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Table des matières
Convocation du Parlement en session extraordinaire
Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat
Mise au point au sujet de votes
Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat (Suite)
Salut à une délégation de la Chambre des Représentants de la République de Chypre
Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat (Suite)
Discussion des articles (Suite)
Modifications à l'ordre du jour
Transformation de la fonction publique (Procédure accélérée)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État
M. Philippe Bas, président de la commission
ARTICLE PREMIER BIS (Supprimé)
Ordre du jour du mercredi 19 juin 2019
SÉANCE
du mardi 18 juin 2019
105e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Françoise Gatel.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. - J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le président de la République en date du 17 juin 2019 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2019. Le décret vous a été communiqué.
La Conférence des présidents, qui se réunira demain à 19 h 30, établira l'ordre du jour de la session extraordinaire. Acte est donné de cette communication.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une école de la confiance est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le Règlement du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat.
Discussion générale
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est une oeuvre de longue haleine que nous achevons par le débat d'aujourd'hui. Son ambition méticuleuse est de rendre notre Règlement plus lisible et maniable, en regroupant au sein des mêmes articles toutes les dispositions relatives aux mêmes sujets, de sorte qu'il ne soit pas besoin d'aller chercher des règles complémentaires dispersées dans la présentation actuelle de notre Règlement.
Conduit sous l'impulsion de notre président, ce travail de longue haleine est basé sur de nombreuses concertations. C'est une première : la discussion sur la modification du Règlement du Sénat s'est faite, en partie, selon la procédure de la législation en commission. À la demande du groupe CRCE, un certain nombre de dispositions restent néanmoins à débattre en séance.
Les réformes du Règlement du Sénat ont toujours été inspirées par notre tradition du pluralisme de notre assemblée, ce qui les rend souvent consensuelles. J'ai auditionné tous les présidents de groupe et tous les présidents de commission. Je m'en réjouis car nous sommes témoins des difficultés que, dans d'autres assemblées, la modification du Règlement suscite entre les groupes.
Le Sénat est, il est vrai, beaucoup plus avancé que l'Assemblée nationale dans la modernisation des procédures, et je me réjouis de constater que la réforme Larcher de 2015 a inspiré la Chambre basse, notamment pour la procédure de législation en commission, du contrôle de la distinction entre la loi et le règlement, le droit de réplique lors des questions d'actualité, etc. : le Sénat peut être fier de ses procédures, respectueuses aussi des groupes minoritaires et d'opposition, qui aujourd'hui ont fait école.
Malgré son volume, ce texte présente une portée volontairement limitée et un objectif plus modeste que les réformes de fonds que nous avons examinées ensemble. Il s'agit néanmoins de clarifier, de simplifier et de codifier, bref de réécrire à droit quasi constant notre droit parlementaire pour le rendre plus lisible.
J'apprécie tout particulièrement de voir disparaître des dispositions du Règlement que j'ignorais et qu'il a fallu exhumer pour l'occasion, car elles étaient tombées en désuétude. En cas d'urgence, le Règlement prévoit que les délégations de vote sont faites par télégramme, ou bien que les pétitions sont réunies au sein d'un feuilleton, qui n'est plus publié depuis de nombreuses années ; il mentionne encore des questions orales avec débat, qui n'ont plus d'utilité depuis la création des débats d'initiative sénatoriale. Enfin, pour les scrutins publics, le Règlement prévoit que les secrétaires se réunissent dans le couloir droit de l'hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre ». (Sourires à droite)
Les mécanismes de double annonce s'imposent encore dans certaines nominations, ce qui mérite d'être supprimé aussi.
Enfin, certains laconismes peuvent déboucher sur une obscurité de nos procédures fixées selon des règles coutumières. Les plus importants de ces usages mériteraient de figurer explicitement dans notre Règlement pour que nous sachions exactement à quoi nous en tenir.
Je n'ai eu qu'à vérifier que la proposition de résolution se faisait à droit constant. J'ai été soucieux de respecter l'esprit de cette modification de notre Règlement. Si la réforme constitutionnelle devait aboutir, nous devrions en tirer les conséquences pour notre Règlement, d'où mon attention à ne pas changer les équilibres profonds et consensuels qui définissent notre procédure parlementaire. J'ai néanmoins proposé quelques apports prudents, et la commission a bien voulu me suivre.
Ainsi l'intervention de la Conférence des présidents concernant les droits attribués à chacun des groupes au début de chaque année est un ajout de notre part.
De même, une autre mesure consacre le rôle des présidents des commissions des finances et des affaires sociales dans le contrôle de la recevabilité financière et sociale des amendements.
Nous avons aussi intégré la jurisprudence du Conseil constitutionnel en ce qui concerne la tenue de jours supplémentaires de séance sur demande du Gouvernement.
Nous avons procédé à des clarifications techniques sur la seconde délibération, le vote par division, et la mise en place du scrutin électronique prévue au 1er octobre 2019. Enfin, nous avons pérennisé la mission de veille contre les surtranspositions confiée à notre commission des affaires européennes.
Cette première étape était nécessaire. Il était judicieux de ne pas mélanger les genres en nous concentrant sur une exigence de visibilité et de modernité de notre Règlement avant d'entreprendre, éventuellement, une réforme plus profonde. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Bernard Buis . - Outre des modifications rédactionnelles concernant presque les deux tiers des articles de notre Règlement, cette proposition de résolution vise à garantir la lisibilité et l'intelligibilité de notre Règlement intérieur par la simplification et la clarification de la rédaction de certains articles, à l'instar de la règle de l'entonnoir ou encore de la procédure des propositions de résolution européenne ; par le rassemblement systématique des dispositions semblables au sein d'articles ou de chapitres dédiés comme en témoigne la création d'un chapitre spécifique aux organisations extraparlementaires ou à l'organisation des travaux de commission.
Ce texte simplifie aussi notre procédure en allégeant l'examen en séance publique : ainsi en est-il de la suppression, pour les procédures de nomination, des mécanismes de double annonce en séance publique, de la transformation de certaines obligations réglementaires, annuelles en obligations pluriannuelles, à l'image de l'obligation de déclaration comme groupe d'opposition ou minoritaire.
Ce texte améliore aussi la planification des travaux par la Conférence des présidents en prévoyant notamment l'envoi, par le Premier ministre, des demandes d'inscription à l'ordre du jour prioritaire au plus tard la veille de la réunion de la Conférence ou en consacrant un délai pour la communication des sujets de contrôle.
Enfin, ce texte améliore les modalités de remplacement d'un membre du Bureau ou d'un membre de commission hors session, ou encore de la possibilité pour une commission permanente de nommer plusieurs rapporteurs sur un texte. Il supprime aussi des dispositions jugées désuètes ou inappliquées, à l'instar du recours au scrutin public ordinaire en cas de doute sur la commission compétente, la référence aux procès-verbaux, l'annonce du dépôt en séance des textes législatifs ou encore le dispositif des questions orales avec débat sur des sujets européens.
Cette proposition de résolution opère à droit quasi-constant, preuve que notre outillage règlementaire ne manque pas de souplesse.
Notre groupe exprime néanmoins certaines réserves sur l'aspect discrétionnaire de l'article 8 : désormais, ce seront les présidents, et non plus les bureaux, des groupes politiques qui remettent au président du Sénat la liste des candidats qu'ils ont établis pour siéger dans les commissions permanentes.
La modification de l'article 75 bis supprime le temps de parole de deux minutes et demie pour les questions d'actualité au Gouvernement renvoyant le temps de parole à la Conférence des présidents. Nous doutons de l'opportunité d'une telle mesure.
Nous aurions enfin souhaité apporter quelques utiles précisions sur le cadre applicable aux commissions d'enquête sénatoriales. L'affaire Benalla a révélé une pratique peu conforme à l'esprit transpartisan qui caractérise d'ordinaire une enquête sénatoriale. En effet, les membres de la commission des lois auraient sans doute apprécié prendre connaissance, avant la levée de l'embargo médiatique, du rapport sur la base duquel ils étaient appelés à se prononcer.
En dépit de ces quelques remarques, notre groupe apporte son soutien à cette révision.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci !
Mme Éliane Assassi . - Cette réforme du Règlement intervient dans un contexte institutionnel agité, marqué par l'incertitude de la révision constitutionnelle voulue par le président Macron.
Si le retrait de l'inscription dans la Constitution d'un recul important concernant les droits du Parlement est un acquis, le fait de renvoyer ces modifications aux règlements des assemblées ne nous rassure pas.
La réforme du Règlement de l'Assemblée nationale confirme l'atteinte portée au droit d'expression : limitation du temps de parole, du droit d'amendement et confinement de la séance publique au strict nécessaire... Tout cela n'augure rien de bon pour l'avenir du pouvoir législatif.
Ce qui fait la force du Parlement, c'est le débat, la participation à l'élaboration de la loi, le droit de modifier les propositions gouvernementales. Sans confrontation des idées, le Parlement est moribond.
Une démocratie qui perd son socle parlementaire est au bord du précipice.
Mercredi dernier, monsieur le président du Sénat, vous vous êtes inquiété de la généralisation de la procédure accélérée et du recours aux ordonnances. Cependant, les assemblées ne se démunissent-elles pas elles-mêmes de leur capacité à peser sur l'examen des lois ? Cet aveuglement est incompréhensible.
Le Sénat a su montrer son utilité. Il peut se ressaisir et envoyer le message selon lequel le Parlement ne doit pas se désarmer : son arme, c'est le droit de proposer et de s'opposer.
Votre réforme serait à droit quasi-constant, ce qui implique que des modifications sont néanmoins apportées.
L'évolution la plus marquante de cette proposition de résolution concerne les irrecevabilités. Nous assistons à une sorte d'automutilation du Sénat... Il fut un temps, celui de MM. Arthuis et Marini, où le Sénat résistait à l'extension sans fin des irrecevabilités. Ils avaient proposé d'abroger l'article 40 de la Constitution ! M. Hyest, rapporteur sur la réforme de 2008, s'était opposé au transfert aux présidents des assemblées de la mise en oeuvre de l'article 41 de la Constitution, irrecevabilité dite règlementaire. Il déclarait : « On ne peut écarter que cette irrecevabilité, dès lors qu'elle serait soulevée à l'initiative des présidents des assemblées, soit appliquée lors du dépôt d'amendement. Le droit d'expression des parlementaires en serait affecté ».
Pourquoi cette affirmation ne serait-elle plus d'actualité ? Faut-il admettre la start-up nation, chère à M. Macron ?
Cette réforme soutient une conception particulièrement extensible de l'irrecevabilité qui met en péril le droit d'amendements. Ils ne seraient plus que des sortes de commentaires des projets de loi.
Idem pour la règle de l'entonnoir qui pourrait devenir la règle dès la première lecture. Cela tuerait le débat et désorganiserait la séance publique. Pourquoi se précipiter ainsi et graver dans le marbre des dispositions qui limitent le pouvoir des parlementaires ? Pourquoi ne pas attendre l'éventuelle révision constitutionnelle pour modifier notre Règlement ?
Nous avons voulu ce débat en séance publique car l'heure est au redressement du Parlement, pas à son avilissement.
Si nos propositions de défense des droits du Parlement sont repoussées, nous ne voterons pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur . - Je voulais d'abord saluer l'initiative de notre président Gérard Larcher qui nous propose une nouvelle rédaction de notre Règlement, notre bien commun qui régit notre activité parlementaire. Il était nécessaire de faire évoluer certaines rédactions, comme l'a très bien dit notre président rapporteur, Philippe Bas.
La révision constitutionnelle semble menacée mais pourrait être utile pour le fonctionnement du Parlement.
En effet, il n'est pas acceptable que la procédure accélérée devienne la procédure de droit commun. Il faudrait que la Conférence des présidents puisse s'y opposer dans un certain nombre de cas. Jusqu'à il y a peu, la navette, la double lecture, était la règle. Cela permettait de peaufiner l'écriture des textes et les présentations d'amendements duraient à l'époque cinq minutes. Comment faisait-on ? Peut-être y avait-il un peu moins de lois cependant... Il serait sans doute préférable qu'il y en ait moins aujourd'hui.
De même, je ne me résous pas à cette déperdition de temps parlementaire : beaucoup de propositions de loi adoptées - parfois à l'unanimité - par notre assemblée ne sont jamais inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Marques d'approbation à droite) Comme l'a proposé un ancien président de la commission des lois, il serait sage qu'une proposition de loi examinée par une assemblée soit nécessairement examinée par l'autre dans l'année qui suit. Sinon, on tente de transformer les propositions de loi en amendements. Mais ceux-ci se voient déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution !
La solution serait peut-être d'en revenir aux textes portant « diverses dispositions » d'actes divers, ce qui neutraliserait l'article 45. Il n'est en tout cas pas acceptable que l'initiative parlementaire soit ainsi dévoyée et que l'on ne puisse faire aboutir les propositions de loi qui nous tiennent à coeur.
Merci à notre rapporteur d'avoir repris la résolution que nous avions proposée avec M. Montaugé, validée par le Conseil constitutionnel, et qui étend les pouvoirs du rapporteur d'un texte au-delà de son adoption, afin de faciliter le suivi de l'application des lois. Si la plupart des décrets ne sont pas publiés dans les deux ans, le président de la commission compétente pourrait inviter le ministre à venir rendre des comptes.
Je reviendrai lors du débat sur les commissions d'enquête. Il serait souhaitable de préciser que la publicité de leurs auditions est la règle, quitte à ce qu'elles décident de siéger à huis clos. La totale transparence de leurs travaux est un acquis. Personne ne comprendrait que l'on revienne là-dessus.
Par rapport aux règles de présence, il eût été sage d'appliquer aux sénateurs représentant les Français de l'étranger les mêmes règles que pour nos collègues élus d'outre-mer car leurs contraintes sont semblables. Mais comme cette règle a été adoptée en commission, nous n'y reviendrons pas aujourd'hui.
De même, nous devrions revoir l'ordre d'examen des motions de procédure, dans le cas d'une proposition de loi référendaire, car l'article 11 de la Constitution de 2008, a été fait pour ne pas servir.
Enfin, nous avons proposé un amendement de bon sens sur les collaborateurs parlementaires, en prévoyant qu'ils assistent les sénateurs « à l'exclusion de toute autre tâche » : Cet ajout me semblait de bon sens, et l'histoire récente montre qu'il ne serait pas totalement inutile, mais n'a pas été retenu par la commission. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, car si cela va sans dire, cela va mieux en le disant. C'eût été une protection tant pour les sénateurs que pour leurs collaborateurs.
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Ce texte est de faible portée politique. Il procède du souhait du président du Sénat d'expurger de notre Règlement des références obsolètes datant parfois de la IIIe République.
Certains verront disparaître avec nostalgie sans doute la mention des « télégrammes » et des « feuilletons », mais c'était avant l'ère des réseaux et des nouvelles technologies...
D'autres suppressions, comme celle des questions orales avec débat remplacées par les débats d'initiative parlementaire, soulignent la capacité de notre Haute assemblée à se rénover, servant souvent de modèle à l'Assemblée nationale. Bien que des marges d'évolution demeurent, les questions qui agitent nos collègues députés ont depuis plus longtemps trouvé des réponses apaisées ici que l'on pense à la régulation du temps de parole en séance publique ou à l'allègement de la procédure parlementaire pour l'examen des réformes consensuelles. L'application de la procédure de législation en commission à cette réforme du Règlement en est le parfait exemple.
Certaines dispositions de notre Règlement pourraient être modifiées dans les mois à venir en raison de la réforme institutionnelle. Certains de nos collègues souhaitent les aborder dès à présent. Au nom de la commission des affaires européennes, M. Bizet souhaite ainsi renforcer le rôle d'alerte de cette dernière.
Je pense aussi aux procédures d'application des règles d'irrecevabilités qui contraignent notre capacité d'action et ne sont pas suffisamment motivées. Chaque fois que le Sénat cherche à se montrer vertueux dans la rationalisation de son activité parlementaire, il s'instaure une asymétrie de prérogatives entre lui et le Gouvernement ou entre lui et l'Assemblée nationale.
C'est le cas en matière de recevabilité des amendements. Alors que l'Assemblée nationale donne à nos collègues de plus grandes marges de manoeuvre, quand bien même leurs initiatives sont ensuite censurées par le Conseil constitutionnel, il n'en demeure pas moins que leurs propositions demeurent inscrites au compte rendu et peuvent nourrir les réflexions futures du législateur.
C'est également le cas en matière de règles de dépôt d'amendements, alors que les sénateurs souffrent de délais plus contraints que le Gouvernement et tandis que la procédure accélérée est progressivement devenue la norme. Si le parlementarisme rationalisé a d'abord fait ses preuves, l'adaptation continue des pratiques parlementaires au nouveau cadre constitutionnel ne permet plus d'améliorer la qualité de la loi. Pour pallier ces limites, le délai de réflexion de deux semaines entre l'examen en commission et l'examen en séance devrait être strictement observé.
Le poids des lobbies n'est-il pas le premier responsable de cette dégradation législative ?
Toutes ces contraintes dégradent nos capacités d'analyse et de propositions.
Je souhaite aussi l'attribution aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires du rapport des textes dont ils veulent débattre dans leur ordre du jour réservé.
Enfin, tant l'affaire Fillon que l'évolution des rapports institutionnels placent le Sénat en situation de « seul pouvoir constitutionnel non aligné », pour reprendre les mots du président Bas, et ils posent la question des moyens humains mis à disposition des parlementaires. Aux côtés de l'administration parlementaire, les collaborateurs dont nous nous entourons pourraient être ainsi mieux associés à nos travaux. Le groupe RDSE porte cette question depuis longtemps.
Si la réforme constitutionnelle semble reportée sine die, il n'en était pas moins nécessaire de revoir notre Règlement.
Le groupe RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les questions orales avec débat n'existent plus, non plus que les procès-verbaux depuis 2009. Il était temps de dépoussiérer notre Règlement, pour le rendre plus lisible et plus facile d'accès. Les codifications des pratiques préexistantes sont également utiles. C'est l'acte II de la réforme Larcher, après celle de 2015 réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale.
Il s'agit ensuite pas moins de rendre nos travaux plus intelligibles, pour un Sénat plus moderne, plus efficace : c'était déjà le cas en 2015 et c'est encore le cas aujourd'hui avec la discussion de ce jour.
Un Sénat plus présent, c'est un Sénat qui pérennise la mission de veille contre les surtranspositions, mission confiée à la commission des affaires européennes.
Un Sénat plus moderne, c'est un Sénat qui adapte son Règlement à la mise en place du scrutin public électronique, prévue à compter du 1er octobre.
Un Sénat plus efficace, c'est un Sénat qui allège la séance publique, facilite la planification des travaux par la Conférence des présidents, ou encore, qui intègre des règles relevant de la pratique.
Cet utile effort de clarification supprime des dispositions qui initiaient un large et rare consensus politique quant à leur obsolescence, qu'il s'agisse des délégations de vote par télégramme ou des pétitions réunies au sein d'un feuilleton, qui n'est plus publié depuis de nombreuses années. Comment ne pas soutenir la suppression d'une mesure découverte lors de l'examen de cette proposition de résolution, selon laquelle, lors des scrutins publics, les secrétaires doivent se tenir dans le couloir droit de l'hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre » ?
Nous pouvons être fiers de la manière dont les échanges se sont passés entre tous les groupes, sans donner lieu à des éclats. Grâce à la concertation, le texte est consensuel.
Cette résolution sort enrichie de débats constructifs, qu'il s'agisse des droits attribués aux groupes au début de chaque année, des précisions quant au contrôle de recevabilité financière ou sociale mais également des conditions de travail de nos collaborateurs, avec la pérennisation d'une cellule d'écoute et d'accueil pour assurer un travail parlementaire juste et équilibré.
Faire évoluer le Sénat et son fonctionnement au quotidien, c'est améliorer son image et participer d'une plus grande transparence de son fonctionnement et de son apport non négligeable au travail parlementaire. Notre institution est parfois la mal-aimée de la République car incomprise, critiquée car à l'écart de la politique médiatique, celle-là même qui se trouve être à bout de souffle et qui ne convient plus à nos concitoyens.
Elle montre que loin d'être une institution sclérosée, le Sénat évolue et se donne les moyens de se transformer. Ses initiatives servent d'ailleurs d'exemples à l'Assemblée nationale.
Voilà un exercice consensuel, pragmatique et constructif pour un travail parlementaire plus efficace.
Le groupe UC votera bien sûr cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Roger Karoutchi. - Monsieur Malhuret, soyez aussi bon que la dernière fois !
M. Claude Malhuret . - En avril, le président du Sénat, après avoir consulté les groupes parlementaires, a déposé une proposition de résolution pour actualiser notre Règlement, devenu difficile d'accès en raison de la sédimentation des mesures diverses, anciennes voire obsolètes.
Cette proposition de résolution modifie près d'une centaine d'articles de notre Règlement et crée une vingtaine d'articles nouveaux. Elle rend plus facile d'accès le Règlement. Elle simplifie les procédures et supprime des dispositions obsolètes ou inappliquées. Notre rapporteur président a tenu à conserver l'esprit de la réforme et a logiquement refusé certains amendements.
Je salue l'extension du pouvoir de la Conférence des présidents, la reconnaissance du pouvoir de contrôle de recevabilité des présidents des commissions des finances et des affaires sociales, ou enfin l'intégration de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les jours supplémentaires de séance demandés par le Gouvernement.
Je salue aussi l'adaptation à la mise en place du scrutin public électronique au 1er octobre prochain et l'inscription de la mission de veille contre les surtranspositions confiées à la commission des affaires européennes.
Bref, ce travail à droit quasi-constant aboutit à un dépoussiérage utile et nous le voterons sans réserve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. François Bonhomme . - Cette proposition de résolution résulte d'un effort de concertation avec tous les groupes très en amont. Elle modifie les deux tiers des articles et introduit une vingtaine de nouveaux articles. Elle contribue à rendre notre Règlement plus lisible et plus clair, remédiant à l'ésotérisme né d'une sédimentation année après année. Certaines règles comme celle sur la composition et la procédure de désignation de notre Bureau à la proportionnelle sont dispersées entre les articles 2, 3 et 6. Nous les avons regroupées.
D'autres mesures étaient manifestement obsolètes. Qui a utilisé les télégrammes prévus pour les délégations de vote à l'article 64 ? Seuls les plus anciens se souviennent de l'existence, prévue par l'article 89, « d'un feuilleton portant l'indication sommaire des pétitions et des décisions ». Qui sait encore où les secrétaires pour les scrutins publics doivent-ils, en principe, prendre place ? Ca sent bon la IIIe République !
La proposition de résolution clarifie et actualise le contenu du Règlement. Nous ne pouvons que l'approuver car elle se fait à droit quasi constant. Les changements opérés ne modifient pas la substance de la procédure parlementaire devant le Sénat, ils l'adaptent à des pratiques devenues coutumières.
Merci au président Larcher pour cette proposition de résolution bienvenue dont nous espérons qu'elle présage des modifications plus substantielles du Règlement, pour un travail parlementaire encore plus efficace. Nous aurons, sans aucun doute, de nombreuses propositions à faire lors des réformes institutionnelles pour consolider les outils de contrôle de l'action du Gouvernement et faire en sorte que les politiques publiques répondent mieux aux attentes de nos concitoyens et de nos territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
M. Yves Bouloux . - Nous aurions pu nous contenter de prendre acte des modifications du Règlement proposées par le président Larcher et parfaites par la commission des lois. Comme le président-rapporteur l'a rappelé, celles-ci se font à droit quasi constant. L'objectif n'est pas sans nous rappeler la mission « Bureau d'annulation des lois anciennes et inutiles » de Vincent Delahaye.
Hasard du calendrier, l'Assemblée nationale a également débattu il y a quelques jours de son règlement. De façon plus spectaculaire : des centaines d'amendements avaient été déposées. On mesure toute l'importance du travail sénatorial pour l'apaisement du débat public.
Cette proposition de résolution laisse augurer des débats que nous aurons lors d'une éventuelle réforme constitutionnelle. D'abord, sur le rôle des collaborateurs de groupe et des collaborateurs de parlementaires. La récente création d'une instance de dialogue et les premières élections professionnelles qui seront organisées à la fin de ce mois indiquent que la tendance est à son affirmation. Cela ne doit pas être l'occasion d'une forme de concurrence avec les administrateurs, la place du parlementaire doit demeurer centrale.
Ensuite, le droit des groupes minoritaires, fondement incontournable du bon fonctionnement et de la vivacité de notre démocratie.
Enfin, le droit d'amendement et les irrecevabilités. Certains voudraient que la commission des finances motive chaque rejet d'amendement au titre de l'article 40. Vu l'état de nos finances publiques, ne devrait-on pas plutôt attendre des sénateurs qui présentent des amendements qu'ils justifient leur soutenabilité ?
Je suivrais l'avis du président-rapporteur Bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci.
M. René Danesi . - Ce texte est bienvenu d'autant qu'il ouvre la voie à des propositions de résolution complémentaires. Il met notre procédure parlementaire définitivement à l'abri d'une révision constitutionnelle totalement imprévisible dans le temps et dans ses formes.
Quelques points méritent un débat de fond. En premier lieu, les irrecevabilités. Il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur celle au titre de l'article 45, premier alinéa, de la Constitution. L'appréciation du « lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » doit être discutée en commission - ce qui est d'ailleurs prévu. Cela éviterait des psychodrames en séance, comme nous en avons connu avec l'amendement portant le délai de l'IVG de 12 à 14 semaines qui avait peu à voir avec le projet de loi. (Murmures réprobateurs sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Idem pour l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40. En pratique les amendements sont exécutés au coin du bois par les administrateurs et le président de la commission. Plus personne n'en entend parler, ils deviennent des « invisibles du Sénat ». L'Assemblée nationale, elle, ne transforme pas l'article 45 en robe de bure, pas plus que l'article 40 en calice.
En second lieu, le contrôle des ordonnances. Les ordonnances étant d'application immédiate, le Gouvernement a pris l'habitude de faire procéder à leur ratification au moyen d'articles figurant dans des projets de loi à portée générale comme la loi Pacte, ou même, au dernier moment, par voie d'amendements. Dans ces conditions, le Parlement n'a ni le temps ni les moyens de contrôler l'usage qui a été fait de la délégation de son pouvoir législatif. Il arrive même qu'il n'y ait aucun contrôle du tout car peu de lois de ratification sont inscrites à l'ordre du jour ès qualité. À la fin de la session 2017-2018, il y avait ainsi un stock de 38 textes en instance. Il faudrait une concertation exigeante avec le Gouvernement pour un contrôle continu des ordonnances, lesquelles devraient d'ailleurs se cantonner aux sujets techniques. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je me réjouis de la qualité de cette discussion qui fait apparaître une très large convergence de vues sur cette proposition de résolution du président Larcher.
La question délicate des irrecevabilités doit s'inscrire dans une réflexion large. Les grands électeurs et nos concitoyens nous le disent souvent, les lois sont difficiles d'accès. Même si nul n'est censé ignorer la loi, la loi est généralement ignorée à force d'obésité et de boursouflures. Si l'on veut bien considérer la question sous cet angle, chacun s'accordera sur la nécessité de s'assurer du lien, même indirect, que présentent nos propositions avec le texte. Cela ne nous prive nullement de notre droit d'amendement. À preuve, le nombre d'articles votés est de 2 à 2,5 fois plus important que le nombre d'articles déposés par le Gouvernement.
Quant aux irrecevabilités financières, la commission des finances du Sénat est bien moins sévère que la commission des finances de l'Assemblée nationale. (Mme Éliane Assassi le conteste.) À l'Assemblée nationale, 7 % des amendements sont éliminés pour irrecevabilité financière, contre 5 % au Sénat. Compte tenu du nombre d'amendements déposés dans une chambre et dans l'autre, la différence est assez substantielle.
Nous reviendrons sur les autres sujets lors de la discussion des articles.
La discussion générale est close.
Mise au point au sujet de votes
M. Jean-François Longeot. - Lors de l'examen du projet de loi Santé, Hervé Maurey a été enregistré comme votant contre lors du scrutin n°137 alors qu'il ne participait pas au vote. Lors des scrutins nos141 à 144, il souhaitait voter pour, et non contre.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique des scrutins.
Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat (Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la suite de la discussion de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le Règlement du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Chaque groupe dispose au moins d'un poste de vice-président ou de questeur.
Mme Éliane Assassi. - Discuter cet article premier au sein de la seule commission des lois était impensable, nous avons demandé qu'elle se tienne en séance publique et je me réjouis de voir que l'hémicycle est garni.
Le fait majoritaire s'applique avec excès au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Un groupe, fût-il faible en nombre, doit affronter l'ensemble de la vie parlementaire - nous en donnons l'exemple. Chacun devrait donc, s'il le souhaite, disposer d'un poste de vice-président. Il ne s'agit pas d'une course aux postes (On s'esclaffe sur les bancs du groupe Les Républicains.) mais de respect du pluralisme.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Quand on applique la LEC, tous les sénateurs peuvent participer aux discussions de la commission.
Mme Éliane Assassi. - Pas sur le fond des amendements !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Pour la commission des lois, la règle de la proportionnelle des groupes doit continuer à s'appliquer pour la désignation du Bureau. On ne change pas la règle en fonction des circonstances.
M. Roger Karoutchi. - Je trouve cet amendement tout à fait remarquable...
Plusieurs voix sur le banc du groupe CRCE. - « Mais »...
M. Roger Karoutchi. - Je vais proposer au groupe Les Républicains de se scinder en une douzaine de groupes, moi qui rêve d'être vice-président depuis longtemps. (Rires)
Plus sérieusement, peut-être faudrait-il revoir le fameux système d'Hondt, il est d'une complexité redoutable.
À moins d'avoir vingt vice-présidents et dix questeurs, cet amendement est peu applicable. N'êtes-vous pas les premiers à dire, et c'est bien normal, que la Haute assemblée doit veiller à ne pas augmenter ses dépenses de fonctionnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 14, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il est procédé à leur affichage, dont le Président informe la séance.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement rédactionnel présente le grand avantage d'être parfaitement logique. (Sourires)
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission, après avoir longuement débattu, a donné un avis défavorable à cet amendement du président Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est contraire à la logique !
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1... - Les délibérations des réunions du Bureau du Sénat font l'objet d'un procès-verbal rendu public, à l'exception des délibérations ad hominem. » ;
M. Éric Bocquet. - Cet amendement renforce la transparence des réunions du Bureau du Sénat. Elles doivent donner lieu à un compte rendu, qui ne soit pas simplement succinct, mais détaillé, à l'exclusion des délibérations ad hominem.
Cette mesure, sans être révolutionnaire, contribuera à notre effort de de clarté, qu'il serait judicieux de faire savoir urbi et orbi.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Ce serait une novation, ce qui n'est pas dans l'esprit de cette réforme du Règlement. L'avis est défavorable.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Le vote sur les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7, qui font l'objet de la procédure de législation en commission, est réservé.
ARTICLE 8
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... . - Les réunions des commissions donnent lieu à un compte rendu analytique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il s'agit de préciser dans le Règlement ce qui est déjà un fait, à savoir que les réunions de commission donnent lieu à un compte rendu analytique. Il a été malheureusement supprimé à l'Assemblée nationale. Nous apprécions au Sénat de le retrouver chaque jour, il est précieux pour la compréhension de nos travaux. Adopter cet amendement est une manière de défendre sa nécessité.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je suis toujours ravi d'échanger avec le président Sueur sur des questions de sémantique. Actuellement, le compte rendu des commissions est détaillé, et non analytique. En ce qui me concerne, je ne sais plus faire la différence et les rédacteurs ne la font pas non plus. Je ne sais ce qui, de qualification « détaillé » ou « analytique », est le plus pertinent. Si l'on allait dans le sens du président Sueur, il faudrait ajuster toutes les rédactions du Règlement. J'apprécierai que M. Sueur fasse un geste de bonne volonté et retire son amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ma bonne volonté est extrême mais je crois qu'il est extrêmement important de défendre le compte rendu analytique.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je prends l'immense risque d'émettre un avis défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
Salut à une délégation de la Chambre des Représentants de la République de Chypre
Mme la présidente. - J'ai le plaisir de saluer, dans la Tribune d'honneur, une délégation de la Chambre des Représentants de la République de Chypre, conduite par son président, M. Giorgos Lillikas. Elle est accompagnée par notre collègue Nelly Tocqueville, présidente du groupe d'amitié France-Chypre.
La délégation est à Paris pour évoquer tant la partition de l'île que les questions énergétiques. Elle s'entretiendra avec nos collègues Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, et Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
Le Sénat entretient d'excellentes relations avec la Chambre des représentants chypriote et la France en est un partenaire étroit, comme en témoignent les contacts fréquents entre nos deux pays.
Je souhaite au nom du Sénat la plus cordiale bienvenue et un fructueux séjour à nos homologues de la Chambre des représentants de Chypre. (Applaudissements sur tous les bancs)
Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat (Suite)
Discussion des articles (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ... . - Les auditions des commissions d'enquêtes sont publiques, sauf délibération contraire de la commission.
« Les travaux de la commission, à l'exclusion des auditions, ne sont pas publics, sauf délibération contraire de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les auditions des commissions d'enquête devraient être publiques, à moins qu'il n'en soit décidé autrement. Lors d'une fameuse commission d'enquête, dont se souvient certainement le président Bas, nous avons jugé opportun qu'il était opportun qu'elles le fussent ; revenir en arrière serait incompréhensible. Dans une démocratie digne de ce nom, il faut qu'existe un contrôle parlementaire. Les commissions qui l'assurent doivent travailler en toute transparence.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Question très intéressante ! Le président Sueur ne saurait faire la moindre confusion entre les commissions permanentes agissant avec les pouvoirs d'une commission d'enquête et les commissions d'enquête. Les secondes se voient appliquer des règles qui relèvent de la loi, et non pas du Règlement, selon la réforme constitutionnelle de 2008. Il est prévu que leurs auditions sont publiques.
Quant aux premières, il est bon de laisser la commission décider des modalités de publicité qu'elle souhaite, depuis le simple procès-verbal jusqu'à l'accès de la salle à la presse.
L'avis est défavorable.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Cambon, Maurey et Éblé, Mme Morin-Desailly, MM. Bizet, Pointereau, Bascher et Bazin, Mmes Benbassa, Billon et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Capo-Canellas et Cazabonne, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Dallier et Dantec, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes de Cidrac et de la Provôté, MM. de Nicolaÿ et Decool, Mmes Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Dindar et Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton et Férat, M. Fouché, Mme C. Fournier, M. Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Gatel, MM. Gattolin et Genest, Mme N. Goulet, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Guérini, Guerriau, Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Janssens, P. Joly, Kennel, Kern et Lagourgue, Mme Lassarade, MM. Laugier et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre, Léonhardt, Lévrier, Longeot, Longuet, Luche et Magras, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau, Morhet-Richaud et Noël, MM. Panunzi, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre et Poniatowski, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin et Regnard, Mme Renaud-Garabedian, MM. Requier, Revet, Savary et Savin, Mme Schillinger, MM. Segouin et Sido, Mmes Sollogoub et Thomas, M. Vaugrenard, Mme Vermeillet, M. Vogel et Mme Vullien.
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapporteur peut être assisté, en sa présence uniquement, par l'un de ses collaborateurs ou par un collaborateur de son groupe politique d'appartenance. » ;
M. Roger Karoutchi. - Cet amendement est quasi-révolutionnaire : donner au sénateur, qui est rapporteur d'un texte, la possibilité que son collaborateur assiste à la séance où se tiendraient des auditions organisées par le Sénat. La pratique existe déjà au Parlement européen et dans d'autres assemblées.
Il n'est pas question de mettre en cause la qualité du travail des administrateurs mais un sénateur qui fait un rapport travaille dans son bureau avec son collaborateur. Pourquoi ce dernier ne saurait-il rien de ce qu'il s'est passé en audition ? Pour un peu, le sénateur se trouverait dans la situation de servir de collaborateur à son collaborateur en lui rapportant tout ce qui s'est dit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. André Gattolin applaudit également.)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci à cet hommage que vous rendez à nos collaborateurs. Les sénateurs définissent leur travail en fonction de leurs besoins, de sorte qu'il varie fortement. Une minorité participe à la rédaction des amendements ou des rapports. Surtout, cet amendement ne vise pas seulement la présence éventuelle d'un collaborateur de sénateur-rapporteur. Il est écrit que le sénateur-rapporteur pourra être « assisté » par son collaborateur. Cela signifie-t-il que le collaborateur s'assied aux côtés du sénateur lorsque ce dernier doit donner son avis sur des amendements ? La formule est ambigüe, ce serait un empiètement sur le travail des administrateurs. Ne mélangeons pas les rôles. Ce qui importe, c'est que la place du sénateur, comme cela a été bien dit, reste centrale.
En revanche, rien ne s'oppose à ce qu'un collaborateur puisse être présent à la réunion...
M. André Gattolin. - Qu'il puisse donc assister à la réunion !
M. Philippe Bas, rapporteur. - « Assister » à la réunion, oui ! Mais non « assister » le sénateur. Et il serait bon que ce soit avec l'autorisation du président de la commission.
Avant de nous engager dans cette voie, nous devons effectuer un travail de concertation. Le président du Sénat s'est engagé à ouvrir une concertation sur la demande que vous faites par le biais de cet amendement. Fort de cet engagement, le retirerez-vous ?
M. Roger Karoutchi. - Je sais, tout ce qui doit être décidé dans la Haute Assemblée, doit l'être sans précipitation (Sourires) mais voilà dix ans que la question se pose dans les réunions de l'AGAS.
La commission a tout loisir de sous-amender mon amendement. Pourquoi ne pas dire que le sénateur peut être « accompagné en accord avec le président de la commission » par son collaborateur, qui sera témoin muet du sérail ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
La concertation qu'ouvre le président Larcher porte sur le statut des collaborateurs, non sur leur présence lors de réunions. L'autre possibilité, c'est l'instruction générale du Bureau du Sénat et la révision de son article 9 bis - et encore, elle ne mentionne que les collaborateurs de groupe.
La présence de nos collaborateurs aux auditions et réunions ne choquera ni le corps remarquable des administrateurs ni le président de commission. Et, enfin, nos collaborateurs auront le sentiment que, oui, on travaille ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Philippe Bas, rapporteur. - En effet, l'instruction générale du Bureau est le bon véhicule. Pour autant, je ne veux pas rejeter la main que l'on me tend et demande une interruption de séance pour réunir la commission.
La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 55.
Mme la présidente. - Amendement n°40, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Bureau du Sénat détermine les catégories de collaborateurs dont chaque président peut autoriser la présence en commission et lors des auditions des rapporteurs, ainsi que les obligations qui leur sont applicables. » ;
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission vient de délibérer et a adopté un amendement qui atteint les objectifs de M. Karoutchi, sachant qu'une telle mesure relève de l'instruction générale du Bureau.
Je me suis entretenu avec le président Larcher qui m'a autorisé à vous faire part de son engagement à mener à bien un travail que vous pourriez confier au Bureau. Le texte de l'amendement est clair. Si le Bureau le décide, les collaborateurs de sénateurs auteurs de proposition de loi pourront assister aux auditions des rapporteurs et aux réunions de la commission sur le texte ; l'amendement n°40 est donc plus large que celui de M. Karoutchi.
Forts de l'engagement du président du Sénat, nous pouvons compter que le Bureau se mettra rapidement à la tâche et entendra les présidents de groupes, de commissions et les représentants des associations de collaborateurs et d'administrateurs pour trouver un réglage fin. L'objectif est bien que vous puissiez vous faire accompagner par un collaborateur en qui vous avez une confiance personnelle.
Cette nouvelle rédaction ne pouvant prendre la forme d'un sous- amendement, je vous propose un nouvel amendement, dont je demande l'examen en priorité.
Mme la présidente. - Selon l'article 44-6 du Règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond.
Il en est ainsi décidé.
M. Roger Karoutchi. - Le travail parlementaire est fondé sur la confiance. Sans elle, rien n'est possible.
Votre amendement n°40 - sur lequel, soit dit en passant, demander la priorité me semble assez moyen - est certes une avancée par rapport à la situation actuelle, mais contrairement au mien, il n'est pas d'application immédiate. À quel moment le Bureau en décidera-t-il ? Le temps de mettre en place la concertation, cela prendra au moins un an ! Si cet amendement se traduit par un enterrement de première classe, la confiance que je fais au président de la commission des lois et au président du Sénat n'aura plus lieu d'être. J'accepte de retirer mon amendement à la condition exprès que la confiance ne soit pas rompue.
M. Bruno Retailleau. - Oui, la confiance est le socle de nos travaux. Nous avons toujours modifié le Règlement du Sénat dans un esprit consensuel, autour du président du Sénat, avec l'ensemble des présidents de groupe et, le plus souvent, des présidents de commission. Sur ce point-ci, tel n'a pas été le cas.
Avec le président Larcher, nous considérons qu'il faut faire un pas envers nos assistants.
Au sein de l'institution, les administrateurs ont un statut, assorti d'un code de déontologie...
M. André Gattolin. - Je l'avais demandé !
M. Bruno Retailleau. - Outre les collaborateurs de groupe, nous souhaitons que nos assistants parlementaires puissent prendre davantage part à nos travaux. Mais cela devra s'accompagner de règles, dont il faut discuter. Les assistants parlementaires seraient amenés à assister aux délibérations secrètes des commissions. Nous devons en discuter au sein du Bureau, avec les présidents de groupe et de commission. Face à ces nouveaux droits, nos assistants doivent avoir de nouveaux devoirs. Je voterai l'amendement du président Bas.
Mme Éliane Assassi. - L'amendement de M. Karoutchi paraissait sympathique mais pose des questions, en effet. Les statuts ne sont pas les mêmes : un sénateur nommé rapporteur devient le rapporteur de la commission. En quoi son collaborateur personnel devrait-il l'assister ? C'est un mélange des genres.
Il faudra se pencher sur le statut de nos collaborateurs, de groupe ou assistants parlementaires.
L'amendement du président Bas m'interroge. A-t-on mené une concertation avec les syndicats ? Je ne crois pas. Ne serait-ce que pour cette raison, je ne voterai pas cet amendement.
Mme Pascale Gruny. - J'ai cosigné l'amendement de M. Karoutchi car j'ai l'expérience du Parlement européen. Nous travaillons au quotidien avec nos assistants, nous leur faisons toute confiance. Or nous ne pouvons partager avec eux nos travaux sur un rapport car ils ne sont pas présents ! Qu'ils puissent nous accompagner, sans bien entendu prendre la parole, me paraît naturel. Je voterai l'amendement de M. Bas.
M. André Gattolin. - J'ai voté l'excellent amendement de M. Karoutchi. Il faudrait une concertation avec les syndicats, dites-vous ? Tous mes collaborateurs se plaignent de ne pouvoir assister aux auditions !
Mme Éliane Assassi. - Vos collaborateurs sont tous à Paris !
M. André Gattolin. - Parfois, le rapporteur mène cinq auditions d'affilée. Les documents sont envoyés directement à l'administrateur ; il m'est arrivé de ne pas les recevoir ! Et quand j'ai demandé un compte-rendu, il m'a fallu attendre quinze jours pour avoir une demi-page. Qui est élu ici ? Les parlementaires ou la structure administrative ? Qui signe le rapport ? Le sénateur, qui assume la responsabilité. Quand il embauche un collaborateur, il le fait sur une base de confiance.
Sans doute fallait-il préciser l'amendement de M. Karoutchi. Les collaborateurs ne vont pas prendre la place des administrateurs, dont on sait la grande qualité, mais je m'étonne que ce qui fonctionne très bien au Parlement européen soit vécu ici comme une révolution ! Où vivons-nous ? Sommes-nous au XXIe siècle ou au XIXe ?
L'amendement du président Bas reporte, repousse ; on va d'abord créer un comité Théodule... Pourquoi distinguer les « catégories » de collaborateurs ? Sur un sujet local, le collaborateur local doit pouvoir assister à l'audition. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme Catherine Procaccia. - L'exposé des motifs de l'amendement de M. Karoutchi était clair, sa rédaction moins. « Assister », dans notre esprit, signifie être présent, pas suppléer l'administrateur. Ce sont nos collaborateurs qui sont dans le bureau, qui prennent les appels, qui mettent à jour nos sites et rédigent des communiqués pour la presse régionale.
Sur les dix assistants que j'ai eus en quatorze ans de mandat, trois avaient les capacités légistiques pour m'assister. Le choix du collaborateur qui assistera aux réunions de commissions doit revenir au sénateur.
Je suivrai Roger Karoutchi. Cela fait dix ans que je réclame cette évolution, espérons que les choses vont enfin avancer. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Michel Raison. - L'amendement de Roger Karoutchi a une dimension psychologique. N'allons pas punir l'ensemble des assistants parce qu'il y en a eu un ou deux d'indélicats ; cela peut arriver même chez les sénateurs ! (On se récrie sur les bancs du groupe SOCR.)
Dans leurs rapports avec l'administration du Sénat, nos assistants se sentent parfois considérés comme des sous-secrétaires. Or ils sont l'équivalent d'un directeur de cabinet ; comme le directeur de cabinet d'un maire, ils parlent en notre nom, nous en sommes responsables.
Je voterai cet amendement en espérant que la question soit traitée au plus vite par le Bureau.
Mme Françoise Cartron. - J'ai vécu ce problème lorsque je rapportais la loi de refondation de l'École. Certes, je bénéficiais de la compétence et de l'expertise des administrateurs mais mes assistants parlementaires, ne pouvant assister aux auditions, ne pouvaient partager le vécu, le ressenti ; je m'efforçais de leur faire un résumé de chaque audition... Je suis favorable à l'amendement de M. Karoutchi, qui facilitera la relation de confiance avec nos collaborateurs.
Présidente de l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs (AGAS) pendant trois ans, j'ai souvent entendu qu'au Sénat, certaines catégories seraient plus nobles que d'autres. L'exclusion des auditions est vécue comme une discrimination. L'amendement de M. Karoutchi donne aux assistants la place essentielle qui est la leur ; cela passe par la présence à nos côtés en audition.
L'amendement de M. Bas, lui, ne fixe aucun délai...
M. Olivier Léonhardt. - L'amendement de M. Karoutchi est un simple amendement de bon sens ! Sénateur de fraîche date, je ne comprends même pas que la question se pose.
Mme Nathalie Delattre. - Le président Bas tente un compromis, mais je note qu'il y a encore des freins à la présence de nos collaborateurs en commission. La semaine dernière, une proposition de loi dont j'étais l'auteur a été votée à l'unanimité. Il était frustrant pour ma collaboratrice, qui m'avait aidée à la rédiger, de ne pouvoir assister aux réunions du rapporteur, d'autant que nous modifions le texte en commission ! Il m'était difficile de lui rapporter les subtilités de quatre heures d'audition.
L'amendement du président de la commission des lois est acceptable même s'il manque un délai. Comme l'a dit Mme Assassi, le dialogue social préalable est incontournable. Il faut faire diligence, car nous sommes majoritairement d'accord pour que nos collaborateurs participent aux auditions.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Nathalie Delattre. - Leur éthique ne saurait être mise en cause.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le groupe SOCR a voté l'amendement de M. Bas en commission à l'instant. Toutefois, c'est à la condition, d'une part que cet amendement ne soit pas dilatoire et que le Bureau traite du sujet lors de sa prochaine réunion, d'autre part qu'il y ait auparavant une concertation avec les organisations représentatives des collaborateurs. Monsieur Bas, acceptez-vous d'en prendre l'engagement ?
M. Laurent Duplomb. - Montesquieu écrivait : « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ».
J'ai cosigné l'amendement de M. Karoutchi car j'aimerais que mon assistante puisse être dans l'assistance lors des auditions que je mène en tant que rapporteur du budget de l'agriculture. Il me serait utile qu'elle fasse un compte rendu, qu'elle soit informée des suites...
J'entends les propos des présidents Retailleau et Bas appelant à border les choses. Mais il faut respecter le pacte de confiance. Ajoutons à l'amendement un délai, par exemple d'un à deux mois. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Alain Marc. - Quand j'étais député, nous pouvions venir en réunion avec nos assistants, même les stagiaires. Je m'étonne que cela ne soit pas possible au Sénat.
L'amendement de M. Karoutchi est positif. Toutefois le terme « assister » pose problème. Je fais confiance à Philippe Bas dont je ne crois pas que l'amendement soit dilatoire. Je souhaite avancer et voterai son amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je vous ai bien écoutés. Vouloir que le Bureau soit saisi, rédiger un texte qui fait obligation au Bureau de prendre de nouvelles dispositions, c'est déjà un gage de confiance.
Après avoir évoqué de manière approfondie cette question avec le président du Sénat, je peux m'engager à ce que cette question soit examinée dès la prochaine réunion du Bureau. Je suis le gardien de cet engagement.
Je veux rassurer ceux qui craignent que le dialogue social soit un prétexte pour repousser l'examen de la question. Nous avons suffisamment fustigé le manque de dialogue du Gouvernement lors de la crise des gilets jaunes pour ne pas faire de même ! Le Bureau ira vite mais ne peut se dispenser d'entendre les présidents des groupes, des commissions et les associations représentatives des collaborateurs et des administrateurs.
La concertation n'est pas prétexte à procrastiner ; elle permet au contraire de trouver des solutions. Je prends l'engagement d'y veiller car la question de la confiance est essentielle.
Plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur la notion de catégories de collaborateurs visés. Monsieur Gattolin, nous ne souhaitons pas distinguer les collaborateurs de groupe et les collaborateurs de sénateurs.
L'amendement de M. Karoutchi que je remercie encore d'avoir bien voulu le retirer...
M. Roger Karoutchi. - Vous vous avancez...
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je vous remercie par avance, alors... (Sourires) Pas une voix ne s'est exprimée contre la modification de nos pratiques permettant, sur décision des présidents des commissions, aux collaborateurs des rapporteurs et des auteurs de propositions de loi, d'être présents lors des auditions et des travaux de la commission. Notre président a entendu cette unanimité du Sénat. Pourquoi douter que l'instruction générale du Bureau ne fera pas évoluer les règles ?
Mme la présidente. - Monsieur Karoutchi, confirmez-vous que vous retirez votre amendement ?
M. Roger Karoutchi. - Une heure et demie pour savoir si les collaborateurs peuvent assister leur sénateur ! Je retire mon amendement. Nous jugerons sur pièce après la prochaine réunion du Bureau.
L'amendement n°10 rectifié ter est retiré.
L'amendement n°40 est adopté.
Mme Éliane Assassi. - Nous nous abstenons.
Mme la présidente. - Amendement n°16, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ....- Si le groupe auteur d'une proposition de loi inscrite à l'ordre du jour dans les conditions fixées par l'alinéa 5 de l'article 29 bis demande la désignation d'un de ses membres comme rapporteur, cette demande est de droit. » ;
Mme Laurence Cohen. - J'espère que nous consacrerons autant de temps pour donner plus de place à l'opposition. Une heure et demie pour discuter de la place à donner à nos collaborateurs, c'est invraisemblable à l'heure où l'exécutif rabote nos droits de parlementaires ! Cela dit, la majorité du Sénat ne dit rien, car vous en rajoutez pour réduire encore nos droits...
Mon amendement est moins révolutionnaire que celui de M. Karoutchi (Sourires) Il propose que si un groupe politique, lors de sa niche parlementaire, demande à ce que le rapporteur du texte soit l'un de ses membres, cela soit accordé de droit.
Nous souhaitons rendre cette pratique plus officielle, afin d'éviter la dénaturation des textes présentés par les groupes d'opposition. Cette mesure devrait rassembler vos suffrages, mes chers collègues.
Les arguments avancés par le président Bas pour repousser nos amendements ont jusqu'à présent été un peu à géométrie variable. Voyons ce qu'il en est de celui-ci.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable. Il est souhaitable que les rapporteurs puissent s'adosser à la majorité de la commission pour défendre ses positions en séance.
Comme président de commission, je cherche toujours à confier des rapports à des collègues de groupes minoritaires. Mais si c'est pour qu'ils défendent au banc de la commission des positions qui ne sont pas les leurs, la situation deviendra difficile. On ne peut déroger à cette règle même si je souhaite que le maximum de rapports soit donné à des sénateurs n'appartenant pas à la majorité.
Mme Laurence Cohen. - Nous venons de discuter très, peut-être trop longuement de la présence des assistants parlementaires pour nous seconder, et on a parlé de confiance. Nous demandons à ce qu'un groupe minoritaire qui le demande obtienne de droit que le rapporteur soit issu de ses rangs lorsqu'il s'agit d'un texte qu'il a rédigé.
Monsieur le président, vos arguments ne valent pas. Les groupes minoritaires de l'hémicycle n'ont que peu de pouvoir. Le Gouvernement et la majorité sénatoriale rejettent 95 % de nos amendements. Et on nous refuse d'être rapporteur de droit de nos propositions de loi ! On marche sur la tête...
M. Jean-Pierre Sueur. - À l'Assemblée nationale, lorsque Georges Hage présentait le budget des sports, il exposait avec truculence des rapports auxquels il était toujours opposé.
Le rapporteur désigné défendra au banc la position de la commission, même si ce n'est pas la sienne. Je ne crois pas qu'il y ait d'incompatibilité. Je voterai cet amendement.
Mme Éliane Assassi. - Monsieur Bas, vos arguments ne valent pas. Le groupe CRCE a récemment déposé à deux reprises des propositions de loi dans ses niches : Dominique Watrin, rapporteur sur les retraites agricoles et Guillaume Gontard sur la renationalisation des autoroutes ont su défendre les positions de la commission, tout en présentant leur avis personnel.
Nous sommes très respectueux du travail parlementaire. Pourquoi refusez-vous notre amendement, sinon parce que vous êtes favorable au fait majoritaire ?
M. Roger Karoutchi. - En 2008, lorsque l'on a créé le statut des groupes minoritaires et les niches parlementaires, j'avais mis en garde les présidents de groupes aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat contre le fait que les textes de ces groupes allaient être tellement dénaturés en fin de débat qu'ils seraient contraints à la fin de voter contre.
J'avais proposé à l'époque un vote bloqué sur le texte initial à la fin du débat. J'avais le soutien du Premier ministre de l'époque, François Fillon, mais pas celui des présidents de groupes parlementaires, y compris minoritaires : on m'a opposé que le droit d'amendement ne pouvait pas être bloqué.
Cependant, le sujet est d'ordre constitutionnel. Pourrait-on faire évoluer la position des présidents de groupes lors d'une éventuelle réforme constitutionnelle ? Votre amendement n'y changera rien.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°17, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ....- Si le groupe auteur d'une proposition de loi inscrite à l'ordre du jour dans les conditions fixées par l'alinéa 5 de l'article 29 bis demande la désignation d'un de ses membres comme co-rapporteur, cette demande est de droit. » ;
Mme Michelle Gréaume. - Cet amendement de repli propose que si un groupe politique, lors de sa niche parlementaire, demande à ce qu'un co-rapporteur du texte soit l'un de ses membres, cela soit accordé de droit. Le co-rapporteur présenterait au rapporteur l'argumentaire de la proposition de loi.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Hélas, avis défavorable ! Les deux voix qui s'opposent devant la commission au lieu de proposer une solution ne faciliteront pas nos travaux.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 37
1° Première et deuxième phrases
Remplacer le mot :
président
par le mot :
bureau
2° Deuxième phrase
Après le mot :
écrit
insérer les mots :
et suffisamment motivé
Mme Christine Prunaud. - Cet amendement propose que le contrôle de recevabilité au sein de la commission saisie au fond et au sein de la commission de finances soit fait par le bureau de ces commissions respectives, et non par les seuls présidents. On lèverait ainsi l'arbitraire. Il propose aussi que les avis d'irrecevabilité soient écrits et motivés de manière non tautologique.
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 37
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé
2° Deuxième phrase
Après les mots :
qui rend un avis écrit
insérer les mots :
et suffisamment motivé
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Toute irrecevabilité de l'article 40 doit être rédigée par écrit.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Il est intéressant de rechercher une méthode pour mieux légitimer les irrecevabilités, irritantes dans notre assemblée. Cependant avis défavorable. Toute irrecevabilité financière est assortie de l'envoi d'une lettre ou d'un courriel à celui qui a déposé l'amendement, justifiant le rejet.
Quant à l'amendement n°15 qui propose une décision collégiale, il ralentirait considérablement notre travail parlementaire. Nous interromprions nos séances de commission déjà chargées pour faire avaliser une décision d'irrecevabilité par le Bureau. Les délais sont extrêmement contraints !
M. Jean-Claude Requier. - Sans le voter, je comprends l'objectif de cet amendement, même si j'ai dû consulter internet pour comprendre le sens de l'adjectif « tautologique ».
Les amendements nos14 et 15 ne sont pas adoptés.
L'article 8, modifié, est adopté.
Le vote sur les articles 9, 10, 11 et 12, qui font l'objet de la procédure de législation en commission, est réservé.
ARTICLE 13
Mme la présidente. - Amendement n°22, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 13
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après l'alinéa 6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« .... - Un relevé des décisions de la Conférence des Présidents est rendu public. » ;
Mme Éliane Assassi. - La Conférence des présidents est l'instance qui régule l'activité législative du Sénat. Depuis quelque temps, elle prend des décisions sur d'autres sujets qui revêtent un caractère normatif, par exemple sur les textes discutés en LEC.
Cet amendement propose qu'un relevé de décisions de la Conférence des présidents soit rendu public.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous sommes déjà pleinement informés des décisions de la Conférence des présidents qui figurent sur le site du Sénat. Avis défavorable.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°19, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) L'alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette durée globale du temps ne peut être inférieure à deux heures. » ;
Mme Éliane Assassi. - L'obsession de rationaliser le temps de parole confine à la volonté d'étouffer les expressions pluralistes. Sa réduction couplée à celle du droit d'amendement met à mal l'institution. Inflation législative et démultiplication des instances à l'utilité pas toujours évidente contribuent à la surcharge de travail plus que le droit d'amendement. Le débat en commission ne peut suppléer le travail en séance publique, clé de la démocratie. L'expérience de cet après-midi l'atteste.
Lorsque le Parlement ne joue plus son rôle, le débat a lieu ailleurs et la colère peut monter.
Ce sont les principes fondamentaux de la République qui sont mis à mal. Les majorités successives qui ont corseté le débat parlementaire portent une responsabilité dans la crise politique et institutionnelle actuelle.
Le député Les Républicains Philippe Gosselin déclarait avec raison à l'Assemblée nationale que si la loi est bavarde, c'est avant tout parce que le nombre de textes de loi a augmenté de manière phénoménale.
Mme la présidente. - Amendement n°18, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 19 à 21
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
a) L'alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Faute d'accord de la conférence, cette durée globale est de deux heures. » ;
b) Après l'alinéa 1 , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2. - La moitié de ce temps est réparti égalitairement entre les groupes, l'autre moitié en proportion des effectifs des groupes, les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe bénéficiant d'un temps de parole de cinq minutes à sept minutes selon la durée de la discussion générale. » ;
c) L'alinéa 2 devient l'alinéa 3 ;
d) Après l'alinéa 2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« .... - La Conférence peut également fixer à l'unanimité la durée maximale de l'examen de l'ensemble d'un texte : discussion générale, motions, interventions sur articles, présentation des amendements, explications de vote sur amendements et articles. Les temps de parole dont disposent les groupes sont répartis selon les modalités prévues à l'alinéa 2. » ;
Mme Céline Brulin. - Cet amendement prévoit que la discussion générale est de deux heures et il confie aux groupes minoritaires la moitié du temps de parole. Ce n'est pas parce que les groupes sont minoritaires qu'ils ont moins de choses à dire. Cet amendement rétablit l'égalité de nos débats et les rend plus dynamiques.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n°19 pourrait se retourner contre ses auteurs : avec une discussion générale de deux heures alors que la niche ne dure que quatre heures, le débat sur les amendements serait ensuite réduit à la portion congrue. Les propositions de loi ne pourraient être adoptées.
Comme vous, je souscris aux propos de M. Gosselin, mais il portait sur un autre sujet que votre amendement.
Avis défavorable à l'amendement n°19, comme à l'amendement n°18, qui change la clé de répartition des temps de parole.
Mme Éliane Assassi. - Vos arguments sont à géométrie variable ! Il n'est pas acceptable que la discussion générale soit la même pour un projet de loi comme celui sur la santé et pour une proposition de loi.
L'amendement n°19 n'est pas adopté non plus que l'amendement n°18.
Mme la présidente. - Amendement n°37, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 23
Après les mots :
Le débat
insérer les mots :
d'initiative sénatoriale
M. Philippe Bas, rapporteur. - Amendement de clarification.
L'amendement n°37 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°38, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 32
Remplacer les mots :
à l'article 48, alinéa 2,
par les mots :
au deuxième alinéa de l'article 48
M. Philippe Bas, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
L'amendement n°38 est adopté.
L'article 13, modifié, est adopté.
ARTICLE 14
Mme la présidente. - Amendement n°23, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 23
Remplacer les mots :
deux minutes et demie
par les mots :
cinq minutes
Mme Michelle Gréaume. - Cet amendement n'a rien de révolutionnaire : il revient à la situation qui prévalait il y a quelques années. Deux minutes et demie pour présenter un rappel au Règlement, défendre un amendement ou expliquer son vote sont insuffisantes. Alors que nous vivons à l'heure du zapping, le Parlement doit être un lieu de résistance à cette évolution.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le temps de parole a été fixé à deux minutes et demie par la réforme dite Larcher de 2015. C'est suffisant pour présenter nos arguments de manière dynamique et concise. Avis défavorable.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 34
Après le mot :
date
insérer les mots :
et de l'ordre du jour
M. Jean-Pierre Sueur. - Lorsque la séance s'achève le soir, vous avez le bonheur, madame la présidente, de dire « La séance est levée ». Mais avant, vous annoncez le jour, l'heure et l'ordre du jour de la séance suivante. Cela nous permet d'avoir la joie de nous rappeler quels vont être les textes à venir. Ce projet de Règlement propose de supprimer ces annonces, si bien qu'après l'adoption d'un amendement ou d'un article, le président annoncerait que la séance est levée. Ce serait technocratique ! Restons humains...
Notre rapporteur devrait accepter cet amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Il apparaît que le président Sueur aime tellement nos travaux qu'il souhaite que les débats se prolongent le soir par la lecture des annonces formelles qui concluent la séance.
Je suis aussi attaché que lui au Parlement, mais nos annonces ont-elles une réelle utilité ? Il existe un syndicat informel des vice-présidents qui ne semble pas attaché outre mesure au prononcé de formules par trop administratives. La commission n'a pas souhaité émettre un avis favorable à cet amendement. Avis défavorable.
Monsieur Sueur, n'y voyez là aucune cruauté à votre égard.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté.
ARTICLE 15
Mme la présidente. - Amendement n°29, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
- la deuxième phrase est supprimée ;
II. - Après l'alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, les motions mentionnées à l'alinéa 5 du présent article sont proposées ou discutées en priorité, lorsque le Sénat est saisi d'une proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution. » ;
Mme Éliane Assassi. - Une procédure de référendum d'initiative partagée vient d'être lancée sur la privatisation d'aéroport de Paris. C'est une première démocratique mais aussi un véritable parcours du combattant : il a fallu d'abord réunir la signature de 185 parlementaires pour déposer la proposition de loi référendaire ; il faudra ensuite recueillir la signature de 4,7 millions de nos concitoyens pour franchir la seconde étape, avec des conditions dissuasives : publication des noms, absence de comptage et de moyens d'information, etc... Une fois les signatures recueillies, la proposition de loi référendaire sera soumise une nouvelle fois au Parlement. Le cinquième alinéa de l'article 11 de la Constitution dispose que « si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le président de la République la soumet à référendum ». Il faut donc créer les conditions pour qu'une assemblée puisse majoritairement refuser d'examiner ce texte. Or le Règlement du Sénat autorise un groupe politique, même minoritaire, à déposer une motion d'irrecevabilité ou une question préalable entraînant de facto l'automaticité du référendum.
Nous proposons ici que la motion de renvoi en commission puisse être défendue préalablement à toute autre motion permettant au Sénat d'exprimer son refus d'examiner la proposition de loi référendaire.
Il apparaît nécessaire de modifier le Règlement du Sénat pour qu'un renvoi en commission soit effectif même lorsque le Gouvernement, qui a inscrit à l'ordre du jour la proposition de résolution, ne puisse obliger les sénateurs à examiner ce texte.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 46
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article 44, il est inséré un article 44 ... ainsi rédigé :
« Art. 44 ... . - Par dérogation aux dispositions de l'article 44, les motions mentionnées à l'alinéa 5 de l'article 44 sont proposées ou discutées en priorité lorsque le Sénat est saisi d'une proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution. » ;
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement a pour but une application pleine et entière de l'article 11 de la Constitution.
Cet article 11 a été rédigé de telle sorte qu'il ne puisse presque jamais servir.
Il faut d'abord 185 parlementaires, puis 4,7 millions de citoyens qui approuvent la proposition de loi. Mais ensuite, l'alinéa 5 est terrible, car une fois que ces deux conditions ont été réunies, il est écrit que si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées, le président de la République la soumet à référendum. Le mot important, c'est « examiné » : logiquement, il aurait fallu écrire « adoptée ». Cela prouverait que les 4,7 millions de signataires ont été entendus et qu'il n'est nul besoin de référendum.
Il suffit qu'un groupe dans chaque assemblée dépose la proposition de loi pour qu'il y ait un débat, ce qui est son droit imprescriptible. Ensuite une exception d'irrecevabilité ou une question préalable peut être déposée : quel que soit le résultat du vote, il sera considéré que la proposition de loi a été examinée. Ce serait un détournement. La seule solution est de voter d'abord le renvoi en commission.
Dans ce cas, on considérerait alors que l'assemblée n'a pas examiné le texte. Sinon, la procédure de référendum pourrait être bloquée. Il faut donc que l'on puisse statuer d'abord sur la motion de renvoi en commission.
Mme la présidente. - Amendement n°25, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 46
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article 44, il est inséré un article 44... ainsi rédigé :
« Art. 44.... - Par dérogation aux dispositions de l'article 44, les motions mentionnées à l'alinéa 5 de l'article 44 sont examinées en priorité lorsque le Sénat est saisi d'une proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution. » ;
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cette question est complexe. Pour faire échec au référendum d'initiative partagée, une fois toutes les conditions réunies, il suffit que chacune des deux assemblées examine le texte. Si le Gouvernement ne veut pas de référendum, il peut utiliser différents instruments pour faire en sorte que cela soit le cas et le texte sera réputé examiné. La situation sera différente dans une assemblée dans laquelle le Gouvernement aura la majorité de celle dans laquelle il ne l'aura pas.
Dans une assemblée où il ne disposera pas de la majorité, le vote d'une question préalable suffira à estimer que le texte a été examiné et donc il ne peut y avoir de référendum.
Le renvoi en commission ne signifie pas l'examen du texte. Le Gouvernement peut alors prévoir d'inscrire l'examen de cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire, et alors dans la journée, la commission doit avoir statué, et le texte revient en séance. Le Gouvernement force alors l'examen du texte : il empêche alors le référendum.
Soit le Gouvernement n'a pas prévu cette inscription à l'ordre du jour prioritaire, et alors l'examen par la commission peut durer longtemps et le texte n'est pas réputé examiné par le Sénat : le référendum peut alors avoir lieu.
Il y a une faille dans le dispositif : la motion d'irrecevabilité quand le Gouvernement a demandé l'inscription du texte à son ordre du jour prioritaire. Aucun des amendements ne répond à cette question. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements. De plus, cette modification lourde ne peut se faire à droit constant, et dépasse le cadre de notre proposition de résolution. Je suis sûr que le Conseil constitutionnel doit s'exprimer sur cette question : comme le Règlement du Sénat lui sera transmis, il pourra s'exprimer.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cette modification doit-elle figurer dans notre Règlement ? Oui, car l'ordre dans lequel les motions de procédure sont présentées relève du Règlement du Sénat, non de la Constitution, et d'ailleurs l'ordre d'examen a longtemps été inversé à l'Assemblée nationale par rapport au Sénat, puisque les motions y sont votées avant la discussion générale.
Si une assemblée décide par une exception d'irrecevabilité que la proposition de loi est contraire à la Constitution, cela signifie qu'elle a examiné le texte.
Dès lors, il est de bon sens que l'examen de la motion du renvoi en commission soit prioritaire. J'ajoute que l'article 11 est très mal rédigé : ce serait une des raisons qui justifierait l'ardente obligation de réviser la Constitution, s'il n'y avait quelques malheureuses questions de nombre de parlementaires qui venaient interférer dans notre débat.
L'amendement n°29 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos8 et 25.
La séance est suspendue quelques instants.
Mme la présidente. - Amendement n°27, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 47 à 68
Remplacer ces alinéas par treize alinéas ainsi rédigés :
4° L'article 45 est ainsi rédigé :
« Art. 45. - 1. - Dans le cas prévu à l'alinéa 1 de l'article 28 ter, le bureau de la commission saisie au fond contrôle la recevabilité, au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, des propositions de loi, amendements et sous amendements en commission. En cas de doute, le bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales est consulté.
« 2. - Le président de la commission saisie au fond transmet au bureau de la commission des finances ou au bureau de la commission des affaires sociales les amendements susceptibles d'irrecevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
« Le bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales se prononce sur leur recevabilité par avis motivé, non tautologique.
« Cette décision peut faire l'objet d'un recours auprès du Président du Sénat qui se prononce par avis motivé après avoir entendu le requérant, à sa demande.
« La discussion des amendements en cours d'examen est réservée jusqu'au terme de la procédure.
« Les amendements déclarés définitivement irrecevables ne sont pas mis en distribution.
« 3. Il est procédé selon les mêmes règles à l'encontre d'un amendement contraire à l'une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.
« 4. Tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution, sur une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ou sur l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. L'examen des propositions de loi, des amendements et sous-amendements en question est réservé tant que le bureau de la commission des finances ou celui de la commission des affaires sociales ne s'est pas prononcé, conformément à la procédure prévue à l'alinéa 2 du présent article.
« Avec l'accord du président de séance, le représentant du bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales peut demander au Gouvernement et à l'auteur de l'amendement, qui disposent de la parole durant cinq minutes, de faire valoir leurs arguments.
« En l'absence de conciliation des points de vue, le Sénat se prononce à main levée.
« 5. - L'irrecevabilité tirée de l'article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu'elle est opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique, la séance est, s'il y a lieu, suspendue jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué, si l'irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l'article sur lequel il porte est réservée jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué.
« 6. - Dans tous les cas prévus à l'alinéa 5, il n'y a pas lieu à débat. Le Président du Sénat peut consulter le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale ou un membre du bureau de cette commission désigné à cet effet. L'irrecevabilité est admise de droit lorsqu'elle est confirmée par le Président du Sénat ou, selon le cas, par le Gouvernement. S'il y a désaccord entre le Président du Sénat et le Gouvernement, le Conseil Constitutionnel est saisi à la demande de l'un ou de l'autre et la discussion est suspendue jusqu'à la notification de la décision du Conseil Constitutionnel, laquelle est communiquée sans délai au Sénat par le Président.
Mme Laurence Cohen. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°24, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 47 à 68
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° L'article 45 est ainsi modifié :
a) Les alinéas 1 à 3 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« 1. Tout amendement peut être présenté par son auteur en séance publique. » ;
b) A l'alinéa 7, les mots : « L'irrecevabilité tirée de l'article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu'elle est opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique » sont remplacés par les mots : « Lorsque le Gouvernement ou le Président du Sénat oppose en séance publique l'irrecevabilité tirée de l'article 41, premier alinéa, de la Constitution à une proposition ou à un amendement » ;
Mme Laurence Cohen. - Le développement anarchique des procédures d'irrecevabilité nuit gravement à la clarté du débat parlementaire et surtout à sa qualité et à son utilité démocratique.
Nous touchons à l'absurde, avec cette recherche obsessionnelle de l'efficacité législative à tout crin ! Est-il raisonnable qu'un parlementaire soit quasiment démuni de tout droit de proposition de loi alternative ? Comment parler de débat quand les partis sont écartés ?
Déposer un amendement labellisé « recevable » en commission et en séance publique relève d'un véritable parcours du combattant. Nous avons souvent l'impression que la recevabilité d'un amendement est le fruit de la loterie. Qui en décide au juste ? Nous proposons que tout amendement puisse être déposé et défendu en séance publique quelle que soit la décision d'irrecevabilité postérieure. Ce fut le cas jusqu'au début des années 2000, quand la LOLF a quasiment anéanti le débat budgétaire.
Nous empêcherons ainsi les irrecevabilités tardives qui brouillent toute vision claire du débat. C'est un amendement de bon sens démocratique.
Mme la présidente. - Amendement n°28, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Alinéa 49
Rédiger ainsi cet alinéa :
- après le mot : « finances, », sont insérés les mots :« , lorsqu'elle est saisie conformément à l'article 17 bis, » ;
II. - Alinéa 50
Compléter cet alinéa par les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé
III. - Alinéas 51 et 52
Supprimer ces alinéas.
IV. - Alinéa 54
Compléter cet alinéa par les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé
V. - Alinéa 57
Après les mots :
les mots : «
insérer les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé,
VI. - Après l'alinéa 60
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- la dernière phrase est supprimée ;
VII. - Après l'alinéa 64
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- à la même première phrase, après les mots : « Président du Sénat », sont insérés les mots : « , par un avis écrit et suffisamment motivé, » ;
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet amendement prévoit que toutes les catégories d'irrecevabilité fassent l'objet d'un avis écrit et motivé de manière non tautologique. Nous proposons que la commission des finances ne se prononce à propos de l'article 40 que sur les amendements qui lui ont été transmis par la commission saisie au fond et qu'aucune irrecevabilité ne soit décidée de façon tacite en cas de non-réponse de la commission avant la fin du débat.
Mme la présidente. - Amendement n°26, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 62
Remplacer les mots :
avant leur examen en séance publique
par les mots :
avant l'ouverture de la discussion générale
Mme Christine Prunaud. - Cet amendement propose que la décision d'irrecevabilité soit effective avant l'ouverture de la discussion générale. Il faut mettre un coup d'arrêt à une pratique qui remet en cause le discours parlementaire.
Monsieur le président Bas, nous attendons de votre part un avis sage qui rétablisse la force du droit d'amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à ces quatre amendements. Il serait vain de mettre en discussion des amendements irrecevables, quand bien même votre position repose sur une réflexion approfondie. Le Conseil constitutionnel se saisira toujours d'office du Règlement du Sénat sans saisine des parlementaires pour déclarer inconstitutionnelles de telles dispositions, contraires à son interprétation de la Constitution.
Mme Laurence Cohen. - Notre propos n'est pas de remettre en cause la Constitution. J'aimerais qu'un sénateur ici présent lève le doigt s'il n'a jamais été étonné par une décision d'irrecevabilité. Nous demandons une justification pour comprendre les motifs de ces irrecevabilités, parfois perçues comme arbitraires.
D'autres collègues d'autres groupes ont ce même sentiment ? Nous ne demandons pas une remise en cause de la commission mais la fin de la loi de l'arbitraire.
Nous avons tous été saisis par des personnes, des associations ou des syndicats qui nous demandent de défendre un amendement et auxquels nous devons avouer notre impuissance, lorsque ces propositions qui nous apparaissent justifiées se heurtent à une irrecevabilité frôlant l'absurde.
M. André Reichardt. - Je veux dire à mon tour mon étonnement de voir certains de mes amendements retoqués au titre de l'article 40. Parfois des amendements passaient la rampe de la commission sans difficulté mais étaient retoqués en séance. Allez comprendre ! Nous avons droit à une justification, à une explicitation des motifs de ces décisions.
La commission des finances a édité un guide sur les irrecevabilités pour expliquer, si j'ose dire, le pourquoi du comment. J'ai pris soin de le lire et je n'ai pas été totalement convaincu. Je milite pour une véritable explication de texte.
J'ai noté que la « jurisprudence » en la matière fluctuait selon la personne effectuant ce travail à la commission des finances.
Je comprends totalement nos collègues CRCE mais je pense que ce dossier doit être réglé à droit constant.
M. Fabien Gay. - Je souhaiterais m'expliquer sur l'article 40, mais aussi sur l'article 45. Notre amendement est pleinement d'actualité et mérite un débat.
Lors de l'examen des derniers grands textes inscrits à notre ordre du jour, par exemple la loi Pacte, beaucoup d'amendements ont été frappés d'irrecevabilité par les articles 40 et 45, quels que soient les groupes dont ils provenaient.
Lorsque nous déposions des amendements sur les salaires, ils furent frappés d'irrecevabilité au titre de l'article 45. On nous dit que le projet de loi doit revoir, au long de 200 articles tout le dispositif concernant les entreprises, y compris les primes, les investissements, etc. et il n'y aurait rien sur les salaires ? C'est une décision extrêmement politique !
Obtenir une justification par écrit nous aidera, y compris dans la rédaction d'amendements sur les prochains textes. Plus ça va, plus des amendements sont frappés d'irrecevabilité ! Au bout du bout, c'est une restriction du droit d'amendement.
L'amendement n°27 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos24, 28 et 26.
L'article 15 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement sont abrogés.
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°30, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'alinéa 2 de l'article 47 ter est ainsi rédigé :
« 2. - Les projets de loi concernés par cette procédure portent transposition de directives communautaires, codification ou ratification d'ordonnances. »
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à ces amendements qui reviennent sur la procédure de LEC, d'abord introduite à titre expérimental, puis consolidée pour en faire une disposition permanente de notre Règlement. Nous ne pouvons que la maintenir. Nous l'appliquons au présent texte.
L'amendement n°35 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°30.
Le vote sur l'article 16, qui fait l'objet de la procédure de législation en commission, est réservé.
ARTICLE 17
Mme la présidente. - Amendement n°32, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 5
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
M. Fabien Gay. - Notre amendement n'apporte pas seulement une précision sémantique. La rédaction actuelle de notre Règlement prévoit que les amendements sont recevables s'ils s'appliquent au texte « ou » ont un lien effectif avec lui. La proposition de résolution la remplace par un « et » or ce « et » est très important.
Il y a une contradiction manifeste à exiger ce lien, qui peut être indirect, dès la première lecture, et un grand risque de réduction drastique du droit d'amendement. Nous sortons du droit constant !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°32 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mmes Férat et Vullien, MM. Grand, Détraigne, Decool et Houpert, Mme Guidez, MM. Guerriau, Canevet, Moga et Lefèvre, Mme Goy-Chavent, MM. Laugier et Savary, Mmes Kauffmann et Loisier, M. Laménie, Mme Morin-Desailly, MM. Gremillet, Longeot et Saury, Mmes Saint-Pé, Perrot et Garriaud-Maylam, MM. Bonne, Mandelli et Revet, Mme Billon et MM. Bonhomme et Cazabonne.
Alinéa 5
Compléter cet article par les mots :
, déposé au Sénat ou transmis par l'Assemblée nationale
M. Jean-François Longeot. - Cet amendement précise la recevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution, lequel exige un lien, même indirect, des amendements avec le texte déposé ou transmis.
Nous proposons que les dispositions introduites à l'Assemblée nationale puissent être amendées ou précisées au Sénat. L'interprétation de l'article 45 de la Constitution doit être favorable à l'initiative parlementaire et au pouvoir d'amendement du Sénat.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je comprends la motivation de l'amendement mais il n'est pas conforme à la Constitution. Seuls les débats sur la révision de la Constitution pourront détendre ce ressort trop serré. Retrait ?
L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié ter, présenté par MM. Fouché, Guerriau, A. Marc, Decool et Capus, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled et Chasseing, Mme Raimond-Pavero, MM. Karoutchi et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Danesi et Bonhomme, Mme Imbert et MM. Babary et D. Laurent.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est recevable l'amendement qui tend aux mêmes fins qu'un amendement déclaré recevable par l'Assemblée nationale
Mme Corinne Imbert. - Défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°11 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°33, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 16, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrables après la publication du texte issu des travaux de la commission saisie au fond
M. Fabien Gay. - Cet amendement favorise un bon déroulement du travail législatif. Or un délai limite de dépôt des amendements inférieur à cinq jours empêche de bien travailler. C'est encore plus difficile pour les parlementaires qui ne sont pas membres de la commission, qui doivent attendre que le texte soit en ligne, puis le rapport, parfois le jeudi ou le vendredi. Dans ces conditions, déposer des amendements avant lundi midi, s'apparente parfois à une mission impossible !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cette disposition n'est pas praticable car la Conférence des présidents fixe les délais limites sans connaître préalablement la date des travaux de commission. Je comprends les collègues qui se plaignent de délais trop courts mais ne bloquons pas le système !
L'amendement n°33 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°39, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 19, deuxième phrase
Replacer les références :
aux alinéas 6 et 7
par la référence :
à l'alinéa 6
M. Philippe Bas, rapporteur. - Amendement de coordination.
L'amendement n°39 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 22, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La durée des explications de vote est de deux minutes et demie.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement porte sur une formulation restrictive de l'alinéa 22 de l'article 17, quelque peu... désagréable. (Sourires) Pourquoi écrire que les explications de vote « sont admises » ?
M. Yves Détraigne. - À la rigueur !
M. Jean-Pierre Sueur. - Oui, et pour une durée « n'excédant pas » deux minutes et demie ! On a le sentiment d'une concession, faite à regret, par le Règlement au sénateur qui souhaite s'exprimer...
Je ne comprendrais pas comment le président Bas pourrait s'opposer à cet amendement. (Sourires)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Si l'on écrit « la durée des explications de vote est de deux minutes et demie », une telle explication ne pourrait être d'une durée inférieure. Avis défavorable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 17, modifié, est adopté.
Le vote sur les articles 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26, qui font l'objet de la procédure de législation en commission, est réservé.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°36, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman et Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly.
Après l'article 26
Inséré un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 102 bis du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les domaines d'activité des collaboratrices et collaborateurs de sénateurs, des membres de secrétariat et de groupes politiques, étant principalement liés aux politiques publiques, au droit, à la légistique et aux relations institutionnelles nationales et territoriales, les collaboratrices et collaborateurs peuvent accéder, sous réserve de disposer de l'ancienneté et diplômes requis, aux concours internes de la fonction publique. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet amendement sécurise les parcours professionnels des collaboratrices et collaborateurs parlementaires en valorisant leur expérience.
Un amendement avait été adopté à l'unanimité du Sénat sur ce sujet lors de l'examen de la loi de moralisation de la vie publique mais a disparu ensuite.
Reconnaissons l'engagement d'hommes et de femmes qui participent à la qualité du débat en leur donnant accès aux concours internes.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cela relève de la loi. Il faudra envisager la question au moment de la révision constitutionnelle. Avis défavorable.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Effectivement, il n'est pas normal qu'il y ait une telle inégalité.
L'amendement n°36 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°34, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est complété par un chapitre... ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Constitution et renouvellement des groupes interparlementaires d'amitié
« Art. ... - I. - Les groupes d'amitié sont créés à l'initiative d'un ou de plusieurs sénateurs, mais ne sont constitués qu'après prise d'acte par le Bureau du Sénat saisi de tous éléments d'appréciation.
« Les groupes d'amitié et leur bureau sont reconstitués après chaque renouvellement triennal du Sénat. Dans les trois mois suivant ce renouvellement, les présidents des groupes politiques se réunissent pour répartir les présidences des groupes d'amitié et les présidences déléguées selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste, selon la méthode suivante :
« 1° Chaque groupe effectue le choix d'une présidence à tour de rôle dans l'ordre de leur importance proportionnelle.
« 2° Les présidences suivantes sont attribuées selon la même méthode jusqu'à épuisement des postes à pourvoir, dans la limite du quota de présidence accordé à chaque groupe à la proportionnelle.
« Les fonctions de vice-président au sein des groupes régionaux sont supprimées. »
Mme Christine Prunaud. - Cet amendement modifie la règle en vigueur, en assurant un nouveau mode de désignation des présidents des groupes d'amitié laissant une plus grande place aux groupes minoritaires, en proposant une présidence à tour de rôle et en supprimant les vice-présidents au sein des groupes régionaux. Nous espérons que cela pousse à éviter à l'avenir la constitution de groupes régionaux. Il serait préférable qu'un groupe égale un pays.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Il y a déjà des règles, qui relèvent de l'instruction générale du Bureau. C'est une répartition à la proportionnelle, qui tient compte aussi de l'importance de la continuité : il est difficile de changer de présidence lorsque des liens personnels ont été noués avec un pays ami. Pour des raisons de compétence du Règlement par rapport à l'instruction générale du Bureau, et en tenant compte de la complexité de la matière, qui ne peut évoluer que lentement, dans l'intérêt même de la diplomatie parlementaire, avis défavorable.
L'amendement n°34 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Conformément à l'article 47 quinquies alinéa 2 de notre Règlement, je mets aux voix les articles examinés en procédure de législation en commission.
Les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 sont adoptés.
La proposition de résolution est adoptée.
Mme la présidente. - Conformément au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, cette proposition de résolution sera transmise au Conseil constitutionnel avant sa mise en application.
Modifications à l'ordre du jour
Mme la présidente. - Par courrier en date de ce jour, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, a demandé que le projet de loi autorisant l'approbation des accords sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Suisse, d'une part, et entre la France et le Luxembourg, d'autre part, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 20 juin matin, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, nous pourrions attribuer un temps de 45 mn aux orateurs des groupes, avec un délai limite pour les inscriptions de parole le mercredi 19 juin à 15 heures.
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, par courrier en date de ce jour, le Gouvernement demande d'inscrire à l'ordre du jour du jeudi 20 juin, matin, l'examen de ce projet de loi en procédure normale puis l'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires et les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de cette agence, avec la suite de l'examen de ces textes ainsi que du projet de loi de transformation de la fonction publique après les questions d'actualité au Gouvernement.
Acte est donné de cette demande
Transformation de la fonction publique (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique.
Discussion générale
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - J'ai l'honneur et la fierté de vous présenter ce texte qui a été adopté à l'Assemblée nationale le 28 mai dernier par 351 voix contre 156 , puis enrichi lors de son examen en commission des lois le 12 juin.
Ce projet de loi, que je porte avec mon collègue en charge de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, donne aux administrations et aux agents publics les moyens de conduire la profonde transformation de la gestion des ressources humaines, qui est l'une des clés de la réussite de notre projet politique. La fonction publique est en effet un maillon essentiel de notre société et de notre pacte républicain ; sur un total de 5,5 millions, près de neuf agents publics sur dix sont au contact des usagers et accompagnent nos concitoyens, chaque jour dans les mairies, les hôpitaux, les écoles. Ils ont à coeur de rendre un service de qualité. Nous voulons améliorer l'accessibilité et l'efficacité des administrations, et leur donner des libertés nouvelles, tant les contraintes se sont accumulées au fil des ans.
J'ai entendu beaucoup d'inquiétudes lors de mes déplacements, à raison d'un ou deux par semaine depuis dix-sept mois. Des employeurs publics m'ont fait part de leur exaspération face à des réglementations trop rigides. Beaucoup de Français m'ont fait part de leur attachement aux services publics du quotidien.
C'est pour réconcilier les attentes des agents, des responsables publics et des usagers, tout en renouant avec la tradition républicaine d'un service public pour tous, que nous avons souhaité offrir aux administrations de nouveaux outils, pour des modes de travail plus simples, et aux agents de nouveaux droits, en termes de formation et de parcours professionnels.
Nous avons tous entendu la colère de nos concitoyens lors du grand débat voulu par le président de la République. Le Premier ministre a réaffirmé ce besoin de plus de justice sociale dans sa déclaration de politique générale, devant vous jeudi dernier.
Nous sommes résolument attachés au principe d'égalité. L'État doit s'adapter et être accessible à tous nos concitoyens sans distinction. C'est le sens de la nouvelle étape de déconcentration que nous menons.
Au regard de l'impatience qui se fait jour, nous devons proposer à nos concitoyens des services qui s'adaptent rapidement à leur mode de vie.
Ce projet de loi est né de concertations longues, pendant treize mois, (M. Fabien Gay s'exclame.) avec les neuf organisations syndicales de la fonction publique, et de quatre chantiers : le dialogue social, d'abord ; l'élargissement des conditions de recrutement sous contrat ; le développement de nouveaux leviers de management ; la mobilité et l'accès à la formation, ainsi que l'accompagnement des restructurations. Le 30 novembre 2018, nous avons signé un protocole sur l'égalité hommes-femmes avec les représentants syndicaux.
Ce projet de loi équilibré a été soumis à l'avis du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Élu local, je me félicite de son affectation. Cette dernière phrase a permis d'enrichir encore le texte : consécration du rôle du conseiller syndical, à la formation pour des agents occupant des postes à risque d'usure professionnelle forte, ou encore renforcement des dispositions sur l'égalité hommes-femmes. Les syndicats CFDT et UNSA ont déposé plus de 300 amendements au projet, dont plus de la moitié a trouvé une suite.
J'ai reçu à plusieurs reprises l'ensemble des associations nationales d'élus locaux, en lien avec Jacqueline Gourault, et grâce à Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, nous avons participé à la création de la coordination des employeurs territoriaux.
L'enrichissement du texte s'est poursuivi à l'Assemblée nationale, où plusieurs dispositions ont été votées à l'unanimité ou presque. Les députés ont adopté le texte final à une très large majorité.
L'Assemblée nationale a conforté la lutte contre la précarité. Des changements importants ont été apportés en matière de déontologie et d'exemplarité, avec la fusion de la commission de déontologie et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), avec l'encadrement des nominations et des rémunérations des présidents d'autorités administratives indépendantes (AAI), ou l'exigence de transparence pour les plus hautes rémunérations de la fonction publique.
Le Gouvernement souscrit aux objectifs d'une large partie des amendements que vous avez adoptés en commission des lois. Il est en conséquence favorable à certains amendements, et défavorable à ceux, environ un tiers, qui remettent en question l'équilibre du texte, entre nouvelles souplesses pour les employeurs d'une part, nouveaux droits pour les agents publics d'autre part. En aucune façon, ce texte ne constitue une remise en cause du statut général de la fonction publique. Le Gouvernement est attaché au cadre de la loi de 1983.
En tant qu'élu local, partant, ancien employeur public, je sais combien les besoins réels de protection sont grands, mais aussi les besoins d'adaptation du cadre de gestion de la fonction publique.
Nous avons veillé à respecter le principe posé par l'article 3 de la loi de 1983, selon lequel les emplois permanents de l'administration sont occupés par des agents titulaires, mais aussi le droit à la participation des agents aux décisions qui les concernent.
Les lois de 1983, 1984 et 1986 ont déjà été modifiées plusieurs dizaines de fois. Nous envisageons la codification des textes concernant la fonction publique pour en améliorer la lisibilité et l'intelligibilité. Ce projet de loi y participe, en franchissant une nouvelle étape.
Le premier titre simplifie les conditions d'exercice du dialogue social, afin qu'il soit plus stratégique, plus efficace et réactif, dans le respect des garanties des agents publics. Il déconcentre et recentre les instances sur les questions les plus qualitatives pour les agents. Les mutations et les promotions ne seront plus examinées en commission administrative paritaire (CAP), ainsi les décisions seront rapprochées du terrain.
Le projet donne aux agents plus de libertés en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels.
La nouvelle instance technique issue de la fusion entre le comité technique et le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) aura pouvoir de décision en matière de mobilité ou pour toutes les mesures de portée générale intéressant les relations collectives de travail. Cet équilibre entre liberté et responsabilité, au coeur du projet, est fondamental pour transformer la gestion des ressources humaines sur le terrain.
Nous souhaitions responsabiliser les acteurs du dialogue social afin d'améliorer les pratiques de négociation, en matière de formation par exemple.
Je défendrai un amendement de rétablissement de l'article 5 qui visait à promouvoir les accords majoritaires locaux.
Le titre II offre plus de souplesse aux élus et encadrants publics pour recruter par voie de contrat tout en améliorant les conditions d'emplois des agents contractuels. Cette ouverture au contrat a été adoptée à l'Assemblée nationale, en contrepartie de garanties renforcées en matière de transparence et de lutte contre la précarité. En flux, plus des deux tiers des recrutements se font déjà par contrats.
Sans remettre en cause le principe d'occupation des emplois par des agents titulaires, cet élargissement favorisera la diversification de la fonction publique. Les contractuels pourront occuper des emplois de direction des trois versants de la fonction publique. Un contrat de projet sera mis en place mobilisant des profils divers et sécurisant le recrutement d'agents contractuels.
Nous donnerons ainsi à l'ensemble des établissements publics administratifs une autonomie de gestion plus grande. Nous aurons à rediscuter de ce point.
Cette mesure s'accompagnera d'une plus grande obligation de formation et de disponibilité pour lutter contre la précarité. Tel est l'objet de l'article 6. Nous voulons lutter contre le recours abusif à la vacation pour les missions qui nécessitent un service à temps non complet dans la fonction publique territoriale - je pense par exemple au temps d'accueil périscolaire. La prime de précarité sera réservée aux contrats d'une durée inférieure ou égale à un an dont la rémunération n'excède pas deux SMIC, ; ce dispositif entrera en vigueur pour les contrats conclus à partir de 2021 de manière à ce que les employeurs publics puissent s'emparer du dispositif.
Le coût est estimé à 350 millions d'euros par an, dont 150 millions d'euros pour la fonction publique territoriale et 90 millions d'euros pour la fonction publique hospitalière. Je défendrai le rétablissement de cette mesure tout en tenant compte des spécificités de cette fonction publique.
Le troisième axe de ce projet renforce la transparence, ainsi que l'équité du cadre de gestion et du contrôle déontologique de la fonction publique. Afin de renforcer l'indépendance de ce contrôle, les députés ont choisi de fusionner la commission de déontologie et la HATVP, en adaptant en conséquence la composition du collège.
Chaque assemblée, comme le Premier ministre, pourra nommer deux des six nouvelles personnalités qualifiées indépendantes. Ce nouvel équilibre, de portée générale, préservera la spécificité de chacun des versants de la fonction publique.
De nouvelles règles ont été introduites en matière d'exemplarité à l'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement. Les dix plus hautes rémunérations de chaque administration seront publiques. Les rémunérations des membres des AAI seront encadrées, et plafonnées en cas de cumul avec une pension de retraite.
Le projet de loi met fin aux dérogations existantes en matière de durée légale du travail, soit 1 607 heures, à l'exception des membres du corps enseignant et des chercheurs, et sauf sujétions particulières comme le travail de nuit, le week-end ou les jours fériés, ou les travaux pénibles. Le Gouvernement remettra au Parlement un rapport un an après la publication de la loi.
Ce projet de loi prévoit, dans le prolongement du rapport Savatier-de Belenet, de nouveaux leviers pour améliorer la qualité du service rendu par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les centres de gestion. Il faut aussi renforcer la transparence sur l'utilisation des crédits du CNFPT.
Je ne doute pas que notre débat sera riche à ce sujet.
Nous prévoyons la possibilité, par voie d'ordonnance, d'améliorer les conditions de travail, de renforcer et d'harmoniser leur droit à protection sociale et de mieux traiter les situations d'inaptitude physique dans la fonction publique. Des travaux ont déjà été engagés sur l'accompagnement des situations de reclassement. Il nous faut aller plus loin.
Nous attendons les conclusions de la mission de la députée Charlotte Lecoq pour poursuivre nos travaux, ainsi que celles de la mission Thiriez, lesquelles sont prévues pour novembre prochain.
Le quatrième axe décloisonne les carrières, en encourageant la mobilité. Nous souhaitons l'introduction d'un mécanisme de rupture conventionnelle qui donnera aux agents publics les mêmes garanties qu'aux salariés.
Le projet de loi renforce la protection des agents publics en cas de reclassement avec notamment la possibilité pour ceux qui le souhaitent de bénéficier d'un accompagnement vers le privé. Ces dispositions seront applicables dans la fonction publique d'État et la fonction publique hospitalière, car un dispositif spécifique existe dans la fonction publique territoriale. L'objectif n'est pas d'inciter les agents à quitter la fonction publique, mais de leur donner des perspectives nouvelles et de créer des outils pour les employeurs publics.
Le cinquième axe renforce l'égalité professionnelle. Il transpose l'accord majoritaire du 30 novembre 2018. Il instaure des plans d'action pour l'égalité hommes-femmes en matière de rémunération, ainsi que pour des nominations équilibrées aux postes de direction ; le jour de carence ne sera plus applicable aux femmes enceintes. Il prévoit aussi de favoriser l'égalité professionnelle pour les agents en situation de handicap, en simplifiant notamment leur recrutement dans les structures publiques. Ces dispositions s'ajoutent à la rénovation de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, mise en oeuvre par la loi Avenir professionnel portée par Muriel Pénicaud.
Le rapport Di Folco-Marie offre des pistes nouvelles et le Gouvernement est ouvert aux amendements qui enrichiront le texte et renforceront les garanties offertes aux agents publics en situation de handicap. Le respect de l'équilibre construit entre secteurs privé et public est une ligne rouge pour nous, mais nous saurons trouver des points d'accord.
D'autres chantiers de modernisation sont en cours, comme l'attractivité des concours de la fonction publique ou la préparation du rendez-vous salarial de début juillet.
J'en suis convaincu : vos débats enrichiront encore le texte, qui vise à renouer avec la promesse républicaine d'un service public pour tous, sur tous les territoires, en offrant aux agents un meilleur environnement de travail.
Le Gouvernement a déposé des amendements pour consolider et sécuriser certaines dispositions adoptées à l'Assemblée nationale ou parfois pour rétablir le texte. Mais nous adhérons pleinement aux deux tiers des amendements adoptés par votre commission et les défendrons à l'Assemblée nationale et en CMP.
Je défendrai aussi une dizaine d'amendements sur des sujets nouveaux, qui devraient être assez consensuels. Vous auriez pu les déposer vous-mêmes, n'était l'article 40...
Ce texte apporte une souplesse attendue tant par les employeurs publics que par les agents. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois . - L'intitulé de ce projet de loi paraît quelque peu ambitieux : plus que d'une transformation de la fonction publique, il s'agit d'une série de modifications, souvent techniques, pour une fonction publique plus agile.
Je salue le travail de ces femmes et ces hommes qui oeuvrent au quotidien pour la bonne marche des services publics. La fonction publique est notre bien commun ; il convient de la moderniser pour l'adapter aux nouveaux besoins et aux nouveaux métiers.
En revanche, nous déplorons la procédure accélérée et le calendrier très contraint (M. Jérôme Durain renchérit.) : trois semaines pour entendre 115 personnes... Si les syndicats sont opposés à la réorganisation du dialogue social et au recours accru aux contractuels, les employeurs publics ont en revanche montré un intérêt pour les nouveaux leviers de gestion des ressources humaines.
Nous avons aussi lancé une consultation en ligne des employeurs locaux qui a récolté 2 200 contributions d'élus locaux. Parmi leurs attentes, la reconnaissance des performances des agents, la simplification du dialogue social et le recours élargi aux contractuels.
Même limité, ce projet de loi comporte une palette de nouveaux outils. Pragmatique, la commission des lois a adopté 154 amendements pour mieux répondre aux attentes des employeurs locaux, mieux reconnaître le mérite tout en garantissant les droits des agents, et encadrer la réforme de la haute fonction publique.
Pour donner plus de prévisibilité aux élus locaux, l'État aura l'obligation de publier une feuille de route triennale retraçant l'impact sur les budgets locaux de ses décisions en matière de ressources humaines.
La commission a supprimé un renvoi au décret en Conseil d'État sur le directeur général des services qui portait atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Elle a réaffirmé la liberté de recrutement des employeurs territoriaux, élargi le contrat de projet aux agents de catégorie C, permis aux communes de moins de 2 000 habitants de pourvoir l'ensemble de leurs emplois par voie de contrat, conforté les concours sur titres comme le recrutement de policiers nationaux ou de militaires dans les cadres de la police municipale.
Elle a porté de douze à dix-huit mois le délai pour organiser la concertation sur l'harmonisation du temps de travail, limité à cinq ans la prise en charge des fonctionnaires sans emploi, facilité le licenciement pour insuffisance professionnelle, renforcé le régime disciplinaire.
Les centres de gestion sont confortés, l'organisation du CNFPT est rationnalisée.
Pour mieux reconnaitre le mérite des agents et garantir leurs droits, la commission des lois a élargi les régimes indemnitaires tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) aux résultats collectifs du service.
La commission a supprimé l'extension du recours aux contrats pour les emplois des établissements publics à caractère administratif. Elle a soutenu les propositions de Mme Lana Tetuanui en faveur des 3 000 fonctionnaires appartenant aux corps de l'État pour l'administration de la Polynésie française (CEAPF) pour faciliter leur promotion interne.
Comme le préconisait le rapport d'information que j'ai cosigné avec Didier Marie, la commission a adopté plusieurs amendements pour renforcer l'intégration des agents en situation de handicap et pérenniser le financement du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Nous avons voulu aborder ce projet de loi dit de transformation de la fonction publique dans un esprit constructif. Il comporte plusieurs mesures utiles qui consacrent souvent des évolutions déjà en cours.
Sur la réforme de la haute fonction publique, la commission des lois a souhaité restreindre le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnance. Selon les travaux de la mission de Frédéric Thiriez, la fusion de plusieurs écoles de formation des cadres ne semble ni souhaitée, ni souhaitable.
En matière de déontologie, le contrôle de la mobilité des fonctionnaires sera confié à la HATVP, en lieu et place de la commission de déontologie. La Haute Autorité sera libre de publier ou non ses avis, et devra prendre en considération la carrière des agents afin de favoriser une véritable politique de ressources humaines.
Nous avons renforcé l'égalité entre les hommes et les femmes : dispositif de signalement des actes de harcèlement, discriminations ou agissements sexistes ; obligation de nominations équilibrées aux emplois de direction ; exemption du jour de carence pour les femmes enceintes ; maintien du droit à l'avancement pour les agents en congé parental ; extension du congé proche aidant à l'ensemble de la fonction publique ; octroi d'une heure par jour pour allaiter.
En outre, nous avons prévu que l'État contribue à hauteur de 23 millions d'euros au financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale.
Fidèle à sa mission, le Sénat a amélioré le texte pour doter notre pays d'une fonction publique à la hauteur des enjeux de notre temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à transformation de la fonction publique (n°571, 2018-2019).
Mme Éliane Assassi . - Ce texte touche au coeur du pacte républicain puisqu'il s'agit des conditions de travail de celles et ceux qui font vivre les services publics. Je rends hommage à ces agents qui, en dépit des coupes budgétaires, se dévouent au service de l'intérêt général et donnent un peu d'humanité à des services publics saturés et exsangues.
Après les projets de loi École et Santé, ce texte vient à nouveau porter atteinte aux services publics et donc aux droits des usagers. Le Gouvernement n'a qu'une obsession : libéraliser, déréguler, réduire la dépense, au profit des intérêts privés. Tous les moyens sont bons : baisse des budgets, des dotations, privatisation à tout crin.
Ce texte est une étape supplémentaire vers la privatisation pour atteindre l'objectif d'une purge de 120 000 postes, en cohérence avec le rapport Cap 2022 et les annonces du Premier ministre. On abandonne les services non rentables - bref, on gère l'État comme une entreprise.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Si seulement !
Mme Éliane Assassi. - C'est la start-up nation !
Pour justifier ces reculs, le Gouvernement veut faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés, alors qu'ils sont nombreux à ne pouvoir boucler les fins de mois, tant les salaires sont bas.
Ce texte remet en cause un statut créé en 1946, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, pour créer une fonction publique garante de l'intérêt général. Faut-il le rappeler, en ce 18 juin ?
La carrière des fonctionnaires n'est pas régie par le contrat mais par la loi. Le statut permet au fonctionnaire de désobéir aux ordres illégaux de sa hiérarchie. Conforté par les lois Le Pors de 1983 et 1984, ce statut est à la fois souple et solide. Il repose d'abord sur le principe d'égalité : c'est l'article 6 de la Déclaration de 1789, selon, lequel « tous les citoyens étant égaux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » D'où le concours.
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est très bien dit ! Les bourgeois libéraux de 1789 avaient le sens de la formule.
Mme Éliane Assassi. - Ensuite, sur le principe d'indépendance, qui conduit à distinguer le grade de l'emploi. Enfin, sur le principe de responsabilité : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
M. Philippe Bas, président de la commission. - Article 15 de la même Déclaration !
Mme Éliane Assassi. - Au service du bien commun, les fonctionnaires ne sont donc pas de simples rouages de la machine administrative mais bien des citoyens.
Ce sont ces principes, ainsi que la stabilité de l'emploi public, mal nommé « emploi à vie », qui protègent du clientélisme et de la corruption.
Or ce projet de loi applique le modèle des ordonnances Travail à la fonction publique. Le contournement du concours et le recours massif aux contractuels sur des emplois permanents et de direction encourageront le pantouflage, voire le rétro-pantouflage. Le contrat de projet précarisera les agents publics, donc le service public lui-même.
Le passage en commission a encore encouragé le recours aux contractuels dans la fonction publique territoriale, ce qui créera une fonction publique aux ordres du pouvoir politique. Mise en cause des instances paritaires et rémunération au mérite accentueront le pouvoir hiérarchique, rendant l'agent plus vulnérable aux pressions administratives, politiques ou économiques. On crée une main d'oeuvre corvéable, manipulable, mutable et révocable à merci !
Des maires ont appelé dans une tribune à retirer ce projet de loi et l'AMF a fait part de ses réserves. À l'heure où les services publics sont plébiscités comme leviers de redistribution, vous faites tout le contraire ! En favorisant les ruptures conventionnelles au motif d'encourager la mobilité ainsi que le détachement d'office, ce projet de loi crée les outils destructeurs d'un dégraissage massif et de de la rupture de l'égalité républicaine sur le territoire.
Notons, pour être juste, quelques avancées...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ah !
Mme Éliane Assassi. - ... en matière de déontologie, d'égalité hommes-femmes et de handicap. Des miettes, au regard du dépérissement du statut et de la soumission aux règles de management du privé !
Les vrais enjeux étaient ailleurs : démocratisation, transition écologique, ouverture des concours à la société dans sa diversité. Nous devons nous atteler à la reconquête sur le privé. La France n'a pas besoin de fonctionnaires précarisés et moins nombreux mais d'agents reconnus et valorisés !
Il est urgent de créer du lien, de favoriser les communes, la cohésion sociale et territoriale. Les services publics en sont le levier. À cet égard, la fonction publique est une richesse, le premier contact entre l'État et les citoyens. C'est pourquoi nous demandons le retrait de ce texte qui supprime le statut et consacre l'incurie de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Nous n'avons pas la même lecture. Ce texte ne supprime pas le statut de la fonction publique.
Mme Éliane Assassi. - Si !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Il donne de nouveaux outils pour la gestion des ressources humaines, adapte la fonction publique aux évolutions du service public et donne aux agents la possibilité d'enrichir leur parcours professionnel en facilitant la mobilité.
La commission des lois l'a amendé. Elle a ainsi maintenu le rôle des CAP en matière d'avancement, renforcé le contrôle du rétro-pantouflage et crée une possibilité de prime collective. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Ce texte ne remet pas en cause le statut, comme le confirme l'avis du Conseil d'État. Il répond aux attentes des employeurs publics qui disent leur besoin d'autonomie, de souplesse et de confiance.
Il est aussi attendu par les agents qui ont parfois le sentiment d'être assignés à résidence professionnelle et souhaitent des perspectives.
Malgré certains désaccords, Gouvernement et commission ont de nombreux points de convergence. Le texte a été enrichi et je souhaite que le débat s'ouvre afin que nous trouvions un point d'équilibre.
Mme Cécile Cukierman. - Ce texte est une attaque frontale contre la fonction publique et les services publics. Les élus locaux n'étaient pas demandeurs et le rejettent massivement au nom de la cohésion sociale et territoriale. Dans une tribune, des maires de tout bord rappellent leur attachement à des fonctionnaires régis par un statut durable, recrutés par concours, neutres et voués à leur mission de service public. Craintes partagées par l'AMF, car rien dans ce texte ne fera reculer les fractures sociales et territoriales.
Alors que la loi de 1983 créant la fonction publique territoriale avait été une avancée, ce texte marque le retour de l'arbitraire. Et le passage en commission a aggravé les choses.
La capacité d'initiative des collectivités, à l'origine de la conquête de bien des droits nouveaux, se heurte à la baisse des dotations et à l'injonction d'une baisse des effectifs. Ce texte organise ainsi la captation par le privé de l'héritage démocratique de l'action publique. C'est pourquoi nous voterons cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Didier Marie. - Le groupe socialiste a fait le choix de s'engager dans ce débat en déposant des amendements de suppression. Nous sommes opposés à la mise en concurrence des fonctionnaires avec les contractuels et à l'affaiblissement du dialogue social. Des milliers d'instances de dialogue vont disparaître dans les trois fonctions publiques, facilitant le passage du rouleau compresseur qui a pour objectif de purger la fonction publique de 120 000 postes.
En ouvrant grand le recours au contrat, le gouvernement n'abolit pas le statut, il le contourne - et la majorité sénatoriale en rajoute. En banalisant la fonction publique, en faisant reculer les règles déontologiques, vous favorisez la confusion entre intérêts public et privé.
Nous sommes attachés à une fonction publique qui repose sur le système de la carrière et déposerons des amendements en ce sens.
Nous étions prêts à engager le débat sur ce texte, mais les conditions d'examen déplorables relèvent du déni de démocratie.
M. Jérôme Durain. - C'est vrai !
M. Didier Marie. - Le Gouvernement a une fois de plus choisi la procédure accélérée, nous laissant à peine trois semaines pour organiser nos auditions. Point de débat en commission, avec 400 amendements examinés en une heure et demie, sans parler de l'application abusive de l'article 40...
Les conditions d'examen de ce texte font écho à l'absence de concertation avec les syndicats, qui l'ont rejeté massivement.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Didier Marie. - Pour ces raisons de fonds et de forme, nous soutenons la question préalable du groupe CRCE. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Mme Françoise Laborde. - Comme à son habitude, notre groupe préfère laisser vivre le débat. Nous défendrons avec ardeur nos amendements et nous choisirons le meilleur pour nos trois fonctions publiques qu'il faudra différencier. Nous ne voterons pas cette question préalable en espérant un débat constructif.
La motion n°1 n'est pas adoptée.
La séance est suspendue à 20 h 5.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Discussion générale (Suite)
M. Arnaud de Belenet . - Saluons d'abord la place laissée au Parlement par le Gouvernement : le Sénat a su saisir cette opportunité ; deux tiers des amendements de la commission ont reçu un avis favorable du Gouvernement.
Il ne me semble pas impossible de converger sur plusieurs points : faisons confiance à l'intelligence collective.
Une cinquantaine de réunions avec les neuf organisations syndicales de la fonction publique, les représentants des collectivités locales et les employeurs hospitaliers, mais aussi des entretiens avec des agents et une plateforme dématérialisée ont permis à la concertation de se faire. La fonction publique est liée à une certaine idée de la Nation - la simple annonce d'une réforme semble parfois suffire, comme on l'a vu avec la motion préalable, à hypothéquer son avenir.
Les agents publics doivent s'adapter. La fonction publique fait parfois l'effet à nos concitoyens d'un capharnaüm procédural où un certain esthétisme administratif d'un jardin à la française distrait parfois l'administration de ses objectifs de service au public.
Il faut réformer, sans préjudice des textes fondateurs de 1946 et de 1983.
Il faut cesser de voir des catégories statutaires là où il y a des serviteurs dévoués de la Nation.
Sur l'ambition, le Gouvernement n'est pas en peine, avec le droit à l'erreur, qui participe à la volonté d'adaptation aux besoins. Ce projet de loi répond à cet enjeu de modernisation à travers cinq titres qui traduisent ses ambitions.
Je salue la transformation de la gestion des ressources humaines, tout en renforçant les dispositifs de lutte contre la précarité. Je propose un amendement pour réintroduire l'indemnité de fin de contrat pour les contrats de moins d'un an dans la fonction publique hospitalière. Les centres de gestion départementaux auront plus de souplesse pour s'organiser, notamment à l'échelon régional.
M. Michel Canevet. - C'est bien ! (Rires sur les bancs du groupe UC)
M. Arnaud de Belenet. - Le Parlement a été force de proposition. Le Sénat a su se saisir d'enjeux majeurs pour donner plus de souplesse aux employeurs locaux en élargissant le recours aux agents contractuels, en encourageant les recrutements sur titre - saluons sur ce point le rapport de Jacques Savatier -, en facilitant l'embauche de policiers nationaux et de gendarmes dans la police municipale, en facilitant les licenciements pour insuffisance professionnelle, en améliorant le régime indemnitaire des agents et en prévoyant, en matière de handicap, le droit à la portabilité des aménagements de poste, ou en étendant le congé de proche aidant et le droit à une heure par jour pour allaiter aux agents publics.
Le Sénat obtient un double gain de satisfaction : d'abord au regard de ses propositions formulées précédemment qui font aujourd'hui l'objet d'une heureuse déclinaison législative. Ainsi en est-il de la suppression des régimes dérogatoires à la durée légale du travail antérieurs à la loi de 2001. Ensuite, par l'apport substantiel de la commission des lois intervenu mercredi dernier.
Les quelques désaccords qui subsistent - non pas de fond, mais de forme, voire de posture - ne devraient pas empêcher le consensus de se faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)
Mme Laurence Cohen . - Je me concentrai sur la fonction publique hospitalière. Je regrette que la commission des affaires sociales n'ait pas pu se saisir pour avis du texte.
Alors que les hôpitaux connaissent une crise majeure, que les personnels sont au bord de l'explosion, que les services d'urgence sont mobilisés, vous n'avez qu'un mot : réorganisation ! Avez-vous entendu des soignants, des agents administratifs, des ouvriers demander l'externalisation ? Nous ne fréquentons pas les mêmes milieux. J'entends plutôt des demandes pour embaucher en urgence, pour revaloriser les carrières, développer les passerelles. Votre obsession de casser le statut des fonctionnaires, que vous dénoncez comme d'affreux privilégiés, alors que vous épargnez le CAC 40, est indécente.
Vous étendez au public les réformes appliquées au privé depuis les ordonnances Macron ou la loi El Khomri, en réduisant à peau de chagrin les instances représentatives du personnel, pour tuer toute concertation. Vous ne trouvez pas mieux que de supprimer les CHSCT. Comment le comité social d'administration, instance fourre-tout censée les remplacer, interviendra quand des fonctionnaires hospitaliers menaceront de sauter par la fenêtre car ils n'en peuvent plus ?
J'en terminerai par le volet égalité professionnelle. Comme l'a souligné Éliane Assassi, les quelques mesures proposées sont loin d'être suffisantes. Une fois de plus, la grande cause nationale du quinquennat ne vous mobilise que peu, monsieur le ministre.
En mettant à mal les trois principes du statut de la fonction publique, ce texte dégradera le service public. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Didier Marie . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce texte s'adresse aux 5,5 millions d'hommes et de femmes qui ont choisi de servir leurs concitoyens. Le service public, c'est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas, le bien commun de la Nation. Il est en crise, mais pas par la faute de ses agents. Comment ne pas penser aux personnels hospitaliers, en particulier des urgences, aux personnels pénitentiaires, aux agents de la force publique, à ceux de l'administration des finances, aux enseignants qui connaissent tous des difficultés dans l'exercice de leurs fonctions par manque d'effectif, demande croissante de nos concitoyens, et parfois violence ?
Nous apportons tout notre soutien à l'ensemble de la fonction publique et de ses agents. Ce soutien guidera nos interventions tout au long de ces débats.
La force de la fonction publique, c'est le statut, qui n'est pas un héritage désuet, mais une opportunité, un mélange de droits et devoirs. Il a su évoluer et se moderniser, de 1946 aux quatre lois de 1983, 1984 et 1986.
Premier principe, l'égalité, grâce au concours, meilleur rempart contre le copinage, le favoritisme et le clientélisme. Deuxième principe, l'indépendance : servir l'État, ce n'est pas servir une entreprise privée mais l'intérêt général. Troisième principe, la citoyenneté. Les fonctionnaires disposent des mêmes droits que les autres citoyens : liberté d'opinion, droit syndical et droit de grève, mais ils doivent respecter la laïcité, la déontologie et la neutralité.
Ces principes sont menacés par ce projet de loi qui contourne le statut plutôt qu'il ne l'attaque frontalement.
Vous élargissez massivement la possibilité de recruter des contractuels en mettant ces derniers en concurrence avec les fonctionnaires - que vous fragilisez. Vous multipliez les risques d'emplois de complaisance, au détriment de la compétence, et vous réduisez fortement les perspectives de carrière des fonctionnaires qui ont fait le choix de s'engager en faveur de l'intérêt général.
De plus, vous renforcez la précarité des agents publics, à l'image du nouveau contrat de projet ou encore du détachement d'office auprès d'opérateurs privés en cas d'externalisation de services ou de missions.
Vous restez silencieux sur la reconnaissance de l'engagement de nos concitoyens au sein de la fonction publique et sur les possibilités d'évolutions professionnelles, notamment par le biais de la formation continue, tout au long de leur carrière.
En ouvrant largement les possibilités de recours aux contrats, vous choisissez la banalisation de l'action publique. Vous remettez en cause le dialogue social à tous les étages de la fonction publique : d'une part, le texte fusionne les instances, au détriment de celles compétentes en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, alors même que la santé au travail est un enjeu primordial dans un contexte de restructurations. D'autre part, les CAP voient leurs prérogatives réduites, au motif qu'elles seraient facteurs de rigidité, alors qu'elles sont bien plutôt un gage de transparence.
Les amendements de la commission des lois sont un pas sur la voie de l'amélioration, mais un pas insuffisant.
En refusant de publier les projets de décret, en même temps que le projet de loi, vous ne respectez pas la parole donnée aux organisations syndicales. Vous ne respectez pas plus le Parlement, avec la procédure accélérée et le recours massif aux ordonnances.
En résumé, ce projet de loi n'est rien d'autre qu'une volonté de dégradation organisée des services publics, en contribuant à la stigmatisation de ceux qui les mettent en oeuvre. Il ne résoudra en rien les problèmes de fonctionnement de nos services publics ni le malaise de nombreux agents. Il ne répondra pas plus aux demandes des citoyens de plus de proximité.
La majorité sénatoriale présente ce projet de loi comme une boîte à outils. Attention, ce texte dessine en creux la conception que le Gouvernement se fait de l'action publique.
Pour nous, elle est républicaine et contribue à l'émancipation individuelle des Français ; elle est le bras armé de la République, de la laïcité, de la fraternité, bref de l'intérêt général.
Une autre réforme était possible. Avec Jérôme Durain, nous vous le prouverons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
Mme Nathalie Delattre . - Le texte aborde une réforme capitale pour la redéfinition de l'action publique tant au niveau national que dans nos territoires. Les récents mouvements sociaux révèlent le décalage entre les Français et les services publics, qu'ils jugent inadaptés ou trop éloignés. Au sein des fonctions publiques, les crises se multiplient : crises de vocation dans les juridictions et les écoles, crises de l'épuisement dans les hôpitaux, les casernes, les prisons et les commissariats. Crise de nerf aux Finances.
Les agents sont épuisés, les usagers déçus : cela doit nous inviter à examiner la situation sans idéologie. Il y a urgence à agir.
On ne transforme pas une organisation de 5,5 millions de fonctionnaires comme une entreprise de dix employés. Alors que la Grande-Bretagne a su réformer le NHS, la France y a toujours échoué, étant prisonnière de la seule approche comptable ou budgétaire.
Certaines positions syndicales conservatrices en sont en partie responsables. Dans bien des services, les transitions numériques se sont faites dos au mur.
Nous soutenons la méthode du Gouvernement, pas celle du chiffre, mais celle de la subsidiarité, qui vise à redéployer les effectifs là où ils sont plus utiles, par la mobilité entre les différentes fonctions publiques ou la procédure de détachement d'office.
Vous vous attaquez à la crise des vocations avec la rupture conventionnelle et les évolutions propres aux « enfants du numérique », comme les appelait Michel Serres.
Il est d'abord nécessaire que, comme en matière de concours, l'accès à l'emploi public par voie contractuelle offre des garanties de transparence et d'équité satisfaisante. Il n'est pas question pour nous de passer à un spoil system, mais à un système de recrutement hybride destiné à permettre le recrutement de profils plus variés, pour enrichir l'action publique.
Les contractuels ne doivent pas être perçus comme une variable d'ajustement, grâce aux requalifications en CDI ou la reconnaissance de l'expérience.
C'était le sens de nos amendements - dont certains ont été jugés irrecevables au sens de l'article 40. Nous déplorons le fait que l'alignement des salaires entre contractuels et agents du service public soit perçu comme une charge dans l'examen de ce texte : cela ne devrait pas être le cas s'ils étaient rémunérés dans des conditions identiques. On est donc loin d'un développement de la contractualisation dans des conditions égales entre fonctionnaires et contractuels.
Plusieurs travaux parlementaires ont mis en lumière les défauts du système de contrôle déontologique actuel. Les fonctionnaires ne doivent pas voir dans le texte une mise en danger de leur statut.
À quelques points près, le groupe RDSE adhère au texte de la commission. Nous proposerons de mettre en place un droit de regard des collectivités territoriales sur les détachements d'office de fonctionnaires d'État.
Sur d'autres points, comme la suppression de la prime de précarité pour les agents contractuels de la fonction publique hospitalière, nous sommes nettement plus circonspects. Par ailleurs, si nous soutenons le développement de la politique du handicap au sein de la fonction publique, nous avons entendu l'argument du Gouvernement de vouloir faire converger les normes publiques et privées en la matière, mais nous ne partageons pas votre conviction. De la même manière, nous espérons que nos échanges pourront apporter une solution à l'épineuse question du financement de l'apprentissage.
Je conclurai enfin en exprimant quelques regrets sur un outil de management qui me paraît insuffisamment encouragé par le texte : celui de la valorisation du mérite par l'individualisation des primes. On connaît l'attachement des syndicats aux primes d'intéressement collectifs, qui sont particulièrement justifiées dans des services sous tension. Le texte prévoit justement de les étendre aux services hospitaliers. Pour autant, dans de grands organigrammes comme ceux des ministères, de nouveaux outils auraient pu être développés pour distinguer le mérite individuel dans la construction de la carrière. Les liens entre promotion et mérite devraient être renforcés, quand bien même le sacro-saint principe de l'ancienneté serait touché. Le groupe RDSE soutiendra toute initiative règlementaire en ce sens et il aborde ce projet de loi avec bienveillance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La fonction publique compte 5,5 millions d'agents qui oeuvrent au quotidien au bon fonctionnement des services publics. Je salue leur travail. La fonction publique est notre bien commun et il convient de la préserver tout en modernisant son organisation. Ce texte comporte ainsi une palette d'outils, pour simplifier le dialogue social, élargir le recours aux contractuels ou renforcer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Il autorise aussi le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur tous sujets comme le dialogue social, la formation, y compris celle de la haute fonction publique, et la santé au travail.
Je me réjouis que le travail en commission ait préservé les spécificités de la fonction publique territoriale et ait souhaité mieux répondre aux attentes des employeurs locaux. En effet, la fonction publique territoriale constitue aujourd'hui un maillon indispensable de l'organisation décentralisée de la République, notamment pour la gestion des services publics de proximité, comme les polices municipales, les cantines et les crèches. Je me réjouis que la commission ait donc donné plus de prévisibilité aux élus locaux en obligeant l'État à publier une feuille de route triennale dans laquelle il indiquerait l'impact financier de ses décisions en matière de ressources humaines sur les budgets locaux. Je me félicite également que la commission ait accordé davantage de souplesse, notamment en permettant aux communes de moins de 2 000 habitants de pourvoir l'ensemble de leurs emplois par voie contractuelle et en élargissant le contrat de projet aux agents de catégorie C.
La commission a donné de nouveaux outils aux employeurs territoriaux, en limitant à cinq ans la durée de prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d'emploi, en facilitant le licenciement pour insuffisance professionnelle et en renforçant le régime disciplinaire tout en réaffirmant le caractère paritaire des conseils de discipline. Enfin, la commission a sécurisé le financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale qui en emploie actuellement 14 000. Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les régions ne sont plus compétentes pour financer les centres de formation des apprentis (CFA), le reste à charge des employeurs territoriaux risque donc d'augmenter significativement.
Initialement, il était prévu que le CNFPT contribue à hauteur de 75 % aux frais de formation des apprentis pour un coût estimé à 58 millions d'euros. C'est trop et je salue le compromis de la commission des lois où l'État contribue à hauteur de 30 % tandis que le CNFPT prendrait à sa charge 20 %.
Je salue le travail considérable fourni par les rapporteurs sur ce texte très technique et dont le champ est large. Je veux aussi vous faire part de mon regret concernant le choix du Gouvernement d'engager la procédure accélérée sur ce projet de loi essentiel pour la fonction publique.
Au total, l'examen en commission des lois a permis d'élargir la palette d'outils tout en respectant les principes fondamentaux du statut des fonctionnaires. (M. Loïc Hervé, rapporteur, renchérit.)
Le groupe Les Indépendants votera le texte ainsi enrichi par la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le Gouvernement soumet régulièrement à notre examen des projets dont la réalité du contenu apparaît en décalage avec l'ambition de l'intitulé. Tel est encore le cas, avec ce projet de transformation de la fonction publique, qui traduit davantage un assouplissement et une adaptation de la fonction publique qu'une véritable transformation. Nous ne sommes pas dans la rupture. (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Philippe Bas, président de la commission, applaudit également.)
Toutefois, on ne peut que partager l'ambition d'adaptation. Le groupe UC n'est pas favorable à l'immobilisme, vous le savez.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Absolument !
M. Jean-Marie Mizzon. - Le statut de la fonction publique ne saurait être figé. L'apparition de nouveaux métiers demande de nouvelles compétences et les agents eux-mêmes réclament des évolutions.
Toutefois, le texte, dans sa version initiale, s'apparente à un salmigondis de mesures disparates, sans vision d'ensemble.
M. Philippe Bas, président de la commission. - On peut même parler de galimatias !
M. Jean-Marie Mizzon. - Une occasion manquée de réformer en profondeur la fonction publique et de fixer un authentique cap vers l'avenir.
Car si les trois versants de la fonction publique recouvrent des missions très différentes, qui relèvent de corps, de cadres d'emploi et de métiers eux-mêmes multiples, tous ont en commun une même finalité : la grandeur du service public.
La réforme de la fonction publique est un sujet complexe aux ramifications multiples dans la société, comme l'ont rappelé nos concitoyens lors du grand débat. Les attentes des Français sont immenses en matière de cohésion territoriale, de service public, d'emplois. D'un côté, les Français réclament des services publics de proximité étendus mais regardent d'un oeil sourcilleux les conséquences sur la pression fiscale.
Il aurait fallu une réforme d'ensemble portant à la fois sur les carrières, le statut, la rémunération et la retraite. L'inflation du texte, passé de 36 articles initialement à 84 après son passage en commission des lois, est un signe de pointillisme et aujourd'hui laisse songeur...
Je salue les améliorations substantielles, sans dogmatisme aucun de nos rapporteurs (M. Philippe Bas, président de la commission, renchérit.) sur l'élargissement du recours aux contractuels, l'accompagnement des transitions professionnelles des agents ou la déontologie, etc.
L'obligation pour l'État de présenter une feuille de route triennale, indiquant tout à la fois ses orientations de rémunération, de déroulement de carrière, de formation et de mobilité des agents publics, participe ainsi, et de manière transversale, à ce besoin de visibilité que réclament nombre d'élus partout dans nos provinces. J'espère que l'article 2 bis prospérera à l'issue de l'examen du texte devant la Haute assemblée.
La modification de la périodicité du rapport social unique, annuel devenu biennal, est bienvenue.
Vider les CAP de leurs compétences, en revanche, n'améliorera pas le dialogue social. Pire, on risque d'accroître les rapports conflictuels. Ne rayons pas d'un trait de plume leurs compétences en matière d'avancement ou de promotions.
L'élargissement du recours aux contractuels dans les collectivités territoriales est une bonne chose. Ne craignez pas, monsieur le ministre, de responsabiliser les employeurs locaux en leur donnant plus de liberté. (Mme Françoise Gatel renchérit.) La réécriture de l'article 6 est salutaire car elle garantit l'adaptation des recrutements aux besoins des collectivités locales.
De même, laissez les élus maîtres des compétences des directeurs généraux des services. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Philippe Bas, président de la commission, applaudit également.) De même, je ne doute pas que vous rejoindrez notre proposition et étendrez à tout type d'emploi le recours au nouveau contrat de projet, sans exclusion des emplois de catégorie C.
Le Gouvernement, enfin, a négligé l'apprentissage (Mme Françoise Gatel renchérit.) et les concours.
Les 14 000 apprentis du secteur public sont les grands oubliés de la loi de 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel. La nouvelle mouture de l'article 22 bis B y remédie, en proposant d'associer l'État au soutien et au financement de l'apprentissage dans les collectivités, par le truchement d'un prélèvement sur recettes.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Il le fera de bon coeur !
M. Jean-Marie Mizzon. - J'espère aussi que l'extension des concours sur titre prospérera.
Il est difficile de détailler les mesures de ce texte parce qu'il manque de cohérence globale.
S'agissant de la déontologie, de la transparence et de l'égalité entre les femmes et les hommes, nous sommes bien sûr favorables aux mesures contenues dans le projet de loi, ainsi qu'aux nouvelles avancées en commission.
Le Gouvernement a eu le grand mérite d'intégrer à son projet de loi plusieurs propositions du Sénat, en particulier l'harmonisation du temps de travail et l'introduction de la rupture conventionnelle dans la fonction publique.
J'espère qu'il tiendra compte aussi des préconisations de Mme Di Folco et M. Marie sur le handicap.
Je me félicite des avancées sociales, permises par le travail de deux de mes collègues du groupe Union centriste, Jocelyne Guidez et Annick Billon. L'extension du congé de proche aidant aux agents publics, d'une part, la possibilité pour les femmes salariées de la fonction publique d'allaiter leur enfant sur leur temps de travail, d'autre part, sont des mesures sociales garantissant l'équité entre les secteurs public et privé.
Le groupe Union centriste est favorable à l'esprit de ce texte, quelles que puissent être par ailleurs ses insuffisances.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Marie Mizzon. - Comme le disait Churchill, vaut mieux prendre le changement par la main avant qu'il ne nous prenne par la gorge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Philippe Bas, président de la commission, applaudit également.)
M. Mathieu Darnaud . - Avec ce texte, le Gouvernement présente enfin des mesures concrètes pour réformer l'action publique. Nous attendions avec impatience les suites des déclarations de M. Macron promettant un choc d'efficacité concernant les effectifs de l'État d'ici le terme du quinquennat. Le comité Action publique 2022 tient finalement moins du big bang annoncé que du feu de Bengale. Nous retenions donc notre souffle en attendant la réforme de la fonction publique.
Pour se hisser à la hauteur d'une telle ambition, il manquait à ce projet de loi de ne pas borner son horizon aux ajustements techniques, mais de dessiner à travers lui une nouvelle ère pour le fonctionnement de l'État. Néanmoins, ce texte présente des avancées positives pour rendre la gestion des besoins de la fonction publique plus efficace et les évolutions de carrières plus stimulantes. On ne peut que les saluer.
D'ailleurs, certaines dispositions ont été proposées par le Sénat, comme l'harmonisation par le haut du temps de travail annuel des agents ou la possibilité de procéder à des ruptures conventionnelles.
Ces deux mesures incarnent la double nécessité qui doit guider tout employeur public : d'un côté la gestion rigoureuse des moyens publics, de l'autre la souplesse au service de l'efficacité. Cette équation est plus facile à poser qu'à résoudre, et les élus locaux connaissent le difficile équilibre entre un service exigeant pour la population qui sera effectué par des agents qui s'épanouissent dans leur métier et des perspectives professionnelles renouvelées.
Je salue les rapporteurs qui ont su tenir l'équilibre, répondre aux attentes des élus locaux, gratifier les agents locaux, traiter la question du handicap.
Ainsi, je tiens à remercier Catherine Di Folco pour les nombreuses dispositions qu'elle a intégrées au texte du Gouvernement lors de son passage en commission et qui touchent à la fonction publique territoriale. Elle a su donner des outils efficaces aux attentes que les élus locaux ont faites remonter en répondant massivement à la consultation lancée auprès d'eux par le Sénat.
Parmi celles-ci je salue la limitation à cinq ans de la durée maximale de prise en charge des agents placés dans la catégorie des fonctionnaires momentanément privés d'emploi. Celle-ci met un terme à des situations invraisemblables, où certains fonctionnaires, sans occuper de poste, étaient pris en charge depuis plus de 20 ans par les centres de gestion ou le CNFPT. Comment regarder les administrés dans les yeux, lorsqu'on doit leur expliquer que cette situation vous empêche de recruter un fonctionnaire utile à la petite enfance, par exemple ?
L'amendement de M. Bonhomme rationalisant les conditions de liquidation des droits à la retraite des agents privés d'emploi va aussi dans le bon sens.
Les agents publics d'une collectivité territoriale ont un lien affectif avec celle-ci. Voilà pourquoi leur implication doit être récompensée à hauteur de leurs mérites. C'est même là une demande formulée par les élus locaux, qui est massivement apparue dans la consultation menée par le Sénat. C'est pourquoi je salue l'idée de nos rapporteurs de rapprocher l'évaluation de la performance aux résultats du service tout entier, ce qui a vocation à affermir le lien entre les agents d'une même équipe dont les efforts tendent vers un objectif commun.
L'un des aspects qui me parait primordial est la prise en considération des spécificités territoriales, qui vise à favoriser l'installation des fonctionnaires territoriaux dans les zones rurales ou enclavées. Elle représente une avancée importante qui peut constituer un pacte gagnant pour les collectivités et les agents eux-mêmes.
Les agents qui permettent de faire perdurer la présence de l'action publique dans les territoires ruraux ne représentent jamais des dépenses superflues. La diminution des services publics de proximité n'est pas pour rien dans le sentiment d'abandon qui s'est manifesté depuis le déclenchement des gilets jaunes, ou lors de bon nombre de scrutins depuis une dizaine d'années. Il faudra s'en souvenir lorsque le Gouvernement proposera un nouvel acte de la décentralisation avec à la clé des moyens humains mieux répartis au coeur des territoires.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir su faire preuve de pragmatisme en reprenant les préconisations du Sénat sur le temps de travail et pour supprimer des aberrations que nos concitoyens ne comprennent plus.
Christine Lavarde et Dominique Estrosi-Sassone nous ont alertés sur les phénomènes des grèves perlées, notamment dans la collecte des déchets, ou les transports publics, qui prennent les usagers en otage.
En conclusion, si le texte contient des bons outils, il a besoin des apports du Sénat pour construire une fonction publique au service de nos territoires. (Mme Catherine Di Folco, rapporteur, et M. Philippe Bas, président de la commission, renchérissent.) Ce texte la renforce. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Céline Brulin . - Alors que le président de la République avait vaguement laissé entendre l'abandon de la réduction des effectifs de 120 000 fonctionnaires, ce texte réaffirme l'objectif. Est-ce cela le « en même temps » ? C'est en contradiction totale avec ce qu'exprime le pays : la nécessité de renforcer les équipes soignantes dans les hôpitaux, de réduire le nombre d'élèves, de reconquérir l'égalité républicaine grâce à des services publics de proximité à même de faire reculer les inégalités.
En matière d'éducation, il est temps de redonner du sens à l'action des agents, dont les démissions se multiplient, comme le confirme le bilan social de l'Éducation nationale.
Vous avez choisi une solution court-termiste en choisissant le recours aux contractuels, alors que 20 % des agents de l'Éducation nationale le sont déjà. Cela risque de réduire la qualité des enseignements car la contractualisation signifie moindre exigence du recrutement, manque de formation et d'expérience.
Le nombre de postes aux concours diminue : 45 postes de professeurs des écoles en moins ouverts dans l'académie de Rouen cette année, par exemple. Le recrutement se fera peu à peu uniquement par contrats, comme c'est déjà le cas pour l'accompagnement des élèves handicapés.
Le recours aux contractuels entraîne une situation chaotique. Pour développer une école inclusive, il faudrait plutôt reconnaître la place des AESH, et même les missions d'accompagnement des élèves handicapés.
Un corps de la fonction publique spécifique permettrait de répondre à un besoin évident - cela serait une mesure phare d'une vraie modernisation.
Que dire aussi des agents de la Direction générale des finances publiques, qui font face à un plan social déguisé, alors qu'ils sont indispensables aux citoyens, mais aussi aux élus des petites collectivités territoriales ? Que dire des conseillers sportifs transférés aux fédérations ? Même si la ministre des sports a assuré qu'elle ne l'appliquerait pas, il serait préférable de supprimer cette disposition.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous le ferons.
Mme Céline Brulin. - Nous interviendrons dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur ceux du groupe SOCR)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Que doit-on imaginer derrière « le nouveau contrat social », la nouvelle « révolution culturelle », la « transformation » proposés en grande pompe, selon une habitude caractéristique de la Macronie (Sourires à droite), pour la fonction publique ? Un renforcement des moyens ? Elle le mériterait bien. Les résultats économiques, dont vous vous enorgueillissez régulièrement, dont le regain des investissements étrangers, la France les doit aussi à une administration efficace et au maillage des services publics.
Mais de renforcement il n'y aura pas. Vous vous abritez derrière le totem de la « souplesse ». Il est vrai que M. Macron en a fait preuve, qui engagea avec le succès que l'on sait des contractuels au profil incertain pour pourvoir des postes mal définis... (Sourires)
M. Fillon avait inquiété en évoquant 600 000 suppressions de postes.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - 500 000 !
M. Jérôme Durain. - M. Macron s'en offusquait en ne proposant que 120 000 suppressions.
Vous faites du Fillon light ! (Sourires à droite) Qu'ils soient aux urgences ou à l'école, dans les prisons ou sur les routes, les fonctionnaires sont notre fierté. Encourageons-les ! Écoutons-les ! Vous précarisez les agents et fragilisez le service public. Au moment où s'ouvre le procès de France Télécom, la presse se fait l'écho du harcèlement des déléguées départementales aux droits des femmes - et vous revoyez à la baisse les exigences en matière d'égalité, tout en affaiblissant les mesures de prévention.
La « grande cause du quinquennat » sera la grande absente de la fonction publique. Vous supprimez le CHSCT et les CAP sont dépouillées de leurs compétences.
Avec Didier Marie, nous avons des propositions à faire, au nom du groupe socialiste, pour défendre un service public efficace et attractif : élargissement de l'assiette de la prime de précarité ; renforcement des obligations déontologiques, avec le remboursement de la pantoufle surveillé par la HATVP, des vérifications fiscales ; extension de la règle interdisant qu'un emploi de fonctionnaire soit réservé à un contractuel ; l'alignement sur le régime plus favorable du droit du travail pour le congé pour décès familial est tombé sous le coup de l'article 40, tout comme la suppression du jour de carence.
Monsieur le président Bas, j'ai trouvé exaspérantes les conditions d'examen de ce texte en commission, indignes de bons « managers », comme dirait M. Dussopt, mais hélas conformes au lot quotidien des parlementaires : à peine une matinée ! Après quinze mois de « concertation » - au sens du Gouvernement - ayant débouché sur l'hostilité de tous les syndicats, on nous parle de « nouveau contrat social » ! La procédure accélérée rencontre là ses limites ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SOCR) Pendant ce temps, le président de la République ne cesse de répéter que le Parlement ne travaille pas assez vite !
Le groupe socialiste essaiera malgré tout de remplir son office, en ayant en tête les surveillants de prison, les agents des lycées... et espère convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et de la commission) Avec 72 fonctionnaires pour 1 000 habitants, la France est au-dessus de la moyenne européenne, qui est de 60.
Ce texte, ambitieux dans son intitulé, entend moderniser le statut et les conditions de travail et prévoit un recours accru aux contractuels, en cherchant à se rapprocher d'une logique de management. S'il reste technique, sans vision claire, il présente le mérite de fournir des outils pratiques, concrets.
Le Sénat, chambre des territoires, travaille sur ces sujets. Notre rapporteur Catherine Di Folco, a ainsi rédigé récemment un rapport au titre éloquent : « Dialogue et responsabilité : quatorze propositions d'avenir pour la fonction publique territoriale ».
La commission des lois a retravaillé le texte en profondeur, afin de mieux répondre aux attentes des employeurs territoriaux, de mieux récompenser les agents, et de mieux accompagner les agents handicapés.
Les 50 000 employeurs territoriaux attendent de la souplesse face aux contraintes auxquelles ils doivent faire face depuis plusieurs années. La feuille de route triennale, que la commission a souhaité rendre obligatoire, publiée par l'État sur l'impact financier de ces mesures en matière de ressources humaines, devrait permettre aux collectivités territoriales de mieux gérer leur budget, dont plus de la moitié est constituée par la masse salariale.
Les règles présidant au recrutement, à la formation, au management doivent être assouplies. Les emplois de direction pourront être occupés par des contractuels, tout comme les emplois permanents des villes de moins de 1 000 habitants.
Le Sénat va plus loin, en élargissant le recours aux contractuels, en développant les recrutements sur titre, en facilitant le recrutement de policiers ou de gendarmes dans les polices municipales. La rémunération au mérite est un serpent de mer, mais l'inclusion des résultats du service dans les critères d'évaluation constituera un levier managérial efficace pour les collectivités territoriales.
Le régime indemnitaire pourra prendre en compte les spécificités territoriales d'une collectivité territoriale pour inciter les fonctionnaires à exercer dans des zones enclavées.
Le recours à l'apprentissage a été renforcé. J'y suis particulièrement attachée : il permet d'inclure les jeunes les plus éloignés de l'emploi (M. Loïc Hervé, rapporteur, le confirme.) et les apprentis apportent un regard neuf précieux. Les collectivités territoriales peinent pourtant à en recruter, car elles ne disposent pas des incitations dont bénéficient les entreprises. Un amendement permettra la participation de l'État au financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale, à hauteur de 23 millions d'euros.
Près de 22 % des 900 000 travailleurs en situation de handicap sont dans la fonction publique. Un autre signe encourageant est la progression du taux d'emploi légal des personnes handicapées, passant de 3,74 % en 2006 à 5,61 % en 2018.
Reprenant les préconisations du rapport « Donner un nouveau souffle au handicap dans la fonction publique » de Catherine Di Folco et de Didier Marie, la commission des lois renforcera leur inclusion : sera autorisée une expérimentation pour pérenniser le financement du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), aujourd'hui en péril. Le nouveau modèle préconisera un bonus-malus. Un droit à la portabilité des aménagements de poste a été voté ; c'est une amélioration pragmatique. Les employeurs seront aussi dotés de nouveaux outils de gestion stratégique de la masse salariale des ressources humaines.
Je voterai donc ce texte enrichi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur celui de la commission)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur celui de la commission) Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous annoncez la couleur : transformer la fonction publique ; fichtre ! (Sourires) Quelle ambition : transformer la fonction publique, c'est faire évoluer la vie de 5,5 millions de fonctionnaires, leur recrutement, leur déontologie.
Qu'en est-il ? Devant le bric-à-brac de ce texte, l'on peut évoquer, comme Philippe Bas, qui allie aisément le sens de la formule à l'art de la litote, (Sourires) une « boîte à outils ».
Qu'auriez-vous pu dire de ce texte, monsieur le ministre, lorsque vous étiez député de « l'ancien monde » ? Mais, miracle de la conversion, toute récente, vous vous montrez désormais ardent défenseur de la cause que vous venez d'épouser ! Espérons que la diffusion de la culture de la déontologie sera favorisée par la commission introduite par l'Assemblée nationale.
Ce texte a été amélioré par les amendements reprenant les mesures intéressantes proposées dans le rapport de Mme Di Folco et de M. Marie sur le handicap.
Je n'attends pas de ce texte un changement profond. Restent des questions. Quelles missions pour les fonctionnaires ? Quelles missions pour les contractuels ? Recourir aux contractuels sans démarche cohérente d'ensemble crée de l'incertitude. Quelles modalités de recrutement et de concours ?
Faute d'une vision d'ampleur, ce texte égrène un chapelet de mesures parfois contradictoires... Est-il nécessaire de s'en remettre à des ordonnances (M. Philippe Bas, président de la commission, renchérit.) concernant la haute fonction publique, avant même la remise du rapport Thiriez ?
Comme d'habitude, le Sénat apportera sa contribution utile à ce texte, grâce au travail d'orfèvre de nos rapporteurs Di Folco et Hervé...
Mme Agnès Canayer et M. Philippe Mouiller. - Très bien !
M. François Bonhomme. - Nous restons néanmoins sur notre faim, même si nous cherchons à adopter un texte qui soit réellement une amélioration. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et de la commission)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Merci à tous les intervenants, y compris le dernier. Qu'avais-je fait il y a deux ans, monsieur Bonhomme ? J'avais voté, comme mon groupe, la réforme du droit du travail. C'est une continuité qui vous a peut-être échappé...
Ce texte ne remet pas en question les principes fondamentaux du statut mais le modernise. La commission des lois a adopté des dispositions qui peuvent apparaître contradictoires avec les attentes des associations d'élus, notamment sur la fonction publique territoriale.
L'article 32 de la loi de 1983 dispose que les contractuels ont les mêmes droits et devoirs que les titulaires.
Nous devons débattre des questions relatives au handicap et nous saisirons cette occasion pour intégrer certaines des mesures proposées par votre commission.
Sur la question de l'égalité hommes-femmes, votre jugement, monsieur Durain, est sévère et injuste : notre texte qui reprend le protocole signé en 2018, a été salué, dans ce domaine, par les organisations syndicales. Nouveauté, une nomination au choix d'hommes et de femmes dans des proportions proches de celles des corps concernés - c'est en effet en agissant au niveau du management intermédiaire que l'on crée un vivier pour les postes de direction.
Sur les concours, de nombreuses voies existent, et nous y travaillons, mais elles relèvent du champ réglementaire. Nous en sommes à la troisième réunion avec les organisations syndicales dans ce domaine.
Nombre d'entre vous ont dit leur attachement au service public local. (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.)
Après vingt ans de diminution de la fonction publique d'État, en particulier dans les services déconcentrés, nous devons procéder à une véritable nouvelle déconcentration. Cette loi le permettra, en accompagnant les agents dans de bonnes conditions. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
M. Philippe Bas, président de la commission . - Le ministre a fait preuve d'ouverture d'esprit dans ses réponses à nos collègues. J'espère qu'elle se matérialisera sur certains sujets qui nous tiennent à coeur : l'apprentissage, en particulier dans les collectivités territoriales ; les souplesses de gestion pour les exécutifs locaux ; la fin de certains abus, comme pour les fonctionnaires maintenant privés d'emploi, une action résolue en faveur des personnes handicapées, conformément au rapport de Mme Di Folco et M. Marie.
Nous sommes opposés par principe aux habilitations - nous sommes là pour légiférer, aux heures de la commission - mais nous pourrions accepter celle relative à la mission de M. Thiriez pourvu que son champ soit mieux établi.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Maurice Antiste . - Ce texte intervient peu après la loi Santé. C'est la réponse du Gouvernement à la dégradation des services publics. Ceux-ci ne sont pas à la hauteur des attentes. Le défenseur des droits a ainsi mis en évidence la dégradation due à la concurrence, au désengagement de l'État. Les réclamations déposées auprès du Défenseur des droits explosent. Il est urgent d'agir.
Mais le texte n'est pas à la hauteur et mérite des adaptations. Que se passera-t-il si un fonctionnaire refuse un détachement ?
M. Didier Marie . - En raison des spécificités publiques, les fonctionnaires sont soumis à un régime exorbitant du droit commun et au principe hiérarchique. L'État employeur fixera unilatéralement leur régime et les modalités de participation aux décisions qui les concernent, par le biais de leurs représentants. L'article 9 du statut consacre ce droit, mettant en pratique un droit apparu avec le Préambule de la Constitution de 1946. C'est ce principe de participation que l'article premier attaque avec le dessaisissement de la CAP des décisions individuelles et la fusion des CTP et CHSCT. Nous soutiendrons donc les amendements de suppression.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Sous couvert de réaffirmer le principe constitutionnel de participation des agents publics - par l'intermédiaire de leurs délégués - au fonctionnement des services publics, cet article vise en réalité à supprimer la mention conférant l'examen par les syndicats des décisions individuelles relatives aux carrières des fonctionnaires.
Le mécanisme est habile, car l'article renvoie à un débat...
Le principe de participation est issu des travaux du Conseil national de la Résistance. Or le texte réduit la démocratie sociale au sein de la fonction publique en diminuant le rôle des CAP, en dépit des modifications de la commission des lois. Il y a aussi un motif budgétaire car supprimer les CAP réduira les coûts.
Supprimons cet article afin que les syndicats puissent continuer d'influer sur les décisions relatives aux carrières des fonctionnaires, et ainsi concourir au bon fonctionnement des services publics.
M. le président. - Amendement identique n°97 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Didier Marie. - Cet article s'inspire des réformes mises en oeuvre dans le secteur privé. Or les syndicats dénoncent une dégradation de la qualité du dialogue social, des accords a minima et de piètre qualité.
Avec la fusion des CT et du CHSCT, je crains que les questions d'hygiène et de sécurité ne deviennent reléguées au second rang.
Les CAP étaient un rempart contre l'arbitraire et le favoritisme.
Lorsqu'on affaiblit les protections statutaires, on affaiblit l'intérêt général que les agents défendent.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable. La commission des lois a modifié cet article et a ajouté la mention des décisions individuelles.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Je vous rassure, monsieur Marie, les questions d'hygiène et de sécurité ne seront pas oubliées. Alors que seuls les membres des CHSCT sont assujettis à une obligation de formation aujourd'hui, tous les membres de la nouvelle instance y seront désormais soumis. Une formation spécifique à l'hygiène et à la sécurité est prévue à partir de 300 ETP dans la fonction publique d'État et la fonction publique hospitalière, à partir de 200 ETP dans la fonction publique territoriale, à la demande de l'AMF.
Le Conseil d'État n'a pas non plus vu dans la nouvelle instance une restriction au principe de participation ni au dialogue social.
M. Didier Marie. - Ni les organisations syndicales ni les employeurs n'étaient demandeurs d'une refonte du dialogue social. Quant au Conseil d'État, s'il ne s'oppose pas à la mesure, il n'en appelle pas moins à la vigilance sur la qualité du dialogue social. Le risque d'une dégradation est réel, avec des conséquences dommageables pour tous.
M. Fabien Gay. - Cet article n'est ni plus ni moins que l'application du CSE à la fonction publique. Or tous les syndicats déplorent une réduction du dialogue social. En fusionnant les instances, on réduit le nombre de représentants, on professionnalise le dialogue social et cela a des conséquences néfastes...
Mme Cécile Cukierman. - Très bien !
Les amendements identiques nos15 et 97 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°507, présenté par Mme Jasmin et MM. Lurel et Antiste.
Alinéa 2
Après le mot :
statutaires
insérer les mots :
et de déontologie
M. Maurice Antiste. - Amendement de repli.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les règles de déontologie relèvent de la seule compétence du législateur. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°507 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°216, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 2
Après les mots :
décisions individuelles
supprimer la fin de cet alinéa.
M. Fabien Gay. - Que se passera-t-il avec la suppression des CAP ? Il en résultera une hausse des contentieux, une détérioration du climat social.
Renonçons à ces petites économies d'échelle, qui ne sont que des économies de pacotille !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Cet amendement réintroduit dans le champ de la participation l'ensemble des décisions relatives aux agents. Or nous en reprenons déjà certaines. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le Gouvernement a prévu la publicité des barèmes et des possibilités de recours pour les agents qui se sentiraient victimes de discriminations. Je ne partage donc pas vos inquiétudes. (M. Fabien Gay proteste.)
L'amendement n°216 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°96 rectifié, présenté par Mme Deromedi, MM. Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mmes Bories et Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Cuypers et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Deseyne, MM. Dufaut et Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Ginesta, Gremillet, Hugonet, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, MM. Longuet et Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme M. Mercier, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Perrin, Piednoir et Pierre, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Reichardt, Retailleau et Revet, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart, Vial et Vogel.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il agit avec la réserve adaptée à ses fonctions et à sa situation. »
Mme Agnès Canayer. - L'obligation de réserve des agents publics est un principe cardinal. Il est la contrepartie de la liberté d'expression dont ils bénéficient évidemment. Pourtant, ce principe est d'origine prétorienne, et demeure encore extra-statutaire, en dépit d'une tentative sénatoriale pour l'intégrer dans la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires en 2016. L'inscription de ce principe à l'article 25 de la loi de 1983 avait été écartée en commission mixte paritaire au motif qu'elle pourrait constituer une restriction à la liberté d'opinion et d'expression.
Afin d'écarter ce risque, cet amendement propose d'inscrire la réserve à la suite des dispositions relatives à l'obligation de neutralité, et en mettant celle-ci directement en relation avec les fonctions et la situation de l'agent. Cette formulation reprend les termes de la décision fondatrice du Conseil d'État du 11 janvier 1935, « Sieur Bouzanquet », ce qui lui permettra de s'intégrer dans le droit existant sans déstabiliser les principes dégagés par la jurisprudence.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement qui conforte la jurisprudence du Conseil d'État, selon laquelle le fonctionnaire doit s'exprimer avec « tact et discernement », sans préjudice de la liberté d'expression du fonctionnaire citoyen.
Le Sénat avait déjà adopté un amendement similaire en 2016, à l'initiative du groupe socialiste et républicain.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Il ne paraît pas opportun de consacrer dans la loi le devoir de réserve qui est une construction jurisprudentielle et qui dépend des fonctions de responsabilité de l'agent. Comme la loi consacre déjà l'obligation de discrétion, de secret professionnel, de laïcité, cet amendement ne semble pas utile. Avis défavorable.
M. Didier Marie. - Même si cet amendement avait été déposé en 2016 par des membres de mon groupe, je me rangerai pour une fois à la position du ministre, car il risque de réduire la liberté d'expression des fonctionnaires. Des obligations figurent déjà dans la loi. De plus, cet amendement serait un mauvais signal envoyé aux fonctionnaires. Nous voterons contre.
M. Jérôme Bascher. - Je ne crois pas que cet amendement restreigne une liberté ; il renforce plutôt une protection pour le fonctionnaire. (On le conteste sur les bancs du groupe CRCE.) Entre personnes civilisées, nous n'avons bien sûr jamais vu de fonctionnaire territorial manipulé par sa hiérarchie. Mais hélas, de plus en plus de collectivités sont gérées par des élus qui, disons, ne se distinguent pas par leurs convictions démocratiques...
Mme Cécile Cukierman. - Par l'extrême droite, quoi !
M. Jérôme Bascher. - Oui, encore que cela puisse aussi avoir lieu avec l'extrême gauche ! (Sourires)
Mme Éliane Assassi. - Nous ne sommes pas concernés.
M. Jérôme Bascher. - Le devoir de réserve constitue dans ce cas une protection contre une éventuelle instrumentalisation. Je pense aussi à la fonction publique hospitalière où un directeur, voire une ARS, pourrait être tenté d'exercer certaines pressions....
La jurisprudence ne suffit pas. Le principe de neutralité entraîne le devoir de réserve, qui existe déjà pour certaines catégories d'agents dans le code civil.
M. Max Brisson. - Je m'interroge sur la cohérence gouvernementale. Il y a quelques semaines, nous avons débattu dans la loi pour une école de la confiance de « l'exemplarité » et de « l'engagement » des professeurs. Les plus nombreux des fonctionnaires... Et l'on chipoterait sur le devoir de réserve pour les autres ? Peut-on imaginer des professeurs qui ne soient pas exemplaires ? Non. Peut-on, de même, imaginer un fonctionnaire public qui ne fasse pas preuve de réserve ? Pas davantage. De cela découle le respect que nos concitoyens doivent à leur fonction publique, caractérisée par sa neutralité. Ce qui fait sa beauté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur celui de la commission)
M. Jérôme Bascher. - Pour une fonction publique de la confiance !
L'amendement n°96 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Tourenne et Antiste, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daudigny et Houllegatte, Mme G. Jourda, MM. P. Joly et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, MM. Montaugé, Temal et Tissot, Mme Tocqueville et MM. Todeschini et Kerrouche.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 32 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les agents contractuels sont également les garants de l'impartialité de l'ensemble des services publics. À cette fin, l'institution les met à l'abri de toute pression y compris des siennes qui les empêcheraient de respecter les règles définies précédemment. »
M. Jean-Claude Tissot. - L'attractivité de la France, dont s'enorgueillit tant le Gouvernement, repose sur ses infrastructures et sur la qualité de ses services publics.
Les Français sont attachés à des fonctionnaires au-dessus de tout soupçon de conflit d'intérêts. Si ces derniers pourront résister aux pressions, ce n'est pas le cas des contractuels, que la menace de non-renouvellement rend vulnérables. Cet amendement renforce les obligations des contractuels. Il en va de notre attractivité !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Heureusement, cet amendement est satisfait par le droit actuel. Les principes de déontologie et de lutte contre la corruption s'appliquent aux contractuels, qui ont accès à un référent déontologie. Attention au risque d'effet a contrario : on pourrait penser que les titulaires ne bénéficieraient pas de ces garanties d'impartialité.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - L'article 32 de la loi de 1983 précise que les agents contractuels sont assujettis aux mêmes devoirs et bénéficient des mêmes droits que les titulaires. Votre amendement est donc satisfait par le droit en vigueur : retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°11 rectifié bis est retiré.
ARTICLE PREMIER BIS (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°65 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Vall, Castelli, Gold et A. Bertrand.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa, à la première phrase du troisième alinéa et à l'avant-dernier alinéa de l'article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le mot : « fonctionnaire » est remplacé par les mots : « agent public ».
Mme Nathalie Delattre. - Cet article, introduit par les députés, modifie l'article 25 de la loi Le Pors qui fixe les obligations des fonctionnaires. Nos rapporteurs ont proposé de supprimer des dispositions qui risquent de déstabiliser une construction jurisprudentielle. Nous proposons quant à nous d'étendre la portée de l'article 25 aux contractuels, dont la place est appelée à s'accroître.
Certes, l'article 32 les contraint déjà à ces obligations indirectement. Mais ils doivent bénéficier de droits comparables à ceux des titulaires.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'exposé des motifs admet qu'il s'agit d'une mesure symbolique. En effet, l'article 32 répond à vos inquiétudes. S'ajoute l'amendement de la commission à l'article 16 visant à mieux contrôler l'accès des contractuels aux emplois de direction. Retrait ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - En effet, l'article 32 couvre tous les cas. Une égalité parfaite des conditions d'exercice des fonctions entre contractuels et titulaires n'est pas souhaitable.
Après l'article 16, le texte renforce le contrôle de la déontologie pour les contractuels recrutés sur des emplois de direction, afin de prévenir les conflits d'intérêts. C'est une protection autant qu'une contrainte. Retrait ?
L'amendement n°65 rectifié est retiré.
L'article premier bis demeure supprimé.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous aurions préféré que les deux avis du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et du Conseil supérieur coexistent, mais vous préférez museler les conseils supérieurs des trois fonctions publiques.
La commission des lois a certes amélioré le texte (M. Loïc Hervé, rapporteur, le confirme.) mais l'accord du président du Conseil supérieur ne saurait suffire. Chaque Conseil supérieur doit être consulté. Nous ne sommes pas dupes : la vraie motivation ne serait-elle pas que les représentants des fonctionnaires y ont plus de pouvoir qu'au sein du Conseil commun ? Sans compter qu'au passage, on remet en cause le résultat des dernières élections professionnelles...
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Comme vous, nous redoutions que le texte n'accroisse trop les compétences du CCFP au détriment des Conseils supérieurs. Le Gouvernement a proposé une solution de compromis : il faudra l'accord du président du Conseil supérieur concerné. Dès lors, avis défavorable, d'autant que nous tenons à la deuxième partie de l'article qui tient compte des EPCI.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis. Merci aux rapporteurs d'avoir soutenu en commission l'amendement du Gouvernement, qui propose un compromis. Le Conseil d'État avait considéré que la consultation du président du Conseil supérieur était une formalité inutile... L'objectif est de regrouper les discussions qui intéressent par nature le CCFP.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°98 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
M. Didier Marie. - Dans l'étude d'impact, le Gouvernement indiquait avoir écarté un tel mécanisme d'accord préalable au motif que cela risquait de placer les présidents des CSFPT et CSFPH dans une situation délicate vis-à-vis des autres membres. Nous partageons cette analyse, c'est pourquoi nous proposons de supprimer ces alinéas.
M. le président. - Amendement n°218, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
Mme Christine Prunaud. - Nous supprimons la faculté pour le CCFP de se substituer aux Conseils supérieurs des trois versants, qui connaissent des réalités très différentes. On ne saurait court-circuiter l'avis du CSFPT, même avec l'accord de son président, et débattre des textes intéressant les employés territoriaux dans des instances où ceux-ci sont minoritaires !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Défavorable aux deux amendements, pour les mêmes raisons.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Idem.
L'amendement n°98 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°218.
M. le président. - Amendement n°63 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall, Castelli et Gold.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la bonne application des dispositifs de mobilité des agents publics et oeuvre à la concordance des rémunérations entre les fonctions publiques, à niveaux de responsabilité et de risque physique équivalent, par le suivi de leurs évolutions et la formalisation de propositions annuelles en ce sens. » ;
Mme Nathalie Delattre. - Avec l'allongement des carrières, la mobilité dans la fonction publique est un outil managérial essentiel. Or en 2015, seuls 8 % des agents étaient en mobilité. Le rapport Silicani de 2008 l'attribuait aux différences de régimes indemnitaires. Cela reste un frein. Cet amendement donne compétence au CCFP pour travailler à la convergence de rémunération entre les fonctions publiques.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Le CCFP est un organe consultatif qui aura du mal à assumer les missions que vous voulez lui confier. Dépourvu de portée normative, cet amendement n'offre pas de réelles garanties. Retrait ou avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Retrait, pour les mêmes raisons. Les compétences du CCFP lui permettent déjà d'examiner toute question commune à au moins deux des trois fonctions publiques.
L'amendement n°63 rectifié est retiré.
L'article 2 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°217 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa de l'article 9 ter de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les projets de loi et d'ordonnance, les procès-verbaux de la séance sont annexés à l'exposé des motifs transmis au Parlement. »
II. - Le premier alinéa de l'article 13 de la loi n°84-16 du 11 juillet 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État est consulté sur des projets de loi ou d'ordonnance, les procès-verbaux de la séance sont annexés à l'exposé des motifs transmis au Parlement. ».
III. - Le premier alinéa de l'article 9 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le procès-verbal de ces séances est annexé à l'exposé des motifs transmis au Parlement. »
IV. - Le premier alinéa de l'article 12 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu'il est saisi sur des projets de loi ou d'ordonnance, le procès-verbal de la séance est annexé à l'exposé des motifs transmis au Parlement. »
Mme Michelle Gréaume. - En Allemagne, les propositions et avis des fédérations syndicales doivent être annexés à l'exposé des motifs de toute loi ou décret concernant les fonctionnaires.
Nous proposons que les procès-verbaux du CCFP et des Conseils supérieurs soient communiqués au Parlement avec l'étude d'impact lorsque le texte concerne la fonction publique. Il y va de la bonne information du Parlement, donc de la qualité de la loi !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Pourquoi pas ? Sagesse. (On se réjouit sur les bancs du groupe CRCE.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Les avis de ces instances sont publiés sur le site de l'administration et peuvent donc être consultés à tout moment. Difficile en revanche d'annexer le procès-verbal, compte tenu de son volume et de la nécessité de l'anonymiser. Nous rendons publics les procès-verbaux et les éléments statistiques nécessaires. Sans doute faut-il améliorer encore les études d'impact, mais sur cet amendement, avis défavorable.
L'amendement n°217 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°64 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°70 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Collin, Gabouty, Vall, Roux, Requier et Léonhardt, Mme Laborde, M. Labbé, Mme Jouve et MM. Castelli et Gold.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa de l'article 13 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, les mots : « de fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « des agents publics ».
Mme Nathalie Delattre. - Le CSFPE est une émanation du principe de participation, qui découle du huitième alinéa du Préambule de 1946.
Nous souhaitons que sa composition prenne en compte le recours croissant aux contractuels, défavorisés par les écarts importants de traitement. De même, le recours abusif aux CDD peut être constaté sans que le juge administratif ne les requalifie pour autant en CDI - ainsi de la décision du Conseil d'État du 20 mars 2015.
Il conviendrait au moins que les contractuels soient représentés au sein du CSFPE au même titre que les titulaires.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Dans les faits, les organisations syndicales qui représentent les fonctionnaires représentent aussi les contractuels. Retrait ou avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Les contractuels sont éligibles et électeurs aux comités techniques ministériels, dont le CSFPE est l'émanation. L'amendement est satisfait. Retrait ?
L'amendement n°70 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°219, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 12 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est supprimée.
Mme Céline Brulin. - En supprimant le Centre national de formation de la fonction publique territoriale et en transférant ses missions au CNFPT, la loi Galland du 13 juillet 1987 a abrogé la gestion paritaire de la formation professionnelle dans la fonction publique territoriale. La loi du 13 janvier 1989 a rétabli le paritarisme - à nouveau mis en cause par la loi Hoeffel du 23 décembre 1994.
Le rôle des représentants du personnel au conseil d'administration du CNFPT est désormais réduit à la portion congrue, ce qui est contraire au principe de participation. (Mme Catherine Di Folco et M. Loïc Hervé, rapporteurs, le contestent.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les collectivités territoriales étant les seules contributrices au budget du CNFPT, il est normal qu'elles exercent un rôle dirigeant.
Loin d'être réduits à la portion congrue, les syndicats ont leur mot à dire, au travers notamment des conseils régionaux d'orientation. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Mêmes arguments, même avis.
L'amendement n°219 n'est pas adopté.
ARTICLE 2 BIS
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - La commission des lois a imposé avec cet article l'obligation pour l'État de présenter devant le CSFPT une feuille de route triennale sur les orientations en matière de rémunération des agents publics, de déroulement de carrière, de formation et de mobilité. Je comprends la démarche, inspirée du Conseil national d'évaluation des normes, mais je crains un doublon, car les orientations en matière de gestion des ressources humaines des agents publics font déjà l'objet d'une concertation dans le cadre de l'élaboration de l'agenda social inter-fonctions publiques, et d'un débat annuel dans le cadre de la présentation du rapport annuel sur l'état de la fonction publique au sein du CCFP.
Je crains aussi que les engagements prévus ne soient pas tenus, non par volonté de mal faire mais parce que les grands enjeux en matière de gestion des ressources humaines sont déterminés en loi de finances, annuellement. Rien n'empêche le Parlement de voter des dispositions contradictoires avec la feuille de route...
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis très défavorable à cet amendement qui nous surprend, compte tenu de la volonté de dialogue avec les élus locaux affichée par le Gouvernement. La feuille de route triennale que nous vous proposons est un outil simple et peu contraignant ; elle pourra être mise à jour à tout moment. Les collectivités territoriales subissent les décisions de l'État en matière de ressources humaines et les élus locaux ont besoin de visibilité. L'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) coûte, par exemple, 770 millions d'euros aux collectivités, sans compensation de l'État...
Enfin, cette feuille de route n'est pas incompatible avec l'agenda social ou les travaux du CCFP, bien au contraire.
M. Arnaud de Belenet. - Nous viendrait-il à l'idée d'écrire dans la loi que le Gouvernement soumet au CSFPT ses préconisations en matière de gestion des ressources humaines, de revalorisation du point d'indice ou de régime indemnitaire ? Ce serait aller à l'encontre du principe de libre administration des collectivités locales, de la décentralisation dont nous attendons le troisième acte ! C'est pourtant ce que fait la commission des lois. Inversement, le Gouvernement propose de supprimer des dispositions auxquelles nous serions opposés si on nous demandait de les appliquer. Sans doute cette incohérence est-elle due à l'examen précipité en commission...
M. Didier Marie. - Il faut bien reconnaître que les décisions de l'État en matière de ressources humaines ont des conséquences budgétaires sur les collectivités territoriales. Les élus ont besoin de visibilité. La feuille de route proposée ne se confond pas avec le rapport annuel sur l'état de la fonction publique. Une fois n'est pas coutume, nous suivrons la commission.
L'amendement n°328 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et D. Laurent, Mmes Lavarde et Guidez, M. Vial, Mmes Bruguière, L. Darcos et Deromedi, M. Chaize, Mmes Chauvin et Garriaud-Maylam, MM. Piednoir, Perrin, Raison et Bonhomme, Mme Malet, MM. Morisset, Sol et Panunzi, Mme Lassarade, MM. Cuypers et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Kennel, Rapin, Mandelli, Forissier, Decool et Lefèvre, Mme Billon, MM. Brisson, Bascher, Détraigne et Husson, Mme Imbert, M. Daubresse, Mme de la Provôté, M. Lafon, Mme de Cidrac, MM. Milon, Kern et Segouin, Mme Ramond, M. Vaspart, Mme Raimond-Pavero, M. Bazin, Mmes Gruny et Berthet, MM. Bizet, Houpert et Guerriau, Mme Morhet-Richaud, M. Henno, Mme Bonfanti-Dossat et M. Gremillet.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° L'équilibre financier du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et les aides apportées aux agents en situation de handicap dans la fonction publique territoriale.
M. Philippe Mouiller. - Cet amendement complète la feuille de route triennale en y insérant des informations sur l'équilibre financier du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et les aides apportées aux agents en situation de handicap. Il s'agit de vérifier que nous sommes capables de financer la politique du handicap à la hauteur des ambitions annoncées.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Très bon amendement qui s'inscrit dans la suite directe du rapport de Mme Di Folco et M. Marie. Avis favorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable par cohérence car le Gouvernement n'est pas favorable à la feuille de route triennale.
L'amendement n°14 rectifié ter est adopté.
L'article 2 bis, modifié, est adopté.
M. le président. - Nous avons examiné 17 amendements. Il en reste 458.
Prochaine séance demain, mercredi 19 juin 2019, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit vingt.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mercredi 19 juin 2019
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. David Assouline, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président
Secrétaires : M. Yves Daudigny - Mme Patricia Schillinger
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (texte de la commission, n°571, 2018-2019)