Participation des conseillers de Lyon aux élections sénatoriales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat.
Explications de vote
Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois . - Depuis le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon s'est substituée à la communauté urbaine de Lyon et, dans son périmètre, au département du Rhône. Le département du Nouveau Rhône subsiste néanmoins en dehors des limites de la métropole.
Contrairement aux autres métropoles, la métropole de Lyon n'est pas un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre mais une collectivité à statut particulier, régie par l'article 72 de la Constitution.
Elle exerce ses compétences en lieu et place du département ainsi que certaines compétences communales. Elle exerce les compétences du département et certaines des compétences des communes.
À compter de mars 2020, les 150 conseillers métropolitains seront élus au suffrage universel direct. À la différence des EPCI, la représentation des communes ne sera plus garantie en son sein.
La proposition de loi corrige une malfaçon du code électoral pour permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de voter aux prochaines élections sénatoriales, prévues en septembre 2020. Les sept sénateurs du Rhône en sont cosignataires ; je salue ce consensus.
Le périmètre de la circonscription comprend la métropole de Lyon et le département du Nouveau Rhône, pour un total de 1,8 million d'habitants. Le corps électoral compte 3 500 grands électeurs, dont 3 410 issus des conseils municipaux.
En l'état du droit, les conseillers de la métropole de Lyon ne figurent pas dans la liste des grands électeurs. Cette situation, qui résulte d'une erreur de coordination de l'ordonnance du 19 décembre 2014, soulève un fort risque contentieux.
En application de la jurisprudence constitutionnelle, l'élection des sénateurs doit respecter trois critères : l'élection par des élus locaux, la représentation de l'ensemble des collectivités territoriales, la prise en compte de la démographie. Dans le Rhône, ces deux derniers critères ne sont plus respectés.
La proposition de loi est donc indispensable pour sécuriser les élections sénatoriales dans le Rhône. Elle entrerait en vigueur dès le prochain scrutin, le nombre de grands électeurs passant de 3 500 à 3 650, soit une augmentation de 4,29 %.
L'enjeu est double. Sur le plan juridique, il s'agit de respecter la jurisprudence constitutionnelle, qui impose que toutes les catégories d'élus locaux participent aux élections sénatoriales. Sur le plan politique, il s'agit d'assurer une certaine équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus locaux.
Cette proposition de loi fait consensus entre les sénateurs du Rhône. Nous devons agir rapidement : les sénatoriales sont prévues dans quinze mois.
La commission s'est interrogée sur un éventuel déséquilibre démographique entre la métropole de Lyon, d'une part, et le département du Nouveau Rhône, d'autre part. En effet, un conseiller métropolitain représenterait 9 030 habitants, contre 17 208 habitants pour un conseiller départemental. Après analyse, cette situation semble compatible avec la jurisprudence constitutionnelle, quelle que soit l'interprétation retenue. Soit la métropole et le département représentent deux strates de collectivités, et la jurisprudence constitutionnelle n'impose pas de prendre en compte leur population respective pour répartir les grands électeurs ; soit ils appartiennent à la même strate, et la jurisprudence impose de prendre en compte leur population respective mais pas de prévoir un nombre de grands électeurs proportionnel.
Monsieur le ministre, j'espère que cette proposition de loi sera rapidement mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - La nouvelle collectivité territoriale à statut particulier de la métropole de Lyon a été créée par la loi Maptam il y a cinq ans. Dotée de pouvoirs importants, elle assure certaines compétences des communes et toutes celles du conseil départemental. Les 150 conseillers métropolitains seront élus au suffrage universel direct en mars prochain, concomitamment aux élections municipales.
Or l'ordonnance de 2014 pour l'application de la loi Maptam a oublié de mentionner les conseillers métropolitains à l'article L.280 du code électoral listant les grands électeurs. En l'état du droit, ils n'ont donc pas le droit de vote aux élections sénatoriales.
Cela pose un problème politique mais aussi juridique : les opérations électorales dans le Rhône risqueraient d'être invalidées car le code électoral prévoit en son article L.280 que le collège doit assurer la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel lui-même a considéré, le 6 juillet 2000, que le Sénat devait être élu par un des corps électoraux représentant toutes les catégories de collectivités territoriales.
Le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi qui atteint l'objectif poursuivi. Je salue M. Buffet, les cosignataires ainsi que Mme la rapporteure. Nous la porterons devant l'Assemblée nationale ; comptez sur notre vigilance pour que cette proposition de loi soit adoptée et promulguée avant les prochaines élections sénatoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Cécile Cukierman . - Je salue M. Buffet et Mme Thomas. Cette proposition de loi de bon sens n'appelle pas d'objections particulières de notre groupe. Les conseillers métropolitains doivent pouvoir désigner leurs représentants lors des prochaines élections sénatoriales.
Signe de plus que la loi Maptam, comme la loi NOTRe, adoptées un peu rapidement au gré de petits aménagements, doivent aujourd'hui être modifiées, complétées, ajustées...
Nous l'avions dénoncé en son temps, le mode de scrutin qui va régir la désignation des conseillers métropolitains pose un problème politique car certaines communes ne seront plus représentées au conseil métropolitain ; d'autres le seront par l'opposition municipale ! Des opposants - parfois les plus extrêmes - pourront s'exprimer alors que les maires seront exclus. Or les compétences métropolitaines seront considérables, pour les communes comme pour la population.
Il serait souhaitable que le Sénat se saisisse, à l'issue du rendez-vous électoral de 2020, de l'incidence sur la vie démocratique de la place réellement donnée à chaque commune. La commune est à la base de notre démocratie, ne l'oublions pas ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UC et SOCR)
M. Gilbert-Luc Devinaz . - C'est la deuxième fois en un mois que nous débattons de la métropole de Lyon, après l'amendement de M. Buffet sur la conférence métropolitaine.
Les conseillers de la métropole de Lyon qui seront élus en 2020 ne figurent pas dans le collège électoral pour l'élection des sénateurs du Rhône. Cette proposition de loi vient combler cette lacune juridique, nous l'avons cosignée.
Je pourrais m'arrêter là. Mais il faut enfin parler de l'identité inachevée de cette collectivité territoriale, entre métropole et département - comme l'ont dit MM. Raynal et Guené dans leur rapport. Affaire d'hommes et de circonstances, elle pose de nombreuses questions institutionnelles, à commencer par l'absence des maires dans les futures institutions et des habitants dans les échelons de proximité.
Avec Annie Guillemot, nous avions proposé de renforcer les pouvoirs de la conférence des maires et des conférences territoriales - mais cela nous a été refusé, au motif qu'il ne fallait pas rigidifiait les choses.
Ne serait-il pas temps de se poser la question d'un texte spécifique pour une métropole à statut spécifique, plutôt que de procéder par retouches successives ?
Sans proximité avec ses habitants, la métropole de Lyon risque un destin proche de celui de l'Union européenne, avec une désaffection démocratique inquiétante. La réflexion devra avoir lieu, à l'occasion de la réforme de la décentralisation annoncée par le président de la République ou plus tard, à l'issue du prochain mandat.
Je me félicite toutefois de cette proposition de loi qui illustre le rôle technique du Sénat dans l'amélioration de la loi et son esprit de consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Parallèlement aux prochaines municipales, les électeurs du Grand Lyon éliront leurs conseillers métropolitains.
Les actuels conseillers, désignés par fléchage, sont partie prenante du corps électoral aux élections sénatoriales de par leur mandat communal. Les futurs conseillers, élus dans un cadre supra-communal, doivent également l'être, pour respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle toutes les catégories de collectivités territoriales doivent être représentées au Sénat.
Le groupe RDSE souscrit à ce texte qui répare une omission.
Cette élection au sein du Grand Lyon conduira à faire exercer au sein de la métropole les compétences pour partie précédemment communales par des élus qui ne seront plus forcément des élus municipaux.
Le Sénat a constamment rappelé que la commune devait demeurer la cellule de base de toute coopération intercommunale, sans quoi sa pérennité serait menacée. Or il n'est pas possible de garantir la représentation de l'ensemble des communes au sein d'une métropole ayant le statut de collectivité territoriale. Le président de la République a dit son intention d'étendre le modèle lyonnais de fusion des compétences départementales et métropolitaines. Mais les tentatives de rapprochement à Lille, Nice ou Toulouse n'ont pas abouti.
La situation lyonnaise est en effet particulière ; l'équilibre tient à ce que la dynamique économique autour de l'aéroport Saint-Exupéry profite au département du Rhône.
Demeure le projet de la métropole Aix-Marseille-Provence, que le Gouvernement souhaiterait concrétiser sur l'ensemble du périmètre des Bouches-du-Rhône. Il ne sera pas possible, en l'état du droit, d'assurer la représentation de toutes les communes au sein de la future collectivité territoriale ; situation ubuesque, certaines pourraient même être représentées par des opposants aux maires en place.
Veillons à la représentation des territoires, de tous les territoires. À travers la défense de l'échelon communal, le Sénat défend une véritable proximité, un lien physique avec nos concitoyens : les Français veulent garder des élus à portée d'engueulade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE.)
Mme Michèle Vullien . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette proposition de loi comble un vide juridique : merci à François-Noël Buffet pour son initiative, qui a rassemblé tous les sénateurs du Rhône.
La métropole de Lyon est la première métropole à statut particulier. Le Rhône se divise désormais entre le « Nouveau Rhône » et la métropole. Les conseillers communautaires fléchés lors des élections municipales de 2014 ont la double casquette de conseillers métropolitains et de conseillers départementaux.
En 2020, le mode de scrutin change. Les électeurs éliront les maires des 59 communes mais aussi les 150 conseillers métropolitains, sur quatorze nouvelles circonscriptions dites Maptam. Aucune obligation par exemple pour un conseiller métropolitain de figurer sur une liste municipale.
Cette proposition de loi est nécessaire pour faire des 150 conseillers métropolitains des grands électeurs lors des prochaines élections sénatoriales, le groupe UC la votera.
Reste qu'il faudra corriger le biais démocratique de ce nouveau mode de scrutin d'ici 2026. Toutes les communes ne seront plus représentées au conseil métropolitain. Pire, un maire pourra voir son opposant battu aux municipales y représenter la commune ! Certains diront qu'il en est de même au conseil départemental. Mais dans le cas lyonnais, la métropole exerce des compétences déléguées par les communes ! Il faudra y revenir lors de la prochaine révision constitutionnelle. Je vous donne donc rendez-vous lors de son examen au Sénat, le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
M. le président. - Le scrutin solennel sur le projet de loi relatif à l'organisation du système de santé est clos.
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier qui exerce depuis le 1er janvier 2015 des compétences du département et certaines compétences des communes - or l'ordonnance relative à l'élection des conseillers de la métropole de Lyon n'a pas prévu que ces derniers votent aux sénatoriales. Il ne s'agit pas d'une volonté du législateur mais d'un oubli que ce texte répare. Le nombre des grands électeurs dans le Rhône augmenterait ainsi de 4,29 %. La proposition de loi sécurise les élections sénatoriales en levant le risque contentieux ; elle assure l'équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus et le respect de la jurisprudence constitutionnelle.
Notre rapporteure s'est interrogée sur le déséquilibre démographique dans la représentation de la population par les conseillers métropolitains et les conseillers départementaux. Elle nous a rassurés sur sa compatibilité avec la jurisprudence constitutionnelle.
Cette proposition de loi fait consensus entre les sénateurs du Rhône Le groupe Les Indépendants la votera sans réserve. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Alain Richard . - Mettons fin au suspense d'emblée : nous allons voter ce texte.
M. André Gattolin. - Bravo !
M. Alain Richard. - Il n'y a pas matière à être original sur le rattrapage d'une petite incohérence lors de la mise en place de la métropole de Lyon. Le conseil métropolitain exerce les compétences d'un conseil départemental de sorte que ses représentants doivent évidemment être comptés comme grands électeurs sénatoriaux. Cela dit, en matière électorale, mieux vaut mettre les points sur les i. C'est ce que fait cette proposition de loi.
Elle nous donne l'occasion de souligner que la métropole de Lyon est la seule à exercer à la fois les compétences départementales et intercommunales ; elle exerce les fonctions d'une autre métropole élue par fléchage. Les uns comme les autres sont élus au suffrage universel direct, je le rappelle, mais les conseillers de la métropole de Lyon étant élus au suffrage supra-communal, la représentation de chacune des communes au conseil n'est pas garantie, même si le nombre de conseillers minimise ce risque.
Lorsque la communauté urbaine de Lille a été créée en 1966, il était prévu que les petites communes y seraient représentées collectivement, ce qui n'est pas forcément conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a préféré garder le silence pour ne pas avoir à juger la loi de 1966 inconstitutionnelle. J'estime à titre personnel qu'un EPCI doit comporter un représentant de chaque commune.
Nous voterons bien entendu cette proposition de loi, parfaitement argumentée et rédigée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Indépendants.)
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je remercie mes collègues du Rhône qui ont cosigné ce texte. Je remercie aussi la rapporteure qui a éclairé notre commission sur les questions juridiques et de représentativité qui se posaient. Je remercie enfin le ministre qui a soutenu ce texte dès le début.
La métropole de Lyon, c'est 1,4 million d'habitants, 59 communes et 162 conseillers métropolitains issus des élections de 2014. La loi Maptam prévoit des élections au suffrage universel direct dès 2020 et fait de cette métropole une collectivité locale au statut particulier.
Le nouveau mode de scrutin changera notre fonctionnement ; tous les maires ne seront plus forcément représentés au conseil métropolitain. Nous aurons à en tenir compte dans la gouvernance et à créer les conditions d'un large travail collaboratif. Peut-être d'autres ajustements législatifs s'avéreront-ils nécessaires.
La métropole de Lyon, c'est un budget de 3,5 milliards d'euros pour pas loin de 1,4 million d'habitants. À titre de comparaison, la région Rhône-Alpes dispose à peu près du même budget, pour 8 millions d'habitants. C'est dire la richesse de ce territoire, dans tous les sens du terme. L'élection au suffrage universel direct donne à ses élus une responsabilité accrue. Il fallait donc réparer cet oubli et assurer leur participation aux élections sénatoriales.
Merci pour la belle unanimité qui se dessine. (Applaudissements)
La proposition de loi est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité !