SÉANCE
du jeudi 16 mai 2019
90e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Yves Daudigny.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Parlement européen : entrée en fonction des députés français élus en 2019 (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019.
Discussion générale
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Le 26 mai, les Français éliront leurs députés européens. Nous avons déterminé les règles de l'élection l'an dernier : circonscription unique et scrutin proportionnel de liste pour celles qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés. Il ne s'agit pas ici de revenir sur ce mode de scrutin.
Si nous légiférons aujourd'hui, ce n'est pas de notre fait, mais parce que le Brexit, prévu initialement le 29 mars, soit deux mois avant les élections, a été repoussé. Or 27 des 73 sièges du Royaume-Uni ont été répartis entre les différents États membres. La France a obtenu 5 sièges supplémentaires, faisant passer de 74 à 79 le nombre de ses élus européens.
L'Union européenne a accordé un premier, puis un second délai au Royaume-Uni, lui donnant jusqu'au 31 octobre pour se mettre d'accord... avec lui-même. Jeudi 23 mai, les électeurs britanniques éliront donc leurs 73 députés européens.
Il fallait donc s'adapter rapidement pour que le scrutin du 26 mai se déroule au mieux. L'objet de ce projet de loi est, dans un premier temps, de répartir les 74 premiers sièges français et, dans un second temps, les 5 sièges supplémentaires.
Je remercie le Sénat et le rapporteur, M. Alain Richard, d'avoir travaillé sur ce texte en coconstruction avec l'Assemblée nationale, et d'avoir compris l'impératif de traiter ce texte en responsabilité : la promulgation de cette loi doit intervenir avant le 26 mai.
Un amendement du RDSE déclaré irrecevable a appelé mon attention sur la contrainte que peut constituer pour les petites communes un affichage électoral pour 34 listes candidates. Cette préoccupation est légitime, mais les panneaux sont conçus pour recevoir deux affiches, cela est faisable et légal. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Très bien.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois . - Le report de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a été autorisé le 10 avril par le Conseil européen, qui en a tiré les conséquences en différant la nouvelle répartition des sièges du Parlement européen. Nous devons transposer cette décision dans notre droit. La loi d'adaptation doit être votée avant le 26 mai pour la sincérité du scrutin, la clarté pour l'électeur et la sécurité juridique de l'attribution des sièges. Par la loi du 25 juin 2018, nous avions actualisé le mode de scrutin européen. Ce n'est pas à l'occasion de la nouvelle répartition des sièges, temporaire, que nous devons le changer.
Les 74 sièges français seront donc pourvus au scrutin proportionnel à l'échelle d'une circonscription nationale. La Commission nationale de recensement des votes refera ensuite le calcul sur 79 sièges afin de déterminer les futurs bénéficiaires des cinq sièges supplémentaires. L'entrée en fonction de ces cinq élus sera subordonnée à la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Je regrette que nous n'ayons pas suffisamment, avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale, évoqué la date d'entrée en fonction des cinq représentants supplémentaires français, car le retrait britannique se fait en plusieurs temps. L'entrée en fonction doit correspondre à la date de départ des représentants britanniques des institutions européennes, soit le moment où le Royaume-Uni cesse d'être lié par le traité qui organise l'Union européenne.
Le travail de l'Assemblée nationale s'est achevé lundi. La commission des lois a travaillé en concertation préalable avec l'Assemblée nationale, en plein accord politique ; grâce à cela nous avons pu présenter dès hier un rapport indiquant l'intégralité des enjeux. La commission ne voit pas la nécessité d'apporter des variations à ce texte et vous suggère de le voter conforme. (M. André Gattolin applaudit.)
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°16, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 2 du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 499, 2018-2019).
M. Jean Louis Masson . - L'article 14 du traité de l'Union européenne, dit traité de Lisbonne, définit la répartition des sièges au Parlement européen, dont le nombre ne dépasse pas 750 - plus le président. Aucun État membre ne peut avoir moins de 6 sièges et plus de 96 sièges. La règle est la proportionnalité dégressive.
Une décision du Conseil européen du 28 juin 2013 a fixé un nombre de représentants pour 2014-2019 qui pénalise la France et, dans une moindre mesure, d'autres États membres, en violation flagrante de ce principe de proportionnalité dégressive.
Selon l'Union européenne, la répartition des sièges utilise pleinement les nombres minimaux et maximaux pour « refléter aussi étroitement que possible » les tailles respectives des populations des États membres. La proportionnalité dégressive est le rapport entre la population et le nombre de sièges par État membre, qui varie en fonction de la population respective de chaque État membre. Ainsi, chaque député d'un État membre plus peuplé représente plus de citoyens qu'un député d'un État membre moins peuplé ; mais le premier État compte plus de députés que le second...
Or, la répartition actuelle des sièges est en totale contradiction avec ces principes. La France, moins peuplée que l'Allemagne, aurait dû avoir des députés représentant moins d'habitants. C'est le contraire, puisque le ratio est de 852 539 habitants pour l'Allemagne et de 883 756 habitants pour la France.
La sortie du Royaume-Uni est l'occasion de remédier aux disproportions, comme l'a reconnu le Parlement européen le 7 février 2018. Le nombre de sièges est passé de 751 à 705 au Parlement. La décision du Conseil européen du 28 juin 2018 a apporté un correctif, en faisant passer le nombre de députés européens français à 79, portant le nombre d'habitants par député à 843 818, contre 854 838 en Allemagne.
Mais c'est un correctif fragile, qui prévoyait le cas où le Royaume-Uni serait encore membre au 1er juin 2019 ; dans ce cas, la répartition prévue en 2014 devait perdurer. Le Gouvernement français, dont l'accord était nécessaire pour obtenir l'unanimité requise, a donc accepté une solution en violation du traité de Lisbonne, privant la France de plusieurs sièges et maintenant le ratio défavorable par rapport à celui de l'Allemagne.
Lors de la séance publique du Sénat du 17 octobre 2018, j'ai interrogé Mme Nathalie Loiseau, alors ministre chargée des affaires européennes, sur cette totale violation du traité de Lisbonne, en estimant que « si ceux qui essaient de torpiller le Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice subsisterait. ». Elle m'a accusé de diffuser des informations inexactes quand j'ai dénoncé cet état de fait, et prétendu avoir pu « rattraper ce qu'un mandat précédent n'avait pas su défendre, c'est-à-dire le nombre de députés européens auquel la France a droit. »
J'ai donc déposé une question écrite, en novembre 2018, demandant s'il était toujours légal d'organiser des élections si la France continuait à être victime d'une violation flagrante du traité de Lisbonne : la Constitution prévoit que les traités internationaux doivent être respectés ! Mme Loiseau a fini par me répondre par une contrevérité, en indiquant que la décision du 28 juin 2018 deviendrait caduque si le Royaume-Uni renonçait au retrait. Or c'est faux. Je l'ai fait savoir lors de la séance publique du 14 février 2019 : si le Royaume-Uni ne partait pas ou s'il partait seulement dans six mois, dans un an ou dans dix ans, nous serions dans une situation évidente de violation du traité de Lisbonne. Je lui ai répondu : « c'est de l'enfumage total et un mensonge à un double titre. Tout d'abord, rien n'indique dans la décision du Conseil du 28 juin 2018 que celle-ci deviendrait caduque en cas d'abandon du Brexit. Par ailleurs, les négociations avec le Royaume-Uni peuvent s'éterniser : pendant toute cette période, nous continuerions à être dans une situation de violation du traité de Lisbonne. »
La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a adopté le 26 janvier 2018 un rapport détaillant en annexe les ratios officiels avec ou sans Brexit. L'Allemagne, pays le plus peuplé, a un ratio de 854 838 habitants par représentant contre 900 833 pour la France - et, au passage, de 895 085 pour le Royaume-Uni. L'Allemagne aurait dû avoir un ratio par siège supérieur à celui de la France.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Jean Louis Masson. - Ce projet de loi entérine la violation flagrante du principe de proportionnalité dégressive fixé par le traité de Lisbonne, et il est inconstitutionnel - puisque l'article 55 de la Constitution dispose que les traités internationaux priment sur les lois. Aucun parlementaire ne peut nier cela...
M. Alain Richard, rapporteur. - Notre commission a adopté ce projet de loi et souhaite écarter cette motion, même si les chiffres présentés par M. Masson sont conformes à la réalité. La répartition des sièges ne se modifie pas si simplement, et nécessite une double condition : l'unanimité des 28 États membres et le soutien de la majorité du Parlement européen.
Pour l'instant, nous restons sur des chiffres de population antérieurs, mais à titre provisoire. La réforme prévue par le Conseil européen entrera en vigueur dans quelques mois, lorsque le Brexit sera effectif.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. Jean Louis Masson. - Non seulement ce projet de loi n'est pas conforme au traité de Lisbonne, mais le justifier par le fait qu'on violait ce dernier déjà depuis 2014 - alors on continue ! - n'est pas un argument valable. C'est anticonstitutionnel.
La motion n°16 n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°18, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'entrée en fonction de représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 499, 2018-2019).
M. Jean Louis Masson . - En commission, j'ai soulevé le problème des prêts bancaires pour l'organisation des campagnes électorales, sans être entendu. Je profite tout de même de la discussion sur les élections européennes pour évoquer le sujet.
Les affaires judiciaires ont entraîné, dans les années 1990, une réglementation des dépenses électorales : plafonnement, et interdiction des dons des personnes morales. En contrepartie, l'État a pris en charge la moitié du plafond des dépenses autorisées.
Pour les élections avec un plafond de dépenses élevé - présidentielles, européennes, régionales - le système trouve cependant ses limites car les candidats doivent avancer des sommes considérables et ne sont remboursés que plus de six mois après les élections. De ce fait, ils sont obligés de souscrire des emprunts auprès des banques.
Or celles-ci pratiquent des discriminations selon leurs affinités politiques. Elles se montrent particulièrement bienveillantes vis-à-vis des partis bien-pensants, et les partis contestant le système dominant sont victimes d'un ostracisme systématique. En 2017, le Front national a été obligé de souscrire un prêt auprès d'une banque étrangère, en raison des refus essuyés auprès des banques françaises. En matière électorale, l'argent est le nerf de la guerre et un parti privé de moyens financiers pour faire campagne subit un handicap rédhibitoire. Si une banque accorde un prêt à un candidat et qu'elle le refuse à d'autres, le bénéficiaire du prêt profite d'un avantage en nature par rapport à ses concurrents. Or un avantage accordé par une personne morale est interdit.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est très vigilante sur certains points, comme sur la mise à disposition gratuite d'une salle - soit les autres candidats y ont accès dans les mêmes conditions, soit celle-ci est comptabilisée au prix d'une location - mais ni elle, ni le Conseil d'État, ni le Conseil constitutionnel ne voient de problème dans les conditions d'accès, pourtant discriminatoires, au prêt bancaire.
Le problème est incontestable, et il faut rendre hommage à l'éphémère garde des Sceaux du gouvernement d'Édouard Philippe, François Bayrou, d'avoir proposé la création d'une banque de la démocratie. Mais les représentants au Sénat des grands partis, ne souhaitant pas de changement, ont torpillé l'idée, créant à la place un médiateur du crédit qui a un rôle parfaitement nul.
En 2019, les mêmes difficultés se sont posées. Les candidats des listes ayant la quasi-certitude de dépasser le seuil de 3 % auraient dû pouvoir emprunter. Or ce n'est pas le cas, s'agissant des partis contestant la pensée dominante, comme le Rassemblement national, pourtant donné premier dans les sondages. Un de ses représentants formule ce triste constat : « c'est désormais aux banques de décider qui a le droit de se présenter ». Un représentant de la France insoumise souligne pourtant à bon droit que « ce n'est pas aux banques de décider qui défend les bonnes idées ».
Le médiateur du crédit ne sert à rien. La solvabilité du Rassemblement national ne pose pas problème, mais celui de la respectabilité, oui, expliquait en substance Le Figaro. C'est donc le microcosme politique qui décide à la place des Français qui peut faire campagne, ce qui est scandaleux.
Le médiateur du crédit proposait dans la presse une solution surprenante : faire appel aux militants pour financer la campagne. Il y aurait donc deux catégories : les partis qui plaisent aux banques et les autres, victimes des banques et qui font campagne avec un handicap !
Lors de la réunion de la commission des lois du 10 avril 2019, j'ai fait part de ma profonde indignation. Rejeter la demande de prêt d'un candidat que les sondages donnent à 10 % au motif qu'il ne présente pas la garantie de dépasser la barre des 3 %, c'est utiliser de faux arguments. Si ce n'est pas de l'ostracisme, je ne vois pas ce que c'est... sinon du favoritisme au profit d'autres candidats. Je ne suis pas sur la liste du Rassemblement national, mais je ne trouve pas normales de telles discriminations.
Il est indispensable de donner à tous les candidats les mêmes moyens pour faire campagne, ou de reconnaître comme avantages en nature les prêts octroyés à certains seulement.
M. Alain Richard, rapporteur. - Le seul avis que je puis donner porte sur la méthode. M. Masson entend s'opposer à ce projet de loi à dix jours des élections... Or le 29 mai prochain, la commission des lois recevra, précisément, le médiateur du crédit. Il sera loisible à notre collègue de l'interroger... Avis défavorable.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
La motion n°18 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Brexit, saison 2. Vous avez aimé la saison 1, achevée le 29 mars. Quel suspense, quel épilogue ! Vous avez suivi les débats au Parlement britannique, commenté les positions des brexiters, hard ou soft. Tout ça pour ça ! En saison 1, Theresa refusait de discuter avec David. En saison 2, elle tente désormais de le séduire, proposant de rester dans l'union douanière... Mais David hésite ! Pour l'heure, le Royaume-Uni fait toujours partie de l'Union européenne. Et coup de théâtre : il participera aux élections européennes dans quelques jours ! En réalité, cela ne devrait pas surprendre, et je vous l'avais signalé : les parlementaires avaient voté l'an dernier les crédits budgétaires pour organiser le scrutin.
Je l'avais dit également en juillet dernier : l'intérêt supérieur du Royaume-Uni n'est pas de quitter l'Union européenne. Theresa May avait prévu la participation aux élections. Moi qui vis au Royaume-Uni depuis plus de vingt ans, je reste convaincu que le Brexit n'aura pas lieu.
La répartition des sièges supplémentaires fut une décision hâtive ; je soutiens le projet de loi, mais les cinq candidats français les mieux placés pour bénéficier d'un siège seront entre deux eaux...
Theresa May ne veut pas attendre le 30 octobre, elle souhaiterait une sortie le 30 juin. Mais la saison 2 lasse les gens. Les ressorts des premiers épisodes ne fonctionnent plus ; et qui peut croire que les parlementaires britanniques voteront le 4 juin un texte dont ils n'ont pas voulu en saison 1 ? L'ambiance est mauvaise au Royaume-Uni. Le suspense s'estompe. Mais la pagaille persiste. Les électeurs européens installés au Royaume-Uni peuvent voter sur place, mais ils doivent, pour s'inscrire, renvoyer un formulaire d'inscription, sans recevoir le moindre accusé de réception... Au point que deux ONG ont mis en place une plateforme en ligne pour faciliter la participation aux élections européennes, mais le Gouvernement britannique a bloqué leur action. Pire : il y aurait eu une hausse de 26 % du nombre des expulsions forcées d'Européens, a révélé The Indépendant. J'aurais été heureux que le Gouvernement français réagisse...
Le climat n'est pas bon. Nigel Farage, qui a juré dans un premier temps de faire sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne, et dans un second temps de la détruire, est donné gagnant. Il hait l'Europe mais entend siéger et profiter des indemnités du mandat. Il n'a pas la cohérence ni la dignité du Sinn Féin : celui-ci, depuis 1921, présente aux législatives des candidats qui, élus, refusent de siéger et de recevoir des indemnités. C'est que Nigel Farage appartient à la catégorie des nationalistes cyniques. Et c'est à lui que nous sommes tenus de faire la place.
Le spectacle infligé depuis trois ans devrait conduire l'Europe à revoir la formulation de l'article 50 du TFUE, ainsi que son mode de fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et Les Indépendants ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Colette Mélot . - Les institutions, bien construites, peuvent transmettre la sagesse aux générations successives, voulait croire Jean Monnet.
Le Parlement européen, élu au suffrage universel direct depuis 40 ans, n'a cessé de s'affirmer et de prendre du poids face aux États membres. Il est désormais colégislateur dans 85 domaines. Il est plus puissant même que beaucoup de parlements nationaux et indépendants de l'exécutif. Même sans pouvoir agir sur les recettes, il a un pouvoir budgétaire important.
Entre 2014 et 2018, il a adopté 2 100 textes, dont 708 législatifs ; mais son rôle prépondérant est reflété surtout par l'aspect précurseur des sujets dont il s'empare : paquet climat énergie, droits d'auteur, protection des données numériques ; protection des salariés, avec la directive sur les travailleurs détachés ; combat contre les distorsions de concurrence...
Pourquoi le Parlement européen reste-t-il si méconnu ? Les causes sont multiples et interdépendantes : crise de la démocratie représentative, pouvoirs croissants mais insuffisants, image lointaine de l'Union européenne, manque de relais locaux et nationaux,... Les chefs d'État et de Gouvernement se sont réunis la semaine dernière à Sibiu, sans le Royaume-Uni, pour parler de l'Europe, mais l'ombre du Brexit continue de planer.
En outre, le parti eurosceptique de Nigel Farage est donné gagnant avec 34 % des intentions de vote, loin devant le parti travailliste, à 21 %. Une majorité eurosceptique sera donc envoyée au Parlement, et les pays comme la France qui devraient gagner des sièges supplémentaires sont contraints de prévoir des dispositions transitoires. Cela affaiblit notre influence dans cette institution, même si celle-ci dépend beaucoup de l'implication de nos députés européens.
La complexité des institutions, la sous-médiatisation des enjeux européens, continuent à faire obstacle à une démocratie européenne vivace. Le Parlement européen doit être une institution dynamique. Le groupe Les Indépendants soutient ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Jean Bizet . - Dans une tribune du 7 mars dernier, Theresa May trouvait « à peine supportable » que les Britanniques votent aux élections européennes après avoir fait le choix du Brexit. C'est pourtant ce qui va se passer...
On peut se féliciter que le scénario catastrophe d'un no deal n'ait pas prévalu, mais le report au 31 octobre n'offre pas de lisibilité et remet à plus tard l'indispensable refondation de l'Union européenne, tâche autrement plus urgente. Le nouveau calendrier du Brexit parasite les élections européennes. Il risque de perturber le bon fonctionnement des institutions européennes. Certes, le Gouvernement britannique a promis un comportement loyal, par exemple en n'utilisant pas son veto lors de l'adoption du cadre budgétaire pluriannuel ; mais le Royaume-Uni restera membre de plein droit du Conseil européen, et son engagement moral ne s'appliquera en rien aux députés, qui risquent d'être nombreux derrière Nigel Farage...
Les Européens font preuve à l'égard des Britanniques d'une patience qui ne saurait être sans limite. Les électeurs britanniques, eux, ont épuisé la leur, sanctionnant les grands partis lors des dernières élections locales.
La semaine dernière, à Londres, puis à Édimbourg, Christian Cambon et moi-même avons acquis la certitude que les députés britanniques ne suivront pas leurs chefs de partis.
M. Philippe Dallier. - Nous voilà bien avancés...
M. Jean Bizet. - Il n'est pas interdit d'espérer qu'un accord majoritaire intervienne d'ici la mi-juin, pour que les élus britanniques n'aient jamais à siéger au Parlement européen, dont la séance inaugurale se tiendra le 2 juillet.
Néanmoins, le contexte politique au Royaume-Uni, confus et conflictuel, vient modérer cet optimisme. Un compromis solide sur le Brexit reste très difficile à atteindre. Un accord May-Corbyn sur la base d'un arrangement douanier avec l'Union sera durement combattu, tant par les hard brexiters conservateurs que par les remainers travaillistes qui militent pour un second référendum.
Bref, ce projet de loi, auquel le groupe Les Républicains apporte son soutien, sera bel et bien nécessaire.
Nous sommes pris en otage par les Britanniques, qui tentent de régler un problème purement domestique. Espérons que la paralysie britannique ne se doublera pas d'une paralysie européenne durable, et que le report accordé sera le dernier - à moins que le Royaume-Uni ne décide de révoquer unilatéralement l'article 50 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Pierre Laurent . - « En 2005, une page s'est tournée ; l'Europe ne peut plus avancer à part des peuples. Elle ne peut continuer son destin que si elle est choisie, voulue », déclarait Emmanuel Macron à Athènes. Quel fossé avec ce qui se passe aujourd'hui !
Le groupe CRCE ne s'opposera pas à ce projet de loi technique.
Toutefois, la situation est révélatrice d'une Union européenne à bout de souffle. Les dirigeants britanniques et européens se montrent incapables de mettre en oeuvre une sortie pérenne et organisée du Royaume-Uni. Le Brexit a été un terrible aveu d'échec et le symbole de l'éloignement des peuples et de l'Union européenne. Le chaos s'accroît au Royaume-Uni, où Nigel Farage pourrait rafler la mise.
Les dirigeants d'une Europe conçue pour les marchés ne savent pas tenir compte de l'expression des peuples. Nous l'avons constaté lors du refus de respecter les votes danois, irlandais, néerlandais et français contre la constitutionnalisation de l'ordre libéral européen.
Les conditions de l'élection européenne ont toujours fait débat. D'ailleurs, le 49-3 a été utilisé pour la première fois dans le domaine des relations extérieures lors de l'examen de la loi instaurant l'élection du Parlement européen au suffrage universel, en 1977. La participation aux prochaines élections européennes risque d'être plus faible que jamais.
L'opacité des décisions européennes en est l'une des causes fondamentales, mais je voudrais insister sur d'autres motifs de colère.
D'abord, le seuil électoral de 5 %, en France, toujours prompte à plagier l'Allemagne, est une grave distorsion démocratique. Ajoutez à cela l'abstention, et un nombre record d'électeurs risque de ne pas se voir représenté au Parlement européen.
Autre scandale, la répartition du temps de parole, en vertu du tripatouillage que le Sénat a entériné l'an dernier sans broncher. LaREM a plus de temps d'antenne que le PC, LFI, les Verts et Générations réunis ; le RN se taille la part du lion, avec plus que Les Républicains et l'UDI réunis ! Favoriser ainsi la polarisation entre LaREM et le RN est un choix dangereux pour la démocratie et l'avenir de l'Union européenne.
Je proteste aussi contre la manière dont France 2 organise les débats, écartant des listes représentées au Parlement européen (Mme Françoise Gatel applaudit.), dont celle menée par Ian Brossat. Je ne mets pas en cause les journalistes mais j'invite la direction de France Télévisions à revoir sa copie.
Mme Éliane Assassi. - Très bien.
M. Pierre Laurent. - Il est temps de créer les conditions d'un choix équitable, car les Français ne supportent plus qu'on les prive de leur liberté de jugement. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR et sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Indépendants)
M. Jean-Yves Leconte . - En apparence, ce projet de loi est pragmatique, répartissant les cinq sièges supplémentaires qui seront dévolus à la France après le Brexit. J'entends ceux qui disent que c'est un scandale que les Britanniques aient des représentants, qu'ils puissent décider de l'avenir de l'Union. C'est oublier que le Brexit est un trou noir qui empêche les Britanniques de se projeter dans l'avenir. Le Parlement britannique refuse à la fois l'accord négocié, le seul possible, mais aussi une sortie sans accord. Il n'y a pas de solution dans un espace euclidien.
Quelle qualité britannique l'emportera, de l'opiniâtreté et du pragmatisme ? C'est le pays qui veut activer l'article 50 qui est maître des horloges. Tant que nous accepterons les reports, la date de sortie sera repoussée.
M. Jean Bizet. - Exactement !
M. Jean-Yves Leconte. - Poursuivons donc notre route, continuons à travailler à l'Union européenne. Les Britanniques se sont engagés à ne pas intervenir, et ne sont guère capables de peser.
Les principales victimes sont les citoyens européens, pris en otage ; les Britanniques qui vivent sur le continent comme les Européens qui vivent en Grande-Bretagne. Je pense aussi aux Britanniques à qui l'on arrache la citoyenneté européenne avec laquelle ils sont nés. Chaque État membre a préféré défendre sa souveraineté plutôt que la citoyenneté européenne. Je le regrette. Et ce n'est pas en faisant de cette élection une redite de 2017 que nous inciterons les électeurs à voter.
La décision du Conseil d'État du 6 mai dernier, qui autorise les partis politiques européens à s'impliquer financièrement dans la campagne, bouleverse notre conception du financement de la vie politique. Nous devrons faire davantage converger les règles en la matière au niveau européen. Une mission de la commission des lois et de la commission des affaires européennes sur le sujet serait bienvenue.
Enfin, il n'est pas acceptable de refuser à un citoyen européen, régulièrement inscrit sur les listes du consulat, de voter dans le pays où il réside, au motif qu'il serait inscrit sur les listes de son pays d'origine. Le double vote est sanctionné pénalement d'une peine de six mois à deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende : il suffit de le rappeler aux ressortissants français votant à l'étranger, comme aux ressortissants européens inscrits sur les listes en France. Mais évitons les interprétations hasardeuses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. André Gattolin applaudit également.)
Mme Josiane Costes . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Entre le 23 et le 26 mai, les citoyens européens sont appelés aux urnes. Près de 40 000 citoyens britanniques inscrits sur les listes en France se trouveront dans une situation paradoxale alors que le dénouement est toujours incertain. Le groupe RDSE se réjouit malgré tout que 330 000 citoyens étrangers de l'Union européenne se soient inscrits en France, et plus d'un million de Français dans le reste de l'Union européenne.
L'absence d'accord de sortie placera également les électeurs français dans une situation inédite, puisque nous élirons cinq représentants par anticipation. En cas d'incertitude prolongée, le Parlement européen pâtira d'une légitimité affaiblie. Faute d'accord, le Parlement britannique - qui a tant inspiré la démocratie ! - fragiliserait nos démocraties européennes confrontées à la montée des populismes.
« Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée », disait Musset.
M. Jean-Claude Requier. - Très bien !
Mme Josiane Costes. - Le groupe RDSE est favorable à l'adoption de règles claires et à ce que les cinq représentants supplémentaires soient désignés selon les mêmes règles que leurs collègues. Ce que prévoit le projet de loi.
Difficile de concilier représentativité et respect du pluralisme. Le grand nombre de listes, non anticipé, met en difficulté les chaînes de télévision ainsi que les communes, prises de court pour la gestion des panneaux d'affichage.
M. Philippe Dallier. - C'est vrai !
Mme Josiane Costes. - Hélas, l'amendement de Jean-Yves Roux sur le sujet a été déclaré irrecevable.
L'allongement de la durée des campagnes serait bienvenu. Au reste, celles-ci se déroulent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Le combat pour le pluralisme se joue aussi là, et le scandale Cambridge Analytica comme le rapport Mueller plaident pour des initiatives législatives fortes.
Le Parlement européen traite de nombreux sujets relevant de la codécision avec le Conseil. Nos représentants y sont en nombre suffisant pour peser dans les débats. Après le Brexit, la France restera la deuxième nation représentée après l'Allemagne, avec 11,2 % des sièges.
Donnons à nos futurs représentants une légitimité à la hauteur des défis qui les attendent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants ; M. Alain Richard, rapporteur, applaudit également.)
M. Jean Louis Masson . - Notre excellent rapporteur a défendu il y a quelques semaines en commission des lois une proposition de loi tendant à interdire toute modification du droit électoral à moins d'un an du scrutin. Or nous sommes à dix jours de l'élection !
Nous n'avons pas à être à la botte de l'Union européenne, même si c'est la chienlit. Il est indécent de modifier les règles du jeu à si brève échéance.
Nous venons en outre d'apprendre que les partis européens peuvent financer les campagnes. Mais ils sont financés par les lobbies ! C'est extrêmement dangereux. L'un de ces partis est financé par Bayer-Monsanto pour défendre le glyphosate. (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est une aberration, un véritable scandale que ces partis financés par des lobbies viennent mettre le nez chez nous alors que dans le même temps, la CNCCFP invalide l'élection de M. Dupont ou M. Durand parce qu'il a acheté de la farine pour faire une pizza ! Bref, ces élections sont complètement biaisées. C'est un scandale !
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Jean Louis Masson. - Je reviens dans un instant, de toute façon ! (Sourires)
M. André Gattolin . - Passé le Masson show, il n'est point besoin de disserter trop longtemps. Ce projet de loi a le mérite d'apporter un peu de sécurité juridique dans un monde très incertain. Incertitudes sur le vote des Britanniques, sachant que les sondages laissent penser que le rapport de force sera inchangé par rapport aux élections de 2014. Incertitudes sur la composition finale du Parlement européen. Incertitudes sur le nouveau vote britannique.
Mme May a annoncé qu'elle soumettrait début juin le projet d'accord aux Communes, pour la quatrième fois. En l'espèce, l'incertitude est faible : il sera sans doute rejeté.
Incertitudes sur l'attitude des nouveaux eurodéputés britanniques lors de la session inaugurale qui désignera le président et le bureau.
Incertitudes sur la composition des groupes politiques : le groupe de Nigel Farage regroupe des députés de sept pays ; la sortie des Britanniques pourrait le faire exploser.
Incertitudes encore sur le calendrier de sortie. L'imprécision de la rédaction de l'article 50 laisse ouverte l'hypothèse d'un retrait de la demande de sortie pour la redéposer ensuite - hypothèse politiquement improbable toutefois. Les Britanniques n'oseront pas !
Incertitudes, toujours, sur le renouvellement institutionnel. Présidence du Parlement européen, de la Commission, du Conseil européen, Haut Représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères seront remis en jeu. Si nous voulons préserver la cohésion et la force de l'Union post-Brexit, il faudra des équilibres savants - entre formations politiques, entre grands et petits pays, entre pays de l'Ouest et de l'ex-Est, entre hommes et femmes. Le lot de consolation qu'est la présidence du Parlement européen sera attribué début juillet : le pays qui l'obtiendra sera disqualifié pour les autres postes. D'où la proposition de Donald Tusk d'organiser une réunion dès le 28 mai, en amont du Conseil européen des 20 et 21 juin, pour que la France et l'Allemagne se mettent d'accord sur une répartition des présidences. Nous avons là une grande responsabilité : anticipons et travaillons pour qu'au 1er novembre, nous soyons en ordre de marche pour réformer l'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
La discussion générale est close.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je demande une suspension de séance de dix minutes pour que la commission puisse examiner la motion et les amendements, déposés tardivement.
La séance, suspendue à 12 h 5, reprend à 12 h 15.
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°17, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'entrée en fonction de représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 499, 2018-2019).
M. Jean Louis Masson . - Ce texte aurait pu être l'occasion d'un examen bien plus large d'un certain nombre de problèmes. Un collègue a évoqué tout à l'heure celui du temps de parole. Dans un système réellement démocratique, tout le monde doit être traité sur un pied d'égalité. Le système actuel est profondément injuste. C'est comme si l'on anticipait le résultat d'une course de 100 mètres et qu'on offrait 10 mètres d'avance à celui qui est jugé meilleur ! C'est la négation même de la démocratie. Chacun doit avoir un temps de parole équitable. Imposer aux candidats moins connus de passer à la télévision à l'heure où tout le monde est couché alors que les plus connus passent à une heure de grande écoute est absurde ! Et on s'étonne qu'ils ne soient pas connus ! De quel droit spécule-t-on sur le résultat final ?
Cela a d'autres conséquences : des candidats qui dépasseront pourtant les 3 % doivent faire campagne à l'économie, alors que leurs frais leur seront remboursés, faute d'avoir obtenu un prêt bancaire. Là aussi, on crée des inégalités.
Un mode de scrutin assorti d'un seuil peut s'entendre quand il s'agit d'obtenir une majorité de gestion, mais dans une assemblée comme le Parlement européen, il faut permettre la plus large représentativité. Le système allemand, plus sain et objectif, permet le respect du principe proportionnel.
J'ai parlé de la méconnaissance de la proportionnalité dégressive dans l'attribution des sièges au Parlement européen. Son principe même est antidémocratique. On est très loin du principe « un homme, une voix ». Je conçois qu'un petit pays doive avoir au moins un ou deux eurodéputés, mais pourquoi fixer le minimum à six ? À Malte, un député représente 40 000 habitants ; en France, 900 000 ! Si Monaco adhérait à l'Union, aurait-il six députés ? Le système est profondément injuste. Ces sujets auraient mérité un débat en commission - même si je ne me fais aucune illusion sur le sort de cette motion.
M. François Bonhomme. - C'est pour le panache !
M. Alain Richard, rapporteur. - La commission considère que ses travaux ont été suffisants. Avis défavorable.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
La motion n°17 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article unique
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par M. Masson.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les première et deuxième phrases du deuxième alinéa de l'article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen sont ainsi rédigés : « Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. »
M. Jean Louis Masson. - Le principe même de la représentation proportionnelle est de refléter aussi équitablement que possible l'importance des différents courants de pensée. Ce n'est pas le cas d'une représentation proportionnelle à plus forte moyenne, ni d'un seuil de représentation fixé à 5 % dans le but de favoriser les partis dominants.
Cet amendement abaisse le seuil de 5 % à 3 % des suffrages exprimés et instaure une répartition au plus fort reste.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Masson.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « la règle de la plus forte moyenne » sont remplacés par les mots : « la règle du plus fort reste » ;
2° À la deuxième phrase, les mots : « la même moyenne » sont remplacés par les mots : « le même reste ».
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
M. Alain Richard, rapporteur. - Le Sénat a débattu en profondeur du sujet en juin 2018. Ce texte ne prévoit qu'une adaptation temporaire pour quelques sièges ; il n'y a pas lieu de changer le mode de scrutin. Avis défavorable.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Même avis. Nous avons eu leu débat lors de l'adoption de la loi du juin 2018.
M. François Bonhomme. - Je me souviens que M. Masson se félicitait il y a peu du retour à une circonscription nationale unique pour les européennes...
J'entends la complainte régulière de M. Masson sur le mode de scrutin. Le vrai problème n'est pas la répartition des restes ou le seuil, mais le choix du mode de scrutin proportionnel par l'Acte de 1976. Si la désaffection s'aggrave, le mal vient de là.
Je demanderais volontiers à Mme Gourault si elle est aussi enthousiaste que l'an dernier sur la circonscription unique, à voir l'engouement que suscitent les élections chez nos concitoyens.
M. Jean Louis Masson. - Je suis pour la représentation de tous les courants d'opinion, ce qui suppose une proportionnelle avec un seuil bas, voire pas de seuil, et une répartition au plus fort reste. Faut-il rappeler à M. Bonhomme que Les Républicains ont changé d'avis sur la circonscription unique ?
M. François Bonhomme. - Relisez les débats !
L'amendement n°15 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Masson.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l'article 12 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, après le mot : « disposition », sont insérés les mots : « et si l'irrégularité était légère et de bonne foi ».
M. Jean Louis Masson. - La loi de 1977 prévoit que les listes qui ne sont pas complètes ou comportent de graves irrégularités puissent être régularisées a posteriori. Le délai est de 48 heures plus le temps mis pour la consultation du Conseil d'État, que le Gouvernement saisit pour avis, soit une semaine de plus. Autant supprimer tout délai, d'autant qu'une telle régularisation permet de faire figurer des noms sur la liste sans signature, puis de leur en substituer d'autres si les personnes en cause ne sont pas d'accord pour signer...ll y a tout de même des limites !
Il faut interdire la régularisation a posteriori lorsque les anomalies sont délibérées ou trop importantes.
M. Alain Richard, rapporteur. - Avis défavorable. Nous débattons d'un texte d'ajustement sur les élections européennes, selon, un mode de scrutin dont nous avons délibéré. En outre, la règle en question s'applique à toute une série de scrutins, pas seulement à celui-ci. Il serait malencontreux de supprimer toute possibilité de régularisation, d'autant que l'amendement ne propose pas de critère précis d'application. La commission ne peut que s'y opposer.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Même avis défavorable.
M. Marc Laménie. - Je m'inscris dans la suite des propos de M. Bonhomme. J'ai beaucoup de respect pour la commission des lois (M. le président de la commission remercie.) ; objectivement, avec une vision neutre puisque je n'appartiens pas à cette commission, je remarque modestement que ces amendements arrivent très tard pour une élection organisée quasiment demain, et dont la complexité est très grande, comme toute élection, quelle qu'elle soit, mais avec le facteur multiplicateur que représente le nombre de pays concernés. Je suivrai la commission des lois.
M. Jean Louis Masson. - Je n'ai pas proposé de supprimer totalement la possibilité de régulariser, mais en cas de vice grave : permettre de régulariser en changeant le nom d'une personne qui n'a pas signé est tout de même très gros !
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
ARTICLE UNIQUE
Mme la présidente. - Monsieur Masson, vous avez déposé sept amendements sur cet article, dont seulement trois sont en discussion commune. Accepteriez-vous néanmoins de les présenter tous ensemble ?
M. Jean Louis Masson. - Vous pouvez même les considérer comme défendus ! (Marques de satisfaction)
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Masson.
Supprimer cet article.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Masson.
Au début
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour l'application de l'article 3 de la décision 2018/937 du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen et par dérogation aux dispositions de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d'âge est la moins élevée.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par M. Masson.
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par M. Masson.
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par M. Masson.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au premier alinéa de l'article 12 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, les mots : « aux articles 7 à 10 » sont remplacés par les mots : « à l'article 7 ».
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
M. Alain Richard, rapporteur. - La commission des lois a souhaité rester dans les règles fixées l'an dernier.
Les amendements nos7, 10, 11, 12 et 13 nous paraissent trop éloignés de l'objet du projet de loi et les autres sont contraires au schéma retenu pour l'organisation de l'élection européenne, que nous souhaitons préserver.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Olivier Cadic. - Je remercie M. Masson pour sa défense si ardente du traité de Lisbonne. C'était un grand moment ! (Sourires)
M. François Bonhomme. - M. Masson m'a amalgamé avec mon groupe. Il sait pourtant ce que c'est que d'être minoritaire ! Je vous invite à relire le compte rendu de notre séance du 10 avril dernier : je fais justement partie de ceux qui ont contesté la circonscription unique.
Le choix du scrutin proportionnel a pour résultat ces 34 listes pour 79 sièges ; je crains la réaction de nos concitoyens à la découverte, dans l'isoloir, de ces 2 686 candidats... C'est plus important que des ajustements marginaux.
M. Jean Louis Masson. - Monsieur Cadic, la loi est la loi ! Le traité de Lisbonne est pourri et scandaleux, car il a violé la volonté du peuple, exprimée par référendum, mais il existe désormais et s'applique à tout le monde. Que ceux qui l'ont voté le respectent !
L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos7, 10, 11, 12, 13 et 9.
L'article unique est adopté, par conséquent, le projet de loi est définitivement adopté.
La séance est suspendue à 12 h 40.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.