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Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
Discussion de l'article unique
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont
Paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs
M. Franck Montaugé, auteur de la proposition de résolution
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Mise au point au sujet d'un vote
Déclaration d'un préavis de grève des contrôleurs aériens
M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi
Discussion de l'article unique
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
« Emplois non pourvus en France : quelles réponses ? Quelles actions ? »
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants
M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants
Ordre du jour du jeudi 13 décembre 2018
Composition d'une éventuelle CMP
SÉANCE
du mercredi 12 décembre 2018
41e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Secrétaires : M. Victorin Lurel, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Denise Saint-Pé . - Lors du scrutin public du 11 décembre 2018 sur le projet de loi de finances pour 2019, je n'ai pas pu être présente ; j'aurais voulu voter pour.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Funérailles républicaines
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant des funérailles républicaines.
Discussion générale
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales . - Cette proposition de loi, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale il y a plus de deux ans sous la précédente législature, est examinée aujourd'hui au Sénat.
Le sujet est complexe. Il touche à l'intime, à la croyance. On dit que le degré de civilisation d'une société se mesure à la place qu'elle accorde aux défunts ; je le crois.
En France, la liberté des obsèques, civiles ou religieuses, a été établie par la loi du 15 novembre 1887, annonciatrice de la grande loi de 1905. Tout au long du XXe siècle, les principes et us funéraires ont évolué fortement. Aujourd'hui, 74 % des obsèques sont religieuses et 26 % civiles. Elles sont religieuses à 87 %, quand il y a inhumation. La crémation, qui représente 49 % des obsèques civiles, est passée de 1 % des décès en 1980 à 35 % en 2016. Il ne s'agit pas de nier cette évolution mais d'adopter la meilleure attitude face à la demande.
Première solution : passer par la loi, comme la proposition de loi veut le faire, en obligeant d'une part la commune à mettre à disposition gratuitement une salle adaptable afin de permettre aux familles d'organiser des funérailles civiles ; en ouvrant d'autre part la possibilité pour un officier d'état civil, s'il le souhaite, de mener la cérémonie.
C'est cependant une contrainte nouvelle imposée aux communes, sans aucune compensation financière, donc financée par le contribuable local. (MM. André Reichardt et Laurent Duplomb le confirment.) C'est aussi une source de contentieux. Qu'est-ce au juste qu'une salle « adaptable » ? Quand la mairie peut-elle refuser ? (Mme Françoise Gatel renchérit.) Cette question qui peut paraitre secondaire représente une insécurité juridique pour les communes.
Se pose aussi la question de l'articulation avec les opérateurs funéraires. Depuis la loi du 8 janvier 1993, le monopole des mairies sur « le service extérieur des pompes funèbres » a été aboli ; la mise à disposition gratuite de salles pourrait constituer une concurrence déloyale.
Je ne suis pas certain qu'il soit opportun de conférer de nouvelles attributions à l'officier d'état civil, dont le rôle est de délivrer des actes et non de présider des cérémonies. Un officier d'état civil, qui préside aux mariages, lit les dispositions du code civil. Cette proposition de loi en fait plutôt un maître de cérémonie, ce qui n'est pas son rôle. Malgré le caractère généreux de ce texte, et son intention louable, je ne crois pas que la loi soit le bon véhicule.
Je lutte contre les « irritants », notamment issus de la loi NOTRe. Ne créons pas de nouvelles normes. Il vaut mieux inciter plutôt que contraindre. (Marques d'approbation sur les bancs au centre et à droite)
J'ai été maire de Vernon, président de conseil départemental ; je connais comme vous la culture des élus locaux. Laissons-les choisir. Faisons leur confiance !
Enfin, les usages locaux sont très importants, en métropole comme en outre-mer. Plus que jamais, il faut faire confiance à l'intelligence territoriale.
M. Patrick Kanner. - Ça change !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Le Gouvernement est donc défavorable, non aux intentions de cette proposition de loi mais à la méthode retenue. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. André Reichardt. - Le ministre a tout dit.
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois . - La semaine dernière, la commission des lois a adopté un amendement de suppression de l'article ainsi que de cette proposition de loi de Bruno Le Roux. Nous délibérons donc sur le texte de l'Assemblée nationale, conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution.
J'ai entendu toutes les parties prenantes : associations d'élus, fédération des familles de France, ministères, cultes, fédération de la libre-pensée, opérateurs funéraires, publics et privés...Je me suis entretenu avec le deuxième signataire de la proposition de loi, M. Hervé Féron, également rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Merci à Jean-Luc Fichet d'avoir participé aux auditions et à Jean-Pierre Sueur, avec qui nous avons échangé...
M. Jean-Pierre Sueur. - Avec quel résultat !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - La liberté des obsèques est garantie depuis la loi du 15 novembre 1887, mais 74 % d'entre elles sont encore religieuses.
L'organisation d'obsèques civiles est libre, mais l'attribution d'une salle municipale relève de la décision de la commune et est soumise à redevance, sauf exception. La participation d'un officier d'état civil est possible, mais à titre privé - je l'ai fait en tant que maire.
Cette proposition de loi se heurte à de nombreux écueils : que signifie une salle « disponible » ? Cela créerait-il une priorité et donc des conflits d'usage ? Que signifie « adaptable » ? Dans quels cas la commune pourrait-elle légitimement refuser ces obsèques ? Cela n'est pas mentionné dans le texte.
Enfin, la notion de funérailles républicaines est ambivalente. Les obsèques religieuses ne sont pas moins républicaines que des obsèques civiles.
Les obsèques nécessiteront la participation d'un opérateur de pompes funèbres.
La participation de l'officier d'état civil est ambivalente pour une cérémonie qui ne crée pas de droits. Une telle cérémonie ne s'improvise pas. Les maîtres de cérémonie des opérateurs sont diplômés.
Le refus de l'élu pourrait être considéré comme une discrimination, relevant du juge judiciaire, alors que le contentieux de la mise à disposition de salles municipales relève de la compétence du juge administratif.
Je suis favorable à ce que les communes, quand elles le peuvent, mettent à disposition des familles des salles - elles le font déjà. Il n'est donc ni nécessaire ni utile de rappeler une telle possibilité, qui existe, tout en créant une nouvelle obligation à la charge des communes, sans compensation financière. Le Sénat attache la plus grande importance à la qualité de la loi et à son caractère normatif.
La commission des lois nous invite donc à rejeter cette proposition de loi en adoptant les amendements de suppression de son article unique déposés par Jean-Pierre Grand et Alain Marc. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Pierre Decool . - Cette proposition de loi impose aux communes disposant d'une salle « adaptable » de mettre à disposition des familles une telle salle pour garantir l'organisation d'obsèques civiles et donne à un officier d'état civil la faculté de procéder à la cérémonie, si la famille du défunt le demande.
Cette proposition de loi manque de pragmatisme ; déjà en 2016, lorsque j'étais député, j'avais fait adopter en séance publique un amendement remplaçant « adaptée » par « adaptable », afin d'apporter un peu de souplesse aux communes. Dans certaines mairies de petite taille, le maire n'a même pas de bureau.
La gratuité de la mise à disposition de la salle contrevient aux règles de la domanialité publique, laquelle impose le paiement d'une redevance, même minime. (M. Pierre-Yves Collombat le conteste.) Les maires sont déjà surchargés de tâches et de responsabilités. Ne leur imposons pas une nouvelle charge sans compensation. Laissons-les s'occuper de leurs missions traditionnelles, assez nombreuses ! Il est inopportun de légiférer sur ce sujet alors que le droit en vigueur rend déjà possible l'organisation d'obsèques civiles en mairie sans pour autant contraindre les communes. Cette proposition de loi va à l'encontre du principe de libre administration.
Le groupe Les Indépendants ne votera pas ce texte. (M. Loïc Hervé, rapporteur, Mmes Françoise Gatel et Nicole Duranton applaudissent également ; marques de déception sur certains bancs du groupe SOCR.)
M. Patrick Kanner. - Ce n'est pas glorieux !
Mme Patricia Morhet-Richaud . - La liberté des funérailles est régie par la loi du 15 novembre 1887 dont l'article 3 dispose : « tout majeur ou mineur émancipé en état de tester peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture ».
Cette proposition de loi propose que les maires soient impliqués, « automatiquement », dans l'organisation d'obsèques civiles au sein des salles municipales.
Aujourd'hui, le service extérieur des pompes funèbres, mission de service public, selon l'article L. 2222-19 du Code général des collectivités territoriales, est assuré par les opérateurs et 30 % des obsèques sont civiles.
Ce texte apporterait de nouvelles responsabilités pour les maires, de nouvelles charges financières pour les communes.
Ancien maire de Lazer dans les Hautes-Alpes, je peux témoigner que les maires savent répondre avec humanité à la détresse des familles. C'est pour cela que nous sommes élus, pour faire preuve de générosité mais aussi de discernement. Vous le savez, 49 % des maires déclarent qu'ils ne se représenteront pas en 2020. Ce n'est pas en leur ajoutant ainsi de nouvelles obligations qu'on suscitera de nouvelles vocations. (On s'amuse à gauche.) La législation en vigueur permettant déjà l'organisation d?obsèques civiles dans des bâtiments communaux, notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Alain Richard . - Quelle est la conséquence du principe de liberté de choix établie par la loi de 1887, qui fait partie, avec la loi sur les communes, de ce cortège de lois faisant suite à la consolidation de la République en 1879 ? Je ne veux pas parler de pourcentage. Quelle que fût la proportion de ceux qui choisissent les obsèques civiles, il faudrait s'en préoccuper. Je ne considère pas comme vaine la mention de la possibilité d'accueil par les communes, dans une salle municipale, une célébration funéraire.
Je souhaite donc qu'un texte soit adopté mais je propose un texte différent de celui qui est soutenu par le groupe socialiste.
L'obligation générale n'est pas souhaitable, car certaines communes ne peuvent pas mettre de salles à disposition. Fixer le principe de la gratuité ne l'est pas non plus : toutes les obsèques sont payantes.
Lorsque la commune dispose d'une salle destinée à la réception du public, elle doit pouvoir percevoir la même redevance que pour d'autres activités.
L'entrée en scène de l'officier de l'état civil ne l'est pas davantage : son rôle est déterminé par la loi, il est là pour appliquer des obligations légales - ce qui n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'une telle cérémonie. Il me semble également que cette mention n'est pas justifiée.
Enfin, le service offert par la commune devrait être réservé, selon la proposition de loi, aux habitants de la commune. Mais si ce service est offert par certaines communes et pas par d'autres, il est incohérent d'empêcher les habitants de communes voisines d'en disposer. C'est pourquoi je propose une formule plus souple.
Je regrette que la majorité de la commission des lois ne souhaite pas débattre de ce texte. Nous pourrions proposer aux conseils municipaux de voter une délibération précisant les conditions d'organisation d'obsèques civiles dans la commune.
Une solution pragmatique et respectueuse de la liberté d'organisation des funérailles, de la liberté des communes et des besoins des familles concernées serait une meilleure solution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela va dans le bon sens !
M. Pierre-Yves Collombat . - Même s'il me paraît difficile de voter, en l'état, un texte qui impose des obligations et des charges supplémentaires, à des communes et des élus qui n'en manquent pas, je partage les préoccupations des auteurs de la proposition de loi, parce qu'elle répond à l'attente de ceux qui, comme moi, ne se reconnaissant dans aucune foi religieuse ni obédience spirituelle, fût-elle fédérale, veulent partager un moment de recueillement et de souvenir à l'occasion du décès d'un proche. Il est des moments où la symbolique est essentielle.
Mon amendement de réécriture répondait aux objections formulées au texte initial, en supprimant l'obligation de fournir un local adapté. Il rendait tout facultatif. Il modifiait aussi la qualification des funérailles car les termes de « laïques » ou « civiles » sont plus adaptés que « républicaines ».
Inutile de répondre qu'il existe déjà des opérateurs privés. Ils ne sont pas gratuits et la mise à disposition de local est toujours liée à un service global.
Inutile aussi de dire que le texte est superfétatoire. Le CGCT ne manque pas de dispositions non normatives : les conseils départementaux « peuvent » délibérer de ceci ou de cela, les conseils régionaux « peuvent » engager telle ou telle action, les exemples sont légion. Hier soir encore, nous y avons ajouté nombre de dispositions facultatives.
Mme Françoise Gatel. - Ah ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Oui, tout n'était que libertés ! Un texte non prescriptif peut avoir des effets incitatifs. Le Conseil d'État l'a souligné dans son étude de 2013 sur le droit souple, parfois appelé « droit mou ». Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d'État, estime lui-même « qu'il n'existe aucune contradiction entre la reconnaissance du droit souple ainsi que son expansion et une meilleure qualité du droit. En donnant un plus grand pouvoir d'initiative aux acteurs, et au-delà, plus de responsabilités, le droit souple contribue à oxygéner notre ordre juridique. Par un emploi raisonné, il peut pleinement contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation ». Alors, oxygénons !
Le site officiel servicepublic.fr indique lui-même que le baptême civil, que je préfère appeler parrainage civil, peut se pratiquer à la mairie. Toutefois, comme il n'a pas de valeur légale, la mairie n'est pas obligée de l'organiser...
La laïcité est d'application variable dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; protestations sur les bancs du groupe UC)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Tout ce qui est excessif est dérisoire !
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais ça réveille...
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Notre groupe a souhaité inscrire cette proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale sous la précédente législature à l'ordre du jour réservé. La pratique est déjà fréquente, en particulier dans les communes rurales, lors des obsèques d'une personne impliquée dans la vie de la commune, ou lorsque la famille fait la demande.
Il s'agit de faciliter les démarches de ces familles qui, en l'absence d'information suffisante et de dispositions légales sur le sujet, doivent faire un choix en inadéquation avec les dernières volontés de leurs proches défunts, faute d'alternative connue.
Selon cette proposition de loi, une commune aurait désormais l'obligation, si et seulement si elle dispose d'une salle, de la mettre à disposition, si elle est adaptable. Cela laisse une latitude d'appréciation aux maires. Un officier d'état civil peut - et seulement peut - y procéder à une cérémonie civile. Aucune obligation n'est inscrite dans la proposition de loi.
Cette proposition de loi permet l'égalité des familles sur le territoire.
En commission des lois, des doutes ont été formulés ; ils ont amené à adopter un amendement de suppression. C'est fâcheux. L'adoption d'un tel amendement empêcherait de modifier le texte. Ainsi, l'amendement n°11 d'Alain Richard qui pourrait recueillir l'assentiment de tous ne serait pas examiné. Aujourd'hui, les obsèques coûtent au minimum 5 000 euros pour une famille.
Nous nous rallions également au deuxième amendement d'Alain Richard qui modifie le nom de la proposition de loi, si nous pouvions l'examiner...
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Jean-Luc Fichet. - Cette proposition de loi revêt une dimension symbolique, reposant sur le triptyque de notre devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit aussi.)
Mme Maryse Carrère . - Les rites jalonnent la vie des individus et structurent la vie sociale. La Révolution française a donné aux communes nombre des obligations dévolues auparavant aux paroisses. Jean-Jacques Rousseau estimait qu'une société républicaine ne saurait être édifiée sans transcendance et en appelait en conséquence à sacraliser « l'être-ensemble collectif ». D'où la laïcisation de l'état civil le 20 septembre 1792. Le décret du 20 prairial an II créait en outre le parrainage républicain, que l'article 42 de la loi Égalité et citoyenneté encadrait encore.
La loi de 1887 donne à chacun le droit de choisir sa cérémonie funèbre, religieuse ou non. L'intitulé de la proposition de loi instaure des funérailles républicaines. Des questions se posent néanmoins. Ainsi la commune a l'obligation de mettre à disposition gratuitement une « salle municipale adaptable » pour « garantir » l'organisation de telles funérailles et le texte pose la possibilité, pour un officier d'état civil, de procéder, à la demande de la famille, à une cérémonie civile.
Le déroulement du mariage républicain obéit à des obligations, dont la lecture des articles du code civil concernant les devoirs des époux. La possibilité d'organiser des cérémonies religieuses dans des salles municipales nous interpelle. C'est parfois déjà le cas. Cette proposition de loi a été déposée car des maires ont été confrontés à des situations délicates.
Le groupe RDSE juge qu'il aurait été plus judicieux de travailler davantage sur le texte initial. Nous voterons donc l'amendement n°11 d'Alain Richard, qui offre plus de souplesse aux communes. Si des communes fournissent déjà des salles, cette proposition de loi a le mérite de l'inscrire dans le CGCT.
Si la proposition de loi n'était pas adoptée, une réflexion d'ensemble pourrait toutefois être menée sur les cérémonies républicaines : mariage, parrainage, ou encore cérémonie d'accueil dans la nationalité française.
Le groupe RDSE ne votera pas l'amendement de suppression du texte pour pouvoir examiner l'amendement de M. Richard.
M. Yves Détraigne . - Cette proposition de loi impose aux municipalités de fournir aux familles une salle adaptable et gratuite, ainsi que les services d'un officier d'état civil si la famille le souhaite. Cela me rappelle nos débats de 2015 sur le parrainage civil, ou baptême républicain. La commission des lois avait écarté la proposition de faire de cette coutume un acte officiel obligeant les communes. Il s'agit aujourd'hui de créer une nouvelle obligation.
Maire pendant 28 ans d'une commune de 5 000 habitants dans la banlieue de Reims, j'ai participé à des baptêmes républicains, loué des salles comme pour les mariages et obsèques. Tous les maires le font.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Bien sûr !
M. Yves Détraigne. - Au reste, de plus en plus de familles font appel à une société d'organisation d'obsèques... Cette proposition de loi n'a plus la pertinence qu'elle aurait eue il y a une quinzaine d'années... Aussi n'y a-t-il pas lieu de légiférer.
Quant à l'intervention d'un officier d'état civil, cela ne relève pas du champ habituel de ses obligations. Mais dans la pratique, rien n'empêche le maire d'accompagner la famille ni de prendre la parole. Je l'ai moi-même fait à de nombreuses reprises lorsque je connaissais suffisamment le défunt pour pouvoir en parler.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est optionnel.
M. Yves Détraigne. - S'agit-il de créer un rite civil ? Cela n'améliorera pas la pratique actuelle. Il n'est pas raisonnable d'imposer de nouvelles obligations aux communes et ce n'est pas nécessaire de manière générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Alain Marc . - Notre Haute Assemblée examine une proposition de loi sur les obsèques républicaines que nous pourrions nommer « Obsèques civiles » ou « laïques ».
La loi les autorise déjà depuis le XIXe siècle. Le droit en vigueur permet l'organisation d'obsèques civiles, dans les locaux des mairies ; c'était le cas dans ma commune, pas plus tard que samedi dernier ! Pourquoi donc légiférer pour créer une nouvelle obligation ? Le maire n'est pas ordonnateur des pompes funèbres. Ne ridiculisez pas les élus locaux en les transformant en croque-morts, (Marques de réprobation à gauche) même si cette profession est estimable.
Cette proposition de loi est inutile. Le groupe Les Indépendants ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme la présidente. - J'adresse un salut tout particulier à une délégation de jeunes citoyens qui portent fièrement leur écharpe tricolore. Bienvenue au Sénat ! (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - C'est leur première communion républicaine ! (Sourires)
Mme Nicole Duranton . - Après le mariage civil, les funérailles républicaines... Le sujet n'est pas nouveau, l'Assemblée nationale en avait débattu en 2016.
L'intention est louable mais le texte présente des écueils. Prévoir la mise à disposition obligatoire d'une salle communale adaptable, lorsqu'elle existe et la mobilisation d'un officier d'état-civil à la demande des familles, c'est encore et toujours contraindre les communes !
Il n'y aurait pas d'alternative pour ceux qui ne veulent pas de funérailles religieuses. Faux, puisque l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 prévoit la liberté de choix entre funérailles civiles et religieuses et que l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales investit les pompes funèbres d'une mission de service public.
Ce texte prévoit, par dérogation à l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la gratuité de la salle mise à disposition pour les funérailles. Comme le disait Margaret Thatcher, l'argent public n'existe pas, il n'y a que l'argent du contribuable. Aménagement de la salle, rangement et nettoyage, chauffage, électricité, des heures supplémentaires des agents retenus pour l'occasion seront autant de coûts supplémentaires pour les communes.
L'article unique est ainsi rédigé que la mise à disposition de la salle adaptable est rendue obligatoire. Comment feront les petites communes où les locaux sont rares ? Et les grandes où les locaux sont déjà très utilisés ? Maire d'une commune rurale, je n'avais pas de salle à proposer aux familles endeuillées. Toutes les petites communes ne seront-elles pas pénalisées ? Les familles à qui l'on avait, par ce texte, promis une salle leur porteront moins d'estime.
L'association des maires de France (AMF) s'est opposée, comme la commission des lois, à cette charge supplémentaire pour les communes. Les compétences des officiers d'état-civil, en outre, ne recouvrent pas le fait d'encadrer une cérémonie de funérailles et de prononcer un discours à cette occasion.
Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, ses défenseurs n'avaient pas caché leur souhait d'instaurer une forme de religion civile. Mais la République est une forme de gouvernement, elle n'a pas de dimension religieuse ou spirituelle.
M. Pierre Ouzoulias. - Ce n'est pas ce que nous pensons !
Mme Nicole Duranton. - Le député Philippe Gosselin, membre de l'entente parlementaire pour la famille, avait souligné, à juste titre, que les professionnels du funéraire savent parler avec les familles endeuillées parce qu'ils y sont formés, ce que les maires et leurs adjoints ne sont pas.
Ce texte représente clairement une tentative d'insertion de l'État dans la vie privée de nos concitoyens. Je voterai la suppression de l'article unique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Hélène Conway-Mouret . - En mai 1882, le député Clovis Hugues défendait sa proposition de loi tendant à autoriser les obsèques publiques des républicains en disant : « Nous voulons le jour où nous allons dormir dans le grand sommeil, suivant l'expression de Bossuet, avoir la conviction d'être accompagnés par nos amis. » Cette volonté, plus d'un tiers des familles la partage dans une société de plus en plus laïque. Devons-nous aller contre ce mouvement ou l'accompagner ?
La première mission des pouvoirs publics est de garantir l'égalité. Or ceux qui n'adhèrent pas à une religion ne peuvent se rassembler dans un lieu qui ne soit ni commercial ni religieux. Une salle municipale serait l'idéal pour garantir l'égalité des citoyens devant la mort.
Le sujet a été soulevé à l'Assemblée nationale en 2007 puis en 2009 ; en 2016, l'article unique de cette proposition de loi y a fait consensus, seule l'extrême droite s'y est opposée. Certes, les funérailles civiles existent depuis 1887 mais de nombreuses familles l'ignorent. Inscrivons-le dans la loi pour le faire connaître.
Électricité, chauffage, nettoyage de la salle ? Ce sont des coûts que les communes assument pour n'importe quelle cérémonie ou réunion. Je doute que cela grève leur budget. Je comprends néanmoins l'émoi que suscite le terme de gratuité, raison pour laquelle nous sommes ouverts à la discussion du texte.
Victor Hugo, dont on sait l'attachement à notre institution, écrivait dans son testament : « Je donne 50 000 francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l'oraison de toutes les églises. Je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu ». Avec le poète, je suis convaincue que des funérailles républicaines peuvent être l'expression d'une spiritualité laïque.
Montrons que nous sommes capables d'être en phase avec les demandes de notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. - Je salue à nouveau une jeune délégation portant l'écharpe tricolore - nous sommes chanceux ! Jeunes citoyens, soyez les bienvenus au Sénat ! (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Pour citer encore Bossuet, « nous entrons dans la vie avec le devoir d'en sortir. » Comment, nous, législateurs, pourrions-nous nous abstenir d'offrir une solution aux 30 % de nos concitoyens qui ne souhaitent pas d'obsèques religieuses ?
« Honorer ses morts [...] est non seulement un fait culturel universel, c'est [...] aussi l'impératif moral le plus solide, le devoir ultime que s'imposent en toutes circonstances les différentes sociétés humaines. », dit l'anthropologue Grégory Delaplace. Des familles dans la tristesse peinent à trouver une salle pour accomplir ce devoir ultime, aidons-les en sécurisant une pratique qui existe déjà dans certaines communes.
L'AMF, dans son vade-mecum de 2015, rappelait cette possibilité.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cela suffit...
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Ce texte ouvre des possibilités, il ne génère pas de nouvelles obligations. Il n'ôte de droit à personne. Il ne porte aucun jugement de valeur, ne véhicule aucune idéologie. Nous ne pénalisons pas les communes ; nous actons, au contraire, leur rôle dans la chaîne de la vie.
« En nous imposant des devoirs funéraires, [...] les morts font de nous ce que nous sommes. », disait encore Grégory Delaplace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Pierre Grand. - Je ne suis pas philosophiquement opposé aux funérailles républicaines et partage tout ce qui vient d'être dit mais, et nous le savons mieux que quiconque au Sénat, nos communes sont diverses. Instaurer des funérailles républicaines alourdirait leurs charges. Les communes qui n'offriraient pas cette possibilité se le verraient reprocher, ouvrant là des débats potentiellement malsains. À quelques mois des prochaines échéances électorales, préservons les maires.
Imaginez une commune ; des familles frappées par un deuil cruel, celui d'un enfant, et les salles sont déjà réservées pour des mariages...
Mme la présidente. - Veuillez conclure !
M. Jean-Pierre Grand. - Imaginez le drame humain !
Mme la présidente. - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par MM. A. Marc, Decool, Guerriau, Fouché, Bignon, Malhuret et Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Wattebled.
M. Alain Marc. - Pourquoi légiférer ? Dans l'Aveyron, les communes ne veulent pas forcément fusionner pour devenir des communes nouvelles et faire plaisir à Mme Gatel... Elles ont parfois de toutes petites mairies, inaptes à accueillir de tels événements.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'usage fait de la procédure risque de nous empêcher de nous exprimer sur le fond. En commission des lois, la semaine dernière, le texte a été repoussé puis l'on nous a demandé de nous exprimer sur un amendement de suppression. Et le président de la commission des lois de nous informer que l'adoption d'un amendement qui supprime un texte qui n'existe pas ferait tomber les autres amendements...
Plusieurs voix à droite. - Et alors ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Je pourrai vous démontrer que toutes les objections à l'encontre de ce texte nécessaire que le rapporteur et le ministre ont faites sont satisfaites par l'amendement d'Alain Richard.
Je vous demande donc, chers collègues, de ne pas adopter ces amendements de suppression pour que nous puissions effectuer un travail positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je partage l'objectif des auteurs de la proposition de loi mais, pour toutes les raisons que j'ai données, il ne me semble pas utile de légiférer. Le vade-mecum de l'AMF, le guide des bonnes pratiques en cours de rédaction sont des outils de droit souple suffisants et aucune difficulté ne nous a été rapportée.
Monsieur Sueur, je ne peux vous laisser dire que nous usons d'un artifice de procédure. L'article 42 de la Constitution dispose qu'à défaut de texte élaboré par la commission, c'est le texte de l'Assemblée nationale qui est discuté en séance.
Nous délibérons sur une proposition de loi extrêmement intéressante. Cependant, au regard de l'actualité, il conviendrait de relativiser la nécessité de ce débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Sébastien Lecornu, ministre. - L'intention de la proposition de loi est intéressante, je le redis. Mais depuis deux mois que je suis au poste, je fais mon possible pour simplifier le travail des élus locaux.
Soit on dit confiance locale, pacte girondin et on fait confiance aux élus ; soit on tâche de guider les choses parce que l'on veut l'égalité (Murmures sur les bancs du groupe SOCR) sur tous les territoires. Ce n'est pas un gros mot ! Les deux visions se respectent.
Sans faire de politique, lorsque le Gouvernement prend des mesures contraignantes, on lui reproche d'être jacobin ; dès qu'il propose des mesures de simplification, on lui dit qu'il vaut mieux l'écrire dans la loi.
Je veux être cohérent avec l'action que je mène depuis deux mois. Il n'est pas besoin d'écrire dans la loi ce qui relève de la liberté locale. (M. Loïc Hervé, rapporteur, renchérit ; applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. - Monsieur Sueur, il n'y a pas eu d'artifice. La commission des lois a travaillé dans des conditions parfaitement régulières et conformes à l'article 49 du Règlement du Sénat. (MM. Loïc Hervé, rapporteur, et M. Laurent Duplomb applaudissent.)
M. Jean-Pierre Sueur. - Oui, c'est indubitable sur la forme ! Mais sur le fond, cela empêche d'examiner les autres amendements !
M. Pierre Ouzoulias. - Hier, nous avons débattu de l'interdiction de porter le voile dans l'espace public et vous nous avez expliqué que le Comité des droits de l'homme des Nations unies ayant rendu un avis contraire, il était essentiel que nous votions pour réaffirmer les valeurs de la République. Nous l'avons fait.
La laïcité n'est pas la religion de l'État, madame Duranton ; elle est l'organisation des relations entre les citoyens au sein de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)
Le baptême civil est organisé par la loi du 20 prairial an II, du 28 juin 1794, il ne crée aucune obligation. Je n'ai jamais entendu parler d'un contentieux opposant des citoyens à des communes refusant d'en organiser.
Le mariage civil existe aussi. Qu'est-ce qui, philosophiquement, empêche que le citoyen poursuive sa vie dans le corps de la République, par cette ultime cérémonie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Rien !
M. André Reichardt. - Lorsque j'ai lu pour la première fois le texte de cette proposition de loi, je me suis longuement interrogé. Pour rendre ce texte acceptable, j'ai proposé quatre amendements visant à revenir sur l'obligation faite aux communes de mettre à disposition une salle gratuitement, sur celle faite à l'officier d'état civil de célébrer des funérailles civiles, et à compenser financièrement aux communes les charges occasionnées par cette compétence nouvelle. Elles ont déjà tout à faire, même si elles ont échappé de peu au parrainage civil gratuit grâce au Conseil constitutionnel.
Qui peut le plus peut le moins. Je voterai sans état d'âme ces deux amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - N'ajoutez pas de l'idéologie à ce débat. Les maires se plaignent depuis des années de l'alourdissement des charges. Cette proposition de loi n'est pas opportune car la ritualisation de la mort n'a pas à être institutionnalisée au niveau d'une mairie. La pratique donne déjà satisfaction aux familles.
Si nous légiférons, imaginez les contentieux sur la notion de salles adaptables. Les maires seront en difficulté.
Cette proposition de loi est dans l'air du temps. Elle vient après le débat sur la fessée à l'Assemblée nationale.
M. Pierre-Yves Collombat. - Oh non, pas ça !
M. François Bonhomme. - C'est dire la saturation des symboles qui caractérise notre époque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Je voudrais dire avec sincérité que le sujet dont nous débattons est d'une grande gravité. L'intention des auteurs de cette proposition de loi les honore. Si la mort relève de la vie privée, certains la rattachent à des convictions religieuses ou philosophiques.
Monsieur Ouzoulias, mieux vaudrait parler de parrainage civil que de baptême...
Organiser des funérailles civiles en mettant à disposition une salle adaptable engendrerait des risques de contentieux car la notion même d'adaptabilité reste indéfinissable. On ne peut pas demander à la République laïque de gérer notre vie privée. Peut-on demander à un maire de se faire prêtre de la République ? (Protestations sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Michel Savin. - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Patrick Kanner. - M. Hervé a laissé entendre que l'actualité rend caduque notre débat.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je n'ai pas dit cela !
M. Patrick Kanner. - Je ne le crois pas et nous devons continuer notre travail. Nous souhaitons que les familles puissent enterrer leurs défunts dans les meilleures conditions possible. Nous sommes prêts à reprendre les propositions d'Alain Richard. Les deux amendements de suppression nous empêcheraient de mener notre débat à son terme. Au nom de mon groupe, je veux marquer que cela serait regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Les leçons sur la confiance à accorder aux élus locaux sont mal venues. Si nous ne faisions pas confiance aux élus locaux, nous ne siégerions pas sur ces bancs.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, qu'est-ce qui vous inquiète au point de vouloir brider ce débat ? Les arguments du coût supplémentaire fait aux communes sont faibles. Je soupçonne chez certains le refus d'admettre des obsèques qui ne soient pas confessionnelles. (Protestations sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) La spiritualité n'est pas le propre des religions. Ces débats datent d'il y a plus d'un siècle... Je vous en prie, débattons du texte pour l'amender dans le sens que vous souhaitez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Ce n'est pas de notre fait !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - En quelques mois, la majorité sénatoriale a montré son attachement aux écoles privées hors contrat ; elle a refusé notre commission d'enquête sur la pédophilie dans l'Église. Et voici qu'elle veut refuser la possibilité des funérailles républicaines. Je croyais que le Sénat était le temple de la laïcité et j'y découvre le poids des religions. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Oh non !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Monsieur Hervé, à vous qui avez suggéré que ce débat était de peu d'importance après ce qu'il s'était passé à Strasbourg, sachez qu'après que Paris a été dévasté le 1er décembre, nous avons tous reçu un mail indiquant que Les Républicains souhaitaient inscrire à l'ordre du jour un texte sur la sécurisation des passages à niveau... Vous instrumentalisez l'actualité de manière indécente. Encore une fois vous plierez le genou devant l'engagement religieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; huées sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. André Reichardt. - C'est scandaleux !
Mme Nadia Sollogoub. - Pardonnez-moi d'être terre à terre. Pourquoi des parrainages et des mariages républicains, et non pas des funérailles républicaines ? Tout simplement parce que les secondes se préparent en trois à quatre jours, contre des mois pour les premiers.
Il serait indécent de mettre un corps dans une salle où l'on organiserait ensuite un marché de Noël ou entre deux paniers de basket qui accueilleront bientôt le tournoi des poussins. C'est une question tout simplement pratique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Claude Bérit-Débat. - Au sein de toutes les commissions, le président ou le rapporteur peut demander l'examen en priorité d'un amendement. Discuter de l'amendement de M. Richard n'empêcherait personne de voter contre cette proposition de loi. Cependant, le groupe socialiste serait satisfait car le débat aurait eu lieu. Ce serait plus démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Brigitte Lherbier. - Je voterai les amendements de suppression avec grand plaisir car je souhaite soulager les maires de nouvelles obligations. Tous les élus épaulent leurs concitoyens dans les moments douloureux, rien ne sert de l'inscrire dans la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Yves Détraigne. - Mme de la Gontrie nous dit que nous voulons empêcher d'organiser des funérailles républicaines. Ce n'est pas du tout le cas !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Assumez-le !
M. Yves Détraigne. - Elles existent déjà ! J'ai été enfant de choeur, interne dans une institution religieuse (Rires) et j'ai présidé à une dizaine d'obsèques civiles. Il n'y a pas de contradiction. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Pierre Grand. - Mon amendement me semble encore plus justifié après nos débats. Pour ou contre la laïcité, pour ou contre la religion, nous avons dérivé. Ils seront encore plus brutaux au sein des conseils municipaux des petites communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Luc Fichet. - On rend complexe ce qui est infiniment simple : demander aux municipalités de mettre à disposition une salle communale pour des obsèques. On donnerait ainsi une réponse aux familles qui se trouvent dans l'obligation de procéder à des obsèques religieuses quand elles souhaiteraient des obsèques civiles. (On le conteste à droite.) Nous n'imaginions pas le tour que prendraient ces débats, le vote unanime nous semblait acquis.
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission. - Monsieur Claude Bérit-Débat, la commission des lois a souhaité examiner l'amendement de M. Grand en lui donnant un avis favorable.
M. Franck Montaugé. - Pourquoi compliquer une proposition de loi qui est très simple ? Il s'agit ni plus ni moins de proposer un nouveau service public à notre population dans un contexte où les familles sont éclatées. Les gens viennent de très loin pour assister aux funérailles. Cela ne coûtera pas un centime à nos maires de leur mettre à disposition une salle des fêtes. Ce texte répond à une attente profonde. (Murmures d'impatience à droite)
À la demande des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, les amendements identiques nos1 et 14 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°39 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 113 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)
La proposition de loi est rejetée.
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.
Paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs
Discussion générale
M. Franck Montaugé, auteur de la proposition de résolution . - Cette proposition de résolution a été élaborée par MM. Cabanel, Tissot et moi-même.
À l'heure où je parle, des tracteurs ont pris place devant la préfecture du Gers à Auch. Les agriculteurs y protestent contre la redevance pour pollution diffuse.
Les agriculteurs ne portent pas de gilets jaunes, mais ils veulent, eux aussi, vivre dignement de leur travail. Ils en ont assez des apitoiements. Ils veulent des prix, pas des primes. Nous devons leur proposer une réponse.
Notre agriculture est à un tournant de notre histoire, ce qui rend le métier d'agriculteur toujours plus difficile : aux contraintes climatiques, économiques et conjoncturelles s'ajoute l'agri-bashing. Vous dites, monsieur le ministre, que ça suffit et nous sommes bien d'accord. Il faut expliquer aux consommateurs que le rôle des agriculteurs ne se limite pas au seul acte de produire. Il ne s'agit pas de stigmatiser les agriculteurs, mais au contraire de reconnaître les effets bénéfiques de leur travail sur la société.
Les orientations de la Commission européenne pour la future PAC nous engagent à proposer des pistes au Gouvernement. Les paiements pour services environnementaux (PSE) sont un outil intéressant. Mais mettons-nous d'accord sur les mots : nous parlons des externalités positives de l'agriculture sur les écosystèmes engendrés par les pratiques agricoles adaptées qui améliorent la santé et l'efficacité agronomiques et environnementales des écosystèmes.
Il ne s'agit pas de compenser des surcoûts ou des manques à gagner, mais de rémunérer des pratiques qui apportent une plus-value environnementale ou climatique. Dans les années 1990, la société Perrier-Vittel a contractualisé avec les agriculteurs pour protéger ses sources.
Dans le Gers, un producteur de pop-corn bio a fait de même. Les PSE permettraient de valoriser le rôle des agriculteurs pour l'aménagement du territoire et l'entretien des paysages.
Le pastoralisme doit se rémunérer sur son activité économique propre. Mais il faut aussi valoriser les services qu'il rend pour la protection contre les incendies, les glissements de terrain, par exemple. Les PSE permettraient de reconnaître ce que le pastoralisme apporte à l'intérêt général. Souvent, les incendies en Corse résultent de l'abandon de zones autrefois exploitées. Le bilan carbone de la disparition des prairies ne sera pas positif.
Rappelons ici quelques principes : on doit toujours partir des marchés et des attentes des consommateurs. Les PSE doivent conforter le développement des territoires au plan économique, social et environnemental. Les PSE doivent être pensés avec les professionnels et toutes les parties prenantes dans le cadre de projets territoriaux. Il faut conditionner les PSE à une activité agricole productive : pas de paiement pour service environnemental sans agriculture. Pas de mise sous cloche de territoires agraires.
Les PSE ne doivent pas faire l'objet de cadre réglementaire rigide : il ne faut pas ajouter des normes aux normes ; soyons souples et adaptables. Les PSE ne doivent pas se substituer aux aides PAC qui, très probablement, vont baisser. Ils doivent venir en plus, sans toucher au premier pilier. Le ministre de l'agriculture nous le dira certainement. En 2019, des guides pratiques seront mis à disposition sur ces sujets.
La reconnaissance de la valeur environnementale liée aux pratiques culturales n'est pas possible dans le cadre de l'OMC. Pour nous, les PSE devraient être traitées à l'aune des engagements de la conférence des parties et déboucher sur des classements OMC de type boites vertes. Pour nous, les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et les paiements pour services environnementaux sont complémentaires.
La Commission européenne ouvre la voie au financement des paiements pour services environnementaux au sein du premier pilier. Nous sommes réservés sur ce point, d'autant que les aides directes vont diminuer. Tant que la question des prix producteurs ne sera pas réglée et tant que les paiements directs seront indispensables, les PSE ne pourront s'y substituer et ils devront être financés sur des fonds environnementaux spécifiques. N'attendons pas les décisions européennes pour expérimenter.
Améliorer la vie des agriculteurs tout en agissant pour l'environnement, voilà ce que permettent les paiements pour services environnementaux.
Nous devrons nous prononcer sur cette résolution, et non sur d'autres sujets. Nous souhaitons que le Gouvernement s'engage dans cette direction dans l'intérêt des agriculteurs français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Bruno Sido et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En écoutant M. Montaugé et en lisant cette proposition de résolution, certaines idées peuvent paraître séduisantes... mais aussi dangereuses pour notre agriculture.
Il faut cesser de stigmatiser car cela ne fait que monter les uns contre les autres, créer une réelle psychose chez nos agriculteurs, dont certains commettent l'irréparable. Nos agriculteurs travaillent plus de 70 heures par semaine et, pour les éleveurs, sept jours sur sept dans une société qui perd le sens de la valeur travail.
On qualifie les agriculteurs de chasseurs de primes, de pollueurs ou d'empoisonneurs. L'agri-bashing fait rage, poussé par une démagogie verte. Cela passe par des totems qu'il faudrait abattre, telle l'interdiction du glyphosate sans étude préalable ni méthode alternative efficace. Cette démagogie n'est plus tenable. Le classement par une ONG de soi-disant fermes usines est une insulte de plus au modèle agricole français. Notre modèle soutien l'installation des agriculteurs et les fermes familiales.
Cette démagogie n'est plus tenable. Or cette proposition de résolution pourrait souffler sur les braises. Pourquoi reconnaître que l'agriculture rend des services environnementaux alors qu'elle le fait déjà ? L'agriculture mondiale émet un tiers des gaz à effet de serre mais la France occupe depuis trois ans la première place du classement des systèmes alimentaires les plus durables au monde. Nous sommes déjà exemplaires. Pourquoi ponctionner le premier pilier de la PAC par des aides agro-écolo-bobos-environnementales ?
M. Franck Montaugé. - Je ne le demande pas !
M. Laurent Duplomb. - Pourquoi vouloir toujours laver plus vert que vert avant même les négociations sur la PAC ? Cela nous mènerait à accepter la subsidiarité, ce qui mènerait la PAC à être de moins en moins commune et cela accroîtrait l'écart de compétitivité entre notre agriculture et celle des autres pays européens. Pourquoi vouloir donner l'exemple alors que nous sommes déjà exemplaires ? Je vois l'origine de ce texte chez les éternels insatisfaits qui ne reconnaissent pas les progrès de notre agriculture.
Méfions-nous, l'indépendance alimentaire de la France n'est pas acquise. Nous laissons des produits étrangers, qui ne respectent pas nos normes de production, nous envahir.
J'en appelle à la responsabilité et au bon sens de tous : laissons enfin cette profession que j'aime tranquille. Cessons de lui demander de courir un cent mètres avec un boulet au pied. Je suis agriculteur et pas jardinier de la nature. Je ne voterai pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Bruno Sido. - Je ne suis pas d'accord !
Mme Patricia Schillinger . - Cette proposition de résolution tient compte du contexte mouvant que subissent chaque jour nos agriculteurs ainsi que la nécessité de trouver de nouveaux outils pour protéger l'environnement. Les paiements pour services environnementaux rémunéreraient les externalités positives de notre agriculture : séquestration du CO2, entretien de l'environnement et lutte contre les maladies. Nous soutenons cette proposition de résolution et nous défendons une vision plus large des externalités positives, comme la création d'emplois et l'attractivité des espaces ruraux.
Nous devons relever les défis actuels d'adaptation aux nouvelles attentes sociétales, et mieux prendre en compte les externalités positives d'une agriculture capable de rémunérer correctement les agriculteurs.
La PAC montre ses limites : malgré un soutien moyen de plus de 30 000 euros par agriculteur, la pauvreté dans cette profession est endémique. Quelque 30 % des exploitants gagnaient moins de 350 euros par mois en 2016 selon la MSA.
Cependant, en mars 2018, la Cour des comptes européenne a conclu que le système de paiement de base fonctionne mais que son impact est insuffisant. En juin, le Sénat a adopté une résolution européenne en faveur d'une PAC forte. Cette résolution rappelle l'importance de valoriser les externalités positives de l'agriculture. Pourtant, la Commission européenne prévoit de réduire les crédits alloués à la PAC. Le ministère de l'agriculture s'est engagé à défendre sans relâche un budget de la PAC capable de répondre aux défis d'aujourd'hui. Tout nous pousse vers un nouveau modèle économique, social et environnemental. La transition écologique du monde agricole doit être encouragée.
Notre groupe regarde avec bienveillance cette proposition de résolution ; nous voterons pour, même si nous considérons qu'elle pourrait aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOCR)
Mme Cécile Cukierman . - La nécessité d'une transition agro-environnementale est de plus en plus évidente, et il en fut largement question lors des états généraux de l'alimentation. La sécurité alimentaire, la santé publique, le bien-être animal, la préservation des ressources en eau sont autant de défis pour l'agriculture. Mais cela nécessite des moyens.
Que propose cette proposition de résolution ? Elle invite, comme au Costa-Rica, les grandes entreprises agro-alimentaires, à mettre en oeuvre le zéro-déforestation ; elle propose de mettre en place des paiements pour services environnementaux. Cela part d'une très bonne intention. Mais il existe déjà un mécanisme de cet ordre en France, à savoir les MAEC. L'agriculteur s'engage à respecter des pratiques environnementales précises, allant au-delà de la règlementation : en contrepartie, l'administration lui verse une rémunération couvrant les coûts supplémentaires. Selon la proposition de résolution, il ne s'agirait pas de compenser les surcoûts mais de rémunérer une pratique environnementale. L'idée des PSE est séduisante.
Cela pose la question d'un réel accompagnement des agriculteurs dans la transition vers l'agro-écologie. Comment éviter les effets d'aubaine, l'éco-opportunisme et le chantage environnemental en mode « si vous ne me payez pas, je détruis tout » ?
La généralisation des paiements pour services environnementaux pourrait entraîner la fin des pratiques vertueuses généreuses et désintéressées.
La contractualisation pourrait affaiblir les normes législatives.
Il ne faut pas non plus réduire l'objectif des interventions publiques au seul environnement. Les crises agricoles ne seraient alors plus prises en compte.
La majorité du groupe CRCE s'abstiendra sur cette proposition de résolution qui risque d'exclure nombre d'agriculteurs. Le passage d'un modèle intensif à un modèle vertueux doit être défendu, mais pas par cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Jean-Claude Tissot . - Pour être rentable, une exploitation agricole doit-elle nécessairement avoir un impact environnemental négatif ? Non.
Cette proposition de résolution reconnaît les effets positifs de l'agriculture qui est trop souvent présentée négativement dans les médias : maltraitance animale, pesticide, scandales alimentaires...
C'est l'opinion publique qui nous pousse à transformer notre modèle agricole. Celui-ci, construit après-guerre, visait à produire suffisamment pour nourrir la société du baby-boom. Nous devons à présent répondre à une exigence qualitative et pas uniquement quantitative et refuser une agriculture à deux vitesses.
De nombreux agriculteurs n'ont pas attendu le législateur pour améliorer leurs modes de production, mais leurs actions positives sont trop peu visibles.
Au-delà d'une juste et nécessaire reconnaissance symbolique, les agriculteurs qui font des efforts attendent une rémunération correcte.
Les agriculteurs ne peuvent plus faire face au dilemme entre utiliser des produits nocifs et tirer le diable par la queue, d'autant que l'un n'empêche pas l'autre. Pour modifier les pratiques, il faut valoriser les comportements vertueux pour l'environnement, d'autant que les coûts de la conversion sont élevés. Les mesures agro-environnementales vont dans le bon sens mais restent insuffisantes.
La France, grand pays agricole en Europe, pèse dans la négociation de la PAC, qui sera d'ailleurs impactée par le Brexit. Les paiements pour services environnementaux doivent concilier nombre d'impératifs : rotation des cultures, travail du sol, produits de qualité...
Il est de notre devoir de tout faire pour rendre le modèle de demain possible. Le paiement pour services environnementaux serait un bon outil. Il faut dépasser la couleur politique des auteurs de la proposition de résolution. Comme M. Duplomb, je suis agriculteur et pas jardinier de la nature, et c'est pour cela que je vous invite à voter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Joël Labbé . - Merci au groupe socialiste pour cette proposition de résolution. Les paiements pour services environnementaux suscitent de fortes attentes chez les agriculteurs et les associations qui ont des doutes sur les engagements du président de la République, à l'échelon européen comme national. La fin du cofinancement de l'aide au maintien en agriculture bio, qui était une forme de PSE, a envoyé un très mauvais signal.
L'enveloppe de 150 millions d'euros sur trois ans aux agences de l'eau est très insuffisante. Si la France veut être un exemple européen, elle doit encourager les bonnes pratiques sur son sol et mettre en oeuvre une politique ambitieuse. La modification de notre modèle agricole est urgente, à l'heure du dérèglement climatique, de l'effondrement de la biodiversité, des atteintes à la qualité de l'eau, de l'air, des sols, mais aussi de la crise des revenus agricoles.
Les paiements pour services environnementaux peuvent et doivent constituer la base d'un nouveau contrat pour réorienter notre modèle agricole. Il faut cependant mettre un contenu précis derrière ce concept, dont la définition n'est pas stabilisée.
J'ai co-organisé une rencontre au Sénat la semaine dernière avec le collectif « Pour une autre PAC » qui rassemble 33 organisations agricoles, syndicales, associations environnementales, internationales et de citoyens consommateurs. Leur demande sur les paiements pour services environnementaux va plus loin que la proposition de résolution. Les PSE doivent rémunérer des pratiques concrètes dont l'effet positif sur l'environnement est avéré : ils ne doivent pas se limiter aux externalités négatives.
Cette proposition de résolution reste incomplète. Elle ne s'engage pas sur le financement. Or il faudrait y consacrer 40 % du premier pilier de la PAC. Des pistes plus concrètes auraient pu être inscrites, telles que le captage de carbone, haies bocagères, agroforesteries, maintien d'un couvert végétal permanent. (M. le ministre approuve.)
Les pratiques favorables au bien-être animal pourraient aussi être incluses.
Les contrôles PAC sont source d'angoisse pour les agriculteurs. Monsieur le ministre, nombre d'aides PAC n'ont pas encore été payées, notamment les aides bio et lait MAEC.
Rappelons l'idée de Nicolas Hulot - que l'on n'a pas tout à fait oublié - : pour réussir une politique aboutie, il est nécessaire que la PAC soit copilotée par les ministères de l'agriculture et de la transition écologique. Je voterai cette proposition de résolution, mais les membres du groupe RDSE, où règle la liberté de vote, ce qui est très respectable, se prononceront en fonction de nos échanges. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Pierre Louault . - Le constat de départ fait consensus tant les difficultés de l'agriculture française sont importantes. Des agriculteurs à qui je parlais récemment de cette proposition de résolution m'ont ri au nez. Ils m'ont dit qu'il existait déjà des mesures proches depuis des années et qu'aujourd'hui tous ceux qui faisaient des efforts en faveur de l'environnemental n'avaient toujours pas perçu les aides qu'ils devaient recevoir de l'Union européenne et de l'État. Ils m'ont dit que nous avions vraiment du temps à perdre et que nous nous moquions un peu d'eux... Alors qu'ils ont réduit de 50 % la quantité d'intrants, ils attendent depuis deux ans d'être payés et n'ont aucune reconnaissance de la Nation. Certes, cette proposition de résolution est louable, mais avant, reconnaissons les efforts énormes des agriculteurs qui ne donnent pas de leçon depuis leur salon.
Les agriculteurs n'attendent pas une énième loi ou une énième résolution - surtout si elle engendre une complexité qui fait buguer les ordinateurs du ministère de l'Agriculture !
Prenons le temps d'écouter les agriculteurs qui font des efforts, ont acquis des compétences environnementales. Certains disent que d'ici cinq à dix ans, on n'aura plus besoin de pesticides, mais d'ici là, supprimer le glyphosate serait comme supprimer le cuivre ou la chaux en agriculture bio.
Pour Robuchon, le summum de la cuisine, c'est la simplicité du plat. Pour la réglementation environnementale, c'est pareil. Je regrette qu'on s'acharne à complexifier des lois.
Les agriculteurs ont besoin de mesures rapides et efficaces pour leur permettre de gagner leur vie. Tout le reste est perçu comme une provocation. Ils veulent des mesures environnementales européennes qui ne les pénalisent pas.
On ne peut pas avoir la chèvre et le chou dans le même parc. Il faut écouter les agriculteurs comme les scientifiques. Les chercheurs de l'INRA nous disent que nos méthodes sur le loup sont folles. À l'étranger, les loups - en nombre raisonnable - peuvent vivre en même temps que l'agropastoralisme ! Mais, en France, on ne sait pas faire car on imagine qu'il suffit de légiférer pour que tout aille bien.
Je vous propose d'attendre. Cette proposition de résolution arrive trop tôt. Je proposerai au groupe UC de ne pas la voter. Ne sacrifions pas l'agriculture française sur l'autel de l'idéologie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Pierre Decool . - L'agriculture de demain devra répondre à des défis majeurs : une demande alimentaire accrue et plus diversifiée, une concurrence internationale plus rude, un contexte international instable, une révision de la PAC et une nécessaire préservation des territoires et des ressources naturelles.
Il nous faudra être plus que jamais innovants sur les réponses à apporter aux attentes de notre société et pour soutenir nos agriculteurs.
Cette proposition de résolution pose une question fondamentale sur l'avenir de notre agriculture. La création de PSE semble aller dans le bon sens. Les agriculteurs sont les premiers utilisateurs des territoires et ils jouent un rôle fondamental dans la préservation de notre paysage et de la biodiversité.
Leurs externalités positives sont trop rarement rémunérées et mises en valeur. L'activité agricole influe directement sur la biodiversité, les sols et la ressource en eau. Il est fondamental de le faire reconnaître.
Parmi les territoires agricoles les plus intéressants en termes de biodiversité, je voudrais évoquer les zones humides : les marais littoraux, les vallées alluviales, les zones humides intérieures et les tourbières.
Signataire de la Convention de Ramsar en 1971, la France a ratifié ce traité en 1986 : il a pour mission la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides par des actions locales, régionales et nationales.
À ce jour, 48 sites s'étendent en France sur une superficie de plus de 3,6 millions d'hectares, en métropole et en outre-mer. Ces milieux abritent près de 45 % des espèces menacées en France métropolitaine. Et pourtant, malgré plusieurs plans nationaux successifs, leur disparition et leur dégradation se poursuivent.
J'ai dans ma région plusieurs sites Ramsar, le marais audomarois est l'un d'entre eux et c'est un atout. Il est le témoin d'un équilibre réussi mais fragile entre la nature et les activités humaines. Actuellement, les aides octroyées pour les zones humides ne diffèrent que très peu des aides classiques appliquées à l'échelon national et sont loin d'être suffisantes pour prendre en compte les spécificités de cette activité agricole et ses bénéfices pour la société.
Ces milieux de transition sont au coeur des efforts que nous devons fournir pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous devons faire des efforts pour la santé de nos concitoyens.
Créer des PSE pour toutes ces zones, dont les polders, serait reconnaître leur plus-value et le travail quotidien de ceux qui les préservent, les agriculteurs. Cela s'inscrit parfaitement dans la ligne de la mission confiée par le Premier ministre à Jérôme Bignon sur les zones humides, dont les conclusions sont très attendues.
Le groupe Les Indépendants soutient cette proposition de résolution qui vise à dégager de nouvelles sources de revenu pour nos agriculteurs tout en préservant l'environnement et les ressources naturelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, RDSE et Les Indépendants)
Mme Anne-Marie Bertrand . - Victimes du changement climatique, nos agriculteurs n'ont pas attendu l'État ou l'Union européenne pour se soucier de leur terre, leur passion.
En région méditerranéenne, la gestion pastorale des milieux embroussaillés est précieuse pour lutter contre les départs de feu. Autre exemple ; l'irrigation traditionnelle grâce à l'eau du Rhône ou de la Durance, avec le système d'irrigation gravitaire ou par submersion, préserve les nappes phréatiques. Nos initiatives portent leurs fruits au nom du bon sens paysan.
Le département des Bouches-du-Rhône est le premier en matière d'agriculture bio.
Cette résolution part sans doute d'une bonne intention, mais quand on me demande d'habiller Paul, je me demande qui sera Pierre...
M. Franck Montaugé. - Ce n'est pas du tout ça !
Mme Anne-Marie Bertrand. - Veillons à ne pas créer d'usines à gaz, soyons pragmatiques. Nos agriculteurs ne veulent pas d'aides, ils veulent vivre de leur travail et préserver les ressources qui sont leur matière première.
Marchandiser les services environnementaux pose aussi des questions philosophiques. Faut-il comprendre que par défaut, un agriculteur ne souhaite pas protéger l'environnement ?
M. Claude Bérit-Débat.. - N'importe quoi !
Mme Anne-Marie Bertrand. - Sur le « comment », cela pose la question des marchés publics. Quels critères pour établir le juste prix ? Quel contrôle ? Quid des aléas climatiques ? Les externalités positives doivent être la norme. Sanctionnons plutôt les externalités négatives et concentrons nos moyens sur la recherche et l'innovation.
Si l'enfer est pavé de bonnes intentions, ne faisons pas de notre droit un enfer pour les agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; on se récrie sur les bancs du groupe SOCR.)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Autour de Montpellier, un automobiliste sur dix avait un gilet jaune. À Béziers, ils étaient neuf sur dix... Il faut mesurer l'écart entre l'urbain et sa périphérie paupérisée, abandonnée, comprendre la mutation de nos villages ruraux en villages dortoirs, où l'extrême droite progresse le plus. Les enjeux sont sociaux, économiques, environnementaux et évidemment politiques.
C'est pourquoi je prône une vraie complémentarité entre l'urbain et le rural et pas seulement de bonnes intentions teintées de condescendance.
Au-delà des réponses fiscales et sociales, il faut concentrer les efforts sur les zones périphériques. Cela passera par une prise de conscience, par les urbains, de la plus-value des territoires ruraux pour l'environnement.
Les PSE sont un outil utile, né dans les années 90 mais jamais développé. Trop tôt, sans doute, monsieur Louault, mais cela fait tout de même trente ans !
Changement climatique, instabilité des revenus, crise des vocations, sur fond d'agri-bashing intolérable : si les enjeux de l'agriculture durable sont devenus évidents, les modalités restent complexes.
L'étude menée en septembre 2017 par le centre d'études et de prospectives sur les mesures agrienvironnementales définit le PSE comme « la fourniture additionnelle de services environnementaux à travers des paiements conditionnels à des fournisseurs volontaires ». Une contribution volontaire, et non obligatoire, monsieur Duplomb !
Depuis 2017, silence radio. Des questions restent en suspens : ciblage, critères de paiement, montants, évaluation... Les difficultés sont autant techniques que politiques.
Les PSE changent le paradigme de l'évaluation : l'obligation de moyens des MAEC devient obligation de résultat. D'où le volontariat. Il n'est pas question d'ajouter normes ou contraintes. Les PSE reposent sur un degré d'acceptabilité essentiel. Il faudra identifier le coût d'opportunité pour l'agriculteur, cibler les mesures, définir l'échelle, les parties prenantes, le taux de paiement incitatif...
J'espère que les sceptiques comprendront notre volonté d'apporter un revenu complémentaire aux agriculteurs vertueux pour les soutenir.
L'environnement dont la société bénéficie collectivement à un prix. Les bergers ouvrent les chemins, préviennent les incendies... À l'État de mettre en oeuvre un cadre incitatif et des mesures concrètes pour développer les PSE dans les territoires. Beaucoup d'agriculteurs y sont prêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Vincent Segouin . - Cette proposition de résolution crée des paiements pour services rendus par les agriculteurs, complémentaires aux MAEC mises en place en 2015. Celles-ci ont été créées et financées par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour développer de nouvelles pratiques agricoles, préserver la qualité de l'eau, la biodiversité, les sols et lutter contre les changements climatiques.
Il en existe plusieurs types : MAEC grandes cultures, MAEC des surfaces pastorales, MAEC polyculture-élevage, MAEC pour l'aide à la conversion ou au maintien de l'agriculture biologique.
Assorties d'une obligation de résultat, elles ont été comprises par les agriculteurs car elles favorisent une agriculture raisonnée. Trop bien comprises ! À force de signer des chèques en blanc, le fonds a été rapidement épuisé et les aides sont versées avec trois ans de retard ! Les contrôles se sont faits plus réguliers et plus sévères. L'État, par le biais de la MSA, reprochait à l'agriculteur de ne pas payer ses factures à temps, avec majorations à la clé, alors que celui-ci attendait de l'État les aides promises !
Pourquoi une nouvelle aide, dès lors ? Les PSE auraient une obligation de résultats ; les aides seraient proportionnelles aux bénéfices générés pour l'environnement. Cela peut se calculer pour la source de Vittel-Perrier, par exemple, mais quid des sources de nos communes qui ne font pas de profits ?
M. Henri Cabanel. - Buvons l'eau de New York !
M. Vincent Segouin. - Quid de l'entretien des territoires de montagne, si nous n'avons plus d'agriculteurs ?
Bref, cette disposition me paraît bien compliquée à mettre en place à l'échelle nationale de manière équitable. De plus, on peut craindre un changement de vocation des agriculteurs. Des exploitants pourraient réclamer aux communes, aux syndicats d'eau le remboursement de sommes aujourd'hui supportées par l'Europe.
Les agriculteurs ne veulent pas être des salariés de l'État mais vivre de leur production et avoir des exploitations rentables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Claude Bérit-Débat. - Ils pourraient vivre mieux !
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR) C'est un grand jour : ce matin, le Conseil des ministres a validé les ordonnances qui assureront une meilleure répartition de la valeur agricole, l'encadrement des promotions dans les grandes surfaces... Espérons qu'après quinze ans de tentatives, nous arriverons enfin à ce que les agriculteurs vivent mieux de leur travail. Lutter contre l'agri-bashing, c'est aussi tenir un discours positif vis-à-vis des agriculteurs.
Je salue l'initiative de Franck Montaugé qui acte le lien entre agriculture et environnement. Les agriculteurs ont fait leur mue, ils sont en avance en matière de protection de l'environnement, vous l'avez tous signalé. Alors n'ayons pas peur, ne soyons pas frileux, traçons des perspectives dans un texte proactif.
Le Gouvernement est favorable à cette proposition de résolution qui correspond aux orientations de mon ministère : garantir un revenu décent aux agriculteurs, les protéger contre l'agri-bashing - c'est mon rôle - et réussir l'irréversible transition vers l'agroécologie. Les agriculteurs s'y sont tous engagés, certains en choisissant la voie du bio, d'autres en optant pour une agriculture raisonnée, en limitant les intrants ou la consommation d'eau... N'opposons pas les uns aux autres, tous vivent les pieds dans la terre, pas un seul ne souhaite la polluer !
Les PSE sont un outil innovant. Ce n'est pas une contrainte supplémentaire mais une incitation qui valorise certaines actions, en matière d'entretien du paysage par exemple. Les agriculteurs ne sont pas des jardiniers mais ils entretiennent nos prairies où les urbains aiment à se promener.
Il faut toutefois aller plus loin, accompagner et valoriser sans stigmatiser. Les PSE peuvent nous y aider, en garantissant un revenu plus juste aux professionnels. Les actions vertueuses peuvent être rémunérées tant par les politiques publiques que par le marché - le bio, par exemple, bénéficie des deux.
Oui sur le principe, donc, mais il faudra affiner la mise en oeuvre. Le colloque qui s'est tenu vendredi a fourni un certain nombre de pistes, et j'en remercie le sénateur Labbé. (Murmures à droite)
Certaines MAEC reposent sur une logique de résultat ; attention toutefois à ne pas généraliser cette logique, car les résultats en matière environnementale ne sont pas immédiats et sont complexes à évaluer.
Nous progressons sur le versement des aides au bio : pour 2016, 99 % des aides ont été payées à l'heure actuelle. Reste à verser 100 millions d'euros sur 9,2 milliards d'euros. Pour 2017, le chiffre est de 98 %, avec 150 millions restant à verser. C'est trop, l'État a été défaillant - mais on ne peut dire que les agriculteurs n'ont pas été payés. J'ai demandé que l'on hâte le pas.
Les PSE ne doivent pas être une usine à gaz. C'est pourquoi le travail doit se poursuivre pour les rendre fluides et simples à contrôler, autour d'indicateurs de résultats pertinents.
Nous agissons dans un cadre réglementaire contraint. La France soutient une PAC rénovée, simplifiée. Les 9 000 critères doivent être rationalisés. Or quand on veut simplifier, cela se transforme généralement en une simplification qui complexifie ! J'aurais besoin de votre soutien. L'architecture proposée dans la future PAC permettra de rémunérer les agriculteurs qui en ont besoin.
Vous avez parlé de l'éco-schéma ou éco-programme : il devra s'imposer à tous les États membres pour éviter les distorsions. Le dispositif devra permettre une rémunération sur une base incitative et forfaitaire. Cela exigera un budget PAC suffisant. La France se bat pour qu'il soit maintenu au niveau actuel.
Sans attendre, le Gouvernement a engagé en 2017 un recensement des dispositifs publics et privés de rémunération des services environnementaux en France et travaille à la rédaction de guides méthodologiques afin de sécuriser le cadre juridique des PSE.
Avec le plan Biodiversité présenté en juillet dernier, le Gouvernement s'est engagé à consacrer 150 millions d'euros d'ici 2021 aux services environnementaux. Monsieur Decool, les zones humides des wateringues peuvent entrer dans ce dispositif.
Le ministre de l'agriculture et le ministre de la transition énergétique travaillent conjointement, le Gouvernement est pleinement engagé pour développer ces démarches. Nous soutenons cette proposition de résolution, mais il faudra sans doute aller plus loin pour espérer un jour généraliser ces initiatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, RDSE, LaREM et Les Indépendants)
À la demande du groupe SOCR, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°40 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 131 |
Contre | 197 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La séance suspendue à 18 h 5, reprend à 18 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Nathalie Delattre. - Lors du scrutin n°39, M. Menonville et moi-même souhaitions voter pour.
Mme la présidente. - Acte est donné à votre mise au point qui sera publiée au Journal officiel.
Échec en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire qui s'est réunie sur le projet de loi de finances pour 2019 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
M. Michel Savin. - Dommage !
Déclaration d'un préavis de grève des contrôleurs aériens
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi sur la déclaration d'un préavis de grève des contrôleurs aériens à la demande du groupe Les Indépendants.
Discussion générale
M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi . - La proposition de loi que nous examinons préserve le droit de grève des contrôleurs aériens tout en assurant la continuité du trafic aérien et la sécurité des passagers. La France compte un peu moins de 4 000 contrôleurs aériens, répartis dans les aéroports et les cinq centres régionaux ; ils sont en liaison constante avec ceux des pays voisins. Leur compétence, cruciale pour la bonne marche du trafic aérien, impose des sujétions particulières.
Cette proposition de loi conforte le droit de grève, je l'ai dit. Ce que nous visons ce sont les conditions d'exercice du droit de grève qui, lorsqu'il s'exerce de manière impromptue, a des conséquences terribles sur les voyageurs. La France est à l'origine de 67 % des mouvements de grève de contrôleurs aériens dans l'Union européenne, causant 97 % des retards liés à ces grèves. Cette tendance s'amplifie : en 2018, les grèves de contrôleurs aériens ont augmenté de 300 % en un an !
Selon PricewaterhouseCooper's, 12 milliards d'euros ont été perdus à cause de ces grèves entre 2010 à 2016, ce qui affecte particulièrement le tourisme à raison de 1 milliard d'euros par an. Les deux jours de grève des 8 et 9 avril 2015 se sont soldés par une perte de plus de 20 millions d'euros pour le transport aérien français. L'impact sur les compagnies aériennes des 3 300 vols annulés se chiffre à 66 millions d'euros en trois ans, des retards à 35 millions d'euros. Entre 2014 et 2016, les avions des compagnies aériennes étrangères ont dû parcourir 6 millions de kilomètres supplémentaires pour contourner le ciel français ; l'impact environnemental est lourd.
Le coût important de ces grèves pousse l'État à céder à certaines revendications. Le cadre juridique français doit être plus protecteur. En cas de grève, la loi de 1984 sur le service minimum garantit 50 % des survols ainsi qu'un certain nombre d'arrivées et de départs dans les aéroports précisés par décret. Cependant, aucune information sur le nombre de grévistes n'est prévue, ce qui complique les régulations de précaution et provoque retards et annulations de dernière minute. Même si le nombre de grévistes est très faible, les conséquences sont lourdes. De 2015 à 2017, la France a totalisé 32 journées de grève sur 40 en Europe dans le contrôle aérien, dont 16 sur des revendications sans rapport avec le contrôle aérien.
Un système de déclaration préalable empêchera les annulations à chaud et limitera les pertes financières. La Commission européenne recommande un préavis syndical de 21 jours et un préavis individuel de 72 heures. Cette proposition de loi, moins ambitieuse, étend la loi Diard sous une forme appropriée aux services de la navigation aérienne avec un préavis individuel de 48 heures.
Trouvez-vous normal que des passagers français ou étrangers apprennent seulement au moment du décollage que leur vol est annulé ? Les familles sont prises en otage, les passagers doivent assumer seuls des frais d'hébergement et de transport. Ce coût caché des grèves se compte aussi en heures de stress et de mal-être. Cette situation donne une image déplorable de notre pays, elle est contraire à l'essence même du droit de grève.
Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient ; les victimes accusent souvent à tort Air France. Depuis le dépôt de cette proposition de loi, de nombreux passagers m'ont fait part de leur désarroi. Aude a vu cinq de ses vols annulés en deux mois, trois contrats lui ont échappé et son entreprise envisage le dépôt de bilan. Emery, un usager de l'aéroport de Marseille, demande aux contrôleurs aériens de penser aux petits qui gagnent moins de 1 500 euros et se privent toute l'année pour s'offrir un petit voyage. Myriam et sa famille se sont cotisées pour offrir aux grands-parents agriculteurs, à l'occasion de leurs 50 ans de mariage, une croisière ; ils n'ont pas pu embarquer à cause d'un vol annulé. Le rêve est devenu un cauchemar. Jérémie, au chômage, a vu s'envoler ses espoirs de retrouver un travail lorsque le vol qui devait le conduire à son troisième entretien a été supprimé. Justine a travaillé d'arrache-pied pendant un an pour passer un concours qui se présente tous les deux ans. Le jour dit, aucun avion n'a décollé. Hamed, coincé à Casablanca, n'a pu assister à la naissance de son fils.
Avec le développement du low cost, l'avion est devenu accessible à des personnes aux revenus modestes qui n'ont pas les moyens de s'assurer ; elles sont les premières victimes de ces mouvements de grève.
Pour elles, je vous invite à voter cette proposition de loi qui préserve la portée du droit de grève mais rend notre système de trafic aérien plus efficace, plus sûr et plus humain. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains)
M. Alain Fouché, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Cette proposition de loi a pour objectif de mieux organiser le service de transport aérien en cas de grève au profit des usagers. Nous avons tous vu des situations insupportables de passagers attendant leur vol des heures durant.
Les mouvements sociaux qui touchent les services de la navigation aérienne sont une cause non négligeable de perturbation des services de transport aérien en France.
Entre 2004 et 2016, la France a enregistré 254 jours de grève, soit 67 % de jours de grève en Europe, et ces grèves ne sont pas seulement liées à des revendications propres aux métiers de la navigation aérienne.
La difficulté à anticiper le nombre de grévistes entraîne des annulations à chaud alors que les passagers sont parfois déjà dans les aérogares, voire dans l'avion.
Le cadre juridique actuel est insuffisant. Fonctionnaires appartenant à la fonction publique d'État, les agents de la DGAC ne peuvent participer à une grève que s'ils sont couverts par un préavis déposé cinq jours avant le déclenchement de la grève. Si le service minimum permet d'assurer le maintien d'une activité, il ne fonctionne pas de manière satisfaisante car les agents ne sont pas tenus de déclarer individuellement leurs intentions de participer à la grève si bien que, par précaution, plus de vols que nécessaire sont annulés.
Problème humain, problème financier... Pour les résoudre, cette proposition de loi oblige les personnels de la navigation aérienne à déclarer individuellement leur intention de participer à une grève 48 heures avant celle-ci. Cette obligation existe déjà pour les salariés de la SNCF, de la RATP, madame la ministre, ou même d'Air France. Cette proposition de loi ne remet nullement en cause le droit de grève. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable l'a approuvée tout en l'améliorant certains points. Elle a ainsi restreint le champ d'application de l'obligation aux personnels concourant au transport aérien de passagers, non tous les personnels de la navigation aérienne car, si le Conseil constitutionnel reconnaît la compétence du législateur de limiter le droit de grève, ce n'est qu'en proportionnalité de l'objectif fixé.
La commission a aussi souhaité que les déclarations de préavis de grève soient couvertes par le secret professionnel, leur utilisation pour un autre objectif que l'organisation du service minimum lors de la grève étant punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Elle a harmonisé les dispositions de la proposition de loi avec les dispositions législatives existantes et a modifié l'intitulé du texte.
Cette proposition de loi ne réglera pas toutes les difficultés auxquelles les passagers sont exposés mais garantira une meilleure organisation du service de transport aérien. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Monsieur le sénateur Guerriau et le rapporteur Fouché ont rappelé l'importance du transport aérien, secteur vital pour notre économie qui, pourvu que l'on y inclue la construction aéronautique, représente 4,3 % du PIB et plus de 320 000 emplois directs.
Mon engagement pour ce secteur se traduit par les Assises nationales du transport aérien, dont je veux faire le socle d'une stratégie nationale. Le transport aérien connaît une forte croissance depuis trois ans après plusieurs années de stagnation où la priorité allait à la maîtrise voire à la baisse des taux de redevances sur les services de la navigation aérienne.
L'impératif de sécurité reste la priorité. Avec la reprise du trafic, le système de contrôle aérien se trouve en tension, d'où des nombreux retards en période estivale. Le rapport d'Eurocontrol a mis l'accent sur la situation particulière de l'Allemagne, du Benelux et de la France.
Les causes des retards sont multiples : aléas météorologiques, modèle d'exploitation de certaines compagnies aériennes avec l'utilisation en continu des appareils, mais le contrôle aérien y a sa part, en raison du retard de modernisation des systèmes d'informations, des besoins en ressources humaines, (Mme Éliane Assassi le confirme.) et, parfois, des jours de grève. Merci au sénateur Capo-Canellas de l'avoir souligné.
Le Gouvernement veut remédier aux causes structurelles de ces retards. Un protocole social a été signé avec quatre organisations syndicales de la DGAC représentant 70 % du personnel pour la période 2016-2019. Il prévoit des expérimentations sur une nouvelle organisation du travail qui ont permis d'absorber une partie de l'augmentation du transport aérien, il faut le saluer et poursuivre dans cette direction.
Il faudra aller plus loin. Le recrutement d'effectifs opérationnels en quantité suffisante sera nécessaire en France comme ailleurs. Un investissement pour le renouvellement des systèmes de navigation aérienne est prévu à hauteur de 300 millions d'euros. Le nouveau système 4-Flight sera mis en place en 2021-2022. Le dialogue social se poursuivra pour accroître la performance de la navigation aérienne.
Les mouvements sociaux qu'elle connaît peuvent être communs avec le reste de la fonction publique : 14 mouvements de ce type en 2017 et 3 au premier semestre 2018. Il peut aussi s'agir de grèves locales : 30 en 2017, 10 au premier semestre 2018. L'accessibilité de l'espace aérien français reste néanmoins assurée grâce aux dispositions de la loi du 31 décembre 1984 sur le service minimum, qui est mis en oeuvre au moyen d'astreintes.
Les préavis de grève de cinq jours applicables à tout le service public s'appliquent aussi à la navigation aérienne. Ce délai permet d'informer les compagnies aériennes pour qu'elles puissent annuler des vols en amont plutôt qu'au dernier moment.
La proposition de loi de M. Guerriau ajoute une pièce à ce dispositif : une obligation de déclarer individuellement sa participation à une grève 48 heures auparavant. Cela permettrait effectivement de partager des informations plus précises avec les compagnies aériennes, d'ajuster les astreintes en les limitant au maximum.
Toutefois, le sujet est sensible, il touche à la liberté de se déplacer et au droit de grève. L'impact des propositions de Joël Guerriau mérite d'être mesuré.
La semaine dernière, des élections professionnelles étaient organisées dans la fonction publique ; aussi aucune concertation suffisamment complète n'a pu être menée. Or elle est indispensable - même si je note que Joël Guerriau a reçu les organisations syndicales. Les événements récents qui ont eu lieu dans notre pays nécessitent un dialogue et une écoute renouvelés. C'est dans cet esprit que je vous inviterai à toute la sagesse dont vous savez faire preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)
M. Michel Savin. - Dommage !
M. Bruno Sido. - Une occasion manquée !
M. Frédéric Marchand . - Ne nous y trompons pas, la problématique soulevée par cette proposition de loi est réelle puisque la France est responsable de plus de 60 % des jours de grève européens des contrôleurs aériens.
Les désagréments sont multiples pour les passagers, sans compter l'impact environnemental puisque 6 millions de kilomètres additionnels sont parcourus en conséquence.
Les mouvements sociaux explosent partout en Europe en raison de la hausse du trafic aérien et de la baisse des effectifs. Alain Fouché l'a écrit avec raison dans son rapport, les grèves ne sont pas la seule cause des retards ; sont également en cause le manque de personnel et la vétusté des instruments de gestion de la navigation européenne. Pour la CFDT, les grèves sont responsables de 1 % des retards - contre 55 % pour les compagnies et 15 à 20 % pour les problèmes d'effectifs des prestataires de contrôle. Loin de moi l'idée de discuter les chiffres indiqués dans le rapport mais je veux simplement souligner l'écart avec ceux cités par une organisation syndicale réputée réformiste.
Le syndicat national des contrôleurs du trafic aérien a averti que l'adoption de ce texte mettrait un coup d'arrêt à la concertation. Allons vers l'idéal en passant par le réel en ne contournant pas cette position.
Le service minimum et le préavis de 5 jours existent, même s'ils peuvent être améliorés.
Cette proposition de loi poursuit un objectif louable mais par une méthode coercitive qui risque de durcir encore plus un climat social en très mauvais état. Les questions soulevées par cette proposition de loi pourront être évoquées en 2019 lors des discussions avec les organisations syndicales sur le protocole social.
M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi. - Consultera-t-on les millions de passagers qui souffrent des retards ?
M. Frédéric Marchand. - Le climat est très tendu. C'est le fruit de 40 ans de politiques qui ont insuffisamment pris en compte l'avis des citoyens et des salariés. Ce texte pourrait provoquer de l'incompréhension, voire mettre le feu aux poudres. Le groupe LaREM s'abstiendra.
Mme Éliane Assassi . - À l'heure où la France traverse une grave crise sociale et institutionnelle, où les gilets jaunes dénoncent la vie chère, la déconnexion des élites et les inégalités sociales, l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Sénat peut être vue comme une énième provocation. (MM. Alain Fouché, rapporteur, et Bruno Sido protestent.) Les difficultés du transport aérien seraient, non le fait de la soumission de ce secteur à la seule rentabilité au mépris des exigences de sécurité et de service public, mais de l'exercice par les salariés du droit de grève.
Le protocole social sera revu l'an prochain. Le service minimum est déjà extrêmement contraignant et efficace.
Les auteurs de ce texte veulent aller toujours plus loin dans la casse des droits fondamentaux des salariés. Il impose une déclaration préalable individuelle.
M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi. - Comme pour les pilotes d'avion !
M. Alain Fouché, rapporteur. - Et les conducteurs de train !
Mme Éliane Assassi. - C'est plus subtil que l'interdiction pure et simple de la grève.
Ces dispositions sont en contradiction avec de nombreuses jurisprudences. Dans l'arrêt « Air France » de 2003, la Cour de cassation a reconnu qu'il ne pouvait être demandé à un salarié d'annoncer sa participation à une grève à l'avance. Dans l'affaire de la société Rhodia Chimie, la cour d'appel de Grenoble a également jugé, en 2002, qu'interroger chaque salarié sur ses motivations à participer à une grève constituait une pression inacceptable. Nous continuons donc d'affirmer que les déclarations préalables de grève portent une atteinte caractérisée et inacceptable au droit de grève. Du reste, les amendements déposés tendent à transformer les dispositions du texte en une sorte d'alerte sociale. Se serait-on rendu compte qu'il constituait une provocation ?
En réalité, ce texte répond à une demande des compagnies irlandaises, britanniques et hongroises qui ont porté plainte contre la France auprès de l'Union européenne. Nous ne pouvons accepter de faire primer le marché sur les droits des salariés.
Quelles sont les causes des retards ? Pour 55 % les compagnies, pour 20 % la météo, pour 25 % le manque de personnel. Ce qui est à l'origine des difficultés, c'est le dogme de la concurrence, le manque d'investissement public dans la modernisation des systèmes et le manque d'effectifs. Mais on préfère s'attaquer au droit de grève, chiffon rouge pour la droite sénatoriale.
Le groupe CRCE votera !
M. Alain Fouché, rapporteur. - Comme d'habitude !
M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi. - Merci pour le peuple !
Mme Éliane Assassi. - Allez donc lui parler dans la rue !
M. Alain Fouché, rapporteur. - Qu'avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?
Mme Éliane Assassi. - Je ne l'ai jamais été !
M. Alain Fouché, rapporteur. - Vos amis, si !
Mme Nicole Bonnefoy . - Cette proposition de loi n'est satisfaisante ni sur la forme ni sur le fond. Les grèves ne sont pas la cause principale des retards, comme l'attestent les rapports denses et fournis d'ETF et d'Eurocontrol.
Les grèves des contrôleurs aériens ne causeraient que 55 secondes de retard par vol ! Cette proposition de loi permet de détourner le regard des vrais problèmes. Le sort des familles en déshérence dans les aérogares est évoqué dans l'exposé des motifs- mais les responsables sont les compagnies low cost, dont le modèle économique les autorise rarement à assumer l'hébergement des familles en de telles situations.
M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi. - N'importe quoi !
Mme Nicole Bonnefoy. - Sur la forme, nos concitoyens réclament un dialogue social rénové. Et l'occasion se présente de discuter de ces sujets alors que le protocole social sera de nouveau négocié en 2019.
Ce texte fragiliserait des droits acquis de longue date, comme le souligne Vincent Capo-Canellas dans son amendement. De fait, obliger à informer individuellement ses supérieurs hiérarchiques de ses intentions de participer à une action sociale reviendrait à individualiser, de manière insidieuse, le droit de grève. Mieux vaut améliorer le service minimum par la concertation ; une concertation que les corps intermédiaires et les citoyens réclament. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Pierre Corbisez . - On attribue souvent à la France le trophée de la grève. C'est méconnaître l'histoire sociale de notre pays qui a inscrit le droit de grève dans le préambule de la Constitution de 1946. Mais l'on ne peut éluder le principe de continuité du service public et l'on comprend mal pourquoi le contrôle aérien qui est le fait de fonctionnaires échappe à la loi Diard : les contrôleurs aériens ne sont pas soumis au préavis individuel de 48 heures ; c'est ce à quoi remédie cette proposition de loi.
Entre 2004 et 2016, les contrôleurs aériens ont accumulé plus de 250 jours de grève, entraînant une perte d'environ 300 millions d'euros par an pour les compagnies aériennes, des désagréments pour les passagers et une perte de recettes pour l'État qui a dû abandonner les redevances dues par les compagnies - 3 et 4,5 millions d'euros par jour sans contrôle. C'est incompréhensible, d'autant que les contrôleurs aériens ont des conditions salariales confortables, encore revalorisées il y a peu.
La France est le centre névralgique du transport aérien européen. C'est pourquoi le coût temporel d'un jour de grève - 35 000 minutes - est plus important qu'en Allemagne.
Une large majorité du groupe RDSE soutiendra ce texte, tout en rappelant qu'il ne faudra pas oublier les pistes d'amélioration du rapport de Vincent Capo-Canellas.
Henri Bergson disait qu'un problème bien posé était déjà à moitié résolu. Nous avons donc fait la moitié du chemin, poursuivons-le en adoptant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Certains d'entre vous ont eu la bonté de rappeler mon rapport. J'y proposais d'appliquer la loi Diard au contrôle aérien en l'adaptant au service minimum auquel il est soumis.
Ce rapport a fait du bruit à cause du nombre de jours de grève que j'y révélais. L'enjeu est autre : accompagner le développement important du trafic aérien - 4,8 % cette année, entre 2,5 et 5 % l'an prochain.
Nos contrôleurs aériens sont reconnus dans le monde entier, notre école nationale de l'aviation civile est saluée pour son excellence. S'en enorgueillir n'empêche pas de voir les pistes d'amélioration : il faut plus de contrôleurs aériens, il faut adapter leurs cycles de travail, il faut moderniser les logiciels. Et cela passe par du dialogue social.
Le moment choisi n'est sans doute pas le meilleur : il y a eu les élections professionnelles, on est à la fin de l'année et le climat social n'est pas bon. Mon rapport est un tout : il faut moderniser les matériels et les logiciels, modifier le droit de grève et augmenter le nombre de contrôleurs aériens qui ne doit pas être laissé de côté...
Nous sommes confrontés au déficit du nombre de contrôleurs aériens, au déficit technique. La DSNA a besoin de se projeter dans un avenir partagé avec tous les contrôleurs.
Le groupe UC est favorable à cette proposition de loi même si je ne suis pas certain qu'elle soit totalement au point et que le dialogue soit idéal.
La DSNA doit franchir le palier de la croissance du trafic. Pour ma part, j'ai calculé que 20 % des retards sont dus aux grèves. C'est un droit fondamental qui ne doit pas être négligé.
Attention à ne pas affaiblir le système de réquisitions avec cette proposition de loi. Aucun des services de navigation aérienne en Europe n'a réussi à concilier déclaration préalable et réquisition.
Le groupe UC, favorable à la proposition de loi, souhaite que le dialogue et la finesse juridique du texte soient approfondis. Le calendrier, resserré, ne doit pas nuire à notre objectif d'un système pérenne améliorant le service aux voyageurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je n'ai ni la connaissance de M. Capo-Canellas, ni le talent de Soulages de tout peindre en noir, mais je peux témoigner : courriel à 23 heures informant d'une éventuelle perturbation aux aurores, ligne téléphonique saturée, attente cadencée par Les Quatre saisons de Vivaldi, puis aucune information. Arrivée au petit matin dans l'angoisse, attente dans un aéroport bondé puis dans un avion cloué au sol et, enfin, remboursement rarement à la hauteur des coûts engagés. Voilà la réalité.
Quelque 67 % des jours de grève des contrôleurs aériens en Europe proviennent de fonctionnaires français. J'avais déposé une proposition de loi semblable à celle-ci : Il faut obliger les contrôleurs aériens à annoncer individuellement leur intention de faire grève pour éviter que les voyageurs ne soient pris en otage.
Le préavis individuel ne porte pas atteinte au droit de grève : le nombre de jours de grève n'a pas diminué depuis la loi Diard. On ne peut accepter que seuls les agents du service public soient le maillon qui perturbe la chaîne de préparation du vol. Une journée de grève coûte à la DGAC entre 3 et 4 millions d'euros.
La proposition de loi aidera à lutter contre les dommages humains et financiers. Elle aurait pu s'inscrire dans un dispositif plus large, incluant d'autres services publics, comme les services postaux. J'entends la difficulté de l'examiner en période d'élection syndicale.
Mme la ministre nous appelle au sens des responsabilités : nous l'avons. Il s'agit d'achever un travail inachevé. La flamme réformatrice se serait-il éteinte sur les ronds-points ? « Le pire risque, c'est de ne pas prendre de risque » disait Nicolas Sarkozy en instaurant le service minimum. C'est pourquoi je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Claude Malhuret . - Je veux saluer le travail remarquable qui vient de nous être exposé.
En juillet, quatre compagnies ont porté plainte auprès de l'Union européenne contre la France pour non-respect de la liberté de circulation.
Entre 2004 et 2016, la France a enregistré 254 jours de grève contre 46 jours pour la Grèce qui est deuxième en Europe. La situation semble empirer : les grèves ont été quatre fois plus nombreuses cette année par rapport à 2017 et elles ont perturbé 16 000 vols et pénalisé 750 000 voyageurs.
Ces grèves pénalisent nos partenaires étrangers. Selon la commission des finances, la France est responsable de 33 % des retards dus au contrôle aérien en Europe.
L'absence de préavis effectif empêche la bonne information des passagers, comme quoi cette proposition de loi apparaît-elle comme une nécessité. Cette proposition de loi étend les obligations de la loi Diard aux contrôleurs aériens qui devront déclarer leur intention de participer à un mouvement de grève 48 heures à l'avance et informer leur employeur de leur renoncement au moins 24 heures avant. Ces nouvelles règles permettront d'anticiper les contraintes organisationnelles et de réduire les retards et annulations de vols. Il ne s'agit en rien d'une atteinte au droit de grève des contrôleurs aériens.
Une collègue a dénoncé une atteinte au droit de grève constitutionnellement reconnu. Il est certain que le Sénat français n'a pas la fibre humaniste ni la sophistication technique des pays dirigés par Maduro, Castro, XI Xinping, qui respectent, on le sait, le droit de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi. - Vous êtes dans le caniveau, monsieur Malhuret !
M. Alain Fouché, rapporteur. - C'est la réalité !
M. Claude Malhuret. - Mea culpa, mea maxima culpa. (Sourires)
Pour répondre aux difficultés du secteur, les assises du transport aérien de mars devraient rendre leurs conclusions prochainement. Une stratégie nationale est indispensable. Ce secteur pèse 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 100 000 emplois. Il connaît de grandes difficultés. Air France supporterait des charges supérieures de 400 à 700 millions aux autres compagnies.
L'État dépensera en 2019 pour les lignes d'équilibre du territoire 15 millions supplémentaires, soit quatre fois le montant dépensé en 2018. Nous saluons aussi l'allègement des taxes aéronautiques sur les vols intérieurs, mesures dues à notre collègue Capo-Canellas.
Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Catherine Procaccia . - Merci à Joël Guerriau pour cette proposition de loi. Le rapport d'Alain Fouché dit tout. J'espère que ce débat sera l'occasion d'obtenir une réponse du Gouvernement à ma question écrite d'août sur les grèves des contrôleurs aériens qui pénalisent les mouvements de nos compagnies mais aussi des compagnies étrangères.
Quatre compagnies ont déposé plainte contre la France car le survol de notre territoire leur est interdit lors des grèves. Faut-il attendre une condamnation, comme en 1997, lorsque la France a restreint l'accès des fruits et légumes espagnols à son territoire ? Faut-il attendre une condamnation pour que le Gouvernement impose un préavis individuel de 48 heures ?
Le droit de grève des contrôleurs aériens date de 1984-1985 ; il autorise une réquisition pour que 50 % des arrivées et des départs soient assurés. La réalité est toute autre et j'ai le sentiment que la situation s'est dégradée ces dernières années. En 2007, j'étais rapporteure de la loi sur le service minimum dans les transports terrestres voulue par Nicolas Sarkozy, qui est en réalité une loi de dialogue social puisqu'elle impose une concertation préalable à toute grève. Elle a amélioré la situation mais sans faire baisser le nombre de jours de grève. J'ai déposé en juin 2009 une proposition de loi pour étendre le service minimum aux autres secteurs, notamment l'aérien. À l'époque, la DGAC m'avait assuré que l'extension aux contrôleurs aériens était inutile. En janvier 2010, le ministre des transports me disait qu'il faudrait peut-être modifier la loi de 1995. Il ne l'a pas fait et aucun ministre socialiste des transports n'a ensuite étendu le service minimum. En 2012, la loi Diard n'a pas mentionné les contrôleurs aériens. Il manque dans cette loi un volet prévention, ce que je regrette.
Madame la ministre, je ne doute pas que vous êtes consciente de la nécessité d'agir même si vous n'êtes pas autorisée à donner un avis favorable. Ce texte devra être examiné et amendé par l'Assemblée nationale. Que se passera-t-il si la France est condamnée par l'Union européenne ?
Cette proposition de loi ne mettra pas fin aux grèves mais améliorera la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Revenons sur terre : voilà 261 jours, soit 8 mois et 17 jours, que des facteurs se sont mis en grève dans les Hauts-de-Seine sur la base d'un préavis datant de 2015.
Il a fallu près de trois mois pour que le ministère des finances prenne connaissance du problème, les indicateurs de performance mensuels ne reflétant pas les dysfonctionnements locaux, trois mois sans courrier, soit 800 000 plis en souffrance et des lettres d'avril arrivées en septembre, pour obtenir une réaction.
Combien d'entreprises, d'artisans, de professions libérales en souffrance, de patients sans résultats, des automobilistes pénalisés par des amendes majorées ? Pour autant, malgré l'ouverture à la concurrence de la totalité du courrier depuis le 1er janvier 2011, aucun acteur n'est venu concurrencer la Poste sur les plis de moins de 50 grammes.
Le service universel postal, défini à l'article L. I du code des postes et des communications électroniques, précise qu'au titre de service public, le service universel postal « est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale ».
Compte tenu des mouvements sociaux survenus ces derniers mois en plusieurs points du territoire, la juste conciliation du droit de grève et de la continuité du service public postal n'a jamais semblé aussi indispensable. C'est l'objet de la proposition de loi cosignée par 80 d'entre nous.
La réglementation du droit de grève des agents publics en droit français manque d'unité, et le bénéficiaire du service public, à savoir l'usager, se trouve confronté à des textes « divers et variés » selon l'expression du professeur Pierre Delvolvé, qui ajoute dans son commentaire du célèbre arrêt Dehaene du 7 juillet 1950 : « L'ampleur et le succès des mouvements de grève dépendent essentiellement des conditions de fait et des rapports de force, et échappent dans une large mesure à l'emprise des limitations juridiques ».
Ces limitations juridiques, qui vont de l'obligation de déposer un préavis, à l'interdiction d'une grève tournante en passant par la réquisition manquent singulièrement d'unité. Ainsi, selon le service public concerné, il y aura une obligation de préavis ou une obligation de service minimum. Le délai de ce préavis ne sera pas le même selon le service public : de 48 heures dans l'éducation nationale, à 5 jours pour un agent territorial....
Pourquoi, dans le nouveau monde, ne pas unifier l'ensemble de ces limitations dans un souci de simplification ? Pourquoi ne pas légiférer au lieu d'attendre du Gouvernement, des juges, des décisions jurisprudentielles variables selon les magistrats, selon le temps, selon les parties ? Pourquoi ne pas unifier et étendre les règles de service minimum ? Cette proposition de loi nous invite au débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Il n'y a aucun risque que la France soit condamnée dans le cadre de la plainte déposée par quatre compagnies aériennes : le survol de la France a toujours été assuré et aucune règle internationale n'impose que ce survol ne connaisse aucun délai. Il y a dans cette plainte un peu de communication de la part d'entreprises qui ont peut-être des choses à se faire pardonner.
Ne sous-estimons pas l'impact des événements météo dans les retards - ils vont sans doute se développer - ni l'impact du sous-investissement, ni les problèmes d'organisation des compagnies que le moindre grain de sable vient faire vaciller.
Il y a aussi, bien sûr, la question des grèves. Mais il existe des réquisitions et un préavis, comme pour tous les agents de la fonction publique. Il est sans doute utile de réfléchir à des moyens de prévention des conflits. C'est une architecture à bâtir. Ce sera d'autant plus aisé qu'il y aura eu une concertation en amont.
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
ARTICLE UNIQUE
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Canevet, Henno, Détraigne, Laugier, Lafon, Janssens, Cigolotti, Médevielle, Moga, Vanlerenberghe et Kern et Mmes de la Provôté, Doineau, Létard, Gatel, Vermeillet, Tetuanui, Dindar, Vullien, Loisier, Férat, N. Goulet et Guidez.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article 2 de la loi n°84-1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n°64-650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n°71-458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l'aviation civile, et relative à l'exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne, sont insérés trois articles 2-1 à 2-3 ainsi rédigés :
« Art. 2-1. - Le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir qu'après activation d'une procédure de prévention des conflits tendant à développer le dialogue social.
« Art. 2-2. - Le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir avant quinze jours francs après l'activation de cette procédure.
« Art. 2-3. - Un décret en Conseil d'État fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée à l'article 2-1. »
M. Vincent Capo-Canellas. - Je suis attaché à un système équilibré. Cet amendement introduit une procédure obligatoire de prévention des conflits sociaux au sein de la navigation aérienne avec un délai de 15 jours. Cela permettra à la direction de nouer le dialogue.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je ne peux qu'être favorable à un dispositif de prévention des conflits mais cet amendement modifie profondément les conditions de la négociation préalable à l'exercice du droit de grève, ce qui devrait faire à tout le moins l'objet d'une concertation. Avis défavorable à défaut d'un retrait.
M. Vincent Capo-Canellas. - J'y vois plutôt une logique d'équilibre pour prévenir les conflits. Je le maintiens.
Mme Catherine Procaccia. - Un tel mécanisme manquait à la proposition de loi. Dans ma proposition de loi, que vous aviez signée, monsieur Fouché, cette prévention était prévue. Je ne sais pas si quinze jours est le bon délai, mais cet amendement est utile pour prévenir les conflits. À titre personnel, je le voterai.
L'amendement n°2 rectifié est adopté.
L'article unique, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Canevet, Détraigne, Henno, Laugier, Lafon, Janssens, Cigolotti, Kern, Médevielle et Vanlerenberghe, Mmes Guidez, Vullien, Loisier, Férat, N. Goulet et Dindar, M. Moga et Mmes de la Provôté, Létard, Gatel, Vermeillet, Doineau et Tetuanui.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article 3 de la loi n°84-1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n°64-650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n°71-458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l'aviation civile, et relative à l'exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne, après le mot : « ,désigne », sont insérés les mots : « dans la limite de 50 % de l'effectif opérationnel prévu d'être en fonction le jour de la cessation concertée du travail, ».
M. Vincent Capo-Canellas. - Cet amendement adapte le dispositif du service minimum en limitant l'astreinte à 50 % de l'effectif opérationnel, ce qui est un service minimum déjà conséquent.
Un taux supérieur combiné à l'obligation de se déclarer gréviste serait excessif.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement qui écrase le texte.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Cet amendement modifie le régime du service minimum. La loi de 1984 fixe une obligation de résultat ; la fixation d'un plafonnement des astreintes est contradictoire avec le fait d'assurer un service minimum en toutes circonstances.
Votre amendement aurait des incidences sur le traitement d'événements ponctuels tels le festival de Cannes ou le Grand Prix de Monaco qui exposent certains aéroports à une hausse considérable du trafic.
Les tribunaux administratifs ont plusieurs fois validé le bien-fondé du dispositif actuel. La France pourrait risquer de ne pas pouvoir assumer l'ordre public ou remplir ses engagements internationaux. Retrait ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Cet amendement n'écrase pas le texte, monsieur le rapporteur, puisque l'article unique a été adopté.
L'argument du festival de Cannes ne me semble pas le plus pertinent... Même si l'ancien maire du Bourget que je suis est parfaitement conscient de l'importance de certains grands événements.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Henno, Détraigne, Lafon, Laugier, Moga, Canevet, Vanlerenberghe, Cigolotti, Médevielle et Kern et Mmes de la Provôté, Létard, Gatel, Doineau, Vermeillet, Tetuanui, Dindar, Vullien, Loisier, Férat, N. Goulet et Guidez.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 16 octobre de chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif à l'état d'avancement des grands programmes de modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne, menés par la direction des services de la navigation aérienne. Ce rapport détaille notamment les coûts de réalisation de chacun de ces programmes, les délais de mise en oeuvre de ces outils dans les centres de contrôle en route et les tours de contrôle, et la performance opérationnelle de ces systèmes à l'aide d'indicateurs précis. Il rend également compte de l'état d'avancement du dialogue social avec les personnels du contrôle de la navigation aérienne afin d'améliorer l'organisation du travail dans les centres de contrôle pour répondre à l'évolution du trafic.
M. Vincent Capo-Canellas. - Comme j'ai pu le montrer dans le rapport d'information, la France a pris un retard considérable dans le domaine du contrôle aérien, tant sur le plan matériel que logiciel. Dotons-nous de visibilité sur la modernisation de cet outil de travail : nous avons dépensé 2,1 milliards, pour un système qui n'est pas suffisamment performant. Ce rapport permettrait aux contrôleurs aériens et à nous-mêmes de savoir chaque année où nous en sommes.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Cela fait suite au constat alarmant dressé par Vincent Capo-Canellas en juillet dernier. L'obsolescence des matériels est responsable de nombreux retards. Les syndicats que j'ai auditionnés partagent son inquiétude. Avis favorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Mener à bien ces grands programmes de modernisation de nos outils de contrôle aérien est un impératif - je regrette les contraintes budgétaires passées - et il est légitime que le Parlement dispose de ces informations. Avis favorable.
L'amendement n°3 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Henno, Cigolotti, Médevielle, Lafon, Laugier, Moga, Canevet, Détraigne, Vanlerenberghe, Kern et Janssens et Mmes de la Provôté, Létard, Gatel, Doineau, Vermeillet, Tetuanui, Vullien, Loisier, Dindar, Férat, N. Goulet et Guidez.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne
M. Vincent Capo-Canellas. - La performance est un tout : d'où ce nouveau titre.
M. Alain Fouché, rapporteur. - C'est un amendement de conséquence des amendements adoptés, mais avis défavorable, car notre but est bien le préavis de grève.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le but que nous partageons tous est l'amélioration de la performance des services de la navigation aérienne au service des passagers. Avis favorable.
L'amendement n°4 rectifié est adopté et l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Mme Catherine Procaccia. - J'espère que Mme la ministre disposera ainsi d'un véhicule législatif pour faire évoluer le système de déclaration de grève.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)
La séance est suspendue à 20 h 15.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 21 h 50.
« Emplois non pourvus en France : quelles réponses ? Quelles actions ? »
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : emplois non pourvus en France : quelles réponses ? Quelles actions ?
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.
Je vous rappelle que l'initiateur du débat disposera d'un temps de parole de 8 minutes, le Gouvernement aura une durée équivalente.
L'initiateur du débat ne nous ayant pas encore rejoints, je vous propose que Mme la ministre commence.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Merci au groupe Les Indépendants d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. Nous poursuivons ainsi nos discussions sur la mission « Travail-Emploi » avec ce thème très important.
Le paradoxe est grand entre des demandeurs d'emploi représentant 9,1 % de la population active et un nombre croissant d'entrepreneurs qui peinent, voire renoncent, à embaucher.
En 2018, la pénurie de candidats est à 83 % le motif de renoncement à l'embauche. En 2017, ce furent 250 000 à 330 000 emplois non pourvus. Ce sera davantage encore en 2018, du fait de la dynamique de l'emploi - il y a eu 211 000 créations nettes d'emplois l'an passé, l'équivalent de la population de Rennes. Il y a un manque de corrélation entre compétences disponibles et compétences recherchées.
Sur les 3,5 millions d'offres d'emplois déposées dans l'année, et la très grande majorité sont pourvues, mais les 300 000 non pourvues sont insupportables. D'après une étude de la Dares parue hier, il y a deux situations différentes où des emplois ne sont pas pourvus : des secteurs où il y a très peu de chômage et où des emplois qualifiés ne trouvent pas preneur - et où le problème tient principalement à la qualification, c'est le cas par exemple pour les soudeurs, les ingénieurs informatiques, les chefs-cuisiniers, les électriciens, ou encore les métiers de la maintenance ; des secteurs où la demande est forte pour des emplois peu qualifiés, avec une rotation forte - le problème à régler tient alors beaucoup à la faible attractivité des métiers, en raison de leurs salaires et de leurs conditions de travail et de recrutement, par exemple dans la restauration, le bâtiment, l'aide aux personnes.
Certains territoires connaissent plus de tension mais la situation est assez similaire sur tout le territoire. La raison ? La France connaît le chômage de masse depuis trente ans. Former pour former semblait ne pas avoir de sens. Aussi la qualification de la main-d'oeuvre est plutôt basse. Il faut sortir de cette fatalité. Un demandeur d'emploi seulement sur dix est formé et un salarié sur trois a accès à la formation.
Il y a des visions datées, par exemple sur l'apprentissage, qui heureusement change : + 6 % d'inscrits et + 45 % de demandes cette année, dans la dynamique de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Les règles de l'assurance chômage, enfin, n'incitent pas suffisamment à reprendre un emploi - c'est l'un des enjeux de la réforme en cours de négociation.
Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) apporte lui aussi des réponses, pour mieux ajuster l'offre et la demande, renforcer l'attractivité des métiers en tension, ou même simplement l'information sur le fait que des métiers sont en tension - le phénomène est méconnu. On quantifiera en temps réel les besoins. Nous avons lancé le 20 septembre l'opération #VersUnMétier avec Pôle Emploi. Il faut faire savoir que des offres ne sont pas pourvues, et qu'il faut se former par exemple en cybersécurité, ou en développement des sites web alors - c'est possible en quelques mois.
Nous travaillons avec les régions sur le PIC, avec un très grand volet sur les métiers en tension. Le premier pacte sera signé la semaine prochaine avec le Grand Est à Metz. Il y aura 10 000 formations dans le numérique, autant dans les métiers verts qui se développent à toute vitesse. Le PIC sera aussi mobilisable pour accompagner la gestion prévisionnelle des emplois.
Le travail doit aussi payer mieux pour que l'emploi soit attractif.
Nous devons agir sur tous les leviers pour réussir. C'est ce à quoi nous sommes attachés.
M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants . - Chaque année des centaines de milliers d'offres ne trouvent pas preneur alors que le chômage est de plus de 9 %. Nous nous souvenons de la phrase du président de la République, qui a tant choqué : il suffirait de « traverser la rue » pour trouver un emploi. Or, sur les 300 000 offres non pourvues, 97 000 ont été annulées par l'entreprise, 53 000 demeurent, 150 000 ont été abandonnées faute de profil adéquat et 19 500 n'ont fait l'objet d'aucune candidature. Ces chiffres sont à rapporter aux 24 millions de déclarations d'embauche réalisées dans l'année.
Les postes non pourvus - cuisiniers, chaudronniers, assistantes maternelles, cadres technico-commerciaux, carrossiers... - ne sont pas des surprises. Ce sont souvent des métiers peu valorisés, peu rémunérateurs, mais aussi peu connus.
En Loire-Atlantique, plus de 50 % des 54 236 projets de recrutement sont classés difficiles comme ouvrier, marin, personnel navigant, vendeur en gros, concierge. Mission, salaire ou pénibilité ne rendent pas ces métiers attractifs. Le Gouvernement incite à aller voir dans d'autres secteurs quand on ne trouve pas dans le sien, mais quand on élargit ses recherches dans des secteurs où l'on n'a pas toutes les qualifications, on trouve des salaires moindres.
Il y a bien d'autres problèmes à régler, ensuite, que ceux de la formation. Entre 2007 et 2011, environ 500 000 personnes ont dû renoncer à un poste pour des problèmes de logement. Un postulant qui se rend compte qu'il ne pourra pas trouver de logement ou de transport adapté peut renoncer. Le mouvement des gilets jaunes a mis l'accent sur le coût du carburant - et l'on hésite d'autant plus à faire des kilomètres que l'emploi proposé est en CDD. Les collectivités territoriales doivent donc améliorer l'environnement de l'emploi, en particulier le logement.
Les entreprises doivent, elles, adapter leurs offres. Se pose aussi le problème des filières qui forment trop de jeunes pour le nombre de débouchés disponibles. Les pouvoirs publics doivent y réfléchir. À l'heure où les services représentent 75 % des offres d'emploi et où numérisation et robotisation sont une réalité, la politique de formation est un enjeu stratégique. Il faut mieux cibler les formations.
Le monde du travail est en perpétuelle évolution et a besoin de souplesse.
Pour changer la donne, chacun doit prendre ses responsabilités. Ce débat a pour objet d'esquisser des pistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le président de la République a dit regretter ses propos blessants. On se souvient tous de la phrase : « Je traverse la rue et vous trouve un emploi » qui reprenait avec arrogance l'argument du patronat selon laquelle les chômeurs ne veulent pas travailler. Plus de neuf offres d'emploi sur dix ont été pourvues. Seules 18 000 offres sont restées sans candidats, soit 0,6 % des offres - cela représente un emploi pour 333 chômeurs, c'est dire que l'enjeu n'est pas à la hauteur du problème du chômage...
Le président de la République a dit vouloir faire de la formation professionnelle une priorité. Pourtant l'Agence nationale pour la formation professionnelle adulte (AFPA) envisage de fermer 38 centres et de supprimer 1 541 postes en CDI : Madame la ministre, laisserez-vous faire cette réduction de compétences sur le territoire ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Oui, tout n'est pas qu'une question de formation. Mais une fois sur deux, la question des compétences se pose. C'est pourquoi nous travaillons à augmenter significativement l'apprentissage, en particulier via la contractualisation avec les régions pour le PIC - l'apprentissage est une filière trop méconnue, qu'il faut renforcer, parce qu'elle mène à l'emploi.
Depuis dix ans, l'AFPA survit avec des aides d'urgence. En cinq ans, l'État a abondé l'agence de 700 millions de déficit, plongeant les salariés dans l'incertitude. C'est pourquoi la direction générale de l'agence a proposé une réforme structurelle, pour la recentrer sur ses missions régaliennes et vers les publics les plus difficiles, plutôt que de la faire répondre à tous les appels d'offres qu'elle remporte de moins en moins. Cela n'empêchera pas une offre mobile de formation. Sur le plan social, nous voulons que la transition se fasse sur la base du volontariat Quelque 600 personnes partent à la retraite - nous espérons que les autres départs seront volontaires.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - L'AFPA est un établissement public qui fonctionnait bien. Le taux de réinsertion dans l'emploi est de près de 66 %. Nous regrettons que tant de centres ferment, c'est un recul du service public. Quant à l'apprentissage, je conviens avec vous qu'il peut être une filière d'excellence, y compris pour accéder aux études supérieures.
Mme Corinne Féret . - Ce sujet des emplois non pourvus est trop méconnu, il fait trop souvent l'objet d'incompréhension. Il ne suffit pourtant pas de traverser la rue...
Si la plupart des offres d'emploi qui restent non pourvues manquent d'attractivité, le problème de la formation est primordial.
Le Gouvernement précédent avait formé 500 000 chômeurs ; vous lancez le PIC, avec l'objectif de former un million de demandeurs d'emploi peu ou pas formés et un million de jeunes éloignés de l'emploi.
Cependant, la loi de finances pour l'an prochain diminue les moyens de la mission « Travail et emploi », vous affaiblissez les opérateurs : Pôle emploi perd 425 millions de subventions et 800 emplois, les missions locales sont fragilisées, l'AFPA est en crise... est marquée par un affaiblissement des acteurs. Comment pourront-ils porter le PIC ?
Madame la ministre, quel est le premier bilan du PIC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Nous n'avons pas voulu lancer trop vite le PIC ; quand il y a des à-coups, les opérateurs ne suivent pas forcément. En 2018, le niveau était supérieur à 2017, mais de peu. En 2019, il va doubler.
L'investissement varie selon les régions. En Bretagne et en Normandie, il n'y a pas de fermeture de centre AFPA, car les régions ont toujours joué le jeu.
Les ressources de Pôle Emploi étant liées à la masse salariale, elles continuent à augmenter, de plus de 100 millions, malgré la baisse de la subvention ; la baisse d'ETP sera compensée par la numérisation. Le budget des missions locales baisse de 1,1 % et sera aussi compensé par les gains de productivité en numérisation. Vous le voyez, nous continuerons d'avoir les moyens d'accompagner les opérateurs pour mettre en place le PIC.
M. Jean-Pierre Moga . - Au troisième trimestre 2018, 5,6 millions de personnes étaient inscrites à Pôle Emploi, dont 3 millions sans emploi, mais 300 000 offres étaient non pourvues, en particulier dans l'hôtellerie, la chaudronnerie, le bâtiment. Seules 150 000 ont fait l'objet d'un abandon d'embauche.
Il y en a très peu dans les grandes entreprises, alors que les TPE ont du mal à recruter. Il faut rendre ces métiers plus attractifs, en trouvant des leviers autres que l'existence d'offres. Une enquête auprès des employeurs de ces secteurs montrait que les réticences à s'y présenter étaient à trouver dans les faibles salaires et dans le nombre important d'heures supplémentaires non rémunérées.
Les accords de branches sont une piste. Les CCI ne pourraient-elles pas accompagner les petites entreprises ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Les entreprises qui ont le plus de besoins d'embauche sont les plus mal équipées en ressources humaines : les petites entreprises. Dans le PIC, une partie est prévue pour l'accompagnement des PME pour l'ingénierie RH des opérateurs de compétence - que nous mettons en place grâce à la loi.
Nous avons déjà beaucoup parlé du développement de l'apprentissage. Les conditions de travail sont souvent peu attractives : santé, pénibilité et précarité. Car s'il faut se déplacer pour un emploi difficile et en plus temporaire, un demandeur d'emploi peut hésiter. Cependant, ces difficultés ne sont pas une fatalité. Il faut y remédier.
M. Jean-Pierre Decool . - Dans l'apprentissage, de nombreuses offres ne sont pas pourvues. Dans ma région, les Hauts-de-France, l'hôtellerie, mais aussi le numérique, cherchent en vain des apprentis. Dans les Hauts-de-France, ce sont plus de 530 diplômes disponibles via l'apprentissage dans 380 centres de formation. Il faudrait 50 000 jeunes pour pourvoir les offres.
Choisir l'apprentissage, c'est choisir l'excellence et la promesse d'un emploi rapidement : plus de 70 % des apprentis trouvent un emploi en un an. Il faut encourager cette voie.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Nous partageons cette conviction. L'apprentissage est une voie pour juguler le chômage des jeunes. Xavier Bertrand a été le premier à soutenir notre réforme pour renforcer l'attraction des métiers et de l'apprentissage.
L'un des principaux problèmes est le manque de connaissance des métiers. Les élèves auront désormais 54 heures de présentation des métiers de la 4e à la 1ère - et les demandes ont crû de 45 % à la sortie de 3e, cela n'était jamais arrivé auparavant. L'Éducation nationale présente enfin l'apprentissage à égalité des autres filières, c'est un progrès.
J'ai visité une cinquantaine de CFA : plus de la moitié des apprentis ont connu cette filière par un membre de leur famille : c'est encore trop ! Les professionnels et les organismes publics doivent rapprocher apprentis et entreprises.
Notre opération avec des YouTubeurs a eu un grand succès.
Le moindre accès à l'apprentissage des jeunes issus des quartiers en difficulté est aussi un problème à régler. Patrick Toulmet a été nommé pour donner aux jeunes des quartiers prioritaires accès à cette voie vers la réussite.
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est bien un mal bien français que cette inadéquation de l'offre et de la demande. Le Figaro en parlait encore aujourd'hui concernant la logistique et les transports.
Les entreprises de l'Isère ont voulu présenter leurs métiers dans leur diversité. Ne serait-il pas temps de casser les codes et lier davantage élèves et entreprises ?
La phrase du président de la République est blessante, mais elle est aussi parlante : les Français doivent comprendre qu'il faut parfois sortir de la voie où l'on s'est formé, pour trouver un emploi.
En Isère, un pôle d'intelligence logistique a été monté avec Pôle Emploi et le préfet pour faire valoir les métiers. Les préfets et les agents de l'État ont-ils des consignes suffisamment claires et précises en ce sens ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La filière de la logistique est effectivement en forte tension, avec le développement rapide de l'e-commerce. Nous déclinons des plans régionaux du PIC. La région Rhône-Alpes refuse cependant de s'y associer. Avec la baisse de 65 % des crédits régionaux pour les demandeurs d'emploi peu formés, c'est difficile de faire quoi que ce soit.
Il faut, bien sûr, mobiliser l'Éducation nationale, nous y travaillons. Bientôt les jeunes pourront rencontrer un maître d'apprentissage - tous les élèves, du collège et du lycée. Jean-Michel Blanquer et moi avons écrit aux préfets et aux recteurs pour que les jeunes à la sortie de la 3e puissent ainsi découvrir le monde du travail. Problème majeur, neuf offres sur dix sont en CDD. Peut-être les partenaires sociaux peuvent-ils faire des propositions ?
Mme Patricia Schillinger . - Un des secteurs avec le plus d'offres non pourvues est l'aide à la personne : 78 % des responsables de structures déclarent avoir des difficultés à recruter. Or on estime qu'il y aura 300 000 offres dans ce secteur en 2030 en raison du vieillissement démographique. On compte aujourd'hui 15 millions de personnes de plus de 60 ans, elles seront 20 millions en 2030.
La pénibilité des métiers de l'accompagnement est aussi en cause.
Enfin l'aide aux autres est un métier, une vocation qui nécessite une formation.
Que ferez-vous, madame la ministre, pour donner à ces emplois non délocalisables et d'intérêt social, stabilité et perspectives ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - C'est en effet de plus en plus essentiel. Il y a 2 100 offres sur le site du CESU ; en réalité, il y en a beaucoup plus. Les raisons ? La non valorisation symbolique et financière de ces métiers qui sont encore bien plus subis, que choisis. La société n'a pas encore reconnu que les aides à domicile étaient essentielles. Les classifications de branches pour ces métiers de femmes sont les plus floues. La précarité étant générale, dès que les personnes trouvent autre chose, elles quittent le métier. Nous devons rassembler les acteurs pour rendre plus attractif le métier qui doit devenir un métier d'avenir, y développer des carrières, des passerelles : nous y travaillerons dans le cadre des opérateurs de compétences.
Mme Patricia Schillinger. - Merci, madame la ministre. Il y a urgence, les CAP et bac professionnels doivent être revus.
Mme Michelle Meunier . - « Combien sommes-nous aujourd'hui ? » se demandent quotidiennement les employés du secteur médico-social. Derrière les sous-effectifs, se cachent le tabagisme, les maladies cardio-vasculaires, des horaires décalés, l'invalidité.
Un tiers des agents, qu'il s'agisse d'infirmières ou d'aides-soignantes, ont le sentiment que l'effectif présent ne garantit pas la sécurité et la dignité des patients. Deux-tiers des Ehpad qui peinent à recruter ont des postes vacants depuis six mois et plus.
Que ferez-vous concrètement pour de véritables déroulements de carrière, des formations, qui redonneront leurs lettres de noblesse à ces métiers de soin ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Vous avez entendu Mme Buzyn en parler. La question de la possibilité d'avoir un ascenseur social est centrale. Il est très important que les professionnels dans le privé ou le public, dans l'associatif et le lucratif se retrouvent, construisent ensemble les carrières et les mobilités dans ces métiers : c'est l'enjeu des opérateurs de compétences, de regrouper des acteurs aujourd'hui dispersés.
Dans la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, ce sont les professionnels qui décideront des parcours à mettre en place. Ces métiers neufs, sauf pour le médical pur, en ont besoin.
Mme Michelle Meunier. - Merci madame la ministre. Bon nombre des blouses blanches se sont associées aux gilets jaunes ; il faut sortir de la politique du chiffre pour aller plus dans la qualité.
M. Jean-Claude Luche . - Dans l'Aveyron, 3 000 offres d'emploi ne sont pas pourvues ; et il y a 6,6 % de chômeurs. Toutes les offres ne sont pas dans les métropoles ; les territoires ruraux ont des atouts. Mais nous devons trouver des solutions à ce paradoxe. Comme d'autres départements, nous voulons attirer de nouveaux habitants. Président du conseil départemental, j'avais créé le site « L'Aveyron recrute » pour ce faire. Le maintien des services publics, haut débit et réseau routier sont indispensables. Il faut investir dans les infrastructures.
Pourquoi ne pas créer un début d'exode urbain ? Madame la ministre, comment prendrez-vous en compte l'aménagement du territoire ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Toutes les régions ne sont pas égales face au chômage : 6,6 % dans l'Aveyron, 5,8 % dans la Mayenne, 9,1 % pour la moyenne nationale ; mais 25 ou 30 % en outre-mer. On ne peut pas appliquer les mêmes mesures partout.
Le mouvement récent a révélé le problème des villes moyennes, dont les habitants ont le sentiment d'être loin de l'emploi qui se trouve dans les métropoles.
Après les compétences, le deuxième frein du retour à l'emploi, c'est la mobilité. Certes, il faut encourager le co-voiturage. Mais il faut aussi se poser la question de la capacité à déménager. Emploi et logement sont aujourd'hui dans des silos séparés. Il faudra développer les aides à la mobilité - actuellement jusqu'à 5 000 euros par an, peu connues - pour offrir à la fois un emploi et un logement. Il est aussi possible d'aller plus loin dans le télétravail, c'est aussi un atout pour les territoires ruraux.
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La France est le dernier grand pays industrialisé à ne pas s'être remis de la crise de 2008 : plus de 9 % de chômeurs, 300 000 emplois non pourvus.
L'inadéquation de notre système de formation vient, en grande partie, de ce que les entreprises n'y ont pas leur place. Résultat, la formation n'est pas adaptée aux besoins réels des entreprises, les jeunes méconnaissent totalement l'entreprise et son fonctionnement ainsi que la palette des métiers.
Une voie qui fonctionne aujourd'hui est l'apprentissage. J'ai entendu votre engagement en faveur de l'objectif partagé de 500 000 apprentis, mais nous stagnons. Sur 300 000 apprentis, 100 000 dépendent des chambres consulaires qui sont asséchées, projet de loi de finances après projet de loi de finances. Pour 2018, la recette affectée est réduite de 100 millions d'euros ; Bruno Le Maire a répété qu'il ne fallait pas que cela ait un impact sur les CFA sans dire comment.
Comment garantirez-vous que le nombre d'apprentis des chambres consulaires ne diminuera pas mais, au contraire, augmentera des deux tiers ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel libère les capacités de développement et de création des CFA. Il y a quelques jours, on a lancé un kit sur ce sujet. Désormais, une collectivité territoriale, une association, une chambre consulaire, une entreprise pourra créer un CFA.
La loi réglera un problème qui était patent : la moitié des régions n'utilisaient pas l'argent de l'apprentissage pour l'apprentissage. Certains CAP de cuisiniers ne faisaient l'objet d'un financement que de 2 500 euros par an - je ne sais pas ce qu'on peut faire avec si peu d'argent, contre 14 500 ailleurs, et les CFA devaient compléter. Dorénavant, les professionnels fixeront le coût au contrat et les CFA auront leur propre comptabilité analytique. Nous sommes allés sur le terrain expliquer tout cela, les CFA sont rassurés.
Nous allons aussi développer les préparations d'apprentissage, notamment pour les jeunes qui n'ont pas encore le savoir-être professionnel nécessaire. Plus de 300 CFA se sont déjà portés candidats.
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Ce débat n'est pas étranger aux propos que le président de la République a tenus lors de la journée du patrimoine. Il suffirait de traverser la rue pour trouver un emploi, c'est signifier que le chômage est un choix personnel.
Si les offres d'emploi n'aboutissent pas, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de candidats. L'étude de Pôle Emploi de décembre 2017 intitulée « Offres pourvues et abandon de recrutement » le montre. Se pose la question de l'attractivité : les offres non pourvues sont d'abord des contrats courts, qui explosent, et des emplois aux horaires décalés où les coûts induits dépassent le salaire. Les gilets jaunes ont rappelé que la mobilité était un enjeu clé, et je le constate dans la Sarthe.
L'expérimentation « Territoire zéro chômeur » s'est révélée efficace. L'accompagnement social a permis de démythifier la rhétorique habituelle sur les offres non pourvues. Pourquoi ne pas l'avoir étendue ? Attractivité des métiers, mobilité et accompagnement, quelles mesures concrètes allez-vous prendre sur ces trois volets sans peser sur les collectivités qui sont déjà fortement mises à contribution ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Notre stratégie porte d'abord sur les savoir-être professionnels puisque, selon Pôle Emploi, un demandeur d'emploi sur trois n'a pas les basiques comme savoir s'exprimer, se présenter ou encore respecter les horaires.
Elle s'appuie, ensuite, sur un tissu associatif qui est très riche. Le budget 2019 prévoit des moyens pour augmenter de 40 000 le nombre de places en entreprise adaptée et porter de 130 000 à 230 000 les places dans l'insertion par l'activité économique. Ce sont des tremplins vers l'emploi avec le triptyque : situation d'emploi, accompagnement social et formation.
L'expérimentation « Territoire zéro chômeur » est étendue l'an prochain, avec un doublement des places, pour que nous puissions en dresser tout le bilan comme cela avait été prévu.
Mme Patricia Morhet-Richaud . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a 6 millions de demandeurs d'emploi en France. Les difficultés de recrutement qu'ont rencontré 23 % des entreprises au premier semestre 2018 mettent en lumière des phénomènes endémiques : 70 % des entreprises ayant eu du mal à recruter évoquent des problèmes de qualification ; 63 %, l'absence de candidature. Les difficultés sont les plus marquées dans les entreprises d'un à quatre salariés. Par exemple, les projets de recrutement sont difficiles à 74 % dans la boucherie, 72,9 % pour les charcutiers-traiteurs et 67 % pour la boulangerie-pâtisserie.
Le Gouvernement doit mener des actions fortes. Que prévoyez-vous ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Il n'y a pas 6 millions de chômeurs mais 6 millions d'inscrits à Pôle Emploi : certains peuvent être en emploi et en chercher un autre. Il y a 2,6 millions de demandeurs d'emploi disponibles immédiatement selon le BIT. C'est énorme et nous devons tout faire pour réduire ce nombre.
Quelques règles de l'assurance chômage font que retrouver un travail occasionne une perte de revenus. D'autres personnes sont découragées d'avoir frappé à toutes les portes. L'an dernier, sur 300 000 contrôles effectués par Pôle emploi, 14 % ne cherchaient plus du tout d'emploi, les 20 % qui étaient découragées ont été remis dans une dynamique et cela a porté ses fruits.
L'apprentissage est une grande voie qui ouvre vers tous les métiers, y compris de l'agriculture pour laquelle des jeunes ne se pensent pas faits parce qu'ils ne viennent pas d'un milieu rural. Avec l'Éducation nationale, nous essayons de changer le regard des jeunes sur les métiers, notamment en raison des stéréotypes de genre. Les jeunes filles croient que la technique n'est pas pour elles. Dans le numérique, il y a 90 % de jeunes hommes... Mais les nouvelles générations entrant en 4e auront un autre regard.
M. Serge Babary . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les propos du président de la République le 16 septembre ont braqué le projecteur sur les emplois non pourvus mais les données manquent pour préciser le phénomène.
En 2018, les projets de recrutement ont augmenté de 18,7 %. C'est + 37 % dans la construction et 27,4 % dans l'industrie. Mais quelque 44,4 % des projets de recrutement sont jugés difficiles par les employeurs, contre 37,5 % l'an passé. Cela explique probablement pourquoi ce début de reprise économique n'est pas encore perçu par les Français.
Quel plan d'action le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour anticiper le besoin de main-d'oeuvre pour 2019 ? Ne faut-il pas encourager les AFPA plutôt que de les fermer ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Des problèmes de recrutement, si je puis dire, ce sont des beaux problèmes. Cela signifie qu'on recrute davantage en France et de nouveau en CDI - une première depuis dix ans. Il faut tout reconstruire puisque, par exemple, les jeunes n'ont plus l'idée d'aller dans l'industrie qui a perdu un million d'emplois en quinze ans et ne paraît plus être un secteur d'avenir.
On a besoin de soudeurs, de forgerons numériques... Les jeunes ont de ces métiers une image à la Zola mais, en réalité, ils ont beaucoup changé et ils sont plutôt bien rémunérés. (Mme Sophie Primas renchérit.)
La priorité des priorités, c'est travailler sur les compétences. Un montant de 110 millions d'euros ont été prévus dans le plan d'investissement compétences pour les territoires d'industrie. Les demandes de recrutement dans l'hôtellerie-restauration sont aussi en hausse mais on manque de compétences : il faut une formation pour être chef-cuisinier.
J'en profite pour dire que la France s'est portée candidate pour les championnats WorldSkills de 2023, qui seront l'occasion de mettre en valeur les métiers et le travail.
M. Yves Bouloux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les 300 000 emplois non pourvus sont un paradoxe français. Quelque 97 000 ont été annulés par les entreprises, 53 000 sont encore en attente et 150 000 ont été abandonnés faute de candidats.
Comment l'État peut-il favoriser l'apprentissage ? Concourir à l'attractivité accrue des métiers en tension ? Comment aider les TPE-PME dans le recrutement ? Comment aider les territoires loin des métropoles, notamment outre-mer ? Comment adapter le contrôle des chômeurs à la réalité des emplois non pourvus ? Quelles mesures au plan européen avec le réseau Eures ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Nous devons changer notre approche de recrutement. Si l'on cherche uniquement un homme entre 28 et 40 ans avec le bon diplôme et la bonne expérience qui n'habite pas un quartier prioritaire, sans handicap, on va avoir des difficultés. Il faut s'ouvrir aux femmes, aux seniors, aux réfugiés, aux habitants des quartiers prioritaires. Il y a des stéréotypes sur les métiers chez les demandeurs d'emploi mais il y a aussi des stéréotypes chez les recruteurs, voire de la discrimination.
Chez Pôle Emploi, on teste un processus qui ne se penche pas sur le CV mais sur les compétences. Les résultats sont très prometteurs. À Poitiers, une entreprise a accueilli des réfugiés, avec un taux de réussite de 100 %. Le dispositif des emplois francs a mis le temps à démarrer, mais il a maintenant du succès.
Au niveau européen, nous voulons l'Erasmus de l'apprentissage. Comme les étudiants, les apprentis doivent pouvoir se former ailleurs et découvrir d'autres cultures.
M. Jean-Raymond Hugonet . - « Tout est dit, et l'on vient trop tard » disait La Bruyère... Plus d'un tiers des entreprises ne parviennent pas à recruter. Selon Pôle Emploi, 44,4 % des recrutements sont jugés difficiles par les employeurs en 2018, contre 37,5 en 2017.
Les causes sont multiples, les réponses doivent l'être tout autant. La préparation opérationnelle à l'emploi en est une. L'incitation à reprendre un emploi doit l'être aussi : est-il acceptable qu'un salarié qui refuse un CDI à l'issue d'un CDD puisse s'inscrire à Pôle Emploi ? Une chose est sûre : il est urgent d'agir.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Tous ceux qui pensent qu'il y a une baguette magique pour résoudre le chômage se trompent. Il faut un panel de réponses pour donner les moyens à chacun d'accéder au travail.
Nous finançons massivement les préparations vers l'emploi. L'opération #VersUnMétier fonctionne très bien car c'est le professionnel lui-même qui vient expliquer son métier. Cela a un grand succès. J'ai ainsi assisté à la présentation du métier de référent web dans une agence Pôle Emploi du XXe arrondissement devant une cinquantaine de chômeurs. Aucun diplôme nécessaire, une formation intense de quatre mois avec un CDI à la clé. C'est en multipliant les micro-solutions de ce type que nous ferons reculer le chômage.
M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants . - Le marché du travail présente une inadéquation entre offre et demande dans le bâtiment, l'aide à la personne, les secteurs saisonniers. Les recruteurs incriminent le manque de formation, le déficit d'image, les conditions de travail ou l'éloignement. Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans formation et le chômage des jeunes atteint 22 %. Il n'y a que 300 000 apprentis en France, contre 1,4 million et seulement 7 % de jeunes au chômage en Allemagne. En France, les jeunes sont 50 % à dire qu'ils ont été mal accompagnés dans leur établissement scolaire. En Finlande, l'orientation est pleinement intégrée dès le primaire, avec des visites d'entreprises, des films sur les métiers et des entretiens individuels avec des enseignants spécialisés.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel réforme avec bonheur l'apprentissage. La loi Travail apporte plus de dialogue dans l'entreprise. Les branches et l'Éducation nationale doivent travailler ensemble pour faire de l'apprentissage une voie d'excellence.
Le Gouvernement a misé sur la formation professionnelle avec 15 milliards d'euros entre 2018 et 2022. L'aide à la mobilité est essentielle. Le réseau emplois compétences pourrait jouer le rôle de plateforme de coordination, chargée de centraliser les données locales et d'anticiper les besoins de compétences dans les bassins d'emplois.
Il faut une coopération plus étroite avec les entreprises les plus à même de définir les besoins. Il faut redonner du sens et de la valeur au travail. L'apprentissage est une voie d'excellence. Nous devons favoriser les mobilités internes et géographiques.
Merci à Joël Guerriau, à madame la ministre et à tous nos collègues pour leurs interventions. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Merci pour cette conclusion qui montre que le Gouvernement s'est donné tous les moyens de développer l'apprentissage, la formation et la mobilité sur laquelle il doit encore y avoir des progrès.
J'ai confiance : le secteur du bâtiment, qui a lancé le plan « 15 000 bâtisseurs », espère créer 60 000 places de plus avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. L'industrie s'est engagée à créer 40 000 places.
Il n'y a pas de fatalité, pas de raison que la sixième puissance économique du monde affiche un taux de chômage de 9,1 % et de 20 % chez les jeunes. Vue d'ensemble, détermination sur le terrain, c'est ainsi que, tous ensemble, nous engrangerons des résultats. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, Les Républicains et UC)
Prochaine séance demain, jeudi 13 décembre 2018, à 15 heures.
La séance est levée à 23 h 25.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du jeudi 13 décembre 2018
Séance publique
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, Président
Secrétaires : MM. Yves Daudigny et Daniel Dubois
Questions d'actualité au Gouvernement.
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°39 sur l'amendement n°1, présenté par M. Jean-Pierre Grand, et l'amendement n°14 rectifié, présenté par M. Alain Marc et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article unique de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant des funérailles républicaines
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :321
Pour :208
Contre :113
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 142
Contre : 1 - M. Christophe-André Frassa
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Catherine Troendlé, présidente de séance
Groupe SOCR (74)
Contre : 74
Groupe UC (51)
Pour : 50
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Sophie Joissains
Groupe RDSE (22)
Contre : 22
Groupe LaREM (23)
Pour : 2 - M. Alain Richard, Mme Patricia Schillinger
Abstentions : 21
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (12)
Pour : 11
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Laufoaulu
Sénateurs non inscrits (5)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Scrutin n°40 sur l'ensemble de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :328
Pour :131
Contre :197
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Catherine Troendlé, présidente de séance
Groupe SOCR (74)
Pour : 74
Groupe UC (51)
Contre : 51
Groupe RDSE (22)
Pour : 18
Contre : 1 - M. Franck Menonville
Abstentions : 3 - M. Joseph Castelli, Mmes Nathalie Delattre, Véronique Guillotin
Groupe LaREM (23)
Pour : 23
Groupe CRCE (16)
Pour : 4 - Mme Esther Benbassa, MM. Pierre-Yves Collombat, Guillaume Gontard, Mme Marie-Noëlle Lienemann
Abstentions : 12
Groupe Les Indépendants (12)
Pour : 12
Sénateurs non inscrits (5)
Contre : 2
N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Composition d'une éventuelle CMP
Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sont :
Titulaires :
- M. Jean Bizet
- M. Ladislas Poniatowski
- M. Jean-François Rapin
- M. Olivier Henno
- M. Didier Marie
- M. Jean-Marc Todeschini
- M. André Gattolin
Suppléants :
- M. Éric Bocquet
- M. Jean-Noël Guérini
- M. Benoît Huré
- M. Claude Kern
- M. Ronan Le Gleut
- Mme Claudine Lepage
- M. Olivier Paccaud