Convention fiscale avec le Grand-Duché de Luxembourg
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.
Discussion générale
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Avec 125 conventions fiscales, la France a le réseau le plus vaste du monde après le Royaume-Uni ; elles couvrent 97 % de nos importations et 98 % de nos exportations.
Ces conventions préviennent la double imposition et offrent la sécurité juridique aux personnes physiques et morales - facilitant ainsi le développement des investissements. Elles doivent être mises à jour régulièrement.
C'est le cas pour cette convention du 1er avril 1958, qui doit être modifiée pour la cinquième fois, après deux ans de négociations. En 2006 et 2014, la France avait demandé des modifications relatives à l'évasion fiscale.
Le Luxembourg est un partenaire important avec 3,8 milliards d'euros d'échanges l'an passé.
La France doit se doter d'outils pour faire échec aux pratiques abusives d'optimisation fiscale. Il s'agit cette fois-ci d'adopter la convention fiscale aux bonnes pratiques déterminées par le Base erosion and product shifting (BEPS) de l'OCDE.
La convention multilatérale de l'OCDE signée le 20 mars 2018 prévoit une clause anti-abus générale contre les montages ayant un objectif principalement fiscal (clause dite « Principal Purpose Test ») et précise, dans son préambule, qu'elle vise à éliminer la double imposition sans créer de possibilité de non-imposition. C'est une avancée importante. L'imposition des bénéfices sera mieux répartie entre la France et le Luxembourg, en s'opposant à des montages artificiels. Le Luxembourg a accepté de reprendre l'ensemble des options prises par la France dans le cadre de cette convention. C'est une concession.
Le texte vise donc à éliminer la double non-imposition, il intègre les normes les plus récentes de l'OCDE pour mieux lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, en particulier grâce à l'échange d'information. Il définit plus précisément la résidence fiscale conforme à la pratique conventionnelle française pour éviter la double imposition. Il inclut également une définition de l'établissement stable, conforme au BEPS. Un prélèvement à la source sera fait en France sur des redevances aujourd'hui exclusivement imposables au Luxembourg.
Ces nouvelles dispositions permettront d'imposer dans chaque État les gains en capital réalisés par des personnes physiques qui résultent de la cession d'une participation substantielle du capital d'une société établie sur son territoire. Ainsi, le propriétaire de participations supérieures à 15 % dans une entreprise française qui viendrait à quitter la France pour s'installer au Luxembourg serait toujours imposable en France de la cession de ces titres jusqu'à cinq années après son départ, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
L'accord tient compte de la situation des travailleurs frontaliers. Un dispositif sur le télétravail est aussi prévu. Les échanges économiques français et les investissements entre France et Luxembourg seront dynamisés tout en renforçant la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.
M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances . - Les exécutifs des deux pays ont signé cette convention le 20 mars dernier. La Représentation nationale doit la ratifier. Certes son pouvoir est limité : nous ne pourrons amender mais seulement l'adopter ou la repousser - nous l'avons fait pour la convention avec le Panama, et la suite nous a donné raison...
Mme Nathalie Goulet. - Merci, Nicole Bricq !
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Les Français sont 120 000 à être salariés au Luxembourg - l'enjeu pour les transfrontaliers est très important. L'affaire LuxLeaks a défrayé la chronique. Le Luxembourg est un partenaire majeur, mais aussi un pays qui pratique une politique fiscale compétitive... ou agressive. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Cela change certes...
Le travail de l'OCDE doit être salué, ses modèles de convention visent à sécuriser les échanges et la garantie des bases imposables.
Une comparaison avec les standards est un bon outil pour juger de l'efficacité d'une convention.
Cette convention de 1958 avait fait l'objet de nombreux avenants, mais tous très ciblés. Elle est aujourd'hui refondue à partir de la convention multilatérale issue des travaux de l'OCDE, qui n'entrera en vigueur en France qu'au 1er janvier - et un peu plus tard au Luxembourg, puisqu'il ne l'a pas encore ratifié. Mais, bonne articulation entre libéralisme et multilatéralisme, elle en reprend toutes les options. Le Luxembourg, d'abord prudent, n'y avait pas souscrit, mais il a accepté toutes celles que la France avait demandées pour elle-même - à l'exception de l'imposition des retraités, qui resteront donc imposés au Luxembourg.
C'est donc un succès, permis par le changement d'attitude du Luxembourg - longtemps connu pour sa politique fiscale « compétitive », voire « agressive », le Grand-Duché a accepté l'accord sur les échanges automatiques d'informations, ce qui a fait passer sa notation par le forum pour la transparence financière de l'OCDE de « non conforme » à « conforme », au même rang, donc, que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou l'Italie. Il y a des marges de progression, mais les choses ont changé.
La nouvelle convention reprend la définition de résidence fiscale de l'OCDE.
Elle comprend un dispositif général anti-abus, reprend la définition d'établissement stable visant à éviter les montages des intermédiaires dont l'objectif est de diminuer la base fiscale ; elle remédie à l'évasion fiscale due à la faible imposition aux redevances au Luxembourg.
Enfin, elle simplifie l'imposition des transfrontaliers qui télétravaillent jusqu'à trente jours par an. C'est un progrès, même si certains voudraient aller plus loin. (M. Jean-Marie Mizzon confirme.)
Cette convention pourrait être posée comme modèle pour les conventions avec la Suisse ou les Pays Bas.
Elle ne change pas la politique fiscale du Luxembourg ; mais elle évite les doubles impositions ou les doubles non-impositions.
La lutte contre les politiques fiscales agressives, qui relève de l'Union européenne, progresse trop lentement. Deux projets de directives - qui ont fait l'objet de résolutions du Sénat - sont en chantier, l'une sur l'harmonisation des bases d'imposition de l'impôt sur les sociétés, l'autre sur la taxation des services numériques. Madame la ministre, où en sont-elles, sachant que le Gouvernement a parlé de taxation des GAFA ?
Je vous recommande d'adopter le projet de loi ratifiant la convention. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Les Indépendants et UC)
Mme Véronique Guillotin . - Ce texte rend la relation entre nos pays conforme aux standards de l'OCDE. Il permet d'éviter doubles impositions et doubles non-impositions, et donne un cadre au télétravail - sur lequel nous devons aller plus loin.
Il y a 90 000 travailleurs frontaliers français au Luxembourg. C'est énorme en comparaison avec les 600 000 habitants de ce pays. La convention de 1958 a déjà fait l'objet de quatre avenants. Cette mise à jour était indispensable pour tenir compte des évolutions de l'économie, n'en déplaise aux Cassandre de gauche...
M. Jean-François Husson. - Très bien !
Mme Véronique Guillotin. - Comment ne pas parler de l'impact de cette convention sur la vie quotidienne des Français ?
Cette convention a cependant un angle mort : les travailleurs frontaliers résidant en France, qui doivent faire une déclaration au fisc français, tout en étant prélevés à la source au Luxembourg. Ils seront imposés selon le système le moins avantageux - et s'en trouveront désavantagés par rapport à leurs collègues belges et allemands. Il faudrait mesurer davantage cet impact.
Être voisins du Luxembourg est une chance pour les 90 000 transfrontaliers français, dont 12 000 voyageurs prennent la ligne TER Nancy-Luxembourg quotidiennement.
Chaque jour, 31 frontaliers de plus franchissent la frontière. Mais les enjeux dépassent largement la question de la mobilité : la convention ne règle pas la question du différentiel fiscal qui devra être traitée par le droit européen.
L'élan et la coopération transfrontalière, résultant de la visite d'État de mars dernier, doivent être entretenus pour aller vers la co-construction d'un espace transfrontalier dynamique et équilibré qui contribuera à mener les projets d'une Europe qui facilite la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Colette Mélot . - Le Luxembourg suscite bien des fantasmes injustifiés. Au coeur du scandale avec les LuxLeaks, il a été classé jusqu'en 2015 parmi les mauvais élèves de l'OCDE en matière fiscale. Le forum mondial sur la transparence de l'OCDE dénonçait alors des pratiques non conformes aux standards internationaux. Depuis, le Luxembourg a changé, car le monde a changé. Il a adopté la nouvelle norme de l'OCDE sur l'échange automatique des données.
Cette convention reprend le dispositif de la convention multilatérale de l'OCDE pour mieux lutter contre l'évasion fiscale. Il était nécessaire de revoir la convention de 1958.
Le texte comprend une clause anti-abus, une définition plus précise de la résidence fiscale ou de l'établissement stable. Il fallait aussi traiter la question des transfrontaliers. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera ce texte.
Toutefois, cette convention ne supprimera pas la concurrence fiscale. L'Europe doit avancer. Nous soutenons les projets français d'assiette consolidée pour l'IS des sociétés, ou d'imposition des GAFA.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Colette Mélot. - L'Europe est parvenue à s'harmoniser pour la TVA, il faut parvenir au même résultat pour les impôts directs. C'est un principe d'égalité fiscale et d'égalité entre Européens, et un enjeu central des prochaines échéances européennes. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Longtemps, le système fiscal du Luxembourg a été opaque, au point que le Grand-Duché apparaissait comme un paradis fiscal au sein de l'Union européenne. Avec 600 000 habitants, ce pays est la première place financière de la zone euro et la première place pour les fonds d'investissement. Le scandale LuxLeaks a mis en évidence les pratiques d'évasion fiscale. Cela ne pouvait plus durer. Cette convention applique la convention multilatérale de l'OCDE, signée le 27 juin dernier.
Les Français qui travaillent au Luxembourg seront soumis à l'impôt au Luxembourg s'ils télétravaillent moins de trente jours en France. Ils sont 180 000 aujourd'hui. Le nombre de transfrontaliers ne cesse d'augmenter : ils sont passés de 33 000 en 1990 à 84 000 en 2000 puis 190 000 cette année ; dans le même temps, le nombre d'emplois au Luxembourg est passé de 168 000 à 420 000, grâce à un taux de croissance annuel oscillant entre 2 % et 6 %. Pas moins de 80 % des travailleurs au Luxembourg sont étrangers et les besoins du Luxembourg sont énormes : le Luxembourg aurait besoin de 130 000 frontaliers de plus en 2035. Ces dernières années, le Luxembourg a créé 100 000 emplois pour 600 000 habitants tandis que les régions frontalières ont créé 8 000 emplois pour un million d'habitants - et que le nord-lorrain, lui, perdait même 5 000 emplois pour 400 000 habitants.
C'est dire l'importance d'une convention fiscale avec le Luxembourg, en particulier pour la Lorraine. La France est son deuxième client, et le Luxembourg est le premier investisseur étranger en France.
Le « Grand Luxembourg » devrait être une priorité, à l'image du Grand Paris. Ce traité est une première pierre. Le groupe Les Républicains votera le texte. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Georges Patient . - Le Luxembourg est un des premiers pays à avoir conclu une convention fiscale avec la France, en 1958. Cette convention constitue une mise à jour majeure pour régler la contradiction entre une économie qui facilite la mobilité des marchandises et des capitaux, et des États dont les bases fiscales sont locales.
La convention BEPS de l'OCDE vise à limiter l'érosion des bases fiscales. La nouvelle convention avec le Luxembourg s'en inspire. Elle inclut ainsi une clause anti-abus contre les montages ayant un objectif principalement fiscal. Sera ainsi considérée comme appartenant à un établissement stable, toute personne qui agit pour une entreprise à laquelle elle est liée, en dépit des montages artificiels.
La nouvelle convention fait ainsi échec aux abus consistant à faire circuler des dividendes sans imposition, à récupérer des pertes, à localiser les bénéfices dans les pays de moindre imposition.
Elle apporte d'autres correctifs en matière immobilière et introduit une mesure inédite sur la double imposition, en prévoyant que les revenus d'un résident français imposables au Luxembourg sont payés en France, mais sans exonération pour les profits perçus au Luxembourg.
Cette convention est une première étape vers un changement majeur de l'usage des conventions fiscales. Les progrès réalisés ne peuvent faire oublier la nécessité d'une harmonisation fiscale en Europe pour empêcher la subsistance de frontières freinant le commerce. L'évolution de l'économie, et notamment le développement du numérique, justifie des adaptations.
Un projet d'harmonisation de l'impôt sur les sociétés est dans les tuyaux. Il est urgent de le mettre en oeuvre.
Le groupe LaREM votera ce texte et plaide pour un accord rapide avec l'Allemagne puis à l'échelon européen sur l'harmonisation fiscale.
M. Thierry Carcenac . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Cette convention réécrit celle de 1958, elle vise à éviter la double imposition et l'évasion fiscale. Elle s'inspire de la convention BEPS de l'OCDE, que le groupe socialiste soutient. Ainsi, elle contient une définition de l'établissement stable, l'imposition à la source des revenus perçus au Luxembourg et une clause anti-abus. Il est donc difficile de ne pas voter pour - tout en regrettant que l'étude d'impact ne soit pas plus précise sur les effets attendus.
Cela dit, il n'est pas possible de faire abstraction de la nature même des activités de la place financière du Luxembourg, ni de sa réputation sulfureuse. Les LuxLeaks ont révélé comment le Luxembourg favorisait l'optimisation et l'évasion fiscales. Des progrès ont eu lieu depuis, avec l'échange automatique d'informations, notamment sur les prix de transfert ou les rescrits fiscaux. Mais, madame la ministre, les choses ont-elles vraiment évolué depuis la levée du secret bancaire ? Quel est le suivi des quelque 900 filiales d'entreprises françaises installées au Luxembourg ? Ensuite, le document du Gouvernement sur la fraude fiscale devrait être plus transparent sur l'efficacité de ces échanges d'informations - dans une économie mondialisée où la finance règne, on ne saurait être indifférent à la place financière luxembourgeoise, qui gère quelque 4 200 milliards de dollars de fonds d'investissement...
Nous demandons avec force que le Gouvernement poursuive la lutte contre les trous noirs de la finance, et oeuvre pour la mise en place d'une assiette commune de l'impôt sur les sociétés en Europe.
Dans le climat de colère et de contestations qui traverse notre société, émaillé de la perte du pouvoir d'achat et de l'accroissement des inégalités, la justice fiscale est indispensable et le consentement à l'impôt est la base de notre système démocratique.
Le groupe socialiste est aussi favorable à la transition des GAFA ou à l'imposition à la source pour éviter la fuite des dividendes. En attendant, nous adopterons cette convention qui marque une étape positive.
M. Éric Bocquet . - Le débat aurait pu être serein et consensuel à quelques jours de Noël. Le Luxembourg ne figurant sur aucune liste de paradis fiscaux, on pourrait se réjouir de cette convention.
Cependant, un examen attentif et minutieux montre que le Luxembourg a investi 136 milliards d'euros sur notre territoire en 2016 ; quelque 900 filiales d'entreprises françaises y sont installées, principalement dans les services financiers et d'assurance. Ce pays compte une entreprise pour six habitants ; contre une pour 23 habitants en France.
Le Luxembourg est un géant de la finance avec 3 500 milliards d'actifs sous gestion ; c'est le premier centre d'investissement en Europe, le deuxième centre d'investissement après les États-Unis. Le pays abrite 143 sièges sociaux de banques ; 55 devises et 72 dettes souveraines sont cotées au Luxembourg. Le Grand-Duché a renforcé ses liens avec la Chine, il accueille les six premières banques chinoises et gère 69 % des fonds d'investissement chinois en Europe. La Bourse du Luxembourg est devenue la première place boursière après Hong-Kong à coter des emprunts obligataires en monnaie chinoise.
En 2014, l'affaire LuxLeaks dévoilée par deux lanceurs d'alerte - Antoine Deltour et Raphaël Halet - a fait la une des médias : grâce à des montages et des transferts internes, Amazon ne payait pas d'impôts sur ses bénéfices !
La Commission européenne a même dû poursuivre le Luxembourg en justice, Amazon ayant transféré ses bénéfices européens au sein d'une coquille vide au nom de prétendues redevances sur la propriété intellectuelle - une filiale sans salariés ni bureaux ni activité commerciale...
En 2014, le secret bancaire a été abandonné. Mais des incertitudes demeurent. L'abondance de l'argent liquide intrigue : en 2014, le Luxembourg a émis deux fois son PIB en cash alors que les émissions des autres pays se limitent le plus souvent à 10 % de leur richesse nationale. Autre point troublant : la Commission européenne a poursuivi le Luxembourg pour n'avoir que partiellement transposé la dernière directive anti-blanchiment.
Cependant, ce pays compte davantage de clients fortunés aujourd'hui, avec 4 200 milliards d'avoirs en gestion, selon le ministre des finances luxembourgeois.
La commission des finances du Sénat avait rejeté en 2011 la convention avec le Panama, pour défaut de transparence, cinq ans avant les Panama papers... Il nous apparaît aujourd'hui, pour les mêmes raisons, préférable de ne pas voter cette convention. Le groupe CRCE votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je ne regarde pas cette convention avec les yeux de Chimène, n'étant pas élue d'un département frontalier du Luxembourg, mais je considère qu'elle marque un progrès. Les sénateurs UC voteront ce texte ; pour ma part, je m'abstiendrai.
Une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance.
Quand on veut, on peut : la taxe sur les GAFA, impossible encore il y a huit jours, entrera en vigueur au 1er janvier 2019. Mme Lienemann, moi-même et quelques autres avons eu raison d'insister...
L'action 15 permet aux pays qui le souhaitent de modifier des conventions fiscales bilatérales. Précisément, il serait temps de revoir notre convention avec le Qatar car elle nous prive de 150 à 250 millions d'euros chaque année.
L'action 13 porte sur les prix de transfert qui ne sont rien d'autre qu'une opération d'import-export au sein d'un même groupe. Ces opérations représentent 70 % du commerce international ; parce qu'elles sont mal contrôlées, elles nous coûteraient 1,3 point du PIB chaque année. Pour faire une présentation de style « les prix de transferts pour les nuls » (Sourires), je prendrai l'exemple d'une bière. La redevance pour utilisation de la marque, versée aux Pays-Bas, représente 250 000 euros de manque à gagner pour le Ghana ; la domiciliation d'autres fonctionnalités en Suisse et à l'Île Maurice lui coûte 200 000 euros et 790 000 euros respectivement...
Monsieur Dallier, vous qui êtes président du groupe interparlementaire d'amitié France-Israël, les missiles sortis des États-Unis arrivent en Israël à 50 dollars, grâce au prix de transfert. À ce prix-là, on peut envahir l'Iran...
Avec cette convention, les prix de transfert seront beaucoup mieux contrôlés.
Madame la ministre, quand le fichier des écritures comptables s'alignera-t-il sur le standard OCDE ?
Le décret publié le 30 juin 2018 permet de contrer la stratégie visant à borner la vision du vérificateur au sein des frontières nationales. C'est une avancée essentielle. Désormais, quand apparaissent dans un schéma des pays sur lesquels pèsent de lourdes présomptions, Suisse, Irlande ou Pays-Bas, le vérificateur peut élargir les contrôles !
Je m'abstiendrai sur cette convention. Cependant, la proposition du CRCE d'une COP fiscale est intéressante, car nous ne pourrons pas aligner nos politiques sans nous mettre autour d'une table. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État . - Monsieur Carcenac, depuis les LuxLeaks, une directive sur les rescrits fiscaux a été adoptée, une autre sur la publication des montages fiscaux ; l'assistance administrative et le recouvrement de l'impôt ont été améliorés, portés aux derniers standards européens. Les échanges d'information progressent : au troisième trimestre 2018, des centaines de demandes françaises ont reçu une réponse des autorités luxembourgeoises.
Le crédit d'impôt pour éliminer la double imposition n'a rien de nouveau. Il s'agit d'un dispositif prévu par l'OCDE pour assurer l'équité fiscale en prenant en compte l'ensemble des revenus du contribuable.
Quant au télétravail, la convention tient compte de la situation des travailleurs transfrontaliers français. Une période de 29 jours est parfaitement adéquate. L'équilibre trouvé est raisonnable, il simplifie les démarches administratives mais préserve les intérêts financiers des salariés.
La coopération transfrontalière avec le Luxembourg est souhaitable et devra passer par le co-financement d'infrastructures partagées.
M. Jean-François Husson. - Il faut une autre ambition !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Un protocole d'accord a été récemment signé en matière de transport ferroviaire. Deux projets de loi vous seront soumis en 2019 sur une coopération sanitaire et une autre en matière de transport.
M. Jean-François Husson. - Je suis certain que leur examen sera décalé...
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Nous avions suspendu la taxation des GAFA au niveau national, préférant un signal fort au niveau européen. L'Allemagne s'est rangée à notre avis en reconnaissant que cette taxation européenne était nécessaire.
Une taxation dans une zone de 500 millions de consommateurs aurait plus de poids. Si l'Europe n'est pas capable d'arriver à un projet commun, la France avancera, ce qui ne l'empêchera pas de pousser le dossier au plan européen.
Nous continuons à défendre l'harmonisation de l'IS au niveau européen, pour lutter contre le dumping fiscal. Les ministres ont avancé lors de l'accord de Meseberg. La question a été évoquée le 30 novembre dernier au conseil compétitivité ; la déclaration des amis de l'industrie devrait permettre demain de réexaminer le sujet. Le projet de loi à l'initiative de Gérald Darmanin contribue aussi à lutter contre la fraude fiscale. La France ne transigera pas sur la question de l'injustice fiscale.
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
M. Jean-Marie Mizzon . - L'article 14 de cette convention et le point 3 du protocole annexé concernent le télétravail en prévoyant une période maximale de 29 jours.
J'aurais aimé plus de jours par an ! Voyez ce qui se fait entre le Luxembourg et la Belgique... Tous les réseaux de transport entre la France et le Luxembourg sont saturés de sorte que la mobilité est un enjeu essentiel. Il faut deux ou trois heures pour parcourir vingt kilomètres le matin ; même chose le soir !
Je ne suis pas sûr que les récents évènements confirment l'idée que la fiscalité peut influencer les comportements. (Sourires ; M. Jean-François Husson renchérit.)
En matière de transport, il faut exploiter tous les leviers et le télétravail en est un. D'autant que cela aurait aussi des effets bénéfiques en matière environnementale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants, UC, Les Républicains)
L'article unique est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, demain, mardi 18 décembre 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à 18 h 15.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus