SÉANCE

du mercredi 3 juin 2020

88e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Catherine Deroche.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement sous le format adapté que nous avons défini.

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Relations entre la police et les citoyens

M. Olivier Léonhardt .  - Ma question s'adresse au ministre de l'Intérieur. J'avais prévu de vous interroger depuis plusieurs jours sur les tensions grandissantes entre police et citoyens. Pendant le confinement, j'ai signé avec beaucoup d'autres un appel contre le racisme dans la police.

Pour autant, nous ne pouvons laisser toute une institution républicaine être salie par les comportements intolérables d'une infime minorité. La sécurité est le premier des droits, notamment pour nos concitoyens les plus fragiles et c'est aussi la garantie de notre liberté. Nous savons combien la mission des forces de l'ordre est difficile, tandis que leurs conditions de travail et leurs moyens se dégradent depuis de trop nombreuses années.

Pendant la crise, la question des relations entre police et citoyens a été reléguée au second plan. C'est dans ce cadre explosif que la manifestation d'hier devant le tribunal de Paris a connu un écho important - et je condamne les débordements qui ont accompagné sa fin. Mais il faut garantir que la mission de la police s'exerce convenablement.

Les heures supplémentaires dues aux agents seront-elles enfin payées ? Que sera-t-il fait pour lutter contre les violences et le racisme au sein de la police nationale ?

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Pour défendre la police républicaine, il faut également être exigeant. Chaque faute, chaque excès, chaque mot doit faire l'objet d'une enquête, d'une décision et d'une sanction. Je suis sur le sujet intransigeant. Cela permet de garantir l'action de la police et de lutter contre le racisme et l'antisémitisme. Les fautes doivent être sanctionnées et elles le sont, d'ailleurs.

Le Défenseur des droits a rendu un rapport sur des faits anciens pour lesquels les policiers incriminés ont été condamnés à quatre mois de prison. À Marseille, un policier a récemment écopé de quarante mois d'emprisonnement pour avoir déplacé un prévenu hors de la ville. Il faut être exigeant et attentif.

Le budget de la police et de la gendarmerie a augmenté d'un milliard d'euros depuis 2017. Depuis cette date, nous avons lancé un plan de recrutement de 10 000 postes supplémentaires.

Une récente enquête de l'université du Mont Blanc montre que 85 % des 48 134 personnes interrogées ont une opinion très positive de la police nationale et de la gendarmerie. C'est aussi la réalité. Celle-ci ne se fait pas sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Situation de Renault (I)

M. Éric Bocquet .  - Renault vient d'annoncer la suppression de 4 600 emplois dans notre pays.

Bien au-delà des effets de la pandémie, nous payons le choix des délocalisations massives vers les pays à bas coûts pratiquées ces deux dernières décennies.

Les menaces pesant sur l'avenir de certains sites suscitent d'énormes inquiétudes dans les territoires concernés : Maubeuge - malgré les récentes annonces - Choisy-le-Roi, Flins, Caudan ou encore Dieppe.

Le chiffre d'affaires de Renault fut de 55 milliards d'euros en 2019. L'État actionnaire a annoncé l'octroi d'une garantie publique de 5 milliards d'euros. M. Jean-Dominique Senard déclarait sur France Info, lundi soir, que cette garantie ne s'accompagnait pas de « contraintes difficiles ». Quelles sont-elles, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Je sais votre attachement à Renault comme élu du Nord. Maubeuge est, avec le Kangoo, l'un de ses sites français les plus productifs. Bruno Le Maire a réuni hier l'ensemble des organisations syndicales et les élus pour que Renault prenne des engagements devant eux.

Jean-Dominique Senard a été clair : l'entreprise est en grande difficulté ; depuis 2019, elle perd beaucoup d'argent, avec la crise, la situation s'est aggravée, et elle met en oeuvre un plan mondial de réduction des coûts. Il ne s'agit pas de délocalisation, mais d'une conséquence de la baisse des ventes. Renault peut produire 5 millions de voitures mais elle n'en vendra qu'un peu plus de 3 millions cette année.

Jean-Dominique Senard s'est engagé à ce que les suppressions d'emplois en France ne s'accompagnent pas de licenciements secs. Nous y veillerons. Il a également promis un avenir au site de Maubeuge et l'entreprise va relocaliser certaines de ses productions en France, notamment avec la traction électrique et elle va investir dans la batterie européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Éric Bocquet.  - Les sites de production des Twingo, Clio et Dacia, implantés en Slovénie, en Roumanie et en Turquie, tournent sept jours sur sept et sont surchargés. Il faut relocaliser la production de 300 000 de ces véhicules et développer des productions de véhicules hybrides. Personne ne comprendrait que l'argent public ne serve qu'à accompagner les suppressions d'emplois : notre industrie automobile mérite un autre avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

Situation financière en outre-mer suite à la Covid-19

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je me fais ici la porte-parole de mes collègues de Guadeloupe et de Martinique, inquiets pour l'avenir budgétaire des collectivités d'outre-mer.

C'est dans un contexte de chute brutale des rentrées fiscales que le Premier ministre a annoncé ce vendredi une garantie des recettes pour les outre-mer : 110 millions d'euros pour les communes, et 40 millions d'euros pour les régions et collectivités uniques. Nous avions très tôt proposé ces mesures et elles nous satisfont. Notre collègue Georges Patient, auteur d'un rapport sur le sujet, parle pour sa part de 200 millions d'euros, quand d'autres experts avancent même la somme de 240 millions d'euros. Nous sommes donc encore très loin du compte.

Des experts de Bercy proposent de remplacer l'octroi de mer par des points de TVA supplémentaires. Renoncez à cette option mortifère qui n'a fait l'objet d'aucune consultation.

Au lieu de réformer l'octroi de mer, nos collègues vous proposent de rattraper le niveau des dotations de péréquation et de verser dès cette année les 85 millions d'euros qui font défaut aux outre-mer.

Ils vous suggèrent de préfinancer le FCTVA pour toutes les collectivités ultramarines, et pas seulement pour Mayotte. Ils souhaitent que soient versées de manière anticipée certaines ressources aux collectivités, comme la DGF, et que soient intégralement compensés les allégements de taxe de séjour et de cotisation foncière. Ils vous demandent enfin d'anticiper la crise sociale à laquelle feront face les départements et de supprimer les contrats du Pacte de Cahors.

Quelle est votre réponse à des demandes légitimes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Les mesures annoncées par le Premier ministre vendredi sont exceptionnelles, historiques et à la hauteur des besoins pour les territoires ultramarins. Les chiffres que vous évoquez ne sont que des évaluations.

Les communes des outre-mer auront une compensation intégrale des pertes de recettes, notamment sur l'octroi de mer et sur les carburants, de même que les régions. Aucune collectivité territoriale n'est oubliée.

La Nouvelle-Calédonie s'est vu attribuer 240 millions d'euros de prêts garantis dans le PLFR 2. Le PLFR 3 traitera de la Polynésie française.

Les autres collectivités territoriales relevant de l'article 74 seront aussi aidées. Le Fonds européen d'investissement (FEI) -  110 millions d'euros - a été attribué aux territoires dès le mois de février. L'Agence française de développement a annoncé un milliard d'euros pour soutenir les collectivités et les entreprises d'outre-mer.

Le réflexe outre-mer est là. Nous sommes aux côtés de ces collectivités.

Mme Viviane Artigalas.  - Nous comptons sur vous. Il faut aider les collectivités territoriales d'outre-mer à retrouver des marges de manoeuvre budgétaires. L'investissement et l'économie des outre-mer dépendent essentiellement de la commande publique. Surtout, ne rouvrez pas le débat sur l'octroi de mer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Étiquettes politiques des maires

M. Jean-Pierre Decool .  - C'est un parlementaire décontenancé qui vous interroge à propos de la reconnaissance des élus locaux sans étiquette. Quelque 85 % des élus locaux du Nord sont dans ce cas. En 2003, j'avais plaidé pour leur reconnaissance officielle. En 2010, le Conseil d'État ne l'avait pas permis.

Nous pensions partager ce combat ancien avec vous, monsieur le ministre. En réponse à Dany Wattebled, vous avez semblé être à notre écoute. Votre circulaire tant décriée du 10 décembre 2019 laissait la possibilité aux élus de communes de moins de 9 000 habitants de se déclarer sans étiquette, mais elle a été suspendue par le Conseil d'État. Celle du 3 février 2020 laisse cette possibilité aux élus de communes de moins de 3 500 habitants hors chefs-lieux de canton. Nous n'avons pas crié victoire mais nous pensions que le concept d'élu sans étiquette était acquis.

Mais depuis quelques jours, j'ai un horrible doute. Certains maires m'ont fait part de leur surprise en remplissant le document de déclaration des résultats. Dans celui-ci, leur étiquette politique leur est demandée, y compris dans les communes de moins de 3 500 habitants.

La circulaire du 3 février 2020 s'adresse-t-elle uniquement aux déclarations de candidature ou bien concerne-t-elle également le document de résultats des élections ? Les élus des communes de moins de 3 500 habitants peuvent-ils choisir l'absence d'étiquette ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Ma circulaire concernant les communes de moins de 9 000 habitants évitait de laisser aux seuls préfets le soin du nuançage politique. Un maire peut avoir une étiquette politique personnelle mais pas dans la liste qu'il conduit. Le débat a eu lieu et j'ai subi quelques reproches.

J'ai abaissé le seuil à 3 500 habitants, conformément à la décision du Conseil d'État. Des élus ne se retrouvent pas dans le nuançage laissé à l'appréciation des préfets, même si c'est l'usage.

La règle qui va s'appliquer est la même que celle de 2014.

Depuis lors, 37 165 maires en fonction ont fait l'objet de ce nuançage par les préfets, dont 72 % ont été classés en « divers ». Certes, il ne s'agit pas de « sans étiquette », mais nous n'en sommes pas loin. Mes instructions sont que les préfets doivent être à l'écoute des maires. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Situation dans les banlieues

M. Arnaud Bazin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, il se développe en France un sentiment, voire une réelle impunité chez certains de nos concitoyens : la violence et la menace ont depuis longtemps pris la place de la loi et des forces de l'ordre, de plus en plus spectatrices de situations qui leur échappent. L'autorité de l'État n'est, à leurs yeux, plus qu'un mot.

À force de laisser faire, d'excuser et de ne rien faire, l'État a perdu le contrôle. Nous récoltons les fruits amers de nos renoncements.

Notre collègue Eustache-Brinio est victime de cette violence et de ces intimidations qui touchent tous ceux qui représentent l'État ou les pouvoirs publics : pour contester une décision prise par la mairie de sa ville, ceux qui ne l'acceptent pas ont choisi de s'en prendre à notre collègue.

Vendredi, elle a été copieusement insultée. Lundi, un groupe d'une quarantaine de personnes a fait le siège de son domicile l'empêchant de sortir de chez elle, allant jusqu'à la menacer de s'en prendre à sa mère âgée qui habite un quartier HLM de la ville. Avant que ce groupe qui déambulait dans la ville n'arrive devant son domicile, la police municipale avait prévenu la police nationale de ses intentions.

Hier, ce même groupe a recommencé sa bruyante déambulation bloquant la circulation, s'installant sur plusieurs giratoires pour finir par revenir devant le domicile de notre collègue et y proférer des menaces. Aujourd'hui notre collègue ne peut plus circuler librement dans sa ville.

Hier, une manifestation interdite devant le Palais de justice de Paris a dégénéré. La justice y était accusée de couvrir la gendarmerie. Quelle inversion des valeurs ! Les voyous tiennent la dragée haute aux forces de l'ordre. Il faut dire que votre politique consiste à vider les prisons ! Où est l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur diverses travées du groupe UC)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Je ne partage pas votre analyse, même si les faits que vous dénoncez sont inacceptables. J'ai demandé au préfet de joindre votre collègue pour que tous les moyens soient mis en oeuvre pour garantir sa liberté d'expression.

Je ne peux vous laisser dire que les voyous tiennent la dragée haute face à notre police et notre gendarmerie. Chaque fois que la police est appelée, elle vient, elle intervient. Je dénonce comme vous les violences urbaines et je fais en sorte que la police soit renforcée, comme je l'ai rappelé tout à l'heure. Nous sommes présents partout, y compris dans les quartiers.

À part en Ile-de-France, les infractions ont diminué pendant le confinement. Malgré les 120 guets-apens identifiés, police et gendarmerie sont intervenues. Quelque 300 individus ont été interpellés pendant le confinement et des condamnations ont été prononcées.

Nous portons aussi une ambition pour les quartiers ; elle va de pair avec la répression.

Situation de Renault (II)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Valérie Létard et Jacques Le Nay à ma question.

Vous avez signé hier un prêt garanti par l'État de 5 milliards d'euros à Renault, assorti de garanties sociales rassurantes, notamment pour le site de Maubeuge au-delà de 2023. Nous serons néanmoins très vigilants à ce que le rendez-vous d'étape fixé dans six mois ne remette pas en cause lesdites garanties que nous estimons consubstantielles à un tel soutien public massif.

De fait, ce prêt intervient quatre jours après l'annonce de 4 600 suppressions de postes en France et sept jours après la présentation d'un plan de soutien massif à l'industrie automobile qui devait être la rampe de lancement d'une souveraineté économique retrouvée. Ce plan, et plus globalement la stratégie de l'État actionnaire, parviendront-ils à empêcher la désindustrialisation hexagonale et à relocaliser une partie de la production ?

Quelles sont les contreparties que vous avez obtenues en matière d'emplois, d'aménagement du territoire et de vision stratégique d'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Renault perd de l'argent. Avec une capacité de production en France d'un million de voitures l'an dernier, l'entreprise n'en produira que 600 000 cette année. Ce n'est ni votre faute ni la mienne. Entre le Covid et la course au volume, Renault a une infrastructure industrielle trop importante au regard du nombre de ses clients. C'est la plus grave crise de son histoire : Renault joue sa survie. L'entreprise compte 800 000 emplois en France, 400 000 dans l'industrie et 400 000 dans les services.

Le plan automobile ne vise pas seulement à sauver les meubles, mais à construire l'avenir en faisant des groupes français les leaders des véhicules de demain, électriques et autonomes. Il ne faut pas non plus oublier les sous-traitants.

Les contreparties, c'est plus d'un milliard d'euros d'investissement pour relocaliser en France la production de Renault, Peugeot, Faurecia, Plastic Omnium et Valeo. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Jean-François Longeot.  - Préparer l'avenir, c'est le faire. Il est très important que nous soyons leaders, par exemple dans le recyclage des batteries. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Covid-19 en Guyane

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Je me fais ici la voix de mon collègue Antoine Karam.

Le 28 mai dernier, vous avez présenté la carte de la seconde phase du déconfinement. Si presque toute la France est passée au vert, Mayotte et la Guyane sont, avec l'Île-de-France, désormais classées au niveau de vigilance orange.

Mayotte est le territoire d'Outre-mer le plus touché par le Covid-19. Plus de 1 986 cas y ont été identifiés, et 24 décès sont à déplorer. En Guyane, l'on atteint 477 cas positifs dont un décès.

Cette progression de l'épidémie n'est pas sans lien avec l'inquiétante situation sanitaire de son voisin brésilien. L'État d'Amapa compte plus de 9 600 cas positifs, 222 décès et un système de santé totalement saturé. Les communes de Saint-Georges de l'Oyapock et de Camopi sont rapidement devenues les deux premiers clusters de Guyane.

La mobilisation récente de la réserve sanitaire renforce une campagne massive de tests déployée dans l'est guyanais mais limitée au sol français. À Mayotte, ces actions commencent à porter leurs fruits et, hormis le cluster important découvert à la prison de Majicavo, la situation semble se stabiliser. Mais en Guyane, considérant la porosité de la frontière, nous pouvons nous interroger sur l'efficience de mesures qui se limiteraient à la seule rive française de l'Oyapock. Il y va de la protection de la population de l'est guyanais bien entendu, mais pas seulement.

Aussi, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement entend faire évoluer la stratégie sanitaire en Guyane au regard de la poussée de l'épidémie au Brésil ? Un dispositif de coordination et de mutualisation des moyens ne pourrait-il pas être mis en oeuvre dans le cadre de la coopération transfrontalière ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Votre question fait écho à l'inquiétude de la population et des élus. La situation est particulière en Guyane du fait de la frontière avec le Brésil, où l'évolution est en effet inquiétante.

Il y a désormais plus de 500 cas de Covid, dont peu de cas graves à ce stade, ce qui est heureux. Une équipe de douze réservistes sera relayée la semaine prochaine à Saint-Georges. Idem à Camopi pour agir sur l'ensemble du fleuve Oyapock. Une équipe d'une vingtaine de réservistes est déployée à Cayenne, capables de bouger très vite notamment le long du Maroni.

Des moyens sont en place à Iracoubo, pour couvrir l'ouest de la Guyane pour l'instant épargné.

Un appui au centre hospitalier de Cayenne est rendu nécessaire par l'épidémie de dengue qui a conduit à l'absence de soignants qu'il faut relayer. La politique de tests a pris de l'ampleur, grâce au fret sanitaire qui a permis d'apporter des moyens, à la mobilisation de l'ARS, de la préfecture et de Santé publique France, ainsi que trois laboratoires qui ont développé des drives. Pas moins de treize respirateurs sont arrivés ou en train d'arriver au centre hospitalier de Cayenne pour renforcer les capacités d'accueil de patients plus sévères.

Les capacités d'isolement des malades ont été augmentées : une centaine de patients est hébergée dans un hôtel, à leur demande. Une coopération est en cours avec l'hôpital brésilien de l'Oyapock qui a bénéficié de matériel sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Visites ministérielles

M. Hugues Saury .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lorsqu'un ministre se déplace, les moyens de la République, qui appartiennent à la Nation tout entière, sont mis à sa disposition. Il devrait se faire un devoir de laisser de côté toute attitude qui conduirait à privilégier les représentants d'une chambre plus qu'une autre ou pire à faire en sorte que sa famille politique soit favorisée. (On approuve sur les travées du groupe Les Républicains.)

Alors que les déplacements se multiplient, les modalités de l'organisation de ceux-ci laissent désormais songeurs. (Même approbation)

Ainsi, les préfets précisent par écrit que dorénavant, compte tenu des conditions sanitaires et du maintien des gestes barrières, le choix avait été fait d'un député pour représenter l'ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, toutes tendances politiques confondues ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains ; l'on s'exclame également sur quelques travées du groupe SOCR.)

C'est pour le moins restrictif (On approuve derechef sur les mêmes travées.) et le hasard faisant bien les choses, (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains) il semblerait que très majoritairement, les circonscriptions concernées par ces visites ministérielles soient celles détenues par des députés LaREM, ou de votre majorité. (Vives exclamations sur les mêmes travées ; marques de protestation sur certaines travées du groupe SOCR)

J'ai personnellement vécu cette situation lors de la visite de MM. Riester et Lemoyne venus à Orléans pour rencontrer les professionnels du tourisme et de la culture, et à nouveau lors d'une visite ministérielle ce matin même à la base aérienne de Bricy.

Évincer la Représentation nationale n'est pas propre à mon département. (On le confirme sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR.) Mes collègues de Saône-et-Loire, des Yvelines, de Haute-Garonne, de l'Oise, et d'autres départements ont, ces derniers jours, vécu exactement la même situation. Mon collègue du Doubs a même été congédié par le préfet d'une manifestation patriotique ! (Marques de réprobation sur les mêmes travées)

La dérive est donc nationale et l'initiative ne peut plus être celle d'un préfet zélé. S'agit-il alors d'une instruction gouvernementale qui viserait à écarter les sénateurs ? (On s'en offusque sur les travées du groupe Les Républicains.) Et surtout, aucun parti ne peut être la République à lui seul ! (Marques d'approbation sur les mêmes travées)

Pensez-vous, madame la ministre, qu'il est légitime de privilégier les députés, la plupart du temps de votre majorité, jusqu'à décider qu'à eux seuls ils représentent toutes les sensibilités et, à la fois, l'Assemblée nationale et le Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC, SOCR et sur quelques travées du groupe RDSE)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Il faut distinguer le confinement (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) - pendant lequel les déplacements ministériels ont été réduits au minimum, et pour lequel nous avons dû faire des restrictions - (On feint de s'en étonner sur les mêmes travées.) et la période depuis le 11 mai, (Nouvelles exclamations) au cours de laquelle c'est l'intelligence collective qui doit s'imposer. (Rires et huées sur les travées du groupe Les Républicains ; sourires et exclamations sur diverses travées, notamment celles du groupe SOCR)

À chaque déplacement, l'application stricte des gestes barrières est la priorité : (Protestations de plus en plus vives sur les travées du groupe Les Républicains ; exclamations sur les travées du groupe SOCR) est examinée la nature du déplacement, mais on regarde aussi les endroits où il a lieu -  est-ce à l'intérieur ou à l'extérieur ? - (Les protestations fusant des travées du groupe Les Républicains couvrent la voix de la ministre) le nombre de personnes autour du ministre, l'application stricte de la distanciation et des gestes barrières, afin qu'il puisse se dérouler dans de bonnes conditions... (Brouhaha croissant sur les travées du groupe Les Républicains) Je conçois qu'il y ait des frustrations et de l'incompréhension...

M. Bruno Retailleau.  - C'est zéro pointé, cette réponse ! (On renchérit sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - ... mais n'y voyez nulle malice ni aucun privilège qui serait accordé à qui que ce soit. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains quittent l'hémicycle.) Je m'étonne que dans une enceinte démocratique, d'aucuns choisissent de quitter la salle...

M. le président. - Il faut conclure !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - Les préfets font oeuvre de discernement et veillent à l'application du décret sur les préséances et, évidemment, des gestes barrières... (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Situation de Renault (III)

Mme Martine Filleul .  - Je m'exprime au nom du groupe socialiste, et plus particulièrement au nom de mes collègues de Seine-Maritime et du Val-de-Marne.

L'État a garanti 5 milliards d'euros de prêts à Renault, alors qu'un plan d'économie est en cours, avec 4 600 suppressions de postes et la fermeture de six usines.

Nous nous félicitons que la colère des salariés de Maubeuge ait été entendue et que des garanties aient été apportées. Néanmoins, nous restons vigilants : à Dieppe, il n'y a aucune garantie de pérennité de l'usine Alpine, pas plus qu'à Choisy-le-Roi, où la fermeture d'un centre modèle de l'économie circulaire est une aberration, pas plus qu'à Caudan, à Cléon ou à Sandouville.

Nous demandons des contreparties ambitieuses socialement, avec le maintien de tous les employés et de tous les sites. Il faut rompre avec trente ans de délocalisations. Nous avons besoin d'un État qui favorise un large investissement, qui insuffle une stratégie pour la filière automobile, qui accélère la recherche développement au service de l'écologie. L'automobile doit se verdir. L'État actionnaire majoritaire de Renault imposera-t-il des conditions écologiques ? Les aides publiques aux entreprises seront-elles enfin conditionnées au respect des critères sociaux et environnementaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le plan automobile annoncé par le Président de la République répond à vos préoccupations. L'avenir de l'automobile est le verdissement.

Avec 8 milliards d'euros d'investissement et le projet Batterie électrique européen, les aides aux Français pour qu'ils puissent acheter des véhicules moins polluants, non seulement pour les plus modestes, mais pour nous tous, l'accès aux véhicules électriques et hybrides rechargeables, ce plan va dans le sens du verdissement.

Hydrogène, véhicule autonome, il faudra construire une souveraineté dans bien des secteurs : nous connaissons les retards de la France et de l'Europe dans les domaines du numérique et de son application à l'industrie. Nous ne devons pas rater ce virage ! Nous avons des arguments : le capital humain et le plan de relocalisation à hauteur d'un milliard d'euros pour la traction électrique, que nous allons déployer pour que notre industrie automobile soit à la hauteur des défis qui l'attendent.

Pénurie de produits anesthésiques

Mme Sonia de la Provôté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question Nadia Sollogoub. La tempête Covid-19 passée, l'hôpital et les cliniques doivent reprendre leur activité. Mais depuis le décret du 23 avril cinq produits anesthésiques sont rationnés, l'État ayant un monopole d'achat et de livraison, la gestion locale se faisant par l'intermédiaire des ARS.

C'est une véritable crise qui se profile : les interventions sont décalées, la répartition manque de transparence et les alternatives de prise en charge sont dégradées. Les pharmacies hospitalières sont prises dans un carcan qui les empêche de réagir. L'équité face aux soins est mise à mal.

Monsieur le ministre, le stock national est-il reconstitué ? Quelles sont les clés de répartition ? Quand redonnerez-vous leur autonomie aux établissements ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je sais qu'il y a de l'émoi autour de ce sujet et des interrogations de nombreux médecins sur l'ensemble du territoire. La consommation d'anesthésiants a bondi de 2000 %. Au Brésil et aux États-Unis, où l'épidémie fait rage, elle continue d'être très élevée, ce qui incite les fabricants à prioriser ces territoires.

Un produit, en particulier, manque, le propofol. On ne peut pas le fabriquer comme cela, même les matières premières sont très rares à l'échelle mondiale, tous les pays font face à cette pénurie très complexe... Je remercie les chirurgiens qui sont obligés de freiner une partie de leur reprise d'activité.

Je sais qu'il y a des disparités territoriales, mais il s'agit moins de réquisition que d'une gestion rigoureuse des stocks pour éviter la pénurie en cas de reprise de l'épidémie.

Hélas, la situation ne reviendra pas à la normale avant plusieurs semaines. La chirurgie d'urgence se poursuit, mais la chirurgie programmable devra attendre cet été.

Cela, à nouveau, pose le problème de l'autonomie de la France et l'Europe à l'égard de médicaments absolument indispensables, absolument vitaux : nous ne pouvons pas reproduire les erreurs du passé. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC)

Mme Sonia de la Provôté.  - Il y a une inadéquation entre les besoins et la répartition, qui est inégalitaire. En plein Ségur de la santé, peut-être faut-il rendre de l'autonomie aux acteurs de terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Relocalisation de l'industrie des médicaments

Mme Christine Herzog .  - La crise sanitaire a mis en évidence la pénurie de certains médicaments et les failles de notre système d'approvisionnement. Quelque 80 % de la fabrication des molécules ont été délocalisés.

La plupart des génériques sont produits en Inde ou en Chine. Certes, la relocalisation est un processus long et complexe ; mais le rapatriement en France et en Europe de la production de molécules de médicament contre le cancer et les maladies longues devrait être une priorité.

En mars dernier, les hôpitaux de Paris ont alerté sur la pénurie de médicaments de réanimation. Le Gouvernement a-t-il entrepris des démarches en faveur de la relocalisation en France et en Europe ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Merci de souligner combien il n'est pas facile de relocaliser l'industrie pharmaceutique en France et en Europe. La crise de la Covid-19 nous renforce dans cette approche européenne de la question. Elle renforce aussi la conviction de certains de nos homologues qui étaient moins interventionnistes. Telle est la situation que nous avons trouvée. C'est pourquoi nous avions confié, il y a quelques mois, avant la pandémie, une mission dans ce sens à M. Biot - pour voir comment réimplanter les sites de production en France mais aussi sur le territoire européen.

Vous avez raison, il ne faut pas être dépendant d'un seul producteur pour éviter qu'une crise géopolitique, sanitaire, climatique ou autre bloque l'approvisionnement en toute matière. Il vaut mieux un double approvisionnement, y compris de proximité. Industriels et Gouvernement doivent travailler main dans la main.

Nous allons aussi faire évoluer la politique du médicament : l'Industrie et la Santé doivent avancer main dans la main pour que la politique de prix du médicament inclue l'anticipation du coût de production français.

Au niveau européen, nous lancerons un programme qui permet de soutenir massivement dans un secteur, comme nous l'avons fait pour la micro-électronique, nous le ferons pour la santé : mes homologues autrichien et allemand sont en phase. Nous allons y travailler rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Christine Herzog.  - Les pénuries sont un danger pour notre pays.

M. le président.  - Prochaine séance de questions d'actualité, mercredi 10 juin, à 15 heures.

La séance est suspendue à 15 h 55.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.