SÉANCE
du jeudi 4 avril 2019
79e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Victorin Lurel, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres mais aussi celui du temps de parole.
Sommet France-Océanie
M. Robert Laufoaulu . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC) Cinquième d'une série initiée par Jacques Chirac en 2003, ce sommet permet de renforcer la présence française dans l'axe indo-pacifique, selon les termes du président de la République dans ses discours de Sidney et de Nouméa en mai 2018. Mais le sommet aura-t-il bien lieu cette année ? À quelle date ? Nous n'en savons rien, pas plus que sur la présence du président de la République, qui est indispensable, au moins d'un point de vue symbolique.
Le quatrième sommet s'est tenu à Paris avant la COP21. Le réchauffement climatique, qui pourrait faire disparaître un grand nombre d'États, en fut le thème principal. Le cinquième sommet pourrait être l'occasion de dresser un bilan de la COP21 et de mobiliser la communauté internationale sur la biodiversité et les aires marines protégées. Notre pays a un rôle à jouer en Océanie où le désir de France est patent. Il sera le seul pays européen présent après le Brexit, pour défendre les valeurs de la démocratie, de la paix et de la lutte contre les tentations hégémoniques. Le cinquième sommet permettra-t-il d'expliquer la stratégie indo-pacifique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et RDSE)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La France est un pays monde, d'où la stratégie indo-pacifique établie et assumée par le président de la République.
Un dialogue se tient déjà avec les chefs d'États et de gouvernements de la région.
Le cinquième sommet se tiendra soit dans les tout derniers mois de 2019 soit dans les tout premiers de 2020. Nous avons 1,5 million de Français dans la zone et avons noué des partenariats stratégiques, comme en Australie.
Des ministres, comme Frédérique Vidal, se sont rendus dans la zone.
Il faut travailler sur l'économie verte et bleue, sur la liberté de navigation, mais aussi sur les sujets stratégiques. Soyez assuré de la détermination du président de la République et du Gouvernement à porter une politique ambitieuse pour l'Indo-Pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Drame dans un Ehpad (I)
Mme Brigitte Micouleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre des Solidarités et de la Santé, la Haute-Garonne et la ville de Lherm se sont réveillées lundi matin en état de choc, après le décès de cinq pensionnaires d'un Ehpad et l'hospitalisation d'une quinzaine d'autres. Je ne reviendrai pas sur les dysfonctionnements, qui relèvent de la justice.
Vous avez insisté sur la nécessité de comprendre les causes de cet événement, madame la ministre. Je les avais identifiées dans une question orale du 12 février dernier : le manque cruel d'effectifs, l'épuisement du personnel, l'absence de revalorisation des métiers du grand âge, le manque de moyens. L'humain n'est plus au coeur de notre mission d'accompagnement des personnes âgées, hélas.
Le rapport Libault sur le grand âge et l'autonomie fait des propositions. Quand seront-elles mises en oeuvre ? Avec quels financements ? Il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Nous sommes tous sensibles à ce drame, survenu dans la nuit de dimanche à lundi. Je me suis rendue mardi dans votre département, madame la sénatrice, pour rencontrer les familles et le personnel, très choqué, très engagé auprès des familles. Une instruction est en cours ; nous en tirerons toutes les conséquences, quand les résultats seront connus, pour assurer une chaîne alimentaire de grande qualité.
Des recommandations ont été formulées par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2018 ; nous verrons si elles ont été bien suivies.
Vous soulevez plus largement le problème de la prise en charge du grand âge. Il y a effectivement urgence à agir. Nous réfléchissons aux conclusions du rapport Libault, qui m'a été rendu le 28 mars et contient 275 propositions. Déjà, un groupe de travail est constitué sur l'attractivité des métiers. Nous travaillons avec toutes les parties prenantes, afin de remettre au Parlement un projet de loi avant la fin de l'année. Je m'y suis engagée devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs au centre et à droite)
Mme Brigitte Micouleau. - Nous y serons attentifs. Nos aînés méritent mieux qu'un abandon de la solidarité nationale, et qu'un désengagement de l'État.
Crise sanitaire forestière
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Contrairement à ce qu'on pense, les forêts ne sont pas immuables, mais vulnérables et requièrent toute notre attention. Elles sont le fruit du travail des générations passées. Nous exploitons, mais nous ne plantons plus suffisamment - 80 millions d'arbres en France, contre 300 millions en Allemagne, 1 milliard en Pologne - d'où les crises d'approvisionnement en bois de chêne ou les importations de résineux.
Fragilisées par des déficits hydriques, nos forêts sont aussi attaquées par les parasites. Toute l'Europe est touchée. Les marchés sont engorgés et nos entreprises déstabilisées. La crise sanitaire concerne 30 % de la récolte annuelle de résineux dans les régions Bourgogne Franche-Comté et Grand Est. Les pertes économiques atteignent 71 millions d'euros dans ces deux régions. Et que dire de l'impact environnemental des incendies ou des coupes rases ?
Monsieur le ministre, nous attendons un plan transport longue distance, afin d'évacuer rapidement les bois scolytés, avant que ce parasite ne ruine toutes les parcelles, c'est-à-dire maintenant, et un accompagnement pour le reboisement adapté des milliers d'hectares rasés. Qu'avez-vous prévu, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Nous partageons votre analyse sur l'importance de la filière bois et forêt dans notre pays, que nous devons valoriser davantage. Concernant la dissémination des insectes lors du transport des bois scolytés, le risque reste faible. Cette menace crée néanmoins une inquiétude dans la filière. L'intensité des dommages infligés par les scolytes est largement tributaire des conditions climatiques.
Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a financé un état des lieux complet par télédétection sur les forêts des deux régions que vous avez citées, avec pour but d'accélérer la dynamique de récolte des bois attaqués, afin d'enrayer la propagation des scolytes.
Une prochaine mise à jour de la cartographie permettra de déterminer les zones d'épicéas à traiter et d'étudier les mesures complémentaires.
L'État sera aux côtés des forestiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Stratégie nationale de l'autisme
M. Bernard Buis . - Le 2 avril se tenait la Journée mondiale de l'autisme. On estime que 700 000 personnes, dont 100 000 enfants, vivent avec le spectre de l'autisme en France. Pendant longtemps, ce trouble a été mal diagnostiqué donc mal pris en charge. Nous connaissons tous des familles démunies face aux difficultés. Je vous livre le cas d'Eva, Asperger : longtemps mal diagnostiquée, elle a vécu, selon ses propres mots, des « relations sociales d'enfer ». Et après un parcours chaotique, elle a intégré fin 2018, grâce à sa prise en charge, une école de management, à Grenoble.
Il est temps de mieux prendre en charge les enfants autistes dans le cadre de la scolarité. C'est un des axes de la prochaine loi pour une école de la confiance. Un an après le lancement de la stratégie nationale pour l'autisme, pour les années 2018 à 2022, pouvez-vous nous éclairer sur les avancées en matière de scolarisation, mais aussi de diagnostic et d'intervention précoces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Oui, un point d'étape est nécessaire, après les cinq engagements souscrits l'an dernier, pour un total de 344 millions d'euros, portés par une conviction, celle de mobiliser la science et la recherche, et un objectif : faciliter le parcours de vie des personnes avec autisme et leur famille.
Nous engageons une action résolue pour faciliter le repérage et le diagnostic précoce de l'autisme. Ce poste bénéficiera de 90 millions d'euros d'ici à 2022. J'ai échangé avec une maman : sa fille, mutique jusqu'à 2 ans, a pu être prise en charge et intégrer une école maternelle au bout d'un an. C'est tout l'enjeu de l'école inclusive sur lequel nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer, dès les petites classes : plus 180 classes en maternelle, 40 en élémentaire. Il faut aussi développer le diagnostic des adultes et les parcours inclusifs vers l'emploi et le logement. Mais les familles attendent davantage. Il faut agir. Nous avons une responsabilité collective à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Fabienne Keller applaudit aussi.)
Décentralisation
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) En juillet 2017, lors de la première conférence des territoires au Sénat, le président de la République a déclaré qu'il fallait « renforcer la déconcentration pour adapter les politiques de l'État aux territoires ». M. Darmanin, le 21 mars dernier, a dit vouloir, pour sa part, « mobiliser davantage de fonctionnaires au plus près du terrain ». Nous ne pouvons que l'appuyer : la dématérialisation n'est pas la seule solution. Il est temps que nos concitoyens, comme leurs représentants élus, puissent apprécier les effets concrets de la déconcentration.
En effet, que constatons-nous ? Sur le terrain, les fonds européens ne sont pas toujours consommés, l'ingénierie faisant défaut ; les cabinets de conseils privés sont souvent sollicités dans la quête tortueuse aux subventions pour éviter les contentieux, car les préfectures ne jouent plus leur rôle. Combien d'élus clament un besoin d'accompagnement ? Comment redonner du lustre à la présence de l'État dans les territoires ? Comment redonner du souffle à l'action locale ?
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Vous avez raison, il faut plus de déconcentration. En effet, le numérique ne peut pas tout, il aggrave même les inégalités territoriales. Le Gouvernement, sous l'égide du Premier ministre, a lancé un plan ambitieux de renforcement des infrastructures et de développement des usages.
Je vous rejoins également sur le rôle d'accompagnement de l'État ; j'y suis aussi très attaché. Cela implique moins de normes, et l'appui par les services de l'État, des collectivités territoriales - ce sera le rôle de l'Agence de cohésion des territoires, notamment en matière d'ingénierie.
Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères se bat depuis des mois pour éviter la sous-consommation des fonds européens, effectivement réelle et dommageable. Nous travaillons à mieux exploiter les potentialités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Projet de loi pour une école de confiance
Mme Céline Brulin . - La colère des Français grandit à mesure qu'ils découvrent votre projet de loi pour l'école. Les nombreuses actions organisées en ce moment même en témoignent.
Ce qui cristallise les mécontentements, la création des « établissements publics des savoirs fondamentaux », regroupement école-collège...
M. Martial Bourquin. - C'est n'importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin. - ... où les directeurs disparaîtraient derrière des chefs d'établissement et des adjoints surtout soucieux de développer des établissements « XXL » est inacceptable...
M. Martial Bourquin. - Oui ! C'est vraiment n'importe quoi ! (On renchérit sur quelques bancs du groupe SOCR, tandis que l'on proteste derechef sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Céline Brulin. - Au prétexte d'un vague intérêt pédagogique, vous voulez rationaliser, mutualiser, avec des conséquences graves, car cela porterait le coup de grâce aux écoles rurales. Les fermetures de classes injustifiées ne suffisent-elles plus ? Faut-il encore que vous passiez à la vitesse supérieure ? Êtes-vous sourd pour ne pas entendre ? Renoncerez-vous à ces établissements publics des savoirs fondamentaux qui n'ont fait l'objet d'aucune concertation, ni avec la communauté éducative, ni avec les associations de maires, pourtant concernés au premier chef ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Mme Maryvonne Blondin. - Très bien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Votre question me donne l'occasion de rassurer...
Mme Céline Brulin. - Ce n'est pas gagné ! (On en convient sur la plupart des bancs CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR, tandis qu'on invite à écouter le ministre sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - ... et de clarifier, car elle comporte beaucoup d'inexactitudes. Les chiffres viennent de tomber : pour le premier et second degré, 7,8 % du personnel en moyenne s'est mobilisé et 14,8 % pour le premier degré, soit dix points de moins que la grève du 25 mars dernier.
Les établissements sur lesquels vous m'interrogez ne constituent qu'un point de la loi qui contient par ailleurs des avancées sociales que vous réclamiez de longue date, telle l'instruction obligatoire dès 3 ans. Votre parti défendait également, au moins après-guerre, la liaison plus étroite entre école et collège, mais passons.
Nous cherchons surtout à créer une école où le collège et le lycée seront mieux liés. Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont une option seulement.
Je m'étonne qu'on me reproche de jouer le jeu parlementaire. Nous avons pris des amendements à l'Assemblée nationale et en prendrons certainement ici aussi, nous améliorerons certainement ce texte.
Ce projet, loin de les affaiblir, a précisément pour but de renforcer les écoles rurales et le rôle des directeurs des écoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin. - Votre appel à la mobilisation sera entendu...
M. Martial Bourquin. - C'est sûr ! (Marques d'approbation sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; protestations sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin. - Nous verrons bien quel sera le fruit du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Morts dans la rue
M. Yannick Vaugrenard . - Madame Buzyn, le 2 avril, un hommage a été rendu, à Paris, aux morts de la rue : 566 en 2018, 511 l'an passé. Ils avaient en moyenne 44 ans, mais certains étaient mineurs, dont cinq de moins de 5 ans. Ils sont morts dans des abris de fortune, parfois des lieux de soins ou dans des structures d'hébergement. Quelle réalité dans la France, pays des droits de l'Homme, ou « plutôt la France de la Déclaration des droits de l'Homme », comme le précisait avec raison M. Badinter. La responsabilité est collective. Le plus grand scandale serait qu'on s'habitue à ce scandale. Le plan d'extrême urgence est indispensable. Le Sénat peut avoir l'ambition d'être le porte-parole des sans voix. Je salue le travail remarquable des associations caritatives et humanitaires, qui évitent à notre pays un raz-de-marée de la misère.
Victor Hugo écrivait que « l'homme est fait non pas pour traîner des chaînes mais pour ouvrir des ailes ». Brisons les chaînes de l'indifférence au nom de ces 566 sans-abris qui nous ont quittés ! (Applaudissements nourris sur tous les bancs)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Je salue vos propos. La rue tue, en été comme en hiver - et parfois davantage l'été. La situation de notre pays est telle, il faut le constater, que des milliers de personnes dorment dans la rue (On se félicite à gauche que le ministre le reconnaisse.), y compris des femmes et des enfants. Nous agissons avec fermeté et détermination. Depuis mai 2017, nous avons ouvert plus de 15 000 places supplémentaires d'hébergement d'urgence - et mon ministère gère, en nombre de places, l'équivalent d'une ville comme Le Mans ou Brest. Grâce à notre action, quelque 70 000 personnes supplémentaires ont pu trouver un refuge. Mais cela ne suffit pas. Il faut sortir de la misère, notamment par la politique du logement.
Victor Hugo disait : « L'idée de Nation se dissout dans l'idée d'humanité ». Nous continuerons à agir avec force, humilité et détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
Réforme de la taxe d'habitation
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) D'ici la fin du quinquennat, plus personne ne paiera la taxe d'habitation sans augmentation d'impôt, a martelé le président de la République. Depuis cette annonce, non concertée, les élus attendent vos propositions, le dégrèvement étant pour l'heure financé par du déficit et donc de la dette.
En octobre, on balançait son maire avec mépris ; ils sont aujourd'hui un rempart démocratique. Alors qu'ils votent leurs budgets et que les élections approchent, les élus ont besoin de lisibilité, de stabilité et de confiance pour mener leurs projets.
La fronde sociale des gilets jaunes a conduit le Gouvernement à débloquer 10 milliards d'euros pour des mesures d'urgence et on sait ce qu'il advint de la fiscalité écologique qui devait participer au financement des dégrèvements.
À l'Assemblée nationale, le ministre de l'Action et des Comptes publics a confirmé la suppression de la taxe d'habitation pour les résidences principales, mais quid des logements vacants et des bases locatives ? Il a annoncé que la taxe sera compensée à 100 % mais sans dire comment : par dégrèvement, remplacement, compensation ? C'est flou ; la réforme interviendrait « sans doute » dans la prochaine loi de finances... Quant au coût des dégrèvements, il devrait s'élever à 20 milliards d'euros dès l'an prochain.
Comment ferez-vous ? « On ne redressera pas notre pays sans les élus et les territoires », comme l'a dit le président Larcher. Ne l'oubliez pas !
Monsieur le ministre, comment allez-vous financer cette réforme dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Cette réforme a été annoncée par le candidat Macron, et nous la mettons en oeuvre. Nous rendons ainsi du pouvoir d'achat à de nombreux Français.
Nous supprimerons la taxe d'habitation d'ici à 2022 pour toute résidence principale - non les résidences secondaires -, suppression qui sera compensée intégralement aux collectivités territoriales, nous l'avons toujours dit.
Quant au calendrier de la réforme, la concertation sera rouverte prochainement avec les élus et les parlementaires - les positions sont pour le moins diverses sur les voies de lé réforme. L'idéal semblait un projet de loi de finances rectificative avant l'été. Il paraît plus raisonnable de viser la loi de finances pour 2020. Nous veillerons à donner à toutes les collectivités territoriales des ressources justes, et pérennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Primas. - Chiche !
Affectation des fonctionnaires ultramarins
Mme Nassimah Dindar . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) En 2018, j'alertais par courrier le ministre de l'Intérieur au sujet de la prise en compte des centres d'intérêt matériels et moraux (CIMM) dans l'application des règles de mutation dans la police nationale.
Le Conseil d'État a été plus prompt à m'apporter une réponse. Dans un arrêt du 18 mars dernier, il a donné raison à un fonctionnaire contestant la circulaire relative aux mutations estimant que les CIMM devaient être pris en compte.
Beaucoup de fonctionnaires ultramarins de la police nationale, de l'administration pénitentiaire comme de l'Éducation nationale, considèrent ainsi que leur demande de mutation a été injustement refusée. Prendrez-vous en compte leurs demandes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Les fonctionnaires d'origine ultramarine bénéficient d'une priorité dès lors qu'ils justifient d'un CIMM. Cette disposition n'est de niveau législatif que depuis la loi Égalité réelle outre-mer du 28 février 2017 et s'applique à tous les fonctionnaires ultramarins, dans tous les secteurs.
Une évaluation du dispositif a été réalisée en 2018 : 11 % du volume total des demandes de mutation font valoir un CIMM ; 25 % des mutations en outre-mer ont été réalisées en respect de cette priorité légale et 75 %, soit pas moins de 734 dossiers sur 971, ont été acceptées à ce titre.
Dans son arrêt du 18 mars dernier, le Conseil d'État confirme que la prise en compte des CIMM est d'application immédiate et qu'elle vaut pour tous les fonctionnaires d'origine ultramarine.
Nous veillerons à ce que l'application de cette disposition soit parfaitement respectée. Nous travaillons aussi à adapter les politiques de recrutement aux besoins des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Nassimah Dindar. - La Loi Égalité réelle outre-mer date de 2017. Les fonctionnaires qui ont exercé un certain nombre d'années sur le territoire national souhaitent rester dans les territoires d'outre-mer. Entendez-les tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
Drame dans un Ehpad (II)
M. Guillaume Arnell . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Madame Buzyn, je regrette de devoir aborder à mon tour le sujet de la sécurité sanitaire dans les Ehpad, mais le drame qui vient de se dérouler à l'établissement de la Chêneraie, près de Toulouse, ne peut nous laisser insensibles. Vous êtes à la tête d'un grand ministère, et parmi vos nombreuses responsabilités, figure la protection des publics vulnérables : vous vous acquittez de cette mission avec courage et conviction, mais nous sommes inquiets. Où en sont les investigations ? Il semblerait que les pensionnaires soient décédés par étouffement consécutif aux vomissements. Qu'allez-vous faire pour garantir la sécurité sanitaire des personnes en Ehpad ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Il faut tirer les leçons de ce drame. Nous proposerons, plus largement, de traduire en loi, fin 2019, un plan en faveur du grand âge.
Je ne puis à ce jour évoquer l'instruction en cours. La Haute Autorité de santé a déjà publié des recommandations pour la sécurité alimentaire.
Les cuisines de l'Ehpad où s'est déroulé le drame avaient été contrôlées le 19 février dernier sans qu'aucun dysfonctionnement ne soit constaté - ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu'il n'y en ait pas eu le jour du drame.
Il faut travailler sur la prise en charge des personnes âgées, notamment sur la formation du personnel et sur la bientraitance. Nous devons rassurer les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Guillaume Arnell. - Le risque zéro n'existe pas, mais il faut éviter de tels drames.
Déserts médicaux
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La France réalise des efforts importants pour assurer une formation d'excellence en matière médicale, qui est publique, donc gratuite. Le coût de ce cursus avoisine 150 000 euros par étudiant. L'État et les collectivités investissent ensuite massivement pour inciter les médecins à s'installer dans les territoires qui en ont le plus besoin. Cependant, je n'ai jamais obtenu de réponse à mes demandes de précisions sur les dispositifs d'aide à l'installation des médecins.
Comment expliquer aux Français et aux élus locaux que nous n'arrivions pas à doter tous les territoires de suffisamment de médecins, malgré les moyens publics investis ?
Comment comprendre que le service de cardiologie de l'hôpital public de Brest ait fermé alors que la clinique voisine voit ses consultations en cardiologie prospérer ? Allez-vous faire la lumière sur le coût de la lutte contre les déserts médicaux et passerez-vous enfin à des mesures plus coercitives, ainsi que le déconventionnement des médecins s'installant en zone dense ? (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Les incitations financières à l'installation, proposées lors des quinquennats précédents, peuvent avoir des effets d'aubaine - c'est pourquoi j'en ai demandé une évaluation précise. L'aide financière à l'installation n'est pas ma politique, qu'incarne le plan Santé 2022 où nous visons plutôt à donner envie aux médecins de s'installer, en favorisant l'exercice pluri-professionnel, la délégation de tâches entre professionnels de santé, la récupération de temps médical grâce à l'intervention d'assistants médicaux, les consultations itinérantes - et où nous redonnons de la place aux médecins généralistes dans les hôpitaux de proximité.
La coercition est réclamée par certains d'entre vous. Mais la démographie médicale est à ce point déprimée que la coercition conduirait à une médecine à deux vitesses. Privilégions les incitations pour que les médecins diversifient leurs activités. Du reste, il n'existe plus de zones sur-denses en France. Enfin, la coercition n'a jamais fonctionné dans d'autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Jean-Luc Fichet. - Les mesures que vous prenez existent depuis très longtemps, et les déserts médicaux s'étendent !
Le cursus universitaire devrait faire une place aux stages chez les médecins libéraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Avenir des missions locales
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les missions locales font partie du service de l'emploi pour les jeunes de 16 à 25 ans. Logique de bassin, fusion, baisse des financements sans concertation avec le réseau local, les missions locales souffrent alors qu'elles ont mobilisé plus d'un million de situations professionnelles au profit des jeunes, dont 544 000 contrats de travail, 40 000 contrats en alternance et 16 000 retours en formation.
Les missions locales doivent leur réussite à une expertise du territoire et à son contexte économique. Faute de lisibilité sur leur avenir, elles sont inquiètes. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Consoliderez-vous ces structures - et comment ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Mme Pénicaud l'a répété. Il n'est pas question de fusionner les missions locales avec Pôle Emploi. Cependant un chantier important porte sur les systèmes d'information pour rapprocher les deux structures. Les missions locales sont financées à moitié par l'État, à moitié par les collectivités. Nous souhaitons qu'une partie de la subvention soit liée aux résultats.
Les missions locales doivent davantage orienter les jeunes. Au Havre notamment, (M. André Gattolin applaudit.) un travail important est mené en ce sens. Je salue le travail de Mme Canayer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Une meilleure synergie, voilà ce que nous voulons pour les missions locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Marta de Cidrac. - Merci pour votre tentative de réponse qui est restée... théorique ! Venez donc dans les territoires voir ce que sont les missions locales, à savoir de petites structures fragiles. Soutenez-les ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
General Electric
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Depuis 140 ans, Belfort forge une belle aventure industrielle, avec les centrales nucléaires et le TGV. Mais le site de General Electric est en danger. Lors du rachat de la branche énergie d'Alstom, General Electric, avec le soutien d'Emmanuel Macron, alors ministre, s'était engagé à créer 1 000 emplois. Depuis, plus de 200 postes ont été supprimés et 1 000 seraient menacés, après, probablement, les élections européennes. Pourtant, les possibilités de diversification existent : turbines EDF, moteur d'avions, Institut national de stockage d'hydrogène...
Que ferez-vous pour redresser le territoire de Belfort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - General Electric/Alstom a toute l'attention du Gouvernement. Un comité de suivi des engagements pris par General Electric s'est réuni le 7 février. Entre 2015 et 2018, 1 milliard d'euros a été investi et 1 000 personnes devaient être recrutées. Si General Electric n'a pas réussi à tenir ses engagements, avec seulement 25 emplois en plus au 31 décembre 2018, c'est qu'il y avait eu un pic haut de 425 emplois en 2017. L'entreprise suit son modèle économique. Un fonds, abondé par General Electric à hauteur de 50 millions d'euros, servira au financement des projets industriels que vous évoquez. Le Gouvernement est prêt à accompagner General Electric dans le développement de nouvelles activités fondées sur des énergies non fossiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. le président. - Les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 11 avril 2019.
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 16 h 20.