Économie circulaire (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
Discussion générale
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Les Grecs nommaient Kairos l'art de saisir l'occasion et de prendre une décision au bon moment. Nous y sommes, c'est le moment d'agir, à l'heure où le péril climatique menace la planète. Il est temps d'avancer résolument d'une société de l'excès vers une société où chacun peut mieux vivre, se déplacer, se loger, se nourrir, avoir un emploi qui ait du sens, une société où la prospérité passe par le bien-être de la planète.
Or ce XXIe siècle traverse une double crise, sociale et environnementale. Crise sociale, car la mondialisation économique s'est accompagnée d'inégalités sociales croissantes, excluant nombre de Français de ses bénéfices ; environnementale, car nul n'ignore plus la destruction accélérée de la biodiversité et la hausse des émissions de gaz à effet de serre. C'est pourquoi la transition écologique ne pourra réussir que si elle contribue à la résorption de la crise sociale. J'ai la conviction que ce texte en est un instrument. La transition écologique ne sera acceptée par nos concitoyens que si elle est créatrice de richesses, d'emplois, de pouvoir d'achat, de mieux vivre partout sur nos territoires.
Ce projet de loi arrive à un moment particulier, après une crise née du rejet d'une fiscalité écologique pesant sur les ménages modestes, mais aussi alors que nous assistons à une mobilisation sans précédent de la jeunesse en faveur du climat (M. François Bonhomme s'exclame.) et d'une prise de conscience des enjeux écologiques.
Les Français exigent des moyens pour agir contre le gaspillage des ressources de la planète, de nouveaux modes de consommation et d'alimentation, une meilleure répartition des efforts : une société dans laquelle chacun a le pouvoir de faire, comme le dit Amartya Sen.
Ils nous demandent d'en finir avec le capitalisme de surconsommation presque vorace, de passer d'une société du tout-jetable à une société économe, du tout-réutilisable.
Mettre la préservation des ressources naturelles au coeur de notre système productif, cela suppose de supprimer les emballages inutiles, d'encourager le réemploi, la réparation et, en dernier recours, le recyclage. L'économie circulaire, c'est l'économie du XXIe siècle.
Il y a une voie médiane entre croissance et décroissance.
Cette loi vise à donner aux Français les moyens de consommer autrement. Nous nous attaquons à la réduction de toutes les formes de gaspillage. Je n'ai pas peur de le dire, les déchets sont ma passion. (On s'amuse à droite.) Comme le disait Marcel Mauss, un auteur qui m'est cher, c'est en fouillant un tas d'ordures que l'on peut savoir tout d'une société.
Après un XXe siècle qui a vu proliférer les produits à usage unique, nous devons construire un XXIe siècle qui sera celui de la consommation sobre, des produits de qualité faits pour durer, réutilisables, réparables et recyclables en fin de vie. Nos gestes quotidiens doivent devenir vecteurs de lien avec la nature, non plus de saccage absurde.
En France, on produit cinq tonnes de déchets par an et par personne, dont 600 kilos de déchets ménagers et 700 kilos de déchets des entreprises. C'est autant pour le seul secteur du bâtiment. Quelque 200 millions de bouteilles en plastique sont jetées dans la nature chaque année et seuls 26 % de nos déchets plastiques sont recyclés. Trente ans après la loi de 1992, nous continuons de déverser nos déchets dans des décharges saturées quand ce n'est pas dans des dépôts sauvages, ou à les envoyer à l'étranger...
Les Français attendent une réconciliation entre le social et l'écologique, entre développement économique et protection de l'environnement. Ce texte répond aux enjeux environnementaux, en réduisant la consommation de ressources naturelles. Avec ce texte, nous entrons dans l'ère du post-plastique. Les producteurs seront tenus de lutter contre le suremballage, de respecter des objectifs chiffrés de réemploi...
Je vous rassure, aucune consigne pour recyclage ne pourra être installée sans accord des élus locaux. Le recyclage n'est pas une fin en soi, mais c'est une solution pendant la phase de transition : en recyclant, on réduit l'importation de pétrole et les émissions de CO2 : 100 % de plastique recyclé équivaudrait à éviter autant d'émissions que la fermeture des quatre dernières centrales à charbon en France. Ce projet de loi est donc crucial pour aller vers la neutralité carbone en 2050, conformément à l'accord de Paris.
Un mot des enjeux en termes d'emploi et de développement économique. Recycler ou réparer une tonne de déchets permet de créer dix fois plus d'emplois que de l'enfouir. On estime qu'il y a un gisement de 300 000 emplois supplémentaires, non-délocalisables, notamment dans l'économie sociale et solidaire, tandis qu'en renforçant le made in France on renforce notre indépendance économique, industrielle et politique. On ne peut d'un côté taxer le carbone pour être moins dépendants des pays producteurs de pétrole et de l'autre, laisser les ressources nécessaires à la transition écologique aux mains des pays asiatiques...
C'est donc avec autant d'ambition que d'humilité que je suis devant vous aujourd'hui. Ambition car, comme le Morel de Romain Gary, nous ne savons pas désespérer. Humilité, car je sais que ce combat est ancien, que chaque jour les élus locaux luttent contre les déchets, parfois au péril de leur vie. J'ai évidemment une pensée pour Jean-Mathieu Michel, le maire de Signes, dont la mort nous rappelle collectivement à nos responsabilités.
Les élus locaux sont en première ligne de la transition écologique et solidaire, et ce texte est pour eux. Je m'inscris dans la continuité de trente années de politiques publiques - responsabilité élargie des producteurs dès 1975, création du bac jaune, éducation au geste de tri, centres de collecte et de recyclage. L'action de la France est reconnue. Et je veux saluer les élus, avec lesquels j'ai beaucoup travaillé. Mais il faut aller plus loin. Les Français attendent l'excellence, un grand pas en avant, celui qui nous fera passer de 26 % d'emballages plastiques recyclés à 90 % comme l'exige l'Union européenne.
Ce projet de loi est le fruit d'une concentration longue de 18 mois avec l'ensemble des acteurs au cours de plus d'une centaine de réunions, deux consultations en ligne du public, en plus du grand débat. Il tire l'expérience de la feuille de route de l'économie circulaire mise en oeuvre dès avril 2018.
Je remercie les parlementaires et en particulier les sénateurs de leur travail à cette occasion. Ce projet de loi, nous l'avons co-construit.
Les déchets sont la ressource territoriale par excellence, il était donc logique, évident, que le Sénat soit saisi en premier d'un texte pensé dans l'intérêt des collectivités territoriales et des territoires.
Ce projet de loi organise un transfert massif de charges des collectivités vers les filières économiques émettrices de déchets. L'extension du périmètre des filières pollueur-payeur, des filières de responsabilité élargie du producteur, les mesures contre les dépôts sauvages représentent au total un gain de 500 millions d'euros par an pour les collectivités.
Aujourd'hui, la gestion des dépôts sauvages coûte entre 340 millions d'euros et 420 millions d'euros aux collectivités territoriales - sans parler de la charge psychologique. La seule prise en charge des déchets du bâtiment coûte 100 millions d'euros par an ; c'est aussi plusieurs millions d'euros pour celle des lingettes imbibées, 10 millions d'euros pour les jouets, 30 millions d'euros pour les produits chimiques, 6 millions d'euros pour les mégots, 14 millions d'euros pour les articles de sport, 5 millions d'euros pour les articles de bricolage...
L'objectif est de transférer la charge des collectivités vers les industriels et d'alléger la poubelle de nos concitoyens.
Comme je l'avais annoncée après la mort du maire de Signes, une réunion s'est tenue le 5 septembre avec les acteurs du bâtiment et les associations d'élus. Certains d'entre vous étaient là. Un consensus s'est dégagé autour du principe de la reprise gratuite des déchets du bâtiment dès lors que ceux-ci ont été triés au préalable, avec une étude de préfiguration sous l'égide de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise des énergies (Ademe), un système de traçabilité ainsi qu'un observatoire national de la gestion des déchets. Le maillage territorial des déchetteries sera renforcé, en collaboration avec les élus.
Les collectivités territoriales qui résorbent leurs décharges sauvages bénéficieront d'une exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
Plus structurellement, les responsabilités élargies des producteurs (REP) sont l'instrument d'une croissance économique sur les territoires et d'une réindustrialisation. Dès lors que le déchet n'est ni brûlé ni enfoui, il devient une ressource.
Certes, il faut réduire le plastique à la source, mais le gisement d'emplois dans le recyclage est énorme, local et non-délocalisable.
Il faut lutter contre l'obsolescence programmée, créer des filières de réparation et d'économie de la fonctionnalité sur les territoires. Il faut améliorer la réparabilité des produits, repenser la gouvernance des REP pour améliorer leur efficacité. Les pouvoirs de police du maire seront également renforcés pour mieux lutter contre les dépôts sauvages. Là aussi, nous vous avons écoutés.
Venons-en aux quatre grands axes du projet de loi.
Premier axe, donner aux citoyens l'information pour agir en conscience. L'association « Halte à l'obsolescence programmée » a révélé que la durée de vie des machines à laver a diminué de trois ans en moyenne en huit ans. Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas l'écologie du XXIe siècle que nous voulons. Le but du titre premier est de favoriser le réflexe de réparation et d'allonger la durée de vie des produits. C'est bon pour la planète, pour le pouvoir d'achat et pour l'emploi.
Deuxième axe, donner aux citoyens les moyens d'agir pour la planète en facilitant le geste de tri, et notamment en harmonisant les couleurs des poubelles. Simplifions-leur la vie !
Troisième axe, donner les moyens aux collectivités d'améliorer la gestion des déchets. Le transfert de 500 millions d'euros le facilitera. Les producteurs devront aussi travailler sur l'amont comme sur l'aval, sur l'éco-conception comme sur la réparabilité.
On jette 2 milliards de mégots par an chaque année dans la rue. C'est du plastique imbibé de produits toxiques. Un mégot pollue 500 litres d'eau. Le contribuable, fumeur ou non, paye.
M. Roger Karoutchi. - Il faut interdire le tabac !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Donnons les moyens aux élus de faire prendre leurs responsabilités aux industriels du tabac.
Un million de vélos sont jetés chaque année alors qu'ils pourraient être réparés...
Quatrième axe, penser un nouveau modèle de fabrication et de consommation pour le siècle à venir, cesser de produire pour détruire.
L'article 5 prévoit l'interdiction de l'élimination des invendus non alimentaire, c'est une première mondiale. Rendez-vous compte : chaque année, près d'un milliard d'euros de produits non alimentaires non vendus sont détruits - 180 millions d'euros pour les seuls produits d'hygiène et de beauté alors que les associations d'aide aux plus démunis manquent de kits d'hygiène. Est-ce là la société que nous voulons ?
Enfin, ce projet de loi comporte des dispositions plus techniques sur la gouvernance des filières pollueur-payeur et transpose des directives européennes.
Ce texte est celui du Gouvernement mais aussi le vôtre : nous marchons dans la même direction. (On s'amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. - Réflexe pavlovien !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Courons, alors, ensemble dans la même direction. (Sourires) Nous partageons la même ambition : préserver la planète. Votre engagement environnemental est manifeste dans les avancées que vous proposez : lutte contre la publicité, renforcement de la compétence des régions, mesures sur l'étiquetage ou les pouvoirs de police des élus locaux. À l'article premier, vous avez ainsi adopté un amendement du groupe CRCE inscrivant dans la loi l'objectif de 100 % de plastique recyclé, fixé par le président de la République. J'applaudis des deux mains.
L'article 8 concerne la consigne. Il a beaucoup fait débat. Notre objectif commun est de protéger le système public de gestion des déchets. Nous ne pouvons laisser des industriels imposer des changements sans mettre les collectivités locales dans la boucle.
La société veut aller vers le réemploi mais certaines entreprises, pour leur profit ou pour se verdir, encouragent la consigne que j'appelle sauvage sans en référer aux collectivités.
L'objectif est bien de sortir du tout-plastique, de privilégier la réutilisation mais aussi de répondre aux Français qui demandent les moyens de lutter contre la prolifération du plastique, de consommer autrement. Ils sont 83 % à le souhaiter.
En toute humilité, je veux vous expliquer nos choix. Le mot « consigne » a été inscrit dans le projet de loi car le tout-jetable n'a plus sa place. Aucun système de consigne pour recyclage ne sera installé sans être adossé à une consigne pour réemploi. Chaque année en France, 200 millions de bouteilles, de canettes ou de briques se retrouvent dans la nature ; sur les 16,7 milliards que nous consommons, 7 milliards ne sont pas recyclées. La tendance actuelle n'est pas bonne, la consommation nomade, hors foyer, s'accroît. Aidons les collectivités territoriales à y faire face.
Des industriels de l'agro-alimentaire n'ont pas toujours honoré leurs engagements ; ils installent avec des groupes de grande distribution des systèmes de consigne en vase clos sans associer les collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson. - Et vous laissez faire ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Justement, ne laissons pas faire ! Depuis des années, des élus font un travail remarquable de collecte, de tri, d'éducation. Mais combien savent précisément où finit le plastique ainsi collecté ? Trop souvent, en Asie... Des entreprises qui ont pignon sur rue travaillent-elles en toute transparence ? Les Français veulent savoir.
Dans ce projet de loi, nous avons choisi un modèle de consigne large qui restera à définir. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes les mieux placés pour définir les garde-fous. Je souhaite que nos débats en soient l'occasion. Je ne comprends pas que les opposants au projet de loi autorisent, par exemple, la consigne pour recyclage dans les territoires ultramarins. Y aurait-il en France deux poids deux mesures ?
M. Roger Karoutchi. - Ce ne serait pas la première fois.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Attention à ne pas laisser le champ totalement libre aux industriels de la boisson et de la grande distribution pour organiser un système qui laisserait de côté les collectivités territoriales. C'est d'autant plus grave que des industriels agissent déjà en dehors de toute contrainte. C'est pourquoi nous proposons des amendements qui adossent consigne pour recyclage et consigne pour réemploi.
L'impact financier sur les collectivités territoriales sera positif - entre 50 et 124 millions par an. Les bouteilles collectées via le bac jaune pourront être déconsignées à la sortie.
Les collectivités territoriales seront associées au déploiement des consignes. Rien ne sera fait sans elles, ce projet de loi fixe un cadre sécurisé et sécurisant pour les élus. Nous nous élèverons contre les bacs de collectes de déconsignation sur les parkings des supermarchés. Nous nous assurerons que la consigne répond à nos objectifs environnementaux.
J'en arrive à ma conclusion. (Marques de soulagement sur les bancs du groupe Les Républicains) J'ai moi aussi hâte d'entamer le débat !
Ce projet de loi est la première brique du projet de société enfin libérée du plastique que nous voulons construire, une société capable de créer de la richesse à partir des richesses déjà produites, sans creuser davantage une terre épuisée, en créant des emplois pour tous.
Au-delà des habitudes, agissons ensemble car « l'inaccessible, on le fabrique soi-même », comme disait Romain Gary. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE ; Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis, applaudit également.)
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Ce projet de loi doit porter un message clair. Soyons au rendez-vous. L'épuisement de nos ressources, le dérèglement climatique, l'accumulation de déchets plastique dans les océans ne nous laissent pas le choix. Nous devons produire moins de déchets et sortir du tout-jetable.
Nous avons été nombreux à être déçus par le manque d'ampleur de ce texte que le Premier ministre présentait comme le premier acte du tournant écologique du quinquennat. En réalité, il s'agit d'un projet de loi technique, qui prolonge des dispositifs existants (M. Jean-François Husson le confirme.) et n'assume pas d'orientations claires. Nous regrettons le recours aux ordonnances pour des sujets aussi importants que la lutte contre les dépôts sauvages.
L'interdiction de la destruction des invendus ne doit pas être éclipsée par la consigne, abondamment vantée alors qu'elle est d'un intérêt anecdotique voire digne du passé.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Non concertée, non évaluée, cette mesure revient à donner une prime à la production de plastique et aux plastiques à usage unique. Ainsi, en Allemagne, la mise en place de la consigne a coïncidé avec une hausse de la consommation de contenants plastiques et d'emballages à usage unique. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra sortir de la société du tout-jetable. Ce n'est pas un hasard si les associations de protection de l'environnement se sont opposées à ce projet de consigne. Comment ne pas voir un recul dans la monétisation d'un geste actuellement gratuit ? (Mme la ministre s'indigne.)
Le consommateur vertueux, qui paye aujourd'hui un euro sa bouteille en plastique et la jette dans le bac jaune, devra demain la payer 15 centimes de plus et prendre sa voiture pour la rapporter dans un supermarché. Où est la vertu écologique ?
Votre système crée en outre deux cycles séparés, avec une nouvelle infrastructure pour les consignes lourde et coûteuse alors que le service public de gestion des déchets est déjà très performant. La consigne entraînerait une ponction sur les consommateurs de 150 millions d'euros à 200 millions d'euros, avec une prime à la sous-performance puisque ce seraient les collectivités les plus performantes qui seraient pénalisées. Les travaux de la commission sont d'ailleurs soutenus par les associations d'élus locaux et consommateurs.
Je salue mes collègues de la commission et Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour leurs travaux. Nous avons adopté 164 amendements et le projet de loi compte désormais 36 articles.
La commission a élargi le texte à la lutte contre l'ensemble des déchets plastiques, les seules bouteilles en plastique représentant moins de 10 % de ces déchets. Elle a introduit des mesures importantes visant à lutter contre le suremballage : la mise en place par les pouvoirs publics d'une trajectoire pluriannuelle de réduction de la mise sur le marché d'emballages, l'obligation pour les entreprises les plus consommatrices d'emballages de réaliser des plans quinquennaux de prévention et d'écoconception et un malus financier pour les entreprises qui sur-emballent.
Notre commission a également souhaité renforcer la collecte séparée hors-foyer via l'affectation d'une partie des contributions financières versées par les producteurs. Elle a interdit la distribution gratuite des bouteilles d'eau plate en plastique dans les établissements recevant du public et dans les locaux professionnels.
Au regard de l'impact environnemental et sanitaire considérable de certains produits sur les milieux aquatiques, la commission a souhaité responsabiliser les producteurs de ces produits en les incitant à améliorer la conception de leurs produits ou à financer des opérations de nettoyage des milieux et de traitement de la pollution des eaux.
La commission a également souhaité renforcer l'information du consommateur afin de l'inciter à être toujours plus écoresponsable. C'est pourquoi elle a voulu pénaliser l'apposition d'informations environnementales entretenant des confusions dans l'esprit du consommateur, comme le « point vert », qu'elle a facilité l'accès aux informations environnementales figurant sur les produits via leur dématérialisation, qu'elle a mis fin aux pratiques publicitaires visant à encourager la mise au rebut de produits encore en état de marche et qu'elle a renforcé la lutte contre le gaspillage alimentaire.
La commission a également voulu promouvoir le réemploi. De ce point de vue, sur une initiative multipartisane de nombreux sénateurs, elle a recentré le dispositif de consigne prévu par le projet de loi sur le réemploi, elle a favorisé le recours à la filière du réemploi dans le cadre de la commande publique. Elle a également créé un fonds de réparation permettant de prendre en charge une partie des coûts de réparation des produits par des réparateurs labellisés, identifiables par un annuaire en ligne. Elle a enfin fixé des objectifs de réparation au sein des cahiers des charges des éco-organismes.
Sur la question des déchets du bâtiment, qui représentent près de 15 % des déchets produits en France, la commission a conservé le principe de la création d'une nouvelle REP assorti d'une faculté pour les professionnels concernés, d'y déroger par un système équivalent, permettant d'assurer la reprise gratuite des déchets. En revanche, elle a encadré ce système par des obligations de maillage territorial des points de reprise et de traçabilité des déchets. En outre, elle a prévu que les professionnels du bâtiment devront remettre au maître d'ouvrage un certificat de traitement des déchets.
Nous avons souhaité renforcer les pouvoirs de police des maires pour lutter contre les dépôts sauvages. De même, elle a instauré un certificat de traitement des déchets dans le BTP.
La commission a aussi étendu les obligations sur les lingettes imbibées. Elle a aussi renforcé la prévention et la gestion des déchets outre-mer via une majoration du barème national.
Nous nous retrouvons, madame la ministre, sur les objectifs. Les moyens diffèrent parfois. J'espère que nous nous rejoindrons sur les points principaux en évitant les infox. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Nous débattons d'un texte attendu, et je salue votre initiative, madame la ministre. Plusieurs mesures de ce projet de loi vont dans le bon sens, comme l'amélioration de l'information du consommateur, de l'écomodulation, de l'interdiction de l'élimination des invendus, de l'indice de réparabilité ou de l'affichage de la disponibilité des pièces détachées.
Mais que dire de l'absence d'étude d'impact sérieuse ? Les chiffres joints à ce texte sont contestés. L'étude d'impact est pourtant le fondement de notre action, une exigence constitutionnelle, un devoir à l'égard des citoyens, et un enjeu de crédibilité. (M. Roland Courteau renchérit.)
Que dire des ordonnances pléthoriques sur des sujets majeurs ?
Les conséquences sont trop lourdes, pour une entreprise qui doit incorporer 50 % de matière recyclée dans un produit ou pour une filière entière devant se conformer aux exigences de la responsabilité élargie du producteur, en quelques mois.
Dans le cas de la consigne, les approximations du projet sont patentes et nous n'avons toujours pas à ce jour de réponse quant aux modalités même du financement du service public ou de la TVA sur la consigne.
La France se veut vertueuse et exemplaire - nous y souscrivons tous. Mais gare aux excès franco-français des surtranspositions des directives. Accompagnons nos entreprises, qui doivent se défendre dans un marché international difficile. (M. Laurent Duplomb applaudit.)
Imposer des obligations excessives à nos producteurs, et dans le même temps, autoriser l'importation de produits moins exigeants n'est plus tenable. Face aux obligations nouvelles, le Gouvernement devra aussi s'engager à dédier de nouveaux moyens de contrôle et de respect des normes.
La commission des affaires économiques a été attentive aux équilibres entre enjeux environnementaux, faisabilité économique et technique pour les producteurs, protection des consommateurs, pérennité et financement des missions assurées par les collectivités territoriales.
Nombre de nos entreprises n'ont pas attendu ce texte car - prosaïquement - l'environnement est devenu un argument marketing. Ne détruisons pas ce qui fonctionne bien et privilégions l'obligation de résultat.
L'éco-organisme n'est pas l'alpha et l'oméga de la gestion des déchets. Certains secteurs ont développé des alternatives efficaces, comme la filière de l'agrofourniture, qui affiche des taux de collecte impressionnants, bien au-delà des exigences européennes. Je proposerai donc un amendement validant ces initiatives « troisième voie » au sein de la REP. Les filières pourront ainsi mettre en place un système alternatif, sous conditions de l'atteinte des objectifs et d'un contrôle renforcé au minimum égal à celui des éco-organismes. (M. Laurent Duplomb renchérit.)
Sur la consigne, je salue le travail de Marta de Cidrac : évitons les effets collatéraux sur le système de tri collectif en place.
Des incertitudes demeurent sur le bilan environnemental, le pouvoir d'achat des consommateurs ou l'attractivité du petit commerce.
Je salue votre mobilisation, chers collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et Les Indépendants)
M. Pierre Médevielle, au nom de la commission des affaires européennes . - La commission des affaires européennes, dans le cadre de sa mission de lutte contre les surtranspositions, a examiné les dispositions du projet de loi qui transposent les directives adoptées en mai 2018 dans le cadre du Paquet économie circulaire, complété, en juin dernier, par la directive concernant certains produits en plastique.
Ce Paquet fixe des objectifs chiffrés de recyclage a minima, à horizons 2025 et 2030. Des objectifs globaux avec un accent particulier sur le plastique. Il précise et renforce le cadre européen, notamment en matière de collecte séparée des déchets municipaux et des biodéchets, ou encore de responsabilité élargie des producteurs. Fondées sur le principe du pollueur-payeur, trois nouvelles filières de traitement devront en outre être mises en place.
Certaines prescriptions européennes sont impératives, comme l'interdiction de mise sur le marché de produits à base de plastique oxodégradable ou la mise en place de systèmes de reprise, de collecte et de valorisation des emballages et déchets d'emballage en vue de leur réemploi. Le projet de loi les reprend strictement. La commission des affaires européennes a toutefois constaté qu'il anticipe la date d'application d'une obligation en matière de traitement des emballages de la restauration rapide.
Le texte prévoit en outre des mesures d'application pour la mise en oeuvre d'obligations européennes, notamment en matière de suivi et de contrôle des filières REP, d'atteinte des objectifs européens ou d'éco-contribution.
En revanche, il va au-delà des obligations européennes dans plusieurs cas, notamment en ce qui concerne les garanties financières requises pour l'agrément des éco-organismes, la prise en compte des coûts de nettoyage et de certains coûts de prévention des déchets dans le calcul de l'éco-contribution ou encore le champ de l'obligation de reprise des produits usagés.
Les directives renvoient en outre aux États membres le soin de prendre des mesures appropriées pour atteindre les objectifs qu'elles fixent. Elles formulent des préconisations ou des suggestions pour faciliter la lutte contre le gaspillage et la production de déchets.
La directive fait également des propositions non impératives que le projet de loi reprend en partie sur l'information des consommateurs, la réparabilité, l'interdiction de la destruction de certains invendus non-alimentaires ou le caractère réutilisable des produits et déchets du BTP. Pour favoriser le recyclage, il introduit en outre un taux minimum d'incorporation de matières recyclées dans certains produits, prévoit la création de cinq nouvelles filières de traitement purement nationales et introduit la faculté de mettre en place des systèmes de consigne pour les bouteilles en plastique contenant des boissons.
La commission des affaires européennes rappelle que les sur-transpositions doivent être justifiées et que leurs effets doivent être mesurés : elles peuvent en effet générer une augmentation des coûts de production et de distribution ainsi que de la TEOM.
Espérons que ces mesures n'engendreront pas des distorsions de concurrence. Encore faut-il procéder à une analyse détaillée et mesurer l'impact des mesures hors filières, en particulier les coûts non supportés par les producteurs ou distributeurs étrangers pour les produits qu'ils ne proposent pas sur le marché français.
Le renvoi à des ordonnances, dont le contenu n'est pas connu, ne répond pas non plus au risque de sur-transposition.
Le bien-fondé des objectifs n'est pas à remettre en question. Tout est dans leur mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Dans le monde, 10 tonnes de plastique sont produites chaque seconde, consommant 8 % de la production mondiale de pétrole. 9 milliards de tonnes de plastique ont ainsi été accumulées depuis 1950. En France, 800 millions de tonnes de déchets sont produits chaque année, soit 25 kilos par seconde. Le plastique représente quant à lui 3 millions de tonnes jetées en France. Ce matériau, qui met des siècles à disparaître, doit donc faire l'objet d'une politique publique ambitieuse.
Les Français ont massivement évoqué la gestion des déchets lors du grand débat. Ils attendent un changement à la hauteur des enjeux. N'oublions pas le continent de plastique de 1,6 million de km2 qui flotte dans le Pacifique.
Le recyclage ne doit avoir lieu que si le réemploi ou la réutilisation ne peut avoir lieu. (Mme Brune Poirson, secrétaire d'État, approuve.) Nous devons à tout prix éviter que des produits neufs se retrouvent dans le circuit des déchets, c'est pourquoi nous proposerons un amendement afin d'interdire explicitement tout acte visant à rendre les invendus impropres au réemploi. Il faut aussi interdire les emballages à usage unique dans les établissements de restauration, les administrations doivent cesser d'utiliser les dosettes et les bouteilles d'eau en plastique... Elles se doivent d'être exemplaires.
L'information du consommateur permettra par ailleurs d'orienter ses choix vers des produits écologiquement plus vertueux.
S'agissant du geste du tri, l'accompagnement doit se faire de manière plus lisible et transparente car les diverses signalétiques perturbent le consommateur. Nous soutenons donc les avancées de ce texte et nous en appelons à la bonne volonté des producteurs pour enfin faire apparaître ces informations de manière claire et visible.
Nous saluons la création de nouvelles REP, qui incitent à l'écoconception. Celle du BTP attire l'attention : il produit 45 millions de tonnes de déchets, dont la moitié seulement est valorisée, tandis que les dépôts sauvages coûtent 340 millions d'euros par an aux collectivités territoriales.
Le groupe RDSE se réjouit des mesures introduites dans le texte concernant la lutte contre les dépôts sauvages. Très seuls face à ces incivilités qui menacent l'environnement et la sécurité des citoyens, les maires verront ce soutien d'un bon oeil
Autre point positif : la réparabilité qui augmente le pouvoir d'achat des consommateurs et favorise des emplois non délocalisables.
Considérant que l'économie circulaire doit être davantage soutenue, nous proposerons des amendements pour augmenter la part de biens issus du réemploi dans la commande publique, et inciter les collectivités et les administrations publiques à signer des conventions avec des structures de l'économie sociale et solidaire pour favoriser le don de matériels. Ces propositions seront complétées par la mise à disposition, par l'État, d'outils d'analyse du coût du cycle de vie des biens. Ce coût global prend davantage en compte l'impact environnemental mais aussi la fin de vie du bien et son potentiel de réutilisation. Car le simple prix d'achat ne peut plus être notre seule base de calcul. L'économie circulaire appelle à un profond changement dans les méthodes de production et de consommation. Pour que ce changement s'opère, l'action publique doit être aux avant-postes.
Un sujet a donné lieu à de nombreuses sollicitations. Pourquoi les réemplois seraient encadrés, mais pas le recyclage, laissé aux mains des industriels ? La consommation de plastique ne doit pas être encouragée. Les craintes des collectivités doivent aussi être entendues, notamment les plus vertueuses d'entre elles, qui maillent le territoire et pourraient être les plus pénalisées.
Malgré des bonnes réussites, l'existant ne donne pas satisfaction. Ne pénalisons pas les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jérôme Bignon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Le groupe Les Indépendants se réjouit que le Sénat examine ce texte en premier : ce sont nos territoires qui sont en première ligne pour la gestion des déchets, et notamment la lutte contre les dépôts sauvages. Ayons une pensée pour Jean-Mathieu Michel, qui y a laissé sa vie...
Tous les élus sont mobilisés pour la préservation de notre environnement. Les élus font beaucoup mais ils ne pourront pas tout faire. Il n'est pas juste que les collectivités aient à gérer et à supporter le coût des déchets que certains abandonnent sans aucun respect. Nous apprécions ainsi que la gestion des dépôts sauvages échoie désormais aux entreprises soumises à la REP. Il est juste que tous les acteurs concernés soient impliqués et contribuent à l'effort : État, industriels, consommateurs...
Nous nous félicitons que de nouvelles filières soient soumises à ce régime : ce sera ainsi chose faite pour le tabac, avec le nombre incalculable de mégots qui polluent nos terres. Je propose de soumettre l'ensemble des producteurs à ce régime. Pour autant, il n'est pas parfait : les éco-organismes ont parfois des pratiques discriminatoires et anti-concurrentielles. Les dispositions du projet de loi sur ce sujet vont dans le bon sens mais pas assez loin. Nous tenterons d'enrichir au mieux le texte sur ce point.
Une AAI ou un organisme chargé de la surveillance serait une solution adaptée. L'article 40 nous empêche de le proposer, mais le Gouvernement pourrait y penser.
Les Français veulent agir pour l'environnement à travers leur consommation. Les dispositions en faveur de leur information sont donc bienvenues. Je propose d'afficher la part du produit de vente consacrée à l'éco-participation.
Les dispositions relatives à la consigne ont suscité des inquiétudes légitimes : réduisant les ressources des collectivités territoriales, il est normal qu'elles soient refusées par la Chambre des territoires. Merci à Mme de Cidrac et à Mme Loisier pour leur travail.
Nous aurions eu besoin de plus de temps. À la commission du développement durable, nous avons dû siéger 6 heures d'affilée, certains collègues n'étant pas là.
Le groupe Les Indépendants soutient les objectifs mais pas les moyens proposés
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.