Usages dangereux du protoxyde d'azote
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote.
Discussion générale
Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi . - Alertée par des élus locaux du Nord, j'ai constaté l'ampleur de l'usage détourné du protoxyde d'azote ou gaz hilarant chez les jeunes, et notamment dans l'espace public.
Parler de gaz hilarant semblerait être un sujet léger. Mais utilisé dans le champ médical pour ses qualités anesthésiantes et analgésiques et en matière culinaire pour les siphons de chantilly, ce produit également euphorisant est devenu le troisième psychotrope le plus utilisé et une porte d'entrée des jeunes vers l'usage de drogue.
Il y a un an, le rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) dénonçait la forte augmentation de cet usage et son irruption dans l'espace public, alors qu'il était auparavant l'apanage des technivals. Ce produit s'est banalisé depuis deux ans, et il fait fureur chez les jeunes, comme nouvelle drogue à la mode.
Dans les villes du Nord et d'ailleurs, les rues sont jonchées de cartouches vides. Le produit est vendu librement dans les supermarchés, les bureaux de tabac, sur internet, où il est un produit d'appel à prix modique - 30 centimes à 1 euro la cartouche - ou dans les bars de nuit et discothèques, vendu directement dans des ballons, de 3 à 5 euros pièce. Le phénomène d'addiction à ce produit psychoactif est facilité par le mode de commercialisation. Or c'est un problème sanitaire et de protection des mineurs.
Il est perçu comme récréatif, l'absence de visuel sur les emballages indiquant sa dangerosité conduit à le faire croire inoffensif. Il est désormais banal, revendu aux abords des lycées, voire des collèges.
Avec Frédéric Marchand, nous avons décidé de proposer ce texte aux sénateurs du Nord, puis aux autres sénateurs. Il a finalement été cosigné par 94 sénateurs, preuve que ce sujet est transpartisan.
Il s'agit de renforcer la prévention en amont au stade de la vente et de l'interdire aux mineurs. L'incitation à la consommation doit être considérée comme répréhensible pour répondre au contournement de l'acte d'achat et au business de la revente, y compris en associant ballons de baudruche et une quantité plus importante de gaz. Un visuel devra être apposé sur l'emballage pour informer sur le caractère dangereux de ce gaz.
La commission a maintenu le principe de ce double filtre en proposant d'utiles aménagements. Pour contrer l'image festive du protoxyde d'azote, il faut faire de la prévention sur les conséquences sanitaires de l'inhalation.
Le 6 février, je vous avais posé, monsieur le ministre, une question d'actualité sur le sujet et vous m'aviez dit que la réponse relevait de la prévention. J'aimerais désormais que le Gouvernement fasse évoluer sa position : l'action publique ne peut s'y limiter, sinon elle affiche son impuissance. Donnez un signal politique aux acteurs de terrain.
Pourquoi légiférer ? Parce que le problème fait irruption dans l'espace public, alertant maires et médecins. Dans une commune de la périphérie de Lille, 300 kilogrammes de cartouches ont été retrouvés en trois mois ! Dans 23 communes du Nord, 44 en France, il a fallu prendre des arrêtés municipaux pour en interdire la vente, mais ce n'est pas suffisant.
En outre, les conséquences sanitaires doivent nous alerter, à court et long terme. La dimension addictive du produit ne fait aucun doute et les effets secondaires peuvent être nombreux : brûlures, vertiges, détresse respiratoire, problèmes de vision, problèmes cardiaques... Une consommation excessive entraîne de graves effets psychologiques et neurologiques.
Depuis 2001, 36 décès lui sont liés au Royaume-Uni, 2 en France. Dix cas d'atteintes hématologiques graves ont été documentés.
Le MEOPA - le nom du mélange - est autorisé dans son usage médical, mais très encadré, et classifié en liste 1 comme stupéfiant. Tel n'est hélas pas le cas de l'usage domestique, qui ne fait l'objet d'aucune classification, alors que le produit utilisé est plus concentré. Il faut y remédier, comme les Pays-Bas viennent de le faire.
Ce texte constitue une première étape pour faire évoluer la réglementation. Nous nous interrogeons sur une interdiction plus large. La navette parlementaire sera aussi l'occasion d'échanger avec nos partenaires européens pour faire évoluer la réglementation.
Je remercie la rapporteure, Mme Jocelyne Guidez, pour son implication sur ce texte, ainsi que tous nos collègues signataires.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur Mme Buzyn, pour prendre le sujet à bras-le-corps. Qu'il soit un bel exemple de coproduction législative et une réponse aux demandes du terrain.
Mon amendement pourra faire l'objet d'améliorations dans la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et LaREM ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
J'ai découvert ce phénomène grâce à Mme Létard et à mes collègues du Nord. Passé l'étonnement, je me suis rappelé que la France était il y a quelques années championne de la consommation d'antidépresseurs, et détient le record de la consommation de cannabis...
Nous devons bien réfléchir avant de blâmer, prévenir, empêcher ou punir. La jeunesse a expérimenté l'usage de substances psychoactives à toutes les époques.
Ce type d'expérimentation concerne tous les adultes en devenir. Les propriétés du protoxyde d'azote ont été découvertes par un chimiste anglais à la fin du XVIIIe siècle, qui a lui-même développé son usage récréatif, et y est devenu dépendant à l'été 1799. Ce gaz fait l'objet d'un emballement nouveau depuis les années 1990 dans les milieux festifs alternatifs, puis plus largement depuis 2010.
Il est aisé de s'en procurer - y compris à la sortie des collèges - et son mode de consommation est simple. Légales, les cartouches coûtent moins d'un euro par pièce et des bonbonnes sont vendues à des prix modiques sur internet, la publicité affirmant même que les ballons de baudruche sont offerts avec la livraison ! Aucun doute n'est permis sur l'usage qui en sera fait !
Les effets du produit sont rapides. Il est plus discret d'en inhaler avant d'aller dîner avec ses parents ou rentrer en cours, plutôt que de fumer du cannabis. Il y a aussi un effet de mode, venu des pays anglo-saxons, des Pays-Bas ou de la Belgique, et au travers des réseaux sociaux.
Appelé à tort « gaz hilarant », ses effets n'ont pas de quoi faire rire, d'un point de vue physique comme psychique. Gaz froid, il provoque des brûlures. Il produit des distorsions visuelles et auditives, des vertiges. À la fin, des troubles d'anxiété, de panique, voire de modifications sensorielles. Sa consommation régulière peut créer des carences en vitamines B12 et ainsi abîmer la gaine de myéline des nerfs et conduire à des atteintes graves de la moelle épinière, voire une sclérose précoce. Certains cas graves ont été caractérisés. Huit cas graves ont été recensés à l'hôpital de Lille, dont cinq ont entre 18 et 20 ans, qui en inhalaient plusieurs centaines de cartouches par jour depuis un à trois mois.
Que faire ? Laisser passer la mode, faire confiance aux parents ou faire de la prévention ? Le Gouvernement a publié un communiqué de presse le 19 novembre, tandis que 49 communes en ont interdit la vente, du Nord à l'Hérault, en passant par la Seine-Saint-Denis. Les maires sont en première ligne. La commune de Loos, 22 000 habitants, récolte 100 kilos de cartouches chaque mois. Mais ces arrêtés sont territorialisés, donc faciles à contourner, et parfois fragiles juridiquement.
De plus en plus d'États - Croatie, Chypre, certains États américains et australiens, Corée du Sud - s'engagent dans la voie de l'interdiction. Hier, c'étaient les Pays-Bas. Au Royaume-Uni, on comptabilise 36 décès depuis 2001 en raison de cette substance.
La proposition de loi en interdit la vente aux mineurs et rend obligatoire un visuel sur les emballages pour rappeler sa dangerosité. On pourrait évidemment interdire totalement le produit, mais il n'existe aucune alternative dans le domaine culinaire. Et on ne peut pas interdire tout objet dont l'usage est détourné...
La commission des affaires sociales a créé un livre particulier dans le code de la santé publique.
Mme Valérie Létard. - Très bien !
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Elle a élargi l'article 2 pour prendre en compte toutes les substances psychoactives. Au Royaume-Uni, l'hélium tue quatorze fois plus que le protoxyde d'azote. Certes, les cas les plus graves concernent surtout de jeunes adultes. Mais c'est un problème de santé publique.
Nous ne voulons pas interdire le produit pour son utilisation courante, mais l'objectif est d'interdire la consommation du produit par les mineurs, comme c'est le cas pour l'alcool et le tabac, quand bien même l'application de la législation est périlleuse. Personne ne penserait à revenir sur l'interdiction de la vente de tabac ou d'alcool aux mineurs !
Cette proposition de loi n'est pas parfaite mais il faut faire un travail législatif. Pensez que l'usage médical du protoxyde d'azote, mélangé à de l'oxygène, classé comme stupéfiant, est extrêmement réglementé, alors qu'il est vendu pur en cartouches dans le commerce !
Nous aimerions que le Gouvernement participe à la construction de ce texte et permette son inscription rapide à l'Assemblée nationale. Il est urgent d'agir, tant comme élus locaux, parents et législateurs, pour endiguer ce phénomène. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM, SOCR et RDSE)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - La ministre des solidarités et de la santé est pleinement engagée dans la prévention et la lutte contre les addictions. Le ministère a pris un cap ambitieux en mars 2018 avec le Plan Priorité prévention, particulièrement destiné aux jeunes, qu'il s'agisse de produits illicites, de tabac ou d'alcool. Plus de 17,5 % des lycéens sont des fumeurs quotidiens, 16,7 % des usagers réguliers de l'alcool.
Depuis sa création en 1999, le dispositif de veille de l'OFDT témoigne d'un usage détourné du protoxyde d'azote : 2,3 % des 18-64 ans et particulièrement 3,1 % des jeunes de 17 ans avaient consommé un ou plusieurs produits à inhaler au cours de leur vie. Ce phénomène prend de l'ampleur avec le signalement de cas graves depuis le début de l'année. Une trentaine de signalements sont remontés aux centres d'addictovigilance. C'est donc un problème sanitaire.
Le Gouvernement partage donc l'objectif de ce texte de protection de la jeunesse et de lutte contre un détournement de l'usage des produits courants. Une semaine après ma nomination, vous m'interpeliez ; nous nous sommes revus depuis.
Je salue votre investissement et le travail mené par les parlementaires, en particulier ceux du Nord, sur le sujet. Dès le mois de mai, le Gouvernement a informé les préfectures et les différents acteurs pour explorer les pistes d'action. Le ministère a informé le grand public il y a quelques semaines et les agences régionales de santé (ARS) ont été saisies, pour faire de la prévention, aider au diagnostic, permettre une prise en charge rapide et un renforcement du signalement des cas.
Nous devons être lucides : l'interdiction à la vente aux mineurs ne suffira pas à elle seule à mettre fin à cette consommation, à l'instar du tabac ou de l'alcool - mais nous ne reviendrons pas sur ces dernières interdictions.
Or les principales victimes sont de jeunes adultes, une telle mesure aurait peu d'impact sur eux.
La proposition de loi initiale comportait un pictogramme, sur les cartouches mentionnant l'interdiction de la vente aux mineurs, renforcé en commission par une mention de la dangerosité du produit sur les conditionnements - le Gouvernement s'y rallie.
Cette question soulève celle du détournement de produits de consommation pour des usages psychoactifs, ce qui rend la réponse complexe. La commission des affaires sociales a souhaité durcir la répression de l'incitation commerciale au détournement des produits. C'est une bonne chose mais il faudra sécuriser juridiquement ce dispositif.
À côté de ces mesures normatives, nous devons continuer à travailler sur la prévention et informer des risques réels. Attention à ne pas faire de publicité en suscitant de la curiosité pour le produit et à ne pas se focaliser sur le seul protoxyde d'azote. Cela passe par l'école et les universités. Les consultations Jeune Consommateur totalement gratuites et confidentielles sont insuffisamment connues, de même que Drogue info services, qui permet de s'informer et échanger.
Notre souhait commun est bien d'agir devant ce problème sanitaire. Nous saluons l'initiative et veillerons à ce qu'elle soit une expérience de co-construction entre l'exécutif et le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. Joël Guerriau . - Saluons avant tout l'initiative de Valérie Létard. Depuis janvier 2019, 10 cas graves dont 8 dans les Hauts-de-France ont été reportés.
Le protoxyde d'azote, aussi appelé gaz hilarant, est l'agent volatil le plus ancien utilisé comme anesthésiant en pharmacopée. Ses propriétés ont été découvertes en 1799 par le chimiste anglais Humphry Davy. Il a d'abord constitué un progrès pour l'odontologie, mais il sert aussi à la pressurisation en cuisine ou dans le sport pour soulager les blessures.
Son prix d'achat est extrêmement modique, et ses effets hilarants ont été vantés sur les réseaux sociaux, développant un usage purement récréatif.
La consommation peut aller jusqu'à 200 cartouches par jour avec une action immédiate - fou rire et modification de la perception - et des effets très limités dans le temps. Les consommateurs sont souvent inconscients des dangers, notamment les brûlures de froid, le manque d'oxygène, l'irrégularité cardiaque ou la confusion mentale.
À plus long terme, des carences en vitamine B12 peuvent produire des dommages irréversibles sur le système nerveux central. Quelque 25 signalements d'effets sanitaires graves ont été remontés à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) depuis janvier. De nombreuses études convergent sur les séquelles : il y a 8 décès par an en Grande-Bretagne.
Plusieurs villes du Nord, comme Tourcoing fin septembre, ont interdit la vente de ce produit, que l'on retrouve en tas sur les trottoirs. Certains commerçants vendent les cartouches avec les ballons de baudruche pour l'inhaler.
La proposition de loi remaniée prévoit d'interdire la vente aux mineurs et de réprimer l'incitation à la consommation des mineurs - 1 500 euros d'amende et peine d'emprisonnement. Nous soutenons les dispositions protégeant les mineurs contre la banalisation de l'usage détourné de ce produit, notamment les mesures de prévention - information et apposition d'un pictogramme. Ce texte s'inscrit dans une volonté plus large de réglementer l'usage détourné des colles, solvants et médicaments codéinés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et RDSE)
Mme Brigitte Micouleau . - L'initiative de Valérie Létard a servi de déclencheur : le 15 novembre dernier, le ministère de la Santé a fait un point d'information sur l'augmentation du nombre de cas sanitaires graves à la suite d'un communiqué de l'association des centres d'addictovigilance du 5 novembre.
Le phénomène est d'autant plus grave qu'il touche des enfants de plus en plus jeunes, notamment des collégiens. On est loin du rire faussement associé à ce produit. Son usage est très surveillé en médecine, et il est inscrit sur la liste 1, « stupéfiant », lorsqu'il est mélangé avec de l'oxygène. Il est étonnant qu'il soit aussi facile d'en acheter. Il suffit de trois mots sur un moteur de recherches pour avoir une trentaine d'offres de vente sur la première page d'un site marchand grand public bien connu.
La responsabilité des fabricants et vendeurs devrait être engagée et la vente aux mineurs devrait être interdite.
Dépendance, risques psychiques et physiologiques, les risques sont nombreux. Ce n'est pas que dans les Hauts-de-France que ce phénomène prend de l'ampleur : à Montpellier et à Toulouse, de nombreux cas sont signalés - je salue l'action de la gendarmerie de Haute-Garonne, qui mène de nombreuses opérations de prévention.
Nous assistons à deux phénomènes nouveaux : la jeunesse de plus en plus grande des consommateurs et la répétition, voire la chronicisation de l'usage, avec d'importants risques.
Finissons-en avec ce qualificatif de gaz hilarant, qui le considérerait comme faussement inoffensif. Je voterai ce texte précurseur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, RDSE, et LaREM ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme Corinne Féret . - Cosigné par 94 sénateurs de toutes les travées, ce texte répond à un problème majeur. Utilisé dans le domaine médical et en pâtisserie, le protoxyde d'azote est facilement accessible et peu onéreux : un euro la cartouche, ce qui en explique la popularité. Son surnom de « gaz hilarant » lui donne une image positive, d'autant plus qu'il est légal.
Pourtant, la mutuelle étudiante Smerep le classait comme la troisième drogue consommée par les étudiants après le cannabis et les poppers. Aucun visuel n'alerte sur sa dangerosité. Or il a des effets nocifs majeurs, immédiats ou à plus long terme, surtout en cas de consommation à fortes doses. L'association à d'autres produits comme l'alcool en accentue la gravité.
En France, 25 cas d'effets importants ont été signalés, donc dix cas graves, comme la paralysie de membres. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, où son usage est plus ancien, le protoxyde d'azote tue. De plus en plus d'États l'interdisent ou en restreignent l'usage. Il faut débanaliser une pratique qui n'a rien d'hilarante, mais on ne peut l'interdire totalement car son usage médical est indispensable.
Aujourd'hui, comme trop souvent, ce sont les maires qui sont en première ligne. Ils doivent prendre des arrêtés, mais ils ne s'appliquent que si la force publique constate les infractions.
Dès 1998, Bernard Kouchner, alors secrétaire d'État, s'interrogeait sur la restriction de sa vente aux seuls industriels.
La mesure phare de la proposition de loi est l'interdiction de la vente aux mineurs. Les industriels devraient faire mention de la dangerosité du produit. L'incitation à la consommation détournée serait réprimée. Tout cela va dans le bon sens.
Sénateurs socialistes, mais également parents ou élus locaux, nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC)
Mme Véronique Guillotin . - Le protoxyde d'azote est connu depuis les années 1800 et utilisé en cuisine dans les siphons et en médecine pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques.
Malheureusement, certains détournent son usage pour des effets psychoactifs. Il rejoint alors la longue liste des addictions avec des symptômes classiques : distorsions visuelle et auditive, désinhibition, puis une phase de déclin accompagnée d'anxiété, voire de panique, sans compter les brûlures et l'asphyxie.
Il affecte la santé des consommateurs, et en cas de consommation chronique, cause des troubles neurologiques parfois irréversibles. Il n'est pas justifié de le nommer gaz hilarant. Les élus municipaux sont démunis notamment dans les Hauts-de-France : leurs arrêtés ne résolvent rien.
Les pouvoirs publics sont impuissants en raison de sa facilité d'accès. N'importe qui peut en acheter au moindre coût et sa consommation, au contraire de celle du cannabis avec son odeur caractéristique, ne laisse aucune trace pouvant être identifiée par les parents.
Il y a une méconnaissance totale sur ses effets délétères pour la santé. Les communiqués de presse ne suffisent plus. Je regrette la baisse du budget de la prévention contre les addictions.
Première vertu de cette proposition de loi, elle alerte le grand public - on voit les premiers effets de cette proposition de loi dans les médias. (Mme Valérie Létard approuve.)
L'interdiction de la vente aux mineurs ne résoudra pas tout d'un coup de baguette magique. La répression de l'incitation au mésusage pénalisée de 15 000 euros d'amende, devrait en faire réfléchir plus d'un - et pourra servir contre d'autres produits détournés. L'imagination est sans limite pour inventer de nouvelles drogues.
Le groupe RDSE soutient cette proposition de loi et salue le travail de l'auteure et de la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, Les Indépendants, LaREM et UC ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. Frédéric Marchand . - L'Assemblée nationale vient d'entamer l'examen du projet de loi sur l'économie circulaire. Or la cartouche de protoxyde d'azote a une vertu, elle se recycle parfaitement. Une maire de mon département le mesure chaque jour davantage ; mais le phénomène n'est plus confiné au Nord. Il se retrouve dans de nombreuses agglomérations françaises et dans des zones moins denses.
Ce texte a été cosigné par tous nos collègues nordistes, et même plus largement par des sénateurs venant de tous horizons politiques et géographiques.
Le protoxyde d'azote est utilisé en cuisine ou à l'hôpital - mais on ne fait ni chantilly, ni opérations chirurgicales dans la rue... Or la consommation de cartouches peut être massive. Le docteur Goldstein, du CHU de Lille, fait état de répercussions sur le système neurologique, le cerveau et la moelle épinière. Et la cartouche ne coûte que 50 centimes l'unité !
Le centre d'addictovigilance de Lille a été saisi de huit cas graves ; cinq autres sont en cours d'examen. Au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les ravages sont pires encore, avec de nombreux morts.
Il est temps d'en finir avec ce gaz dit hilarant, sans laisser les maires en première ligne. Prévenir des dangers ne suffit pas : il faut légiférer pour empêcher la prolifération du phénomène. Pour les jeunes, c'est un acte banal, sans conséquences, qui ouvre la porte à la consommation d'autres produits stupéfiants.
Le texte a été aménagé en commission ; merci à mes collègues de leur engagement. Les mesures votées permettront d'enrayer la spirale infernale et ses conséquences catastrophiques sur la santé de nos jeunes.
Le Sénat a fait oeuvre utile, même si ce texte ne suffira pas à éradiquer le phénomène. À l'Assemblée nationale de s'en saisir : deux propositions de loi sur le sujet y ont été déposées en janvier et septembre.
Monsieur le ministre, je sais que vous partagez notre volonté d'apporter une réponse opérante et simple.
Le groupe LaREM votera ce texte car il faut tout mettre en oeuvre pour lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, UC et sur quelques travées du groupe SOCR)
Mme Valérie Létard. - Très bien !
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Dans les Hauts-de-France, le protoxyde d'azote est consommé dès le plus jeune âge et dans l'espace public. Alerté par les acteurs et les élus locaux, Ugo Bernalicis a déposé une première proposition de loi en janvier 2019, suivie le 5 avril par Mme Létard avec ce texte, dont Éric Bocquet est cosignataire.
Jusqu'ici cantonné aux teknivals, le protoxyde d'azote s'est diffusé, entraînant des conséquences parfois graves sur le système nerveux et la moelle épinière : huis cas sévères ont été signalés.
À la Madeleine, à Wattrelos, à Nîmes, à Aulnay-sous-Bois, à Pont-Sainte-Maxence, les municipalités ont pris des arrêtés interdisant la vente aux mineurs. Cette drogue du pauvre est consommée par des jeunes trafiquants, par des personnes prostituées ou précaires, par des collégiens et lycéens. À Arras, Valenciennes, Amiens ou Saint-Omer, des centaines de cartouches jonchent les trottoirs.
Une grande campagne d'information s'impose. L'ARS des Hauts-de-France est demeurée sourde aux alertes des élus locaux. Ce n'est que le 19 novembre 2019 qu'a été débloqué un fonds d'urgence ; mais 200 000 euros, pour 1,2 million de collégiens et lycéens, cela revient à 16 centimes par élève. Il y a urgence à agir pour protéger nos enfants.
Les professionnels de santé s'opposent à des mesures exclusivement répressives, qui reportent la consommation sur des drogues plus fortes. Il faut une politique de prévention et de réduction des risques, dans une démarche positive et non stigmatisante.
Le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes SOCR, UC, LaREM et RDSE)
Mme Catherine Fournier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi cosignée par 94 collègues de tous bords vise une pratique aux conséquences graves qui touche nos jeunes dans les Hauts-de-France mais aussi les grandes villes universitaires : l'usage détourné du protoxyde d'azote.
L'usage festif de ce produit se répand dans les soirées « proto » des étudiants en médecine et dans les lycées. L'effet euphorisant fugace incite à une consommation à outrance. Coupé avec de l'oxygène, dans le champ médical, on l'appelle MEOPA. Anesthésiant et euphorisant, son usage est strictement encadré - stockage sécurisé et déclaration obligatoire en cas de vol - mais pas celui du protoxyde d'azote pur.
Ce sont les élus, inquiets du volume de cartouches vides sur la voie publique, qui nous ont alertés. À Loos, 21 000 habitants, une centaine de kilos de cartouches sont envoyés chaque mois au recyclage. Les maires demandent des moyens légaux pour lutter contre ce phénomène.
Or la pratique est sous-estimée par les autorités sanitaires. Le Gouvernement était réticent à légiférer sur un produit unique, mais la commission a modifié le texte en conséquence.
Le rapport de Mme Guidez signale huit cas graves de sclérose de la moelle ou encore de paraplégie flasque. Au Royaume-Uni, 36 personnes sont mortes depuis 2001 ; aux États-Unis, c'est quinze par an. En octobre 2018, le jeune Yohan en est décédé à Lacroix-sur-Meuse. Il faut agir avant que le bilan ne s'alourdisse encore.
Les cartouches coûtent rarement plus d'un euro pièce ; en ligne, on vend des bonbonnes à prix cassé, avec des ballons de baudruche. La dose peut revenir à 35 centimes d'euros...
Interdire n'est pas la bonne solution d'autant que le protoxyde n'a pas de substitut pour son usage domestique, et qu'il sera facile de s'en procurer en Belgique, aux Pays-Bas ou sur internet. La solution est européenne. Cette proposition de loi apporte une série de solutions pragmatiques et d'application rapide.
Le groupe UC le votera, en comptant sur le Gouvernement pour le faire prospérer à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme Chantal Deseyne . - L'usage détourné du protoxyde d'azote observé depuis 1999 était confiné jusqu'en 2015 aux free parties ou aux teknivals. Depuis, il se banalise.
Facilement accessible sur internet, pour une somme modique, il est aussi utilisé pour potentialiser ou moduler les effets d'autres produits consommés. Il est aussi proposé dans les bars et boîtes de nuit. L'OFDT souligne une visibilité accrue dans l'espace public, en particulier dans la métropole lilloise.
Les consommateurs ? Habitués de free parties, collégiens et lycéens, trafiquants de drogue, prostituées. Un public jeune, voire très jeune, alors que les dangers sont mal connus. On relève pourtant des risques de séquelles neurologiques, d'atteintes de la moelle épinière, de troubles graves du rythme cardiaque pouvant entraîner la mort.
Il est donc justifié de légiférer pour protéger la population, et notamment les mineurs. L'article 2 pénalise l'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante. C'est pertinent.
Le texte, équilibré, impose également aux industriels d'indiquer sur l'emballage la dangerosité du produit, et accompagne la politique de prévention menée à l'école.
L'interdiction de la vente aux mineurs ne suffira pas, et j'appelle le Gouvernement à lancer une grande campagne d'information en direction des plus jeunes. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes SOCR et RDSE)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Marchand, Daubresse et Decool, Mme M. Filleul, M. Wattebled, Mme C. Fournier, MM. Rapin et Dagbert, Mme Billon, M. Bonhomme, Mme Blondin, MM. Brisson et Bazin, Mme Van Heghe, M. Canevet, Mme Doineau, MM. Bonnecarrère et Détraigne, Mmes de la Provôté, Dindar et Férat, M. Chasseing, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Capo-Canellas, Delcros, Duplomb, Guerriau, Fichet et Vaugrenard, Mme Vermeillet, M. Tourenne, Mmes Saint-Pé, Perrot et Micouleau, MM. Marseille et Panunzi, Mme Gruny, M. Moga, Mme Noël et MM. Menonville, P. Martin, Luche, Gabouty, Grand, Longeot et Lefèvre.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
un mineur
par les mots :
une personne
Mme Valérie Létard. - Les cas les plus graves concernent de jeunes majeurs, souvent dans un cadre festif. Je propose donc de remplacer la mention « un mineur » par « une personne » pour incriminer toutes les incitations aux usages détournés, y compris visant des jeunes majeurs. La navette parlementaire devra affiner juridiquement le texte et faire évoluer la réglementation, mais il est important de ne pas rater la cible ! (Mme Victoire Jasmin approuve.)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Le commerce de ce gaz en milieu festif, dans les bars et discothèques, auprès d'un public jeune qui en ignore les effets nocifs, est un vrai problème. Toutefois, sans l'argument de la protection des mineurs, il paraît difficile de réprimer la provocation à faire quelque chose qui n'est pas interdit... Nous nous heurtons aux limites de ce que peut faire le législateur tant que le protoxyde d'azote n'est pas rangé dans la catégorie des substances dangereuses ou des stupéfiants. Que dit le Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je salue l'investissement de Mme Létard sur ce sujet et le travail de la rapporteure.
Les jeunes majeurs sont évidemment concernés par le phénomène, mais le délit d'incitation est indissociablement lié à l'interdiction de la vente aux mineurs. Il n'y a pas de base légale à pénaliser l'incitation à consommer un produit qui, lui-même, n'est pas illégal. Retrait ou avis défavorable.
Je m'engage à travailler sur le sujet au cours de la navette avec les services du ministère de la Santé et du ministère de l'Économie afin d'élaborer un dispositif opérant qui donne satisfaction.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Même avis donc.
Mme Valérie Létard. - C'est un débat constructif. Monsieur le ministre, vous vous engagez à ce que la navette soit l'occasion de développer l'arsenal réglementaire. L'impact sur les jeunes majeurs est de plus en plus préoccupant, disent les professionnels de santé.
La réglementation doit évoluer, y compris au niveau européen : il faut réguler la consommation du protoxyde d'azote pur, et punir l'incitation à usage détourné, dans les lieux publics en particulier. C'est indispensable.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Deseyne, M. D. Laurent, Mme Gruny, MM. Bascher et Gremillet, Mmes Deroche, Morhet-Richaud et Berthet, MM. Allizard et Morisset, Mme Noël, MM. Bonne, Laménie, Rapin et Vaspart, Mmes Ramond et L. Darcos, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Puissat, M. Bazin, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Kennel, Bouchet, Le Gleut, Poniatowski, Mouiller et Dufaut et Mmes Boulay-Espéronnier et Delmont-Koropoulis.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L... - L'incitation d'une personne en état d'ivresse à inhaler ou à absorber du gaz protoxyde d'azote, même non suivie d'effet, est punie d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende en cas d'incitation faite à un mineur.
Mme Chantal Deseyne. - Cet amendement interdit le fait d'inciter des majeurs en état d'ivresse à consommer du protoxyde d'azote. Il aggrave les peines prévues par la proposition de loi en cas d'incitation sur mineur, en les doublant lorsque la victime est sous l'empire de l'alcool.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Là encore, difficile de pénaliser l'incitation à un usage d'un produit légal, sans l'argument de la protection des personnes vulnérables. Pourquoi d'ailleurs ne viser que l'alcool, et pas d'autres produits ? Retrait ou avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable pour les mêmes raisons.
L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Marchand, Daubresse et Decool, Mme M. Filleul, MM. Wattebled et Dagbert, Mme C. Fournier, M. Rapin, Mme Billon, M. Bonhomme, Mme Blondin, MM. Bonnecarrère, Brisson et Bazin, Mme Van Heghe, M. Canevet, Mme Doineau, M. Détraigne, Mmes de la Provôté et Dindar, M. Chasseing, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Capo-Canellas, Delcros et Duplomb, Mme Férat, MM. Guerriau, Fichet et Marseille, Mme Micouleau, M. Panunzi, Mme Gruny, M. Moga, Mme Noël, MM. Menonville, P. Martin et Luche, Mme Perrot, MM. Gabouty, Grand, Longeot, Lefèvre et Vaugrenard, Mme Vermeillet, M. Tourenne et Mme Saint-Pé.
Après les alinéas 8 et 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La violation de l'interdiction prévue au premier alinéa est punie de 3 750 € d'amende.
Mme Valérie Létard. - Pour rendre le dispositif opérant, il convient d'assortir l'infraction de l'interdiction de vente aux mineurs d'une peine d'amende de 3 750 euros.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Avis favorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°5 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Létard, M. D. Laurent, Mme Gruny, MM. Bascher et Gremillet, Mmes Deroche, Morhet-Richaud et Berthet, MM. Allizard et Morisset, Mme Noël, MM. Bonne, Laménie, Rapin et Vaspart, Mmes Ramond et L. Darcos, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Puissat, M. Bazin, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Kennel, Bouchet, Le Gleut, Poniatowski et Mouiller, Mme A.M. Bertrand, MM. Sido et Dufaut et Mmes Boulay-Espéronnier et Delmont-Koropoulis.
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également interdit de vendre ou d'offrir gratuitement du gaz protoxyde d'azote, y compris à une personne majeure, dans les lieux de vente ou de distribution de boissons des groupes 3 à 5 définis à l'article L. 3321-1.
Mme Valérie Létard. - Cet amendement interdit la vente et la distribution de gaz protoxyde d'azote dans les débits de boissons. En effet, de plus en plus de bars et d'établissements de nuit en proposent gratuitement ou à la vente.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°8 à l'amendement n 1 rectifié de Mme Imbert, présenté par Mme Deseyne.
Amendement n°1, alinéa 3
Supprimer les mots :
, y compris à une personne majeure,
Mme Chantal Deseyne. - Compte tenu des observations de la commission, ce sous-amendement restreint l'interdiction de vente et de distribution dans les débits de boissons aux seuls mineurs.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°7 à l'amendement n°1 rectifié de Mme Imbert, présenté par Mme Deseyne.
Amendement 1, alinéa 3
Remplacer les mots :
vente ou de distribution
par le mot :
consommation
Mme Chantal Deseyne. - Celui-ci restreint l'interdiction aux seuls débits de boissons. En effet, la rédaction de l'amendement n°1 rectifié ter rend l'interdiction applicable aux commerces de détail alimentaire.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - L'amendement n°1 rectifié ter est très large : il englobe aussi les supermarchés. Une interdiction générale risque de se heurter au droit européen.
Le sous-amendement n°8, à la rédaction quelque peu ambiguë, est satisfait par le texte qui interdit la vente aux mineurs.
Le sous-amendement n°7 est trop imprécis pour être opérant. L'interdiction de vente d'un produit restant légal est difficilement compatible avec le droit européen. Avis du Gouvernement.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je suis en phase avec l'analyse de la commission. L'amendement n°1 rectifié ter est trop large, et inclurait des lieux de vente qui ne devraient pas être concernés. Retrait ou avis défavorable.
Le sous-amendement n°8 est satisfait dans son esprit par l'article 2 : retrait. Et le sous-amendement n°7 pose des problèmes rédactionnels mais se rapproche de l'objectif visé. Sagesse.
Mme la présidente. - Il y a une contradiction à donner un avis de sagesse à un sous-amendement modifiant un amendement auquel vous avez donné un avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je donne un avis de sagesse à l'amendement n°1 rectifié ter s'il est sous-amendé.
M. François Bonhomme. - Je soutiens cet amendement. Monsieur le ministre, je ne sens pas chez vous une forte volonté de juguler le phénomène. Pourtant, l'Observatoire des drogues et la Mildeca nous ont alertés. Vous prônez le renforcement de l'information, mais les étudiants en médecine qui utilisent ce produit sont informés, tout de même ! Curieuse approche que de ne rien faire de peur de renforcer le caractère transgressif de cette pratique... La loi doit rappeler des principes et marquer des interdictions. Le ministère de la santé que vous représentez doit anticiper les effets sanitaires à venir, qui risquent d'être terribles.
Le sous-amendement n°8 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°7 est adopté.
L'amendement 1 rectifié ter, sous-amendé, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par Mme Guidez, au nom de la commission.
Alinéa 18
Supprimer la mention :
Art. L. 3631-2. -
L'amendement rédactionnel n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme Victoire Jasmin. - Je tiens à remercier Mme Létard et tous les cosignataires de ce texte, car j'ignorais le mésusage du protoxyde d'azote. Je souhaite que ce produit soit reconnu en toxicologie et qu'un pictogramme spécifique signale sa dangerosité.
Dans la période festive où nous entrons, on risque de voir se répandre le phénomène, au sein même des familles. Les parents ne sont, en effet, pas forcément au courant de la nocivité du produit.
Monsieur le ministre, utilisez toutes les possibilités dont vous disposez pour renforcer l'information des familles et, via les rectorats, des élèves et des enseignants. Je remercie à nouveau Mme Létard pour son initiative.
Mme Valérie Létard. - (L'oratrice montre une capsule de protoxyde d'azote.) Ces capsules jonchent les rues de nos communes et deviennent des projectiles dangereux quand elles passent sous les roues des voitures.
Ce débat est un coup de projecteur sur la dangerosité du produit. Bien des parents ne connaissent pas les incidents graves que peut entraîner la consommation de ce gaz hilarant qui porte bien mal son nom. Le Sénat montre qu'il sait dépasser les clivages quand il s'agit de l'intérêt général. Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance : saisissez la navette pour réglementer le protoxyde d'azote au même niveau que le MEOPA et trouvez le moyen de cibler les jeunes majeurs. Sans quoi les ventes se multiplieront et les pratiques dévoyées fleuriront. Il faut aller au bout pour combattre ce phénomène. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
L'article 2, modifié, est adopté.
Les articles 2 bis, 2 ter et 3 sont successivement adoptés.
L'article 4 demeure supprimé.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes Imbert et Deseyne, M. D. Laurent, Mme Gruny, MM. Bascher et Gremillet, Mmes Deroche, Morhet-Richaud et Berthet, MM. Allizard et Morisset, Mme Noël, MM. Bonne, Laménie, Poniatowski, Le Gleut, Bouchet et Kennel, Mmes Deromedi et Micouleau, M. Bazin, Mme Puissat, MM. B. Fournier et Lefèvre, Mme Bruguière, M. Cambon, Mmes L. Darcos et Ramond et MM. Vaspart et Rapin.
Supprimer les mots :
les mineurs
Mme Chantal Deseyne. - C'est un amendement de conséquence des deux sous-amendements que j'ai défendus tantôt.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - La proposition de loi vise essentiellement à protéger les mineurs. Retrait ou avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Sagesse car, sur le fond, le problème concerne également les jeunes majeurs, comme l'a signalé Valérie Létard.
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
Interventions sur l'ensemble
Mme Catherine Fournier . - Je salue Valérie Létard, auteure de ce texte, ainsi que les 94 cosignataires. Je remercie aussi la rapporteure pour les précisions rédactionnelles et les sécurisations juridiques qu'elle a apportées. Elle a su s'engager pour défendre ce texte, qu'elle s'est approprié.
J'espère que le Gouvernement ne manquera pas de soutenir cette proposition de loi pour une adoption conforme à l'Assemblée nationale. Je souhaite aussi que la Commission européenne soit rapidement saisie sur le fondement de la directive 2015-1535 pour que le texte entre rapidement en vigueur. La réactivité est la clé de l'efficacité !
Le MEOPA est strictement réglementé, mais pas le protoxyde d'azote pur. Or il y a urgence, face à l'enjeu de santé publique. Je le rappelle, huit cas graves ont été enregistrés. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. François Bonhomme . - Le gaz hilarant ne fait plus rire personne. Ce texte met en lumière la gravité d'un phénomène relativement nouveau. Les parlementaires ont saisi le Gouvernement, que je m'étonne de voir réticent à modifier la loi.
Cette substance est d'autant plus dangereuse qu'elle a un aspect festif. Dans les Hauts-de-France ou en Occitanie, les soirées au protoxyde d'azote se finissent parfois très mal. On ne peut plus prendre le sujet à la légère, en espérant que la mode passe...
Monsieur le ministre, les réponses ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. On ne peut se contenter d'informer les préfectures et les ARS alors que les jeunes sont à deux clics d'une livraison par Amazon à moins de 10 euros, cartouches, bonbonnes et ballons de baudruche inclus !
Nous sommes loin des usages culinaires ou médicaux, ne soyons pas naïfs ! Il faut être en alerte totale, car le problème va empirer. J'attends du ministère anticipation et réactivité.
M. Guillaume Arnell . - Vous nous avez éclairés sur un phénomène que nous étions nombreux à ignorer mais qui risque de s'étendre à tous les territoires.
Mais le Gouvernement ne peut pas répondre à tous les problèmes. Il nous appartient aussi de jouer notre rôle, particulièrement en matière d'information et de sensibilisation. Ce genre de proposition de loi a surtout une fonction d'appel.
La jeunesse trouvera toujours de nouvelles formes d'addiction ; sachons être en alerte permanente pour la protéger. Le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et LaREM)
M. Jérôme Bignon . - Je m'associe aux félicitations adressées à Mme Létard pour cette initiative heureuse. Le grand-père que je suis ne peut qu'être sensible et soutenir un texte qui protège la jeunesse. Il y a urgence à légiférer !
Faisons en sorte qu'il soit adopté le plus rapidement possible à l'Assemblée nationale. Imaginez si un drame était causé par ce poison dans les semaines ou les mois à venir... Nous serions rouges de confusion. Il faut convaincre un groupe politique de l'Assemblée nationale d'inscrire ce texte dans sa niche. Je vous y aiderai si nécessaire, madame Létard. Nous voterons ce texte. (Applaudissements)
M. Frédéric Marchand . - Je salue le très beau travail de co-construction accompli autour de ce texte. Les parlementaires ont tendu la main, le Gouvernement a été réceptif.
Le Gouvernement s'est engagé à mettre à profit la navette pour apporter des réponses concrètes à ce sujet de santé publique. Je me félicite que le Sénat ait fait oeuvre utile, car le phénomène n'est plus localisé dans le Nord, mais s'étend à Bordeaux, Marseille, Strasbourg, Nantes... (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et UC)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure . - Monsieur Bonhomme, le phénomène date du XVIIIe siècle ; il a pris de l'ampleur depuis 2017.
M. François Bonhomme. - Je parlais de l'usage détourné !
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Cette proposition de loi n'a rien d'anodin, même si initialement nous ne mesurions pas forcément l'ampleur du phénomène que nous croyions cantonné dans le Nord. Il y a eu, initialement, quelques sourires.
Le texte cible les mineurs, mais il faudra aussi viser les adultes. J'attends du Gouvernement que nous avancions ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM et RDSE)
Mme Valérie Létard . - Je remercie à nouveau la rapporteure qui a accepté de se déplacer longuement sur le terrain, dans un calendrier restreint. Elle a pu constater la réalité du phénomène. Les cartouches dans les rues ne sont que la partie émergée de l'iceberg ! (Applaudissements)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . - À mon tour de féliciter Mmes Létard et Guidez, et les parlementaires du Nord, dont M. Marchand. Cette proposition de loi, dont je salue le caractère transpartisan, n'a rien d'anodin.
Le Gouvernement a pris la pleine mesure du sujet. Je salue votre volonté de construire un texte opérant et reposant sur des bases légales solides. Oui, nous notifierons ce texte à la Commission européenne dès qu'il sera finalisé. Je m'engage à nouveau à ce que nous travaillons dans la navette sur l'extension du dispositif aux majeurs, en actionnant divers leviers.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Mme la présidente. - Belle unanimité ! (Applaudissements)
La séance est suspendue pour quelques instants.