Débat à la suite du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2018
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2018.
Nous anticipons le débat qui aura lieu à la Chambre des communes et la Chambre des lords dans quelques jours.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Le Conseil européen des 13 et 14 décembre s'est ouvert par une minute de silence pour marquer avec gravité la solidarité et la détermination de l'ensemble de l'Union européenne après l'attaque terroriste de Strasbourg.
L'ordre du jour était chargé avec, en plus de la session classique, un sommet sur la zone euro et un autre, en format article 50, sur le Brexit.
Mme May a souligné les réserves de très nombreux députés sur le « filet de sécurité » irlandais et sur le risque qu'il ne soit pas limité dans le temps. Il correspond pourtant à une demande britannique et prévoit le maintien dans l'union douanière de tout le territoire britannique et un alignement de l'Irlande du Nord sur le marché unique en cas d'absence d'accord.
Le commissaire européen a rappelé que l'accord de retrait agréé par les Vingt-Sept ne pouvait être renégocié. Le filet de sécurité est un élément de dernier recours pour préserver l'absence de frontière dure entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Il serait temporaire par nature.
Les incertitudes sur la suite de la procédure britannique renforcent encore notre détermination à accélérer la préparation des mesures de contingence à prendre en cas d'absence d'accord.
J'espère que la CMP qui se réunit demain sur le projet de loi d'habilitation sera conclusive, de sorte que nous puissions mener à bien les contrôles à nos frontières sans porter atteinte à la circulation des biens transmanche.
Quant à la zone euro, nous souhaitions que le commissaire européen prenne des décisions circonscrites en matière d'union bancaire notamment. Les chefs d'États et de gouvernements ont endossé l'accord sur les modalités de mise en oeuvre du filet de sécurité du fonds de résolution unique, ainsi que sur le renforcement du mécanisme européen de stabilité (MES), en assurant une efficacité accrue des lignes de crédit de précaution. C'est une première satisfaction.
Sur la question, qui nous est chère, du budget de la zone euro, les chefs d'États et de gouvernements européens ont pris la décision politique de créer un tel budget et donné pour ce faire un mandat opérationnel à l'Eurogroupe. La taille de cet instrument budgétaire reste à déterminer dans les discussions sur le cadre financier pluriannuel. Nous en saurons plus d'ici à juin 2019.
Nous nous mobiliserons pour doter ce budget d'une fonction de stabilisation indispensable. Les chefs d'États et de gouvernements souhaitent parvenir à la définition d'un cadre financier pluriannuel avant l'automne prochain.
Protection des frontières, migrations, défense, mais aussi jeunesse, recherche et innovation sont les priorités. La PAC ne sera pas pour autant négligée ; ainsi, 21 États ont appelé au maintien de ses crédits. Le président de la République a insisté sur la création de ressources propres, la suppression de tous les rabais et l'introduction d'incitations à la convergence sur les volets fiscal et social.
Pour améliorer le fonctionnement du marché unique, le Conseil européen a adopté une approche pragmatique. La France a défendu le renforcement de la lutte contre la fraude dans l'industrie alimentaire et proposé une force européenne d'enquête et de contrôle dans ce domaine.
Dans la continuité des échanges du Conseil de juin dernier, les chefs d'États et de gouvernements ont poursuivi leurs échanges sur les projets migratoires. Eurodac, accueil, qualification, réinstallation et « EASO », cinq textes ont été adoptés sur ces points. Vienne et quelques autres ont montré peu de volonté de progresser dans la réforme du régime de Dublin.
Nous avons obtenu (avec l'Italie, Chypre, Malte, la Grèce, l'Espagne, la Suède, la Pologne et la Bulgarie) que le Conseil européen maintienne la pression pour l'adoption de la réforme de Dublin dans un ensemble cohérent et complet avec les cinq textes que j'ai cités, le règlement procédure et la directive retour. Quant au contrôle de nos frontières extérieures et au renforcement de Frontex, il passera par une augmentation des effectifs à 10 000 hommes dès 2020. Les travaux se poursuivent pour améliorer la coopération avec les pays d'origine et de transit.
Le Conseil européen a aussi été l'occasion d'aborder les progrès sur la coopération structurée permanente en matière de défense, qui compte plus de trente projets concrets et qui s'incarnera dans le programme européen de développement de l'industrie de défense. Les conclusions rappellent l'importance du concept d'autonomie stratégique de l'Union, qui est fondamental.
À quelques mois des élections européennes, la Commission a endossé le plan d'action sur la lutte contre la désinformation. Un point d'étape se tiendra en mai. Le Conseil européen a rappelé sa détermination à lutter contre le racisme et la xénophobie.
L'Union précisera sa stratégie de long terme sur la transition énergétique dès 2020. Les membres du Conseil ont exprimé leur préoccupation sur les incidents graves en Mer d'Azov et réclamé la libération des marins ukrainiens détenus, de rendre leurs navires et d'assurer la libre circulation dans le détroit de Kerch.
Le commissaire a enfin salué le succès des consultations citoyennes, participation réussie en France avec 1 082 consultations dont les résultats sont disponibles sur le site www.quellestvotreEurope.fr.
Comme le président de la République l'a dit vendredi à Bruxelles, c'est par des réponses concrètes et par des réformes, en France comme en Europe, que nous répondrons aux attentes de nos concitoyens et que nous leur donnerons l'occasion de se réconcilier avec la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, Les Indépendants et RDSE ; les membres de la commission des affaires européennes applaudissent également.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères . - Dans la période de grande incertitude que vit l'Union européenne, les Vingt-Sept sont restés unis, sans doute en grande part grâce à M. Barnier à qui je tiens à rendre hommage. Le Brexit est une forme de « suicide collectif », une véritable tragédie, comme l'a dit Jean-Claude Juncker.
Un accord pour une sortie ordonnée de la Grande-Bretagne a été signé le 25 novembre dernier. Cet accord ménage une clause de sauvegarde sur la question cruciale de la frontière irlandaise.
Notre commission avait déploré que de très nombreux sujets aient été initialement laissés dans l'ombre. Le parcours du combattant de Mme May est loin d'être terminé. L'échec du vote de défiance ne marque pas le fait qu'elle a perdu plus du tiers de ses soutiens. Tout se décidera au dernier moment puisque le vote aura lieu en janvier.
Le groupe de suivi du Brexit n'a cessé d'alerter sur les possibilités d'une sortie sans accord qu'il faut préparer le mieux possible. Une décision de la CJUE sur l'article 50 a confirmé la possibilité de révocation unilatérale par le Royaume-Uni, qui reste quand même très théorique.
Un « divorce » non ordonné et sans phase de transition, reviendrait à effacer d'un trait en une nuit, 45 ans d'acquis européen. Cela entraînerait une forte instabilité économique pour toute la zone.
Alors que la situation économique de la France est préoccupante, le Brexit aura un impact terrible : les ports français sont en première ligne ; les investissements à réaliser s'élèveraient à 25 millions d'euros à Dunkerque seulement.
Autre préoccupation, les droits des citoyens. Le texte sur ce point passera en CMP demain matin. Le groupe de suivi sera vigilant sur les mesures de préparation qui seront prises par le Gouvernement. En cas de non-accord, nous observerons également les mesures posées par le Royaume-Uni pour nos compatriotes et nos entreprises.
Le Brexit est aussi un non-sens stratégique. Le Royaume-Uni est le seul pays qui partage notre culture stratégique et opérationnelle. Le Royaume-Uni devra participer à des coopérations permanentes dans le domaine militaire.
Le 25 novembre dernier, un incident a opposé Ukrainiens et Russes, qui veulent contrôler de plus en plus étroitement la mer d'Azov. Cette situation nous préoccupe et nous avons récemment entendu l'Ambassadeur d'Ukraine, à ce sujet, tout comme nous entretenons un dialogue ferme et soutenu avec nos amis russes.
Les dirigeants européens ont proposé à l'Ukraine une aide financière, tout en réaffirmant leur soutien à sa souveraineté. La désescalade est nécessaire.
Les accords de Minsk sont la seule porte de sortie politique à cette crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Jean-François Husson, vice-président de la commission des finances . - Outre la réforme de la zone euro, les difficultés politiques intérieures en France et au Royaume-Uni se sont invitées au coeur de l'ordre du jour de ce Conseil.
Les 27 États membres de l'Union européenne ont encore fait preuve d'unité. Alors que Theresa May espérait gagner des marges de manoeuvre sur le backstop, elle n'a obtenu qu'un soutien poli. Les Vingt-Sept ont rappelé sans modifier l'accord qu'il s'agissait d'un accord de dernier recours.
La réforme de l'Eurogroupe, malgré des progrès, est moins ambitieuse que ce que voulait Emmanuel Macron.
Le sommet de la zone euro a mis en place un filet de sécurité du Fonds de résolution unique (FRU), assuré par le MES, qui pourra désormais jouer le rôle de prêteur en dernier ressort pour les banques. Le duo qu'il formera avec la Commission sécurisera le système bancaire dès 2020. C'est une avancée indéniable, dix ans après la crise financière mondiale de 2008. Mais bien des points n'ont pas été tranchés, comme la garantie des dépôts, renvoyée aux calendes grecques ; « l'instrument budgétaire » de la zone euro est très éloigné de la refondation promise. Il illustre le mur contre lequel se heurte la France.
À la résistance des États dits de « la ligue hanséatique », s'ajoute le manque de crédibilité de la France. La tolérance dont fera preuve la Commission, par la voix de Pierre Moscovici, sur son déficit public, est mal reçue par des pays plus proches de l'équilibre.
Comment la France peut-elle être moteur en Europe si elle est en queue de peloton sur le plan budgétaire ?
La Commission voulait fixer les grandes lignes du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 avant les élections. Il est plus raisonnable démocratiquement de déterminer ces grandes lignes après les élections, mais il ne faudra pas tarder.
Les citoyens européens demandent des preuves concrètes de l'efficacité et de la valeur ajoutée de l'Union européenne.
Les négociations sur l'instrument financier de la zone euro doivent être rapidement menées.
La concession de la France envers l'Allemagne concernant la taxe sur les services en ligne empiète sur son efficacité. (M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, le confirme.)
C'est la justice fiscale qu'attendent nos concitoyens. Pour les satisfaire, nous devons remettre en question la règle de l'unanimité sur la fiscalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Merci à M. Barnier d'avoir maintenu l'unité des Vingt-Sept et d'avoir réussi à faire prendre conscience à chaque État membre qu'il était copropriétaire de l'Europe. L'absence de vote à Westminster fait peser des menaces graves. Mais on ne peut renégocier un accord qu'il a été difficile à écrire. Les négociations pourraient commencer très vite après le départ du Royaume-Uni et un second accord temporaire peut être trouvé avant la fin de la période de transition.
L'Union européenne a consacré beaucoup d'énergie, et d'argent à la résolution de la question irlandaise par les accords du Vendredi saint.
Au regard des débats du Royaume-Uni, il semble plus nécessaire que jamais de se préparer à toutes les hypothèses.
Le Sénat a voté le projet de loi d'habilitation le 6 novembre dernier pour que le Gouvernement puisse agir vite mais dans un cadre défini. Je pense que la CMP de demain sera conclusive.
Le Conseil européen a pris acte des progrès de la négociation sur le budget ; la PAC et la politique de cohésion ne peuvent servir de variable d'ajustement. La PAC est indispensable pour préserver la souveraineté et la sécurité alimentaires de l'Union.
La commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques feront des propositions.
Les États membres doivent lever leurs réserves sur des nouvelles ressources propres.
Nous enregistrons les progrès réalisés sur la protection des frontières extérieures. Le nombre de franchissements illégaux des frontières est revenu à son niveau d'avant la crise - c'est satisfaisant. Mais l'Union européenne doit encore progresser. Je regrette que la présidence autrichienne n'ait pas coordonné les États membres sur le pacte de l'ONU sur les migrations... Un débat au Parlement aurait permis de lever les inquiétudes dans la population sur ce sujet.
Le filet de sécurité commun opéré par le MES est une bonne nouvelle, tout comme l'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité sur lequel travaille l'Eurogroupe.
Nous ne pourrons avoir une appréciation plus précise sur la portée réelle de ce nouvel instrument qu'au vu de ce qui sera proposé au prochain Conseil. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE et Les Indépendants ; M. Simon Sutour applaudit également.)
M. Simon Sutour . - Cette formule de débat post-Conseil est effectivement particulière... Merci à Mme la ministre pour son compte rendu.
J'aurais aimé qu'une question soit abordée au Conseil européen : celle des accords commerciaux. Le CETA a été signé ; nous attendons que le Gouvernement le soumette à notre approbation. On dit que ce serait après les élections européennes... Il ne faut pas avoir peur du Parlement. Pour ma part, je le voterai.
Le commissaire Pierre Moscovici nous a indiqué mercredi dernier que l'accord avec le Mercosur était prêt et que le Conseil pourrait en délibérer. Cela se fera-t-il, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Oui, la mise en oeuvre provisoire du CETA montre que c'est un bon accord. Nous n'avons jamais exporté autant au Canada - grâce à la reconnaissance des IGP - et jamais importé aussi peu, les modes d'élevage canadiens étant incompatibles avec notre réglementation.
Je dirais la même chose de l'accord avec le Japon, qui permet notamment d'exporter de la viande et de pénétrer les marchés publics japonais très fermés. Cet accord est aussi le premier qui tient compte des accords de Paris sur le climat.
Pour le Mercosur, le compte n'y est pas encore, avec de nombreuses lignes rouges que nous réaffirmons sans discontinuer sur le projet d'accord...
M. Simon Sutour. - L'accord avec la Corée du Sud est aussi une bonne affaire pour l'Union européenne. Nous souhaitons que le Parlement puisse se prononcer bientôt sur le CETA.
M. Franck Menonville . - Parmi les sujets inscrits à l'ordre du jour du Conseil européen, figurait la nécessité de renforcer la zone européenne par un instrument budgétaire. On peut se réjouir des mesures qui parachèvent l'Union bancaire : aux exigences en fait de fonds propres ou redressement des banques s'ajoute le filet de sécurité opéré par le MES.
Pourrez-vous nous en dire plus sur les avancées qui montrent l'intérêt de l'Europe et permettent de consolider la zone euro ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Depuis le sommet franco-allemand de Meseberg, nous cherchons à renforcer la zone euro. Le filet de sécurité du fonds de résolution unique fait du MES le prêteur en dernier recours ; le paquet bancaire est accéléré ; un instrument budgétaire est créé. Certes, il manque la garantie européenne des dépôts, nous y travaillons. Manque également un instrument de stabilisation, sur lequel nous peinons à convaincre, non à cause des récentes mesures budgétaires françaises, mais parce que les gouvernements de coalition, soutenus par des majorités étroites, refusent de croire à son utilité, sachant que la zone euro est en croissance. Aucune crise n'étant présentement en vue, ce serait précisément le bon moment pour activer un tel instrument.
Mme Nathalie Goulet . - Au lendemain du drame de Strasbourg, quelles sont les mesures prises en matière de lutte contre le terrorisme, et notamment sur le passenger name record (PNR) ? Avec André Reichardt et Jean Bizet, nous le réclamons depuis sept ans. Il a été voté en 2016, aux forceps, malgré les réticences de la commission des libertés du Parlement européen. Il est sur les rails, les Parlements nationaux avaient deux ans pour le ratifier. La France l'a fait. Où en est-on ? Il serait inacceptable qu'il y ait encore des trous dans la raquette.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'attaque de Strasbourg montre que l'Union européenne doit continuer à avancer dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons notamment progressé dans le retrait des contenus en ligne incitant au terrorisme.
Le PNR, essentiel pour la sécurité, a fini par être adopté : il a fallu convaincre le Parlement européen que la sécurité était bien la première des libertés. Étonnamment, les eurodéputés du Front national avaient voté contre !
Pas moins de dix-sept États ont adopté des mesures pour transposer le PNR dans leur droit national. La France a mis en place dès 2016 le système expérimental API-PNR, ce qui fait de nous l'un des pays le plus avancé sur le plan opérationnel.
Certains États rencontrent des difficultés techniques pour mettre en place le PNR ; la Commission européenne a prévu des crédits importants pour les aider et nous avons proposé de partager notre expérience avec les pays les moins avancés. Le nouveau fichier ETIAS servira à contrôler les entrées sur le territoire de l'Union européenne.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai vu que des budgets importants étaient dégagés pour les appels à projets en matière de sécurité.
Il faut partager les données sur les fichés S. Je sais que la commission des lois du Sénat travaille sur le sujet.
Il faut aussi évaluer les failles de nos dispositifs pour les combler. La lutte contre le terrorisme, c'est un peu la lutte de l'obus contre des blindages qui ne cessent de se renforcer. C'est pourquoi il faut améliorer l'échange d'informations, comme nous le faisons déjà avec l'Allemagne.
M. André Reichardt. - Très bien.
Mme Colette Mélot . - Le Conseil européen souhaite que les travaux sur le futur cadre financier pluriannuel 2021-2027 se poursuivent pour aboutir à un accord à l'automne 2019 au plus tard. Cette démarche est-elle démocratique, sachant que le nouveau Parlement européen sera élu en mai 2019 ? Les futurs eurodéputés risquent de ne pas avoir leur mot à dire sur le cadre budgétaire qui sera appliqué tout au long de leur mandat. (Mme Nathalie Goulet renchérit.)
Ne pensez-vous pas que, pour faire progresser la démocratie européenne, ce cadre devrait être arrêté par le futur Parlement européen ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Vous avez raison. La France a insisté auprès du Conseil européen pour reporter l'adoption du cadre financier. Elle a été entendue. Une adoption dès avril 2019 n'était pas réaliste compte tenu des divergences que suscitent les propositions de la Commission, notamment sur la PAC. Au-delà, il est en effet souhaitable que le futur Parlement européen et la prochaine Commission européenne qui en sera issue puissent s'exprimer.
Il ne faudra pas perdre de temps, car les crédits doivent aller rapidement aux porteurs de projets, chercheurs, étudiants ou agriculteurs. C'est pourquoi le Conseil européen a évoqué l'horizon de l'automne 2019. Nous voulons un bon budget, pas un budget précipité.
Mme Colette Mélot. - Tant mieux. Cela dit, ne pourrait-on envisager d'aligner la durée du cadre financier pluriannuel sur celle du mandat des députés européens ? Ce serait plus cohérent, et plus démocratique.
M. André Gattolin . - L'année 2019 sera à hauts risques pour l'Union européenne : après le Brexit, un scrutin européen incertain.
Les consultations citoyennes mettent en lumière une demande de souveraineté européenne accrue dans un contexte international tendu. Nombre de contributions insistent sur l'urgence d'instaurer une véritable politique de défense commune.
Le Conseil européen s'est félicité des progrès accomplis en la matière, avec le lancement d'une coopération structurée permanente.
Quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la stratégie défensive de l'Union ? Où en est le Fonds européen de défense, dont la conformité avec les traités a été mise en doute? Pouvez-vous nous rassurer sur la sécurité juridique ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - À notre initiative, chaque Conseil européen se penche sur l'Europe de la défense, priorité de nos compatriotes.
La coopération structurée permanente comprend une trentaine de projets ; la France participe aux deux tiers, et est leader sur sept. La préfiguration du Fonds européen de défense est en bonne voie. La Commission propose de le doter de 13 milliards d'euros dans le cadre financier pluriannuel.
La conformité de ce fonds au droit européen est en effet mise en doute par certains eurodéputés. Ce n'est pas notre analyse ni celle de la Commission européenne, gardienne des traités. En effet, l'article 41 du traité vise la politique européenne de sécurité commune alors que ce fonds concerne un appui communautaire à la politique de recherche et à la politique industrielle en matière de défense. Nous sommes sereins sur le plan juridique. Cette controverse est un combat d'arrière-garde !
M. André Gattolin. - Merci de cette réponse précise. Une page de publicité : je recommande la lecture des Consultations citoyennes sur l'Europe, qui fait la synthèse des 70 000 contributions recueillies en France. (L'orateur brandit le volume en question.) Il a été coordonné par Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public. C'est un travail remarquable : ces 170 pages nous renseignent sur les aspirations de nos concitoyens. J'en recommande la lecture et remercie le Gouvernement et ceux qui se sont associés à cette initiative.
M. Pierre Laurent . - Les choix budgétaires du Gouvernement ont été remis en cause par les gilets jaunes. Pour leur répondre, le Gouvernement sort des clous des 3 % de déficit. Au même moment, en catimini, les députés européens tentent d'inscrire dans le droit européen les règles draconiennes issues du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
Négocié par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, jamais renégocié par François Hollande, ce traité intergouvernemental est un marqueur de la politique d'austérité qui frappe le pouvoir d'achat et les services publics. Il n'a jamais été soumis à la ratification du Parlement. On prétend aujourd'hui l'inscrire dans le droit européen pour rendre automatique l'austérité et écarter toute négociation budgétaire entre la Commission et les États membres.
La commission des affaires européennes du Parlement européen vient de bloquer le projet par 25 voix contre 25. Le Gouvernement va-t-il saisir cette opportunité pour rouvrir le débat, suspendre, renégocier ou abandonner ces règles, ou allez-vous jouer les jusqu'au-boutistes, au détriment de nos intérêts nationaux ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - S'il y avait de l'austérité en France, on le saurait. Nous n'avons pas baissé les dépenses publiques mais leur croissance. La France n'est pas la Grèce, l'Espagne ou le Portugal. Nous avons choisi de respecter la règle des 3 % car nous avons choisi de ne pas accroître la dette qui pèsera sur nos enfants. Si déficit et dette étaient gages de croissance et d'emploi, la France et l'Italie seraient en tête du classement ! Les pays qui connaissent la croissance et le plein-emploi sont ceux qui ont le plus faible déficit.
Fallait-il pour autant ne pas écouter les Français ? Les critères européens n'empêchent pas de prendre des mesures d'urgence face à la crise sociale. Lors du Conseil européen, le président de la République a rappelé qu'être européen signifiait être à l'écoute des peuples.
La Commission européenne dialogue ainsi avec l'Italie sur son projet de budget, avec pour préoccupation principale l'ampleur de sa dette.
Il n'y a aucune contradiction entre le souci de ne pas hypothéquer l'avenir et la flexibilité nécessaire pour répondre aux urgences.
M. Jean Bizet . - Je me réjouis de la création du Fonds de résolution unique, de l'évolution du MES. Si l'union bancaire peut être améliorée, le budget de l'Union, qui est un budget d'investissement, va dans le bon sens.
Pourriez-vous nous en dire plus sur le concept et le périmètre de ce budget, et sur une éventuelle évolution de la règle de l'unanimité en matière budgétaire, qui est un facteur de paralysie ?
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - À l'évidence, la règle de l'unanimité nous fragilise ; on le voit avec la taxe sur les GAFA. Nous plaidons pour conditionner le versement des fonds européens à la mise en place d'une convergence fiscale. En la matière, nous sommes pionniers ; nous travaillons avec l'Allemagne à une assiette commune de l'impôt sur les sociétés et espérons faire tache d'huile.
Le budget de la zone euro sera contenu dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027. C'est un premier pas, encore insuffisant. Cependant, tant que le sujet n'est pas mûr, autant avancer et convaincre petit à petit nos partenaires d'aller plus loin.
Bruno Le Maire et Olaf Scholz ont présenté une proposition commune pour concrétiser l'engagement de Meseberg et clarifier l'architecture et les principes budgétaires. Nous voulons une gouvernance à dix-neuf. Les décisions stratégiques seront prises par les chefs d'État et de Gouvernement de la zone euro et mises en musique par l'Eurogroupe. Ce budget pourrait être alimenté par des contributions nationales et des recettes fiscales dédiées comme la taxe sur les transactions financières.
M. Jean Bizet. - Pour éviter la verticalité des décisions et réenchanter l'Europe, pourquoi ne pas inviter les parlements à participer aux choix d'investissement nécessaires pour faire converger nos économies, sur le modèle des conférences article 13 ? Cela pourrait se tenir à Strasbourg.
M. André Reichardt. - Très bien !
M. Jean-Yves Leconte . - Je n'ai rien trouvé dans le relevé de conclusions du Conseil européen sur la zone euro.
L'euro est pourtant la monnaie de l'Europe ! Or le budget de la zone euro se réduit à une ligne de crédits dans le prochain cadre financier pluriannuel de l'ensemble de l'Union. Ne risque-t-on pas de troquer la PAC contre cette ligne de crédit ?
Votre Gouvernement financera les 10 milliards d'euros d'annonces du président de la République par de la dette ; ni l'ISF ni le CICE ne seront sollicités. À l'heure où la BCE annonce la fin de l'assouplissement quantitatif, faisant ainsi peser une menace sur les taux et le coût de la dette, la France ne risque-t-elle pas de perdre toute crédibilité pour espérer convaincre ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Ne cherchez pas dans les conclusions du Conseil européen ce qui se trouve dans la déclaration du sommet de la zone euro : le filet de sécurité, la réforme du MES, le paquet bancaire, la réflexion sur un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro, sur une base volontaire.
Cet instrument fera partie du budget de l'Union européenne ; il sera cohérent avec les autres politiques de l'Union et subordonné aux orientations stratégiques des États membres de la zone euro. Il n'est pas question que sa création porte atteinte à la PAC, sur laquelle notre position est constante. Ce budget sera financé par contributions nationales mais aussi de recettes fiscales dédiées par exemple la taxe sur les transactions financières.
M. Jean-Yves Leconte. - Soit, mais à la fin ce sera le budget européen qui sera sollicité ! Rien ne se fera sans accord au niveau du Conseil.
M. Jean-Pierre Moga . - L'élaboration du prochain cadre financier 2021-2027 est périlleuse, entre le départ du Royaume-Uni, contributeur net, et la multiplication des défis. Le cadre financier devrait être en hausse, espérons que cela renforcera l'efficacité des politiques communautaires.
Cela dit, nous ne pouvons-nous satisfaire de la réduction proposée de 5 % du budget de la PAC et de 6 % du budget de la politique de cohésion. Les nouvelles priorités, aussi importantes soient-elles, ne doivent pas être mises en oeuvre au détriment de la PAC et de la politique de cohésion, seules preuves tangibles des bienfaits de l'Europe dans nos territoires ruraux. La France défendra-t-elle les aides aux agriculteurs et au développement local ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - La France souhaite que l'on finance les nouvelles priorités - défense, sécurité, gestion des flux migratoires, jeunesse et innovation - mais sans sacrifier les politiques traditionnelles. Je l'ai dit, nous sommes déterminés à défendre la PAC et avons mobilisé de nombreux États membres. Il faudra être attentif à la part environnementale.
La Commission a proposé un budget en hausse pour le Fonds européen de développement régional (Feder) ; la baisse concerne le fonds de cohésion, destiné aux États les moins riches. Elle propose en outre un élargissement des régions en transition, ce qui concernera nombre de nos régions. Bon an mal an, la France s'en sort bien. Les mesures de simplification sont bienvenues. Nous resterons attentifs à ce que ces fonds européens essentiels au développement de nos territoires ruraux et ultramarins soient préservés.
M. Jean-Pierre Moga. - J'en prends acte. Nos territoires ruraux sont en souffrance ; ils doivent faire face à de nombreuses mutations. Une réduction de budget serait inacceptable et catastrophique pour nos agriculteurs.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien.
M. Rachid Temal . - La Grande-Bretagne quittera l'Union européenne dans un peu moins de cent jours. Comme l'a dit le président Bizet, c'est une tragédie pour les Européens comme pour les Britanniques. La situation de blocage, faute de majorité à la Chambre des Communes, fait peser le risque d'un retrait unilatéral. Nos 300 000 compatriotes installés outre-Manche sont inquiets. Le compromis du 19 mars prévoyait que nos concitoyens pourraient continuer à vivre, étudier et travailler au Royaume-Uni dans les mêmes conditions après la période de transition. Mais les Britanniques seront-ils même en mesure de les recenser ?
Le Gouvernement a d'ores et déjà prévu de prendre des mesures par ordonnances en cas de sortie sans accord. Quels moyens avez-vous prévu pour renforcer les consulats, dont les crédits sont en baisse ? Comment comptez-vous gérer les flux de marchandises ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'incertitude est telle que nous devons nous préparer à l'hypothèse d'un Brexit sans accord. C'était l'objet du projet de loi d'habilitation que je vous ai soumis.
Nous avons pris des mesures nationales à destination des Britanniques présents sur notre sol et des Français qui reviendraient du Royaume-Uni afin que leurs diplômes et qualifications professionnelles soient reconnus.
Des discussions politiques sont en cours avec les Britanniques pour garantir les conditions de séjour, d'étude et de travail des ressortissants européens vivant au Royaume-Uni, telles qu'elles ont été actées dans l'accord de retrait. Je me suis rendue à Londres en septembre pour m'assurer de la volonté politique de nos partenaires. Nous veillerons bien entendu à la nécessaire réciprocité.
S'agissant des flux de marchandises, nous avons recruté des douaniers et des vétérinaires pour assurer la fluidité du trafic. Un coordonnateur national évalue les besoins en infrastructures.
Enfin, notre consulat à Londres a déjà recruté des effectifs supplémentaires et en recrutera d'autres dans l'éventualité d'un Brexit sans accord.
M. Rachid Temal. - Il faut prévoir les financements nécessaires dans le budget, dont je rappelle qu'il est en baisse.
M. André Reichardt . - S'agissant du défi migratoire, les conclusions du Conseil sont pour le moins modestes. C'est regrettable, dans un contexte où les flux migratoires sont revenus au niveau d'avant crise. Des progrès ont été enregistrés : le fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique a été abondé à hauteur de 500 millions d'euros, l'Agence de l'Union européenne pour l'asile a été créée, le mandat de Frontex a été renforcé.
Le blocage semble venir de la dimension interne, à savoir les paquets Asile et la réforme des règlements Dublin et Procédure. Le principe de solidarité a besoin d'être explicité ; sans doute conviendrait-il de prévoir des contreparties aux relocalisations obligatoires.
La politique migratoire est un sujet majeur pour la lisibilité de l'action de l'Union européenne auprès de l'opinion publique. Quels sont les objectifs de la France dans les négociations, en particulier sur l'adoption des paquets Asile ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Les progrès sont incontestables : la pression migratoire est bien moins forte que dans les années précédentes, même si elle reste présente entre le Maroc et l'Espagne et si la route des Balkans est moins fermée qu'on le dit.
Vous avez signalé les progrès dans la lutte contre les passeurs ou la formation des garde-côtes au Maroc. La dimension extérieure est la plus facile à traiter.
Cependant, certains États membres préfèrent vivre du problème que de trouver des solutions, de sorte qu'après avoir accepté l'élargissement du mandat de Frontex, ils se montrent désormais plus réservés.
C'est pourquoi nous souhaitons renforcer l'Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières.
Regrettant que la présidence autrichienne se détourne de la dimension interne du problème, la France et l'Allemagne ont fait des propositions pour confirmer le principe de solidarité obligatoire mais limiter la responsabilité des pays de première entrée à huit ans.
Sur le paquet Asile, cinq textes sont déjà prêts ; il faut maintenant aboutir à l'indispensable réforme du règlement de Dublin.
M. Yves Bouloux . - Le Gouvernement a affirmé sa position constante contre la baisse du financement de la PAC. La Commission européenne souhaite « moderniser » ce pilier du budget européen - le terme inquiète. Quelques États, emmenés par les Pays-Bas, soutiennent la diminution du budget de la PAC.
Le Gouvernement français est-il en mesure de faire partager son ambition de conserver à la PAC un budget égal, en termes réels, à celui de 2014-2020 ? La réduction de ce budget causerait du tort aux territoires ruraux les plus fragiles. Comment comptez-vous les soutenir ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Nous sommes très attentifs au maintien de la PAC à Vingt-Sept. Nous sommes soutenus par une coalition de vingt-et-un États membres, les « amis de la Cohésion » qui se sont réunis récemment à Bratislava. Nous défendons une politique européenne au service des territoires.
Les Pays-Bas peuvent se montrer un partenaire difficile, mais ils peuvent aussi être convaincus. Je passe beaucoup de temps avec les contributeurs nets qui ont parfois des oursins dans les poches. La France et l'Allemagne, qui le sont aussi, pèsent pour un budget ambitieux.
Modernisation de la PAC ne signifie pas que réduction de son budget. La Commission européenne travaille aussi à sa simplification. Il faudra veiller à ce que les plans stratégiques nationaux ne soient pas des usines à gaz et éviter toute renationalisation de la PAC et toute distorsion de concurrence.
Enfin, avec l'Espagne et le Portugal, nous sommes très attachés aux outils comme le Posei qui protègent nos territoires ultramarins.
M. Cyril Pellevat . - M. Allizard m'a chargé d'être son porte-parole.
L'intensification de la lutte contre les réseaux de passeurs porte ses fruits. Démagogues et populistes prospèrent sur le terrain fertile de la question migratoire. Ce sujet a déjà réussi à diviser l'Europe. Nous ne pouvons plus compter sur la capacité de compréhension des Européens ni sur la capacité d'absorption des sociétés.
Les citoyens ont le sentiment que les décisions sont prises loin d'eux, par des administrations pour qui le phénomène migratoire est inéluctable et forcément bénéfique.
La détermination des candidats à l'exil reste intacte. J'ai vu en plein désert, dans la Corne de l'Afrique, des migrants avancer inexorablement vers les rivages de la Méditerranée.
Nous devons réaffirmer la primauté du droit. Ceux qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire européen doivent être reconduits dans leur pays d'origine. Or l'éloignement des personnes en situation irrégulière ne fonctionne pas. Rien ne sera possible sans volonté politique. Quelles mesures la France entend-elle prendre ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - En matière d'accord externe, des progrès substantiels ont été faits avec les pays d'origine et de transit, qu'il s'agisse de la formation et de l'emploi des jeunes en Afrique subsaharienne ou de la lutte contre les réseaux de passeurs qui portent atteinte à l'autorité des États.
S'agissant de l'accueil sur le territoire européen, nous distinguons les demandeurs d'asile qui fuient la guerre ou les persécutions et dont l'accueil et l'intégration doivent être facilités et ceux qui détournent les procédures d'asile ont vocation à être reconduits. Nous travaillons avec les pays d'origine pour accélérer la délivrance des laissez-passer consulaires et coordonnons notre action avec les pays européens.
Nous avons aussi demandé que l'élargissement des missions de Frontex comprenne sa participation accrue au retour des migrants illégaux dans leur pays d'origine.
présidence de M. David Assouline, vice-président
M. Cyril Pellevat. - Le Conseil européen a rappelé que le marché unique intégrait la transformation numérique et l'intelligence artificielle.
En juin, la Commission européenne a proposé d'investir 9,2 milliards d'euros dans le premier programme numérique de l'Union ; l'intelligence artificielle fait partie des cinq domaines identifiés. En décembre, elle a annoncé un investissement de 1,5 milliard d'euros d'ici 2020.
L'intelligence artificielle sera déterminante dans la santé, les transports, la sécurité, l'agriculture ou encore la lutte contre le réchauffement climatique. Le marché, qui pesait 200 millions d'euros en 2015, en pèsera 90 milliards en 2025 !
Il nous faut rattraper notre retard sur la Chine et les États-Unis, tout en veillant à l'éthique. La Commission européenne pour l'efficacité de la justice du Conseil de l'Europe a adopté la première Charte éthique européenne d'utilisation de l'intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires ; je m'en félicite.
Cependant, la Chine et les États-Unis n'adhèrent pas forcément à ces principes. Ne faudrait-il pas un cadre éthique et juridique mondial ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'Union européenne doit s'organiser pour financer la recherche en matière d'intelligence artificielle si elle ne veut pas rater cette nouvelle révolution technologique. Nous avons plaidé en faveur d'une agence disruptive au niveau européen. Nous avons été entendus puisque le prochain budget prévoit de financer massivement les projets en matière d'intelligence artificielle.
Je me suis rendue à Bruxelles avec Cédric Villani pour faire la publicité de nos idées. Ce sont 1,5 milliard d'euros qui sont prévus d'ici 2020 ; les négociations sont bien avancées sur les crédits recherche.
L'Union européenne tient à développer une intelligence artificielle éthique, ce que ne font pas forcément les États-Unis ou la Chine. Commençons par peser dans la conversation mondiale en définissant des principes européens. La France prétend être à la pointe de l'innovation et à la pointe de la régulation.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Merci, madame la ministre, d'avoir répondu à nos collègues. La politique de l'Union européenne relève d'une politique de petits pas... mais ce sont des pas décisifs. Sur l'unanimité, il est difficile de faire évoluer nos partenaires, nous l'avons vu avec nos collègues néerlandais... Mais la crédibilité de la France n'est pas grandie avec un déficit qui risque de dépasser 3 %. J'espère que ce ne sera pas le cas en 2020, sinon nous devrions entrer de nouveau dans une procédure pour déficit excessif.
L'Europe, c'est aussi la capacité de faire face à de grandes mutations.
J'ai noté que vous aviez bon espoir de maintenir le budget de la PAC en euros courants ; cela représente quand même une baisse en euros constants... Je crains un échec annoncé de la loi EGalim ; car les coûts de production diffèrent trop entre modèles d'agriculture. Cela nous mettrait en grande difficulté sur le plan sociétal. En janvier et février, le Sénat se penchera sur le partenariat indispensable entre la Direction générale de l'agriculture et la Direction générale de la concurrence, déjà prévu par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La Commission n'a pas tenu compte des deux résolutions de 2017 et 2018 sur le sujet, c'est dommage. L'Autorité de la concurrence doit vivre avec son temps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
La séance est suspendue quelques instants.