Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020.
Discussion générale
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Nous avons siégé tard dans la nuit. La commission mixte paritaire s'est réunie à l'Assemblée nationale en fin de matinée. Elle a été conclusive et nous pouvons nous en réjouir. J'espère que ce résultat augure le meilleur pour les prochains textes.
De nombreux amendements essentiels du Sénat ont été repris. Les différents groupes politiques avaient d'emblée indiqué vouloir voter ce texte à condition de pouvoir l'améliorer, ce qui a été fait au cours de débats qui ont été riches et nourris. Je remercie mon homologue à l'Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin, pour la qualité de notre dialogue.
Au-delà des précisions techniques et des sécurisations juridiques, les apports du Sénat sont nombreux. Les premiers visent à lutter contre la pandémie. Ainsi en est-il du taux de TVA à 5,5 % applicable désormais au matériel de protection, dans une définition plus large que celle de l'Assemblée nationale. Nous avions voté la mesure à la quasi-unanimité.
Nous avons aussi rehaussé à 1 000 euros le plafond des dons ouvrant une déduction de l'impôt sur le revenu. Il faut les encourager, au profit des associations qui viennent en aide aux plus démunis et qui jouent pendant la crise un rôle important.
Nous avons également apporté une dérogation à la règle du service fait pour tenir compte des circonstances particulières, afin que les collectivités territoriales puissent verser des subventions aux organisateurs en cas d'annulation d'un festival.
Le deuxième objectif du Sénat était de mieux soutenir les salariés, nombreux sur le front pour assurer les services essentiels à la Nation. Le plafond d'exonération des heures supplémentaires a ainsi été augmenté à 7 500 euros.
Le Sénat a aussi renforcé le plan de soutien aux entreprises, qui constitue le coeur du texte. Les TPE et PME pourront bénéficier de prêts participatifs adossés au Fonds pour le développement économique et social (FDES), qui sera doté d'un milliard d'euros.
Nous avons renforcé le contrôle du Parlement en étendant les missions du comité de suivi, qui se réunira dès la fin de la semaine prochaine et auquel le président Éblé et moi-même participerons. Sera en outre garantie l'information préalable des rapporteurs généraux et présidents des commissions des finances quand l'État envisage d'entrer ou d'augmenter sa participation au capital d'une entreprise.
Quelque 20 milliards d'euros sont prévus à cet effet. Je me félicite de ces apports, loin d'être négligeables. Le travail du Sénat a été très largement intégré au texte.
Je souhaite enfin revenir sur trois sujets qui n'ont pas été retenus dans le texte final.
D'abord la mobilisation des assureurs.
L'assurance est normalement la garantie d'un aléa. Lorsque celui-ci disparaît, je pense aux dommages automobiles quand il est interdit de circuler, le résultat dégagé est particulier... Nous avons décidé de faire confiance aux négociations menées par le Gouvernement, mais y reviendrons si chacun ne prend pas ses responsabilités, avec des propositions plus contraignantes.
Ensuite, l'annulation des charges fiscales et sociales et non leur report - c'est important. Enfin, la mise à niveau du fonds de solidarité. Il est important qu'il ne cesse pas son activité dès le 11 mai d'autant que le confinement ne s'arrêtera pas pour tous le 11 mai.
Le Sénat restera vigilant sur ces points, qui relèvent davantage de la relance. Nous devons nous revoir courant mai pour un nouveau PLFR, le troisième, notamment pour l'adapter à l'évolution des chiffres du chômage partiel.
Je vous remercie tous pour votre participation à notre débat. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le président. - Monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général, nous vous avons confié une mission de suivi. Je vous redis, au nom du Sénat, ma totale confiance pour mener à bien cette mission essentielle.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je me félicite de l'accord intervenu en CMP après des débats parlementaires qui ont enrichi le texte. Ce PLFR est un nouveau plan d'urgence pour compléter le premier. L'allongement du confinement a modifié notre prévision de croissance, de - 3,9 % lors de notre débat de mars, - 8 % dans ce texte.
Le déficit des administrations publiques pourrait s'élever à 9,1 % et la dette atteindre 115 % du PIB, soit 20 points de plus que fin 2019. La force du soutien de l'État se traduit par un déficit creusé à plus de 185 milliards d'euros, au lieu des 93 milliards d'euros prévus fin 2019.
Ces chiffres sont exceptionnels, vertigineux, mais ils traduisent l'action massive de l'État. Le montant des aides est passé de 45 à plus de 110 milliards d'euros.
Quelque 44 milliards d'euros viendront soutenir les salariés et les entreprises. Le dispositif de chômage partiel passe de 8 milliards d'euros à plus de 27 milliards dont deux tiers payés par l'État et un tiers par l'Unedic - dont le plafond d'emprunt garanti par l'État est porté de 7 à 10 milliards d'euros. L'Ondam sera rehaussé de plus de 8 milliards d'euros.
Le fonds de solidarité est désormais doté de 7 milliards d'euros. D'ores et déjà, un milliard d'euros a été versé aux entreprises. Les petites entreprises les plus en difficulté pourront obtenir jusqu'à 8 000 euros totalement exonérés.
J'ai entendu la remarque du Sénat : le fonds ne s'arrêtera pas le 11 mai. Et si l'on constatait une insuffisance de crédits, il y a les 1,7 milliard d'euros non affectés. Et la possibilité d'un troisième PLFR.
La dotation pour les prises de participations financières de l'État est de 20 milliards d'euros. Le Parlement sera informé au préalable des opérations.
Enfin, le FDES sera abondé à hauteur d'un milliard d'euros. Le dispositif de prêts garantis par l'État est maintenu à 300 milliards et les entreprises placées en procédure de sauvegarde depuis le début de l'année y seront éligibles.
Les échéances sociales et fiscales reportées s'élèvent déjà à 16 milliards d'euros, ce qui allège la trésorerie des entreprises ; et nous restituons de manière accélérée les crédits d'impôt de l'année. Les aides aux secteurs fragiles comme les zoos, refuges et cirques avec animaux s'élèveront à 19 millions d'euros - centres équestres compris !
La prime des agents publics et celle versée par le fonds de solidarité ne seront pas soumises à l'impôt. Les foyers les plus modestes seront soutenus grâce à une dotation de 880 millions d'euros.
Les personnes en arrêt de travail notamment pour garde d'enfants passeront au 1er mai en chômage partiel ; cela correspond à 1,8 milliard d'euros.
Les heures supplémentaires seront davantage défiscalisées. Les bailleurs dont les locataires sont des professionnels et qui renoncent à percevoir leurs loyers pourront déduire de leur revenu imposable les sommes considérées.
Les prêts garantis pourront s'étendre aux ETI en financement participatif. L'investissement dans des machines destinées à la production d'équipements de protection sera facilité.
Je veux mentionner également le soutien aux territoires ruraux avec la majoration de la dotation particulière élu local et le soutien au monde associatif.
Je sais votre attachement aux annulations de charges. Nous y reviendrons avec des dispositions législatives adéquates.
Les amendements budgétaires ont permis d'attirer l'attention sur les difficultés particulières de certains secteurs. Je vous rassure, des besoins seront financés. Je pense notamment au soutien aux personnes les plus fragiles.
Je suis heureux que nous ayons abouti à un texte de compromis.
M. Jean-Marc Gabouty . - Cette CMP conclusive m'inspire un sentiment de satisfaction du devoir accompli. Les sujets de ce projet de loi de finances rectificative sont on ne peut plus concrets pour nos concitoyens : chômage partiel, prime exceptionnelle, sauvetage d'entreprises. On réconcilie les Français, qui d'habitude s'y intéressent peu, avec les débats budgétaires. La traduction du PLFR est immédiate et l'utilisation des crédits votés pourra être suivie au mois le mois.
Rendons hommage aux deux assemblées et au Gouvernement pour l'approche de solidarité retenue. Il ne s'agit pas seulement d'un plan de sauvetage de l'économie.
Les apports du Sénat sont significatifs. Je salue le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, et la commission des finances. Le Sénat a eu un interlocuteur compréhensif à l'Assemblée nationale. Il fallait un dialogue ouvert pour aboutir à un compromis. C'est de bon augure.
Début mars, nous avions souligné que le PLFR 1 était un premier jet, que les outils mis en place n'étaient pas nécessairement calibrés aux besoins. Le Gouvernement a écouté les remontées du terrain pour compléter et amplifier les dispositifs en tentant de prendre en compte les besoins exprimés par chacun. Les SCI, les particuliers propriétaires de monument historique, par exemple, ont été pris en compte ; les entreprises déjà en difficulté avant la crise pourront être aidées, dans le respect des règles européennes.
Fonds pour le développement économique et social, avances remboursables, prêts participatifs, élargissement du fonds de solidarité en montant et en périmètre : on a fait, je crois, le maximum. Il reste sans doute les TPE, autoentrepreneurs ou indépendants qui pourront connaître des difficultés récurrentes, malgré l'apport du fonds de solidarité. Nous pourrons encore améliorer les dispositifs d'aide.
J'ai un petit regret sur les assurances. Mais le rapporteur général l'a expliqué : le rendez-vous est seulement reporté. Le Sénat avait largement voté deux amendements sur le sujet. Nous y reviendrons si les engagements du secteur se révèlent insuffisants ou biaisés.
Mon second regret porte sur la dotation aux élus locaux. Les maires de petites communes apprécieront le geste mais les collectivités locales n'ont peut-être pas été suffisamment intégrées aux dispositifs d'aides aux plus petites structures de l'économie locale.
Mon appréciation est globalement très positive. La quasi-totalité du groupe RDSE votera ces conclusions.
M. Julien Bargeton . - Face à la crise sanitaire qui plonge le monde dans la récession, le Gouvernement a adopté une stratégie fondée sur quatre piliers : le chômage partiel, qui concerne 10 millions de Français dont 2 millions au titre de la garde d'enfants ; le fonds de solidarité, porté à 7 milliards d'euros dont 1 milliard a déjà été consommé pour un million de demandes ; des prêts garantis à hauteur de 300 milliards d'euros dont 40 milliards d'euros déjà octroyés à 750 000 demandeurs ; enfin, la recapitalisation de grandes entreprises.
Nos amendements ont complété, amélioré les mesures sans bouleverser cette stratégie. Nous avons accompli un travail collectif, dans un esprit de responsabilité ; l'accord entre les deux chambres en témoigne, ainsi que l'adoption du texte par tous les groupes sauf un.
Je salue le travail du rapporteur général, notamment sur l'élargissement de la TVA à 5,5 % sur les équipements de protection, l'extension des missions du comité de suivi et le renforcement de l'information du Parlement. Le groupe LaREM y a contribué en ajoutant une partie des gels dans le champ de la TVA à 5,5 %. Je salue aussi le relèvement du plafond des dons aux associations caritatives.
Après l'urgence de la riposte viendra l'exigence de la relance. Il faudra tirer les conséquences de cette crise sur les collectivités territoriales, notamment d'outre-mer, qui subissent l'effondrement de l'octroi de mer, de la taxe de séjour et des droits de mutation. Je remercie Olivier Dussopt de s'être engagé à garantir les recettes des collectivités.
Nous devons penser la relance en l'entourant de garanties. Elle devra être européenne, écologique et éthique. L'engagement de Bruno Le Maire sur la prise en compte du comportement des entreprises pour l'octroi d'un soutien de l'État va dans le bon sens.
« Il faut juger à froid et agir à chaud », écrit Paul Valéry. Nous ne ferons pas autre chose. Conscient des graves difficultés qui sont devant nous, le groupe LaREM votera ce PLFR et se réjouit du large soutien qui se dessine.
M. Pascal Savoldelli . - La CMP s'est accordée sur un PLFR que nous n'approuverons pas. Nous avons pointé les manques criants du texte et fait de nombreuses propositions. Le Gouvernement et la commission des finances nous ont à chaque fois rétorqué qu'elles n'avaient pas leur place dans un texte d'urgence : l'heure ne serait pas au débat politique mais à l'action. Nous réfutons ce point de vue. En agissant dans l'urgence, vous faites de la politique. Vos choix engagent l'après. Or l'après se pense, se débat, se prépare pendant. Craindriez-vous que l'on conteste vos options libérales ?
Il faudrait voter ce texte « en responsabilité » ? L'argument ne tient pas. Le choix existe, surtout dans cette période, quand les priorités sont données. Pour le Gouvernement, la hiérarchie est claire : priorité à la relance d'une certaine économie au détriment de la sécurité sanitaire de tous.
La démocratie ne saurait être mise au pas au nom de la « responsabilité ». Notre avis est différent et nous l'assumons, ici, devant le peuple. Nous ne sommes pas dans une bulle : les citoyens nous écoutent et, même confinés, expriment leur opinion.
L'Assemblée nationale et le Sénat débattent et c'est une bonne chose. Il faut avoir le courage de s'opposer pour défendre ses valeurs !
Dernier scoop : la mesure sur les paradis fiscaux. Nous la votons hier, Bruno Le Maire l'annonce ce matin, mais elle a disparu du texte. Il y a un diable libéral !
Vous avez rejeté toutes nos propositions. Dotation exceptionnelle aux collectivités territoriales : non ! Disney vient de confirmer le versement de 1,5 milliard d'euros de dividendes alors que 1 500 de ses salariés sont en chômage partiel... payé par l'État ?
Le débat parlementaire est incomplet. Nous n'avons pas réellement débattu de la stratégie industrielle.
Pas question de valider une opération de secours des actionnaires pour leur rendre la maison assainie après la crise !
Où est la rupture ?
Nous rejetons en toute responsabilité ce PLFR.
M. Franck Menonville . - Il nous revient de consolider l'effort sans précédent de la Nation pour sauver notre économie, un mois après la première LFR.
Nous partageons pleinement la logique de ce deuxième plan d'urgence. Je me réjouis que nous ayons trouvé un terrain d'entente avec les députés, pour l'application rapide de ce plan d'investissement collectif et massif.
Le déficit se creuse, la dette explose, les recettes chutent. Nous finançons ce plan de sauvegarde nécessaire avec un argent que nous n'avons pas. Cet effort reposera sur les générations futures. Pour rétablir nos finances publiques, nous aurons besoin d'une France mobilisée et rassemblée et de toutes nos entreprises, grandes et moyennes, recourant largement au chômage partiel, petites, bénéficiant de prêts garantis par l'État, artisans et indépendants, soutenus par le fonds de solidarité, agriculteurs, confrontés à la crise. Certaines filières, biocarburants et horticulteurs notamment, auront besoin de mesures supplémentaires. La relance devra s'appuyer sur les grands groupes, dont certains recapitalisés par l'État, les ETI, les PME, les artisans et les indépendants.
Je salue l'activation hier par la Commission européenne de mécanismes de crise, notamment la gestion des stocks privés et la flexibilité financière.
Les mesures votées il y a un mois ont commencé à faire leurs preuves. Nous les améliorons. Notre priorité doit rester la santé des Français et la préservation du tissu économique et social du pays, dont le modèle social est soumis à rude épreuve. Nous devons, dès à présent, nous focaliser sur la reprise économique et trouver les moyens de la financer à long terme.
Je me félicite, parmi les avancées acquises sur proposition du Sénat, de l'augmentation du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires et du renforcement du dispositif dit « loi Coluche » au bénéfice des associations. Je me réjouis aussi de la dotation supplémentaire accordée aux 3 400 communes de moins de 500 habitants.
En revanche, l'annulation des charges et cotisations sociales des entreprises les plus en difficulté reste en suspens. Il restera à travailler également sur le rôle des assureurs et sur les entreprises installées dans les paradis fiscaux.
Le Sénat sera au rendez-vous du plan de relance, qui devra s'appuyer sur les collectivités territoriales et les élus locaux.
Nous retiendrons de cette crise que la France a besoin d'un État plus décentralisé.
Nous voterons bien évidemment ces conclusions.
M. Claude Malhuret. - Très bien !
M. Vincent Capo-Canellas . - La CMP de ce midi a abouti à un accord : la chose est suffisamment rare en matière de loi de finances pour que nous nous en réjouissions. C'est en effet une bonne nouvelle. Après débat, la Représentation nationale sait faire les compromis nécessaires.
Dans un contexte exceptionnel et fluctuant, ce texte est très attendu. En responsabilité, députés et sénateurs ont travaillé en bonne intelligence, avec pour seuls soucis, la préservation du tissu productif et la reconnaissance de ceux qui, parfois au péril de leur vie, luttent courageusement contre l'épidémie.
Il a fallu faire la part entre l'urgence, le soutien aux soignants, à l'emploi et à l'économie ; l'attention à des secteurs insuffisamment pris en compte et la conscience qu'il y aura un PLFR 3.
Nous gardons à l'esprit la baisse de 8 % du PIB, le déficit à 9,1 % et la dette à 115 % du produit national, pardonnez du peu, et encore d'aucuns prédisent-ils une aggravation ! Il faudra débattre ensuite du remboursement de cette dette abyssale.
Les motifs de satisfaction du groupe UC sont nombreux.
L'annonce de Bruno Le Maire de l'exclusion des entreprises ayant leur siège dans des paradis fiscaux nous a réjouis mais nous regrettons que l'amendement de Nathalie Goulet écartant de la solidarité nationale les entreprises violant notre pacte social ait disparu du texte de la CMP. Nous serons vigilants sur ce sujet.
Par la revalorisation de 8 millions d'euros des crédits de la dotation particulière élu local, le Gouvernement respecte l'engagement pris en novembre dernier, devant les maires des petites communes, dont nous savons l'engagement et la mobilisation sans faille : cette avancée a été obtenue grâce à Sylvie Vermeillet. Je m'associe à elle pour saluer l'écoute et le travail des deux rapporteurs généraux.
Nous nous félicitons également de l'élargissement du taux réduit de TVA à l'ensemble des équipements de protection, en espérant, avec le président Marseille, que cette baisse se répercutera dans les prix.
L'exonération fiscale des heures supplémentaires est un apport important du Sénat et de sa commission des finances. Nous avons aussi entendu le Gouvernement sur les assureurs. Nous espérons que les discussions en cours aboutiront à une solution.
Bien sûr, nous avons des regrets. Le troisième PLFR sera l'occasion de remettre l'ouvrage sur le métier, par exemple l'amendement d'Annick Billon créant un fonds d'urgence de lutte contre les violences intrafamiliales. L'urgence économique ne doit pas faire passer au second plan l'urgence sociale.
D'autres propositions, notamment sur le remboursement du FCTVA ou les délais d'engagement et de clôture des opérations locales d'investissement, chers à Michel Canevet et Bernard Delcros, ou l'imputation en investissement des contributions des collectivités au fonds national de solidarité, cher à Hervé Maurey, devront aussi être abordées dans les prochaines semaines. Nous espérons que le report des charges sociales et fiscales des entreprises les plus affectées se transformera en annulation dès le prochain collectif.
Plusieurs éléments d'un plan de relance ont été écartés. Nous disons au Gouvernement qu'il faudra le construire ensemble. Dans l'immédiat, nous saluons la montée en puissance des outils du PLFR 1.
Nous adopterons ce deuxième budget rectificatif à l'unanimité.
M. Thierry Carcenac . - La CMP est conclusive. Je remercie tous les intervenants de ce débat, le président de la commission des finances et le rapporteur général.
Claude Raynal avait indiqué que les abondements de crédits correspondaient aux insuffisances du PLFR 1.
Il ne s'agit donc que d'un projet de loi de finances rectificative bis. La confiance ne se décrète pas. La peur n'est jamais bonne conseillère. Nos chercheurs, nos industriels, nos personnels de santé au front, que saluent les Français chaque soir, donnent de l'espoir. Ne les décevons pas.
Nos amendements avaient pour but d'ouvrir le débat sur les nécessaires mesures de solidarité tout en ne les faisant pas financer par la seule dette. Certains de nos concitoyens, aux capacités contributives importantes, ont bénéficié d'avantages fiscaux importants et peuvent participer à l'effort national. C'était le sens de plusieurs de nos amendements défendant l'ISF 2.0, cher à notre président de commission, et le retour à la taxation du capital. Il en allait de même pour nos propositions d'amendements sur les assurances.
Nous proposions aussi d'aider particulièrement certains secteurs comme le tourisme, la restauration, la culture, l'événementiel, les Français de l'étranger, de mieux lutter contre les violences intrafamiliales - comme l'avait annoncé le Gouvernement - de mieux aider la parentalité mais aussi de verser une prime aux assistants familiaux de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Enfin, nous voulions aider l'outre-mer.
Il faut se réjouir des avancées en faveur des collectivités territoriales qui doivent gérer le quotidien. Ainsi en est-il de la baisse de la TVA à 5,5 % pour tous les équipements de protection.
Nous continuerons à vouloir renforcer la participation des assureurs. La justice sociale et fiscale doit s'imposer. Nous y serons attentifs à l'occasion des prochains plans de sortie du confinement et de relance de l'économie.
Nous continuerons à dénoncer les annonces de ministres non suivies d'effets. Nous saluons enfin l'abondement du fonds de solidarité de 2 milliards supplémentaires, sur proposition de notre rapporteur général.
Malgré nos réserves, le groupe socialiste et républicain votera dans sa grande majorité ce texte pour soutenir les Français et leurs entreprises. N'ajoutons pas une crise économique et sociale à la crise sanitaire.
Chaque jour qui passe conduit inexorablement au monde d'après. Notre vote n'est cependant pas un blanc-seing au Gouvernement, ni à la majorité sénatoriale. C'est un plan d'urgence, il faut agir vite pour sauver des emplois, donc la vie de nos concitoyens.
M. Jean-François Husson . - Trois jours d'intenses travaux dans une période d'une crise sanitaire inédite dont l'ampleur dépasse l'imagination : monsieur le ministre, il vous faut entendre et considérer le Parlement et les élus locaux qui vivent les difficultés au quotidien. Au Sénat, nous avons l'habitude de travailler dans la sérénité et la sagesse.
Il y a trente jours, il y eut l'acte I de la loi de finances rectificative. Certaines insuffisances que nous avions regrettées ont été prises en compte dans le présent texte. On parle déjà d'un PLFR 3, mais veillons à ne pas dérouler la pelote de laine sans parvenir à l'arrêter : il faut nous employer à mieux anticiper.
Heureusement, la commission mixte paritaire fut conclusive !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Oui.
M. Jean-François Husson. - Nous combattons l'urgence sanitaire et commençons à prendre en compte l'urgence économique, d'où certainement cet accord entre nos deux chambres. Malheureusement, tout n'est pas traité dans ce texte, comme l'annulation des charges sociales et fiscales pour les entreprises et les commerces qui resteront fermés après le 11 mai. Même remarque pour ces structures qui ont perdu, du jour au lendemain, toute activité, parfois même sans fermeture administrative, alors que leurs charges continuent à courir. Il faut donner des signes pour donner confiance à ces chefs d'entreprise qui s'activent sans trouver de solution.
La question du rôle des sociétés d'assurance se pose aussi. Elles ont une responsabilité morale à l'égard des entreprises en difficulté, au-delà des aspects contractuels. Elles ont fait un pas, mais le Sénat a lancé le signal d'alarme, même si ses amendements n'ont pas été repris par la commission mixte paritaire.
Demain, avec Vincent Segouin, Catherine Dumas et nombre de mes collègues, je porterai une proposition de loi pour trouver des solutions : nous ne pouvons pas rester les bras ballants.
Certaines mesures votées à l'unanimité par le Sénat n'ont hélas pas été reprises. Je pense au remboursement de la TVA aux collectivités territoriales pour l'achat de matériels de protection individuelle. C'est injuste, d'autant qu'elles suppléaient les carences de l'État qui lui-même ne paie pas cette taxe !
Le texte apporte des satisfactions : hausse du plafond du nombre d'heures supplémentaires défiscalisées, extension du dispositif Coluche, prêts participatifs adossés au FDES pour les TPE et les PME, TVA à 5,5 % pour les équipements de protection.
Maintenant, il va falloir traverser la tempête économique avec le moins de dégâts possibles. Il ne faudra pas faire d'erreur, monsieur le ministre, et s'appuyer sur le Parlement.
Je salue le bon climat de nos débats, parfois vifs, et je remercie notre rapporteur général qui a travaillé avec coeur et sincérité.
Notre groupe votera ce texte.
La discussion générale est close.
Explications de vote
Mme Laurence Rossignol . - Hier - ou plutôt cette nuit ...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. - ... nous avons adopté deux amendements, à l'initiative de la délégation aux droits des femmes, pour renforcer les aides à la parentalité et à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Je regrette qu'ils soient passés à la trappe en CMP, ne résistant pas aux assauts du Gouvernement et de la majorité LaREM de l'Assemblée nationale. Je regrette aussi qu'ils n'aient pas été davantage défendus par le Sénat, ni même évoqués par le rapporteur général dans la liste des renoncements du Sénat en CMP, sans doute en raison du faible montant des crédits prévus par ces deux amendements. Pourtant, ils reprenaient l'engagement des deux ministres concernés et traduisaient dans le budget la parole des gouvernants. Le refus qui nous est opposé aujourd'hui va au-delà des crédits prévus dans ces amendements. Pour réussir le déconfinement, vous aurez besoin de la confiance des Français. Pour avoir cette confiance, il va vous falloir être - enfin ! - sincère...
Ainsi, vos actes doivent correspondre à vos propos. Ces deux amendements sont emblématiques d'une gestion par la communication de la crise sanitaire : on communique sur des chiffres, mais on n'inscrit pas les crédits au budget. C'est le fameux « argent magique » !
C'est pour ces raisons, outre celles que va exposer Patrice Joly, que je m'abstiendrai, alors que j'avais voté hier soir, sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
M. Patrice Joly . - Je m'étais abstenu hier et le texte issu des travaux de la CMP confirme mon opinion.
Les avancées rendent difficile une opposition, mais les insuffisances ne permettent pas une adhésion : des catégories entières de Français sont oubliées et l'occasion de commencer à repenser notre modèle économique et social n'a pas été saisie.
Certes, les moyens mis à disposition du chômage partiel sont renforcés et le soutien aux entreprises est amélioré. Le salariat est protégé, mais de nombreux Français comme les auto-entrepreneurs ou les promoteurs de start-up ne sont pas pris en compte.
La dimension sociale demeure très insuffisante. Les retraités, les titulaires de l'allocation de solidarité, les étudiants sont laissés à leur sort, qui est très difficile. Comme le disait il y a quelques heures un représentant de l'État, des émeutes de la faim éclatent... Nous en sommes là.
Je regrette aussi l'absence de toute dimension écologique, alors que les questions environnementales sont cruciales. L'éco-conditionnalité du soutien aux entreprises eût fourni l'occasion d'engager une nouvelle étape vers un nouveau modèle de développement, devenu urgent.
Si les dépenses de ce PLFR seront financées par la dette, nous n'y trouvons rien sur la justice fiscale, enjeu de solidarité et de cohésion nationale, dans une situation de crise, où ceux qui en ont les moyens doivent intervenir à la hauteur de leurs capacités contributives.
Le texte élaboré par la commission mixte paritaire est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°99 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l'adoption | 317 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - On essaiera de faire mieux la prochaine fois ! (Sourires)
M. le président. - Merci à tous.
Prochaine séance, mercredi 29 avril 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 20 h 25.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication