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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Inscription à l'ordre du jour

Questions orales

PLUi de l'agglomération Fécamp Caux littoral

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Maisons France services (I)

Mme Christine Herzog

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Maisons France services (II)

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Agence nationale de la cohésion des territoires

M. Jean-François Rapin

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Élections communautaires de mars 2020

M. Dany Wattebled

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Risques liés aux poids lourds entre Poitiers et Bordeaux

Mme Nicole Bonnefoy

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

Abus de faiblesse liés à la signature électronique à distance

Mme Corinne Imbert

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Démarchage téléphonique abusif

Mme Catherine Deroche

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Taxe américaine sur les vins français

M. Daniel Laurent

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile

Mme Christine Bonfanti-Dossat

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Attractivité de la formation d'aides-soignants

Mme Agnès Constant, en remplacement de M. Bernard Buis

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Fermeture des urgences de nuit de l'hôpital de Sisteron

M. Jean-Yves Roux

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Nouveau modèle tarifaire des allocations de solidarité départementales

M. Hugues Saury

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Extension du fonds de garantie aux accidents médicaux

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Situation du centre hospitalier du Rouvray

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, en remplacement de M. Didier Marie

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Consultations externes dans les territoires sous-dotés

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Pénurie de médicaments

Mme Brigitte Micouleau

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Augmentation du prix des médicaments

Mme Catherine Procaccia

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Intégration de l'AAH dans le revenu universel d'activité

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Territoires « zéro chômeur de longue durée » (I)

M. Philippe Mouiller

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Territoires « zéro chômeur de longue durée » (II)

Mme Agnès Canayer

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Réforme des auto-écoles et du permis de conduire

M. Jean-Claude Luche

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Demande de reconnaissance de catastrophe naturelle

Mme Sabine Van Heghe

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Distribution de pastilles d'iode à proximité des centrales nucléaires

Mme Véronique Guillotin

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Financement de la démocratie

M. Rachid Temal

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Règlement de défense incendie et secours en Seine-Maritime

Mme Céline Brulin

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

État civil et usage du tilde

M. Michel Canevet

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Multiplication d'actions violentes de militants « végans »

M. Guillaume Chevrollier

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Assassinat des deux journalistes français à Kigal en 2013

M. Jean-Pierre Sueur

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Oubliés de la Nation

M. Yannick Vaugrenard

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Enseignement du flamand occidental et des langues régionales

M. Jean-Pierre Decool

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Freins au développement de l'agroforesterie

M. Dominique Théophile

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Recommandations relatives à la consommation de fromages au lait cru

M. Max Brisson

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Enseignement agricole

M. Jean-Marie Mizzon

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Réalisation d'équipements pour les Jeux olympiques de 2024

M. Gilbert Roger

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

Règles applicables dans le périmètre de protection d'un bâtiment classé

M. Bernard Fournier

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

Mitage des espaces forestiers en Île-de-France

Explications de vote

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Rachid Temal

M. Olivier Léonhardt

M. Martin Lévrier

M. Fabien Gay

Mme Colette Mélot

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Jean-Raymond Hugonet

Barrière écologique aux frontières

Discussion générale

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de résolution

M. Joël Labbé

M. André Gattolin

M. Guillaume Gontard

M. Jean-Pierre Decool

Mme Valérie Létard

M. Jean Bizet

M. Jean-Yves Leconte

M. Jean-François Longeot

M. Guillaume Chevrollier

M. Joël Bigot

M. Stéphane Piednoir

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mme Noëlle Rauscent

Mme Cécile Cukierman

M. Franck Menonville

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Sophie Primas

M. Franck Montaugé

M. Henri Cabanel

M. Jean-Pierre Decool

Mme Françoise Férat

M. Vincent Segouin

M. Jean-Claude Tissot

Mme Christine Bonfanti-Dossat

M. Michel Raison, rapporteur

M. Didier Guillaume, ministre

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Antoine Lefèvre

M. Daniel Gremillet

M. Laurent Duplomb

Annexes

Ordre du jour du mercredi 15 janvier 2020

Analyse des scrutins




SÉANCE

du mardi 14 janvier 2020

46e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

Secrétaires : M. Joël Guerriau, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Inscription à l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date du 9 janvier, le Gouvernement demande l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire à l'ordre du jour du jeudi 30 janvier à 14 h 30.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.

PLUi de l'agglomération Fécamp Caux littoral

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Ma question porte sur l'application de la loi Littoral et ses conséquences dans le développement des projets portés par les communes proches de la mer. Les services de l'État en font parfois une lecture trop stricte. Or la loi ELAN a apporté des assouplissements pour accompagner l'urbanisation des communes du littoral.

J'ai été saisie par le maire de Sassetot-le-Mauconduit, commune de l'agglomération Fécamp Caux Littoral, qui a élaboré son PLUi, travail remarquable salué par le préfet. Mais l'État a apporté des réserves dans son arrêt de projet, même s'il n'est pas question de remettre en cause la bande des 100 mètres.

Les points d'inquiétudes portent sur des incohérences et sur une interprétation stricte de la loi Littoral. Le préfet a pris soin de me répondre et il m'a assuré que des dispositions transitoires pourraient être accordées en matière d'urbanisme.

La question de la surinterprétation demeure néanmoins et Mme Canayer est saisie de tels cas. De nombreuses communes nous ont interpellés.

Quelle est, madame la ministre, votre interprétation de la loi ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je tiens d'abord à saluer le travail accompli par la communauté d'agglomération Fécamp Caux Littoral dans le cadre de l'élaboration de son PLUi. La qualité du projet a été reconnue par l'État qui a émis un avis favorable, assorti néanmoins d'observations. Celles-ci ne constituent nullement une remise en cause du caractère urbain de plusieurs des secteurs, mais visent à renforcer la sécurité juridique du PLUi, notamment au regard des évolutions récentes apportées à la loi Littoral par la loi ELAN ainsi qu'au regard du SCoT applicable sur la zone depuis 2014. Ainsi, l'État a constaté que la Communauté avait retenu une qualification différente du SCoT pour certains secteurs. Les observations visaient donc à répondre à l'exigence de compatibilité du PLUi avec le SCoT en vigueur.

Un autre point d'achoppement portait sur la qualification de certains secteurs en zones urbaines, dans une période transitoire où cette qualification n'a pas encore été confirmée dans le SCoT.

Le zonage urbain pour ces secteurs n'est pas remis en cause par l'avis de l'État. C'est important, parce qu'il permet de délivrer, sous réserve de l'accord du préfet, des autorisations de construire. Les règles de constructibilité prévues par le projet de PLUi pour ces secteurs ne répondaient pas tout à fait à ce qu'autorise la loi ELAN. Des ajustements étaient donc nécessaires.

La mise en place d'un Secteur de taille et capacité d'accueil limitées (Stecal) s'est avérée incompatible avec la loi Littoral et il convenait donc de requalifier le secteur concerné. Il est vrai que, pendant cette période où les documents d'urbanisme évoluent pour prendre en compte les nouvelles dispositions de la loi ELAN, certains territoires peuvent rencontrer des difficultés pour faire aboutir leurs projets d'urbanisation. Toutefois, les préfets et leurs services demeurent mobilisés pour apporter leur appui et leur expertise aux communes.

La communauté d'agglomération de Fécamp Caux Littoral continue d'avoir de nombreux échanges avec les services de l'État.

Il est important de faire évoluer concomitamment les SCoT et les PLUi. La loi ELAN attribue au SCoT un rôle majeur dans la traduction, au niveau local, des principes de la loi Littoral. Aussi, j'invite les porteurs de SCoT, aux côtés des intercommunalités, à s'engager dès que possible dans une démarche d'adaptation de leur schéma, mais j'entends aussi le besoin de souplesse.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Merci à la ministre pour ces précisions. Restons attentifs aux freins au développement économique et touristique.

Maisons France services (I)

Mme Christine Herzog .  - J'appelle votre attention sur la création des maisons France services (MFS) annoncée par le Premier ministre le 4 mai 2019. Actuellement, il existe 1 340 maisons de services au public (MSAP) et on nous annonce 500 MFS. Mais il ne faudrait pas que les MSAP finissent par disparaître. La Cour des comptes estime dans son rapport de mars que leur coût de fonctionnement risque d'être transféré aux collectivités.

De plus, elle dénonce « l'impasse du financement des MSAP », dont les fonds, qui reposent pour moitié sur les collectivités ne seraient pas de nature à en garantir la pérennité. Ainsi, la commune de Kédange-sur-Canner en Moselle a créé une MSAP en engageant d'importantes dépenses et c'est actuellement la seule MSAP de son canton. Le Gouvernement ayant décidé qu'il n'y aura dorénavant qu'une seule MFS dans chaque canton, que deviendra celle qui a été créée par cette commune, si elle n'est pas labellisée par le Gouvernement ?

Quel est l'avenir des MSAP et que compte faire le Gouvernement pour compenser le préjudice financier pour les communes qui ont déjà investi dans ces structures ? Comment entendez-vous financer les MFS dans les zones rurales ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les MSAP - 1 340 sur le territoire français - sont de qualité extrêmement inégale. Nous voulons améliorer la qualité du service public dans les territoires avec les MFS et en labellisant les MSAP existantes. Il n'est pas question de les fermer mais de les labelliser, dès lors qu'elles affichent une qualité satisfaisante.

Il faut au moins une maison par canton. Parfois, ce sera davantage. Je connais des cantons avec trois ou quatre MSAP, dont certaines déjà labellisées. Quelque 460 MSAP ont déjà été labellisées et nous continuerons à le faire au fil de l'eau, quand elles seront prêtes. Ainsi, en Moselle, à l'issue de la procédure, la MSAP d'Antrange a été labellisée et celles de Boulay-Moselle et de Morhange devraient l'être prochainement. D'autres suivront.

Nous n'avons pas l'intention de fermer des MSAP. Au contraire, nous voulons multiplier la présence des services publics dans les territoires et nous avons noué de nouveaux partenariats. Par exemple, la MSA s'est proposée pour gérer des MSAP.

Quelque 30 000 euros sont versés par l'État et les opérateurs à chaque MSAP. Bien entendu, les porteurs de projet participent également. Nous verrons s'il faut augmenter ce montant.

Mme Christine Herzog.  - Les MSAP, créées en 2016, n'ont même pas eu le temps de se déployer ; pourquoi avoir lancé un nouveau dispositif ? Les élus locaux sont inquiets et ils ont besoin de garanties.

Maisons France services (II)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur le financement des emplois au sein des MFS. Elle rejoint donc celle posée précédemment par ma collègue.

Depuis le 1er janvier 2020, 460 MFS sont théoriquement ouvertes, au moins cinq jours par semaine, avec deux personnes formées à l'accueil du public.

Mais les collectivités locales s'inquiètent sur le financement. Les préfets ont dû fournir la liste des MSAP existantes qui pourraient être labellisées mais, à défaut d'homologations, elles ne seront plus financées par l'État.

Par ailleurs, le financement de chaque nouvelle structure par l'État sera forfaitisé à hauteur de 30 000 euros par an ce qui correspond au coût d'un seul agent d'accueil dans chaque maison.

En outre, la Cour des comptes a souligné l'effet de ciseau qui atteint le réseau d'avant 2020. Ce dernier a été formaté pour seulement 1 000 maisons et son budget de fonctionnement à hauteur de 60 millions d'euros repose à 50 % sur les collectivités ou les associations qui les portent ou les hébergent, à 25 % par un fonds de l'État qui est resté stable depuis 2014 et à 25 % par un fonds abondé par certains opérateurs mais largement sous-doté notamment à cause du retrait de la SNCF ou de GRDF.

Est-ce que ces MSAP labellisées au nouveau réseau France services se traduiront par des charges nouvelles pour les communes ou les intercommunalités compte tenu de l'obligation d'avoir deux agents pour recevoir le public ?

Que compte faire le Gouvernement pour les MSAP non labellisées pour éviter qu'elles ne ferment ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je le répète : nous voulons améliorer la qualité des services publics proposée dans ces maisons. Je me déplace beaucoup, et je puis vous dire que certaines MSAP n'en ont que le nom. D'autres sont formidables et ont été labellisés immédiatement. Celles qui ne le sont pas, seront accompagnées financièrement jusqu'au 31 décembre 2021. Elles ont ainsi le temps nécessaire d'atteindre le niveau pour obtenir leur labellisation.

Le financement des maisons sur la période 2020-2022 repose sur des partenariats.

La Banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations investira ainsi 30 millions d'euros pour assurer le déploiement de France Services. Sur cette enveloppe, 17 millions d'euros sont alloués à La Poste, 10 millions d'euros à l'animation globale du réseau et 3 millions d'euros permettront le déploiement de France Services Mobile. L'État apporte un soutien financier aux structures France Services labellisées, ainsi qu'aux MSAP en cours de montée en gamme, tant par sa participation aux dépenses de fonctionnement qu'en investissement.

La formation des agents est menée par un institut de la sécurité sociale. Au plan national, douze agents de l'État de la banque des territoires et de La Poste sont en charge de ce dispositif au sein de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

Nous évaluerons le financement de cette politique dans un an et nous ne serons pas opposés, par principe, à une revalorisation.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - La qualité dépend de la présence sur les lieux d'au moins deux agents. Or le deuxième agent sera à la charge des collectivités territoriales.

Agence nationale de la cohésion des territoires

M. Jean-François Rapin .  - En créant une nouvelle agence, l'ANCT, pour remédier aux disparités constatées sur les territoires, le Gouvernement a souhaité améliorer la cohésion territoriale. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

L'article 3 de la loi du 22 juillet 2019 portant création de cette agence spécifie que « le conseil d'administration doit être composé de manière à favoriser une juste représentation de la diversité des territoires métropolitains et ultramarins ».

À la lecture du décret du 18 novembre 2019 relatif à cette agence, il s'avère que la composition de cette nouvelle instance n'identifie pas spécifiquement de représentants du littoral. Ce sont tous les territoires littoraux de la France hexagonale et des Outre-mer, reconnus par la loi Littoral de 1986, qui sont ici oubliés. Je ne peux m'y résoudre.

En revanche, l'association nationale des élus de la montagne bénéficie d'un siège. Pourquoi une telle différence ? Le littoral ne mérite-t-il pas que l'on s'y intéresse ?

Après plusieurs courriers vous alertant sur ce sujet, dont un de députés de la majorité et une tribune signée par plus de 140 parlementaires, la situation n'a malheureusement pas évolué.

Le décret doit être modifié pour assurer la représentation des littoraux au sein du conseil d'administration.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le conseil d'administration de l'ANCT, réuni pour la première fois le 12 décembre, est composé de manière à concilier deux impératifs antagonistes : une taille réduite afin de la rendre facilement pilotable et la juste représentation des multiples enjeux des territoires.

Pendant l'examen du projet de loi portant création de l'ANCT, les élus du littoral ne m'ont jamais interpellée, alors que je ne risquais pas d'oublier les préoccupations des élus de la montagne...

M. Jean-François Rapin.  - Ça alors !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Lors de la première réunion du conseil d'administration, j'ai essayé de répondre à votre préoccupation. Aussi, plusieurs élus du littoral en sont membres, même si votre association n'y siège pas officiellement.

J'espère ne pas vous vexer mais nous ne pensons pas modifier le décret. J'aurai des propositions concrètes pour que vos préoccupations soient prises en compte au sein de l'ANCT.

M. Jean-François Rapin.  - Votre réponse ne me convient absolument pas. Et, même si vous ne le souhaitiez pas, vous m'avez vexé ! Le conseil d'administration de l'ANCT doit être représentatif des différents territoires. S'il faut faire du lobbying pour y siéger, c'est bananier ! Les élus du littoral ne peuvent se satisfaire de votre réponse.

Élections communautaires de mars 2020

M. Dany Wattebled .  - Les élus locaux s'interrogent sur la portée des modifications de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. En effet, cet article, relatif aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), prévoyait lors des dernières élections municipales de 2014 qu'après le renouvellement général des conseils municipaux, l'organe délibérant se réunissant au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l'élection des maires.

Depuis la loi du 28 février 2017, le CGCT prévoit désormais que lors de la première réunion de l'organe délibérant, immédiatement après l'élection du président, des vice-présidents et des autres membres du bureau, le président donne lecture de la charte de l'élu local.

Les élus locaux s'interrogent sur le caractère obligatoire du fait de procéder le même jour et lors de la même séance à l'élection du président de l'EPCI, des vice-présidents et des autres membres du bureau. En effet, les métropoles, notamment, comportent un nombre important d'élus et leurs représentants ne sont connus qu'à l'issue du deuxième tour des élections municipales.

À l'échelle d'une métropole, il est difficile d'organiser une gouvernance en amont du résultat des élections municipales, contrairement à ce qui peut être fait à l'échelle d'une commune. Il est dès lors de pratique courante, au sein des métropoles, de procéder, dans un premier temps, à l'élection du président, puis dans un second temps et lors d'une séance ultérieure, à l'élection des vice-présidents et membres du bureau.

La modification du CGCT rend obligatoire la lecture de la charte de l'élu local lors de l'élection du président et des vice-présidents de l'EPCI. Dès lors, peut-on considérer que les dispositions de cet article sont respectées si l'élection du président et des vice-présidents a lieu lors de deux séances distinctes mais que la charte de l'élu local est lue par le président lors de chacune de ces séances, ou faut-il considérer qu'il est désormais obligatoire de procéder à l'élection du président de l'EPCI, des vice-présidents et des membres du bureau le même jour et lors de la même séance ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le CGCT prévoit effectivement la lecture de la charte de l'élu local, juste après l'élection du président et des vice-présidents de l'EPCI. La loi du 31 mars 2015 l'a modifié pour mettre en oeuvre la proposition n°24 du rapport de la mission d'information sur le statut de l'élu.

Lors des débats parlementaires en commission des lois, le rapporteur avait précisé que les conseils municipaux et les conseils communautaires seraient concernés de la même façon par cette disposition.

Après le prochain renouvellement de mars 2020, je vous confirme que le président, les vice-présidents et les autres membres du bureau au sein d'un EPCI à fiscalité propre seront élus lors de la même réunion du conseil communautaire.

Un temps d'échange de près de cinq semaines est laissé aux élus des conseils communautaires, ce qui semble suffisant pour définir les contours de leur exécutif. Ce délai n'est que d'une semaine pour les conseils municipaux.

Une suspension de séance est possible lors de la réunion que vous évoquez.

Risques liés aux poids lourds entre Poitiers et Bordeaux

Mme Nicole Bonnefoy .  - J'attire votre attention sur le risque routier et sanitaire que présente le trafic de poids lourds le long de la route nationale 10 entre Poitiers et Bordeaux.

Certains poids lourds ne respectent ni les distances de sécurité, ni l'interdiction de doubler, ni la limitation de vitesse au point que les routiers eux-mêmes disent prendre un risque pour leur vie et celle des automobilistes. À l'insécurité routière se rajoute la pollution sonore, de l'air et des sols au point que les agriculteurs soucieux de produire de la qualité sont contraints de cultiver à plus de 300 mètres de la RN 10 et à plus de 500 mètres pour les cultures bio, compte tenu des métaux lourds retrouvés dans les sols.

Le trafic poids lourds a des conséquences en termes de sécurité routière, de sécurité sanitaire, environnementale, sociale et économique, sans compter le coût d'entretien de la chaussée et la mobilisation des forces de l'ordre.

Plus de 7 000 personnes ont signé une pétition citoyenne demandant que les poids lourds en transit empruntent l'A10. Quelque 126 communes ont délibéré dans le même sens.

Pour économiser quelques dizaines d'euros de péage, les poids lourds empruntent la RN 10. Cette situation n'est pas acceptable et le 19 novembre dernier, Mme la ministre Élisabeth Borne que j'interpellais sur le sujet me répondait « qu'il fallait se préoccuper des poids lourds en transit pour faire en sorte qu'ils n'aient pas la tentation d'emprunter des itinéraires gratuits ».

Que comptez-vous faire pour régler ce problème ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - La restriction complète de la RN 10 entre Poitiers et Bordeaux au trafic de poids lourds serait contraire au principe de libre circulation des marchandises sur le réseau structurant national. La jurisprudence du Conseil d'État est constante sur ce point afin de garantir la réglementation européenne.

Les services de l'État en charge du contrôle sont mobilisés sur le terrain pour assurer le respect des réglementations applicables au transport routier, afin de prévenir les risques de surcharge ou encore le temps de conduite et de repos des chauffeurs.

Le Gouvernement entend prendre des mesures d'amélioration des infrastructures.

De nombreuses opérations de sécurisation de cet axe ont été d'ores et déjà engagées : la mise en service de la 2x2 voies entre Reignac et Chevanceaux, l'étude du remplacement de six carrefours dans la Vienne par des échangeurs dénivelés avec mise à 2x2 voies dans le secteur Croutelle, l'étude de la suppression des derniers carrefours en Charente, notamment sur la commune de Mansle, le diagnostic de sécurité sur la rocade d'Angoulême en vue d'améliorer, dès 2020, les modalités d'information des usagers de la route, en particulier sur les congestions récurrentes et sur les risques d'accidents, et enfin le diagnostic de sécurité sur la section entre Virsac et Angoulême.

Le Gouvernement va demander à la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine de s'assurer que les calendriers des opérations sont respectés.

Par ailleurs, le Gouvernement mandatera la préfète de la Charente afin que des dispositifs de contrôles fixes et mobiles soient déployés de façon privilégiée sur cet axe, de manière à renforcer la répression contre les poids lourds qui ne respecteraient pas les différentes réglementations.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je connais ces investissements, comme l'argument sur le droit européen. Mais il faut envisager une dérogation ou une expérimentation ; la préfète de région n'y est pas opposée. Il faut trouver une réponse, sans attendre qu'il y ait des morts ! Prenons rendez-vous.

Abus de faiblesse liés à la signature électronique à distance

Mme Corinne Imbert .  - La généralisation de la signature électronique à distance donne lieu à des abus de faiblesse. Ce phénomène est principalement constaté dans le secteur des assurances. En effet, un contrat d'assurance peut être souscrit en quelques minutes par téléphone après la simple expression du consentement. Ce consentement se matérialise généralement par un code reçu par SMS qu'il faut répéter à voix haute au courtier ou encore par une touche de téléphone sur laquelle il faut appuyer. Cette spécificité accordée aux assurances est pratique lorsqu'il s'agit d'assurer dans l'urgence sa nouvelle voiture.

En revanche, ce dispositif est bien souvent utilisé à mauvais escient. Ce type de vente est souvent expéditif afin que le client n'ait pas le temps de prendre la mesure de la situation. Les personnes isolées, notamment âgées et les personnes handicapées, sont bien souvent démunies face à des professionnels de la vente, qui n'hésitent pas à user de tous les stratagèmes afin de parvenir à la signature d'un contrat aux modalités hasardeuses. Bien souvent, ces personnes ne réalisent pas qu'elles viennent de souscrire à un contrat d'assurance, ce qui rend la tâche des familles bien plus difficile que dans le cas d'un simple démarchage en porte à porte. Ainsi, le délai de rétractation de 14 jours n'est souvent pas suffisant pour débusquer la supercherie. Sur la seule année 2018, la DGCCRF a contrôlé 92 entreprises et en a épinglé 27. Dans la plupart des cas, les démarcheurs recourent à des allégations mensongères afin de recueillir l'accord verbal du consommateur ou obtenir la signature électronique du contrat.

Au regard des nombreux cas constatés d'arnaques et de ventes forcées, en particulier auprès des personnes âgées ou handicapées, quelles sont les intentions du Gouvernement dans la lutte contre ce phénomène inquiétant ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Cette pression téléphonique est insupportable pour nos concitoyens. Le Gouvernement souhaite protéger les consommateurs contre ce type de pratique. Le Conseil national de la consommation (CNC) a mis en place un groupe de travail de septembre 2018 à janvier 2019 et a produit un rapport publié le mois suivant. Ce rapport a nourri la proposition de loi visant à lutter contre le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Le 6 décembre 2018, l'Assemblée nationale l'a examinée et le Sénat l'a fait à son tour le 21 février 2019. Elle revient à la fin du mois devant l'Assemblée.

En parallèle, nous avons sollicité le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur le cas particulier des contrats d'assurance qui sont signés après un simple démarchage téléphonique. Les assureurs se sont engagés à un minimum de formalisme avant la signature de tout contrat d'assurance. Il faudra s'assurer du respect de la traçabilité écrite de l'engagement du signataire.

Le dialogue se poursuivra devant l'Assemblée nationale et nous allons nous assurer que l'engagement pris par la profession soit respecté.

Mme Corinne Imbert.  - J'espère que tel sera le cas : la traçabilité écrite est indispensable. Les consommateurs ne peuvent être abusés à longueur de semaine et les appels incessants sont insupportables.

Démarchage téléphonique abusif

Mme Catherine Deroche .  - Ma question prolonge celle de ma collègue.

Depuis plusieurs mois, nous constatons tous une explosion du nombre d'appels non sollicités. Le phénomène a pris une ampleur exponentielle concernant des opérateurs téléphoniques, mandatés par diverses sociétés, exploitant des listings commerciaux pour joindre les occupants de maisons individuelles qui pourraient bénéficier de travaux d'isolation pour 1 euro.

En juin 2019, la DGCCRF a dû émettre une mise en garde à destination du public français et à l'encontre de sociétés peu scrupuleuses qui cherchent à profiter du dispositif. Ces correspondants opèrent la plupart du temps depuis des plateformes basées à l'étranger, avec des numéros qui ne s'affichent pas ou ne peuvent être rappelés. Malheureusement, le dispositif « Bloctel » s'avère inopérant pour lutter contre ces nuisances récurrentes.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Nous sommes engagés pour réduire ce phénomène. Ces appels sont passés sans respecter le droit. La question n'est donc pas de renforcer la législation mais d'être à même de poursuivre les personnes qui ne respectent pas la législation.

La proposition de loi précitée va renforcer les sanctions et permettre à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) d'agir sur les intervenants peu scrupuleux. Les plaintes pour fraude ont augmenté de 20 % auprès de la DGCCRF dans le cadre du plan en faveur de la rénovation thermique.

En 2019, 1 000 entreprises ont été contrôlées et 66 démarcheurs ne respectant pas le dispositif « Bloctel » ont été sanctionnés pour un montant total de 2,3 millions d'euros.

Le « Name and Shame » a été généralisé pour rendre les Français plus attentifs.

Le CNC a été saisi du sujet à l'aune de la rénovation thermique. Nous attendons sa réponse dans quinze jours.

Mme Catherine Deroche.  - Nous attendons le texte avec impatience, d'autant que les opérateurs se présentent souvent au nom d'une collectivité ou de l'État.

Taxe américaine sur les vins français

M. Daniel Laurent .  - L'organisation mondiale du commerce (OMC) a permis aux États-Unis de prendre des sanctions sur les biens européens, dans le cadre du conflit sur les subventions accordées à Airbus. Début décembre, nouvelles menaces des États-Unis : cette fois-ci, les sanctions visent à imposer de nouveaux droits de douane et jusqu'à 100 %. En cause, le projet de taxe sur les géants du numérique. Les vins pétillants, dont le champagne, épargnés lors des premières sanctions, seraient concernés, soit 700 millions d'euros supplémentaires.

Le chiffre d'affaires réalisé sur le marché américain s'est élevé à un milliard d'euros en 2018. Sur les six premiers mois de 2019, ces exportations étaient en hausse de 10 % en valeur et de 2 % en volume. Or, depuis bientôt trois mois, la profession enregistre une chute drastique des importations américaines de l'ordre de 30 % en valeur sur les vins en bouteilles par comparaison à novembre 2018.

Les exportateurs ont réduit leurs marges et redoutent de perdre des parts de marchés.

Le 16 décembre dernier, le ministre de l'Agriculture a demandé à la Commission européenne de soutenir la filière vitivinicole. Les mesures vont dans le bon sens mais sont insuffisantes pour la soutenir. Qu'en est-il de la mise en place d'un fonds de compensation des mesures d'aide à la promotion ou de la résolution du conflit avec les États-Unis ?

Le 6 janvier, Bruno Le Maire a appelé ce pays à la raison, en vain pour le moment.

Il y a urgence à agir. La filière est victime d'un conflit qui ne la concerne pas. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Dans le conflit opposant les États-Unis et l'Union européenne sur les subventions accordées à Airbus, l'OMC a autorisé les États-Unis à appliquer des sanctions sur les biens européens importés. Dans quelques semaines, elle devrait autoriser la réciproque, pour des subventions accordées à Boeing. L'Union européenne dispose donc de leviers de négociation pour éviter une escalade. Ces négociations continuent, mais les États-Unis appliquent leur droit de sanction depuis le 18 octobre.

Pour la France, les produits les plus touchés sont les vins tranquilles, de moins de 14°, auxquels est imposée une taxe additionnelle de 25 %. Toutes nos régions viticoles sont visées, pour 306 millions d'euros par an. Les exportations françaises de vin vers les États-Unis représentent 25 % de celles de l'Union européenne.

Pour aider la filière, le Gouvernement a immédiatement mis en place des mesures de soutien : renforcement des actions de promotion business to consumer et business to business conduites par Business France, notamment sur les IG et les AOC ; opérations de promotion à l'export sur 38 marchés à potentiel ; mesures de bienveillance comme le délai de paiement ; assurance-prospection portée par BPI France.

À notre demande, l'Union européenne a assoupli et simplifié les fonds de promotion. Didier Guillaume demande avec insistance un dispositif de compensation des pertes commerciales et la levée des barrières non-tarifaires pour faciliter l'export vers d'autres pays tiers comme le Canada, le Japon ou la Corée du Sud.

M. Daniel Laurent.  - Merci pour les mesures d'encouragement. Oui à la négociation, mais les marchés perdus seront difficiles à reconquérir. Il est urgent de trouver une solution.

Financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - La loi Grand âge devait être le grand soir des financements, or nous sommes toujours dans les petits matins précaires des renoncements... Les structures d'aide à domicile en ont assez des effets d'annonce non suivis de résultats. La situation est désastreuse. Sur 600 millions d'euros nécessaires, seuls 50 millions ont été accordés en 2019, autant en 2020 - deux fois moins qu'en 2018.

En Lot-et-Garonne, les tarifs horaires sont fragiles : 20,73 euros pour un prix de revient à 21 euros ! Si 520 000 euros ont été fléchés en 2019, les conditions des appels à candidatures demeurent inconnues. À quand une réforme ambitieuse et un financement à la hauteur des enjeux, quand on sait qu'il faut treize ans à un intervenant à domicile pour dépasser le niveau du Smic ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) relève de la compétence des conseils départementaux. Le décret du 15 mai 2019, pris en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, préfigure un nouveau modèle de financement qui vise à assurer plus d'accessibilité, d'équité, de lisibilité et de transparence tarifaire.

Ce modèle repose sur un tarif de référence national et un complément de financement appelé « modulation positive ». L'enveloppe de 50 millions d'euros prévue pour la préfiguration sera répartie entre les différents départements. Ces derniers les répartiront entre les SAAD retenus dans le cadre d'un appel à candidatures. Le montant de la dotation complémentaire allouée relève de la négociation entre le département et le SAAD. En cas de services de soins infirmiers associés, l'ARS pourra participer également au financement.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - C'est au Gouvernement de répondre au souhait de 95 % des Français de rester le plus longtemps possible à domicile.

Attractivité de la formation d'aides-soignants

Mme Agnès Constant, en remplacement de M. Bernard Buis .  - Nous alertons régulièrement sur les déserts médicaux et la pénurie de médecins - généralistes, spécialistes, urgentistes - tant en territoire rural qu'urbain.

On constate partout en France un déficit de candidats aux sessions de formation d'aides-soignants, métier pourtant indispensable. Naguère étaient organisées dans la Drôme deux sessions de formation, de soixante stagiaires ; cette année, il n'y en a eu qu'une, qui n'a même pas fait le plein.

La situation est identique dans de nombreux départements et fait craindre une pénurie d'aides-soignants. Quelles mesures envisagez-vous pour l'enrayer et pour rendre plus attractif le métier d'aide-soignant ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous partageons votre constat. Le nombre d'inscrits en formation d'aide-soignant a baissé de 6 % entre 2016 et 2018, le nombre de candidats au concours a baissé de 40 % depuis 2014, mais le nombre de diplômés demeure stable à 22 800 en 2018, selon les chiffres de la Drees.

Plusieurs actions sont engagées pour valoriser la formation, et par là même la profession, notamment via la refonte des référentiels métiers en septembre 2020, selon les conclusions du groupe de travail constitué en 2019. Cette réforme est aussi l'occasion de décloisonner l'exercice du métier en mettant en place des passerelles avec d'autres professions.

Le rapport El Khomri préconise un accès simplifié à la formation tout en garantissant une diversité de profils. Les arbitrages seront rendus prochainement.

Les ARS se mobilisent aussi pour améliorer le calendrier des concours, trop étalé. Leur visibilité sera améliorée sur ParcourSup. Enfin, une revalorisation indemnitaire est prévue début 2020 dans les conditions annoncées dans le plan Investir pour l'hôpital.

Mme Agnès Constant.  - Un passage en catégorie B serait une bonne réponse.

Fermeture des urgences de nuit de l'hôpital de Sisteron

M. Jean-Yves Roux .  - En juillet 2019, les urgences de l'hôpital de Sisteron ont fermé la nuit. La situation devait être temporaire, mais elles n'ont toujours par rouvert. Le bricolage ne saurait être une solution durable. Je ne peux pas accepter que le service public de santé n'existe dans mon territoire que le jour, et qu'il faille rejoindre un autre département pour y accéder la nuit - d'autant qu'en montagne, les déplacements sont encore allongés.

Des discussions sont en cours avec l'ARS - mais le rapport Carli-Mesnier préconise d'ores et déjà la fermeture des services d'urgence la nuit dans certains hôpitaux.

Des solutions existent pourtant, comme une surprime pour les médecins concourant à la permanence des soins, l'ouverture de maisons médicales de garde ou l'aménagement de temps partagé de médecins salariés. Les urgences gérontologiques pourraient être expérimentées, avec une nouvelle approche de la dépendance. Allez-vous creuser ces pistes pour éviter que les urgences ne ferment la nuit ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Une absence médicale non compensée et les difficultés de recrutement ont conduit à la fermeture du service d'accueil des urgences à Sisteron la nuit. Cependant, le SMUR fonctionne, ainsi que l'unité d'hospitalisation : la prise en charge urgente des patients sur le territoire est assurée.

Une mutualisation des postes d'urgentistes entre les sites de Gap et Sisteron est prévue : 20 % du temps de travail devra être effectué à Sisteron. La régulation médicale pourra s'effectuer en alternance dans les locaux du SAMU 04 et du SAMU 05.

Ces mesures locales s'ajoutent à celles annoncées dans le pacte de refondation des urgences, comme la simplification des procédures de recrutement. Le service d'accès aux soins déployé dès l'été 2020 doit garantir un accès à une réponse médicale de qualité en tout point du territoire. Le Gouvernement est pleinement mobilisé et l'ARS PACA suit la situation à Sisteron.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Nouveau modèle tarifaire des allocations de solidarité départementales

M. Hugues Saury .  - À la suite du comité de pilotage du 11 février 2019 et après concertation avec les dix fédérations nationales et les départements, le principe d'un nouveau modèle tarifaire des allocations de solidarité départementales a été arrêté. Il repose sur un tarif de référence national plancher et un complément de financement, dit « modulation positive », attribué dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

Une enveloppe de 50 millions d'euros permettra aux conseils départementaux volontaires de commencer à l'expérimenter. Le décret du 15 mai 2019 fixe le cadre de cette démarche. Le département du Loiret s'est porté candidat et a engagé une concertation avec les fédérations pour définir un cahier des charges, suivi de l'appel à candidatures. Une enveloppe de 664 140 euros lui a été allouée.

Le préfet du département a indiqué qu'il n'est pas prévu de retraiter les dépenses exposées par les départements dans le cadre de la réforme de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile qui ne correspond ni à un transfert de compétences, ni à un élément exceptionnel. Cette position diverge d'un département à l'autre. Les dépenses engagées par le département du Loiret correspondant à l'enveloppe allouée relèvent-elles du plafond tel que défini par l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'aide à domicile est un pilier de la réforme Grand âge et autonomie ; c'est le souhait de nos concitoyens.

Ces professionnels font un travail indispensable, gratifiant mais difficile, comme l'a montré le rapport El Khomri. D'où l'enveloppe de 50 millions d'euros pour les services d'aide à domicile dès 2019 au profit des départements volontaires, chefs de file des politiques sociales, afin de préfigurer le nouveau modèle de financement. Le Loiret s'est engagé dans cette voie, c'est à saluer.

Ces crédits, qui financent des dépenses de fonctionnement, relèvent bien du plafond défini par la loi de programmation des dépenses publiques pour les années 2018-2022. Nous souhaitons renforcer les coopérations dans les territoires pour améliorer l'accompagnement de nos aînés et de leurs aidants.

M. Hugues Saury.  - Votre réponse ne me convient pas. Le Gouvernement initie une politique, la finance puis la délègue aux départements en reprenant d'une main ce qu'il a donné de l'autre. Les départements en ressortent lésés, les associations leurrées, les patients en pâtissent.

Extension du fonds de garantie aux accidents médicaux

M. Philippe Bonnecarrère .  - Les victimes d'accidents médicaux mais aussi les médecins responsables sont dans une situation difficile. Qu'en est-il de l'extension des effets du fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic, ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral, aux accidents médicaux faisant l'objet d'une réclamation au sens de l'article L. 251-2 du code des assurances, à compter du 1er janvier 2011, en lieu et place du 1er janvier 2012 ?

Pour éviter que les praticiens et établissements de santé ne soient privés de toute couverture, les lois du 4 mars 2002 et du 30 décembre 2002 ont modifié en profondeur les règles régissant ce secteur. Elles ont toutefois exposé les praticiens libéraux à deux risques de « trou de garantie », en cas de dépassement des plafonds d'assurance ou de plainte déposée après les dix ans suivant la cessation d'activité des praticiens. D'où un système de garantie financée par les professionnels.

Une douzaine de médecins - surtout des gynécologues-obstétriciens - n'est pas couvert. Mes amendements en loi de finances pour résoudre le problème se sont heurtés à l'article 40. Le Gouvernement acceptera-t-il l'extension du fonds ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous sommes sensibles à la situation de ces médecins. Néanmoins, une extension de garantie du fonds ne peut se faire qu'à condition de maintenir son équilibre financier. L'assurance fournie à certains praticiens pour des litiges passés ne doit pas revenir à créer le moindre risque pour la viabilité de l'assurance future de leurs confrères et des patients victimes.

Des travaux sont en cours pour évaluer comment le fonds pourra couvrir les coûts sans risquer l'insolvabilité. Un financement complémentaire devra être prévu, dans l'intérêt de la protection des patients.

Situation du centre hospitalier du Rouvray

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, en remplacement de M. Didier Marie .  - M. Didier Marie est retenu dans les transports.

Le centre hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen vit depuis 2018 une crise durable. L'occupation des lits dépasse largement les capacités ; certains patients dorment dans la salle de visite ou dans des bureaux, d'autres s'entassent dans des chambres exiguës. Les conditions matérielles sont déplorables : absence de lunettes sur les cuvettes, de sanitaires individuels, seaux hygiéniques... Les patients n'ont pas d'intimité : absence de serrure aux portes, de fermeture des placards, portes aux fenêtres transparentes...

La libre circulation des patients en soins libres est soumise à la disponibilité des soignants ; ils sont donc très souvent contraints à un enfermement injustifiable. Les patients en soins sans consentement sont privés de leurs droits ipso facto, au mépris des textes. Les pratiques d'isolement sont complètements illégales ; les conditions de rétention des patients, particulièrement avilissantes. Les patients ne reçoivent aucune information sur leurs droits, sur l'offre de soins et les conditions de vie pendant leur séjour.

Enfin, les droits des enfants sont foulés au pied ; des enfants de moins de 12 ans sont enfermés dans la même chambre que des adultes. Selon le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, ces enfants ont pu être violentés, parfois en rapport avec la consommation de stupéfiants, ou encore victimes de sévices sexuels...

Cette situation est inadmissible et injustifiable. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'agir. Comment entendez-vous restaurer un accueil des patients digne ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté s'est déroulée dix-huit mois après le conflit social de 2018. Le protocole d'accord de juin 2018 prévoyait la création de trente nouveaux postes de soignants, financés par l'ARS Normandie à hauteur de 1,35 million d'euros.

Les crédits pour les vingt premiers postes ont été délégués et les recrutements intégralement effectués entre juin 2018 et juin 2019. Les crédits pour les dix derniers postes ont été délégués en octobre 2019 et les recrutements sont en cours.

Le projet de création d'une unité dédiée à la prise en charge des adolescents a été transmis à l'ARS début octobre 2019. Elle devrait voir le jour en novembre 2020, à l'issue de travaux dans les locaux.

L'accélération du plan de rénovation de l'établissement est prévue, pour une mise en oeuvre complète d'ici douze mois. Les surcoûts seront couverts par l'ARS à hauteur d'un million d'euros.

Enfin, l'actualisation du projet médical est en cours, qui limitera les restrictions à la libre circulation des patients. Tant le ministère que l'ARS suivent avec beaucoup d'attention la situation.

Consultations externes dans les territoires sous-dotés

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Face à la désertification médicale, nombreux sont les hôpitaux de proximité qui proposent des consultations externes par les praticiens y exerçant, ou par des médecins retraités. Ils contribuent ainsi à l'offre de soins dans des secteurs en carence, tout en favorisant un partenariat local avec les médecins libéraux.

Les tarifs de ces actes et consultations externes sont déterminés de façon exogène par les conventions liant l'assurance maladie aux professionnels de santé libéraux. À ce jour, les majorations tarifaires prévues ne sont pas applicables aux établissements de santé, d'où une asymétrie de traitement entre la ville et l'hôpital pour des activités pourtant similaires.

Pensez-vous accorder aux établissements de santé un financement équitable de leurs actes et consultations externes ? Les populations rurales n'ont d'autres recours que leurs hôpitaux de proximité.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La loi relative à la transformation du système de santé a confié aux hôpitaux de proximité la mission de proposer des consultations de spécialités. Elles pourront être réalisées par des praticiens hospitaliers d'autres établissements, des médecins de ville ou par télémédecine dans les territoires isolés.

La loi de financement de la sécurité sociale 2020 a posé un modèle de financement adapté aux hôpitaux de proximité, rompant avec la logique de la T2A : ils ont l'assurance de ne pas perdre de recettes sur trois ans même si leur activité baisse. Ils bénéficieront de crédits supplémentaires pour assurer les missions d'appui au premier recours, de prévention et de prise en charge globale des personnes âgées.

L'article 33 précise explicitement que cette dotation de responsabilité territoriale vise à soutenir l'offre de consultations de spécialité, parfois déficitaire.

Une réflexion sur l'ouverture progressive aux établissements de santé de l'ensemble des majorations tarifaires applicables aux actes et consultations externes s'est ouverte. Nous continuons à mieux valoriser cette activité.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Il s'agit souvent de consultations de généralistes qui font défaut.

Pénurie de médicaments

Mme Brigitte Micouleau .  - Alors que le Gouvernement a présenté, le 8 juillet 2019, 28 mesures pour lutter contre les pénuries de médicaments, s'inspirant des conclusions du rapport de la mission d'information du Sénat sur le sujet, la situation, loin de s'améliorer, s'aggrave depuis la fin de l'été.

Nous dénoncions déjà il y a plus d'un an la mise en danger de certains patients. Corticoïdes, antibiotiques, vaccins sont en rupture de stock. En mars 2018, je vous alertais sur les difficultés d'approvisionnement du BCG intravésical, utilisé contre le cancer de la vessie. La rupture de stock du BCG-MEDAC est désormais effective. Les patients ne peuvent plus suivre leur traitement ; les urologues les invitent à patienter jusqu'au début 2020, sans plus de précisions.

Quelles actions entend prendre le Gouvernement afin d'assurer la continuité des soins et de remédier à ce grave enjeu de santé publique ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - C'est une préoccupation majeure : selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les signalements de tensions d'approvisionnement de médicaments ont été multipliés par vingt en dix ans.

Le 8 juillet 2018, la ministre de la Santé a présenté un plan en quatre axes stratégiques et 28 propositions opérationnelles. Un comité de pilotage a été installé en septembre qui rassemble pharmaciens, médecins et associations de patients.

Des mesures de prévention et de régulation ont été introduites à l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Elles imposent aux industriels de constituer un stock de sécurité de quatre mois, ainsi qu'une obligation d'importation en cas de rupture de stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ou de vaccin.

Les sanctions vis-à-vis des industriels sont renforcées en cas de manquement. Pour simplifier le parcours du patient, nous avons facilité le remplacement des médicaments par les pharmaciens d'officine.

Par ailleurs, le Premier ministre a confié à M. Jacques Biotune la mission d'analyser les causes profondes de cette situation.

Mme Brigitte Micouleau.  - Je doute que votre réponse satisfasse les patients, notamment ceux atteints d'une tumeur à la vessie. Les informations de l'ANSM sont effrayantes. La rupture de stock est effective depuis le 2 décembre 2019, malgré la distribution de médicaments par deux et non plus par six, et ne serait réglée que fin février. Il est urgent d'agir.

Augmentation du prix des médicaments

Mme Catherine Procaccia .  - J'avais déjà interrogé le Gouvernement sur le nouveau système des honoraires de dispensation des pharmaciens. Depuis janvier 2019, ils reçoivent une somme de 50 centimes par ordonnance, augmentée de 2 euros pour des médicaments spécifiques et de 50 centimes selon l'âge du malade. Le système est complexe, vous en conviendrez.

Un problème se pose pour les patients dont les complémentaires ne prennent pas en charge les médicaments remboursés à 15 % ou 30 % : ils devront payer les 33 % d'honoraires de dispensation. Comme la prise en charge par la mutuelle ne sera déclenchée qu'en cas de demande de remboursement à la sécurité sociale, certains patients auront peut-être intérêt à payer intégralement le médicament afin d'éviter l'honoraire du pharmacien, sans compter que les sur-honoraires pour les médicaments prescrits aux enfants et aux personnes âgées comme pour les anxiolytiques et associés ont augmenté.

L'information des patients est prévue mais elle n'est pas effective, je puis vous l'affirmer. Est-il possible de ne pas demander le remboursement pour un seul de ces médicaments sur toute une ordonnance ? Quid de la rémunération des pharmaciens ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le mode de rémunération des pharmaciens a été réformé en 2015 avec des honoraires pour conditionnement et des honoraires pour ordonnance dite complexe, d'au moins cinq lignes de médicaments différents. L'avenant de 2017 prévoit trois nouveaux honoraires de dispensation.

Le taux de prise en charge par la sécurité sociale diffère selon le type d'honoraire. Pour l'honoraire au conditionnement, il est le même que celui du médicament dispensé lequel dépend du SMR. Pour l'honoraire pour ordonnance complexe, la participation de l'assuré est supprimée. Pour les trois nouveaux honoraires de dispensation, le taux de prise en charge par l'assurance maladie est de 70 %.

Un arrêté du 28 novembre 2014 publié le 4 février 2015 fixe les modalités d'information du patient sur les prix des médicaments et les honoraires du dispensateur. Il sera mis à jour en 2020 pour intégrer les nouveaux honoraires applicables depuis le 1er janvier 2019. Enfin, la CNAM met à jour de façon hebdomadaire la liste des médicaments dits spécifiques faisant l'objet d'un honoraire de dispensation particulier.

Mme Catherine Procaccia.  - Je n'ai rien compris à cette réponse, qui illustre bien la complexité de la situation. Il n'y a aucune transparence, dès lors que l'on modifie en 2020 un arrêté pour prendre en compte une modification intervenue en 2019...

Intégration de l'AAH dans le revenu universel d'activité

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Les associations de personnes handicapées sont très défavorables à l'intégration de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le revenu universel d'activité (RUA). En effet, l'AAH n'est pas un minima social mais une prestation sociale liée à la reconnaissance d'une incapacité. Une telle intégration entraînerait une dégradation des droits des bénéficiaires ; au contraire, une vraie politique inclusive supposerait de réévaluer le montant de l'AAH !

Renoncerez-vous à cette mesure ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur l'inclusion des personnes handicapées dans la concertation que j'ai ouverte en juin dernier sur le revenu universel d'activité. Le Gouvernement a très fortement revalorisé les AAH, de plus de 11 %. L'AAH étant un minimum social, il est normal qu'elle fasse partie de la réflexion transversale sur le RUA qui doit simplifier les minima sociaux et encourager le retour à l'activité.

Sophie Cluzel a lancé les travaux du collège handicap. Aucune décision ne sera prise avant qu'il rende ses conclusions.

Le Gouvernement ne baissera jamais les moyens des personnes handicapées, au contraire. La logique du RUA est d'encourager la reprise d'activité et non de pénaliser les plus fragiles qui n'y parviennent pas. Les allocataires de l'AAH seront dispensés de l'obligation de recherche d'emploi et de reprise d'activité. C'est un engagement de Mme Cluzel. Un groupe de travail complémentaire est consacré à ce sujet.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - L'AAH n'est pas un minimum social ! Créée en 1975 et revue en 2005, elle est attribuée selon des critères médicaux objectifs.

Seulement 20 % des allocataires de l'AAH travaillent et souvent dans des centres spécialisés. La société inclusive n'est pas une belle formule destinée à des effets de tribune ! Elle doit s'adapter à chacun, ce que ne fera pas le RUA.

Territoires « zéro chômeur de longue durée » (I)

M. Philippe Mouiller .  - Le dispositif « Territoire zéro chômeur de longue durée », créé par la loi du 29 février 2016 visant à résorber le chômage de longue durée a d'ores et déjà fait la preuve de son efficacité. Ainsi, plus de 850 personnes volontaires sur les quelque 1 850 retenues pour l'expérimentation ont retrouvé un emploi, et plus de 20 % d'entre elles avaient un handicap. L'effet d'émulation avec les autres territoires joue à plein, comme j'ai pu le constater à Mauléon dans les Deux-Sèvres.

Je suis étonné que le projet de loi d'extension de l'expérimentation à cinquante nouveaux territoires ne soit pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement, en dépit de la promesse du Président de la République. Plus d'une centaine de territoires se sont déclarés volontaires et plus de deux cents parlementaires soutiennent cette initiative. L'extension du dispositif était suspendue aux conclusions de rapports désormais connues.

Dans quel délai la deuxième loi d'expérimentation tant attendue sera-t-elle présentée au Parlement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Lutter contre le chômage de longue durée est une priorité du Gouvernement et des réformes qu'il mène depuis deux ans.

L'expérimentation territoriale prévue par la loi du 29 février 2016 a été lancée en janvier 2017. Quelque douze entreprises à but d'emploi (EBE) ont été créées dans dix territoires, sélectionnés sur appels à projets. Ainsi, 900 personnes éloignées de l'emploi ont été engagées, dont 750 salariés.

En 2020, 1 000 ETP supplémentaires seront financés pour 28,5 millions d'euros de contribution totale de l'État, soit une augmentation de 6,13 millions d'euros par rapport à 2019.

Il était important d'évaluer cette expérimentation avant d'envisager une éventuelle extension.

Le 25 novembre dernier, Muriel Pénicaud a réuni Laurent Grandguillaume, l'association qui porte l'expérimentation, le comité scientifique qui a remis son évaluation intermédiaire et les inspecteurs de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances, qui ont conduit une évaluation économique...

Le travail de diagnostic se poursuit pour des annonces prévues dans les prochaines semaines.

M. Philippe Mouiller.  - Je note votre soutien à cette expérimentation. Nous en demandons l'extension à de nouveaux territoires. Le diagnostic est prêt. Toutes les conditions sont réunies pour répondre à notre demande. Des non-réponses auraient des conséquences négatives pour les territoires. Il y a urgence à accélérer.

Territoires « zéro chômeur de longue durée » (II)

Mme Agnès Canayer .  - Au risque de la redondance, ma question porte également sur l'extension de l'expérimentation territoire zéro chômeur de longue durée. Nous sommes en effet nombreux à la souhaiter. Il s'agit de mettre en place des actions au plus proche du terrain, tant pour la création d'emplois que de l'accompagnement des chômeurs.

La ville de Port-Jérôme-sur-Seine et son agglomération Caux-Seine agglomération ont développé une méthodologie pour permettre la mise en place de cette expérimentation dans ce territoire dynamique où les élus locaux sont très engagés et les collectivités locales mobilisées. Ils sont, comme 105 projets validés, en attente de l'extension de l'expérimentation.

Il ne faudrait pas que l'évaluation dure trop longtemps et casse les dynamiques en cours dans les territoires. Que prévoit le Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je le redis, le Gouvernement est pleinement mobilisé contre le chômage de masse.

Le taux de chômage est passé en un an de 9,6 % à 8,6 %, soit le taux le plus bas depuis dix ans. La création nette d'emplois s'élève à 258 000 cette année et 540 000 depuis deux ans et demi et il y a aujourd'hui 458 000 apprentis, en hausse de 8,4 % au premier semestre 2019.

Ces résultats nous invitent à poursuivre l'effort engagé.

Dès le 1er septembre 2020, l'obligation de formation des 16-18 ans, sur laquelle un rapport nous a été remis hier, évitera leur invisibilité, pour lutter contre le chômage et éviter leur basculement dans la pauvreté.

Je réitère l'entier soutien des ministères du Travail et des Solidarités à cette expérimentation innovante de lutte contre le chômage de longue durée. Quelque 1 000 ETP supplémentaires seront ainsi financés en 2020 avec une contribution totale de l'État de 28,5 millions d'euros, en hausse de plus de 6 millions d'euros par rapport au budget de l'année précédente.

Nous apportons des moyens supplémentaires aux 99 départements qui ont contractualisé avec l'État dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Mme Agnès Canayer.  - La lutte contre le chômage de longue durée nécessite un travail collectif. Ceux qui sont très éloignés de l'emploi sont les plus difficiles à accompagner. Les solutions doivent partir de la base.

Réforme des auto-écoles et du permis de conduire

M. Jean-Claude Luche .  - En mai 2019, dix mesures étaient proposées pour tenter de réduire le prix du permis de conduire de l'ordre de 30 %. Les auto-écoles traditionnelles se sont inquiétées face aux sites internet qui mettent en relation les élèves avec des professeurs auto-entrepreneurs. Or leurs charges ne sont pas les mêmes, l'État perd des ressources fiscales et sociales et les emplois deviennent précaires.

Si les auto-écoles traditionnelles de l'Aveyron disparaissaient, il n'est pas certain que des auto-entrepreneurs travaillant avec des sites puissent proposer des heures de conduite. Trois mesures sur dix ayant été mises en place, quand les sept autres entreront-elles en vigueur ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur , rapporteur pour avis.  - La mobilité est une priorité du Gouvernement. Le permis de conduire constitue un véritable passeport vers l'insertion sociale et professionnelle. Le secteur de l'éducation routière a été profondément bouleversé ces dernières années. L'offre en ligne est un complément aux auto-écoles traditionnelles dès lors qu'elle respecte la réglementation. Mais nous ne voulons pas voir disparaître le modèle actuel, auquel nous sommes attachés, parce qu'il favorise le lien social dans les territoires.

Grâce à notre action, les délais de passage du permis de conduire ont largement baissé. Trois des dix mesures préconisées sont déjà entrées en vigueur : le développement de l'usage du simulateur de conduite qui requiert un local ; le développement de l'apprentissage de la conduite sur boîte automatique ; l'abaissement de l'âge de passage de l'examen dans le cadre de l'apprentissage anticipé de la conduite.

Les sept autres mesures sont en cours de déploiement : la gratuité de l'examen théorique pour les volontaires du service national universel, la mise en place d'une plateforme gouvernementale dédiée au choix de son auto-école, le développement des apprentissages accompagnés de la conduite, la mise en place d'une nouvelle épreuve théorique moto du code de la route, la modernisation de l'inscription à l'épreuve pratique de l'examen du permis de conduire et la mise en place d'un livret d'apprentissage numérique.

Le Gouvernement poursuit sa politique innovante et veille à ce que l'enseignement soit de qualité, quel que soit le modèle économique choisi.

Demande de reconnaissance de catastrophe naturelle

Mme Sabine Van Heghe .  - Je souhaite attirer votre attention sur la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle émise par la commune de Leforest au titre de la sécheresse 2018. Des habitations ont été touchées par des mouvements de terrain, qui provoquent de véritables drames humains. Le maire de Leforest n'a pas eu d'autre choix, sa responsabilité étant engagée, que de prendre un arrêté de péril imminent, synonyme d'expulsion pour des habitants qui doivent continuer à payer leur crédit immobilier. Leur seul espoir est que l'état de catastrophe naturelle soit reconnu pour 2018, afin que les assurances puissent les indemniser.

Le budget 2020 a prévu 10 millions d'euros pour les cas les plus urgents. Je vous demande d'agir avec diligence afin que les dégâts dus aux sécheresses dans la commune de Leforest soient réparés au mieux, ce qui passe par la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour 2018.

Le régime de 1982 n'est plus du tout à la hauteur.

Nous examinerons une proposition de loi déposée par le groupe socialiste et républicain demain sur le sujet. Elle vise notamment à soutenir les élus par une cellule spécifique en cas de catastrophe naturelle.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La commune de Leforest, par arrêté interministériel du 15 octobre 2019 publié au Journal officiel du 15 novembre 2019, a fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

La procédure administrative applicable repose sur un examen approfondi de la situation. Le phénomène que vous décrivez apparaît sous deux conditions : la nature argileuse particulière du sol et une forte sécheresse. Les critères de la sécheresse ont été récemment révisés. Sur ce fondement, 18 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. Ce n'est pas le cas de la commune de Leforest, car selon Météo-France les sols ne sont pas touchés par un niveau de sécheresse anormal répondant aux conditions fixées par l'arrêté.

Mme Sabine Van Heghe.  - Merci pour ces éléments. Je vous demande de prendre en compte l'urgence et le caractère dramatique de la situation des habitants de Leforest.

Distribution de pastilles d'iode à proximité des centrales nucléaires

Mme Véronique Guillotin .  - Je vis à Villerupt, commune d'environ 10 000 habitants, en Meurthe-et-Moselle, située à 30 kilomètres d'une centrale nucléaire, et à 5 kilomètres du Luxembourg. Elle est adhérente à une communauté de communes dont certaines sont éligibles à la distribution gratuite de pastilles d'iode.

Selon la réglementation, les habitants de Villerupt - comme d'autres - en sont exclus puisque le centre-ville est situé à 22 kilomètres de la centrale.

Auparavant limité à 10 kilomètres, ce rayon a doublé, ce qui est une sage décision. Une campagne complémentaire de distribution de comprimés d'iode est donc venue récemment s'ajouter à la campagne déjà effectuée auprès des personnes vivant à moins de 10 kilomètres d'une centrale nucléaire.

Or nos voisins européens font preuve d'une plus grande vigilance. Il est possible en Belgique de récupérer des pastilles gratuitement dans un périmètre de 100 kilomètres autour des installations. Et le Luxembourg distribue de l'iode à l'ensemble de sa population en prévision d'un éventuel accident à la centrale de Cattenom en Moselle, alors que les habitants sont plus éloignés de la centrale.

Alors que nos centrales sont vieillissantes, une réflexion devrait être engagée pour élargir le périmètre de la distribution des pastilles. Il n'y a pas d'économies à faire dans ce domaine.

Peut-on envisager une telle extension, au moins au niveau de l'intercommunalité ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Des campagnes sont régulièrement organisées : la distribution dans les écoles et les entreprises, tous les sept ans environ, est désormais prévue dans un rayon de 20 kilomètres. Elle offre l'occasion d'informer les riverains.

Les comprimés peuvent être retirés en pharmacie - 150 000 unités avaient été retirées en novembre - sur présentation d'un justificatif de domicile. Le pré-positionnement dans les zones où l'urgence est moindre garantit une meilleure traçabilité et de meilleures conditions de stockage.

Les préfets organisent les plans de distribution de comprimés d'iode en tant que de besoin.

Les campagnes de distribution sont l'occasion de sensibiliser la population aux risques et de mobiliser les citoyens, les maires et les professionnels de santé.

Mme Véronique Guillotin.  - Vous vous contentez de rappeler la législation en vigueur. Ma question était différente : comment éviter des trous dans la raquette au sein d'une intercommunalité ?

Financement de la démocratie

M. Rachid Temal .  - La promesse d'égalité sur laquelle repose notre démocratie, et selon laquelle un citoyen égale une voix, s'estompe. Qui décide du contenu du débat démocratique dans notre pays ? Les citoyens ? Les médias ? Les partis ? Nul ne pensera aux banques... Or ce sont elles qui, détenant les clés du financement des campagnes électorales, décident de notre avenir !

La démocratie a besoin de pluralité. La banque de la démocratie était une belle promesse et une bonne idée, adoptée dans la loi « pour la confiance dans la vie politique » adoptée en septembre 2017. Depuis, ni son ni image ! La garde des Sceaux, que j'avais interrogée en juillet 2018, m'avait indiqué que la condition de défaillance du marché, indiquée par le législateur, « ne paraissait pas caractériser la situation actuelle ». Or les élections européennes du 26 mai 2019 ont mis en lumière de nombreuses difficultés de financement du système démocratique français. La banque publique de la démocratie doit devenir une réalité et les outils existent, avec la Caisse des dépôts et consignations et la Banque publique d'investissement. Comment allez-vous la faire aboutir ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Un médiateur du crédit a été créé par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Il n'a pas relevé de difficultés systémiques concernant les 34 listes aux élections européennes. Son rapport a toutefois établi que huit listes ont connu des difficultés pour ouvrir un compte bancaire et neuf se sont vu refuser un prêt bancaire.

Il a formulé plusieurs recommandations aux banques pour les encourager à réduire les délais. Les candidats doivent également mieux connaître les critères des banques : la création d'un site internet dédié y contribue. Ils doivent aussi recourir aux dons et aux emprunts auprès des particuliers - c'est une nouveauté déjà expérimentée lors des dernières élections européennes. Depuis la loi du 2 décembre dernier, qui entrera en vigueur le 30 juin 2020, les partis et candidats pourront recueillir des fonds via un financement participatif.

M. Rachid Temal.  - Vous admettez des difficultés... Nous le savons tous ici ! Il faut agir. Votre réponse m'inquiète. À mon sens, et conformément à la loi votée, c'est à l'État qu'il revient de mettre en place la banque de la démocratie. Sinon, l'argent décide de notre vie publique...

Règlement de défense incendie et secours en Seine-Maritime

Mme Céline Brulin .  - Je souhaite vous interpeller sur l'application très stricte, en Seine-Maritime, des distances maximales autorisées entre les habitations et les bornes incendie, telles que définies dans le référentiel national mentionné dans l'arrêté du 15 décembre 2015, et qui empêche bien souvent les maires de délivrer de nouveaux permis de construire, compte tenu des coûts impliqués. Le règlement national ne tient pas compte des spécificités locales.

L'État ne peut en laisser les responsabilités au SDIS. Comment comptez-vous répondre à cette situation, l'une des principales préoccupations des maires de mon département ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La défense extérieure contre l'incendie (DECI), placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale chargé d'un pouvoir de police administrative spéciale, a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à couvrir, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin. La réforme de la DECI en 2015 répond à un besoin de souplesse des territoires, pour adapter la réglementation au risque incendie.

La réglementation peut sembler contraignante aux communes rurales, mais elle peut évoluer. Elle ne doit en aucun cas avoir des conséquences sur la qualité de l'eau potable. Son coût financier doit également rester supportable.

Mme Céline Brulin.  - Je retiens que ce règlement peut évoluer... Je vous remercie d'intervenir pour que cette souplesse soit effective en Seine-Maritime. Nous avons le sentiment de deux poids deux mesures depuis l'incendie de Lubrizol.

État civil et usage du tilde

M. Michel Canevet .  - Je suis heureux que vous me répondiez, monsieur le ministre...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

M. Michel Canevet.  - ...car vous êtes particulièrement concerné par les questions de patronymie. En Bretagne, un couple a décidé de prénommer leur enfant Fañch, François en breton, qui s'écrit avec un tilde et c'est ainsi qu'en mai 2017, la ville de Quimper l'a enregistré à l'état civil. Il subit depuis des procédures judiciaires, à l'initiative du procureur de la République, auquel le tribunal de grande instance de Quimper a donné raison, ce qui ne fut le cas ni de la cour d'appel de Rennes, ni de la Cour de cassation.

Allez-vous revoir en conséquence la circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 relative à l'état civil, qui ne reconnaît pas l'usage du tilde ?

Le sujet n'est pas éteint en effet. Si l'on se réfère au décret Robespierre de l'an II ou à l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le tilde appartient bien à la langue française, de longue date !

Le Gouvernement est-il donc enfin décidé à l'ajouter à la circulaire du 23 juillet 2014 ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La liste que vous mentionnez, des consonnes et voyelles admises à l'état civil, ainsi que des signes diacritiques souscrits ou suscrits, dressée par la Chancellerie dans ladite circulaire, ne comprend effectivement pas le tilde. Elle a été validée en 2014 puis en 2018 par l'Académie française. La Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le fond de l'affaire, mais sur le motif que les parents avaient été appelés en leur qualité personnelle et non en tant qu'administrateurs légaux de l'enfant.

Les services de l'État étudient la faisabilité d'une intégration des signes diacritiques pour la prise en compte de l'orthographe de certains prénoms issus de langues régionales au regard des enjeux normatifs et de la charge de travail des officiers d'état civil. Les textes en vigueur, confirmés par la jurisprudence, autorisent les officiers d'état civil à délivrer des documents bilingues ou traduits en langue régionale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Qu'en pensez-vous personnellement, monsieur le ministre ?

M. Michel Canevet.  - Vous faites une toute petite ouverture mais je regrette l'entêtement du Gouvernement. J'ai présenté avec plusieurs collègues un amendement à ce sujet à la proposition de loi que nous examinerons jeudi prochain.

Multiplication d'actions violentes de militants « végans »

M. Guillaume Chevrollier .  - Les violences menées par des militants « végans » anti-viande et anti-élevage à l'encontre de boucheries-charcuteries, fromageries, abattoirs ou exploitations agricoles sont fréquentes et inacceptables. Entre 2017 et 2018, plus d'une centaine d'actions illégales ont eu lieu partout en France.

Nous avons le devoir de soutenir nos professionnels. En Mayenne, nous avons mis en place un observatoire de l'agribashing. Des actions fermes doivent être engagées contre les contrevenants, qui bafouent la propriété privée. Le Gouvernement condamne-t-il ces actions radicales ? Quelle évolution du cadre législatif imaginer pour protéger concrètement les éleveurs ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Je vous confirme que Mme  Belloubet, M. Castaner et moi-même suivons avec la plus grande attention les attaques qui ont cours contre la filière agricole. Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre ces actions violentes.

Une circulaire du 22 février 2019 a rappelé aux parquets les sanctions pénales encourues par les auteurs de tels actes et appelés à la vigilance concernant les mouvements animalistes radicaux. Une cellule spécifique de la gendarmerie nationale, nommée Demeter, facilite l'identification des personnes en infraction : à Roanne, six personnes ont été condamnées pour entrée illégale sur une propriété privée ; même chose à Paris contre ceux qui ont attaqué une boucherie.

La garde des Sceaux estime que le cadre juridique actuel permet, dans la plupart des cas, de répondre efficacement aux actions violentes subies par les professionnels de la filière animale.

Toutefois, elle a rencontré il y a quelques jours les représentants de la FNSEA. Elle souhaite une réécriture sans ambiguïté du délit de violation de domicile, afin qu'il s'applique y compris en cas d'intrusion dans les locaux professionnels d'une exploitation agricole.

M. Guillaume Chevrollier.  - Merci. Ces précisions sont très attendues. Nos agriculteurs, fragilisés, souhaitent un soutien des pouvoirs publics contre ces minorités excessivement violentes et radicalisées. Il faut que l'État soit eu rendez-vous de l'apaisement des tensions dans les territoires ruraux.

Assassinat des deux journalistes français à Kigal en 2013

M. Jean-Pierre Sueur .  - Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de Radio France internationale (RFI), ont été assassinés le 2 novembre 2013 dans la région du Kidal au Mali. Ces deux journalistes ont été enlevés par quatre hommes armés avant d'être abattus quelques kilomètres plus loin. Selon les enquêteurs, le véhicule des ravisseurs serait tombé en panne et ces quatre hommes auraient éliminé les deux otages avant de prendre la fuite.

Plusieurs zones d'ombre demeurent. Le chef du commando était connu des services de renseignement, ayant été auditionné par des agents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) quelques mois avant le rapt et l'assassinat des journalistes. Une deuxième entrevue aurait été prévue avec lui, laissant supposer qu'il aurait pu être recruté comme informateur pour les services extérieurs français. Qu'en est-il ?

Différentes enquêtes effectuées par des journalistes mettent en avant un possible lien probable entre cet assassinat et « l'affaire d'Arlit », l'enlèvement de plusieurs employés d'Areva en 2010 au Niger. Leur libération aurait été négociée par la France en échange d'une rançon de 30 millions d'euros. L'enlèvement et l'assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, survenus quelques jours après la libération des otages d'Areva, auraient été commis par les membres d'un bataillon considérant qu'ils avaient été floués dans la transaction. Qu'en est-il ?

Enfin, il existe deux versions strictement contradictoires sur un fait essentiel. Les autorités françaises ont formellement assuré que les militaires français étaient arrivés après le drame et n'avaient jamais eu de contact avec les ravisseurs. Un rapport des Nations unies expose le contraire. Quelle est la vérité ?

Enfin, selon RFI, les gendarmes chargés du procès-verbal sur place ont indiqué être intervenus sur une « scène de crime largement souillée et modifiée ». Or le détachement de Serval avait « reçu l'ordre de ne toucher à rien »...

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Une information judiciaire est en cours à laquelle le ministère des Armées prête son concours diligent. Les enquêteurs de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), à l'époque, sont intervenus très rapidement. C'est avec le soutien logistique de l'armée française que les gendarmes ont mené leur enquête. La police judiciaire en a également bénéficié. Le ministère des Armées a été sollicité en 2015 et en 2016 par les magistrats en charge de l'enquête.

Toutes les demandes de déclassification ont donné lieu à la transmission de documents. Si certains documents n'ont pas été déclassifiés, c'est uniquement dans le souci d'assurer la continuité des opérations et la protection du personnel. Le ministère s'est efforcé de répondre le plus complètement possible aux interrogations des familles. Reste que tout ce qui relève du secret de l'enquête n'a pas à être exposé publiquement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat - comme les équipes de RFI - ne peut qu'être déçu de ne pas recevoir de réponses précises à ces questions.

Oubliés de la Nation

M. Yannick Vaugrenard .  - Selon le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la mention « mort au service de la Nation » peut être attribuée à une personne « décédée du fait de l'accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles ». L'appréciation des « circonstances exceptionnelles » est laissée au ministre en fonction.

Avant 2017, la mention « mort au service de la Nation » était attribuée aux militaires décédés accidentellement en exercice opérationnel. Mais depuis 2017, les décisions de la ministre vont à l'encontre de l'esprit initial du décret du 28 décembre 2016. Les demandes faites pour des militaires décédés accidentellement lors d'exercices opérationnels ou en mission intérieure sont systématiquement refusées.

Ces décisions, mal comprises, instaurent une injustice entre les militaires qui décèdent en exercice et ceux décédés à l'entraînement. Pour ces derniers, les enfants ne sont pas reconnus comme « pupilles de la Nation », le conjoint ne perçoit que 50 % de la pension de réversion. Leur nom ne sera pas gravé sur le monument aux morts de leur commune.

Le 22 mai, une proposition de loi de l'Assemblée nationale a été déposée pour assainir la situation. Qu'en pensez-vous et comment contribuerez-vous à supprimer l'arbitraire dans l'attribution de la mention ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Cette mention a été créée en 2012 au lendemain des attentats commis par Mohammed Merah. Le décret de 2016 a ajouté le décès dans des circonstances exceptionnelles. Il a créé des incertitudes. Or les mesures symboliques n'ont de valeur que si elles sont précisément ordonnées. Le ministère des Armées cherche à mettre fin au flou qui entoure celle-ci.

Il n'est pas souhaitable d'étendre de manière infinie les marques de reconnaissance. Toutes les morts sont tragiques, bien sûr. Le ministère des Armées apporte un soutien sans faille aux familles. Des dispositions sont déjà prévues par le ministère pour les familles de tous les militaires décédés, via des allocations du fonds de prévoyance et une aide à l'éducation, notamment.

M. Yannick Vaugrenard.  - Il ne s'agit pas d'étendre à l'infini le bénéfice de cette mention. Il s'agit de ceux qui meurent à l'entraînement, or celui-ci est absolument nécessaire pour mener la défense du pays. La distinction avec le décès en opération est trop floue. Il faudrait l'atténuer.

Enseignement du flamand occidental et des langues régionales

M. Jean-Pierre Decool .  - Qu'il s'agisse du flamand ou du picard, le Président de la République avait annoncé, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle, vouloir encourager l'enseignement des langues minoritaires et régionales. Nous tenons à cette promesse.

Depuis 2017, cet enseignement, indispensable au maintien et à la transmission des langues régionales, a plutôt tendance à reculer. Le Gouvernement semble avoir renoncé à protéger les langues minoritaires.

Pour le cas de l'enseignement du flamand occidental, chez nous, l'unique enseignant est parti à la retraite et n'a pas été remplacé malgré les nombreuses revendications des élus locaux et des familles dont les enfants bénéficiaient de l'enseignement de l'Institut régional de la langue flamande, soutenu par la région Hauts-de-France. En serait-il de même pour un enseignant d'anglais, voire pour un enseignant de la langue basque à Biarritz ?

Cet exemple est symptomatique du mépris du Gouvernement pour les langues minoritaires et régionales, qui participent pourtant de l'identité des territoires de la République.

Que compte faire le Gouvernement pour encourager l'apprentissage d'une langue locale ?

Entendez-vous remplacer le professeur de langue flamande parti à la retraite, afin de ne pas rompre la continuité de l'enseignement flamand dans le département du Nord ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le flamand occidental n'entre pas dans les critères prévus par la circulaire de 2017. L'apprentissage du néerlandais dans la région que vous mentionnez répond à de forts enjeux économiques et d'employabilité et l'Académie de Lille en fait une priorité dans le département du Nord. L'enseignement du néerlandais n'exclut pas la connaissance des variations dialectales telles que le flamand occidental. Son apprentissage peut aussi se faire à l'école, avec une sensibilisation menée dans le cadre des cours de langue vivante ou d'histoire. La proximité linguistique entre le néerlandais et le flamand occidental peut être avantageusement mise à profit.

Un enseignement du flamand occidental est dispensé dans trois écoles primaires dans le cadre d'une expérimentation.

Cet enseignement peut aussi se faire dans le cadre des activités culturelles complémentaires prévues à l'école.

M. Jean-Pierre Decool.  - Pourquoi faire un cas particulier du flamand occidental ? Le professeur partant à la retraite sera-t-il remplacé ?

Freins au développement de l'agroforesterie

M. Dominique Théophile .  - En Guadeloupe, où la culture de la banane et de la canne à sucre est fragilisée par un contexte économique et social difficile et par la concurrence des pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique, les cultures de niches, café, cacao ou vanille, offrent des perspectives intéressantes. Destinées à l'exportation, elles permettraient à la Guadeloupe de diversifier sa production agricole.

La production en sous-bois apporte une réponse à la réduction du foncier disponible, et, non mécanisées, ces productions sont pourvoyeuses d'emplois.

Il existe actuellement un projet sur le territoire de Bouillante. Cependant, le fait que l'agroforesterie relève désormais de la foresterie, et non plus de l'agriculture, bride son développement, en Guadeloupe comme ailleurs. Il en résulte une baisse des financements alloués. Ferez-vous évoluer cette classification afin de favoriser le développement de cette activité ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je souhaite cette évolution en faveur de l'agroforesterie. Nous devons travailler sur les niches. Les territoires d'outre-mer doivent diversifier leur production en développant de nouvelles niches résilientes, porteuses d'emploi.

Nous devons avancer vers des pratiques vertueuses : bocages, alignements parcellaires, prés-vergers... Pour ce qui est de l'agroforesterie, très importante en Guadeloupe, il existe deux dispositifs d'aide de la PAC : les aides à l'entretien via les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et surtout les aides à l'investissement. L'agroforesterie doit avoir toute sa place dans le développement national. Dans le cadre de la PAC post-2020, nous promouvrons l'agroforesterie grâce à des financements qui, j'espère, seront favorables.

M. Dominique Théophile.  - Canne à sucre, banane sont des cultures trop limitées pour notre territoire. Nous devons diversifier notre production pour créer des emplois. La chambre de commerce s'y attèle. Le financement est au coeur des préoccupations des porteurs de projet. Un soutien des pouvoirs publics est souhaitable.

Recommandations relatives à la consommation de fromages au lait cru

M. Max Brisson .  - Camembert, reblochon, picadou sont bannis de nos cantines scolaires depuis les recommandations émises en juin 2019 par l'administration quant aux risques liés à la consommation de fromages au lait cru.

L'application stricte du principe de précaution conduit certaines cantines à ne prendre aucun risque mettant en difficulté les producteurs.

Les collectivités favorisent les modes de productions locales, notamment à travers des campagnes de sensibilisation ; et l'Éducation nationale favorise l'éducation au goût, via notamment la semaine du goût qui connaît un grand succès. Il serait paradoxal que votre ministère aille contre et conforte la prééminence de l'alimentation industrielle, qui n'est pas non plus exempte de risques.

Qu'envisagez-vous pour résoudre cette situation ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous êtes comme moi amateur de bonne chère. Notre pays a la chance de bénéficier d'une alimentation de qualité. Pourquoi se priver de bons fromages au lait cru, alors que chacun se régale du bon camembert normand ?

N'opposons pas les uns aux autres. Le manger bio et local, comme le promeut le département des Pyrénées-Atlantiques, est l'avenir des cantines scolaires.

Je soutiens les producteurs de fromages au lait cru, ces fromages qui renferment une flore vivante et variée, favorable à la santé. On ne peut cependant nier les dangers de la salmonelle. Suivant le principe de précaution, les autorités sanitaires mettent en garde contre la consommation de lait cru chez les enfants de moins de 5 ans, particulièrement exposés au risque, 110 % de plus que les adultes !

Pour autant, il ne s'agit pas d'interdire absolument la consommation de ces fromages. Le ministère de l'Agriculture les promeut.

M. Max Brisson.  - J'espère que le ministre, parlant de bonne chère, ne vise pas mon embonpoint. (Sourires)

Il ne faut pas que les responsables de restauration collective aillent trop loin dans l'application de ce principe de précaution.

Enseignement agricole

M. Jean-Marie Mizzon .  - Vous déclariez en janvier 2019 que l'enseignement agricole était au coeur de vos priorités. Pourtant cette filière de formation est, aujourd'hui encore, bien méconnue des jeunes et peu attractive.

À ce jour, 806 établissements répartis sur l'ensemble du territoire, dont une majorité d'établissements privés sous contrat, accueillent 160 000 élèves de la 4e au brevet de technicien supérieur (BTSA), chiffre auquel s'ajoutent 35 000 apprentis. Quelque 40 % des formations proposées sont en lien avec la nature : agriculture, forêt, environnement, agroalimentaire, paysage, horticulture, viticulture.

Cette filière permet, en outre, d'intégrer l'enseignement supérieur agricole qui, avec douze écoles publiques, délivre des diplômes de vétérinaires, d'ingénieurs agronomes, de paysagistes ou encore de professeurs de l'enseignement agricole.

Enfin, la pédagogie y est très largement ouverte sur le monde. Les jeunes trouvent facilement un emploi au terme de leur scolarité.

Aussi le manque d'intérêt pour cette filière est-il d'autant plus incompréhensible. Pourquoi ne communiquez-vous pas davantage sur l'enseignement agricole et ne valorisez-vous pas plus cette filière auprès des jeunes ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous parlez d'or. L'enseignement agricole est un joyau, une pépite. Dès ma nomination, j'ai dit que si nous voulions de nouvelles pratiques agricoles et une transition agro-écologique réussie, nous n'y parviendrions que par la formation.

Hélas, depuis dix ans, le nombre d'élèves en formation agricole reculait. Avec Jean-Michel Blanquer, l'an dernier, nous avons lancé lors du Salon de l'agriculture une campagne intitulée « L'aventure du vivant ».

L'enseignement agricole - public, privé ou maison familiale rurale - doit devenir un choix premier pour les élèves, non un choix par défaut. Résultat, nous avons gagné cette année 750 élèves alors que nous en perdions 4 000 par an.

Notre communication sur internet a été vue par douze millions de personnes. Nous poursuivons l'effort : cette année, un bus de l'Aventure du vivant circulera dans les territoires ruraux comme dans les quartiers des villes.

L'enseignement agricole est un vivier pour que l'agriculture française soit résiliente demain.

M. Jean-Marie Mizzon.  - L'agriculture doit être accompagnée à tous les échelons. Vous me dites que la courbe de fréquentation s'est inversée. Je n'en doute pas et vous encourage à poursuivre.

Réalisation d'équipements pour les Jeux olympiques de 2024

M. Gilbert Roger .  - Ma question porte sur les risques de non-réalisation dans les délais de certains équipements des Jeux olympiques de 2024 mais aussi sur les surcoûts, relevés depuis mars 2018 dans un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) remis au Gouvernement, conforté par un article de presse récent, très documenté.

La métropole du Grand Paris a voté le 4 décembre 2019 la prolongation des négociations en vue de l'attribution du chantier du centre aquatique olympique (CAO), les projets des entreprises candidates étant jugés trop coûteux. Les offres se situeraient au moins entre 25 à 30 % au-dessus du budget prévu de 113 millions d'euros, comprenant le centre aquatique lui-même, à Saint-Denis, et une passerelle piétonne enjambant l'autoroute A1 pour relier le CAO au Stade de France.

L'attribution devait se faire à la mi-novembre 2019, le chantier devant commencer début 2021.

Je souhaite que vous puissiez renouveler l'engagement du Gouvernement à tenir les délais et les budgets du projet olympique, tout en en maintenant l'ambition et l'utilité des infrastructures pour les habitants du territoire.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - Nous devons veiller à ce que la construction des équipements se fasse dans les délais, à des coûts maîtrisés. C'est le cas. La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) est totalement alignée sur le calendrier des JO. Les travaux se déroulent bien. Les collectivités territoriales, que j'ai toutes rencontrées à la préfecture de Seine-Saint-Denis, entretiennent de bonnes relations avec la Solidéo, comme avec le Comité d'organisation des jeux.

L'État, premier financeur de la Solidéo, assure un suivi permanent des travaux et de leur financement. En 2019, nous avons connu une forte activité juridique en raison des procédures d'urbanisme. Aujourd'hui, la quasi-totalité du foncier nécessaire aux équipements olympiques est sécurisée. Avec le Premier ministre, nous avons lancé les travaux du village olympique le 4 novembre 2019. Un grand nombre de permis de construire seront déposés au premier semestre 2020, afin que les opérations soient engagées dès cette année.

Les engagements financiers sont maîtrisés, malgré la forte tension des prix du BTP en Île-de-France. Le 14 juin 2018, un nouveau protocole a été signé, pour optimiser le programme de construction tout en respectant l'enveloppe financière initiale, notamment pour le centre aquatique.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Roxana Maracineanu, ministre.  - Les trois ministères - Comptes publics, Ville et Sport - sont mobilisés, je puis vous l'assurer.

Règles applicables dans le périmètre de protection d'un bâtiment classé

M. Bernard Fournier .  - J'appelle votre attention sur les règles applicables en matière architecturale, notamment dans le périmètre de protection d'un bâtiment classé.

La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine avait pour but de conforter et de moderniser la protection des patrimoines, en simplifiant le droit des espaces protégés, tout en le rendant plus intelligible pour les citoyens.

Entendue par notre commission de la culture, la présidente du conseil national de l'ordre des architectes convenait que « la loi, intelligemment, prévoit désormais un périmètre réfléchi selon les perspectives et les abords d'un monument classé, au lieu des systématiques 500 mètres » et que « la loi porte une ambition nouvelle pour la qualité architecturale. Il est nécessaire de marier l'architecture contemporaine et les sites classés ».

Mais dans les faits, malheureusement, le traitement effectué par les services des directions régionales des affaires culturelles et par les unités départementales de l'architecture et du patrimoine ne va nullement dans ce sens !

Le développement des communes, notamment rurales, est très largement contraint aujourd'hui en matière de consommation des espaces agricoles, avec un empilement de réglementations : plans locaux d'urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCoT), programmes locaux de l'habitat (PLH)... Que nous réserve l'avenir ? Seule certitude, les contraintes et les restrictions seront encore plus fortes.

Le Premier ministre a déclaré au Congrès national des maires ruraux de France de 2019 que le Gouvernement souhaitait « lutter contre l'artificialisation des sols, ce qui implique de renforcer les outils disponibles pour réhabiliter le bâti ancien ou pour mieux réguler les activités commerciales. Il faut faire attention au développement des espaces urbains ou périurbains » a-t-il ajouté.

Si les communes rurales et périurbaines veulent continuer d'être dynamiques, il faut permettre une réhabilitation du bâti existant, même dans les périmètres de protection d'un bâtiment classé, sinon toute perspective d'évolution architecturale sera bloquée !

Aujourd'hui, les demandes de permis sont systématiquement rejetées...

Il faut pourtant moderniser des bâtiments et rénover des habitations. Nous ne pouvons mettre sous cloche des pans entiers de nos communes. Quelle est votre analyse et quelles sont vos intentions ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - La loi du 7 juillet 2016 a remplacé les périmètres automatiques de 500 mètres par des périmètres plus adaptés aux enjeux locaux. Déjà plus de 300 périmètres « PDA » ont été établis.

Tous les travaux en leur sein sont validés par les habitants via l'enquête publique et soumis à l'architecte des bâtiments de France, qui prend notamment en compte les enjeux de développement durable.

L'un des objectifs est d'éviter l'étalement urbain et la désertification des centres-villes.

Le patrimoine peut évoluer grâce à la création architecturale qui mêle les éléments historiques et contemporains. Cela contribue à lutter contre l'étalement urbain. On peut citer les exemples du centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine de Sedan, du musée des beaux-arts de Dijon ou l'école de musique de Louviers. Nous sortons de la logique du jetable au profit de celle de réutilisable.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Mitage des espaces forestiers en Île-de-France

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je me félicite de cette procédure législative. Il y a des sujets sur lesquels on a besoin de débattre et d'autres qui font consensus et permettent d'aller en profondeur en commission.

Cette proposition de loi issue de l'Assemblée nationale pérennise une expérimentation en cours issue de la loi de 2017 sur le statut de Paris, ouvrant la possibilité par la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) d'Île-de-France de préempter les ventes des espaces boisés de moins de trois hectares dans des communes ayant un document d'urbanisme et ce, afin de protéger la forêt.

Les élus d'Île-de-France ici connaissent le problème de mitage et de l'artificialisation, bien plus grave dans cette région qu'ailleurs. Ce droit de préemption n'a donc en aucun cas vocation à être étendu à la France entière. Inutile de rappeler que la forêt française est un puits sans fonds pour la captation du carbone, mais cette forêt doit être exploitée. Il ne faut pas avoir le syndrome d'Idéfix et pleurer à chaque fois qu'on coupe un arbre. Pour qu'elle se régénère, il faut l'entretenir.

Madame la présidente-rapporteur, les élus d'Île-de-France réclamaient unanimement cette solution depuis longtemps. Habituellement, la Safer ne peut préempter que des parcelles agricoles naturelles. Avec cette expérimentation, depuis février 2017, la Safer d'Ile de France a exercé son droit de préemption à 510 reprises, dont 198 pour la protection et la mise en valeur de la forêt, pour 5 289 mètres carrés en moyenne - donc des parcelles de toute petite taille -, et 180 à la demande de collectivités pour la protection des espaces boisés, en raison de la nécessité impérieuse de lutter contre le dérèglement climatique. Seulement 18 demandes provenaient des propriétaires forestiers.

Il fallait pérenniser cette expérimentation bien accueillie par tous les acteurs du territoire. Le Gouvernement est donc favorable au vote de ce texte, adopté à l'Assemblée nationale.

Je pense que vous voterez unanimement ce texte, qui doit pouvoir être mis en application au plus vite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE et LaREM ; MM. Daniel Gremillet et Jackie Pierre applaudissent également.)

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte ne concerne que l'Île-de-France et la cabanisation de certaines parties rurales et forestières de notre région. Je remercie mon homologue, le rapporteur Jean-Noël Barrot, avec qui nous avons travaillé en très bonne entente.

Nous avons examiné les résultats de l'expérimentation lancée à l'initiative du Sénat en février 2017 ; ils montrent de façon probante l'efficacité du dispositif.

Nous avons examiné l'aspect juridique : peut-on voter un texte législatif spécifique à une partie seulement du territoire ? Outre que nous n'avons pas d'alternative, des règles spécifiques à l'Île-de-France existent déjà, comme en témoigne la décision du Conseil constitutionnel sur la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux.

La forêt francilienne est, au surplus, trois fois plus morcelée que la forêt française. Alors qu'elle ne représente que 2 % de la forêt hexagonale, elle bénéficie à 12 millions de Franciliens. Sa préservation est donc essentielle.

Ce texte est constitutionnellement solide et politiquement attendu, quels que soient les bancs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; M. Marc Daunis applaudit également.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Cette proposition de loi pérennise une expérimentation lancée sous l'ancien quinquennat. (Mme Sophie Primas, rapporteur, s'amuse.) Il était important de le rappeler.

La Safer assure un service public : les collectivités saluent son action et, Valdoisien, je mesure combien ses interventions sont précieuses.

Je suis plus dubitatif que le ministre sur la procédure menée, qui interdit à certains sénateurs de travailler le texte...

L'expérimentation fonctionne : il faut donc la pérenniser. Le mitage forestier est très important à cause de la pression foncière. La forêt francilienne, trois fois plus morcelée que le reste de la forêt française, représente 21 % de la surface - ce n'est pas rien. L'Île-de-France étant la région la plus densément peuplée, la forêt est importante pour les espaces de détente qu'elle fournit et pour la protection de la biodiversité.

Le Val-d'Oise est boisé à 20 %, même si 75 % de sa forêt est morcelée. Le syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt crée depuis plusieurs années une nouvelle forêt de 1 350 hectares dont les premières plantations ont été réalisées le 25 novembre dernier. À terme, et sur dix ans, ce sont ainsi un million d'arbres qui seront plantés pour donner naissance à une forêt mature dans trente ans.

Cette proposition de loi est bienvenue. Son dispositif est utile. Le groupe socialiste votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. Olivier Léonhardt .  - Les problématiques urbaines en Île-de-France ne doivent pas occulter les enjeux agricoles et forestiers. La forêt est un puits de carbone indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, une ressource économique pourvoyeuse d'emplois, un espace de loisirs. Lequel d'entre nous n'a pas déploré des dépôts sauvages en lisière de forêt, des parcelles à l'abandon, la cabanisation ou encore le mitage, sujet que nous examinons aujourd'hui ?

L'Île-de-France, avec ses 12 millions d'habitants, fait face à une pression démographique et donc foncière très élevée. Les propriétaires cèdent à grand prix des petites parcelles en vue de leur changement d'affectation.

Les leviers actuels ne suffisent pas, bien que l'Agence des espaces verts joue un rôle important. Je salue l'initiative de nos collègues députés, pérennisant le droit de préemption de la Safer d'Île-de-France des espaces boisés inférieurs à trois hectares.

Le bilan de l'expérimentation démontre son efficacité : 198 préemptions, sur 510 l'ont été au titre de la protection et la mise en valeur de la forêt. La taille des parcelles concernées est en moyenne de 5 000 mètres carrés, ce qui répond à l'objectif de lutte contre le mitage. Cette lutte doit aussi passer par l'examen des parcelles en déshérence, par l'identification des bâtis illégaux et l'appel au respect des règles déontologiques lors des ventes de petites parcelles.

Mon groupe votera ce texte, d'autant plus que l'objectif de la lutte contre le morcellement et le mitage rejoint la lutte contre la sous-exploitation de la forêt. La forêt est un bien commun que l'urgence écologique nous invite à préserver. Je vous renvoie à l'accord de Paris qui invite les États au reboisement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM et sur le banc de la commission)

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Nous déplorons tous les incendies meurtriers qui dévastent l'Australie. Si l'inquiétude sur les forêts mondiales est récente, celle sur la forêt française est ancienne. Comme tout être vivant, elle est soumise à des perturbations et connaît un équilibre fragile qu'il faut préserver. Face au mitage, à la cabanisation, à la pollution, l'action du garde forestier ne suffit plus ; le législateur doit agir. C'est pourquoi cette proposition de loi de Jean-Noël Barrot est bienvenue.

L'Île-de-France, malgré son caractère urbain, est aussi verte que bien d'autres régions, avec 261 000 hectares de forêts. Mais ce poumon vert est soumis à une pression foncière, sans comparaison avec le reste du territoire, et connaît un morcellement excessif et une grande hétérogénéité : grands massifs de Fontainebleau, de la vallée de Seine, de Rambouillet et multiples forêts dispersées dans la grande couronne.

Yvelinois tous deux, Mme la rapporteure et moi-même sommes tout particulièrement intéressés par ce sujet. L'expérimentation apparaît plébiscitée par les acteurs de terrain : 198 préemptions, dont 107 pour la protection et la mise en valeur de la forêt. Si nous n'avions pas légiféré, il y a trois ans, dans 107 cas, les collectivités territoriales et la Safer auraient été impuissantes face à des ventes accroissant le mitage.

Les collectivités territoriales, les propriétaires privés, les associations environnementales sont unanimes en faveur du dispositif. Sa pérennisation est donc justifiée : le groupe LaREM votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Yvon Collin applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - Adoptée le 28 novembre 2019 par l'Assemblée nationale, cette proposition de loi a été adoptée par la commission des affaires économiques et le groupe CRCE la votera. (On s'en félicite sur toutes les travées.)

Il faut aborder cette proposition de loi, bien qu'elle ne concerne que l'Île-de-France, dans le contexte plus global d'urgence climatique et de nécessaire protection de notre patrimoine forestier.

L'Accord de Paris le rappelle : les forêts sont des puits de carbone, absorbant 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone au niveau mondial et près de 70 millions de tonnes en France, chaque année.

Avec 140 variétés d'arbres, la forêt française est parmi les plus diversifiées d'Europe. Il faut la protéger. À cet effet, nous attendons, depuis près d'un siècle, la réforme du code minier, notamment pour protéger la forêt amazonienne...

La forêt d'Île-de-France représente 261 000 hectares, soit 21 % de la région, pour une moyenne nationale de près de 30 %. Elle est hélas trois fois plus morcelée et mal entretenue. Mitage, cabanisation, artificialisation, pollution des sols sont des fléaux et les ventes à des investisseurs s'accélèrent, dans un contexte de pression sur le foncier. Les collectivités territoriales sont démunies face au détournement des parcelles. Le droit de préemption accordé à la Safer est donc bienvenu.

Dans 107 cas de préemption, l'objectif de la Safer était de protéger la forêt. En absence de disposition, les collectivités territoriales n'auraient rien pu faire. Les 198 cas de préemption par la Safer, autorisés de manière expérimentale, représentent 105 hectares de foncier forestier. La forêt est devenue une valeur refuge qui suscite beaucoup d'appétits de la part d'investisseurs peu soucieux de la biodiversité.

Aussi, je le répète, nous voterons cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur quelques travées des groupes UC, Les Républicains, SOCR et LaREM)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Cette proposition de loi revêt un caractère particulier quand les forêts australiennes sont dévastées par de violents incendies.

Les forêts absorbent chaque année 2 milliards de tonnes de CO2, dont 70 millions en France. Outre son intérêt écologique, la forêt a aussi des qualités sociales et économiques.

Les forêts subissent cependant de nombreuses atteintes et, depuis trente ans, leur surface a continué à se réduire au plan mondial. Parmi ces atteintes, les activités humaines occupent un rôle majeur, que ce soit pour la création d'espaces agricoles ou pour l'exploitation industrielle. Les feux de forêts, comme les incendies spectaculaires en Australie ou dans la forêt amazonienne, rendent la déforestation bien visible. Elle révolte à juste titre les citoyens soucieux de l'environnement.

Il existe cependant des menaces plus silencieuses et moins visibles. Le mitage en fait partie et il met en péril la croissance de la forêt française.

La région Île-de-France rassemble un cinquième de la population française sur 3 % de la superficie du territoire national. Malgré tout, elle est boisée à 20 %. Cette proportion s'établit à 25 % en Seine-et-Marne, mon département. Le massif de Fontainebleau, deuxième forêt domaniale de France, s'étend sur 25 000 hectares.

Le droit de préemption de la Safer d'Île-de-France, créé en 2017 de manière expérimentale, favorise une action en amont, avant la destruction de la parcelle. Les près de 200 préemptions ont concerné des ventes de 5 000 m2 en moyenne.

Les différents acteurs de ces ventes ne se sont pas montrés hostiles au dispositif. Les collectivités locales sont à l'origine de la majorité des préemptions et, même si elles sont moins nombreuses, certaines préemptions ont eu lieu à l'initiative de propriétaires privés.

La proposition de loi rend permanent ce droit de préemption, pour préserver utilement la forêt francilienne, l'expérimentation ayant prouvé son efficacité pour cette région si particulière avec 1 014 habitants/km2. Il ne saurait être envisagé d'étendre ce dispositif à d'autres régions. Le groupe Les Indépendants est attaché à cette spécificité, dans un territoire où 98,8 % des espaces sont des aires urbaines. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La forêt française constitue un atout majeur de notre pays dans le contexte actuel de transition écologique et énergétique. Elle occupe plus de 440 000 emplois et son potentiel de développement est considérable. Mais elle est aujourd'hui menacée, notamment par le changement climatique et l'étalement urbain. En Île-de-France, le mitage et la cabanisation font disparaître les forêts périurbaines. Les constructions illégales font fi de l'autorité des maires et accroissent les risques naturels, comme les inondations, créent des nuisances pour les riverains et freinent les projets d'aménagement.

Cette proposition de loi pérennise l'expérimentation de 2017. Il était urgent d'agir et ce dispositif fait l'unanimité. Depuis le début de l'expérimentation, le droit de préemption de la Safer a été utilisé près de 200 fois, souvent à la demande des collectivités territoriales.

Le groupe UC soutient cette proposition de loi, et il faudra s'interroger pour savoir s'il faut l'étendre à d'autres espaces naturels périurbains. Mais tant qu'il sera plus intéressant fiscalement d'artificialiser une parcelle, la tentation sera forte pour les investisseurs.

Ce dispositif, utile pour lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France, s'accompagne fort heureusement sur ces territoires et depuis la mise en place des plans régionaux forêt-bois, de politiques de préservation et de développement forestier. Mais, à mon sens, cette mesure n'a pas vocation à se déployer en dehors des massifs périurbains.

M. Didier Guillaume, ministre.  - Nous sommes d'accord !

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Elle ne répond aucunement à la problématique du morcellement de la propriété. L'enjeu est tout autre puisqu'il s'agit non pas d'éviter la cabanisation, mais bien de permettre des regroupements de parcelles, propices à créer des unités de gestion sylvicole durables. En ce sens, le droit de préférence aux riverains demeure l'outil le plus approprié. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, LaREM et Les Indépendants)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La pédagogie étant affaire de répétition, j'indiquerai à mon tour que cette proposition de loi pérennise une expérimentation lancée il y a trois ans, qui a montré son efficacité. La forêt francilienne, poumon vert de la région, est exposée au risque de mitage. Il en résulte un processus de cabanisation.

Le droit de préemption au profit de la Safer d'Île-de-France, expérimenté depuis 2017, a été un succès. L'évaluation est une condition examinée par le juge constitutionnel pour valider une pérennisation. Or le bilan parle de lui-même. En trois ans, la Safer a utilisé son droit de préemption 198 fois pour un total de 105 hectares de surface forestière. En moyenne, la moitié des préemptions réalisées n'aurait pas été possible sans l'expérimentation. C'est 5 289 m2 par opération, soit un sixième du plafond de trois hectares fixé par la loi.

L'outil juridique, qui comprend un volet préventif et dissuasif, est pleinement opérationnel et contrecarre le morcellement extrême. Il permet une intervention préalable, alors que le droit prévoit des souplesses d'installation dans des habitats démontables et mobiles.

Un dispositif spécifique à l'Île-de-France est légal : le Conseil constitutionnel a validé une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France.

La forêt d'Île-de-France est trois fois plus morcelée que la forêt nationale, avec une superficie moyenne d'un hectare.

Les forêts franciliennes doivent pouvoir bénéficier de ce que les scientifiques appellent « l'effet fertilisant » du CO2 qui permet aux arbres de se développer en capturant du carbone tout en diffusant de l'oxygène dans l'atmosphère francilienne. De plus, ces peuplements forestiers sont les garants d'une certaine fraîcheur climatique pour les Franciliens puisqu'un arbre de grande taille puise environ 100 litres d'eau par jour dans le sol et en vaporise une grande proportion dans l'air.

Il ne s'agit pas de mettre la forêt sous cloche, mais de l'exploiter comme elle doit l'être.

Le groupe Les Républicains votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et LaREM)

La proposition de loi est adoptée définitivement.

(Applaudissements sur toutes les travées)

Barrière écologique aux frontières

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, demandant au Gouvernement de porter au niveau de l'Union européenne un projet de barrière écologique aux frontières.

Discussion générale

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En mai, nous célébrerons le soixante-dixième anniversaire de la déclaration Schuman selon laquelle l'Europe ne se ferait pas d'un coup, mais qu'elle prendrait la voie de validations concrètes créant d'abord une solidarité de fait.

Or l'Union européenne est en panne de projets fédérateurs et souvent perçue comme une contrainte : nos concitoyens peinent à s'y retrouver.

L'Union européenne a d'abord été une réalisation économique, avant de devenir, avec le traité de Maastricht, un ensemble politique. Elle a tout intérêt à devenir demain une puissance écologique de premier plan.

Il faut, pour ce faire, réconcilier écologie et croissance économique. Certains opposent l'une à l'autre alors que les deux ne doivent être dissociées. Nous devons fonder notre action sur des vérités scientifiques. Héritiers des Lumières, nous devons aussi préparer notre société aux nouveaux défis grâce à la raison et au progrès et ne pas s'en tenir au déclinisme. Rejetons le « Y'a qu'à, faut qu'on » démagogique ou le pessimisme moribond des donneurs de leçons.

Soyons lucides, une croissance sans écologie aurait des conséquences tout aussi néfastes. Les acteurs économiques qui n'auraient pas conscience de cette nécessaire évolution seraient rapidement confrontés à la pénurie de matières premières. Les années de croissance sale, fondée sur des productions carbonées et polluantes, doivent être oubliées, d'autant qu'une partie de notre population n'en veut plus.

Refuser de constater que les conditions de la croissance ont changé, c'est se condamner à la cornérisation politique autant qu'au suicide économique.

L'écologie est une opportunité majeure de développement économique et de cohésion sociale. La Chine, qui a consacré 11 milliards d'euros à son plan hydrogène - contre 10 millions pour la France - ne s'y trompe pas.

Notre continent doit s'unir autour d'une ambition climatique forte. Les efforts doivent être justes et équitablement partagés par tous. Les exemples sont nombreux d'entreprises victimes de l'absence de réciprocité normative entre les États membres de l'Union.

Comment accepter que certains États relancent les centrales à charbon ou ne se dotent pas de fiscalité verte ?

Les actions des États ont le même effet qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine !

L'Union européenne a tout à gagner avec une harmonisation de la législation environnementale. La France peut être, avec les pays du Nord, une force de transformation. L'écologie, si elle est partagée à l'échelle européenne, peut être un levier majeur de l'évolution de notre continent.

Qu'attendons-nous pour bâtir une Union de l'énergie pour aboutir à une vraie indépendance énergétique ? Qu'attendons-nous pour intervenir massivement dans la transition écologique dans le secteur industriel ? Qu'attendons-nous pour mettre fin aux importations agricoles aberrantes du point de vue écologique et dévastatrices du point de vue économique ?

C'est à cette condition que nos concitoyens retrouveront la foi dans l'Union européenne, pour qu'elle ne reste pas un nain.

Une barrière écologique aux frontières de l'Union européenne est indispensable contre la concurrence déloyale de nos partenaires commerciaux qui n'ont que faire de nos normes environnementales. Le récent débat sur le CETA en témoigne : pourquoi ouvrir nos pays à des pratiques que nous condamnons ?

Le bilan carbone de l'Union européenne est dominé par l'ensemble des émissions liées aux importations.

Nous aurons perdu la bataille du climat si nous légiférons en interne en multipliant la règlementation pour limiter notre empreinte carbone, tout en n'imposant aucune pression sur nos partenaires commerciaux.

Il est grand temps de sortir du greenwashing et des bonnes intentions. L'échelle européenne est la bonne pour éviter tout effet de passager clandestin mené par d'autres pays. Victor Hugo avait l'audace de dire : « Ce que Paris conseille, l'Europe le médite, ce que Paris commence, l'Europe le continue ». Entendez la voix du Sénat, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Joël Labbé .  - Je vais commencer par une note positive : il est réjouissant de voir se multiplier ce type de débat. Les événements climatiques ne nous permettent plus d'ignorer l'urgence.

Mais derrière les discours, il faut des actes forts. J'espère que l'idée d'une barrière écologique aux frontières sera concrétisée. Son principe fait l'unanimité, puisque la taxation carbone était dans le programme de tous les candidats aux dernières élections européennes. La présidente de la Commission européenne a également proposé un green deal.

Une taxation bien pensée aurait bien des avantages : elle rétablirait les équilibres commerciaux, obligerait les entreprises à revoir leurs pratiques et apporterait des financements aux mesures écologiques. Elle améliorerait en outre les équilibres sociaux.

Le texte hélas ne serait pas compatible avec les règles du commerce international. La taxation ne doit pas concerner que les producteurs des pays tiers.

Au-delà des questions posées par la mise en oeuvre du dispositif, nous devons nous interroger sur le mauvais exemple donné par la France - elle présente les plus faibles rendements de la fiscalité environnementale - et de l'Europe. Cette proposition de loi revient à faire payer aux autres nos propres insuffisances. (M. Stéphane Piednoir proteste.)

D'autres pistes doivent être envisagées pour éviter que nos entreprises et nos agriculteurs subissent la concurrence de pays n'ayant pas les mêmes normes que les nôtres. Ainsi, les marchés publics pourraient être réservés aux entreprises européennes.

Ce texte n'incite pas suffisamment nos pays à agir, à se montrer plus volontaires et ambitieux, alors que si dans certains secteurs précis le risque de « fuite carbone » est réel, nous avons de nombreuses marges de manoeuvre.

Le sujet est important et urgent, mais le texte insuffisant : je m'abstiendrai et le groupe RDSE aura des positions diverses. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. André Gattolin .  - Je salue l'initiative du groupe Les Républicains, qui poursuit les mêmes objectifs que ceux de la France et de l'Union européenne. La proposition de résolution propose un périmètre d'action pertinent, celui de l'Europe.

Nous sommes quasiment tous favorables au commerce international dès lors qu'il est régulé. L'OMC, hélas, est paralysée, notamment son organe de règlement des différends, désormais privé du juge américain.

L'Union européenne mène depuis longtemps une intense politique d'accords commerciaux, parfois avec succès comme avec la Corée du Sud. Le système présente néanmoins des limites, en raison du principe de réciprocité qui parfois fait défaut. En matière environnementale, cela conduit à des « fuites carbone » : nous délocalisons nos productions polluantes.

La mise en oeuvre des mesures prévues par les traités internationaux est insuffisamment contrôlée. M. Fekl, grand ministre socialiste du commerce international, le déplorait déjà il y a trois ou quatre ans devant notre assemblée, en remarquant que des milliers de personnes participaient à l'élaboration de traités, mais seulement des centaines au suivi de leur application.

Le Gouvernement partage cette préoccupation, comme il l'a montré dans le cadre de l'accord CETA et en rejetant l'accord avec le Mercosur. Avec l'Indonésie, il souhaite imposer des normes environnementales.

L'Union européenne semble désormais se préoccuper davantage du contrôle des mesures mises en oeuvre. Si nous partageons l'objectif du texte, des critiques de forme subsistent. Pourquoi ce texte n'a-t-il pas pris la forme d'une proposition de résolution européenne ? Cela aurait permis à la commission des affaires européennes d'en discuter et aurait évité quelques malfaçons, notamment l'obligation d'une décision unanime des États membres.

L'idée de barrières nous expose directement aux sanctions de l'OMC. Un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières contournerait l'obstacle du protectionnisme. Cependant, mon groupe votera ce texte, même si des améliorations restent possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Guillaume Gontard .  - Avec la nouvelle année, le groupe Les Républicains entame sa mutation écologique...

M. Stéphane Piednoir.  - Ça part mal !

M. Guillaume Gontard.  - La taxe carbone aux frontières européennes est déjà prévue par le green deal de la Commission. Quel est, dès lors, l'intérêt de ce texte ? Comment comprendre l'initiative du groupe Les Républicains alors que le Parti populaire européen (PPE) s'est prononcé au Parlement européen contre la taxe carbone ? On comprend mieux lorsqu'on envisage que la proposition de résolution prévoie le retour sur la taxation carbone au niveau national. Voici votre véritable objectif !

Cela reste très « vieille époque » : les États doivent, selon nous, participer au changement de modèle. Notre fiscalité environnementale souffre de trop d'exonérations. Elle pèse injustement sur les ménages ; c'est ce qui a justifié la colère des gilets jaunes.

Le groupe Les Républicains vote systématiquement contre toutes les contraintes environnementales. La dernière phrase de son texte montre combien le mythe d'une croissance sans fin reste tenace.

Vous libéralisez les services publics - le rail par exemple - alors qu'ils permettent de mettre en oeuvre des politiques environnementales efficaces. C'est un contresens que de promouvoir une politique environnementale tout en développant des politiques systématiquement tournées vers le profit.

Il faut au contraire dénoncer tous les accords de libre-échange pour les services publics et organiser une harmonisation fiscale et sociale pour lutter contre les dumpings environnementaux et sociaux, tout en maintenant un haut niveau de garantie européenne.

Pour l'ensemble de ces raisons, et des contradictions qu'il recèle, le groupe CRCE s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool .  - Le dispositif proposé par le groupe Les Républicains est soutenu par la France et les gouvernements successifs depuis le début des années 2010. Je le remercie, ainsi que les sénateurs Bruno Retailleau et Jean-François Husson, de nous permettre d'approfondir ce sujet fondamental.

Le Gouvernement soutient cette idée auprès de l'Union européenne et la promeut dans le cadre des accords internationaux, qui comportent désormais un volet social et environnemental. Ces valeurs ressortent de notre identité commune.

Le Pacte vert de la Commission européenne évoque une taxation carbone aux frontières : la France doit rester mobilisée pour qu'elle soit effectivement mise en place.

La semaine dernière le commissaire européen Thierry Breton, présentant les grandes lignes de son projet, a expliqué que le travail s'oriente « pour faire en sorte que nos concurrents paient le juste prix des normes en vigueur chez nous ». C'est important pour l'environnement comme pour notre compétitivité. La résolution rappelle que les entreprises vertueuses européennes pourraient être pénalisées par rapport au reste des puissances mondiales. Ces phénomènes de concurrence déloyale et de distorsion ne sont pas acceptables. Ce que l'on désigne comme des « fuites carbone » profite de l'absence du mécanisme juste, clair et efficace que nous appelons de nos voeux.

Quelle forme devra prendre le dispositif ? Il faudra trouver des compromis entre les États membres. En outre, la fiscalité relève de la compétence nationale : il faudra convaincre. Enfin, le dispositif devra respecter le principe de non-discrimination de l'OMC.

Nous souhaitons nous protéger économiquement et écologiquement, mais également inciter d'autres États à respecter l'accord de Paris. Les moyens financiers s'avéreront déterminants : il faudra reverser à cet effet les recettes de la taxe.

Convaincu de l'importance d'un tel dispositif pour l'Europe, le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution. L'horizon 2050 commence dès aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a sept mois, la mission d'information sur l'avenir de la sidérurgie rendait son rapport. Notre conclusion était claire : il est urgent de donner des armes aux producteurs français d'acier, face à une compétition mondiale féroce, à des concurrents aux prix toujours plus cassés et au défi immense de la transition environnementale.

La proposition de résolution répond à l'appel lancé par notre rapport. Elle vise justement à donner une arme concrète aux entreprises européennes, afin que l'ambition écologique - qui ne doit pas être remise en question - dépasse les frontières de notre marché intérieur.

L'industrie française consomme en effet de l'acier importé, alors que nous avons fermé 144 de nos 152 hauts-fourneaux en cinquante ans. La Chine produit la moitié de l'acier mondial, dans des fourneaux obsolètes et extrêmement polluants, mais elle ne connait ni quotas carbone ni taxation énergétique...

Malgré les efforts consentis, l'empreinte carbone de la France augmente. Les politiques publiques ne doivent pas tuer les entreprises les plus vertueuses ! Il faut assurer une concurrence plus équitable en obligeant, sous peine de taxe, nos partenaires commerciaux à produire de façon plus vertueuse. La réponse ne peut être qu'européenne.

L'action ne peut être qu'européenne. La réflexion mûrit ; la dynamique est bonne. L'exécutif doit continuer à rallier tous les États membres.

Madame la ministre, il faut que le temps de l'Europe soit celui de l'économie, pour que les entreprises vertueuses ne meurent pas. Il y va de la crédibilité de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)

MM. Stéphane Piednoir et Jean Bizet.  - Très bien !

M. Jean Bizet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À mon tour, je remercie Jean-François Husson pour ce débat. Cette proposition de résolution est un appel à la vigilance et à l'action, alors que la Commission européenne ambitionne de faire de l'Europe un continent climatiquement neutre d'ici à 2050.

Atteindre la neutralité carbone demandera d'intenses efforts. La Commission dispose de leviers budgétaires et fiscaux pour favoriser la transition écologique.

Jean-Yves Leconte a présenté une communication à la commission des affaires européennes en novembre dernier sur ce sujet.

Le développement des technologies bas carbone représente un potentiel énorme pour des filières innovantes, compétitives et pourvoyeuses d'emplois. D'autres filières, qui subiront des contraintes nouvelles, auront besoin d'être accompagnées.

L'Europe n'évolue pas dans une bulle. Ses efforts n'auront qu'une portée limitée, si nous ne parvenons pas à lutter contre le dumping écologique au niveau international. Rappelons que les États-Unis, la Chine, l'Inde, le Brésil ou encore la Russie n'ont pris aucun engagement similaire à ceux de l'Europe, et que rien n'indique qu'ils le feront dans un avenir proche. Et l'Europe ne produit que 9 % des émissions de gaz à effet de serre.

L'Europe doit donc inciter ses partenaires à la rejoindre sur une trajectoire durable. Ne soyons pas naïfs ! Les Américains investissent et brevètent. Être vertueux ne suffira pas ; nous devons aussi nous montrer innovants.

Lors de sa venue à Paris la semaine dernière, au cours de laquelle il s'est entretenu avec le président Larcher, le commissaire européen au commerce, Phil Hogan, a indiqué qu'il entendait faire du respect de l'accord de Paris une clause essentielle des futurs accords commerciaux, c'est un point important qui témoigne de la volonté de cette Commission d'affirmer la puissance commerciale de l'Europe et d'utiliser les relations commerciales pour faire la norme au niveau mondial. Or, comme je le répète souvent, la norme fait le marché.

Les « fuites carbone », par lesquelles les productions génératrices de gaz à effet de serre sont transférées en-dehors des frontières, ne sont pas acceptables. Je fais miens les propos de Valérie Létard sur la filière de l'acier. La Chine et l'Indonésie nous prennent des parts de marché considérables. Il faut prendre des mesures compensatoires aux fuites carbone, car nos industries souffrent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte .  - La proposition de résolution des Républicains reste très générale, mais va dans le bon sens. Elle ne s'exprime que sur le principe et fait l'économie de la mise en oeuvre. Elle rejoint les dispositifs mis en place par la Commission européenne.

L'Union européenne prévoit un engagement de neutralité carbone d'ici à 2050. Cet engagement sera digne de Tartuffe si nous continuons à importer comme nous le faisons. Les importations françaises produisent en effet 60 % de nos émissions carbone. Les délocalisations polluantes sont un véritable fléau.

La mise en place d'un marché carbone en Chine depuis 2017 est à saluer. Veillons à l'élargir à d'autres pays.

Voulons-nous renverser les règles du commerce mondial ou bien proposer un mécanisme qui respecte les règles de l'OMC ? Les grandes industries devront-elles payer si l'on instaure un quota jusqu'en 2030 ?

Nous nous accordons sur un point : il est inacceptable de continuer à commercer avec des pays qui ne respectent pas l'accord de Paris.

Pour autant, le protectionnisme n'est pas l'avenir de l'écologie ; les circuits courts ne signifient pas forcément moins de CO2. Le commerce international n'est pas l'ennemi de l'environnement. L'essentiel reste de mettre les deux en adéquation.

Nous devrons nous montrer exigeants dans la future relation que nous instaurerons avec le Royaume-Uni, en matière d'environnement. (Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État, le confirme.)

Viserons-nous uniquement les grandes industries émettrices de carbone ou l'ensemble des biens ? Les principaux pays visés seront la Chine, le Moyen-Orient et la Russie.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je commence à conclure. (Sourires) Les ressources issues de cette taxation (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains s'impatientent.) devront être utilisées à bon escient.

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie le groupe Les Républicains pour cette proposition de résolution cohérente avec une certaine vision européenne : la Commission européenne souhaite faire de l'Europe le premier continent neutre en carbone à horizon 2050. Ce projet pourrait être vu comme un nouvel acte protectionniste d'une guerre commerciale qui privilégierait des intérêts nationaux ; il n'en est rien. Bien au contraire, un tel outil permettrait enfin à l'Union européenne de se doter d'une stratégie d'ensemble et de concilier ambition écologique et efficacité économique.

Une taxe aux frontières protègera les entreprises européennes de la concurrence déloyale. L'Europe devra poursuivre une politique ambitieuse si elle veut compenser l'impact d'une taxe sur les entreprises.

L'écologie n'est pas à opposer à la compétitivité ni à la justice sociale. Au contraire, une taxe carbone aux frontières pourrait avoir des objectifs redistributifs importants.

Je partage la position du nouveau commissaire à l'économie Paolo Gentiloni, qui veut exclure les investissements dans les énergies renouvelables des critères du pacte de stabilité - je l'avais proposé dans une proposition de résolution le 10 septembre dernier. La taxation aux frontières du carbone assurera au continent une crédibilité sur la scène internationale et traduira l'initiative retrouvée d'une Europe capable d'avoir « la politique de sa pensée » pour citer Paul Valéry. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'heure de la mobilisation face au changement climatique, nous devons réapprendre à produire ce que nous consommons, pour refuser de vivre dans ce monde absurde où l'on pêche du poisson en Norvège, on le traite en Chine et on le consomme en Europe !

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Guillaume Chevrollier.  - Dans une excellente tribune, le mathématicien et philosophe Olivier Rey indiquait récemment que le « no-borderisme » ne pourrait constituer la solution à des problèmes globaux que la « perte de la mesure locale » a engendrés. 

Oui, nous devons sortir de la naïveté. L'Europe, première puissance commerciale du monde, doit imposer ses règles à ceux qui veulent commercer avec elle. Pour que la liberté d'échanger ait un sens, les règles doivent être les mêmes pour tous : compensation pour tous des quotas de CO2 notamment, car dans le cas contraire, nous favorisons une concurrence déloyale.

L'Union européenne a respecté les engagements du protocole de Kyoto, avec 5 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2012 par rapport à 2010. Dans le même temps, la Chine augmentait ses émissions de 26 % ; idem pour les États-Unis.

En France, dont les émissions ne représentent que 1,2 % des émissions mondiales, la crise des gilets jaunes a été révélatrice de la nécessité d'un effort écologique qui doit être transparent pour ne pas se heurter à l'inégalité sociale. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Joël Bigot .  - Le sujet est ô combien stratégique, pour l'économie comme pour le climat. Un point de sémantique s'impose : vous parlez de « barrières écologiques » comme on parlait autrefois de « barrières douanières ». Je comprends l'attrait de ce terme pour surmonter les réticences de nos partenaires européens, mais pourquoi ne pas utiliser plus directement celui de « taxe carbone » puisqu'il s'agit d'une mesure fiscale ?

Le levier fiscal est en effet un outil au service de la transition écologique et l'Union européenne doit s'en servir. Cette mesure serait d'équité concurrentielle. Le Conseil des prélèvements obligatoires confirme dans son rapport de septembre dernier que « les initiatives visant à doter l'Union européenne d'un mécanisme de protection commerciale à l'encontre des territoires non coopératifs devraient être soutenues. »

L'Ademe et l'OFCE soulignent cependant dans une étude la difficulté de mettre en place une comptabilité carbone fiable et efficace. Cette part de gaz à effet de serre cachée de notre consommation constitue « un angle mort de la lutte contre le réchauffement climatique » qui de surcroît ne permet pas de mettre en valeur les efforts des États européens à réduire leurs émissions.

En France, la diminution des émissions liées à la production s'est accompagnée d'une augmentation de celles issues des importations. D'où la nécessité de cette taxe. D'autant qu'une redistribution totale éviterait le développement de mouvement comme celui des gilets jaunes.

Une part du destin de la construction européenne se joue ici. Espérons que la taxe carbone n'aura pas le même avenir que celle sur les transactions financières ou que le veto climatique censé être introduit dans le CETA.

Y aura-t-il un fléchage de la taxe vers les ménages européens les plus modestes ? Nous souhaiterions connaître l'avis de la ministre.

Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la fable de l'élu et du citoyen, on reproche au politique de promettre ce qu'il ne peut pas tenir, et à ses administrés de le croire naïvement.

En matière d'écologie, il faut bien admettre que l'on bat des records depuis quelque temps ! À grand renfort de communication, pour ne pas dire de pression, de nombreuses organisations à la respectabilité parfois contestable enjoignent les décideurs à s'engager sur des protocoles abstraits dont on ne mesure pas les effets, tandis que l'on se pâme devant une adolescente qui réussit à vendre le séchage généralisé des cours comme une action plus vertueuse que l'assimilation des rapports du GIEC... (M. Joël Labbé proteste.)

Les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des accords de Paris, pourtant il n'y a pas de baguette magique !

La France émet 1 % des gaz à effet de serre, elle représente 1 % de la population mondiale, ce qui prouve que sa production énergétique est largement décarbonée - grâce au nucléaire.

Mais le rythme de progression mondiale des émissions n'est pas tenable, surtout si l'on prend en compte l'évolution démographique galopante et le développement de l'Afrique et de l'Asie, qui augmentent les besoins énergétiques.

En Europe même, les divergences sont importantes, avec des États qui sortent du nucléaire pour des raisons idéologiques mais remettent en service des centrales à charbon. Tous ne sont pas mobilisés de la même façon. Quand le Premier ministre norvégien vient parler énergies renouvelables à son homologue polonais, c'est comme si un élu du Maine-et-Loire venait parler communes nouvelles à un homologue corse. (Sourires)

Si rien n'est fait, nous atteindrons un point de rupture irrémédiable. Sans faire peser uniquement les changements sur des ruraux soumis aux injonctions d'ultra-urbains prenant les transports en commun quand ces derniers ne sont pas en grève, nous devons user de la masse critique de l'Europe pour agir. C'est le sens de la proposition de résolution de MM. Jean-François Husson et Bruno Retailleau, que je remercie pour cette solution enfin concrète. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Je m'associe à ces remerciements pour cette proposition de résolution déposée quelques jours avant la COP25 et la présentation du pacte vert de la Commission européenne.

Je me félicite de cette mobilisation transpartisane. Sur toutes les travées, on a pris acte de l'urgence, comme en témoigne ce débat de qualité.

L'impression exprimée par tous est que la COP25 a été décevante. Elle devait être celle de l'urgence à agir, mais des États ont bloqué le processus. C'est cependant pendant cette COP que la Commission a pu présenter son fameux green deal.

Il restait à adopter à Madrid les dernières règles, concernant les échanges d'émissions sur un marché, en particulier. Certains États proposaient un mauvais accord, pour financer des projets prétendument de transition mais sans réelle garantie pour le climat. La Commission a eu le mérite de le repousser ; l'absence d'accord est préférable à un mauvais accord.

La COP26 à Glasgow sera l'occasion pour les États - et pour l'Union européenne - de présenter des plans plus ambitieux.

Il faut agir plus vite et ensemble. Nous le voyons chaque été : les canicules se multiplient, comme les incendies en Australie, Californie, Amazonie... Que dire de la montée des eaux qui ronge nos côtes, des inondations, des tempêtes et des typhons ? Le coût humain, politique, économique pèse lourd. Si nous ne faisons rien, il pèsera encore plus. Grâce à l'engagement pris au Conseil européen du 9 décembre dernier, l'Europe sera le premier continent neutre en émission de CO2 en 2050. C'est un succès pour la France ! Nous étions 3 en mars dernier, puis 8 en mai et finalement 28 en décembre... Cet objectif est déjà inscrit dans la loi française. Soyez-en remerciés. Il faudra accompagner les régions les plus touchées, là où les industries sont fortement émettrices.

Avec le Président de la République, nous avons rappelé la souveraineté de chaque État sur ses choix énergétiques, en citant nommément le nucléaire. En ce moment même, la Commission présente son mécanisme de financement d'une transition juste devant l'assemblée plénière du Parlement européen. Cela suppose un accompagnement économique et social des régions les plus touchées et des acteurs économiques les plus concernés. L'ambition française est que 30 % du budget européen soit consacré à la lutte contre le changement climatique et 10 % à la préservation de la biodiversité et à la lutte contre la pollution.

Mais cela n'avancera pas si nous délocalisons les émissions, comme le souligne votre exposé des motifs, et si nous importons toujours plus de biens fortement carbonés. Il nous faut retrouver de la cohérence.

Nous devons continuer à améliorer nos efforts à l'intérieur. Nous voulons ainsi réformer le marché du CO2, avec un prix plancher à 25 euros par tonne de CO2.

M. Jean Bizet.  - Pas moins !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État.  - La Commission a présenté une trajectoire crédible : le pacte vert, qui met en cohérence l'ensemble des politiques publiques européennes. C'est un document salutaire. Nous aurons ici des échanges bientôt pour le préciser.

Nous sommes satisfaits que la Commission ait retenu comme vous le faites des barrières écologiques aux frontières. Certains pensaient que c'était trop ambitieux. Il faut maintenant poursuivre nos efforts avec nos partenaires européens et extra-européens, dont certains voient dans notre position une violation des règles de l'OMC.

Il faut une solution techniquement fiable pour mesurer le contenu carboné de nos importations. Dans un premier temps, nous proposons de concentrer ce mécanisme sur les biens simples tels que l'acier, l'aluminium, le ciment, le papier ou le verre dont nous connaissons bien les lieux et le contenu en CO2. Les recettes doivent devenir des ressources propres de l'Union européenne pour assurer la transition. Vous dites souvent que l'eau doit payer l'eau. C'est le même principe. Cela ressemble à une taxe mais ce n'est pas une taxe, mais une extension du marché des ETS, ou emission trading system, européen.

Si le bien vient d'un pays où il y a un marché du carbone, le prélèvement ne sera que de la différence entre les deux prix.

Pour parvenir à la neutralité climatique en 2050, particuliers et entreprises devront faire des efforts. Pour que ce soit acceptable, il faut que chacun y soit soumis.

D'autres ressources propres sont sur la table : taxe sur le plastique non recyclé ou sur les GAFA.

Il était primordial que je me rende à Prague. J'ai eu une rencontre avec le groupe de Visegrád - Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Pologne - dont les demandes sont légitimes et viennent de loin. Leur économie serait plus impactée que la nôtre. Or ils ont accepté de signer avec la France dix jours avant le Conseil européen une déclaration commune sur nos intentions.

Je serai dans quinze jours à Copenhague pour une réunion avec mes collègues danois, finlandais et suédois.

Il faut rassurer les acteurs concernés et mener un travail précis.

Monsieur le sénateur Leconte, vous m'interrogez sur le Brexit : l'Union européenne vient de se fixer un objectif ambitieux, qui impose de nouvelles contraintes. Nous attendons que les Britanniques nous disent ce qu'ils comptent faire : prennent-ils les mêmes engagements ? C'est un point essentiel bien identifié par le Président de la République, par Ursula von der Leyen et par Michel Barnier. La réciprocité est importante.

Sur le plan diplomatique, nous continuerons à jouer la carte du multilatéralisme. En ce moment, Phil Hogan signe un accord avec les États-Unis et le Japon, sur la Chine, la propriété intellectuelle, la réciprocité.

Nous continuerons à chercher à convaincre les pays du G20 de la nécessité d'un prix du carbone mondial. J'échangerai avec vous au fur et à mesure de nos négociations. (Applaudissements des travées du groupe LaREM à celles du groupe Les Républicains)

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 16 h 55.

Préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi modifiant la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises, présentée par M. Daniel Gremillet et plusieurs de ses collègues, à la demande de la commission des affaires économiques.

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à M. Raison pour son travail dans la lignée de celui de la commission des affaires économiques, qui a mis en place un groupe de suivi de la loi EGalim le lendemain même de sa promulgation. C'est bien le rôle du Parlement : adopter des lois, en évaluer les effets et proposer des correctifs.

Le groupe de travail a produit un rapport dressant un premier bilan d'EGalim un an après sa promulgation. Au terme de l'expérimentation de deux ans, prévue par le texte, nous y voyons plus clair, mais le rapport témoigne déjà d'effets pervers. Faut-il attendre que la situation empire ? Il est de notre responsabilité d'agir.

Ce texte a été signé par 146 sénatrices et sénateurs de la presque totalité des groupes politiques. Le Sénat joue son rôle en matière de contrôle et d'amélioration des politiques publiques.

La première mesure de notre proposition de loi porte sur l'encadrement des promotions en volumes. Le soutien des promotions est essentiel. Il revient à l'entreprise de convaincre le consommateur d'acheter son produit. C'est possible grâce aux promotions.

Idem pour les produits saisonniers, qui doivent être soutenus en dehors de la période des fêtes. L'encadrement des promotions a fait reculer les volumes des ventes et les chiffres d'affaires se sont effondrés. On observe ainsi depuis un an un recul de 25 % des ventes de foie gras, et de 20 % pour le champagne dans la grande distribution.

Certaines entreprises évoquent même des baisses de 50 %. Quelle entreprise peut résister pendant deux ans à un tel choc ? Ce sont des emplois qui sont remis en cause. On est aux antipodes des effets recherchés.

Le paradoxe est que la loi EGalim pénalise les producteurs et déstabilise les filières exemplaires, celles qui rémunéraient le mieux les producteurs !

Les PME subissent un fort biais anticoncurrentiel qui les fragilise. La loi EGalim était pourtant censée favoriser les entreprises de nos territoires.

Notre proposition de loi sort de l'encadrement des promotions en volumes les produits les plus saisonniers - et eux seuls. Cette mesure de bon sens ne rallumerait pas la guerre des prix dans la grande distribution. Elle ne revient pas sur le seuil de 34 % du prix du produit applicable aux promotions.

Attendre deux ans pour modifier le dispositif serait criminel. Tous les professionnels que nous avons rencontrés la semaine dernière en Vendée sont aux abois, quelle que soit leur filière, foie gras, lapin ou autre, du fait de la loi.

Nous déplorons depuis plusieurs années le manque d'efficacité des clauses de renégociation des contrats entre fournisseurs et distributeurs en cours d'année, en cas de choc conjoncturel. La clause de révision automatique des prix ne fonctionne pas, elle donne au distributeur l'occasion de renégocier tous les points du contrat ! La proposition de loi prévoit comme deuxième mesure, expérimentale, une clause de révision automatique des prix en cas de fort changement du cours de la matière première principale du produit, telle que le lait ou le blé.

La réforme du droit coopératif, enfin, ne respecte pas le périmètre de l'habilitation prévue par la loi EGalim. Le Gouvernement est passé en force, sans permettre au Parlement d'en débattre. Le Parlement doit se montrer intransigeant sur ce point. C'est pourquoi la proposition de loi ratifie l'ordonnance sur le modèle coopératif mais corrige le champ de l'habilitation, pour défendre les prérogatives du Parlement.

Cette proposition de loi n'a pas l'ambition de répondre aux défis de l'agriculture, mais corrige les premières failles apparues dans l'application de la loi EGalim, pour préserver le revenu des agriculteurs.

Je remercie les membres du groupe de suivi et de la commission des affaires économiques qui l'ont votée à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Lors de l'examen d'EGalim, le Sénat avait dit clairement qu'il ferait tout pour améliorer le revenu des agriculteurs. Nous avons toujours émis des inquiétudes sur ce texte, qui n'est pas la grande loi agricole que nous attendions.

La France ne mène pas forcément les combats essentiels sur le budget de la PAC ou sur les importations alimentaires. Le mécanisme de ruissellement de la loi était loin d'être certain. Tout reposait sur la confiance, ou la morale pour le dire autrement, des différents acteurs. Or la déflation est toujours présente hormis sur quelques contrats laitiers emblématiques.

La grande distribution a bien récupéré les fruits de l'augmentation du seuil de la revente à perte et a adapté son modèle : la hausse du seuil de la revente à perte aura servi à déplacer la guerre des prix vers les marques distributeurs et les produits non alimentaires.

L'esprit des États généraux de l'alimentation semble loin... « Si les prix ne remontent pas dans les trois mois prochains, je considérerai que les États généraux de l'alimentation sont un échec », aviez-vous dit, monsieur le ministre.

Le groupe de suivi poursuivra ses travaux. D'ores et déjà, la loi EGalim pose des problèmes que cette proposition de loi aborde pour tenter de les régler en urgence.

La loi EGalim ne protège pas les producteurs, pris en étau entre la volatilité des cours mondiaux et la rigidité des prix de la grande distribution.

La loi aborde la relation entre le producteur et la coopérative dont il est membre comme celle qui lie une entreprise privée et son client. Or les coopératives ne relèvent pas des mêmes règles : elles appartiennent aux agriculteurs et sont le prolongement de leurs exploitations. Une coopérative est une sorte de service public qui ramasse la production comme le facteur ramasse le courrier. Une mauvaise gestion ne doit pas conduire à changer leur statut. Comme si un mauvais gouvernement conduisait à modifier la Constitution ! (Sourires)

À trop assimiler les coopératives à des entreprises privées, on trouble l'équilibre des territoires agricoles. L'ordonnance fait actuellement l'objet d'un contentieux. Dans l'esprit des parlementaires, son champ a été dépassé.

Daniel Gremillet a évoqué l'évolution inquiétante des ventes de produits saisonniers. Les producteurs de lapins - qui n'est guère un produit festif... mais tout dépend de la sauce (Sourires) - nous ont fait part du retrait de leurs produits dans les catalogues l'été, en raison de la limitation des promotions. Idem pour un producteur de produits d'apéritif, dont le chiffre d'affaires a baissé de 12 %. La promotion fait partie du modèle de vente des entreprises.

L'expérimentation d'EGalim n'a pas pour vocation de supprimer des emplois ni d'affaiblir les filières. La DGCCRF semble pouvoir accorder des dérogations, mais leur fragilité juridique est grande.

La proposition de loi apporte des ajustements à la marge et se veut équilibrée et pragmatique. Elle sauvera rapidement des emplois. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La loi EGalim a été promulguée il y a un peu plus d'un an. Tous les décrets d'application ont été publiés jusqu'au printemps dernier. Il était convenu que l''année n pour les négociations commerciales serait 2019-2020.

Je l'ai dit lors du dernier comité de suivi des négociations commerciales : le compte n'y est pas pour les producteurs. La loi, pourtant, prévoyait des garanties claires. L'objectif principal était l'inversion de la fabrication du prix. Il est incroyable que l'agriculteur ne fixe pas son prix. Il est incroyable que l'éleveur vende sa viande moins cher que ce qu'elle lui coûte.

Nous avons demandé aux filières, pour supprimer les ventes à perte, de fixer les prix et d'arrêter les promotions laissant croire aux consommateurs que la nourriture peut être gratuite. C'est le libéralisme à tous crins. C'est pourquoi la loi EGalim a limité les promotions en volume et en valeur. Cette décision a été prise par l'ensemble des acteurs. Les syndicats agricoles nous ont demandé de ne pas revenir sur cette mesure. Effectivement, il existe un problème sur les denrées festives, les achats d'impulsion. Mais l'expérimentation dure deux ans.

Le Gouvernement émet un avis défavorable à cette proposition de loi car si nous changeons les règles en cours de route, nous ne saurons pas si la loi EGalim porte ses fruits. Je me suis, en revanche, engagé à prendre une dérogation pour les produits festifs.

Nous voulons aller beaucoup plus loin sur les marques distributeurs. Nous voulons que les agriculteurs en tirent des fruits, ce qui n'est pas encore le cas. Avec Agnès Pannier-Runacher, je participe au comité de suivi des négociations commerciales qui se tient tous les trois mois.

Le mot de ruissellement n'a jamais été évoqué s'agissant de la loi EGalim. Je n'ai jamais pensé une seconde que la vente de Nutella ou de Coca-Cola pouvait rapporter aux agriculteurs.

En revanche, nous avons soumis à expérimentation le seuil de revente à perte et la limitation des promotions. Il s'agit d'inverser la conception des prix. Le Gouvernement remettra au 1er octobre 2020 un rapport au Parlement. Attendons cette échéance pour conclure sur les effets d'EGalim. Je salue néanmoins le travail du groupe de suivi qui a mené nombre d'auditions.

Le contenu de la proposition de loi porte sur l'autorisation des promotions en volume sur les denrées saisonnières et festives. Mais à force de vouloir des prix toujours plus bas, le consommateur va s'y habituer et ne voudra plus acheter au juste prix. C'est pourquoi nous voulons aller plus loin sur l'étiquetage. Une promotion à 90 %, ce n'est pas bon !

L'exclusion des produits festifs du périmètre de la limitation des promotions a été défendue par certains acteurs lors des négociations commerciales, mais nous avons choisi de n'exclure aucune filière pour redonner de la valeur à tous les produits.

La DGCCRF peut prendre en compte la situation particulière de l'entreprise lors des contrôles, des dérogations.

M. Michel Raison, rapporteur.  - C'est déjà trop tard !

M. Didier Guillaume, ministre.  - Dans ce cas, la proposition de loi arrive trop tard aussi... (On le conteste à droite.)

Sur le deuxième sujet, vous proposez d'expérimenter l'introduction d'une clause de révision des prix, à la hausse comme à la baisse, pour les produits composés à plus de 50 % d'un produit agricole en prévoyant des amendes administratives en cas de non-respect. Le contenu précis de cette clause sera défini par les parties au contrat.

La loi a renforcé la clause de renégociation en raccourcissant le délai d'un mois et en obligeant à avoir recours au médiateur des relations commerciales agricoles en cas d'échec. Votre proposition ouvre à nouveau le débat que nous avions eu ici durant l'examen de la loi EGalim en première lecture. À l'époque, un amendement visant à introduire un mécanisme automatique de révision des prix avait été adopté par la majorité sénatoriale contre l'avis de mon prédécesseur. Ce dernier n'a pas changé d'avis. Les acteurs nous demandent de préserver la stabilité du cadre juridique. Ne touchons pas aux curseurs. La clause de renégociation a été ouverte pour les produits charcutiers en 2019.

Enfin, la proposition de loi porte sur la ratification de l'ordonnance sur la coopération agricole en supprimant néanmoins le dispositif prévoyant que la responsabilité des coopératives peut être engagée en cas de rémunération des apports abusivement basse. Je rappelle que la loi porte sur la rémunération des apports et non sur le prix de cession.

Il y a plusieurs sortes de coopératives. Celles qui font plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires par an sont celles qui font le plus de volume. Il ne s'agit pas de mêmes coopératives que celles que nous avons dans nos territoires ruraux.

Un recours a été déposé en mai au Conseil d'État par la coopération agricole. Nous attendons sa décision puis le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Je partage vos objectifs et constate comme vous les difficultés de certaines filières sur le sujet des promotions, mais il convient d'attendre la fin de l'expérimentation, son bilan et l'arrêté du Conseil d'État pour éventuellement modifier la loi.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, beaucoup plus sur la forme que sur le fond. Le texte ne correspond pas à l'objectif d'une meilleure rémunération des agriculteurs. (On s'en désole sur divers bancs tandis que M. François Patriat applaudit.)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - C'est bien dommage !

Mme Noëlle Rauscent .  - Cette proposition de loi fait suite à l'adoption du rapport d'information de MM. Gremillet et Raison et Mme Loisier. Je salue leur travail pertinent. Leur rapport critique le manque d'efficacité de la loi EGalim sur le revenu des agriculteurs et dénonce les effets pervers des dispositifs relatifs au relèvement du seuil de reventes à perte et l'encadrement des promotions. Concernant ces deux mesures, la loi EGalim a prévu une expérimentation de deux ans. Les décrets d'application sont sortis en février dernier. L'agriculture s'inscrit dans le temps long ; des résultats spectaculaires ne peuvent être obtenus si rapidement. Le bilan réalisé par nos collègues arrive donc un peu tôt...

Il apparaît cependant que le revenu des agriculteurs demeure insuffisant et que les PME sont les grandes perdantes de la loi. Seules les marges des distributeurs tirent leur épingle du jeu. Les PME ont de moins en moins le monopole des produits locaux, bio ou sans gluten qui tirent la croissance. La grande distribution s'est positionnée sur ces filières.

Les négociations commerciales en cours sont un véritable test. Nous pourrons faire le bilan à l'issue de l'expérimentation du relèvement du SRP et de l'encadrement des promotions.

Aussi, le groupe LaREM s'abstiendra.

Mme Cécile Cukierman .  - « Une loi creuse marquée du sceau de l'échec, qui va toujours faire gagner le plus fort au détriment des agriculteurs », tels étaient mes mots pour qualifier la loi EGalim lors de son examen.

Un an après la promulgation de cette loi, le constat est unanime, la loi est en deçà des aspirations exprimées lors des États généraux de l'alimentation. Elle n'a pas répondu à son premier objectif : un meilleur partage de la valeur et l'assurance d'un revenu décent aux agriculteurs

De fait, le rééquilibrage des négociations commerciales a échoué et les PME souffrent des mesures portant sur les ventes à perte. Les négociations commerciales de 2019 se sont déroulées dans un climat tendu et restent déséquilibrées. Jamais les promesses de la grande distribution n'auront été autant bafouées.

Pendant ce temps, le désarroi agricole s'amplifie. Les agriculteurs continuent de vendre à perte et les marges de la grande distribution augmentent plus vite que les prix agricoles.

Le consommateur est lésé avec une augmentation de 2 % des prix des produits alimentaires, 5,2 % pour les produits frais et 10 % parfois pour d'autres produits.

Il faut des outils véritablement contraignants pour réguler les marchés agricoles. Certains groupes installent leurs centrales d'achat à l'étranger pour éviter la réglementation française. Le groupe auquel je pense a terminé l'année avec un chiffre d'affaires de près de 38 milliards d'euros, en progression de 1,5 %.

Les associations de consommateurs et les syndicats agricoles s'accordent pour constater les effets néfastes des mécanismes du seuil de revente à perte et de l'interdiction des promotions.

Pour l'UFC Que Choisir et la Confédération paysanne, le système du seuil de revente à perte est un « chèque en blanc d'1,6 milliard d'euros à la grande distribution » sur deux ans et un « chèque en bois pour les agriculteurs ». La hausse du seuil de revente à perte a modifié la composition des linéaires selon les types de marque dans les grandes surfaces et a eu pour effet de revaloriser les produits des grandes marques et des marques de distributeurs (MDD) dans les rayons au détriment des produits des PME. La vente en valeur des produits des PME a reculé de 3,7 points, tandis que celle des marques distributeurs augmentait de 0,3 point.

Concernant l'encadrement des promotions, il y a eu un détournement du dispositif via le développement de nouvelles offres commerciales, notamment avec les cartes de fidélité.

Cette proposition de loi d'application directe a le mérite de répondre dans l'urgence aux effets pervers de la loi EGalim. Nous ne pouvons continuer de faire confiance, d'attendre de voir, d'espérer que : il faut agir pour sortir le monde agricole de ses difficultés. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC et sur quelques travées des groupes SOCR et Les Républicains)

M. Franck Menonville .  - Issue des États généraux de l'alimentation, la loi EGalim a suscité de grands espoirs, mais elle peine à porter ses fruits et des effets pervers sont apparus.

Cette proposition de loi vise à les corriger par trois mesures d'urgence portant sur les promotions, la révision des prix et le droit coopératif.

J'évoquerai la deuxième mesure. En effet, le mécanisme actuel de révision des prix s'avère trop lourd pour que les acteurs s'en emparent. Librement consentie par les parties, cette clause fonctionnera à la hausse comme à la baisse au cours de l'année.

Ainsi, en 2019, le prix du porc a augmenté de 50 %. De tels à-coups déstabilisent les PME. C'est notamment le cas des producteurs de charcuterie qui achètent le porc au prix du marché mais revendent les produits à un prix fixé par le contrat qu'ils ont conclu avec le distributeur. La situation devient ainsi intenable pour nombre d'entre eux.

La clause de révision automatique des prix garantira plus de justice.

Nous saluons également la suppression de la disposition prévoyant la possibilité d'engager la responsabilité des coopératives pour rémunération abusivement basse des apports. Cette transposition du code de commerce vers le code rural de la notion de « prix abusivement bas » dépasse le cadre de l'habilitation législative conférée au Gouvernement et parfaitement inadapté au système coopératif.

Je salue l'auteur et le rapporteur de la proposition de loi, ainsi que les membres du groupe de suivi. Mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La loi EGalim était l'aboutissement de longs mois de discussions ; elle a suscité de nombreux espoirs. Après sa promulgation, la commission des affaires économiques a mis en place un groupe de suivi qui a fait état des lacunes du texte.

La proposition de loi vise à les combler par trois mesures d'urgence, sans préjuger de l'efficacité globale de la loi qui ne pourra être appréhendée qu'à l'issue de la période expérimentale, dans un an.

Les préconisations sont de trois ordres : encadrement des promotions, clause de révision des prix et cadre de l'ordonnance sur les coopératives.

Dès début 2019, la grande distribution, pourtant bénéficiaire de la hausse du SRP a choisi de baisser les prix sur les produits sous marque de distributeur ainsi que sur les rayons non alimentaires, engageant ainsi une nouvelle guerre des prix entre distributeurs.

Les mesures d'encadrement des promotions ont été rapidement contournées en jouant sur les cartes de fidélité. La grande distribution s'est ainsi reconstitué des marges. Vous-même, monsieur le ministre, constatez que le compte n'y est pas. L'effet de ruissellement escompté en conséquence du relèvement du seuil de revente à perte ne fonctionne pas, alors même que le consommateur en fait les frais. L'État n'en serait-il pas le premier bénéficiaire avec les recettes supplémentaires de TVA ?

Paradoxalement, la loi EGalim pénalise les entreprises les plus proches des agriculteurs. Dans les linéaires, les produits des PME sont relégués au profit de ceux des grandes marques. Sans guère de budgets marketing et privées de la possibilité de faire des promotions, les PME voient leur chiffre d'affaires chuter parfois de 50 %.

Pour remédier à ces difficultés, ce texte propose de sortir les produits saisonniers de l'encadrement des promotions, de manière à permettre de mieux écouler les stocks. Il propose aussi d'expérimenter sur les produits charcutiers à forte variabilité une clause de révision automatique des prix car les cours du porc augmentent très rapidement. Enfin, ce texte propose de revenir à un modèle dans lequel les coopératives agricoles ne sont pas assimilées à des entreprises privées, conformément à la volonté du législateur.

Le groupe UC votera cette proposition de loi et espère que les travaux du groupe de suivi se poursuivront. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Indépendants et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail réalisé par le groupe de suivi, qui se poursuit. Le Parlement est plus que jamais dans son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement. Il porte aussi sur le respect du champ des ordonnances et sur leur nombre : 350 ordonnances ont été publiées entre 2012 et 2018, soit plus que le nombre de lois votées durant la même période.

Le Gouvernement doit se limiter au strict champ de l'habilitation : cette proposition de loi y veille. Elle ne détricote en revanche pas l'ensemble de la loi EGalim, notamment l'expérimentation en cours.

Nous avons rencontré les acteurs de terrain : certaines entreprises souffrent terriblement de l'encadrement des promotions, notamment les PME et les ETI, et demandent qu'elles soient à nouveau autorisées en volume, pas en valeur.

Le magret de canard à 1 euro n'a été possible que parce que la filière s'est organisée après le problème sanitaire qui l'a affectée. Ne bouleversons pas des équilibres qui permettent aux agriculteurs d'avoir des revenus décents.

Je suis étonnée que les syndicats agricoles s'arc-boutent sur ce sujet, sans prendre en compte les difficultés constatées dans les petites filières agro-alimentaires. Attendre ? Mais les entreprises commencent à licencier... Affaiblir les industries agroalimentaires de transformation, c'est pénaliser à terme les agriculteurs.

Nous souhaitons la réussite de la loi EGalim, mais aussi que nos entreprises survivent. Il ne s'agit pas d'un totem politique. Écoutez-nous, il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants et UC)

M. Franck Montaugé .  - En juillet 2018, je disais le scepticisme de mon groupe sur les effets réels de la loi EGalim sur la modification de la répartition de la valeur. Je salue la mise en place du groupe de travail par Sophie Primas. Le Sénat montre l'exemple en matière de contrôle.

Les promesses de la loi EGalim en matière de prix et de revenus se sont fracassées sur la réalité de la conjoncture économique.

Il fallait réagir sans attendre le terme de l'expérimentation afin de corriger certains mécanismes de toute évidence dévoyés par la pratique, bien loin de l'esprit du législateur.

Le seuil de revente à perte est préjudiciable pour les produits saisonniers et festifs et a donné lieu à des détournements inacceptables qu'il faut sanctionner.

Le SRP s'est aussi traduit négativement pour certains vins dont l'achat est étroitement lié aux périodes de fêtes. Le président d'une grande coopérative viticole gersoise vous a dit qu'il faudra que la liste des produits dérogatoires au SRP que prévoit ce texte prenne en compte les pratiques saisonnières des consommateurs. Je pense aussi à la filière du foie gras, en grande difficulté depuis 2015.

La filière viticole tire une bonne partie de nos exportations et elle est aujourd'hui victime des difficultés diplomatiques et économiques avec les États-Unis. Les agriculteurs ne doivent pas payer pour la guerre de l'aéronautique...

S'agissant de la mesure de révision automatique des prix, nous avons des interrogations. Ciblage des produits finis composés à plus de 50 % d'un produit agricole, plus grande réactivité et automaticité de la révision à la hausse ou à la baisse, simplification de la procédure ont présidé à la rédaction de cet article. L'expérimentation durera trois ans et les produits seront arrêtés par décret.

Tout en étant favorable à cette expérimentation, nous pensons que le rapport de force risque de continuer à prévaloir puisque les seuils de déclenchement sont renvoyés à la négociation entre les parties.

Je me réjouis que ce texte ait réuni des signataires de tous les groupes et espère qu'il prospérera à l'Assemblée nationale. La question du revenu des agriculteurs reste entière.

Pour terminer, je remercie Daniel Gremillet et Michel Raison pour leur travail. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Je remercie la commission des affaires économiques pour la création du groupe de suivi auquel j'appartiens, ainsi que Daniel Gremillet, Michel Raison et Anne-Catherine Loisier pour leur initiative.

Évaluer les mesures adoptées pour les faire évoluer devrait être le B à BA d'une démarche de responsabilisation du Parlement vis-à-vis des Français. Ils nous reprochent de voter des lois sans études d'impact ni évaluation.

Comment répondre aux maires sur la mesure des 80 km/h ou au fiasco des rythmes scolaires ? Se poser, accepter qu'on puisse se tromper et réajuster la loi, c'est faire preuve d'humilité et se montrer responsable.

Revenons à la loi EGalim. Les enjeux ont été posés et chacun a pu s'exprimer. Oui, mais les bonnes intentions se sont arrêtées là et il y a eu un déni de démocratie.

Les professionnels nous avaient alertés sur des points d'achoppement. Pourquoi généraliser des mesures particulières, comme la limitation des vins sous promotion ? Le résultat a été que les petites entreprises familiales sont désormais en grand danger. Il aurait fallu tenir compte du caractère saisonnier, propre à certaines filières. Les grandes entreprises s'en sortiront toujours. Voulons-nous maintenir les structures familiales ou privilégier les grosses unités ? Il y va de notre modèle agricole.

Dans la guerre des prix, il n'y a toujours qu'un perdant, le producteur. C'est pourquoi, il nous faut unir et partager nos efforts.

Le texte s'intéresse aussi aux prix abusivement bas. Il faut prévoir des garde-fous pour protéger les adhérents des coopératives des pratiques abusives, mais sans généraliser. De nombreuses coopératives sont de petite ou moyenne taille. Elles ne sont pas des commerçants : elles reçoivent les produits, les transforment et les vendent. S'il fallait revenir sur le statut de la coopération, seul le Parlement pourrait en débattre.

La loi EGalim s'est arrêtée en marche. Notre posture n'est pas politicienne. Le compteur tourne et les agriculteurs se suicident. Je voterai cette proposition de loi pour ma part, comme la majorité de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Jean-Pierre Decool .  - L'agriculture et l'alimentation sont l'affaire de tous. Le groupe Les Indépendants s'est mobilisé pour défendre un modèle agricole économiquement viable lors de l'examen d'EGalim.

L'agriculture est au coeur de la société française, tant par son importance économique que par le profond attachement que nos concitoyens nourrissent à son égard. Il s'agit cependant d'un secteur qui connaît de fortes mutations et dans lequel la souffrance continue de perdurer.

Nous avions soutenu les ambitions de justice et d'écologie portées par le texte, car le secteur est en grande difficulté.

Le Parlement doit rester attentif à l'application de ce texte. Le déséquilibre des relations au profit de la grande distribution met les agriculteurs en danger, et certains commettent l'irréparable.

L'objectif de limitation des promotions était louable mais a eu des effets délétères en raison de la non prise en compte de la saisonnalité de certains produits, pour lesquels la promotion constitue une part importante des ventes, comme le foie gras ou le lapin...

Je félicite MM. Gremillet et Raison et Mme Primas pour leur action déterminée. Le monde agricole est un de nos atouts les plus précieux. Nous le soutenons à travers cette proposition de loi. (M. Jean-Paul Émorine applaudit.)

Mme Françoise Férat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Sophie Primas applaudit également.) En septembre 2018, à cette tribune, j'estimais ce texte décevant sur le fond, car il ne reflétait pas les conclusions des états généraux de l'alimentation. Il détricote ce qui fonctionne comme la sécurisation des pratiques contractuelles dans la filière viticole.

L'Assemblée nationale est restée figée sur les positions du Gouvernement malgré le regard constructif et bienveillant du Sénat.

Le texte devait inverser le rapport de force entre les producteurs et la grande distribution. En vain ! Le Sénat a créé un groupe de suivi pour vérifier l'efficacité des mesures.

Un rapport a été adopté le 30 octobre : un an après, le compte n'y est pas.

Cette proposition de loi tire le premier bilan de l'application d'EGalim. Trois effets problématiques pour les PME ont été identifiés : baisse du chiffre d'affaires de certaines entreprises et difficulté à renégocier les contrats des industriels avec la grande distribution en cas de hausse du coût des matières premières agricoles. Une mesure de l'ordonnance sur les coopératives agricoles prise par le Gouvernement laisse la possibilité d'engager la responsabilité d'une coopérative : or cela n'était pas prévu dans l'habilitation votée par le Parlement.

Notre texte se veut constructif, loin de vouloir démanteler la loi. Un bilan exhaustif serait trop précoce. Cependant, des PME et ETI sont déjà fragilisées.

Si les failles sont d'ores et déjà repérées, pourquoi ne pas agir tout de suite ? Tout le monde souhaite que les agriculteurs soient mieux rémunérés. Ce texte corrige les effets de bord. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une fois la loi EGalim votée, un groupe de suivi a été mis en place, excellente initiative pour mesurer la pertinence du texte. Il faudrait le faire sur tous les textes que nous adoptons.

Un an après le vote d'EGalim, nous tirons la sonnette d'alarme. Certaines mesures déstabilisent les PME et les ETI. La revalorisation du SRP de 10 % a été un échec. La grande distribution possède 92 % des parts de marché : il était illusoire de penser qu'elle allait transférer de la valeur ajoutée aux PME et ETI.

Ainsi, lors de l'épisode de la peste porcine, le cours du porc a augmenté de 45 % en raison de la pandémie. Les transformateurs ne sont pas parvenus à faire réévaluer leurs prix de vente avec la grande distribution qui contractualisent annuellement, d'où de grandes difficultés de ces sociétés.

Les promotions pratiquées par les PME étaient un moyen de publicité efficace. Elles en ont perdu le bénéfice avec l'encadrement des promotions. Il est urgent de revoir ce dispositif pour les produits saisonniers.

Devant l'urgence et la détresse de ces entreprises, il faut revenir aux fondamentaux : exclusion de l'encadrement en volume des promotions sur les produits saisonniers et pour les entreprises en difficultés ; expérimentation d'une clause automatique de révision des prix en fonction des cours, tous les trois mois ; suppression de la possibilité pour les juges de sanctionner financièrement des coopératives ayant pratiqué une politique de prix extrêmement basse.

Il nous faut sortir de la logique de compression des prix, chère à la grande distribution depuis des années.

En revanche, l'agriculture française doit évoluer et s'adapter aux besoins du consommateur.

J'espère que le Gouvernement reverra son avis défavorable sur ce texte. Je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Jean-Claude Tissot .  - Il est rare qu'une proposition de loi reflète une position partagée quasi unanimement dans cet hémicycle. L'enjeu est suffisamment fort pour que nous fassions cause commune. Le Gouvernement devrait l'entendre.

Le constat d'échec de la loi EGalim n'est pas une surprise. Les travaux du groupe de suivi ont mis en évidence ses effets néfastes sur les agriculteurs et les PME : le relèvement du seuil des reventes à perte de 10 % n'a pas augmenté les revenus des agriculteurs. Le prix d'achat aux fournisseurs en 2019 aura même diminué de 0,4 % selon l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Les auteurs du rapport de suivi ont ainsi souligné que « la loi EGalim aura l'effet paradoxal de pénaliser les acteurs les plus proches des agriculteurs français et qui, souvent, sont les plus créateurs d'emplois ».

Il est indispensable de corriger sans attendre les effets délétères du texte. Trois problèmes, qui se retrouvent dans les trois articles de la proposition de loi, ont ainsi été identifiés comme nécessitant d'être résolus avec urgence pour ne pas mettre en difficulté les entreprises françaises de l'agroalimentaire et les producteurs agricoles : les difficultés posées par l'encadrement des promotions pour les PME, les effets de la clause de renégociation des prix jugés non satisfaisants ainsi que la réforme en matière de droit des coopératives agricoles sur la base de l'habilitation par ordonnance.

Le Gouvernement devrait redonner des moyens à la DGCCRF pour ce qui concerne les promotions, au lieu de diminuer ses moyens, année après année.

La clause de renégociation des prix a des effets particulièrement négatifs dans la filière du porc ou des pâtes alimentaires. La grande distribution risque de se montrer intraitable sur les seuils.

L'article 3 mérite aussi d'être revu. Je suis attaché au rôle du Parlement, mais aussi au modèle coopératif : les coopératives ne sont pas des sociétés commerciales. Les agriculteurs peuvent se sentir impuissants quand ils appartiennent à de très grosses coopératives, s'apparentant à des géants de l'agroalimentaire. Une action en justice pourra être introduite par le ministère de l'Économie, après consultation du ministre de l'Agriculture et du Haut Conseil agricole. On ne peut supprimer purement et simplement ce dispositif sans offrir aucune alternative aux agriculteurs. Cependant, par solidarité avec les auteurs du texte, j'ai retiré mon amendement supprimant l'alinéa 2 de l'article 3.

Les membres du groupe SOCR voteront cette proposition de loi transpartisane. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, UC et Les Républicains)

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je suis élue d'un département où l'agriculture est un moteur de la vie économique à un niveau comparable à l'industrie agroalimentaire. Quelque 7,5 % de la population active y travaillent. De plus, produire et nourrir, c'est essentiel ! J'ai un attachement viscéral à cette activité qui façonne notre territoire.

La loi EGalim est un rendez-vous manqué pour les agriculteurs. Les réponses apportées à la précarisation des agriculteurs ne sont pas à la hauteur. La loi n'agit que sur un cinquième des recettes des agriculteurs.

Je rends hommage à la qualité du travail du groupe de suivi qui a produit cette proposition de loi attendue par le monde agricole, par des PME et des ETI.

Comme le souligne Daniel Gremillet, sans soutien promotionnel, la vente de certains produits s'effondre. Allez-vous laisser disparaître des productions ? Il est significatif que les éleveurs porcins aient renoncé aux procédures prévues dans la loi EGalim.

Le monde agricole est en crise depuis trop longtemps, comme nous le répétons sans relâche. Rémunérations insuffisantes de votre propre aveu, monsieur le ministre, agri-bashing, j'en passe...

Quels signaux supplémentaires faut-il pour changer de modèle ? Bien sûr, il faut le faire prudemment.

« Le bon sens fait des hommes capables », disait Napoléon. Et les agriculteurs n'en manquent pas. Il est temps que notre pays soit à nouveau fier de son agriculture. Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, écoutez le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et Les Indépendants)

M. Jean-Paul Émorine.  - Bravo !

M. Michel Raison, rapporteur .  - Toutes les interventions vont dans le même sens, sauf une, celle de Noëlle Rauscent, que je remercie pour la bienveillance de son intervention.

Étant donné, monsieur le ministre, vos qualités lorsque nous étions collègues, nous espérons, madame la présidente et moi, que vous changiez d'avis.

Avant la loi EGalim, les prix étaient négociés, monsieur le ministre. La loi EGalim inverse simplement la construction des contrats en introduisant la notion de prix de revient.

Vous fondez votre analyse sur les travaux d'économistes qui semblent avoir beaucoup travaillé... dans leur bureau. Vous écoutez les syndicats ? Vos collègues le font-ils de la même façon ? Ce n'est peut-être pas rassurant dans d'autres domaines, comme celui des retraites... (Sourires)

Vous parlez de 2020 ; mais ce que nous proposons, c'est de régler simplement un problème en agissant à la marge sans déstabiliser le texte de loi.

Parlons du lapin ; nous avons visité des lieux de production en Vendée. Les PME et TPE de cette filière sont en très grande difficulté. Sur quels critères prendrez-vous des mesures de dérogations ? Agirez-vous avant la cessation de paiement ?

Ce que nous souhaitons, c'est que les entreprises en amont ne licencient pas en prévoyant une perte de ventes. Nous pouvons régler cette situation en cinq minutes.

M. Didier Guillaume, ministre.  - Vous oubliez la navette.

M. Michel Raison, rapporteur.  - Lorsqu'il y aura des faillites et des licenciements, les entreprises vous reprocheront votre inaction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. le président. - J'appelle chacun à la concision, les voeux de M. le président du Sénat étant prévus à 18 h 30.

M. Didier Guillaume, ministre .  - Il est un peu rapide d'imputer au Gouvernement la responsabilité des licenciements dans les entreprises agro-alimentaires. La loi EGalim ne fixe pas les prix mais des indicateurs, à la demande des syndicats.

Nous ne sommes pas dans une économie administrée. Le Gouvernement, avant que j'y entre, a repoussé la solution de prix plancher.

Je n'ai jamais parlé d'économistes dans leur bureau ou non. Je suis simplement inspiré par le pragmatisme pour résoudre les problèmes. Or l'attitude du Gouvernement est beaucoup plus efficace que ce que vous proposez.

Dès demain, sans attendre un vote conforme à l'Assemblée nationale, la DGCCRF donnera des dérogations, au cas par cas. Nous pensons que la loi n'est pas nécessaire.

Nous attendons de surcroît septembre, après qu'un bilan aura été dressé cet été, pour modifier la loi EGalim.

Des entreprises ont déjà demandé à la DGCCRF des dérogations qui ont été accordées. Certes, la loi EGalim ne permet pas encore de faire progresser le revenu des agriculteurs. Si les négociations commerciales en cours n'y changent rien, il sera bien temps d'y remédier, après les deux années d'expérimentation.

Votre choix est intéressant ; nous en partageons l'objectif, mais pas les modalités.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques .  - Vous êtes donc d'accord avec nous ! Pour que les choses soient très claires pour toutes les entreprises et filières qui nous ont contactés : vous les invitez à envoyer un courrier à la DGCCRF et au ministère de l'Agriculture pour obtenir une dérogation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Je ne pense pas que ces dérogations soient solides juridiquement. C'est pour cela que nous avons déposé cette proposition de loi. (Même mouvement)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Antoine Lefèvre .  - Nous avons du bon sens et les pieds sur terre. Peu de lois, comme la loi EGalim, n'ont autant renié le monde agricole. Ses mesures n'ont pas produit les effets escomptés, bien au contraire. L'habilitation à légiférer par ordonnances, que nous avons combattue, a empêché le débat. À l'issue du délai de deux ans fixé pour l'expérimentation, il sera trop tard. Veillons à ce que le proverbe russe « Les disputes des seigneurs se lisent sur le dos des paysans », ne se transforme pas en « les disputes de la grande distribution se lisent sur le dos des paysans ».

M. Daniel Gremillet .  - Le Sénat n'a pas été chercher les entreprises, il est allé sur le terrain. Les deux filières que nous avons mentionnées, du lapin et du foie gras, sont déjà dans EGalim. Elles fixent des indicateurs tous les trimestres. Ces deux filières exemplaires qui font vivre les familles seront demain, si vous ne faites rien, en grande difficulté.

Vous avez vécu comme nous la grippe aviaire. Les entreprises productrices de foie gras se sont endettées, ont fait d'énormes travaux, et subissent des baisses de volumes de 25 % à 30 %.

La semaine dernière, lors de notre réunion, aucune entreprise n'a annoncé avoir été contactée par la DGCCRF. Sur quel fondement juridique, comptez-vous attribuer des dérogations ? Vous ouvrez la voie à des contentieux énormes !

Je tiens à remercier la présidente et les membres de la commission des affaires économiques pour leur réactivité. Monsieur le ministre, dès avant la fin des négociations commerciales pour 2020, si vous voulez, vous pouvez ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

M. Laurent Duplomb .  - Le plus simple, monsieur le ministre, c'est de changer la loi : ainsi plus besoin de dérogations, plus de contentieux, les choses seront claires !

La réalité de votre Gouvernement sur tant de sujets, c'est que vous refusez de revenir en arrière, mais ne cessez de reculer : vous avez inventé le nouveau terme de subdélégation pour l'eau et l'assainissement, vous reculez sur les retraites, et personne n'y comprend plus rien...

Ce que vous dites aux agriculteurs, c'est : mourez avant la fin de l'expérimentation, et en silence ! C'est inadmissible. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

À la demande de la commission des affaires économiques, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°64 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 312
Contre 0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

Prochaine séance mercredi 15 janvier 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 18 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 15 janvier 2020

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : M. Dominique de Legge - Mme Annie Guillemot

1. Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 30 à 20 h 30

Présidence : M. David Assouline, vice-président

2. Proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (n°154, 2019?2020)

3. Proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques, présentée par Mmes Monique Lubin, Nadine Grelet-Certenais, MM. Olivier Jacquin, Patrick Kanner, Jacques Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain (n°155, 2019?2020)

Analyse des scrutins

Scrutin n°64 sur l'ensemble de la proposition de loi modifiant la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises.

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 342

Suffrages exprimés : 312

Pour : 312

Contre :0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (71)

Pour : 71

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe LaREM (24)

Abstentions : 24

Groupe RDSE (23)

Pour : 17

Abstentions : 6 - M. Joseph Castelli, Mme Josiane Costes, MM. Éric Jeansannetas, Joël Labbé, Mme Françoise Laborde, M. Jean-Yves Roux

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 13

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1

N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier