Réforme de la PAC
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune, à la demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes.
Discussion générale
M. Claude Haut, au nom de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Luc Fichet applaudit également.) Le Sénat a adopté deux résolutions européennes sur la prochaine réforme de la PAC, les 8 septembre 2017 et 6 juin 2018. En voici une troisième qui reprend nos recommandations et traduit nos inquiétudes à l'égard des propositions que la Commission européenne a présentées le 1er juin 2018. La diminution du budget de la PAC pour 2021-2027, qui serait de 15 % selon le Parlement européen, en est la véritable matrice. En dépit de négociations longues et difficiles au sein du Conseil, elles sont restées inchangées.
Nous voulons une PAC forte, rénovée, répondant aux attentes des agriculteurs. Nos 28 points demandent un budget stable en euros constants, rappellent que la PAC doit demeurer une priorité stratégique pour l'Union européenne, mettent en garde contre les risques de dumping social et environnemental et de pénalisation des producteurs les plus vertueux, réclament de nouvelles règles en matière de concurrence. En revanche, nous saluons les avancées en matière d'aide aux jeunes agriculteurs et de recherche et d'innovation.
Heureusement, les négociations sont loin d'être achevées. Nos agriculteurs ont besoin d'être rassurés, comme la Représentation nationale. Le sujet de la PAC nous tient tous à coeur, au point de transcender nos différentes sensibilités politiques ; nous sommes impatients d'avoir la position du Gouvernement sur les négociations en cours (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires européennes . - En l'état actuel, l'écart entre le schéma retenu par la Commission européenne et nos propositions est considérable, suscitant un vif malaise. Les orientations de la Commission contredisent en partie nos deux premières résolutions, ainsi que celle-ci, même si certains points méritent d'être salués.
Nous déplorons la réduction drastique du budget, moins 12 % pour le premier pilier et moins 28 % pour le second, les incertitudes sur les ambitions environnementales, la perspective d'un statu quo sur les règles de concurrence.
Tout va dans le sens d'une renationalisation de la politique agricole.
Les divergences de fond sur la PAC s'accroissent entre les États membres depuis des années. La Commission européenne semble vouloir leur laisser la main ; les distorsions de concurrence aboutiraient à la victoire des moins-disants en matière environnementale au détriment des producteurs les plus vertueux.
Avec 142 articles et plusieurs annexes, c'est aussi à un transfert de bureaucratie vers les États membres auquel nous assisterions. À terme, retrouverons-nous 27 politiques agricoles différant en tous points ? Ce serait la fin de la PAC telle qu'elle a été conçue en 1962. En juin 2017, nous avions publié un premier travail, complété au début de 2019 et appelant à sauver la PAC.
Depuis le 6 juin 2018, date de notre dernier débat avec votre prédécesseur, les négociations sur la future PAC ont avancé, sans hélas que les orientations de la Commission européenne ne soient remises en cause par les États membres.
Le président de la République donne parfois l'impression de nous écouter à Paris mais de tenir un discours inverse à Bruxelles. Il faudrait au contraire un discours constant et une voix qui ne tremble pas pour défendre nos agriculteurs. Si les actes ne suivent pas, il sera bientôt trop tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En juin dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité, et vous étiez des nôtres à l'époque, monsieur le ministre, une résolution européenne appelant à la préservation d'une PAC forte.
J'avais alors repéré un paradoxe : la Commission européenne choisissait de sacrifier la plus importante et la plus intégrée des politiques européennes et sa position n'a pas varié depuis ; il est important de le rappeler à quelques jours des élections européennes. Comment accepter ce renoncement face aux enjeux alimentaires et stratégiques que nous devons relever ? Comment demander à nos agriculteurs de faire beaucoup plus avec beaucoup moins ?
La PAC est une priorité déclinante pour l'Union européenne alors qu'entre 2008 et 2015 la Chine a augmenté son budget agricole de 145 %, les États-Unis de 39 %, le Brésil de 44 %, quand l'Union européenne envisage de diminuer le sien de 15 %...
Alors que le Gouvernement nous dit être d'accord avec nous, rien n'a changé depuis notre dernier débat, les coupes sont toujours là. Seule, la commission Agriculture du Parlement européen a proposé la pérennisation jusqu'en 2050 du système des autorisations de plantation de vigne. Mais le bilan global reste bien terne.
Les auditions de notre groupe de suivi ont révélé, au sein du monde agricole, le sentiment de perte de sens de cette politique, alors qu'elle a contribué à la construction européenne depuis 1962. Politique ancienne, ce n'est pourtant pas une vieille politique, mais la clef d'entrée pour répondre aux défis du XXIe siècle, comme l'a dit le président Bizet.
Pour nos deux commissions, l'agriculture garantit l'indépendance alimentaire de notre continent, mais aussi la sécurité sanitaire des consommateurs européens. Elle contribue à la vitalité de nos territoires ruraux et elle crée des externalités positives pour l'environnement et l'ensemble de la société. C'est pourquoi le budget de la PAC doit être au minimum préservé.
Or rien de tout cela ne sera possible sans ambition et sans vision. Après, il sera trop tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Franck Montaugé, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Pour la troisième fois, nous interpellons le Gouvernement sur la plus grande politique intégrée qui fut longtemps la clé de voûte de toutes les institutions européennes. Or nos inquiétudes persistent : la vision stratégique est faible, les protections des agriculteurs sont amoindries et les attentes des consommateurs en matière de qualité et de sécurité des aliments insuffisamment prises en compte.
Notre groupe de suivi demande ainsi le maintien du budget de la PAC, d'autant que les premiers effets de la loi Egalim ne sont pas bons. La baisse du budget de 15 % aurait un impact très négatif pour les agriculteurs et les territoires ruraux. Comment la transition vers l'agro-écologie souhaitée par le Gouvernement serait-elle possible ?
Nous appelons à la reconnaissance des externalités positives de l'agriculture, à savoir les paiements pour services environnementaux (PSE) que nous souhaitons voir instaurés. S'il fallait épargner les crédits de la PAC, nous proposerions de les financer sur les fonds horizon Europe, soit 100 milliards d'euros de prévus dans le prochain budget.
Sous couvert de subsidiarité, le risque de renationalisation de la PAC est réel. Or les inconvénients excéderaient les avantages. Nous en appelons à des mécanismes européens de gestion plus souples : réserves de crise, article 224 qui permettent de déroger aux règles de la concurrence. Il faudrait mettre à disposition des agriculteurs une boîte à outils de gestion des risques. Des normes identiques s'appliquant à toute l'agriculture européenne sont également nécessaires.
Enfin, il nous faut refuser les produits des importations ne respectant pas nos standards au moyen d'un organisme de contrôle européen. La PAC est à un tournant, comme elle le fut en 1992. Depuis lors, les producteurs souffrent. Nos exportations ont diminué. En plaçant les producteurs et les paysans au coeur du raisonnement, nous construirons une nouvelle étape de la PAC.
Le commissaire Phil Hogan a dit que les principes de la future PAC étaient déjà acquis. Pourquoi discutons-nous, dès lors ?
Monsieur le ministre, comment faire pour que les principes de la future PAC servent les intérêts des agriculteurs français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Cette proposition de résolution est la troisième que le Sénat présente et je vous en remercie : elle m'aide beaucoup et j'en partage de fond en comble le contenu.
Nous sommes très opposés à la baisse du budget de la PAC, qui sera un des enjeux des prochaines élections européennes. J'espère qu'une autre majorité verra le jour. Pour l'instant, vingt pays en Europe, dont la France et l'Allemagne, sont opposés à la proposition de la Commission européenne.
Le Gouvernement partage vos positions sur la pérennisation du budget de la PAC. Il partage également vos vues sur les dangers d'une renationalisation et sur la nécessité de conditionner les ambitions environnementales en fonction du maintien du budget. Bref, le Gouvernement vote votre PPRE.
Mais nous ne vivons pas seuls en Europe : pour agir, il faut des majorités. S'il n'y avait que la France, le budget de la PAC ne baisserait pas d'un centime ! Pour l'heure, 20 pays sur 27 sont sur votre ligne. Baisser le premier pilier de 3 % et le deuxième de 15 % est absolument inacceptable, alors que l'agriculture française souffre.
Travailler sur un filet de sécurité, sur les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) ou sur la gestion des risques exige de préserver les moyens du second pilier.
Cela dit, le budget de la PAC va baisser, car le Royaume-Uni va quitter l'Union européenne. Dire le contraire est une ineptie. Mais il n'est pas question que le budget UE27 de la PAC baisse plus qu'il ne devrait compte tenu de la perte des 13 milliards d'euros de la contribution britannique.
L'Allemagne pourrait faire évoluer sa position ; et d'autres encore.
M. Gremillet a évoqué la perte de sens : oui, c'est un risque si nous ne regardons pas où nous voulons aller. Or les deux piliers de la PAC sont très clairs. Cela dit, la transition agro-écologique ne sera possible qu'avec des moyens à la hauteur. Je suis d'ailleurs opposé à la bascule d'un pilier sur l'autre.
Madame Gruny, la position de la France est connue, et nous ne transigerons pas : notre voix ne tremblera pas.
Monsieur Haut, nous devons avancer tous ensemble pour faire muter la PAC.
Monsieur Montaugé, l'Union européenne a acté la création de la force sanitaire européenne de contrôle proposée par la France. Nous nous battrons pour que les produits ne respectant pas les standards européens n'entrent pas en Europe.
Bref, la PAC ne peut être une variable d'ajustement. Son budget doit être sanctuarisé car il y va de notre alimentation, de notre environnement et de nos paysages ; le Gouvernement défend une PAC forte, intégrée au niveau européen, car il ne saurait y avoir 27 politiques agricoles. Les dispositifs facultatifs ne doivent ainsi pas se multiplier. L'écorégime du premier pilier, par exemple, doit ainsi être obligatoire. Ce combat est essentiel.
Si flexibilité il devait y avoir, nous ne l'accepterions qu'à la marge pour traiter des particularités régionales ou de filières économiques. La subsidiarité ne doit pas rimer avec la renationalisation.
Je serai intraitable pour simplifier la PAC - aujourd'hui, 9 200 critères, c'est beaucoup trop ! Si le Parlement nous y aide, je crois que tous en bénéficieront.
La protection des agriculteurs est indispensable. En cas de crise, l'Europe n'est aujourd'hui pas assez réactive. Nous travaillons donc à mettre en place des outils de réaction aux crises climatiques ou sanitaires. Le système assurantiel ne marche guère : il faudra créer quelque chose de nouveau, pour aider les paysans et non pour les brider.
Nous travaillons aussi à développer des aides spécifiques comme le programme d'opérations spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei) pour l'outre-mer, ou les indemnités compensatoires de handicaps naturels. À ce propos, 14 000 communes entrent dans les zones défavorisées simples (ZDS), tandis que 6 800 en sortent. Ainsi, 7 000 communes de plus vont bénéficier de ce dispositif. Évidemment, les nouveaux entrants se font discrets, et l'on n'entend que les communes qui sortent... Nous essaierons d'avancer plus loin encore, surtout pour une sortie en sifflet.
L'agriculture est une filière économique importante pour notre pays. Nous devons ainsi aider le développement des filières - les plans de filières se mettent en place - et les mutations sont en cours dans ce secteur comme jamais et comme nulle part ailleurs.
Pour nous battre contre la proposition de la Commission européenne, il faut être solides, parler d'une seule et même voix. (M. Benoît Huré renchérit.) Nous ne serons certes pas d'accord sur tout, il faut essayer sur les points principaux. Les responsables des organisations agricoles ont répondu présents à mon appel.
Ensemble, faisons en sorte que la PAC post-2020 soit forte et protectrice. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. André Gattolin . - Les deux précédentes propositions de résolution européenne ont été approuvées à l'unanimité en septembre 2017 et en juin 2018. À moins de trois semaines d'un scrutin européen déterminant, nous présentons ce nouveau texte.
M. Juncker a annoncé qu'il ne se représentera pas. Le Royaume-Uni aura fort probablement choisi de quitter l'Union. Le discours sur l'état de l'Union européenne prononcé en septembre dernier par Jean-Claude Juncker réaffirmait la nécessité de mettre en relief les valeurs européennes, en écho aux discours du président de la République durant la campagne présidentielle.
Depuis deux ans, la Commission européenne travaille ardemment à la préparation du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. En dépit du Brexit qui l'occupe beaucoup, elle a souhaité aller vite pour éviter la confusion qui avait régné lors de la préparation et l'adoption in extremis du précédent cadre financier 2014-2020.
Dans le contexte particulier qui est le nôtre, l'espoir de la Commission de faire adopter ce prochain cadre financier en amont des élections était gênant d'un point de vue démocratique. Nous sommes parvenus à échapper à cette ineptie.
Cependant, l'héritage est lourd. Les États membres sont assez malthusiens quant au financement du budget de l'Union. Les crédits réclamés dans tous les domaines rendent les arbitrages difficiles et complexes. On est loin des années 80 ou 90, où les ressources propres comme la TVA représentaient 80 % des financements de l'Union, facilitant l'allocation des dépenses pour les différentes politiques communautaires.
Cela n'exclut pas les coupes dans le budget proposées par la Commission et soutenues par certains États membres, mais l'explique dans une certaine mesure. Certes, il faut adapter la PAC aux nouveaux défis. Ainsi, le renforcement des aides aux jeunes agriculteurs, la protection accrue de l'environnement et la création d'une réserve en cas de crise sont louables. En revanche, la diminution du budget de la PAC est inacceptable, notamment en ce qui concerne le développement rural.
La proposition de la Commission de consacrer 10 milliards d'euros à la recherche et l'innovation dans le domaine de l'alimentation, de l'agriculture et de la bio-économie est une bonne chose : le smart farming ou agriculture de précision est une piste qu'il convient d'explorer. Les nouvelles technologies appliquées à l'agriculture sont intéressantes, mais peu d'agriculteurs en bénéficient.
Le groupe LaREM votera en faveur de cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Fabien Gay . - Je tiens à excuser Cécile Cukierman, retenue dans la Loire.
Faire mieux avec toujours moins de moyens : telle est la direction prise pour l'avenir de la PAC. La Commission européenne fait le choix d'un abandon de toute régulation publique des marchés agricoles et d'une renationalisation de la PAC. À quoi il faut ajouter la baisse du budget : quel avenir sombre !
Les objectifs annoncés par la Commission sont certes louables : revenus équitables pour les agriculteurs, rééquilibrage des pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, lutte contre les changements climatiques. Mais soyons sérieux ! Comment ferons-nous avec un budget diminué de près de 16 % et sans instrument de régulation ? D'autant que l'Union européenne continue à multiplier les accords de libre-échange aux conséquences désastreuses : 16 sont sur la table ! Il faudrait plutôt développer un nouveau modèle d'échanges créateurs d'emplois. Le CETA va à l'opposé de cet objectif, comme la loi EGalim, d'ailleurs.
Alors, monsieur le ministre, discours de façade ou réelle volonté ?
La Commission européenne fait fi de la question de la rémunération des agriculteurs et de la volatilité des marchés, afin que l'Union européenne respecte les accords de l'OMC.
D'ailleurs, monsieur le ministre, quand exactement ratifierons-nous le CETA ? Nous devions le faire en septembre. Mais peut-être attendez-vous que les élections européennes soient passées ?
La nouvelle PAC s'inscrit dans un marché mondialisé et dérégulé. Je ne peux que me féliciter du rapport de nos deux commissions. Oui, la réforme qui se profile portera un coup fatal à notre modèle agricole. La PAC va se dissoudre peu à peu au profit des politiques nationales variant d'un pays à l'autre.
Lors des négociations, vous avez défendu un budget stable, c'est bien. Mais les modalités de gestion de la PAC sont tout aussi importantes. Celles prévues par la Commission remettent en question l'approche uniforme en les faisant varier d'un pays à l'autre. Chaque pays pourra définir des objectifs qui entreront en compétition avec ceux de ses voisins. Le nouveau mode de gestion moins bureaucratique ne fera que favoriser les risques de dumping. Seuls les grands acteurs de la distribution seront en mesure d'avoir des projets à l'échelle européenne à grand renfort de fusions-acquisitions.
Ce dont les agriculteurs ont besoin, c'est d'une coopération basée sur des objectifs partagés. Sortons la PAC de cette logique productiviste mortifère. Les Français veulent encourager les circuits courts, une meilleure traçabilité des produits et des aides pour favoriser la transition écologique.
Les Européens ne veulent pas d'une PAC au rabais. Nous voterons cette proposition de résolution européenne des deux mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Daniel Gremillet, rapporteur, applaudit également.)
M. Henri Cabanel . - Ce texte reprend quelques grands principes des textes précédents. Pourquoi renouveler une attention soutenue sur cette question ? Nous mesurons au Sénat les enjeux essentiels que porte l'agriculture : emploi, environnement, exigence sociétale, aménagement du territoire, entre autres. Les aléas sont nombreux qui poussent trop souvent nos agriculteurs au geste fatal, un agriculteur se suicidant tous les jours ! C'est inacceptable. Ils ont pourtant toujours su s'adapter de PAC en PAC, produisant davantage quand il le fallait, produisant moins lorsque les quotas ont été instaurés. On leur demande désormais de produire mieux. Ils le font déjà, pour beaucoup. Les autres attendent qu'on leur en donne les moyens.
La future PAC va-t-elle dans le bon sens ? Les auteurs de la PPRE n'ont pas caché leur inquiétude.
Avec la PAC actuelle, seulement 3 % des 700 millions d'euros du programme Leader ont été consommés, gâchis à 100 % français, dû au principe : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Les territoires ruraux ont fait les frais du transfert de ces aides aux régions alors que ces dernières n'y étaient pas préparées. Il est indispensable et urgent de simplifier les modalités d'instruction.
Sur la prochaine PAC, tout a été dit : la baisse de 15 % du budget est d'autant plus inadmissible qu'elle est à contre-courant de ce que font les grands pays comme les États-Unis, la Chine ou le Brésil.
L'agriculture ne doit pas devenir une variable d'ajustement à l'heure où se profile le défi alimentaire dans le monde, composé bientôt de 9 milliards d'individus. Le métier d'agriculteur est un métier d'avenir.
La question de la PAC concerne aussi les aides que nous devons apporter à nos agriculteurs. Dans la loi EGalim, nous avons débattu des revenus agricoles, car il n'est pas admissible que nos agriculteurs ne puissent vivre de leur métier, étant victimes de la guerre des prix et de la grande distribution. Je salue d'ailleurs le projet de directive sur les pratiques commerciales déloyales.
La nouvelle PAC ciblera mieux les aides mais une attention particulière devra être apportée à la gestion des crises. La régulation ne devra plus être une notion taboue. Souvenez-vous de la crise du lait en 2015.
La PAC n'aura de sens que si elle garantit aux agriculteurs un cadre européen de concurrence loyale. La proposition de résolution européenne insiste sur la subsidiarité voulue par la Commission européenne. Est-elle prête à revoir sa copie pour éviter le risque de dumping social ?
Inscrire les PSE comme objectif commun est une piste. Joël Labbé a organisé un colloque au Sénat sur ce sujet. Ce serait un juste retour des choses pour ces milliers de femmes et d'hommes qui s'investissent dans leurs exploitations. À l'heure de l'agri-bashing, il est nécessaire de soutenir les agriculteurs qui ont opté pour des pratiques vertueuses. Aujourd'hui, nous sommes devenus concurrents alors que la vraie menace économique vient de l'extérieur.
Le 1er mai, j'ai été choqué par un reportage qui montrait des agriculteurs espagnols obligés de tronçonner leurs orangers, à cause de la concurrence australienne et néozélandaise.
Il faut exclure les produits alimentaires des accords de libre-échange, car la transparence est pour l'instant absolument impossible.
En attendant ces avancées, le groupe RDSE approuvera cette PPRE sur la PAC que nous souhaitons plus ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et SOCR ; Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission) Pour la France, première puissance agricole de l'Union européenne, la PAC est un enjeu majeur. Nos deux premières propositions de résolution ont été insuffisamment entendues. À l'heure où les États-Unis et la Chine dominent, l'Union européenne doit pouvoir s'appuyer sur la PAC, socle de sa cohésion.
Comment admettre une PAC qui consacrerait une baisse des aides et des revenus des agriculteurs, alors qu'un tiers d'entre eux vit avec moins de 350 euros par mois ? D'autant que la mondialisation et la dérégulation des marchés font peu de cas des standards européens et d'une concurrence loyale. Où est la vision communautaire ? Soyons cohérents. Nous avons voté il y a peu une loi EGalim qui préconise contractualisation, regroupement en organisation de producteurs, montée en gamme, meilleure répartition de la valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Pour la mettre en oeuvre, il nous faut une PAC qui nous permette d'innover et de gagner en compétitivité. Et puis, l'article 44 de cette loi devra être respecté, qui interdit la vente de produits alimentaires ne respectant pas les normes de production et de traçabilité européennes. Les citoyens, les agriculteurs et les élus veulent une PAC forte mais aussi réaliste ; ils souhaitent qu'elle s'adapte à la concurrence et au protectionnisme qui sévissent sur le marché mondial.
Cette nouvelle PAC remet en cause le modèle agricole européen, mais aussi français, modèle qui crée des emplois et aménage les territoires. Voilà pourquoi le Sénat ne souhaite pas manquer ce rendez-vous de la nouvelle PAC.
Comme ses prédécesseurs, le président de la République doit peser personnellement dans les négociations, en soutenant les pratiques vertueuses, et en accompagnant la viabilité des exploitations, notamment dans les zones les plus défavorisées.
C'est ainsi que la France apportera sa contribution à une Europe agricole plus juste et plus responsable, une Europe forte qui relève les défis du XXIème siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.