Clarification du droit électoral (Suite)

Discussion des articles de la proposition de loi (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen d'une proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral et d'une proposition de loi organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 52-2 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I-. » ;

2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II.- Par dérogation au premier alinéa du I du présent article, lorsque la République forme une circonscription unique, aucun résultat d'élection, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public par quelque moyen que ce soit avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. »

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.  - L'article L. 52-2 du code électoral prévoit que la communication des résultats électoraux est possible en métropole après la fermeture du dernier bureau de vote métropolitain, et dans les départements d'outre-mer après la fermeture du dernier bureau de vote dans chacun de ces départements.

Cela pose problème lorsque le scrutin est organisé dans une circonscription électorale unique qui couvre l'ensemble du territoire national. Lors des élections présidentielle et européenne, les résultats des collectivités ultramarines, qui, à l'exception de La Réunion, votent la veille, sont communicables dès le samedi soir. Cela peut influer sur le scrutin organisé le dimanche.

La Commission nationale de contrôle de la campagne en vue des élections présidentielles a proposé dans son rapport 2017 d'interdire, pour les scrutins organisés dans une circonscription nationale, toute communication de résultats aux médias avant 20 heures, heure de Paris.

Pour les autres élections, l'influence des résultats ultra-marins est moins susceptible d'avoir une influence sur le scrutin métropolitain.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur de la commission des lois.  - Avis favorable à cet amendement qui limite une diffusion trop précoce des résultats, sachant que l'affichage sur place reste possible.

M. Roger Karoutchi.  - Je voterai cet amendement pour le principe, mais il est irréaliste ! Avec les réseaux sociaux, vous aurez tous les résultats par département sur Twitter et Facebook bien avant le dimanche à 20 heures ! (M. André Reichardt approuve.) Allez-vous poursuivre ceux qui les diffusent ?

M. Éric Kerrouche.  - Même avis que M. Karoutchi : le principe est bon, mais l'application de la mesure me laisse circonspect. Le code électoral prévoit une amende de 75 000 euros en cas de diffusion des résultats électoraux avant la fermeture du dernier bureau de vote. La sanction est-elle appliquée ?

L'amendement n°47 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code électoral est complété par un article L. 52-3-... ainsi rédigé :

« Art. L. 52-3-....  -  Sauf dans le cas de la reproduction de l'emblème d'un parti ou groupement politique, les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral et comprenant une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge sont interdites lorsque ces couleurs sont juxtaposées et que c'est de nature à entretenir la confusion avec l'emblème national ou un document officiel. »

Mme Claudine Kauffmann.  - Le code électoral interdit les « affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge ». Or certaines commissions départementales de propagande et juridictions ont une conception très extensive de cette « combinaison des trois couleurs ».

Ainsi, une commission de propagande a refusé les affiches électorales d'un candidat aux élections législatives, au motif qu'il portait une cravate rouge, que le fond de l'affiche était un ciel bleu et que le texte y était écrit en lettres blanches. Lors d'une élection présidentielle, on a trouvé à redire à une cravate tirant sur le rouge sur un costume bleu marine et une chemise blanche. Un slogan écrit en bleu en haut d'une profession de foi et suivi d'un texte aux sous-titres soulignés en rouge a même été contesté.

Le rapport de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle de 2012 livre un intéressant aperçu de cette casuistique : « S'agissant d'un candidat, la commission a été conduite à refuser d'homologuer ses premiers projets en raison de la proximité du bleu du tissu de la chemise du candidat, du blanc des lettres composant son nom et du rouge des lettres indiquant son site internet ou de la teinte du bas de l'affiche qu'elle a jugée être non pas orange mais rouge sur les exemplaires imprimés sur papier. » Elle y a donc vu « une combinaison des trois couleurs nationales prohibée par l'article R. 27 du code électoral ».

En fait, la simple présence des trois couleurs ne suffit pas à suggérer le drapeau national dès lors qu'il n'y a pas de juxtaposition. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président.  - Merci de respecter scrupuleusement le temps de parole.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - L'histoire des trois cravates, résultat de l'excès de zèle d'une commission de propagande en 2014, est bien connue des élus locaux. Depuis lors, la jurisprudence a évolué et le Gouvernement a donné des directives aux préfets et aux commissions de propagande tendant à une application pragmatique de la règle, qui a pour raison d'être d'éviter les confusions entre les affiches officielles et celles des candidats. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Oui, il peut y avoir certaines confusions mais n'élevons pas cette interdiction au rang législatif avec une précision elle-même sujette à interprétations. Laissons les magistrats qui président les commissions de propagande libres de leur appréciation ; il reviendra au juge de l'élection d'examiner les recours au cas par cas. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi.  - Je veux bien que la jurisprudence ait évolué. Mais en septembre 2017, à la commission de propagande, le magistrat m'a alerté parce que je portais un costume bleu, une chemise blanche et une cravate sans doute un peu trop rouge à son goût. Franchement, me voyez-vous porter une cravate rouge ? (Sourires) Ce magistrat m'a conseillé de demander à l'imprimeur de la faire tirer sur le bordeaux...Ce qu'il fît, grâce à sa maîtrise des nouvelles technologies. Voilà où nous en sommes ! En réponse, je me suis engagé à ne pas porter la Légion d'honneur, le ruban rouge pouvant porter à confusion.

Je ne suis pas hostile à cet amendement, qui est de bonne logique - et depuis, mes cravates sont bleues ! (Rires)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Créez une commission, vous créez beaucoup de problèmes ! Aux propositions de l'opposition parlementaire les plus anodines et de bon sens, on répond qu'elles n'ont pas de valeur législative, et pendant ce temps on vote des lois qui ne règlent rien et ne font qu'ajouter aux problèmes. Je voterai cet amendement.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis affligé : tout le monde, jusqu'au président Bas, en commission, reconnaît le problème mais pour le rapporteur, tout va bien ! Vous vous moquez du monde ! Si vous ne voulez pas adopter mon amendement pour des raisons politiques, dites-le ! Des candidats se voient retoquer leur profession de foi ; ils saisissent le juge de l'élection, qui statue un an après, sans compter les coûts de réimpression... Voulons-nous laisser les candidats tributaires de la décision du président de la commission de propagande ? Mon amendement règlerait définitivement le problème, pourquoi le refuser ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - J'ai connu une expérience similaire à celle de M. Karoutchi. J'ai une très jolie cravate rouge, rayée de bleu, avec des canards beiges. (Marques d'appréciation) J'ai été extrêmement vexé par la commission de propagande, à Villedieu-les-Poêles...

M. Roger Karoutchi.  - Ça ne s'invente pas ! (Sourires)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Dont la jeune présidente a vu dans ce beige un blanc sale, et conclu que je portais une cravate bleu-blanc-rouge ! Heureusement, l'excellent imprimeur de Villedieu-les-Poêles, que je vous recommande, a, lui aussi, modifié la couleur de la cravate. Moyennant quoi, elle était beaucoup moins jolie... (Marques d'amusement) Pour autant, ce n'est pas une raison pour voter cet amendement. (On sourit derechef.)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Comme toujours avec le président Bas, tout est parfait mais on ne votera pas l'amendement !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est un véritable nid à contentieux. « Lorsque ces couleurs sont juxtaposées et que c'est de nature à entretenir la confusion avec l'emblème national » : c'est très subjectif. Sur cette base, qu'aurait dit de ma cravate la commission de Villedieu-les-Poêles ?

M. Masson a bien posé le problème mais sa solution, outre qu'elle relève du règlement, est vaine. Par conséquent, avis défavorable.

M. le président.  - Quelle que soit la cravate, l'important, c'est que vous ayez été élu ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Grand.  - Évitons que la loi ne soit ainsi fixée par la jurisprudence. Légiférons mieux. Nous, parlementaires, sommes déjà assez affaiblis...N'en rajoutons pas ! Votons des dispositions clairement applicables, sans interprétation jurisprudentielle !

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 47, il est inséré un article L. 47-... ainsi rédigé :

« Art. L. 47-....  -  L'État assure le service public national de l'organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par aux articles L. 166, L. 212 et L. 241. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article L. 308 est ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'expédition de ces circulaires et bulletins, il ne peut pas le sous-traiter. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 355 est ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées à l'article L. 354. »

M. Jean Louis Masson.  - Cet amendement soulève l'énorme problème des professions de foi, élément fondamental du respect du déroulement des élections, car elles sont le seul moyen qu'ont les petits candidats de se faire connaître.

Les gouvernements successifs ont tenté de les torpiller ; ici, on sabote l'expédition, gérée auparavant par l'État via les préfectures. Désormais, il sous-traite, choisit le routeur le moins cher qui se moquera des envois.

Lors des dernières législatives, dans mon département, le routeur avait perdu les professions de foi d'une candidate. Il a d'abord prétendu qu'il ne les avait pas reçues, avant de les retrouver in extremis. On a aussi connu des envois dans d'autres départements, éloignés...

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Jean Louis Masson.  - Nous ne retrouverons une qualité satisfaisante qu'avec des expéditions directes par l'État.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 166, les articles L. 212 et L. 354, le premier alinéa de l'article L. 376, les articles L. 403, L. 413 et L. 424, le premier alinéa de l'article L. 491, le premier alinéa de l'article L. 518, le premier alinéa de l'article L. 546 et l'article L. 558-26 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l'État, mis à sa disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;

2° L'article L. 241 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l'État, mis à leur disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire ; »

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 308 est ainsi rédigé :

« L'État assure lui-même l'envoi de ces circulaires et bulletins. »

Mme Claudine Kauffmann.  - C'est un amendement similaire.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Ces amendements interdisent la sous-traitance par l'État de l'acheminement des documents de propagande et des bulletins de vote. Les élections législatives de 2017 ont en effet été perturbées en Haute-Savoie et dans la Drôme à cause d'un prestataire défaillant : Koba.

Cependant, comment créer un service public national, et comment limiter la liberté contractuelle de l'État sans risquer l'inconstitutionnalité ? Avis défavorable. Remettons-nous en à la vigilance des services de l'État pour les prochains scrutins.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Si un service public de l'expédition des bulletins de vote et professions de foi était créé, l'État resterait maître des modalités de l'acheminement et de la sous-traitance. De plus, nous avons recentré les préfectures sur leurs missions prioritaires. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les élections, ce n'est pas prioritaire ?

M. Jean Louis Masson.  - Alors, comme pour les couleurs, on ne peut rien régler ! Les deux départements que le rapporteur a cités ne sont pas les seuls à avoir connu des problèmes sérieux. Je vous ai signalé ce qui s'était passé dans le mien, et il y en a d'autres...

Pourquoi l'État ne pourrait-il pas se charger des expéditions, puisqu'il le faisait auparavant sans aucune difficulté ? Je puis en témoigner, puisque je me présente depuis vingt ans à des élections.

Monsieur le ministre, vous n'avez manifestement pas lu mon amendement qui interdit justement la sous-traitance, généralement à des branquignols qui se moquent de la qualité pour obtenir le marché. C'est plus que crispant pour un candidat.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Assurer l'égalité des citoyens devant le suffrage ne serait donc pas une tâche prioritaire des préfectures ? Vous m'étonnez, monsieur le ministre ! Je sais ce que vous voulez faire : un tirage au sort, et on règlera le problème... (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)

L'amendement n°15 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°16.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par MM. Grand et Karoutchi, Mmes Micouleau et Deromedi et MM. Lefèvre, Laménie, Houpert, Sido, Pierre et Raison.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code électoral est ainsi modifié :

1° L'article L. 167 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de défaillance de la commission instituée par l'article L. 166 dans l'envoi et la distribution des documents de propagande électorale, les candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés sont remboursés du coût du papier et de l'impression des bulletins de vote et des circulaires. » ;

2° L'article L. 216 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de défaillance de la commission instituée par l'article L. 212 dans l'envoi et la distribution des documents de propagande électorale, les binômes de candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés sont remboursés du coût du papier et de l'impression des bulletins de vote et des circulaires. » ;

3° L'article L. 243 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de défaillance de la commission instituée par l'article L. 241 dans l'envoi et la distribution des documents de propagande électorale, les listes et les candidats isolés ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés sont remboursés du coût du papier et de l'impression des bulletins de vote et des circulaires. » ;

4° L'article L. 355 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de défaillance de la commission instituée par l'article L. 354 dans l'envoi et la distribution des documents de propagande électorale, les listes ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés sont remboursées du coût du papier et de l'impression des bulletins de vote et des circulaires. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Pierre Grand.  - Lors des élections législatives de juin 2017, le Conseil Constitutionnel a constaté de nombreuses requêtes dénonçant l'absence de réception par les électeurs, ou bien une réception incomplète ou tardive, des documents de propagande électorale. Dans l'Hérault, certaines sociétés ont fait n'importe quoi !

Or il a estimé, que les faits dénoncés n'avaient pu, en raison des écarts de voix entre les candidats, avoir d'incidence sur les résultats des scrutins contestés.

Toutefois, il recommande de sécuriser davantage les opérations de mise sous pli et d'acheminement des documents électoraux et de veiller à l'information des électeurs en cas de dysfonctionnements. Certains candidats se sont vus privés de leur acheminement aux électeurs, pour lequel ils ont engagé des sommes importantes qui ne leur sont remboursées qu'au-delà de 5 % des suffrages exprimés.

Je vous propose que les candidats en dessous de ce seuil soient également remboursés des frais engagés en cas de défaillance de la commission de propagande dans l'envoi et la distribution de la propagande.

Dans l'Hérault, je le répète, ce fut catastrophique : certaines enveloppes contenaient la profession de foi d'un candidat et le bulletin d'un autre. Nous avons écrit à toutes les autorités, sans recevoir de réponse.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - La commission s'est montrée sensible à cet amendement mais en a demandé le retrait par souci de préservation des deniers publics. Il vaut mieux responsabiliser les entreprises dans le cahier des charges de l'appel d'offres.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Monsieur Collombat, vous me prêtez des propos que je n'ai pas tenus ! L'organisation des élections fait partie des missions prioritaires des préfectures, pas la mise sous pli.

Monsieur Grand, une défaillance logistique ne doit pas donner à un candidat un droit supérieur au dommage dont il a été victime. En 2017, des routeurs défaillants ont été sanctionnés financièrement. Cette année, nous avons connu beaucoup moins de difficultés lors des élections européennes. Veillons, comme l'a dit le rapporteur, à ce que les routeurs appliquent le cahier des charges.

Mme Cécile Cukierman.  - Ces amendements traitent de la qualité de la constitution des enveloppes et de leur acheminement dans les délais. Tous les candidats peuvent être concernés ! On peut élargir la problématique. Des bulletins de vote n'ont pas pu être acheminés dans les temps lors des élections régionales de 2015, en raison de conflits sociaux à La Poste. Il faudrait que les auteurs de ces amendements se soucient aussi de la qualité du dialogue social, notamment dans cette grande entreprise publique : parfois, les retards sont dus à la charge de travail excessive du facteur, ou à une grève.

Je ne suis pas favorable à l'hypernumérisation : je suis attachée au support papier, mais ces amendements ne régleront pas le problème de la concentration régionale des marchés relatifs aux enveloppes, qui est inévitablement source d'erreurs.

Revenons à la proximité, engageons une réflexion avec le personnel et les organisations syndicales de La Poste sur la distribution. Il faut s'en donner les moyens humains et financiers.

M. Jean-Pierre Grand.  - Le ministre dit que ce n'est pas à l'État de payer. Mais ce n'est pas non plus aux candidats de payer la défaillance de l'État et des routeurs. Avec la multiplication des candidatures, de plus en plus d'électeurs se rendent au bureau de vote en emportant les bulletins avec eux. S'ils n'en ont pas, ils resteront chez eux.

L'amendement n°33 rectifié est retiré.

ARTICLE 5

M. Jean Louis Masson .  - Je reviens sur l'amendement précédent : le problème n'est pas de faire payer le routeur ou La Poste mais d'éviter qu'un candidat ne soit spolié par la perte de ses professions de foi. Aucune élection n'a été annulée sur ce motif.

Concernant l'article 5, je suis opposé aux photos sur les bulletins de vote, mais je suis surtout scandalisé que l'on envisage une dérogation pour les candidats ayant vocation à être désignés président de la collectivité concernée. Comment peut-on les connaître avant l'élection, en particulier pour les conseils départementaux ? Si l'article 5 reste en l'état, je ne le voterai pas.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 52-3 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les bulletins de vote ne peuvent pas comporter la photographie ou la représentation de toute personne. »

Mme Claudine Kauffmann.  - Il est pertinent d'interdire la photographie de personnes sur le bulletin de vote. En revanche, nul ne sait à l'avance quel sera le candidat qui présidera l'organe délibérant concerné, par exemple l'Assemblée nationale dans le cas d'une élection législative. En autorisant la représentation de celui-ci sur le bulletin, on s'expose à des dérives et à des abus.

Il en va de même pour les élections locales car, souvent, à l'issue du premier tour, les tractations politiques conduisent à des accords très différents de ce qui était initialement prévu.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - L'article interdit de faire figurer des photographies et le nom d'une tierce personne sur le bulletin de vote, avec une exception pour le candidat qui concourt à la présidence de l'assemblée délibérante. La commission a restreint l'exception aux collectivités territoriales, afin d'exclure les assemblées parlementaires. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Même avis. Le Gouvernement ne souhaite pas s'opposer à la dérogation apportée par la commission.

Mme Cécile Cukierman.  - À titre personnel, je suis opposée à l'article comme à l'amendement, qui prennent de haut une réalité démocratique : la vie politique s'incarne, au-delà des idées, dans les femmes et les hommes qui les portent. Dans ce monde de l'image, la photographie a un sens.

Quant à la mention et à la représentation d'une personne qui n'est pas candidate dans la circonscription concernée, en faire fi est une erreur qui renforce les partis dominants. Dénoncer les tractations politiques à l'issue du premier tour, comme vous le faites dans l'exposé des motifs de votre amendement, relève du populisme, en présentant comme des manigances des accords passés et annoncés publiquement qui relèvent de la vie démocratique. Il est bon de connaître les engagements des uns et des autres avant l'élection, et notamment de savoir qui ils désigneront à la présidence de l'assemblée délibérante.

M. Jean Louis Masson.  - Nous sommes en pleine utopie ! Pour une élection cantonale, par exemple, c'est illusoire ! Comment s'engager à désigner président un monsieur Duchmoll qui n'est pas même certain d'être élu ? Vos arguments ne sont rien d'autre qu'un prétexte pour torpiller la vie démocratique.

Les bulletins de vote réclament de la sobriété. Je me félicite de cette proposition de loi qui y contribue, alors que nous voyons de plus en plus de bulletins avec la photo en gros et le nom du candidat en petit...

De plus, la notion de candidature à la présidence d'un organe délibérant n'est pas définie. Une fois de plus, vous rejetez mon amendement sous de faux prétextes, avec des arrière-pensées politiques que tout le monde ici fait semblant d'ignorer.

M. Roger Karoutchi.  - Plus rien ne va... J'envisageais de faire figurer les photos de MM. Macron et Sarkozy sur mon prochain bulletin, mais je devrai y renoncer ! (Sourires) Plus sérieusement, ce débat est surréaliste : dans la plupart des élections locales, il y a une tête de liste. Dans les élections régionales, c'est évident. Dans la plupart des communes où l'élection est politique, on ne s'entend pas sur le nom du maire au dernier moment. Certes, la question peut se poser pour les élections départementales - encore des majorités assez claires se dégagent-elles normalement.

D'accord pour interdire la photo, mais laissons un peu souffler les gens !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Paroles de sagesse !

M. Alain Richard.  - Quand on instaure une interdiction, il faut toujours le faire avec mesure et réflexion. La mention d'une personne tierce se justifie à Paris, Marseille et Lyon, où le scrutin est organisé par arrondissement. Dans les autres cas, la tête de liste apparaît sur le bulletin de vote.

Reste la question des élections départementales où les deux positions peuvent s'entendre. Il est utile à l'électeur de savoir qui son candidat désignera à la présidence du conseil départemental mais monsieur Masson n'a pas tort : il n'y a aucune automaticité dans la désignation et le chef de file peut échouer à être élu. Mieux vaut laisser la rédaction en l'état avant l'examen par les députés, en votant l'amendement de synthèse proposé par le rapporteur.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.