispose que de chiffres relatifs aux victimes féminines sans faire référence au sexe du maltraitant.
Selon l'association AGIR, 11 % des gays et des lesbiennes et 20 % des personnes bisexuelles déclaraient avoir subi des maltraitances conjugales en 2013. Seulement 3 % d'entre elles avaient alors porté plainte. Ces données ne sont pas récentes et pourraient manquer de précision, faute d'un échantillon représentatif de la communauté LGBT dans sa globalité.
Toutes les violences conjugales ne sauraient être traitées avec les mêmes outils. Rétablissons l'article 15 dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale pour la remise d'un rapport au Parlement.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La commission est par principe réservée sur les demandes de rapport et elle a donc supprimé l'article 15, même si ce sujet est intéressant.
Je crains que les rapports ne deviennent un alibi pour l'inaction. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Une application de l'association FLAG que je parraine signale à des policiers formés des violences dans des couples de même sexe. On ne connaît pas assez les chiffres, c'est vrai. J'ai donc ajouté un volet en ce sens à la mission d'Élisabeth Moiron-Braud.
Depuis dix à quinze ans, le ministère de l'Intérieur publie une étude sur les morts violentes dans le couple quel que soit le sexe de la victime et de l'auteur. Ce double tabou doit être levé. Sagesse.
L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.
L'article 15 demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°69, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 21 de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, après les mots : « état civil, », sont insérés les mots : « des agents des postes consulaires, ».
Mme Claudine Lepage. - Cet amendement étend l'article 21 de la loi du 9 juillet 2010 qui prévoit une formation sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes, sur les mécanismes d'emprise psychologique, ainsi que sur les modalités de leurs signalements aux autorités administratives et judiciaires aux personnels des postes diplomatiques.
En effet, les victimes de violences conjugales qui résident à l'étranger sont souvent encore plus isolées que celles vivant sur notre territoire. Nos postes diplomatiques devraient être un lieu où elles peuvent être informées quant à leurs droits. Une formation des agents consulaires est donc nécessaire.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Les consulats ont déjà pour mission de conseiller les ressortissants français sur les démarches qu'ils doivent entreprendre vis-à-vis des autorités nationales. La formation des agents devra donc être adaptée à chaque contexte local et les mécanismes de sa mise en oeuvre ainsi que de sa prise en charge ne paraissent pas évidents.
Avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - La formation du personnel diplomatique relève du ministère des Affaires étrangères, non de la loi. Le comité de suivi des mesures du Grenelle suit également cette question. Avis défavorable.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°69 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par M. Regnard, Mme Deromedi, MM. Frassa, del Picchia, Le Gleut et Yung, Mme Garriaud-Maylam, M. Cambon, Mme Deroche, MM. Piednoir, Laménie et Kennel, Mmes Billon et Canayer, MM. Raison, Perrin, Saury et Cuypers, Mme Lopez, MM. B. Fournier, D. Laurent et Pierre et Mme Lherbier.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l'article 10 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les violences conjugales concernant les Français établis hors de France ; ».
M. Damien Regnard. - Cet amendement prévoit que le rapport annuel sur la situation des Français hors de France remis par le Gouvernement aux instances représentatives des Français de l'étranger fasse expressément mention des violences conjugales.
La détresse des Français de l'étranger victimes de violences conjugales est d'autant plus grande qu'ils sont hors du territoire national et souvent éloignés de leur famille.
Pourtant, sur un sujet aussi grave, nous n'avons que très peu d'informations. Une meilleure connaissance permettrait sans doute une prise de conscience nécessaire à la mise en place d'un accompagnement plus encadré de ces Français victimes de violences conjugales.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'idée est intéressante : ce rapport comporte déjà des développements sur la sécurité des Français établis à l'étranger. Les violences au sein du couple constituent un facteur majeur d'insécurité ; il est donc légitime de consacrer des développements à cette question. Avis favorable.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Sagesse.
Mme Claudine Lepage. - La demande de M. Regnard est intéressante, mais je m'interroge sur les réponses de la ministre et de la rapporteure. Où est la cohérence ? On ne veut pas former les agents diplomatiques pour accueillir les Françaises victimes de violences mais on souhaite publier des statistiques... Cela m'échappe.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Nous souhaitons évidemment former le personnel diplomatique mais cela ne relève pas de la loi. Nous sommes un des quatre pays dans le monde portant une diplomatie féministe. Nous sommes reconnus par l'ONU dans ce domaine : en juillet 2021, nous accueillerons le forum Génération Égalité qui marque les 25 ans du forum mondial de Pékin sur les femmes.
L'amendement n°2 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Yung, Mme Cartron et MM. Bargeton, Hassani et Lévrier.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur la situation des victimes de violences conjugales françaises établies hors de France.
Ce rapport expose notamment :
1° L'accompagnement par les agences consulaires en cas de violences conjugales, l'accès aux numéros dédiés et la formation des agents ;
2° Les démarches potentielles qui pourraient être menées par la France pour aboutir à des accords multilatéraux ou bilatéraux pour améliorer la situation des parents qui ne peuvent revenir en France en raison des règles locales d'autorité parentale ;
3° Les évolutions nécessaires pour que les Français victimes de violence conjugale et établis à l'étranger dans un pays où la loi locale ne prévoit pas d'aide juridictionnelle puissent bénéficier de cette aide dans le cadre de procédures dans le pays de résidence concernant les faits de violence conjugale ;
4° Les possibilités pour que le droit à l'allocation de soutien familial en raison du non-versement d'une pension alimentaire mise à la charge de l'autre parent par décision de justice soit ouvert aux Français établis hors de France.
M. Richard Yung. - Comme il existe déjà un rapport, je retire mon amendement.
L'amendement n°7 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°22, présenté par Mmes Lepage, Blondin et Monier, MM. P. Joly et Magner, Mmes Guillemot et Féret, MM. Féraud, Lurel et Duran, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Manable, Daudigny et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Bonnefoy et MM. Gillé et Mazuir.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur la possibilité? de l'intervention du procureur de la République comme partie au procès civil aux affaires familiales en cas de violences intrafamiliales.
Mme Claudine Lepage. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°66, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la mise en oeuvre de l'éducation à la sexualité dans le cadre scolaire, à l'école primaire, au collège et au lycée.
Mme Claudine Lepage. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°67, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport proposant des pistes pour la mise en oeuvre d'un signalement en ligne pour les victimes de violences, harcèlements et discriminations et d'une application leur permettant de déclencher l'enregistrement de l'infraction et de signaler par géolocalisation les faits en temps réel.
Mme Claudine Lepage. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°68, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2020, un rapport qui évalue le coût des frais médicaux et para-médicaux à la charge des victimes de violences conjugales et de leur éventuelle prise en charge intégrale par la sécurité sociale, que ces violences soient physiques ou morales.
Mme Claudine Lepage. - Défendu.
Les amendements nos22, 66, 67 et 68 sont retirés.
Mme la présidente. - Amendement n°83, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur la possibilité de généraliser le protocole « féminicide » mis en oeuvre en Seine-Saint-Denis.
Mme Laurence Cohen. - Le dispositif expérimental et unique en France, le « protocole féminicide » prévoit que suite à un féminicide-homicide ou à une tentative d'une particulière gravité, le procureur de la République prend en urgence une ordonnance de placement provisoire des enfants. Ceux-ci sont confiés au service de l'Aide sociale à l'enfance pour évaluation et hospitalisés dans le service de pédiatrie Robert Ballanger pendant une durée de trois à huit jours, avec des droits de visite suspendus pendant cette durée.
60 % des enfants témoins de violences conjugales présentent des troubles de stress post-traumatique. En cas de féminicide, ce taux atteint 100 %. Afin de protéger les enfants et de prévenir les troubles de comportement, un partenariat original a été mis en place en 2014 dans le département de Seine-Saint-Denis entre le parquet du TGI de Bobigny, le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois et le conseil départemental de Seine-Saint-Denis via l'Observatoire des violences envers les femmes et le service de l'Aide sociale à l'enfance.
Une évaluation somatique et psychologique est réalisée, et le service de pédiatrie fait l'interface avec le tribunal, la police et les professionnels de la protection de l'enfance. Il assure aussi le suivi ultérieur.
Cette expérience mériterait d'être étendue à d'autres départements où le schéma départemental de l'aide aux victimes a fait de la lutte contre les violences conjugales une de ses priorités.
Cet amendement demande un rapport sur la généralisation du protocole. Cette expérience devrait être étendue à d'autres parties du territoire.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le protocole féminicide de Seine-Saint-Denis est incontestablement intéressant. Comme l'indiquent les auteurs de l'amendement, il est expérimental. Il doit être évalué avant d'être généralisé. De quels éléments le Gouvernement dispose-t-il ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Nous nous sommes rendus dans cet hôpital à trois reprises. Le Grenelle des violences conjugales a relevé les expérimentations sur le terrain, pour les généraliser ; certains éléments se retrouvent d'ailleurs dans cette loi.
La grille d'évaluation du danger s'inspire ainsi de ce protocole. Le groupe de travail sur les violences intrafamiliales du Grenelle des violences conjugales poursuit l'analyse de cette expérimentation, en lien avec les différents acteurs locaux. En revanche, avis défavorable sur la demande de rapport.
Mme Laurence Cohen. - Mon amendement visait à faire connaître cette initiative. Soutenons cette démarche, en espérant qu'elle sera étendue à d'autres territoires.
L'amendement n°83 est retiré.
Explications de vote
Mme Laurence Rossignol . - Nous allons voter cette proposition de loi, même si nous regrettons que de nombreux amendements n'aient pas été acceptés par le Gouvernement ou par le Sénat.
Ce texte ne rompt pas avec la philosophie de la justice et ne tient pas compte des 24 recommandations transmises à la garde des Sceaux après le rapport de l'Inspection générale de la justice sur les homicides conjugaux. Les droits du père l'emportent toujours sur la protection des femmes et des enfants. Il aurait fallu plus encadrer le travail des juges.
Quels seront les moyens assortis à ce texte ? Ce ne sera pas une grande oeuvre législative.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation . - Le groupe UC remercie la commission des lois, la rapporteure et les ministres. Nous regrettons le rejet de certains de nos amendements. Le débat se poursuivra sûrement sur des sujets comme la parentalité, l'inceste, la prostitution des jeunes, l'accompagnement des victimes, la médiation ou les ordonnances de protection. Nous poursuivons les mêmes objectifs et ne réussirons qu'ensemble.
Il nous faut un arsenal législatif complet et cohérent, des lois appliquées uniformément sur le territoire, une volonté politique sincère et des moyens suffisants.
J'associe à mon intervention Mme Vérien, chef de file de notre groupe sur ce sujet.
Mme Laurence Cohen . - Comme chaque fois sur le droit des femmes, le débat a été passionnant. Il est dommage cependant de légiférer de manière parcellaire. Mon groupe souhaite la présentation d'une loi-cadre sur le sujet. Le système patriarcal est à l'origine des violences conjugales : il faut lutter contre ces violences au sein de la société. Un budget digne de ce nom doit être accordé à un ministère de plein exercice dédié aux droits des femmes.
Nous voterons ce texte, qui est un nouveau petit pas dans la bonne direction.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Mon groupe LaREM votera également ce texte. Je me félicite de la qualité de nos débats. Le Sénat a tenu son rôle et enrichi ce texte. Il reste encore à faire sur un sujet longtemps négligé. Cette proposition de loi est une pierre à l'édifice. Merci à ceux qui y ont contribué, notamment Mme la rapporteure.
Mme Marie Mercier, rapporteur . - Je vous remercie pour ce travail collectif qui a permis des avancées sur les ordonnances de protection, le bracelet anti-rapprochement et l'accès des mineurs à la pornographie notamment. Là où il y a une volonté, on trouve le chemin. (Applaudissements)
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 10 juin 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 1 h 10.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication