Zone euro
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur la zone euro, demandé par le groupe Les Républicains.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.
M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.) Portée sur les fonts baptismaux le 1er janvier 1999, la monnaie unique a fêté vingt ans d'une existence mouvementée, qu'il s'agisse de la crise de 2008-2009 ou de la crise des dettes souveraines en 2011-2012. Dans ces moments critiques, la Banque centrale européenne (BCE) a su la préserver par son action décisive et une réforme structurelle entre 2010 et 2012 mais les débats sur la légitimité et les orientations de la zone euro restent bien présents.
Les leçons de la dernière campagne présidentielle ont été retenues. Le Rassemblement national avance désormais masqué et Marine Le Pen, qui ne jurait que par le retour au franc, a euphémisé cet objectif en le renvoyant à un calendrier plus lointain. Les Français sont opposés à ce qui se traduirait par une explosion de la dette, l'affaiblissement de l'économie et leur appauvrissement.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. - Très juste !
M. Jean-François Rapin. - Le président de la République, lui, estime que l'avenir de la monnaie unique sera fédéral ou ne sera pas.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Faux !
M. Jean-François Rapin. - Sa proposition phare est de créer un budget autonome de la zone euro équivalent à plusieurs points de PIB, soit des centaines de milliards d'euros. Elle a reçu une cinglante fin de non-recevoir de plusieurs États membres et le soutien ambigu de nos partenaires allemands.
Le principe d'un instrument budgétaire spécifique a été acté par le Conseil européen mais son volume sera dérisoire.
Les choix se sont portés vers la convergence et la compétitivité, excluant la stabilisation qui était au coeur des propositions présidentielles. L'échec était prévisible : la crise de la zone euro a laissé des marques profondes et la mutualisation des risques financiers est impossible sans confiance mutuelle.
M. Bruno Le Maire, ministre. - C'est vrai.
M. Jean-François Rapin. - Or le Gouvernement ne restaure pas la crédibilité de la France en conduisant a minima les réformes structurelles promises ; sa trajectoire budgétaire est marquée par un renoncement à l'équilibre à l'horizon 2022.
Nous restons encalminés à un déficit moyen de 2,5 % du PIB - et 3,1 % l'an prochain, contre 0,6 % pour la zone euro. Notre dette, elle, est supérieure de 12 points à la moyenne de la zone euro, à 56 % du PIB.
Le fédéralisme budgétaire prôné par Emmanuel Macron s'apparente donc à une impasse politique. Il faut trouver d'autres solutions.
La première est nationale : l'Europe ne peut pas agir à notre place. À chaque pays de prendre ses responsabilités. Le maître mot ne doit pas être austérité mais équilibre. Les États excédentaires pourraient mobiliser leurs marges de manoeuvre pour soutenir leur propre croissance et celle de la zone euro. Le directoire politique, aujourd'hui temporaire, de la zone euro doit être pérennisé afin d'oeuvrer davantage au pilotage économique de la zone. Il est nécessaire d'impliquer les parlements nationaux afin de réunir les conditions de la mise en place de règles de convergence des marchés du travail et des systèmes sociaux et fiscaux. Pour cela, n'hésitons pas à agir en cercle plus restreint. Traduisons en acte les annonces du traité d'Aix-la-Chapelle.
Les mécanismes privés de partage des risques sont aussi importants et efficaces que les mécanismes publics en discussion, qu'il s'agisse du budget de la zone euro ou des évolutions bienvenues du Mécanisme européen de stabilité. La fragmentation du système bancaire et financier atténue la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle, alimente le cercle vicieux de la contagion entre risque bancaire et risque souverain, renforce la polarisation des activités économiques, freine la mobilité des capitaux et le recyclage de l'excédent d'épargne des pays du Nord - 340 milliards d'euros en 2018 - en investissements dans ceux du Sud et, enfin, empêche la diversification des risques privés, pourtant essentielle. Aux États-Unis, les chocs sont amortis aux trois quarts par le crédit bancaire et les marchés de capitaux.
L'architecture de l'union bancaire et de l'union des marchés de capitaux doit être notre priorité : elle fait l'objet d'un consensus politique de principe.
Pour finir, il faut affirmer la puissance de l'euro face au dollar. La deuxième monnaie mondiale doit être pensée comme un outil stratégique.
M. Jean Bizet. - Très juste !
M. Jean-François Rapin. - Les nuages s'amoncellent sur la croissance mondiale. La BCE voit ses capacités d'action amoindries. Si c'est bien dans les États membres que se joue l'avenir de l'euro, des voies d'action collective existent. Elles ne pourront être empruntées qu'à une condition : celle d'être avant tout pragmatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Monsieur Rapin, je partage votre constat de départ et votre ambition.
Oui, la zone euro est inachevée, donc fragile. Nous sommes au milieu du gué, c'est-à-dire dans la position la plus défavorable, pris dans des courants puissants. Ne pas tirer toutes les conclusions de la crise de 2008 et ne pas se doter du budget indispensable de la zone euro seraient des erreurs fatales. Le statu quo ne peut être une solution : soit nous avançons, soit nous renonçons.
Je partage aussi l'ambition de faire de l'euro une monnaie de référence internationale, qui nous fera peser sur le cours des affaires du monde.
Nous divergeons sur le comment. Oui, la France doit être crédible. Le Gouvernement s'y emploie : nous l'avons fait sortir de la procédure pour déficit excessif, elle sera sous la barre des 3 % sur le quinquennat, pour la première fois depuis dix ans, sauf en 2019 en raison de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en allègement de charges. (MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent.)
À droite. - Faux !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Vous le contestez mais les faits sont têtus. Nous avons allégé la fiscalité du capital en supprimant l'ISF, en réduisant avec courage l'impôt sur les sociétés, qui passera de 33,3 % à 25 % d'ici à 2022. Nous avons réformé le marché du travail, le statut de la SNCF ; nous allons réformer la fonction publique, rendre plus juste l'indemnisation du chômage, amender en profondeur les régimes de retraite pour un système plus juste, plus équitable et plus transparent. Les réformes structurelles garantissent la crédibilité de la France.
Pour quoi doit plaider la France, forte de ces réformes ? Aucunement pour un fédéralisme budgétaire. Le président de la République n'a jamais employé ce mot. Notre projet, ce sont des États-nations qui travaillent plus étroitement ensemble pour rassembler leurs forces et garantir l'efficacité de la zone euro.
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Le premier objectif est l'union bancaire. Nous avons tant reculé la prise de décisions que nous ouvrons le marché unique à nos concurrents américains, dont le poids est passé en quelques années de 43 % à 47 %. Moi, je préfère que l'Union européenne soit le terrain de jeu des banques européennes ! (Marques d'approbation sur les bancs du groupe LaREM)
Sans union des marchés de capitaux, pas d'investissement, et sans investissement, pas de géants mondiaux. Quel est le premier État européen pour les start-up et la créativité technologique ? La France. Mais nous péchons par notre incapacité à faire émerger des champions du numérique, des entreprises de la taille de Google ou de Facebook, faute d'un marché de capitaux efficace. Les montants de capital-risque investis en 2018 sont de 100 milliards de dollars aux États-Unis, 80 milliards en Chine et 20 milliards en Europe. Ce n'est pas à la hauteur du projet européen.
Autre instrument, le budget européen. Nous avons obtenu des Allemands un accord décisif. Le mot même était tabou il y a deux ans : on parlait d'instrument monétaire ou d'instrument de convergence, mais surtout pas de budget. En juin, nous aurons tous les éléments pour le mettre en place. En deux ans, nous avons accompli une prouesse.
M. Richard Yung. - Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je regrette, en revanche, le manque de progrès sur la stabilisation. Au demeurant, le problème n'est pas franco-allemand. Olaf Scholz avait proposé un instrument pertinent et vertueux d'assurance chômage selon lequel un État membre qui aurait vu son taux de chômage exploser aurait pu continuer d'investir plutôt que d'indemniser, grâce au soutien des autres États. Je continue à plaider pour un instrument de stabilisation.
Je tiens à vous remercier de ce débat sur un sujet décisif et ardu même s'il ne soulève pas l'enthousiasme des foules. (Applaudissements sur les bans du groupe LaREM ; M. Yvon Collin et Mme Michèle Vullien applaudissent aussi.)
M. André Gattolin . - Les prochains mois seront déterminants pour l'Union européenne et la zone euro. L'endettement public semble repartir à la hausse, en particulier en Grèce et en Italie, pays où il atteint 132 % du PIB. Le gouvernement italien vient d'abaisser ses prévisions de croissance à 0,1 % du PIB. La BCE souligne que des risques pèsent sur la croissance de la zone euro. La situation italienne, préoccupante, menace la stabilité de la zone euro, d'autant que la croissance allemande ralentit elle aussi nettement.
Quelles mesures de réforme le Gouvernement préconise-t-il pour éviter que cette situation influe sur la résilience de la zone euro ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je partage votre préoccupation. On peut dire que tout va bien, madame la marquise, mais des tensions commerciales engendrent un ralentissement très marqué de la croissance. Quand la locomotive, l'Allemagne, sera à 0,5 % de croissance pour 2019 ; les wagons s'inquiètent.
La France est à 0,3 point de croissance au premier trimestre 2019 ; à nous de faire des propositions pour éviter le marasme. La mienne est un contrat de croissance car on ne peut pas contenter de toujours demander à l'Allemagne d'investir plus.
Ce contrat, c'est de réaliser les transformations nécessaires pour gagner en compétitivité, de doter la zone euro d'un véritable instrument de convergence d'ici la fin 2019, ce qui n'est qu'une question de volonté politique, et de profiter de la politique accommodante de la BCE, qui n'est que temporaire.
M. Pierre Laurent . - Si rien ne change, la zone euro s'approche d'une nouvelle crise économique et financière. La production industrielle recule, surtout en Allemagne. Le modèle de compétitivité dégrade le contenu social et écologique de la croissance en aggravant les inégalités de revenus. Les réponses apportées depuis la crise de 2008 sont inefficaces, le niveau de la dette publique augmente et cette impasse coûte de plus en plus cher politiquement, comme le montre le score de Vox en Espagne. Or les gouvernements de la zone euro ne réagissent pas et la BCE garde le cap.
Il faut changer de trajectoire : changer les critères de la BCE pour favoriser un autre développement économique et créer un fonds européen dédié au financement des services publics. Le Gouvernement soutient-il ces deux propositions ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je partage la nécessité d'une réorientation des politiques de la zone euro. Il le faut, pour tenir compte de la montée des populismes et des inquiétudes des populations. Leur première attente, c'est la prospérité. La zone euro doit être une garantie de prospérité pour tous les États membres et une protection face aux grands ensembles que sont la Chine et les États-Unis.
Pour cela, il faut, je l'ai dit, prendre les décisions nécessaires pour renforcer la zone euro. Je propose également un contrat de croissance. Se satisfaire du ralentissement actuel dans la zone euro, ce serait laisser les marchés décider à notre place. Moi, je crois à la volonté politique. Face à un tel ralentissement, à un ralentissement qui a un tel impact sur la vie de nos compatriotes, notre responsabilité est de dire qu'il faut agir autrement.
Sur le contenu, je suis prêt à examiner toutes les propositions, y compris les propositions iconoclastes. Le président de la République en a d'ailleurs fait une : un bouclier social pour garantir un minimum à toutes les personnes qui travaillent dans la zone euro. Il aurait l'avantage de montrer quel modèle est le nôtre : non le dumping social, mais la dignité du travail.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Sur la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales, je crois beaucoup à un engagement pour la finance verte.
M. Pierre Laurent. - En matière de propositions iconoclastes, vous pouvez compter sur nous. (Sourires) Vous ne nous avez pas répondu sur le fonds pour les services publics.
M. Jean-Michel Houllegatte . - L'objectif fondamental de l'Union européenne est de garantir le développement économique, la stabilité et le progrès pour tous. En 2016, Jacques Delors lançait un avertissement qui reste d'actualité : sacrifier la cohésion et les normes sociales, c'est se priver de toute chance de recueillir le soutien des populations au projet européen.
Or le pacte de stabilité et de croissance s'accompagne de règles précises relatives aux dépenses publiques. L'économiste Jean Pisani-Ferry s'interrogeait récemment sur leur pertinence, notamment celle des 3 % de déficit, au regard de l'évolution de la situation depuis 1997. Ces règles ont, en effet, conduit les États à mener des politiques d'austérité, qui ont renforcé le camp des eurosceptiques.
Que la France compte-t-elle faire pour réformer le pacte de stabilité afin que les États, profitant des taux bas, financent des investissements productifs, par exemple dans l'économie bas carbone ? Le 9 mai prochain, quelles propositions la France fera-t-elle pour bâtir le socle européen des droits sociaux ? Comment entend-elle concrétiser les annonces du président de la République sur la création d'un salaire minimum européen et l'alignement des cotisations sociales des travailleurs détachés sur le niveau du pays d'accueil ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous nous écartons un peu du sujet... Mais je veux vous redire ma détermination et celle du Gouvernement à mettre en place un socle des droits sociaux. Il ne peut pas y avoir d'Europe sans solidarité. L'Europe, ce ne peut pas être la compétition sans fin des États les uns contre les autres.
En revanche, ce sont toujours les cancres qui contestent le système de notation. Voilà pourquoi il est essentiel que la France montre qu'elle est capable d'honorer des engagements dont nous sommes tous dépositaires. La France sera plus légitime à contester les règles le jour où elle les respectera. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Yvon Collin . - Dans quelques mois, nous fêterons les vingt ans de la création de la monnaie unique ; c'est l'occasion d'en dresser le bilan.
La progression du PNB par habitant a été de 89 % en Europe depuis les années 2000, contre 58 % chez nos amis britanniques qui restaient à la livre sterling. L'euro a permis une stabilité des prix et des taux de crédit relativement bas, à la fois pour les ménages et les entreprises ; il a offert un cadre bénéfique pour la croissance, même si l'on pouvait espérer faire mieux.
Mais l'euro est en repli par rapport au dollar, de 2,8 % depuis janvier dernier. Souvent qualifié de monnaie de confiance, il doit conforter son assise et sa souveraineté. Parmi les recommandations que le Conseil Ecofin a faites, je retiens le soutien à l'investissement public et privé, l'allégement du coût du travail et l'assainissement des finances publiques.
En réponse au mouvement des gilets jaunes, le président de la République a fait des annonces - je pense, notamment, à la baisse des impôts - qui peuvent paraître contradictoires avec les exigences de la zone euro. Comment la France articulera-t-elle respect de ses engagements et promesses faites aux Français ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - La zone euro fait l'objet de nombreuses contestations alors qu'elle offre des avantages considérables non seulement à nos entreprises mais aussi à nos concitoyens. L'inflation, qui constitue un impôt sur les pauvres, a disparu. La zone euro garantit la liberté de circulation et d'échanges sans frais de change, ce qui représente un avantage compétitif considérable quand 60 % de nos échanges commerciaux sont intra-européens. Enfin, la solidité de l'euro facilite nos échanges extérieurs.
Cela étant, en raison du manque de convergence au sein de la zone euro, certains États ont davantage bénéficié des avantages de la monnaie unique que d'autres. D'où la proposition du président de la République d'un budget de la zone euro pour mettre de la convergence là où il y a de la divergence.
M. Jean Louis Masson . - Monsieur le ministre, quand l'euro a été créé, on nous disait qu'il ferait contrepoids face au dollar... Or je suis scandalisé de constater la nullité de la zone euro pour résister aux pressions de M. Trump qui veut nous empêcher de commercer avec l'Iran. Notre politique étrangère est asservie, nous sommes à genoux devant le dollar de M. Trump.
M. Jean Bizet. - C'est malheureusement exact !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Monsieur le sénateur, je vous invite à participer à nos entretiens avec l'administration américaine. Vous constaterez qu'ils sont pour le moins musclés, en particulier lorsque, en bon gaulliste, je défends la souveraineté et l'indépendance de la France.
Je vous rejoins sur la nécessité de résister aux sanctions extraterritoriales américaines. Les États-Unis n'ont pas à être le gendarme de la planète, le dollar ne doit pas être l'étalon du commerce international. Nous avons mis en place avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne un instrument spécifique qui nous permet de continuer à commercer avec l'Iran malgré les sanctions américaines. Pour autant, c'est au pied du mur qu'on verra le maçon (Sourires) ; nous verrons comment les États européens résisteront aux États-Unis. Certains ne le veulent pas vraiment...
M. Jean Louis Masson. - Nos échanges avec l'Iran ont baissé de plus de la moitié. Nous ne pouvons pas baisser les bras ! Si nous continuons comme ça, tous les échanges internationaux seront aux ordres des États-Unis !
M. Jean-François Longeot . - Un petit bout d'Europe entre nos mains, c'est ainsi que Romano Prodi qualifiait l'euro en 2002. Utilisé dans 19 États membres, l'euro souffre d'un manque d'incarnation politique. Le renforcement de l'union économique et monétaire doit être une priorité. Nous devons accepter l'idée d'une Europe en cercles concentriques dont le coeur sera la zone euro avec un marché du travail beaucoup plus intégré, une convergence sociale assumée, une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires. Il nous faut un outil budgétaire commun pour limiter les divergences économiques, une union bancaire renforcée avec un système de garantie des dépôts bancaires.
Le 16 mai, lors de la réunion de l'Eurogroupe, quelles priorités le Gouvernement mettra-t-il en avant pour relancer la zone euro, alors que le gouverneur de la Banque de France, M. Villeroy de Galhau, met en garde contre tout attentisme ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - La supervision bancaire de la zone euro doit être plus forte, ce qui vient de se passer avec la Danske Bank le prouve. Ceux qui nous font souvent des leçons de morale devraient commencer par faire respecter les règles anti-blanchiment à leurs banques... Fin 2019, toutes les décisions nécessaires qui doivent être prises - sur le renforcement de l'union bancaire, sur le marché des capitaux et sur le budget européen - devront l'avoir été ; sinon, les États membres de la zone euro n'auront pas été à la hauteur de leur responsabilité historique. Plus tard, j'espère que nous obtiendrons un instrument de stabilisation ; il est indispensable. La perspective de long terme, c'est aussi l'incarnation avec un ministre des finances de la zone euro qui sera un primus inter pares. Un tel modèle fonctionne très bien à la BCE, où Mario Draghi est un primus inter pares en face des gouverneurs des banques centrales nationales.
M. Joël Guerriau . - Avec près de 75 % du PIB de l'Union européenne, la zone euro constitue la troisième puissance économique mondiale, noyau dur de la fondation européenne. Les récentes crises ont montré sa capacité à protéger les États membres.
Achèvement de l'Union bancaire, convergence des réformes économiques nationales, renforcement et souveraineté de l'Union économique, défense du rôle international de l'euro, les défis restent nombreux. Les États les plus performants contribuent à la puissance de la zone euro mais chaque État doit veiller à sa stabilité budgétaire. La convergence est indispensable pour faire face à la Chine et aux États-Unis.
L'Italie voit sa dette augmenter sans reprise de sa croissance. Alors que la Commission européenne doit faire un point budgétaire en juin prochain, que compte faire la France pour inciter ses partenaires à tenir leurs engagements et développer le soft power de la zone euro ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je ne suis pas satisfait du niveau de croissance de la zone euro. Si l'on s'en satisfait, il ne faut pas s'étonner ensuite de voir les populismes progresser partout en Europe.
Il est temps de prendre nos responsabilités. J'ai proposé un contrat de croissance : plus de réformes pour ceux qui doivent en accomplir, c'est notre cas ; plus d'investissements pour ceux qui en ont les capacités budgétaires, comme l'Allemagne.
J'explique à nos partenaires italiens que nous sommes tous dans le même bateau. Chacun doit respecter les règles auxquelles il a librement choisi de se soumettre car, oui, il y a une souveraineté européenne. Notre cohésion, c'est notre force. Personne ne peut s'abstraire des règles qui le protègent et protègent la zone euro.
M. René Danesi . - Le dollar est la monnaie la plus utilisée au monde. Elle permet aux États-Unis de mener une politique extérieure agressive.
Le yuan chinois, selon le FMI, représente moins de 2 % des réserves de change mais sa part a doublé en 2017-2018. Cependant, il a pour ambition de venir concurrencer le dollar. Quant à l'euro, il ne remplit qu'un rôle d'intermédiaire dans les échanges internationaux, à hauteur de 36 %, contre 40 % pour le dollar. La BCE, dans son rapport de 2018, estime que le rôle de l'euro n'a jamais été aussi réduit. Sa crédibilité sa crédibilité géopolitique n'est pas à la hauteur de la puissance économique.
La France souhaite une Europe qui protège. Il faudrait pour cela un euro aussi fort que le dollar. Quelles mesures préconisez-vous ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Pas de projet politique, pas de puissance sans monnaie. L'euro doit être l'instrument de la puissance politique européenne. Pour cela, il faut une ambition : faire de l'euro une monnaie de réserve aussi forte que le dollar. Cela est possible car n'oublions pas que nous représentons un marché de 500 millions de consommateurs, c'est le plus attractif de la planète.
Les pistes ce sont la facturation en euro plutôt qu'en dollar pour les entreprises exportatrices européennes, la création d'un instrument financier avec des réserves en euro pour commercer avec les États sous sanctions américaines. Il faut y ajouter le développement du commerce en euro car n'oublions pas que la China Exim Bank a investi davantage en Afrique que la Banque mondiale au cours des deux dernières années.
Oui, l'euro doit devenir une monnaie de référence internationale.
M. Yannick Botrel . - En décembre dernier, les 27 se sont accordés sur le principe d'un budget de la zone euro éloigné de l'ambition initiale du président de la République. La France a reculé sur plusieurs points essentiels, dès la déclaration commune avec l'Allemagne, à commencer par l'abandon de la fonction de stabilisation économique. Cela aurait pourtant permis d'en faire un véritable outil de protection contre les chocs asymétriques - ainsi de l'assurance chômage européenne, qui a disparu de la proposition franco-allemande.
Réduit à une simple ligne budgétaire du budget général de l'Union européenne, ce budget risque de se résumer à un simple fonds européen. Reste-t-il une marge de manoeuvre pour faire émerger un budget qui intègre plus étroitement les pays membres de la zone euro ? La France peut-elle encore défendre le principe d'une fonction de stabilisation ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Peu savant, j'écoute ceux qui savent : le FMI, l'OCDE, le président de la BCE, tous disent que le budget de la zone euro doit avoir une fonction de stabilisation. Mais certains États membres, à commencer par les Pays-Bas, s'y opposent farouchement. Je préférerais chausser des bottes de sept lieues, mais il faut parfois faire des compromis - qui ne doivent jamais être des renoncements. Nous avons acté le principe d'un budget de la zone euro doté d'une fonction de convergence, c'est un immense progrès.
Je ne renonce pas à la fonction de stabilisation, j'y crois. Faute de solidarité, une crise systémique ferait couler un, deux, trois États. La compétition, oui, mais pas sans solidarité.
Le financement suppose des ressources propres - la taxe sur les transactions financières, voire l'affectation d'une partie de la taxe sur les géants du numérique.
Quoi qu'il en soit, la gouvernance de la zone euro doit se faire à 19. Si des États non membres de la zone euro veulent y participer, qu'ils y adhèrent !
Mme Sylvie Vermeillet . - Mario Draghi a déclaré que les perspectives de croissance de la zone euro étaient orientées à la baisse, ce qui conduit la BCE à poursuivre sa politique monétaire dite accommodante. Celle-ci a pour but de relancer l'activité - sans succès jusqu'ici - et d'éviter une augmentation brusque des déficits publics qui entraînerait une hausse de la dette publique.
La crise des dettes souveraines entre 2010 et 2012 a failli entraîner la faillite de la Grèce et l'éclatement de la zone euro. Pour l'éviter, les membres de la zone euro ont mis en place des mécanismes de stabilité, qui semblent néanmoins insuffisants au regard des enjeux. Est-ce d'ailleurs le rôle de la BCE que de veiller à éviter la faillite des États ?
La BCE ne pourra pas poursuivre sa politique accommodante indéfiniment. Comment sortir de cette situation ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Les divergences de situations économiques entre États membres de la zone euro ne sont pas tenables.
M. Jean Bizet. - Exact.
M. Bruno Le Maire, ministre. - La faiblesse de la croissance dans la zone euro n'est pas non plus tenable sur le long terme et je partage l'appréciation du président de la BCE sur l'urgence à agir. Cela suppose de poursuivre les transformations au niveau national pour gagner en compétitivité, mais aussi que la zone euro fasse preuve de plus de solidarité. C'est la contrepartie du respect des règles, avec la garantie des dépôts bancaires.
Je profite de cette occasion pour rendre hommage à Mario Draghi. En pleine crise des dettes souveraines, alors le spread entre certains États atteignait 400, 500, voire 600 points de base, il a eu le courage de se présenter devant la presse pour déclarer qu'il prendrait toutes les décisions nécessaires - dans ses propres termes, « whatever it takes ».
J'aime l'Europe lorsqu'elle a, à la tête de ses institutions, des hommes qui ont le courage et la lucidité de prendre les décisions qui s'imposent. Nous sommes aujourd'hui dans une situation analogue.
Mme Christine Lavarde . - Le 15 décembre 2018, lors du sommet de la zone euro, il a été demandé à l'Eurogroupe de proposer un instrument budgétaire spécifique. Or, selon le mandat donné aux ministres des finances, il n'est plus question d'une quelconque fonction de stabilisation. Les divergences d'appréciation semblent toujours très fortes entre États et des questions demeurent en suspens sur sa base juridique, sa gouvernance, son lien avec le semestre européen, l'origine de ses recettes et son montant.
La Commission avait proposé un programme doté de 25 milliards d'euros sur sept ans pour financer un outil d'aide à la mise en place de réformes structurelles ainsi qu'un mécanisme de convergence. Sur quelle base travaillez-vous ?
Les difficultés rencontrées par la taxe sur les services numériques ou la taxe sur les transactions financières laissent penser que le financement se fera essentiellement par des contributions budgétaires nationales. Quel sera le montant de la participation française et son impact sur nos finances publiques ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Pour trouver un accord avec l'Allemagne puis à 19, nous avons fait des compromis. Nous avons accepté de lier le budget de la zone euro et les perspectives financières de l'Union européenne, nous avons accepté qu'il s'agisse d'un instrument de convergence et non de stabilisation.
Nous ne ferons pas d'autres concessions. La gouvernance se fera à 19. La France n'acceptera pas que des États qui n'ont pas renoncé à leur souveraineté monétaire puissent y participer. (MM. Jean Bizet et André Gattolin approuvent.)
S'agissant des ressources propres, nous ne sommes pas loin d'un accord sur la taxe sur les transactions financières.
Enfin, il s'agit d'un point de départ, pas d'un point d'arrivée. Il faudra à un moment ou un autre donner une fonction de stabilisation au budget de la zone euro : je préfèrerais que ce soit tout de suite plutôt qu'en pleine crise !
M. André Gattolin. - Très bien !
M. Rachid Temal . - Terrible constat, l'Europe ne produit plus d'Européens.
Cette Union est pourtant la première de l'histoire du continent à s'être faite non par les armes mais par le choix des peuples et des États. L'euro est une de ses réussites. Mais il faut le constater, les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs.
Des États censés coopérer se livrent en réalité à une concurrence fiscale - citons, en France, la flat tax ou la suppression de l'exit tax.
Nous voulons un budget de la zone euro orienté vers le développement économique et une politique sociale digne de ce nom. Je pense à une assurance chômage, une sécurité sociale européenne, un salaire minimum européen, à l'intégration d'indicateurs sociaux dans la procédure du semestre européen... Tout le contraire de la directive sur les travailleurs détachés !
Comment comptez-vous peser dans les négociations pour faire du budget de la zone euro un outil au service de la convergence sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Bruno Le Maire, ministre. - La condition de la convergence sociale, c'est la convergence fiscale. Car elle évite le dumping fiscal, cette plaie dont il ne sortira rien de bon - ni croissance, ni emploi, ni capacité de résistance face à la Chine ou aux États-Unis.
La convergence fiscale est au coeur de l'accord - historique ! - de Meseberg. Nous avançons sur l'impôt sur les sociétés, nous rapprochons le droit des faillites français et allemand. Nous souhaitons que d'autres États membres nous suivent dans cette démarche. Pour cela, il est impératif de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée en matière fiscale. (Marques d'approbation à droite)
Quatre États ont réussi à bloquer le projet de taxe sur les activités numériques. Résultat : l'Union européenne tout entière est fragilisée ! Ayons le courage de passer à la règle de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, LaREM et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Serge Babary . - Union bancaire, renforcement de la gouvernance économique, mécanisme de sauvetage permanent, la zone euro s'est déjà réformée pour surmonter des crises. Ces réformes ont cependant eu un coût démocratique.
Le contrat que vous proposez est un premier pas mais ne remplacera pas une réforme d'envergure. L'enjeu démocratique n'est pas qu'institutionnel. L'union monétaire sans convergence des législations pose problème. L'Europe est perçue par les peuples comme celle qui entrave. Un État exigeant en matière de qualité se voit battu en brèche par la concurrence de produits de moindre qualité, émanant d'autres États de la zone euro !
Redonner confiance, c'est construire une Europe et une union monétaire intelligibles. Allons-nous créer les conditions d'un marché structuré en renforçant l'équilibre, l'équité, la concurrence loyale entre États de la zone euro par une convergence économique, fiscale et sociale ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Qui aime bien, châtie bien. Si je suis sévère avec l'Union européenne, c'est que je l'aime profondément et crois au destin français en Europe.
Oui, l'Europe ne s'est réformée qu'en situation de crise. Avec le Brexit, l'émergence des populismes, elle ne peut plus se le permettre. Il y a urgence à faire progresser la zone euro, à mettre en place un instrument efficace. Or actuellement, tout est fait au niveau institutionnel pour qu'on ne puisse pas décider. Vous qui êtes des responsables politiques chevronnés, vous savez que les formats, les quorums sont décisifs.
Autour de la table, outre les 19 ministres des finances, il y a les représentants de la Commission, de son service légal, le vice-président de la BCE, le représentant du mécanisme européen de stabilité, des États non membres de la zone euro... Cela ne peut plus durer. D'autres modalités de gouvernance seraient mille fois plus efficaces ! Il faut, parmi les 19 ministres des finances, un primus inter pares doté d'une voix décisive. Avançons, et de préférence par temps calme qu'en temps de crise...
Mme Nicole Duranton . - Le temps a passé depuis Meseberg et la déclaration d'Aix-la-Chapelle en janvier dernier qui affichaient des ambitions que les pays nordiques groupés derrière les Pays-Bas ont vidées de leur substance. Ils refusent que le budget de la zone euro joue un rôle de stabilisateur en cas de choc économique. On les comprend : comment convaincre si l'on ne démontre pas que la France peut restaurer ses comptes publics ? Ce fonds n'a pas à être une assurance pour les mauvais élèves, d'autant qu'il n'aura que peu de réserves.
La tribune publiée en mars par le président de la République dans les principaux journaux européens n'évoque pas la zone euro, ce qui suggère un renoncement au profit des questions des libertés et de la sécurité.
La tribune du président de la République intitulé « Pour une renaissance européenne » n'évoque pas une seule fois la zone euro. C'est révélateur ! L'accord entre la France et l'Allemagne ne va pas au-delà des bonnes intentions. Comment comptez-vous rassurer nos partenaires et nos concitoyens ? Quelles mesures concrètes en matière de convergence ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - La France a pris deux engagements : rétablir les finances publiques et poursuivre la transformation économique du pays. Nous les tiendrons. Indemnisation chômage, retraites, fonction publique feront l'objet de réformes structurelles dès 2019.
En matière de finances publiques, nous resterons sous la barre des 3 % de déficit et continuerons à réduire notre dette publique. Cela signifie qu'à chaque dépense nouvelle, il faut trouver des recettes équivalentes.
Les 5 milliards d'euros de baisses d'impôt sur le revenu seront financés, le président de la République l'a dit, par la transformation en profondeur de certains organismes publics - dont nous entamons la revue avec Gérald Darmanin -, la réduction de certaines niches fiscales pour les entreprises et l'augmentation de la durée du travail.
Les chambres de commerce et d'industrie bénéficient d'une taxe affectée d'un milliard d'euros ; en acceptant une réforme en profondeur, elles ont permis une économie de moitié ! Faire des économies sur les dépenses publiques est question de volonté. Avec Gérald Darmanin, nous nous y attelons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Yves Bouloux . - Vous avez dit à Reuters que l'union bancaire devait être faite dans les prochains mois et non les prochaines années.
Difficile d'y croire, d'autant que les mesures techniques évoquées sont de facto des mesures politiques...
Aujourd'hui, nous avons un fonds de résolution unique de 24,9 milliards d'euros, qui atteindra 55 milliards d'euros en 2023. Nous avons un système d'assurance des dépôts qui prendra la forme d'un mécanisme commun de coassurance, à hauteur de 45 milliards d'euros.
En face, deux types de risques : celui des prêts non performants, dont le solde, non provisionné, était de 395 milliards d'euros fin 2017, et celui d'une crise économique et financière à venir, sur laquelle les économistes nous alertent déjà. Hier, au Sénat, vous déclariez que la zone euro n'était pas armée pour faire face à une nouvelle crise économique et financière et que les instruments mis en place après 2008 étaient insuffisants.
Quelle serait l'ampleur du péril pour les finances publiques en cas de crise, et quels instruments avons-nous pour y faire face ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous avançons trop lentement, or il n'est pire que d'être pris de court par les évènements.
Nous avons le backstop du fonds de résolution unique, dont nous doublons le montant : 100 milliards d'euros seront disponibles en cas de crise financière à partir de 2024, avant si possible.
Pour assainir nos banques, il faut nous débarrasser des prêts non performants. L'accord de Meseberg a fixé un niveau cible que nous sommes en train d'atteindre.
Il faut aussi renforcer la supervision bancaire de l'ensemble des banques européennes pour éviter les défaillances - comme celle, récente, d'une banque danoise...
Enfin, je l'ai dit, nos banques sont trop petites par rapport à leurs concurrents américains : la consolidation s'impose.
M. Cyril Pellevat . - Le nouvel instrument budgétaire qui verra le jour en 2021 vise à améliorer la compétitivité et la convergence parmi les pays de la zone euro. En revanche, il n'aura pas de fonction de stabilisation en cas de crise. La convergence et la compétitivité contribueront à la stabilité, certes, mais sans fonction stabilisatrice, n'est-ce pas une occasion manquée ?
Les investissements dans l'innovation et le capital humain remplaceraient des dépenses aujourd'hui purement nationales. Je m'interroge sur la finalité et le fonctionnement de ce budget. Prendra-t-il la forme de subventions ou de prêts ? Financera-t-il des investissements publics ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Oui, le fonds pourra soutenir des investissements publics. Je ne renonce pas à la fonction stabilisatrice. Malgré une très forte opposition, la France a obtenu un budget de la zone euro et l'acceptation des aides publiques d'État, encore taboues il y a cinq ans. SpaceX n'est pas que le fruit du génie d'Elon Musk : il a profité des installations de la NASA et du soutien de l'État fédéral américain. Les États-Unis ont aujourd'hui un lanceur renouvelable quand l'Europe n'en a pas. La Chine subventionne massivement ses véhicules et ses batteries électriques. Et nous Européens serions les dindons de la farce, forts de leur croyance aveugle dans les forces du marché ?
Grâce à la persévérance française, il est aujourd'hui possible d'apporter des aides d'État à des projets innovants. Je vais bientôt annoncer, avec Peter Altmaier, la création d'une filière européenne de batteries électriques qui garantira notre indépendance vis-à-vis de la Chine ou de la Corée du Sud. C'est ainsi que l'Europe réussira, pas en s'accrochant à une idéologie dépassée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La création de l'euro a été un acte politique autant qu'économique ; bien commun de 344 millions d'Européens, l'euro a procuré des avantages économiques que l'on a trop tendance à oublier. Beaucoup lui ont prédit une fin imminente lors de la crise financière de 2008 ou de celle des dettes souveraines. Or malgré les vicissitudes, les Européens y sont attachés.
L'euro a joué son rôle de bouclier contre les crises monétaires et de stabilisation des prix et des changes. La zone euro est plus solide qu'à l'origine, mais la promesse de prospérité n'a pas été suffisamment tenue après la crise. (M. le ministre le reconnaît.) Au contraire, nos économies divergent de plus en plus...
D'aucuns dénoncent le dogme de l'austérité, ignorant que les dérives budgétaires nationales sont à l'origine des difficultés.
Nous prônons des politiques non pas rigoristes mais équilibrées, même si nos analyses sur les réformes structurelles à mener divergent. L'idée du président de la République d'une mutualisation des risques budgétaires via un budget de la zone euro suffisamment important pour assurer une fonction de stabilisation macroéconomique ne manque pas de fondement théorique mais elle est politiquement irréaliste, tant les crises ont miné la confiance entre États membres. La France n'est pas crédible pour défendre cette idée, elle qui a équilibré son budget pour la dernière fois en 1974.
C'est par les réformes que nous pourrons améliorer la situation économique structurelle de la zone euro, tant en termes de résilience que de convergence. Les accords de Meseberg, oui ; la majorité qualifiée, trois fois oui ; mais les résultats se font attendre. L'union des marchés de capitaux est essentielle pour absorber les chocs en nous dispensant d'un fonds de stabilisation. Comme l'a dit François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, une union de financement qui rétablirait la circulation des capitaux dans la zone euro est essentielle pour financer les investissements et soutenir la croissance. Pour l'intelligence artificielle comme la digitalisation de l'économie, il y a d'énormes progrès à faire.
Mme la présidente. - Il faut conclure...
M. Jean Bizet. - L'euro doit être davantage utilisé dans les échanges commerciaux internationaux, car sa part y est de moins de 30 %, contre 40 % avant 2008. C'est indispensable pour faire face à l'extraterritorialité des lois américaines, sur fond de fragilité de l'OMC. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)
M. Bruno Le Maire, ministre. - Très bien.
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 45.