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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modification de l'ordre du jour

CMP (Nominations)

Zone euro

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

M. André Gattolin

M. Pierre Laurent

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Yvon Collin

M. Jean Louis Masson

M. Jean-François Longeot

M. Joël Guerriau

M. René Danesi

M. Yannick Botrel

Mme Sylvie Vermeillet

Mme Christine Lavarde

M. Rachid Temal

M. Serge Babary

Mme Nicole Duranton

M. Yves Bouloux

M. Cyril Pellevat

M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains

Questions d'actualité

Soutenabilité budgétaire

Mme Sylvie Vermeillet

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Lutte contre le terrorisme (I)

M. Didier Rambaud

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Financement des classes de 24 élèves

Mme Mireille Jouve

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Maintien des crédits d'impôts

M. Éric Bocquet

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Plan gouvernemental

M. Rachid Temal

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Lutte contre le terrorisme (II)

M. Claude Malhuret

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Notre-Dame de Paris

M. Jean-Pierre Leleux

M. Franck Riester, ministre de la culture

Enseignement de la médecine aux Antilles

M. Dominique Théophile

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Annonces du Gouvernement

M. Guillaume Chevrollier

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Sécurité

Mme Isabelle Raimond-Pavero

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Armes françaises au Yémen

M. André Vallini

Mme Florence Parly, ministre des armées

Ressources des collectivités territoriales

M. Jean-Claude Luche

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Mises au point au sujet de votes

Mission d'information (Nominations)

Lutte contre la pollution et recyclage du plastique

Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

M. Guillaume Gontard

M. Joël Bigot

M. Éric Gold

M. Claude Kern

M. Jérôme Bignon

M. Jean-Marc Boyer

M. Frédéric Marchand

M. Bernard Jomier

Mme Françoise Férat

M. Patrick Chaize

M. Roland Courteau

M. Pierre Cuypers

M. Guillaume Chevrollier

Mme Anne-Marie Bertrand

M. Cyril Pellevat

M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe socialiste et républicain

Annexes

Ordre du jour du jeudi 2 mai 2019

Composition de CMP

Nomination des membres d'une mission d'information




SÉANCE

du mardi 30 avril 2019

84e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Deroche, M. Daniel Dubois.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du jeudi 16 mai à 10 h 30, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à l'entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019.

La commission des lois se réunira pour examiner le rapport et le texte le mercredi 15 mai au matin. Le délai limite de dépôt des amendements de séance sur ce texte pourrait être fixé à l'ouverture de la discussion générale et la réunion de la commission pour l'examen des amendements se tiendrait à l'issue de celle-ci.

Il en est ainsi décidé.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française et du projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Zone euro

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la zone euro, demandé par le groupe Les Républicains.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.) Portée sur les fonts baptismaux le 1er janvier 1999, la monnaie unique a fêté vingt ans d'une existence mouvementée, qu'il s'agisse de la crise de 2008-2009 ou de la crise des dettes souveraines en 2011-2012. Dans ces moments critiques, la Banque centrale européenne (BCE) a su la préserver par son action décisive et une réforme structurelle entre 2010 et 2012 mais les débats sur la légitimité et les orientations de la zone euro restent bien présents.

Les leçons de la dernière campagne présidentielle ont été retenues. Le Rassemblement national avance désormais masqué et Marine Le Pen, qui ne jurait que par le retour au franc, a euphémisé cet objectif en le renvoyant à un calendrier plus lointain. Les Français sont opposés à ce qui se traduirait par une explosion de la dette, l'affaiblissement de l'économie et leur appauvrissement.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.  - Très juste !

M. Jean-François Rapin.  - Le président de la République, lui, estime que l'avenir de la monnaie unique sera fédéral ou ne sera pas.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Faux !

M. Jean-François Rapin.  - Sa proposition phare est de créer un budget autonome de la zone euro équivalent à plusieurs points de PIB, soit des centaines de milliards d'euros. Elle a reçu une cinglante fin de non-recevoir de plusieurs États membres et le soutien ambigu de nos partenaires allemands.

Le principe d'un instrument budgétaire spécifique a été acté par le Conseil européen mais son volume sera dérisoire.

Les choix se sont portés vers la convergence et la compétitivité, excluant la stabilisation qui était au coeur des propositions présidentielles. L'échec était prévisible : la crise de la zone euro a laissé des marques profondes et la mutualisation des risques financiers est impossible sans confiance mutuelle.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est vrai.

M. Jean-François Rapin.  - Or le Gouvernement ne restaure pas la crédibilité de la France en conduisant a minima les réformes structurelles promises ; sa trajectoire budgétaire est marquée par un renoncement à l'équilibre à l'horizon 2022.

Nous restons encalminés à un déficit moyen de 2,5 % du PIB - et 3,1 % l'an prochain, contre 0,6 % pour la zone euro. Notre dette, elle, est supérieure de 12 points à la moyenne de la zone euro, à 56 % du PIB.

Le fédéralisme budgétaire prôné par Emmanuel Macron s'apparente donc à une impasse politique. Il faut trouver d'autres solutions.

La première est nationale : l'Europe ne peut pas agir à notre place. À chaque pays de prendre ses responsabilités. Le maître mot ne doit pas être austérité mais équilibre. Les États excédentaires pourraient mobiliser leurs marges de manoeuvre pour soutenir leur propre croissance et celle de la zone euro. Le directoire politique, aujourd'hui temporaire, de la zone euro doit être pérennisé afin d'oeuvrer davantage au pilotage économique de la zone. Il est nécessaire d'impliquer les parlements nationaux afin de réunir les conditions de la mise en place de règles de convergence des marchés du travail et des systèmes sociaux et fiscaux. Pour cela, n'hésitons pas à agir en cercle plus restreint. Traduisons en acte les annonces du traité d'Aix-la-Chapelle.

Les mécanismes privés de partage des risques sont aussi importants et efficaces que les mécanismes publics en discussion, qu'il s'agisse du budget de la zone euro ou des évolutions bienvenues du Mécanisme européen de stabilité. La fragmentation du système bancaire et financier atténue la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle, alimente le cercle vicieux de la contagion entre risque bancaire et risque souverain, renforce la polarisation des activités économiques, freine la mobilité des capitaux et le recyclage de l'excédent d'épargne des pays du Nord - 340 milliards d'euros en 2018 - en investissements dans ceux du Sud et, enfin, empêche la diversification des risques privés, pourtant essentielle. Aux États-Unis, les chocs sont amortis aux trois quarts par le crédit bancaire et les marchés de capitaux.

L'architecture de l'union bancaire et de l'union des marchés de capitaux doit être notre priorité : elle fait l'objet d'un consensus politique de principe.

Pour finir, il faut affirmer la puissance de l'euro face au dollar. La deuxième monnaie mondiale doit être pensée comme un outil stratégique.

M. Jean Bizet.  - Très juste !

M. Jean-François Rapin.  - Les nuages s'amoncellent sur la croissance mondiale. La BCE voit ses capacités d'action amoindries. Si c'est bien dans les États membres que se joue l'avenir de l'euro, des voies d'action collective existent. Elles ne pourront être empruntées qu'à une condition : celle d'être avant tout pragmatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Monsieur Rapin, je partage votre constat de départ et votre ambition.

Oui, la zone euro est inachevée, donc fragile. Nous sommes au milieu du gué, c'est-à-dire dans la position la plus défavorable, pris dans des courants puissants. Ne pas tirer toutes les conclusions de la crise de 2008 et ne pas se doter du budget indispensable de la zone euro seraient des erreurs fatales. Le statu quo ne peut être une solution : soit nous avançons, soit nous renonçons.

Je partage aussi l'ambition de faire de l'euro une monnaie de référence internationale, qui nous fera peser sur le cours des affaires du monde.

Nous divergeons sur le comment. Oui, la France doit être crédible. Le Gouvernement s'y emploie : nous l'avons fait sortir de la procédure pour déficit excessif, elle sera sous la barre des 3 % sur le quinquennat, pour la première fois depuis dix ans, sauf en 2019 en raison de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en allègement de charges. (MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent.)

À droite.  - Faux !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous le contestez mais les faits sont têtus. Nous avons allégé la fiscalité du capital en supprimant l'ISF, en réduisant avec courage l'impôt sur les sociétés, qui passera de 33,3 % à 25 % d'ici à 2022. Nous avons réformé le marché du travail, le statut de la SNCF ; nous allons réformer la fonction publique, rendre plus juste l'indemnisation du chômage, amender en profondeur les régimes de retraite pour un système plus juste, plus équitable et plus transparent. Les réformes structurelles garantissent la crédibilité de la France.

Pour quoi doit plaider la France, forte de ces réformes ? Aucunement pour un fédéralisme budgétaire. Le président de la République n'a jamais employé ce mot. Notre projet, ce sont des États-nations qui travaillent plus étroitement ensemble pour rassembler leurs forces et garantir l'efficacité de la zone euro.

M. Yvon Collin.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le premier objectif est l'union bancaire. Nous avons tant reculé la prise de décisions que nous ouvrons le marché unique à nos concurrents américains, dont le poids est passé en quelques années de 43 % à 47 %. Moi, je préfère que l'Union européenne soit le terrain de jeu des banques européennes ! (Marques d'approbation sur les bancs du groupe LaREM)

Sans union des marchés de capitaux, pas d'investissement, et sans investissement, pas de géants mondiaux. Quel est le premier État européen pour les start-up et la créativité technologique ? La France. Mais nous péchons par notre incapacité à faire émerger des champions du numérique, des entreprises de la taille de Google ou de Facebook, faute d'un marché de capitaux efficace. Les montants de capital-risque investis en 2018 sont de 100 milliards de dollars aux États-Unis, 80 milliards en Chine et 20 milliards en Europe. Ce n'est pas à la hauteur du projet européen.

Autre instrument, le budget européen. Nous avons obtenu des Allemands un accord décisif. Le mot même était tabou il y a deux ans : on parlait d'instrument monétaire ou d'instrument de convergence, mais surtout pas de budget. En juin, nous aurons tous les éléments pour le mettre en place. En deux ans, nous avons accompli une prouesse.

M. Richard Yung.  - Bravo !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je regrette, en revanche, le manque de progrès sur la stabilisation. Au demeurant, le problème n'est pas franco-allemand. Olaf Scholz avait proposé un instrument pertinent et vertueux d'assurance chômage selon lequel un État membre qui aurait vu son taux de chômage exploser aurait pu continuer d'investir plutôt que d'indemniser, grâce au soutien des autres États. Je continue à plaider pour un instrument de stabilisation.

Je tiens à vous remercier de ce débat sur un sujet décisif et ardu même s'il ne soulève pas l'enthousiasme des foules. (Applaudissements sur les bans du groupe LaREM ; M. Yvon Collin et Mme Michèle Vullien applaudissent aussi.)

M. André Gattolin .  - Les prochains mois seront déterminants pour l'Union européenne et la zone euro. L'endettement public semble repartir à la hausse, en particulier en Grèce et en Italie, pays où il atteint 132 % du PIB. Le gouvernement italien vient d'abaisser ses prévisions de croissance à 0,1 % du PIB. La BCE souligne que des risques pèsent sur la croissance de la zone euro. La situation italienne, préoccupante, menace la stabilité de la zone euro, d'autant que la croissance allemande ralentit elle aussi nettement.

Quelles mesures de réforme le Gouvernement préconise-t-il pour éviter que cette situation influe sur la résilience de la zone euro ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je partage votre préoccupation. On peut dire que tout va bien, madame la marquise, mais des tensions commerciales engendrent un ralentissement très marqué de la croissance. Quand la locomotive, l'Allemagne, sera à 0,5 % de croissance pour 2019 ; les wagons s'inquiètent.

La France est à 0,3 point de croissance au premier trimestre 2019 ; à nous de faire des propositions pour éviter le marasme. La mienne est un contrat de croissance car on ne peut pas contenter de toujours demander à l'Allemagne d'investir plus.

Ce contrat, c'est de réaliser les transformations nécessaires pour gagner en compétitivité, de doter la zone euro d'un véritable instrument de convergence d'ici la fin 2019, ce qui n'est qu'une question de volonté politique, et de profiter de la politique accommodante de la BCE, qui n'est que temporaire.

M. Pierre Laurent .  - Si rien ne change, la zone euro s'approche d'une nouvelle crise économique et financière. La production industrielle recule, surtout en Allemagne. Le modèle de compétitivité dégrade le contenu social et écologique de la croissance en aggravant les inégalités de revenus. Les réponses apportées depuis la crise de 2008 sont inefficaces, le niveau de la dette publique augmente et cette impasse coûte de plus en plus cher politiquement, comme le montre le score de Vox en Espagne. Or les gouvernements de la zone euro ne réagissent pas et la BCE garde le cap.

Il faut changer de trajectoire : changer les critères de la BCE pour favoriser un autre développement économique et créer un fonds européen dédié au financement des services publics. Le Gouvernement soutient-il ces deux propositions ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je partage la nécessité d'une réorientation des politiques de la zone euro. Il le faut, pour tenir compte de la montée des populismes et des inquiétudes des populations. Leur première attente, c'est la prospérité. La zone euro doit être une garantie de prospérité pour tous les États membres et une protection face aux grands ensembles que sont la Chine et les États-Unis.

Pour cela, il faut, je l'ai dit, prendre les décisions nécessaires pour renforcer la zone euro. Je propose également un contrat de croissance. Se satisfaire du ralentissement actuel dans la zone euro, ce serait laisser les marchés décider à notre place. Moi, je crois à la volonté politique. Face à un tel ralentissement, à un ralentissement qui a un tel impact sur la vie de nos compatriotes, notre responsabilité est de dire qu'il faut agir autrement.

Sur le contenu, je suis prêt à examiner toutes les propositions, y compris les propositions iconoclastes. Le président de la République en a d'ailleurs fait une : un bouclier social pour garantir un minimum à toutes les personnes qui travaillent dans la zone euro. Il aurait l'avantage de montrer quel modèle est le nôtre : non le dumping social, mais la dignité du travail.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Sur la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales, je crois beaucoup à un engagement pour la finance verte.

M. Pierre Laurent.  - En matière de propositions iconoclastes, vous pouvez compter sur nous. (Sourires) Vous ne nous avez pas répondu sur le fonds pour les services publics.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - L'objectif fondamental de l'Union européenne est de garantir le développement économique, la stabilité et le progrès pour tous. En 2016, Jacques Delors lançait un avertissement qui reste d'actualité : sacrifier la cohésion et les normes sociales, c'est se priver de toute chance de recueillir le soutien des populations au projet européen.

Or le pacte de stabilité et de croissance s'accompagne de règles précises relatives aux dépenses publiques. L'économiste Jean Pisani-Ferry s'interrogeait récemment sur leur pertinence, notamment celle des 3 % de déficit, au regard de l'évolution de la situation depuis 1997. Ces règles ont, en effet, conduit les États à mener des politiques d'austérité, qui ont renforcé le camp des eurosceptiques.

Que la France compte-t-elle faire pour réformer le pacte de stabilité afin que les États, profitant des taux bas, financent des investissements productifs, par exemple dans l'économie bas carbone ? Le 9 mai prochain, quelles propositions la France fera-t-elle pour bâtir le socle européen des droits sociaux ? Comment entend-elle concrétiser les annonces du président de la République sur la création d'un salaire minimum européen et l'alignement des cotisations sociales des travailleurs détachés sur le niveau du pays d'accueil ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous nous écartons un peu du sujet... Mais je veux vous redire ma détermination et celle du Gouvernement à mettre en place un socle des droits sociaux. Il ne peut pas y avoir d'Europe sans solidarité. L'Europe, ce ne peut pas être la compétition sans fin des États les uns contre les autres.

En revanche, ce sont toujours les cancres qui contestent le système de notation. Voilà pourquoi il est essentiel que la France montre qu'elle est capable d'honorer des engagements dont nous sommes tous dépositaires. La France sera plus légitime à contester les règles le jour où elle les respectera. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Yvon Collin .  - Dans quelques mois, nous fêterons les vingt ans de la création de la monnaie unique ; c'est l'occasion d'en dresser le bilan.

La progression du PNB par habitant a été de 89 % en Europe depuis les années 2000, contre 58 % chez nos amis britanniques qui restaient à la livre sterling. L'euro a permis une stabilité des prix et des taux de crédit relativement bas, à la fois pour les ménages et les entreprises ; il a offert un cadre bénéfique pour la croissance, même si l'on pouvait espérer faire mieux.

Mais l'euro est en repli par rapport au dollar, de 2,8 % depuis janvier dernier. Souvent qualifié de monnaie de confiance, il doit conforter son assise et sa souveraineté. Parmi les recommandations que le Conseil Ecofin a faites, je retiens le soutien à l'investissement public et privé, l'allégement du coût du travail et l'assainissement des finances publiques.

En réponse au mouvement des gilets jaunes, le président de la République a fait des annonces - je pense, notamment, à la baisse des impôts - qui peuvent paraître contradictoires avec les exigences de la zone euro. Comment la France articulera-t-elle respect de ses engagements et promesses faites aux Français ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La zone euro fait l'objet de nombreuses contestations alors qu'elle offre des avantages considérables non seulement à nos entreprises mais aussi à nos concitoyens. L'inflation, qui constitue un impôt sur les pauvres, a disparu. La zone euro garantit la liberté de circulation et d'échanges sans frais de change, ce qui représente un avantage compétitif considérable quand 60 % de nos échanges commerciaux sont intra-européens. Enfin, la solidité de l'euro facilite nos échanges extérieurs.

Cela étant, en raison du manque de convergence au sein de la zone euro, certains États ont davantage bénéficié des avantages de la monnaie unique que d'autres. D'où la proposition du président de la République d'un budget de la zone euro pour mettre de la convergence là où il y a de la divergence.

M. Jean Louis Masson .  - Monsieur le ministre, quand l'euro a été créé, on nous disait qu'il ferait contrepoids face au dollar... Or je suis scandalisé de constater la nullité de la zone euro pour résister aux pressions de M. Trump qui veut nous empêcher de commercer avec l'Iran. Notre politique étrangère est asservie, nous sommes à genoux devant le dollar de M. Trump.

M. Jean Bizet.  - C'est malheureusement exact !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Monsieur le sénateur, je vous invite à participer à nos entretiens avec l'administration américaine. Vous constaterez qu'ils sont pour le moins musclés, en particulier lorsque, en bon gaulliste, je défends la souveraineté et l'indépendance de la France.

Je vous rejoins sur la nécessité de résister aux sanctions extraterritoriales américaines. Les États-Unis n'ont pas à être le gendarme de la planète, le dollar ne doit pas être l'étalon du commerce international. Nous avons mis en place avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne un instrument spécifique qui nous permet de continuer à commercer avec l'Iran malgré les sanctions américaines. Pour autant, c'est au pied du mur qu'on verra le maçon (Sourires) ; nous verrons comment les États européens résisteront aux États-Unis. Certains ne le veulent pas vraiment...

M. Jean Louis Masson.  - Nos échanges avec l'Iran ont baissé de plus de la moitié. Nous ne pouvons pas baisser les bras ! Si nous continuons comme ça, tous les échanges internationaux seront aux ordres des États-Unis !

M. Jean-François Longeot .  - Un petit bout d'Europe entre nos mains, c'est ainsi que Romano Prodi qualifiait l'euro en 2002. Utilisé dans 19 États membres, l'euro souffre d'un manque d'incarnation politique. Le renforcement de l'union économique et monétaire doit être une priorité. Nous devons accepter l'idée d'une Europe en cercles concentriques dont le coeur sera la zone euro avec un marché du travail beaucoup plus intégré, une convergence sociale assumée, une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires. Il nous faut un outil budgétaire commun pour limiter les divergences économiques, une union bancaire renforcée avec un système de garantie des dépôts bancaires.

Le 16 mai, lors de la réunion de l'Eurogroupe, quelles priorités le Gouvernement mettra-t-il en avant pour relancer la zone euro, alors que le gouverneur de la Banque de France, M. Villeroy de Galhau, met en garde contre tout attentisme ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La supervision bancaire de la zone euro doit être plus forte, ce qui vient de se passer avec la Danske Bank le prouve. Ceux qui nous font souvent des leçons de morale devraient commencer par faire respecter les règles anti-blanchiment à leurs banques... Fin 2019, toutes les décisions nécessaires qui doivent être prises - sur le renforcement de l'union bancaire, sur le marché des capitaux et sur le budget européen - devront l'avoir été ; sinon, les États membres de la zone euro n'auront pas été à la hauteur de leur responsabilité historique. Plus tard, j'espère que nous obtiendrons un instrument de stabilisation ; il est indispensable. La perspective de long terme, c'est aussi l'incarnation avec un ministre des finances de la zone euro qui sera un primus inter pares. Un tel modèle fonctionne très bien à la BCE, où Mario Draghi est un primus inter pares en face des gouverneurs des banques centrales nationales.

M. Joël Guerriau .  - Avec près de 75 % du PIB de l'Union européenne, la zone euro constitue la troisième puissance économique mondiale, noyau dur de la fondation européenne. Les récentes crises ont montré sa capacité à protéger les États membres.

Achèvement de l'Union bancaire, convergence des réformes économiques nationales, renforcement et souveraineté de l'Union économique, défense du rôle international de l'euro, les défis restent nombreux. Les États les plus performants contribuent à la puissance de la zone euro mais chaque État doit veiller à sa stabilité budgétaire. La convergence est indispensable pour faire face à la Chine et aux États-Unis.

L'Italie voit sa dette augmenter sans reprise de sa croissance. Alors que la Commission européenne doit faire un point budgétaire en juin prochain, que compte faire la France pour inciter ses partenaires à tenir leurs engagements et développer le soft power de la zone euro ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je ne suis pas satisfait du niveau de croissance de la zone euro. Si l'on s'en satisfait, il ne faut pas s'étonner ensuite de voir les populismes progresser partout en Europe.

Il est temps de prendre nos responsabilités. J'ai proposé un contrat de croissance : plus de réformes pour ceux qui doivent en accomplir, c'est notre cas ; plus d'investissements pour ceux qui en ont les capacités budgétaires, comme l'Allemagne.

J'explique à nos partenaires italiens que nous sommes tous dans le même bateau. Chacun doit respecter les règles auxquelles il a librement choisi de se soumettre car, oui, il y a une souveraineté européenne. Notre cohésion, c'est notre force. Personne ne peut s'abstraire des règles qui le protègent et protègent la zone euro.

M. René Danesi .  - Le dollar est la monnaie la plus utilisée au monde. Elle permet aux États-Unis de mener une politique extérieure agressive.

Le yuan chinois, selon le FMI, représente moins de 2 % des réserves de change mais sa part a doublé en 2017-2018. Cependant, il a pour ambition de venir concurrencer le dollar. Quant à l'euro, il ne remplit qu'un rôle d'intermédiaire dans les échanges internationaux, à hauteur de 36 %, contre 40 % pour le dollar. La BCE, dans son rapport de 2018, estime que le rôle de l'euro n'a jamais été aussi réduit. Sa crédibilité sa crédibilité géopolitique n'est pas à la hauteur de la puissance économique.

La France souhaite une Europe qui protège. Il faudrait pour cela un euro aussi fort que le dollar. Quelles mesures préconisez-vous ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Pas de projet politique, pas de puissance sans monnaie. L'euro doit être l'instrument de la puissance politique européenne. Pour cela, il faut une ambition : faire de l'euro une monnaie de réserve aussi forte que le dollar. Cela est possible car n'oublions pas que nous représentons un marché de 500 millions de consommateurs, c'est le plus attractif de la planète.

Les pistes ce sont la facturation en euro plutôt qu'en dollar pour les entreprises exportatrices européennes, la création d'un instrument financier avec des réserves en euro pour commercer avec les États sous sanctions américaines. Il faut y ajouter le développement du commerce en euro car n'oublions pas que la China Exim Bank a investi davantage en Afrique que la Banque mondiale au cours des deux dernières années.

Oui, l'euro doit devenir une monnaie de référence internationale.

M. Yannick Botrel .  - En décembre dernier, les 27 se sont accordés sur le principe d'un budget de la zone euro éloigné de l'ambition initiale du président de la République. La France a reculé sur plusieurs points essentiels, dès la déclaration commune avec l'Allemagne, à commencer par l'abandon de la fonction de stabilisation économique. Cela aurait pourtant permis d'en faire un véritable outil de protection contre les chocs asymétriques - ainsi de l'assurance chômage européenne, qui a disparu de la proposition franco-allemande.

Réduit à une simple ligne budgétaire du budget général de l'Union européenne, ce budget risque de se résumer à un simple fonds européen. Reste-t-il une marge de manoeuvre pour faire émerger un budget qui intègre plus étroitement les pays membres de la zone euro ? La France peut-elle encore défendre le principe d'une fonction de stabilisation ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Peu savant, j'écoute ceux qui savent : le FMI, l'OCDE, le président de la BCE, tous disent que le budget de la zone euro doit avoir une fonction de stabilisation. Mais certains États membres, à commencer par les Pays-Bas, s'y opposent farouchement. Je préférerais chausser des bottes de sept lieues, mais il faut parfois faire des compromis - qui ne doivent jamais être des renoncements. Nous avons acté le principe d'un budget de la zone euro doté d'une fonction de convergence, c'est un immense progrès.

Je ne renonce pas à la fonction de stabilisation, j'y crois. Faute de solidarité, une crise systémique ferait couler un, deux, trois États. La compétition, oui, mais pas sans solidarité.

Le financement suppose des ressources propres - la taxe sur les transactions financières, voire l'affectation d'une partie de la taxe sur les géants du numérique.

Quoi qu'il en soit, la gouvernance de la zone euro doit se faire à 19. Si des États non membres de la zone euro veulent y participer, qu'ils y adhèrent !

Mme Sylvie Vermeillet .  - Mario Draghi a déclaré que les perspectives de croissance de la zone euro étaient orientées à la baisse, ce qui conduit la BCE à poursuivre sa politique monétaire dite accommodante. Celle-ci a pour but de relancer l'activité - sans succès jusqu'ici - et d'éviter une augmentation brusque des déficits publics qui entraînerait une hausse de la dette publique.

La crise des dettes souveraines entre 2010 et 2012 a failli entraîner la faillite de la Grèce et l'éclatement de la zone euro. Pour l'éviter, les membres de la zone euro ont mis en place des mécanismes de stabilité, qui semblent néanmoins insuffisants au regard des enjeux. Est-ce d'ailleurs le rôle de la BCE que de veiller à éviter la faillite des États ?

La BCE ne pourra pas poursuivre sa politique accommodante indéfiniment. Comment sortir de cette situation ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Les divergences de situations économiques entre États membres de la zone euro ne sont pas tenables.

M. Jean Bizet.  - Exact.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La faiblesse de la croissance dans la zone euro n'est pas non plus tenable sur le long terme et je partage l'appréciation du président de la BCE sur l'urgence à agir. Cela suppose de poursuivre les transformations au niveau national pour gagner en compétitivité, mais aussi que la zone euro fasse preuve de plus de solidarité. C'est la contrepartie du respect des règles, avec la garantie des dépôts bancaires.

Je profite de cette occasion pour rendre hommage à Mario Draghi. En pleine crise des dettes souveraines, alors le spread entre certains États atteignait 400, 500, voire 600 points de base, il a eu le courage de se présenter devant la presse pour déclarer qu'il prendrait toutes les décisions nécessaires - dans ses propres termes, « whatever it takes ».

J'aime l'Europe lorsqu'elle a, à la tête de ses institutions, des hommes qui ont le courage et la lucidité de prendre les décisions qui s'imposent. Nous sommes aujourd'hui dans une situation analogue.

Mme Christine Lavarde .  - Le 15 décembre 2018, lors du sommet de la zone euro, il a été demandé à l'Eurogroupe de proposer un instrument budgétaire spécifique. Or, selon le mandat donné aux ministres des finances, il n'est plus question d'une quelconque fonction de stabilisation. Les divergences d'appréciation semblent toujours très fortes entre États et des questions demeurent en suspens sur sa base juridique, sa gouvernance, son lien avec le semestre européen, l'origine de ses recettes et son montant.

La Commission avait proposé un programme doté de 25 milliards d'euros sur sept ans pour financer un outil d'aide à la mise en place de réformes structurelles ainsi qu'un mécanisme de convergence. Sur quelle base travaillez-vous ?

Les difficultés rencontrées par la taxe sur les services numériques ou la taxe sur les transactions financières laissent penser que le financement se fera essentiellement par des contributions budgétaires nationales. Quel sera le montant de la participation française et son impact sur nos finances publiques ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Pour trouver un accord avec l'Allemagne puis à 19, nous avons fait des compromis. Nous avons accepté de lier le budget de la zone euro et les perspectives financières de l'Union européenne, nous avons accepté qu'il s'agisse d'un instrument de convergence et non de stabilisation.

Nous ne ferons pas d'autres concessions. La gouvernance se fera à 19. La France n'acceptera pas que des États qui n'ont pas renoncé à leur souveraineté monétaire puissent y participer. (MM. Jean Bizet et André Gattolin approuvent.)

S'agissant des ressources propres, nous ne sommes pas loin d'un accord sur la taxe sur les transactions financières.

Enfin, il s'agit d'un point de départ, pas d'un point d'arrivée. Il faudra à un moment ou un autre donner une fonction de stabilisation au budget de la zone euro : je préfèrerais que ce soit tout de suite plutôt qu'en pleine crise !

M. André Gattolin.  - Très bien !

M. Rachid Temal .  - Terrible constat, l'Europe ne produit plus d'Européens.

Cette Union est pourtant la première de l'histoire du continent à s'être faite non par les armes mais par le choix des peuples et des États. L'euro est une de ses réussites. Mais il faut le constater, les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs.

Des États censés coopérer se livrent en réalité à une concurrence fiscale - citons, en France, la flat tax ou la suppression de l'exit tax.

Nous voulons un budget de la zone euro orienté vers le développement économique et une politique sociale digne de ce nom. Je pense à une assurance chômage, une sécurité sociale européenne, un salaire minimum européen, à l'intégration d'indicateurs sociaux dans la procédure du semestre européen... Tout le contraire de la directive sur les travailleurs détachés !

Comment comptez-vous peser dans les négociations pour faire du budget de la zone euro un outil au service de la convergence sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La condition de la convergence sociale, c'est la convergence fiscale. Car elle évite le dumping fiscal, cette plaie dont il ne sortira rien de bon - ni croissance, ni emploi, ni capacité de résistance face à la Chine ou aux États-Unis.

La convergence fiscale est au coeur de l'accord - historique ! - de Meseberg. Nous avançons sur l'impôt sur les sociétés, nous rapprochons le droit des faillites français et allemand. Nous souhaitons que d'autres États membres nous suivent dans cette démarche. Pour cela, il est impératif de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée en matière fiscale. (Marques d'approbation à droite)

Quatre États ont réussi à bloquer le projet de taxe sur les activités numériques. Résultat : l'Union européenne tout entière est fragilisée ! Ayons le courage de passer à la règle de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, LaREM et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Serge Babary .  - Union bancaire, renforcement de la gouvernance économique, mécanisme de sauvetage permanent, la zone euro s'est déjà réformée pour surmonter des crises. Ces réformes ont cependant eu un coût démocratique.

Le contrat que vous proposez est un premier pas mais ne remplacera pas une réforme d'envergure. L'enjeu démocratique n'est pas qu'institutionnel. L'union monétaire sans convergence des législations pose problème. L'Europe est perçue par les peuples comme celle qui entrave. Un État exigeant en matière de qualité se voit battu en brèche par la concurrence de produits de moindre qualité, émanant d'autres États de la zone euro !

Redonner confiance, c'est construire une Europe et une union monétaire intelligibles. Allons-nous créer les conditions d'un marché structuré en renforçant l'équilibre, l'équité, la concurrence loyale entre États de la zone euro par une convergence économique, fiscale et sociale ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Qui aime bien, châtie bien. Si je suis sévère avec l'Union européenne, c'est que je l'aime profondément et crois au destin français en Europe.

Oui, l'Europe ne s'est réformée qu'en situation de crise. Avec le Brexit, l'émergence des populismes, elle ne peut plus se le permettre. Il y a urgence à faire progresser la zone euro, à mettre en place un instrument efficace. Or actuellement, tout est fait au niveau institutionnel pour qu'on ne puisse pas décider. Vous qui êtes des responsables politiques chevronnés, vous savez que les formats, les quorums sont décisifs.

Autour de la table, outre les 19 ministres des finances, il y a les représentants de la Commission, de son service légal, le vice-président de la BCE, le représentant du mécanisme européen de stabilité, des États non membres de la zone euro... Cela ne peut plus durer. D'autres modalités de gouvernance seraient mille fois plus efficaces ! Il faut, parmi les 19 ministres des finances, un primus inter pares doté d'une voix décisive. Avançons, et de préférence par temps calme qu'en temps de crise...

Mme Nicole Duranton .  - Le temps a passé depuis Meseberg et la déclaration d'Aix-la-Chapelle en janvier dernier qui affichaient des ambitions que les pays nordiques groupés derrière les Pays-Bas ont vidées de leur substance. Ils refusent que le budget de la zone euro joue un rôle de stabilisateur en cas de choc économique. On les comprend : comment convaincre si l'on ne démontre pas que la France peut restaurer ses comptes publics ? Ce fonds n'a pas à être une assurance pour les mauvais élèves, d'autant qu'il n'aura que peu de réserves.

La tribune publiée en mars par le président de la République dans les principaux journaux européens n'évoque pas la zone euro, ce qui suggère un renoncement au profit des questions des libertés et de la sécurité.

La tribune du président de la République intitulé « Pour une renaissance européenne » n'évoque pas une seule fois la zone euro. C'est révélateur ! L'accord entre la France et l'Allemagne ne va pas au-delà des bonnes intentions. Comment comptez-vous rassurer nos partenaires et nos concitoyens ? Quelles mesures concrètes en matière de convergence ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La France a pris deux engagements : rétablir les finances publiques et poursuivre la transformation économique du pays. Nous les tiendrons. Indemnisation chômage, retraites, fonction publique feront l'objet de réformes structurelles dès 2019.

En matière de finances publiques, nous resterons sous la barre des 3 % de déficit et continuerons à réduire notre dette publique. Cela signifie qu'à chaque dépense nouvelle, il faut trouver des recettes équivalentes.

Les 5 milliards d'euros de baisses d'impôt sur le revenu seront financés, le président de la République l'a dit, par la transformation en profondeur de certains organismes publics - dont nous entamons la revue avec Gérald Darmanin -, la réduction de certaines niches fiscales pour les entreprises et l'augmentation de la durée du travail.

Les chambres de commerce et d'industrie bénéficient d'une taxe affectée d'un milliard d'euros ; en acceptant une réforme en profondeur, elles ont permis une économie de moitié ! Faire des économies sur les dépenses publiques est question de volonté. Avec Gérald Darmanin, nous nous y attelons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Yves Bouloux .  - Vous avez dit à Reuters que l'union bancaire devait être faite dans les prochains mois et non les prochaines années.

Difficile d'y croire, d'autant que les mesures techniques évoquées sont de facto des mesures politiques...

Aujourd'hui, nous avons un fonds de résolution unique de 24,9 milliards d'euros, qui atteindra 55 milliards d'euros en 2023. Nous avons un système d'assurance des dépôts qui prendra la forme d'un mécanisme commun de coassurance, à hauteur de 45 milliards d'euros.

En face, deux types de risques : celui des prêts non performants, dont le solde, non provisionné, était de 395 milliards d'euros fin 2017, et celui d'une crise économique et financière à venir, sur laquelle les économistes nous alertent déjà. Hier, au Sénat, vous déclariez que la zone euro n'était pas armée pour faire face à une nouvelle crise économique et financière et que les instruments mis en place après 2008 étaient insuffisants.

Quelle serait l'ampleur du péril pour les finances publiques en cas de crise, et quels instruments avons-nous pour y faire face ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avançons trop lentement, or il n'est pire que d'être pris de court par les évènements.

Nous avons le backstop du fonds de résolution unique, dont nous doublons le montant : 100 milliards d'euros seront disponibles en cas de crise financière à partir de 2024, avant si possible.

Pour assainir nos banques, il faut nous débarrasser des prêts non performants. L'accord de Meseberg a fixé un niveau cible que nous sommes en train d'atteindre.

Il faut aussi renforcer la supervision bancaire de l'ensemble des banques européennes pour éviter les défaillances - comme celle, récente, d'une banque danoise...

Enfin, je l'ai dit, nos banques sont trop petites par rapport à leurs concurrents américains : la consolidation s'impose.

M. Cyril Pellevat .  - Le nouvel instrument budgétaire qui verra le jour en 2021 vise à améliorer la compétitivité et la convergence parmi les pays de la zone euro. En revanche, il n'aura pas de fonction de stabilisation en cas de crise. La convergence et la compétitivité contribueront à la stabilité, certes, mais sans fonction stabilisatrice, n'est-ce pas une occasion manquée ?

Les investissements dans l'innovation et le capital humain remplaceraient des dépenses aujourd'hui purement nationales. Je m'interroge sur la finalité et le fonctionnement de ce budget. Prendra-t-il la forme de subventions ou de prêts ? Financera-t-il des investissements publics ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Oui, le fonds pourra soutenir des investissements publics. Je ne renonce pas à la fonction stabilisatrice. Malgré une très forte opposition, la France a obtenu un budget de la zone euro et l'acceptation des aides publiques d'État, encore taboues il y a cinq ans. SpaceX n'est pas que le fruit du génie d'Elon Musk : il a profité des installations de la NASA et du soutien de l'État fédéral américain. Les États-Unis ont aujourd'hui un lanceur renouvelable quand l'Europe n'en a pas. La Chine subventionne massivement ses véhicules et ses batteries électriques. Et nous Européens serions les dindons de la farce, forts de leur croyance aveugle dans les forces du marché ?

Grâce à la persévérance française, il est aujourd'hui possible d'apporter des aides d'État à des projets innovants. Je vais bientôt annoncer, avec Peter Altmaier, la création d'une filière européenne de batteries électriques qui garantira notre indépendance vis-à-vis de la Chine ou de la Corée du Sud. C'est ainsi que l'Europe réussira, pas en s'accrochant à une idéologie dépassée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La création de l'euro a été un acte politique autant qu'économique ; bien commun de 344 millions d'Européens, l'euro a procuré des avantages économiques que l'on a trop tendance à oublier. Beaucoup lui ont prédit une fin imminente lors de la crise financière de 2008 ou de celle des dettes souveraines. Or malgré les vicissitudes, les Européens y sont attachés.

L'euro a joué son rôle de bouclier contre les crises monétaires et de stabilisation des prix et des changes. La zone euro est plus solide qu'à l'origine, mais la promesse de prospérité n'a pas été suffisamment tenue après la crise. (M. le ministre le reconnaît.) Au contraire, nos économies divergent de plus en plus...

D'aucuns dénoncent le dogme de l'austérité, ignorant que les dérives budgétaires nationales sont à l'origine des difficultés.

Nous prônons des politiques non pas rigoristes mais équilibrées, même si nos analyses sur les réformes structurelles à mener divergent. L'idée du président de la République d'une mutualisation des risques budgétaires via un budget de la zone euro suffisamment important pour assurer une fonction de stabilisation macroéconomique ne manque pas de fondement théorique mais elle est politiquement irréaliste, tant les crises ont miné la confiance entre États membres. La France n'est pas crédible pour défendre cette idée, elle qui a équilibré son budget pour la dernière fois en 1974.

C'est par les réformes que nous pourrons améliorer la situation économique structurelle de la zone euro, tant en termes de résilience que de convergence. Les accords de Meseberg, oui ; la majorité qualifiée, trois fois oui ; mais les résultats se font attendre. L'union des marchés de capitaux est essentielle pour absorber les chocs en nous dispensant d'un fonds de stabilisation. Comme l'a dit François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, une union de financement qui rétablirait la circulation des capitaux dans la zone euro est essentielle pour financer les investissements et soutenir la croissance. Pour l'intelligence artificielle comme la digitalisation de l'économie, il y a d'énormes progrès à faire.

Mme la présidente.  - Il faut conclure...

M. Jean Bizet.  - L'euro doit être davantage utilisé dans les échanges commerciaux internationaux, car sa part y est de moins de 30 %, contre 40 % avant 2008. C'est indispensable pour faire face à l'extraterritorialité des lois américaines, sur fond de fragilité de l'OMC. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Très bien.

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous prie d'excuser l'absence du président Larcher, en déplacement à l'étranger.

Soutenabilité budgétaire

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Jeudi dernier, le président de la République a annoncé les mesures qu'il souhaitait mettre en oeuvre à l'issue du grand débat. Ajoutées à celles annoncées en décembre et à la suppression intégrale de la taxe d'habitation, la baisse d'impôt sur le revenu des classes moyennes et la réindexation des plus petites retraites alourdissent la facture à plus de 25 milliards d'euros.

Le président de la République a évoqué quelques pistes de financement : abrogation de niches fiscales aux entreprises, allongement de la durée de cotisations et, du bout des lèvres, réduction de la dépense publique - mais nul ne sait selon quelle modalité.

Quelles niches fiscales allez-vous raboter ou supprimer ? Le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation sera-t-il concerné ? Quid de l'exonération d'impôt sur les sociétés des organismes d'HLM ou des dérogations en faveur du mécénat ?

Le président de la République semble miser surtout sur les taux artificiellement bas de la BCE.

Monsieur le Premier ministre, la situation préoccupante de nos finances publiques exige beaucoup plus et beaucoup mieux. Quel sera l'effort budgétaire de l'État, à quelle hauteur et dans quels ministères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Cette question me permet d'aborder le financement et la mise en oeuvre des annonces importantes du président de la République qui s'ajoutent à celles de décembre, avec l'augmentation de la prime d'activité et la diminution du taux de CSG payée par un grand nombre de retraités. D'ici le 1er janvier 2020, nous mettrons en oeuvre la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, la réindexation des pensions de retraite de moins de 2 000 euros, puis, en 2021, de toutes les pensions.

Nous avons démontré notre capacité à respecter les critères européens. Pour la deuxième année consécutive, 2018 s'est terminée avec un déficit public inférieur à 3 %. De même, la dépense publique a baissé de 0,3 %, grâce au pilotage strict des dépenses de l'État, à la maîtrise des dépenses des collectivités territoriales et à l'amélioration des comptes sociaux de 4 milliards.

M. Philippe Dallier.  - Enfin, la croissance n'était pas la même !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Pour financer les nouvelles mesures, nous dégagerons des économies budgétaires et nous réexaminerons les niches fiscales des entreprises, à l'exception de celles qui garantissent la compétitivité des entreprises et l'emploi. Nous débattrons de tout cela en juin et nous serons à l'écoute des propositions des parlementaires. (MM André Gattolin et Claude Haut applaudissent.)

Mme Sylvie Vermeillet.  - Redonner du pouvoir d'achat était un préalable indispensable mais il ne doit pas se traduire en épargne supplémentaire. Pour redonner la confiance, l'État doit donner l'exemple en faisant de nouvelles économies. C'est à lui d'ouvrir la marche. Sinon, nous la raterons tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Lutte contre le terrorisme (I)

M. Didier Rambaud .  - Lundi, quatre individus étaient mis en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour association de malfaiteurs terroristes criminels. Ils préparaient une attaque violente contre les forces de l'ordre. Trois étaient connus des services de police pour des faits de droit commun et le quatrième, mineur, avait été incarcéré pour avoir voulu se rendre en Syrie. Vous ne pourrez pas donner plus de détails à cette affaire confiée à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), mais je veux saluer les services de nos forces de l'ordre et de renseignement qui ont su déjouer cet attentat, le cinquante-huitième depuis 2015. À travers la police française, c'est toute la nation qui était visée. Depuis les terribles attentats de 2015, nos services sont fortement mobilisés pour prévenir de nouveaux drames humains.

Le projet d'attentat de vendredi dernier nous rappelle que la menace terroriste reste forte et pas qu'en France, comme le montrent les attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande et de Colombo au Sri Lanka. Le terrorisme n'a pas de frontières et nous sommes tous concernés.

Monsieur le ministre, même si le risque zéro n'existe pas, sommes-nous mieux armés qu'hier pour répondre à ce défi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Un mineur et trois majeurs ont été interpellés vendredi qui projetaient une attaque à l'arme automatique, à brève échéance. Sur autorisation du parquet de Paris, ces individus ont été interpellés. Je ne peux pas vous en dire plus.

La menace existe toujours, sous forme endogène. Al-Baghdadi a diffusé une nouvelle vidéo ces jours derniers. Les dispositifs mis en place sous le quinquennat précédent ont été renforcés pour favoriser la coordination des services de renseignement qui travaillent sous l'égide de la DGSI.

L'ensemble des individus connus pour radicalisation sont suivis. Je tiens à saluer le travail mené dans l'administration pénitentiaire avec le service du renseignement pénitentiaire. Tous les services échangent des informations pour s'assurer que tous ces individus sont suivis.

Nous avons renforcé les moyens financiers de la DGSI à hauteur de 20 millions d'euros cette année pour des dispositifs techniques de renseignement, et prévu 1 900 recrutements sur le quinquennat. De même, les dispositifs juridiques ont été confortés avec la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).

Le dispositif antiterroriste fonctionne puisque les individus interpellés n'étaient pas connus que pour des faits de droit commun mais aussi pour leur radicalisation.

Je salue les services de la DGSI qui mènent un travail remarquable ce qui a permis de déjouer pour la cinquante-huitième fois un attentat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Financement des classes de 24 élèves

Mme Mireille Jouve .  - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, le président de la République veut mener deux réformes pour favoriser les apprentissages fondamentaux : au sein du réseau d'éducation prioritaire (REP), dédoubler les classes de grande section, comme ce fut déjà le cas pour les classes de CP et de CE1, et partout ailleurs, plafonner les effectifs à 24 élèves pour ces mêmes classes. Ces mesures devraient être déployées sur l'ensemble du territoire d'ici à la rentrée 2022. Nous nous en félicitons. Ces efforts sont tout à fait opportuns. Mais cela engage autant nos communes que l'État !

D'après les chiffres communiqués par vos services, le déploiement de la première mesure nécessitera de créer 6 000 classes supplémentaires quand la seconde requerra de 3 000 à 5 000 nouvelles classes. Une classe supplémentaire, c'est un enseignant de plus, mais aussi davantage de personnels et de locaux municipaux !

Notre commission a commencé aujourd'hui à examiner le projet de loi pour une école de la confiance où il est question du soutien financier de l'État aux communes dans le cadre de l'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire et de l'évolution du forfait communal alloué aux établissements privés sous contrat.

L'annonce du 25 avril inquiète les maires : les communes seront-elles accompagnées financièrement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les annonces du président de la République constituent une étape fondamentale dans l'histoire de l'Éducation nationale. (Rires à gauche) Elles consacrent le rôle de l'école comme vecteur de lutte contre les inégalités sociales. Le dédoublement des classes en grande section de maternelle dans les quartiers prioritaires amplifie l'action de Jean-Michel Blanquer dont nous voyons déjà les résultats.

Ces mesures sont aussi un vecteur d'égalité entre les territoires. Le plafonnement à 24 du nombre d'élèves dans toutes les classes de grande section, de CP et de CE1 est une mesure importante. L'absence de fermeture d'écoles sans accord du maire est également une mesure fondamentale qui remet l'élu local au centre du jeu. Il y a eu ces six dernières années 2 000 fermetures nettes d'écoles. (Protestations à gauche et à droite)

M. Michel Savin.  - Des classes, pas des écoles !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - Des compensations financières ont été annoncées pour compenser l'abaissement de l'âge obligatoire de la scolarité à 3 ans.

Nous devons nous rassembler autour de l'apprentissage des fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Maintien des crédits d'impôts

M. Éric Bocquet .  - Dans la révision générale des niches fiscales accordées aux entreprises, vous annoncez le maintien du CIR et du CICE qui n'ont pas prouvé leur utilité, pour un coût pourtant élevé : 42 milliards d'euros pour le CICE et 6,2 milliards d'euros pour le CIR pour la seule année 2019.

La France est championne d'Europe des aides publiques à la recherche privée, mais sans résultat probant par rapport à nos voisins. Pour financer ces aides, vous taillez dans les dépenses publiques utiles à tous. Selon l'OFCE, l'effort s'élève à plus de 20 milliards d'euros. La transformation du CICE en allègement de cotisations va mettre en péril le financement de notre système de protection sociale.

Nous pourrions être favorables au CICE s'il créait de l'emploi et favorisait les petites entreprises et les artisans, mais l'effet est limité et bénéficie surtout aux plus grands groupes. De même, le CIR est de plus en plus utilisé par ces derniers comme un levier pour faire financer leur recherche par l'État français et transférer ensuite leur production dans des pays à bas coûts.

Je vous sais féru de musique et de rock, monsieur le Premier ministre, et je vous laisse méditer ces paroles de Kurt Cobain : « Une idéologie est un système de pensée cohérent avec lui-même mais non avec la réalité ». (On s'amuse sur divers bancs ; M. le Premier ministre sourit.) Pourquoi vous obstinez-vous à maintenir de telles mesures injustes et inefficaces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Vincent Éblé applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je ne partage pas vos constats sur deux points. À compter de 2019, le CICE n'est plus un crédit d'impôt, car il est devenu un allègement pérenne de cotisations payées par les entreprises. C'est un outil utile pour préserver l'emploi et pour améliorer la compétitivité des entreprises, tout comme le CIR. L'industrie française est ainsi plus forte sur la scène internationale.

Nous allons réexaminer les niches fiscales en faveur des entreprises avec le souci majeur de préserver la compétitivité et l'emploi. En outre, nous ne toucherons pas aux niches fiscales en faveur des ménages, telles que celles pour l'emploi à domicile, celles qui donnent du pouvoir d'achat ou encore celles qui accompagnent la rénovation thermique.

Le financement sera assuré par des économies sur la dépense publique, par la révision des niches que je viens d'évoquer. Nous le ferons en maintenant notre trajectoire budgétaire sous votre contrôle. Votre citation de Kurt Cobain a fait sourire M. le Premier ministre... même si ce n'était pas le nirvana. (Exclamations amusées sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Éric Bocquet.  - Votre réponse ne nous fait pas toucher le nirvana. (Nouvelles marques d'amusement) Selon France Stratégie, l'État a accordé 111 milliards d'euros de créances fiscales entre 2013 et 2018, pour 100 000 emplois créés. Et j'ai appris il y a quelques minutes que le géant de la distribution, Auchan, supprime 720 emplois sur 21 sites, alors qu'il a touché 88 millions d'euros de CICE. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Plan gouvernemental

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, cinq mois de crise sociale sans précédent déclenchée et amplifiée par votre politique ont précédé la conférence de presse du président de la République. Celui-ci nous a dit qu'il découvrait les problèmes du pays ! Il s'est pourtant dit convaincu que sa politique allait dans le bon sens. Il n'a convaincu ni les Français, ni nous-mêmes.

En matière de pouvoir d'achat, pas une fois le mot « salaire » n'a été prononcé par le président de la République. En matière de retraites, on a compris qu'il faudrait travailler plus pour obtenir une retraite à taux plein. Quant à la réindexation des retraites, c'est pour plus tard, et pas pour toutes.

L'ISF en revanche ne sera pas rétabli alors que les Français le souhaitaient. Vous demandez aussi aux élus locaux de faire plus avec moins. Vous avez fait le buzz en disant qu'aucune école ne fermerait, mais quid des fermetures de classes au sein des écoles, souvent en milieu rural ?

Vous avez enfin entendu la proposition des socialistes et de M. Hulot d'une grande conférence sociale, territoriale et environnementale. J'espère qu'elle corrigera vos erreurs sur les retraites, sur l'assurance chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - La crise des gilets jaunes, inédite, a révélé la triple inquiétude de nos concitoyens au sujet de l'injustice fiscale, sociale et territoriale.

Dès le 10 décembre 2018, le président de la République a ouvert des chantiers pour l'avenir et annoncé des mesures concrètes. D'autres furent présentées jeudi dernier. Un calendrier d'efficacité a été présenté par le Premier ministre lors du séminaire gouvernemental pour mettre sur les rails toutes les mesures annoncées par le président de la République.

La baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros n'est rien moins qu'une mesure concrète et qui répond au sentiment d'injustice fiscale. Vous avez dit que le mot salaire n'avait pas été prononcé par le président de la République. Mais avez-vous oublié l'augmentation de 100 euros de la prime d'activité ?

Voix à gauche et à droite.  - Ce n'est pas du salaire !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - Mais c'est de l'argent en espèces sonnantes et trébuchantes dans la poche des Français : c'est une réponse de justice sociale !

Il y a aussi la mesure en faveur des familles monoparentales, avec le versement direct des pensions alimentaires par les CAF. C'est une réponse efficace pour les femmes qui aujourd'hui vivent une situation désespérée lorsque leur conjoint ne verse pas la pension alimentaire.

Enfin, nous lançons une nouvelle étape à la décentralisation afin de lutter contre l'injustice territoriale. (Marques de désapprobation sur divers bancs à gauche et à droite, tandis qu'on applaudit sur les bancs du groupe LaREM.)

Lutte contre le terrorisme (II)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) L'actualité est marquée par l'effroyable attentat du 21 avril au Sri Lanka, la vidéo menaçante du calife Abou Bakr Al-Baghdadi, la multiplication des attaques terroristes au Sahel et leur extension préoccupante dans plusieurs pays d'Asie.

Comme l'avaient annoncé divers spécialistes du renseignement, cette actualité confirme que la défaite de l'État islamique en Syrie et en Irak ne signe pas la fin du terrorisme international, mais pourrait bien préluder à sa recrudescence et à une nouvelle stratégie de globalisation.

La France, terre occidentale de liberté, est une cible privilégiée, car elle combat le terrorisme dans le monde entier. Notre pays est en première ligne dans plusieurs pays sahéliens, il a activement combattu les djihadistes au Moyen-Orient et la visite du président Larcher aux soldats de l'opération Chammal en est la preuve.

En France même, les forces de l'ordre continuent d'être une des cibles privilégiées du terrorisme comme en témoigne l'attentat préparé contre elles et déjoué vendredi dernier. Je tiens à saluer l'efficacité de nos services de sécurité.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous faire le point sur la menace terroriste ? Appelle-t-elle des adaptations de notre politique en France et au Sahel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Nous avons tous été choqués par la violence des attentats de Pâques au Sri Lanka. Pour avoir vécu de telles scènes dans notre pays, nous en mesurons toute l'horreur et adressons toute notre sympathie aux autorités et au peuple sri-lankais.

Quant à la menace terroriste sur notre territoire, elle est permanente et imminente. Il est singulier de constater que rappeler cela en période de calme donne le sentiment à certains qu'on veut jouer sur les peurs.

À l'étranger, nous pouvons aider certains États à lutter contre le terrorisme. Nous le faisons dans le domaine du renseignement, grâce à l'échange d'informations en bonne intelligence - c'est crucial. Les services français le font avec beaucoup de sérieux et de rigueur, et c'est un élément important de notre défense collective.

Nous nous sommes aussi engagés militairement. Il est vrai que Daech a été vaincu et nous pouvons nous en réjouir. Mais la défaite militaire de Daech ne fait pas disparaître pour autant la menace. D'autres lieux peuvent abriter les terroristes. C'est pourquoi nous sommes restés au Mali après l'opération Barkane.

Certes, le califat a disparu, mais il peut y avoir des passages à l'acte partout en France ; on l'a vu à Strasbourg en décembre dernier. Depuis 2015, près de 58 attentats ont été déjoués. Ce sont des victoires silencieuses, mais ce sont des victoires ! Saluons ceux qui nous les offrent, souvent dans l'ombre. Nous organisons leur travail. Juridiquement, c'est la loi sur la lutte contre le terrorisme et la sortie de l'état d'urgence. Financièrement, ce sont 1 900 recrutements supplémentaires à la DGSI sur le quinquennat. C'est la création d'un poste de coordinateur, avec une coordination opérationnelle confiée à la DGSI. C'est la création récente du Parquet national antiterroriste.

Mais la lutte contre le terrorisme passe aussi par la coopération et l'aide au développement. La menace est telle que cela peut paraître insuffisant - mais c'est le seul moyen de lutter à long terme.

Depuis février 2018, nous avons fermé quatre écoles hors contrat, où pouvaient être développées des thèses favorables à la radicalisation, sept lieux de culte, huit établissements culturels ou associatifs, 89 débits de boisson.

La loi d'avril 2018 votée à l'initiative de Mme Gatel nous y a aidés, qui a permis quinze procédures d'opposition à des écoles. Oui, la menace est permanente, mais la détermination des forces de sécurité est totale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

Notre-Dame de Paris

M. Jean-Pierre Leleux .  - Le soir du dramatique incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le président de la République s'est engagé à une restauration complète en cinq ans, malgré l'absence totale de diagnostic.

Un projet de loi a été rédigé à la hâte et soumis, qui plus est, à la procédure accélérée, avec une étude d'impact sommaire. Il est aussi étonnant que dangereux. Il prévoit un établissement public ad hoc - au mépris des missions de l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (Oppic) ; des aménagements et dérogations à la loi sont prévus, « en matière d'urbanisme, d'environnement, de construction et de préservation du patrimoine ». Lesquels ? Alors que la protection des monuments historiques est inscrite dans une très longue tradition française, des dérogations par ordonnances seraient très périlleuses. La France dispose des meilleurs spécialistes de la protection du patrimoine !

Je m'interroge aussi sur le concours international d'architecture prévu pour reconstruire la flèche, pour rendre Notre-Dame « plus belle encore », selon les mots mêmes du président de la République. Prenons garde qu'après avoir subi l'outrage des flammes, l'intégrité de Notre-Dame ne soit pas mise à mal par des innovations visant à la rendre « plus belle encore » ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe CRCE ; M. Martial Bourquin applaudit également, tandis que M. David Assouline proteste.)

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - Nous avons tous été bouleversés par les images de Notre-Dame en flammes. Sans le travail remarquable, le courage, la compétence et le sang-froid des sapeurs-pompiers de Paris et de toute l'Île-de-France, les dommages auraient été pires.

M. Ladislas Poniatowski.  - Et la question ! (On renchérit à droite.)

M. Franck Riester, ministre.  - J'y viens, elle porte sur la reconstruction. Je tiens à saluer la générosité des Français. Nous voulons le meilleur dispositif pour restaurer Notre-Dame. Je suis le garant des principes fondamentaux de la restauration du patrimoine. (On en doute à droite.) Nous pouvons compter sur les compétences des équipes du ministère de la Culture, des architectes en chef des monuments historiques et des architectes des bâtiments de France en particulier. Tous les dispositifs visant à préserver le patrimoine seront respectés. Mais ne nous privons pas de solutions pour restaurer Notre-Dame.

M. François Grosdidier.  - Et la flèche ?

M. Franck Riester, ministre.  - Quant à la flèche, laissons la créativité des architectes s'exprimer... (Huées à droite) Le moment venu, nous ferons ensuite le choix entre une reconstruction à l'identique et un geste architectural nouveau. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC ; protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Enseignement de la médecine aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - La faculté de médecine des Antilles et de la Guyane Hyacinthe Bastaraud existe depuis 1988 et forme les futurs médecins de la région. Mais nos étudiants partent dans l'hexagone à partir de la quatrième année pour parfaire leur formation. Ils arrivent dans des universités déjà surchargées. Le numerus clausus, de 140 pour les Antilles et 20 pour la Guyane, rend de plus en plus difficile leur accueil et le départ en métropole ne favorise pas les retours. Seule la moitié des étudiants revient.

L'université doit s'inscrire pleinement dans la déclinaison régionale de la stratégie de transformation de notre système de santé. Dans nos territoires, nous devons retenir les meilleurs spécialistes et développer à cette fin le réseau des médecins de ville et des praticiens hospitaliers. La faculté des Antilles a acquis un savoir-faire de qualité et une recherche épidémiologique et clinique d'excellence. Il faut offrir sur place une formation complète et de qualité. Or l'accès des patients aux spécialités mais aussi à une médecine de proximité est obéré...

Mme la présidente. - Veuillez conclure.

M. Dominique Théophile.  - À quand la mise en place d'une faculté de médecine Antilles-Guyane de plein exercice ? (M. Antoine Karam applaudit.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'université des Antilles a un premier cycle d'études médicales et un troisième cycle aussi. Durant le deuxième cycle, les étudiants sont envoyés en métropole pour acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de leur profession.

L'application de la loi de 2015 à l'université des Antilles est en cours d'examen par une mission parlementaire. J'ai moi-même demandé à François Weil de présider une mission auprès de l'université des Antilles. Nous souhaitons nous assurer du développement de la formation en santé dans cette université. Plus de 46 % du personnel hospitalo-universitaire a été affecté à cette université. Il y avait 18 professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) en 2011 ; il y en a 29 en 2018. Nous souhaitons que les terrains de stage soient suffisants pour assurer une formation médicale complète au sein de l'université des Antilles.

Un amendement a été inscrit dans la loi qui demande un rapport sur la pertinence de l'organisation de l'université des Antilles et sur son rayonnement dans l'arc caraïbe. (M. André Gattolin applaudit.)

Annonces du Gouvernement

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Après la conférence de presse du président de la République et le séminaire gouvernemental, du flou, toujours du flou, mais pas sur le dérapage des finances publiques ! Le déficit public se dégrade et cette politique condamne la cohérence de la zone euro à long terme, comme le dit un ancien rapporteur général de la Cour des comptes et en dépit des déclarations du candidat Macron. Vous faites pire que le président Hollande, ce qui n'est pas peu dire ! (Protestations sur les bancs du groupe SOCR) C'est la dette qui paie, soit de l'impôt pour nos enfants, sur qui vous vous déresponsabilisez !

Vous aviez promis le réenchantement et la révolution pour construire la prospérité du XXIe siècle... Le soulèvement populaire récent illustre l'effondrement de cette illusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Vous dressez un tableau bien sombre...

M. Michel Raison.  - Réaliste !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - ... mais qui ne correspond pas à la réalité de la situation des comptes de la France.

En 2018, la dépense publique a baissé en volume de 0,3 % pour la première fois de l'histoire contemporaine, grâce aux efforts réalisés par l'État et les collectivités territoriales (Murmures à droite) qui ont permis de diminuer la pression fiscale sur les Français.

Nous voulons construire une France qui soit maîtresse de son destin et non pas à la merci des marchés Nous voulons une France où la dépense publique soit efficace, qui accompagne le progrès de chacun. Nous y parviendrons par la maîtrise des comptes. Nous pouvons y arriver, comme le démontrent les comptes des exercices 2017 et 2018, ainsi que ceux de l'exercice en cours, sans renoncer à nos objectifs ni comptables ni politiques.

M. Guillaume Chevrollier.  - Vous serez jugés à la fin du quinquennat. La majorité sénatoriale vous fait des propositions : écoutez-nous ! Donnez l'exemple au lieu de donner des leçons aux autres Européens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Sécurité

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - L'Observatoire de la délinquance et des réponses pénales a publié sa dernière enquête de victimation : les chiffres sont inquiétants. Explosion de la délinquance en 2018 par rapport à 2017 et malaise croissant des forces de l'ordre sont liés à l'incapacité de prendre en compte les besoins de celles-ci.

La responsabilité en incombe à votre Gouvernement : ce n'est pas la faute des gilets jaunes ! Ils n'existaient pas en 2017. Monsieur le Premier ministre, comptez-vous revoir la feuille de route des ministères de l'Intérieur et de la Justice ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Votre présentation des chiffres est erronée. La délinquance en 2018 n'est pas si catastrophique. Les cambriolages, les atteintes aux biens et les vols dans les véhicules ont baissé en 2018 ; peut-être confondez-vous avec le premier trimestre 2019, où, effectivement, nous enregistrons une hausse des items de la délinquance, notamment des atteintes aux biens et aux cambriolages ?

Il y a de nouvelles menaces, comme la cybercriminalité, et de nouvelles missions, comme la gestion de l'ordre public qui bascule souvent en violences urbaines ou en émeutes. Mais il y a des réponses à ces besoins : 10 000 emplois en plus sur le quinquennat, 300 millions d'euros en plus pour de l'immobilier, des policiers et gendarmes déchargés des tâches indues - tâches administratives ou gardes statiques - pour lutter effectivement sur le terrain.

Nous élaborons de nouvelles doctrines. Nous luttons contre les trafics de stupéfiants. Nous avons multiplié par cinq le démantèlement des réseaux, qui gangrènent les quartiers. Nous sommes efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - Une commission d'enquête sénatoriale a fait un constat et des propositions. Vous le savez par expérience, vous n'aurez pas de résultats sans un changement de gouvernance et une révision du management de la police, s'appuyant sur une réponse pénale certaine et des moyens supplémentaires. Ouvrez ainsi une perspective positive aux forces de l'ordre, pour leur redonner le moral ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs au centre)

Armes françaises au Yémen

M. André Vallini .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Depuis quatre ans, la guerre fait rage au Yémen avec plus de 70 000 morts dont une grande majorité de civils, femmes, enfants, vieillards...

Le Yémen connaît la crise humanitaire et alimentaire la plus grave de l'histoire contemporaine. Cette guerre est conduite par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis avec des armements français : chars Leclerc, radars Cobra, hélicoptères Dauphin, blindés Aravis, canons Caesar, et tant d'autres.

Les navires organisent le blocus de nourriture et de médicaments. Le traité sur le commerce avec les États en situation de guerre interdit l'exportation d'armes aux États qui violent de façon grave et répétée le droit international humanitaire. Pouvez-vous nous garantir que la France ne contrevient pas à ce traité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - La situation au Yémen est épouvantable. Cette guerre doit cesser. La France est depuis longtemps engagée dans le processus de paix. Le Gouvernement français a encore récemment reçu Martin Griffiths, envoyé spécial de l'ONU, et lui a réitéré son soutien.

Croire que cet horrible conflit disparaîtrait si la France abandonnait son partenariat avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est faux. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s'exclame.) On ne peut pas abandonner un pays faisant face à des organisations terroristes comme Al-Qaïda, qui ont frappé sur notre propre sol.

Le Gouvernement n'a jamais nié l'existence d'armes françaises au Yémen. Cependant, nous n'avons aucune preuve que ces armes aient été employées contre des populations civiles.

M. Pierre Laurent.  - Oh !

Mme Florence Parly, ministre.  - Vous le savez bien, l'autorisation de ventes d'armes est sujette à un examen rigoureux dont les critères sont entre autres la stabilité régionale et la protection des populations civiles.

Nous entretenons un dialogue très franc avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sur l'urgence de sortir de ce conflit, car la France n'a qu'un objectif : la fin de cette guerre.

M. André Vallini.  - L'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, la Belgique et le Canada ont suspendu tout commerce d'armements avec l'Arabie saoudite. Pourquoi la France n'en fait-elle pas autant ?

En outre, des journalistes qui enquêtent sur ce sujet sont inquiétés par la DGSI : nous dénonçons cette atteinte à la liberté de la presse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Ressources des collectivités territoriales

M. Jean-Claude Luche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le président de la République a essayé de rassurer les maires et les élus. Mais ceux-ci - notamment les élus ruraux - sont inquiets concernant leur statut et les finances des collectivités territoriales. Pouvons-nous être rassurés ? Comment la loi NOTRe sera-t-elle révisée ?

Avec les économies demandées, les maires des petites communes perdent en autonomie financière, alors qu'ils ne savent pas comment se faire entendre dans les intercommunalités.

Monsieur le Premier ministre, il est urgent de leur exposer les ressources sur lesquelles ils peuvent compter. Il en va de notre démocratie. Sinon, ce ne seront que des promesses qui ne pourront être tenues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Hier, au séminaire du Gouvernement, le Premier ministre a ouvert trois chantiers : le statut de l'élu et la correction des textes régissant les collectivités territoriales - vous avez cité la loi NOTRe - chantier dont Sébastien Lecornu sera chargé ; la différenciation des territoires, qui engage une réforme constitutionnelle et un dialogue avec les territoires que mènera Jacqueline Gourault ; enfin, le chantier financier, dans la continuité de l'exercice 2018 - comprenant la suppression de la taxe d'habitation, que mènera Sébastien Lecornu, en concertation avec les associations d'élus, de telle sorte que la prochaine loi de finances pour 2020 apporte des ressources stables, pérennes et justes, aux collectivités territoriales, conformément à l'engagement du président de la République, afin de répondre aux besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 17 h 55.

Mises au point au sujet de votes

M. Joël Bigot.  - Sur le projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité et de la chasse, Mme Laurence Rossignol et M. André Vallini souhaitaient voter contre, lors des scrutins nos80 et 81.

M. le président.  - Acte vous est donné de vos mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.

Mission d'information (Nominations)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la nomination des 27 membres de la mission d'information sur le thème : « Transports aériens et aménagement des territoires », créée à l'initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen en application du droit de tirage prévu par l'article 6 bis du Règlement.

En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, et de l'article 110 de notre Règlement, la liste des candidats établis par les groupes a été publiée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Lutte contre la pollution et recyclage du plastique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la lutte contre la pollution et le recyclage du plastique, à la demande du groupe socialiste et républicain.

Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain .  - Longtemps, nous avons cru que jeter ne prêtait pas à conséquence. Et ce matériau fantastique qu'est le plastique est devenu notre trouble-fête ; nous le retrouvons jusque dans nos assiettes. La faute à une consommation effrénée, à des usages éphémères : une bouteille pour un repas, un gobelet pour quelques gorgées...

Images terribles : un cachalot échoué dont l'estomac contient plus de 15 kg de plastique dont un filet de pêche de 13 m, une tortue à la carapace en forme de 8 qui a grandi sanglée par un anneau de canette. On recense des centaines d'espèces touchées par l'enchevêtrement et l'ingestion. Insouciance coupable, aveuglement incompréhensible, inconséquence condamnable. Par facilité, confort, hygiénisme excessif, il y aura, si nous ne faisons rien, plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050.

Après la Deuxième guerre mondiale, le plastique, robuste et coloré, a peu à peu remplacé tous les autres matériaux. La France produit 5 millions de tonnes de plastique par an ; dans le monde, ce sont 10 tonnes par seconde. Depuis 1950, nous avons produit 8,3 milliards de tonnes, dont la moitié depuis 2000. Au total, seulement 9 % ont été recyclés, 12 % incinérés et le reste est dans la nature. On a vu un sac entier dans la fosse des Mariannes, à 10 000 m de profondeur !

En France, à peine plus de 20 % sont recyclés. La gestion non réglementée conduit à des déversements à ciel ouvert qui atteignent les aquifères et les plans d'eau. Les courants marins ont provoqué la formation de 5 continents plastique où flottent en moyenne 500 000 fragments par km2. Le plus important, celui du Pacifique nord, appelé le septième continent, couvre 7 millions de km2, l'équivalent d'un tiers de l'Europe ou de 6 fois la France. Notre mer Méditerranée présente, en certains endroits, des concentrations en microplastiques quasi-identiques à celles du fameux continent plastique au large de Nice et Cannes.

Le plastique n'est pas biodégradable, il restera toujours du plastique. Il se fragmente seulement, en morceaux de plus en plus petits. Dans sa fabrication entrent des additifs - anti-UV, antistatique, retardateurs de flamme et j'en passe. Ces additifs sont des perturbateurs endocriniens qui affectent la fertilité et le système nerveux ; ils sont classés parmi les cancérigènes. Une récente étude sur l'eau embouteillée a révélé une contamination microplastique dans 93 % des bouteilles pour 11 marques testées.

Les plastiques récoltés pour le recyclage nécessitent des décontaminations coûteuses. Ce que nous appelons recyclage plastique est en réalité du décyclage et une bouteille en plastique ne peut pas se recycler à l'infini. Qu'en est-il des vêtements produits à partir de matière recyclée ? Le polaire, tant vanté, se révèle être une source de polluant lors de passages en machine à laver où se détachent des fibres minuscules par abrasion qui polluent l'eau.

M. Roland Courteau.  - Juste !

Mme Angèle Préville.  - Chaque jour, la station d'épuration de Nice envoie ainsi 6 milliards de fibres en mer.

Au-delà, ces minuscules et invisibles fragments de plastique contamineront de façon invasive toute la chaîne alimentaire. Ces petits radeaux fixent les polluants persistants, les PCB et les dioxines.

La France est au 28e rang de l'Union européenne en matière de recyclage de plastique. Elle a même reporté à 2021 l'interdiction des pailles en plastique. L'enjeu est pourtant d'éviter une crise sanitaire sans précédent.

Attachons-nous à réduire de manière drastique notre consommation de plastique, en conservant seulement les plastiques irremplaçables et recyclés en circuit fermé comme c'est le cas pour les bouteilles. Ne tombons pas dans l'illusion du tout recyclage. Mieux vaut, comme le Costa Rica, interdire les plastiques à usage unique. Il est temps de mettre en place une véritable politique de lutte contre les plastiques par une réduction à la source et de la porter au niveau international. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et Les Indépendants ; MM. Éric Gold et Hervé Maurey applaudissent également.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je vous propose un voyage aux origines du plastique. Il y a 1 600 ans, en Amérique du Sud, était réalisé le premier plastique, issu du latex, pour faire des balles ou des figurines. Issue de matières naturelles, il pouvait mourir en terre.

Chaque époque innove en fonction de ses besoins. L'augmentation de la population mondiale a accompagné la montée en puissance de la production du plastique fossile. À l'origine, c'était pour le meilleur : songeons à l'avancée médicale majeure qu'a représenté l'intubation. À cause des outrances de la société de consommation, la production plastique dépasse l'entendement : c'était, en 2016, 120 kg par Français et par an. C'est très clairement de la surconsommation. À l'échelle mondiale, nous déversons chaque minute l'équivalent d'un camion poubelle de plastique dans la mer. C'est insoutenable.

Face à cette situation, quel rôle pour l'État ? Que la France, ce petit pays, peut-elle faire ? Être exemplaire et mobiliser. Le président de la République a fixé deux objectifs très clairs : réduire de moitié la quantité de plastique en décharge et parvenir à 100 % de plastique recyclé d'ici 2025. Première victoire, la directive européenne sur la fin des produits à usage unique, portée par la France.

Notre stratégie décline plusieurs volets. D'abord, lutter contre les usages inutiles et superflus en supprimant les plastiques à usage unique mais aussi en transformant notre système de production. Ainsi de l'incohérence à commercialiser un brocoli bio dans une barquette en plastique... Nous voulons encourager la vente en vrac. D'ici cet été, je vous présenterai un projet de loi sur l'économie circulaire.

Deuxième pilier, le 100 % recyclé, au plus vite. Il faut, pour cela, nous assurer que les filières sont matures et que la demande en plastique régénéré croisse. C'est ce que nous faisons.

Dernier pilier, le boom de la recherche et développement dans le secteur, notamment les solutions biotechnologiques et chimiques, en s'appuyant sur les compétences innées de la nature car je suis persuadée qu'elle est notre meilleure alliée.

Une stratégie victorieuse est toujours servie par une méthode pragmatique, qui vise des résultats pratiques dans les plus brefs délais. L'objectif de 100 % de plastique recyclé paraît utopique mais les premiers résultats sont là. La feuille de route a mis les acteurs sous tension, des industriels du secteur se sont engagés à utiliser 1 million de tonnes de plastique recyclé d'ici 2020, contre 300 000 aujourd'hui. Il ne convient pas de brutaliser notre appareil industriel. Donnons plutôt des objectifs ambitieux aux filières tout en accompagnant l'adaptation par un système de bonus-malus et l'amélioration de la collecte.

Cette transformation est un vivier d'opportunités : une tonne de matière recyclée crée dix fois plus d'emplois qu'une tonne de matière enfouie. Ceux qui entrent dans la boucle de l'économie circulaire auront tout à y gagner ; pour les autres, la contrainte ira croissant.

Les 50 mesures de la feuille de route de l'économie circulaire sont en cours de mise en oeuvre à 95 %.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Que les citoyens aient abordé, lors du grand débat, les questions des déchets et du plastique, qui n'étaient pas dans le cadrage présidentiel initial, dit toute l'importance du sujet.

M. Guillaume Gontard .  - Je ne reviendrai pas sur l'aberration écologique qu'est l'usage du plastique. En quelques décennies, le plastique est devenu si incontournable qu'il semble impossible de s'en passer. Même pour supprimer les pailles en plastique, nous avons tergiversé et je ne parle pas de la difficulté à envisager, au sein même du Sénat, la fin des verres et bouteilles en plastique. (M. Roland Courteau approuve.) Pourtant le commerce international ne s'est pas effondré après l'interdiction des sacs en plastique !

Il est incompréhensible que la France recycle seulement un petit quart du plastique qu'elle produit. Nous sommes très loin de la moyenne européenne de 30 % et de l'Allemagne qui recycle plus de 40 %. Que penser des absurdités comme les fruits épluchés sous plastique ? Pourquoi ne pas inciter au recyclage par une consigne contre des tickets de transport comme à Sidney, Istanbul et Pékin ? Mais il faut aller plus loin et interdire le plastique non recyclable ; cela simplifierait les consignes de tri trop confuses.

Madame la ministre, que proposez-vous pour le commerce en vrac, seule alternative crédible ? Le Gouvernement vous soutient-il dans ce domaine ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - C'est une question essentielle que le Gouvernement s'est posée dans les mêmes termes.

Nous nous sommes fixés pour objectifs de supprimer les plastiques inutiles, faire en sorte que les plastiques nécessaires soient recyclés à 100 % - nous avons mis en place un bonus-malus dans ce but  - et allons identifier les meilleurs systèmes de collecte innovante et solidaire et, enfin, encourager massivement le réemploi et le vrac. Nous avons ainsi signé avec treize industriels un pacte national sur les emballages plastiques très ambitieux, avec des engagements publiquement vérifiés chaque année par des associations telles que WWF.

M. Joël Bigot .  - Alors que débute au siège de l'Unesco une semaine scientifique où l'on portera haut la protection de la biodiversité, notre taux de recyclage du plastique effleure les 22 % alors que la moyenne européenne est à 31 %.

L'action diplomatique de la France, sous le précédent quinquennat, a été déterminante pour la réussite de la COP21. Mais qu'en est-il de nos actions concrètes ? Madame la ministre, vous avez signé fin février dernier, le pacte national sur les emballages plastiques qui invite les entreprises, sur la base du volontariat, à mettre en place des stratégies de gestion de déchets. Et les autres ? Celles qui ne sont pas volontaires et ne respectent pas leurs obligations légales prévues par la loi pour la transition énergétique de 2015 ?

Nous attendons avec impatience votre projet de loi sur l'économie circulaire, le premier jet était décevant.

Un projet de consortium visant à mettre en place une consigne sur les bouteilles plastiques serait à l'étude sans que les collectivités territoriales y soient associées. Pouvez-vous nous en dire plus ? La filière de collecte séparée pourrait être menacée, l'Ademe n'y est pas favorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La feuille de route sur l'économie circulaire représente un changement majeur. Les collectivités territoriales se sont beaucoup impliquées comme les entreprises et les associations. Je m'étonne donc de votre remarque préliminaire, tant l'engagement de la France est grand.

Nous envisageons, en effet, une consigne sur les emballages plastiques et l'aluminium. Il y a d'abord eu des levées de boucliers des entreprises, mais aussi de l'administration et des collectivités. Aujourd'hui, c'est le contraire : il faut refréner les ardeurs des industriels pour maintenir les collectivités territoriales dans la boucle. Nous travaillons étroitement avec elles. Chaque acteur doit en avoir pour son argent.

M. Joël Bigot.  - On a demandé aux collectivités des structures d'une capacité minimale de 30 000 tonnes. Si l'on met en place une consigne sur le plastique, il y aura un problème d'approvisionnement ; l'Ademe l'a bien noté. Autre sujet, la responsabilité des émetteurs ; elle est insuffisamment prise en compte.

M. Éric Gold .  - Quelque 365 particules de microplastique par mètre carré et par jour ont été retrouvées dans la station météorologique de Bernadouze dans les Pyrénées située à 1 500 mètres d'altitude, dans une zone Natura 2000, à 5 kilomètres du village le plus proche. C'est dire qu'aucun territoire n'est à l'abri. Élu du Puy-de-Dôme, connu pour ses grands espaces et son air pur, je m'inquiète naturellement de ces résultats.

Les microplastiques s'accumulent dans les sols et cours d'eau ; ils sont transportés par le vent, l'eau, la neige. Ils s'intègrent durablement dans nos écosystèmes. Dans le Pacifique, 94 % des 2 000 milliards de déchets plastiques sont des microparticules. Ce sont les plus difficiles à traiter. Les risques pour la biodiversité sont majeurs. Les scientifiques prévoient une sixième extinction de masse. La filière cosmétique, les fibres synthétiques les utilisent massivement. Allez-vous contraindre les industriels à modifier leur mode de production ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Il existe des alternatives aux microbilles plastiques. La France a montré la voie en interdisant leur usage dans les cosmétiques par la loi Biodiversité de 2016. Nous voulons la généralisation de cette mesure au niveau européen. La Commission européenne a saisi l'Agence européenne des produits chimiques, qui a préconisé en janvier 2019 une restriction des microplastiques dans les cosmétiques mais aussi dans les détergents, fertilisants et pesticides.

J'ai demandé à la Commission de prévoir des mesures pour récupérer les microplastiques issus des textiles en machine. Dans le cadre du G7, nous soutenons également l'installation de filtres dans les machines à laver mais aussi dans les stations d'épuration.

M. Claude Kern .  - Le plastique illustre notre économie linéaire. La France n'a pas su entraîner tous les secteurs économiques dans une dynamique d'écoconception et de recyclage. Les engagements pris se concentrent sur quelques annonces, ne traitent pas les plastiques non recyclables ou le partage des coûts entre amont et aval. Il faut renforcer la responsabilité des émetteurs.

Il faut imposer un plan de prévention et d'écoconception aux entreprises, mettre en place de nouvelles REP, entre autres. Comment entendez-vous, madame la ministre, poursuivre concrètement ces objectifs ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Oui, la France est en retard par rapport à ses voisins et par rapport à l'urgence. L'effort, pourtant, est réel et nous voyons les premiers résultats avec une augmentation de 12 % de l'usage de plastique recyclé. La loi qui arrivera avant l'été ira plus loin, en fixant notamment l'éco-contribution, fonctionnant comme une incitation à réduire l'utilisation du plastique.

Passer d'une économie linéaire à une économie circulaire est un changement profond et radical, mais urgent pour les Français et les entreprises. C'est également un encouragement à la création d'emplois non délocalisables et qui ont du sens.

M. Claude Kern.  - Le septième continent plastique témoigne de l'urgence. Nous sommes très amers face au vote de l'Assemblée nationale contre celui du Sénat à propos des plastiques à usage unique, le jour même de la journée mondiale de mobilisation pour le climat.

M. Jérôme Bignon .  - Le plastique ne disparaît pas, il se désagrège. La biodiversité en fait les frais. Le meilleur plastique est celui que l'on ne produit pas. En France, 75 % des emballages plastiques sont collectés mais seulement 26 % recyclés. Des progrès sont faits, grâce à l'utilisation de nouvelles technologies comme les enzymes bactériennes.

Problème fondamental, le plastique vierge coûte beaucoup moins que le plastique recyclé. Madame la ministre, allez-vous agir sur son prix, créer une filière de recyclage consolidée et lutter contre la pollution issue du retraitement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Premièrement, des industriels de la filière se sont engagés à utiliser 1 million de plastiques recyclés, contre 300 000 actuellement. Ce qui est aujourd'hui volontaire deviendra obligatoire demain. Deuxièmement, un système de bonus-malus plus incitatif responsabilisera financièrement les fabricants. Celui qui a été fixé en janvier dernier sur les emballages en polyéthylène ne représente qu'un début.

Troisième élément, un taux minimum de plastique recyclé imposé, par exemple sur les bouteilles en plastique.

Enfin, d'autres leviers peuvent être mobilisés ; le label bas carbone pourrait être étendu au secteur du recyclage. Concernant le risque de pollution plastique dans les biodéchets, la loi prévoit une norme de compostage domestique plus exigeante que chez certains de nos voisins. Ces normes pourront être encore renforcées.

Enfin, j'ai missionné Alain Marois pour élaborer un pacte de confiance visant à renforcer les exigences de qualité de matières fertilisantes issues des biodéchets.

M. Jérôme Bignon.  - N'oublions pas d'aider les collectivités territoriales à équiper leurs centres de tri en équipements innovants. Elles seront aussi une des clés du succès.

M. Jean-Marc Boyer .  - Les images de bouteilles en plastique flottant sur les mers choquent, mais il ne faut pas céder pour autant au plastique bashing. Faisons le point sur la recherche, les dangers, avérés ou non, pour la santé, les alternatives innovantes, adaptées aux réalités.

S'il est urgent de trouver des solutions de substitution, n'oublions pas que le secteur du plastique représente des milliers d'emplois, notamment dans l'embouteillage.

Une société puydômoise produit des bouteilles issues à 100 % de plastique bio-recyclé. C'est une innovation porteuse, avec 6,3 milliards de tonnes de déchets plastiques. Quels moyens techniques et financiers l'État compte-t-il engager pour soutenir les solutions innovantes pour la transition énergétique, tout en tenant compte des réalités économiques ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Nous sommes pleinement conscients que des changements brutaux nuisent à l'acceptabilité sociale des politiques environnementales. Nous serons intraitables sur la pollution plastique, nous voulons aller au plus vite vers une économie circulaire, mais veillons à ne laisser personne sur le bord du chemin. Ainsi, avec Muriel Pénicaud, nous allons accélérer la formation et l'apprentissage dans la perspective d'éventuelles reconversions. La recherche de solutions innovantes bénéficie aussi du programme d'investissements d'avenir, d'autant que c'est dans le recyclage que se trouvent les emplois.

M. Frédéric Marchand .  - Difficile, voire illusoire, de se passer complètement du plastique, tant il est omniprésent. Le plastique, c'est fantastique - mais catastrophique quand il n'est pas recyclé.

Pour atteindre l'objectif de 100 % de plastique recyclé, il faut faire entrer les industriels dans la boucle.

D'ici sept ans, il y aura deux fois plus de matières premières recyclées dans notre quotidien. Cela suppose d'améliorer la collecte et de mieux informer les consommateurs. Il faut encourager le développement des bioplastiques, dont la France produit deux millions de tonnes par an, soit 1 % du marché. Ils permettent de valoriser les biodéchets, un tiers des poubelles résiduelles des Français, via le compostage.

Quelles mesures pour rendre la collecte plus efficace et moderniser les centres de tri ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Merci pour votre soutien sans faille et sans concession à nos travaux sur la feuille de route sur l'économie circulaire.

Le terme « biodégradable » engendre une confusion car il laisse croire que ces plastiques peuvent être abandonnés dans la nature. Or ils ne se dégradent que dans des conditions très précises ; il faut un site industriel spécialisé ou un composteur individuel bien géré. Attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal ! C'est pourquoi il faut informer sur les produits. Nous intégrerons cette question dans notre projet de loi anti-gaspillage.

Nous accompagnons les collectivités territoriales dans le cadre du PIA et mettons à contribution les éco-organismes, avec des objectifs de performances.

M. Bernard Jomier .  - J'ai le sentiment que nous sommes très forts pour fixer des objectifs à 2030, 2040, 2050. Mais quid de 2019 ? Nous faisons surtout des sauts de puce. Or dix sauts de puce ne vaudront jamais un bond de kangourou.

Ma question porte sur la santé. Les plastiques contiennent des substances - phtalates, bisphénol, trioxyde d'antimoine - qui ont été identifiées comme cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. C'est notre mode de gouvernance en santé environnementale qui est en cause. Nous peinons à retirer les substances identifiées comme nocives. Comptez-vous modifier cette gouvernance ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - J'estime avoir fait quelques bonds de kangourou. Certes, ils ne seront jamais suffisants. Mais nous oeuvrons au niveau international, même si c'est parfois à bas bruit : la France se mobilise à l'échelle européenne pour obtenir une stratégie transversale sur les perturbateurs endocriniens, dans les cosmétiques ou les jouets notamment.

Pour prendre des décisions, il faut des preuves scientifiques. Avec Mme Loiseau, nous avons insisté pour que l'EFSA, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, rende son système d'évaluation des substances chimiques plus indépendant des industriels.

Nous voulons aller plus loin, y compris au niveau national. Ainsi, la France sortira du glyphosate d'ici trois ans contre cinq ans pour l'Union européenne - cela aurait été quinze ans sans la France. Je conclus en citant encore un saut de kangourou : les engagements à recycler sont passés de 300 000 tonnes de plastique à un million !

M. Bernard Jomier.  - Le ministère de la Santé reste un ministère du soin, sans direction consacrée à la santé environnementale ; et que dire de la composition du conseil d'administration de l'Anses ou de la répartition chaotique entre les différents organismes ?

Mme Françoise Férat .  - Nathalie Goulet a déposé une demande de commission d'enquête sur la lutte contre les déchets plastiques, à laquelle je me suis jointe.

La question est celle de l'acceptabilité par le consommateur. On demande aux industriels de réduire le poids de leurs emballages plastiques, mais c'est le consommateur qui décide. Certains rejettent les bouteilles plus légères, jugées trop bas de gamme.

Il faut que le consommateur change ses habitudes d'achat, accepte de voir ses produits favoris évoluer, se détourne des objets à usage unique. Des solutions existent !

Il faut également soutenir la substitution des produits du pétrole par des biomatériaux issus de biodéchets. En outre, la plante capte le carbone lors de la photosynthèse. Quelque 70 % des familles de polymères sont susceptibles d'être biosourcées.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Vous évoquez le rôle actif des consommateurs, ou consomm'acteurs. Pourtant, beaucoup de jeunes me disent qu'ils veulent agir sans attendre les industriels. C'est à l'État de donner aux uns et aux autres les moyens d'agir.

Nous avons commencé à agir concrètement. Les entreprises nous disent en effet que les consommateurs n'aiment pas les produits biosourcés, mais c'est le contraire qui est constaté lors des tests. Idem pour la lutte contre les invendus et le gaspillage. Treize entreprises ont signé l'ambitieux pacte national sur les emballages en plastique, dont les objectifs sont mis en oeuvre dès aujourd'hui. Cela suppose des changements d'habitudes drastiques - et les consommateurs franchissent le pas, notamment les jeunes.

Il faut encourager les plastiques biosourcés, mais être très attentifs aux conséquences négatives possibles sur la biodiversité.

M. Patrick Chaize .  - Certains plastiques sont plus recyclables que d'autres. Le PET, 100 % recyclable, est la deuxième matière d'emballage recyclée après le verre. Il peut s'inscrire dans une économie circulaire vertueuse.

Afin de disposer sur le territoire d'un plastique recyclable de qualité, il faut développer nos performances de collecte en nous inspirant de la Suisse ou de la Belgique par la mise à disposition obligatoire de poubelles multiflux. Il faut mettre fin au plastique bashing qui est irréaliste.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Nous voulons mettre en place une filière industrielle du recyclage ; j'y travaille avec le ministre de l'économie. Nous explorons des solutions pour améliorer notre système de collecte. Cette révolution sera compliquée mais nécessaire.

Quelque vingt projets de consigne d'aluminium et de plastique sont en cours de mise en place sur le territoire. Nous voulons utiliser les écomodulations pour que le plastique recyclé reste compétitif face aux variations du cours du pétrole.

Je sais qu'il y a des champions du plastique dans l'Ain, territoire très riche, que j'ai pu découvrir avec Jean-Michel Blanquer. J'espère m'y rendre bientôt à nouveau. Il s'agit de garder cet avantage tout en s'adaptant à l'économie du XXIsiècle.

M. Patrick Chaize.  - Vous êtes bien sûr invitée dans l'Ain.

Il ne faut pas généraliser : certains plastiques ont des vertus, il faut pouvoir le dire.

M. Roland Courteau .  - Je souhaiterais des précisions sur le devenir des recommandations de mon rapport pour l'Opecst.

Les résidus de plastique sont partout. Chaque seconde, 200 kilos de plastique se retrouvent dans l'océan. En Méditerranée, on compte 100 000 à 900 000 microdéchets plastiques par kilomètre carré - autant que de planctons ! On en trouve jusqu'à 1 500 mètres d'altitude dans les Pyrénées ariégeoises. Quel sera le coût sanitaire ?

Il faut sortir de notre culture du tout jetable, réduire la production à la source en favorisant les alternatives. L'enjeu est aussi dans la collecte et le recyclage qui ne peut être infini. Quelles alternatives au plastique ? Quid du principe pollueur-payeur ? Quand peut-on espérer un traité mondial sur le sujet ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Merci pour votre implication sur le sujet et pour vos propositions pragmatiques et concrètes.

La France a fait de la lutte contre la pollution plastique des océans une priorité. Ce sera un axe important du G7 à Biarritz. Nous espérons réunir 20 à 25 % des pays dans une coalition pour envoyer un message aux autres.

La France entend être un fer de lance en accueillant à Marseille le congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature, qui préparera la COP 15 de la biodiversité.

Sans attendre, la France a élaboré le pacte national contre les emballages plastiques pour lutter contre les plastiques sur la terre ferme : une fois dans les océans, il est trop tard.

M. Roland Courteau.  - Le plastique est une bombe à retardement pour la Méditerranée, pour la faune, la flore et la santé humaine. Je m'interroge sur la polymérisation. Il faut une mobilisation des États riverains, et un leader : je compte sur la France.

M. Pierre Cuypers .  - « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ; nous sommes tous responsables », déclarait Jacques Chirac à Johannesburg en 2002. La lutte contre les déchets plastiques doit être une priorité pour l'Europe. Or à ce jour, seuls 26 % des emballages plastiques sont recyclés. Beaucoup ne le sont pas pour des raisons techniques ou économiques. Or les plastiques souillés par des déchets alimentaires pourraient être valorisés s'ils étaient biosourcés et compostables.

La loi impose le tri à la source et la valorisation des biodéchets d'ici 2023. Je salue ce dispositif qui toutefois ne se suffira pas à lui-même. Encourageons le compostage sur site qui favorisera l'acceptabilité par les agriculteurs.

Alors que le Gouvernement a reconnu la pertinence des plastiques biosourcés compostables, il fait peu de chose pour en favoriser le développement. Quid de la bio-économie ? Le Gouvernement fait une erreur d'appréciation en délaissant la filière de compostage. C'est une question de courage politique. Osez et nous vous suivrons !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - En 2002, les mots suffisaient. Nous devons aujourd'hui rentrer dans le dur !

L'évaluation de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte n'est pas très positive. Beaucoup de plastiques dits biodégradables ne le sont pas en réalité. C'est pourquoi il vaut mieux supprimer le plastique du quotidien, changer nos modes de vie.

M. Bernard Jomier.  - Très bien.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Cela dit, je sais qu'il existe des plastiques biosourcés, qui peuvent être utiles - mais leur développement ne doit pas se faire au détriment de la nature. On trouve encore trop de biodéchets dans nos poubelles : cela nous mène à incinérer de l'eau !

Pour avancer, il faudra changer en profondeur nos comportements. J'ai donc chargé Alain Marois de mettre en place un pacte de confiance pour trouver des solutions. La route est longue et les changements à apporter sont profonds. Nous avons besoin du Sénat pour travailler main dans la main avec les collectivités locales afin de trouver des solutions pérennes et efficaces.

M. Guillaume Chevrollier .  - Le recyclage des plastiques, hors emballage, est compliqué du fait de leur variété. Il n'y a pas un mais des plastiques. Si nous les mélangeons avec d'autres pour diluer les éléments dangereux, on perd en traçabilité et on risque des effets délétères. Pour les plastiques issus des jouets ou des équipements sportifs par exemple, il faut donc préférer les boucles fermées, sous peine de perdre la confiance des consommateurs pour les plastiques issus de recyclage.

Jusqu'à présent ce plastique était exporté en Chine, qui a fermé ses frontières. Il faut donc booster les filières de recyclage dans ce domaine. Dans quelle direction travaille le Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La santé de nos concitoyens est une priorité absolue et totale. Les mêmes normes s'appliquent à tous les plastiques, recyclés ou non.

Vous vous demandez s'il est possible de recycler des objets composés de différents plastiques. Il y a des solutions, comme le bonus-malus ou la modulation de l'écoconception, pour décourager l'utilisation des plastiques non recyclables. Le plastique recyclé doit garantir un niveau de qualité sanitaire égal ou supérieur au plastique vierge.

Beaucoup de microplastiques se retrouvent dans la nature. Il faut changer notre modèle économique, notre manière de produire et de consommer si l'on ne veut pas les retrouver dans nos assiettes !

M. Guillaume Chevrollier.  - Il faut agir autant en amont qu'en aval, favoriser l'écoconception, la recyclabilité, les produits démontables et lutter contre l'obsolescence programmée.

Mme Anne-Marie Bertrand .  - L'utilisation croissante du plastique participe du changement climatique et menace la biodiversité. L'entreprise Sirap, dans les Bouches-du-Rhône, fabrique des emballages biodégradables et compostables. Or le pacte national sur les emballages interdit les emballages en polystyrène expansé, tout aussi recyclable que les autres polystyrènes, ce qui risque de fragiliser des entreprises volontaires. Ne pourrait-on exempter les entreprises qui proposent des gammes d'emballages écologiques pour encourager l'investissement et créer de l'emploi.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Je vous répondrai cash : le polystyrène expansé ne se recycle pas, du moins à des coûts acceptables. Il n'y a pas de filière en France et il n'est pas possible d'en développer dans l'immédiat. Nous développons toute une palette de mesures pour favoriser l'utilisation de résines plus facilement recyclables. C'est aux industriels d'être créatifs. Nous leur fixons des objectifs ambitieux, ainsi qu'aux éco-organismes, aux collectivités locales et aux citoyens. Pour cela il faut fixer des priorités : c'est cela, le courage politique !

Mme Anne-Marie Bertrand.  - Les salariés de ces entreprises sont conscients de la nécessité de changer de modèle de consommation. La transition écologique est l'affaire de tous.

M. Cyril Pellevat .  - Pas moins de 2 milliards de tonnes de déchets sont produits chaque année dans le monde : 240 millions de tonnes de plastiques, dont 9 % seulement sont recyclés.

Ce plastique met quatre siècles à se dégrader et se retrouve dans des décharges sauvages et dans nos océans. Si les déchets en plastique ne sont pas recyclés, c'est soit qu'ils sont trop légers - les pots de yaourt - soit qu'ils sont trop complexes à traiter.

La Haute-Savoie, où vous êtes venue, souffre de cette pollution.

Il faut aussi lutter contre le suremballage, qui irrite les consommateurs, et contre les produits à usage unique.

Enfin, les bons gestes peuvent être acquis dès le plus jeune âge. L'État peut-il s'engager à éduquer au recyclage tous les enfants des écoles ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Merci de votre souci sincère pour ces questions. Vous avez raison, il faut supprimer les plastiques inutiles, les suremballages, les plastiques à usage unique. Dès l'année prochaine, les gobelets et les couverts en plastique seront interdits.

Nous favorisons le recyclage via les incitations à l'écoconception et l'amélioration de la collecte. Nous avons lancé des appels à manifestation d'intérêt pour inventer de nouveaux modes de collecte comme les consignes. Nous encourageons aussi le réemploi.

Sans attendre la loi, nous avons lancé un pacte sur les emballages avec treize entreprises.

La sensibilisation des enfants, c'est fondamental. Le ministre Blanquer réfléchit à des mesures. Dans l'Ain, nous y avons travaillé ensemble. Je serai ravie d'apprendre de vous ce que vous avez fait dans votre commune.

M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe socialiste et républicain .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce débat, riche d'enseignements, aura permis de souligner l'urgence qu'il y a à agir pour éviter une catastrophe écologique et sanitaire. Autant de plastiques ont été produits dans le monde entre 2000 et 2016 qu'entre 1950 et 2000.

En 2016, il y a eu 310 millions de tonnes de déchets plastiques dont un tiers se retrouvent dans la nature. Pas moins de 150 millions de tonnes de plastiques se retrouvent dans les océans. Si rien n'est fait, la production mondiale de plastiques pourrait augmenter de 40 % d'ici 2030. En 2050, on pourrait avoir plus de plastiques que de poissons dans la mer !

La France n'est pas en avance, qui ne recycle qu'à 22 % contre 31 % dans les pays européens en moyenne.

Les discours changent cependant ; un certain plastique bashing se développe, qu'il faut effectivement nuancer.

Les mesures suivent. Le pacte que vous avez signé sur les emballages va dans le bon sens. Mais son approche volontariste et l'absence de contraintes risquent d'en limiter les effets.

Le recyclage n'est pas la panacée, d'autant qu'il n'est pas infini. Le meilleur déchet est celui qu'on ne produira pas. Il faut agir à la source, en produisant moins de plastique.

Si le plastique dans les océans provient en grande partie des pays en voie de développement, de nombreux pays, dont la France, exportent leurs déchets vers ces pays. C'est pourquoi de nombreuses organisations demandent un traité international juridiquement contraignant.

Il y a sur ces bancs un large consensus autour des trois piliers que vous avez présentés. Vous pouvez compter sur notre implication et celles des collectivités territoriales pour votre feuille de route pour une économie circulaire. Il faudra à la fois des mesures coercitives et incitatives.

Vous avez parlé de l'outrance de notre société de consommation ; il faut en effet promouvoir un autre modèle. Comptez sur nous pour prendre toutes nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

Prochaine séance, jeudi 2 mai 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 2 mai 2019

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - Mme Annie Guillemot

(Ordre du jour réservé au groupe La République En Marche)

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé (procédure accélérée ; texte de la commission n° 441, 2018-2019).

2. Proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral (texte de la commission n° 444, 2018-2019) et proposition de loi organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, présentées par M. Alain Richard et les membres du groupe La République En Marche (texte de la commission n° 445, 2018-2019)

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit

Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

3. Proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 406, 2018-2019).

4Proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide, présentée par M. Jérôme Durain, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Marc Daunis, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 384, 2018-2019).

Composition de CMP

Les représentants du Sénat aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française et du projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française sont :

Titulaires : MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Mmes Muriel Jourda, Lana Tetuani, MM. Jean-Pierre Sueur, Jérôme Durain et Thani Mohamed Soilihi

Suppléants : Mmes Esther Benbassa, Maryse Carrère, Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, Jocelyne Guidez, MM. Victorin Lurel et Vincent Segouin.

Nomination des membres d'une mission d'information

Mission d'information sur le thème : « Transports aériens et aménagement des territoires » (27 membres)

MM. Joël Bigot, François Bonhomme, Jean-Marc Boyer, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Mme Josiane Costes, MM. Pierre Cuypers, Jean Luc Fichet, Jacques Genest, Jordi Ginesta, Joël Guerriau, Éric Gold, Jean-Michel Houllegatte, Benoît Hure, Mme Victoire Jasmin, M. Henri Leroy, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Claude Luche, Didier Mandelli, Sébastien Meurant, Cyril Pellevat, Mme Sonia de la Provôté, MM. Didier Rambaud, Claude Raynal, Jean Sol, Rachid Temal et Dominique Théophile.