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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Projet de loi de finances pour 2019
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Obligations de service public d'Orange
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Fiscalité locale et statut de l'élu
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Urgence pour l'hôpital public et les infirmiers
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Compensation de la taxe d'habitation pour les communes
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Quelles mesures budgétaires pour l'outre-mer ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
Dialogue entre les élus locaux et le Gouvernement
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Discussion des articles de la première partie
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances
Ordre du jour du vendredi 23 novembre 2018
SÉANCE
du jeudi 22 novembre 2018
24e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Secrétaires : M. Joël Guerriau, M. Dominique de Legge.
La séance est ouverte à 11 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Projet de loi de finances pour 2019
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Je suis très heureux, avec le ministre des comptes publics, de vous présenter notre projet de loi de finances pour 2019.
Je souhaiterais rappeler d'où vient notre pays en matière de finances publiques. La situation de nos finances publiques est le résultat d'une lente dégradation depuis dix ans, que résument trois chiffres : 33, 3 et 3. Notre dette publique a bondi de 65 à 98 % du PIB en dix ans, soit 33 points de plus. La dépense publique est passée de 52 à 55 % de notre richesse nationale, soit + 3 %. Les prélèvements obligatoires sont passés de 42 à 45 % de notre richesse nationale, soit + 3 %.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Et on continue !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Voici la réalité brute des finances publiques telles que nous les avons trouvées.
Notre objectif est d'inverser cette tendance dont nous sommes tous collectivement responsables. Nous dépenserons moins et mieux, réduirons la dette mais aussi les impôts et les taxes des Français - on voit bien ce qui se passe actuellement, les impôts et les taxes, ça suffit ! (On applaudit ironiquement sur de nombreux bancs.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Bravo ! (Ironique)
M. Philippe Dallier. - Chiche !
M. Simon Sutour. - L'essentiel, c'est de le dire avec assurance !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je suis heureux que vous applaudissiez car chacun, sur ces bancs, porte une responsabilité dans la dégradation des finances publiques. (Exclamations sur de nombreux bancs)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pas moi !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous sommes sortis de la procédure pour déficit excessif en passant sous les 3 % pour la première fois depuis dix ans - je suis heureux que vous applaudissiez l'inversion de la tendance.
Le cap de la restauration des finances publiques et de la croissance française sera tenu avec une baisse de 0,5 point de chômage et une relance industrielle inédite depuis dix ans.
Le cap de la relance de la croissance et de la création d'emplois est le bon. Le secteur industriel est particulièrement concerné. Pour le relancer, nous devons poursuivre la politique de compétitivité par la réduction des charges et continuer d'investir dans la recherche et l'innovation. On recense un million d'emplois industriels en moins depuis dix ans, un centaine d'entreprises industrielles qui ferment chaque année - je l'ai vu en particulier sur mon territoire, l'Eure, où des vallées entières ont perdu leurs industries, conséquence des mauvais choix économiques qui ont été faits pendant des années.
Nous inversons la tendance avec la restauration des marges des entreprises, une fiscalité adaptée à l'emploi, l'intervention du fonds pour l'innovation de rupture, abondé grâce à la vente d'actifs que nous jugeons non stratégiques pour l'État.
L'environnement international est instable avec un risque de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, mais aussi les conséquences du Brexit dans l'Union européenne, ou encore la situation en Italie.
Nous faisons des choix politiques simples et forts.
Premier axe, une meilleure rémunération du travail : il faut que ceux qui travaillent soient mieux payés. C'est le sens de la suppression des cotisations patronales à l'assurance chômage dès le 1er novembre, de la suppression des charges sociales sur les heures supplémentaires, de la suppression du forfait social de 20 % sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. Nous voulons que tous ceux qui travaillent constatent à la fin du mois que leur salaire net augmente.
Deuxième axe : l'investissement. C'est le but de la sanctuarisation du CIR et du suramortissement pour la robotisation et la digitalisation. La France compte 180 robots pour 10 000 salariés alors que l'Italie en compte 200 et l'Allemagne 340 ! Or les robots conduisent à un travail de meilleure qualité et, contrairement à ce que certains pensent, à plus d'emplois.
Troisième axe : l'environnement. Nous faisons des choix difficiles, en particulier la convergence de la fiscalité du diesel et de l'essence tout en accompagnant les Français. Il est indispensable d'accomplir cette transition énergétique, tout en permettant aux Français les plus modestes d'être soutenus dans ce mouvement. (Vives exclamations à droite ; M. Albéric de Mongolfier, rapporteur général, ironise.) La transition énergétique ne pourra être réussie que si nous maintenons une politique nucléaire forte et performante.
Le GIEC le dit : pas de lutte contre le réchauffement climatique sans un nucléaire performant et stable.
MM. Jean-Pierre Grand, Loïc Hervé et Jean-Paul Émorine. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous améliorons l'accès à l'éco-prêt à taux zéro, nous doublons la prime à la conversion de véhicule pour les gros rouleurs et les plus modestes. Les entreprises seront sollicitées avec le report au 1er octobre des quatre points d'allègement supplémentaires sur les charges sociales.
Grâce à ce choix, les objectifs seront tenus, soit 2,8 % de déficit public en 2019, réduit à 1,9 % si l'on enlève les conséquences du CICE, soit le taux le plus bas depuis 2001. La dette publique sera réduite à 98,2 %.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Brillant !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Non, ce n'est pas suffisant, mais, Monsieur le rapporteur général, la dette publique résulte de la politique des dix dernières années. Et nous, nous ne proposons pas un chèque énergie de 15 milliards d'euros : il faut être cohérent ! (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) Les prélèvements obligatoires diminueront aussi passant de 45 à 44,2 %. Vous voulez aller plus loin, sachez que vous me trouverez toujours à vos côtés pour dépenser moins, mais pas pour un chèque énergie à 15 milliards !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce n'est pas la proposition du Sénat.
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est celle d'un certain Laurent Wauquiez...
MM. Roger Karoutchi et Jean-Paul Émorine. - Vous êtes au Sénat !
M. Bruno Le Maire, ministre. - La baisse d'un point des prélèvements obligatoires, promise par le président de la République, sera tenue.
Il nous faut aussi consolider la zone euro et une convergence fiscale. Certains partenaires européens nous expliquent que la force de la zone euro viendra des efforts de chaque État. S'il est essentiel que chaque État respecte les règles auxquelles il a librement consenti, cela n'exclut pas la nécessité d'une convergence européenne pour échapper au dumping fiscal ; il est indispensable que nous construisions une union de marchés de capitaux. Il est indispensable enfin que nous mettions en place un budget de la zone euro qui rassemble l'ensemble des investissements, c'est par cette voie que nous provoquerons un choc économique.
Les changements ne vont pas vite, ils vont très vite. Les choix que nous ferons en matière de finances publiques doivent nous libérer de la dette et nous redonner notre souveraineté économique, ceci pour avoir les moyens d'innover, mais d'accompagner ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. (Faibles applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Michel Canevet, Jean-Claude Requier et Mme Fabienne Keller applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Après Bruno Le Maire qui a traité des sujets macroéconomiques, je préciserai les priorités fiscales et budgétaires du Gouvernement en soulignant le travail que nous avons fait la semaine dernière autour du PLFSS mais aussi du PLFR qui s'est borné à constater la sincérité du projet de l'an passé.
Conformément aux promesses du président de la République, nous finançons la compensation de la suppression de la taxe d'habitation, et nous transformons le CICE en allègements de charges pour les entreprises. Nous avons sincérisé le budget en procédant à des réformes structurelles et en inscrivant la dette de SNCF Réseau au budget de l'État. Personne n'avait osé le faire jusqu'ici.
En 2018, nous avions prévu une croissance de 1,7% - ce fut le cas. Les hypothèses de déficit public sont de 2,8 % - ce serait beaucoup moins si nous n'avions pas choisi la sincérité en transformant le CICE en allègement de charges. (M. Vincent Éblé, président de la commission des finances, en doute.) Nous sommes donc en réalité en dessous des 2 %.
Que signifie un déficit à 1,9 % en 2019 ? En 2017, la Cour des comptes a constaté un déficit à 3,4 %, elle a critiqué l'insincérité du budget - nous le ramenons à 1,9 %, hors CICE, quel chemin parcouru ! Et nous considérons, nous, que la sincérité est le moins que le Gouvernement, doit au Parlement.
Nous poursuivons en continuant de réduire la dépense publique : elle ne progressera que de 0,6 % en 2019, tendance la plus faible depuis quinze ans.
Je m'étonne du débat que nous avons eu lors du PLFSS où, quand nous nous proposions de limiter les prestations de retraite pour tenir les dépenses, le Sénat a choisi de taxer les complémentaires santé et de retarder le départ à la retraite : il faut plus de courage ! (Protestations à droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous le proposerez dans un an !
M. Roger Karoutchi. - Ce n'est pas une taxe, c'est un prélèvement !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Et maintenant, vous soutenez le chèque carburant de M. Wauquiez. (Les sénateurs du groupe Les Républicains se récrient.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Non !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce n'est pas un gros mot, Wauquiez !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - D'autant moins que vous l'aviez soutenu longtemps !
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'an passé, nous avions avancé trois points de méthode : plus de sincérité dans les comptes publics, plus de lisibilité et moins de verticalité dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Nous tenons nos engagements. La sincérité : pour la première fois depuis l'instauration de la LOLF, nous ne proposons aucun décret d'avance. Une politique fiscale plus simple : nous supprimerons une vingtaine de petites taxes inefficientes qui obscurcissent la lisibilité des finances locales. Nous favorisons la contractualisation avec les collectivités locales les plus importantes qui ont su limiter leurs dépenses publiques sans limiter leur dotation.
Ce budget confirme les engagements du président de la République, par des mesures en faveur des ménages et des entreprises. Nous conjuguons la baisse des cotisations sociales et la désocialisation des heures supplémentaires ce qui signifie que, pour les entreprises, le projet de loi de finances allège les charges.
Avec la loi Pacte, la marque France est plus attractive avec un environnement fiscal simplifié, des effets de seuils supprimés et une meilleure répartition entre capital et travail, avec le développement de la participation.
Ce budget confirme les engagements sociaux du Gouvernement, après que le PLFSS, notamment, a augmenté le minimum vieillesse pour ses quelque 550 000 bénéficiaires, et augmenté aussi la prime à l'activité. Nous voulons aussi assurer des versements plus justes aux Français, avec la contemporanéité des prestations et le prélèvement à la source. La fiscalité agricole, qui a suscité des débats dans le PLFSS, est favorable à l'activité. Nous aurons aussi à débattre des aides fiscales en outre-mer.
Le budget prévoit d'importantes augmentations de crédits. Les domaines régaliens, avec 1,7 milliard d'euros supplémentaires pour les armées, soit un budget total de 36 milliards d'euros ; 400 millions d'euros supplémentaires consacrés à la mission « Sécurité » pour un budget de 14 milliards d'euros et un budget de 7,3 milliards d'euros pour la justice, soit 1 300 emplois en plus et des moyens pour l'immobilier pénitentiaire.
Enfin, le budget d'investissement est tourné vers l'avenir ; il croîtra deux fois plus vite en 2019 qu'en 2018, avec les investissements d'avenir. La loi sur l'économie circulaire, la loi sur les mobilités et le renforcement du prêt à taux zéro sont traduits, en avance, par des engagements financiers.
Le ministère de l'Éducation nationale et celui de l'Enseignement supérieur connaissent la plus forte hausse depuis des années, avec un milliard d'euros supplémentaire - c'est nécessaire aux réformes et à l'accueil de 40 000 étudiants de plus chaque année.
Ce budget sert également la transformation de l'action publique. Il y aura 4 200 suppressions de postes en net, conformément à la trajectoire de 50 000 emplois de fonctionnaires en moins au terme du quinquennat.
Nous devons réfléchir à la réforme de l'audiovisuel public, et à son financement, dans le cadre du projet de loi sur la fiscalité locale, présenté le 17 avril prochain en conseil des ministres. Le recouvrement de l'impôt sera simplifié. Pôle Emploi sera réformé et la présence diplomatique doit être redéployée.
Je serai heureux, avec Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, de débattre de tous ces sujets avec vous, avec l'objectif du redressement de nos comptes publics. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Le Gouvernement vient de nous présenter son deuxième budget de plein exercice, qui devait confirmer sa volonté réparatrice. Ce budget, malheureusement, déçoit : des prélèvements obligatoires qui restent très élevés, aucune réforme d'envergure, aucun bouleversement fiscal - mais des mesures qui ne servent, au mieux, qu'à faire du rendement.
L'embellie économique de l'an passé se poursuit, mais l'économie française croît deux fois moins vite qu'en 2017. Le scenario du Gouvernement est jugé crédible par le Haut Conseil aux finances publiques, car ce scénario, révisé à la baisse, reste prudent. C'est heureux, tant les facteurs de risques sont nombreux : guerre commerciale, pétrole, Italie, Brexit...
Les inquiétudes sont nombreuses dans la population avec la hausse du prix du carburant et le prélèvement à la source dès janvier. Le déficit augmente à cause du relâchement de l'effort sur les dépenses. La suppression complète de la taxe d'habitation n'est pas financée, sinon par du déficit. Le reste de la zone européenne est pourtant à l'équilibre.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Et l'Italie ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - D'après le FMI, la France devrait payer 31 milliards d'euros d'intérêts de plus que l'Allemagne en 2022.
Peu de réformes structurelles, mais des rabots, des fusils budgétaires à un coup comme le renforcement du cinquième acompte sur les entreprises.
Le logement et l'emploi doivent, une fois encore, faire toujours plus d'efforts.
L'État, une fois encore, compte surtout sur les partenaires sociaux et les collectivités territoriales pour équilibrer les comptes publics - et il capte l'essentiel des nouveaux besoins de financement, pour un déficit qui, à 99,1 milliards d'euros, est le 45e budget déficitaire... Quant aux recettes fiscales de l'État, elles progressent de 18 milliards, c'est dire qu'on est loin de la décrue des prélèvements obligatoires !
La hausse de la TICPE pèse sur les Français qui vivent à la campagne. Relisez le compte rendu de l'année dernière, les rapports de Jean-François Husson et moi-même : nous parlions de bonnets rouges, ce sont finalement les gilets jaunes qui se manifestent, mais ils confirment ce que nous disions : en cas de hausse du prix du pétrole, la trajectoire adoptée l'an passé, contre laquelle nous avions votée, n'est pas tenable ! Mais vous continuez à la hausse ! Errare humanum est, sed perseverare diabolicum ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je ne suis pas favorable à une fiscalité affectée. Mais présenter la TICPE comme une taxe écologique, c'est une escroquerie. Les Français ruraux qui sont frappés n'ont pas d'autre choix que la voiture, car 40 % de nos compatriotes n'ont pas accès facile aux transports en communs.
Pas un mot sur le service national universel, dont les 2 à 4 milliards ne sont pas financés. Les vraies réformes de structures restent à faire, en priorité la diminution de la masse salariale de l'État qui représente 40 % des dépenses, soit 140 milliards ; 4 164 emplois en moins, c'est insuffisant, 90 % de l'effort reste à produire sur le reste du quinquennat pour atteindre la cible de 50 000 emplois en moins.
Pourtant la masse salariale continue d'augmenter de 1,6 % cette année. Nous avons eu le plus grand mal à obtenir des détails sur le plan Action publique. Nous présenterons des amendements notamment pour allonger la durée du travail dans la fonction publique, y porter le nombre de jours de carence à trois, et diminuer les effectifs des administrations centrales - qui continuent de croître.
Quant aux 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat supplémentaire dont le Gouvernement se prévaut, ils correspondent pour deux tiers à la compensation de la hausse de la CSG et des prélèvements obligatoires accentués - et vous ne dites rien du quasi-gel des allocations et pensions...
Faute de marges de manoeuvre, vous transférez du pouvoir d'achat d'une catégorie à l'autre, plutôt que de l'augmenter. Les classes moyennes, les retraités et les classes populaires sont les grands perdants de ce bonneteau fiscal et budgétaire. Pour un ménage se chauffant au fioul domestique et roulant au diesel, la perte de pouvoir d'achat était de 136 euros l'an passé, et elle sera de 538 euros l'an prochain ! Nous vous proposerons donc de geler la TICPE, conformément au vote contre que nous avons pris l'an dernier.
Un mot sur le gasoil non routier, dont la taxation augmente très brutalement, au détriment de la compétitivité de nos industries, en particulier. Certes, c'est une niche, qu'il faut discuter. Mais comment les PME peuvent-elles absorber ces taxes augmentées ? La commission des finances a donc déposé un amendement à destination des agriculteurs destiné à adoucir la hausse des taxes.
Quelques semaines après l'examen du projet de loi sur la fraude, le groupe de suivi sur la fraude a décidé de se saisir du dossier des arbitrages sur dividendes révélé par Le Monde et autres - qui permettent à des non-résidents d'échapper à l'impôt en vendant opportunément leurs actions pendant la période d'imposition. Un amendement remédiera à ces techniques frauduleuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; M. Vincent Éblé, président de la commission des finances, applaudit également.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Merci à mes collègues de la commission, mobilisés depuis plusieurs semaines ; plus de 500 personnes ont été entendues par les rapporteurs et notre commission a tenu quelque 40 heures d'audition en réunion plénière.
La loi de finances est un acte fort et structurant de notre vie politique. Le cadrage macroéconomique marque une déception : la prévision de croissance est de 1,7 %, au lieu de 1,9 % prévu en juillet. Les efforts de redressement des finances publiques ne sont pas au rendez-vous.
Sous le précédent quinquennat, le déficit est passé de 5 à 2,7 %, en diminuant chaque année. En deux ans, vous le faites passer de 2,7 à 2,8 %, et la dette continue d'augmenter !
Les suppressions d'impôts qui ne bénéficient qu'aux plus privilégiés ont un coût non négligeable, comme la suppression de la taxe d'habitation, qui met à mal l'autonomie des collectivités territoriales. Que dire de la hausse de la CSG pour les retraités et elle de la TICPE et la suppression de l'exonération du gasoil non routier ?
La fiscalité des ménages augmente de 6,6 milliards d'euros sur deux ans, alors que les solutions alternatives n'existent pas encore.
Les Français ne sont pas satisfaits, il n'est pas besoin d'aller les rencontrer sur nos ronds-points pour le savoir. Vous rabotez les budgets logement et emploi : c'est bien la preuve que ce sont les plus modestes qui souffriront le plus de vos réductions de dépenses.
J'ai dû menacer de faire usage des pouvoirs que me donne la LOLF pour obtenir le rapport du comité « Action publique 2022 ». Le Parlement n'a-t-il pas à réfléchir sur ces questions - pourquoi nous refuser des informations utiles ? J'avais déposé un amendement l'année dernière obligeant l'administration à fournir à la commission des finances les codes sources des mesures fiscales proposées, mais il avait été repoussé par l'Assemblée nationale ; je le présenterai à nouveau cette année.
Le Sénat a travaillé depuis plusieurs années sur la lutte contre la fraude fiscale avec notamment des mesures contre la fraude à la TVA des plateformes en ligne. Il a aussi enrichi le projet de loi de lutte contre la fraude. Les membres du groupe de suivi au sein de la commission des finances proposeront une fois de plus une initiative transpartisane pour soumettre les dividendes versés à des ressortissants étrangers à une véritable retenue à la source. Sinon, nos concitoyens ne comprendraient pas.
J'espère que, malgré nos divergences, nous saurons nous réunir autour de cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs des membres du groupe Les Républicains de la commission des finances)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°I-658, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale.
M. Éric Bocquet . - Loin de nous l'idée d'esquiver le débat avec cette question préalable. Bien au contraire, nous voulons un point d'étape dix-huit mois après l'avènement du nouveau monde.
Exaspération ! Voilà le sentiment qui prédomine face à la politique de votre Gouvernement. Il semble loin le temps de 2017 où, après une victoire obligée, le président de la République obtint une victoire législative pour mener son programme.
Cet argument des engagements tenus, sans cesse ressassé depuis, commence à souffrir de n'avoir été partagé que par un peu plus de 15 % du corps électoral.
Force est de constater, depuis les rues de nos villes jusqu'aux péages d'autoroutes en passant par les portes des usines, que nous sommes à la recherche de ces fameux 15 %.
La suppression de l'ISF n'a profité qu'à 350 000 ménages sur près de 40 millions de foyers fiscaux.
Quant à l'exonération de la taxe d'habitation, que changeait-elle à la situation de ceux qui ne la payaient déjà pas ?
En revanche, la limitation de la taxe sur les dividendes - qui explosent - aura coûté 2 milliards d'euros aux deniers publics au profit des mieux nantis. Or le Gouvernement entend encore charger la barque en augmentant la fiscalité écologique. Mais cette fiscalité n'a d'écologique que le nom et son affectation est sujette à caution.
Certes, les recettes fiscales de l'État ont un caractère d'universalité qui ne souffre d'aucune contestation. Mais l'affectation demeure possible, comme avec la taxe sur la consommation énergétique. Ainsi avons-nous un compte d'affectation spéciale (CAS) « transition énergétique » et dont plus de 7 milliards de recettes sont constitués d'un prélèvement de 39,75 % sur les recettes des taxes sur l'essence. Mais cela fait trois ans que ce CAS sert de compte réservoir - c'est un comble ! - d'où le reversement cumulé d'1,8 milliard au budget général. L'urgence écologique s'incline une nouvelle fois devant la petite cuisine budgétaire.
L'impôt sur les sociétés va rapporter, si tout va bien, 31,5 milliards en 2019, soit 1,3 % du PIB, montant rare en Europe. Cet impôt a surtout besoin d'une sacrée modification d'assiette pour que les PME n'aient pas l'impression de payer plus que les grands groupes qui ont recours au prix de transfert, au shadow banking, le double irlandais et le roboratif sandwich hollandais. (Sourires)
La TICPE va rapporter 37,7 milliards. Avec la TVA induite, on se retrouve avec une recette fiscale de 45 milliards, soit une fois et demie l'impôt sur les sociétés, qui connaît certaines exceptions stupéfiantes. Certaines se comprennent mais les récentes évolutions du tarif de la taxe posent question, notamment avec la fameuse contribution climat énergie. Analysant l'article 9 de la loi de finances initiale pour 2018, notre Rapporteur général indiquait : « Eu égard au caractère contraint de leur consommation énergétique et à leur faible capacité d'investissement en rénovation énergétique des logements ou en véhicules économes en énergie, les ménages ayant les revenus les plus faibles seront naturellement davantage impactés par une hausse de la fiscalité énergétique ». C'est la conclusion à laquelle est arrivé l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Selon l'Observatoire : « l'impact selon les déciles de ménages varie d'un facteur 4 entre le premier et le dernier décile. Les dépenses d'énergie de chauffage, considérées dans cette estimation comme incompressibles, contribuent fortement à ces disparités ». Continuer ainsi nous ferait aller au-devant de grandes difficultés.
Il y a de moins en moins de logique à consacrer la TICPE à compenser aux collectivités locales le RSA ou la prise en charge de l'autonomie et de la dépendance. Alors que nous devrions solliciter la sécurité sociale, la solidarité et la mutualisation, nous accablons de taxes l'automobiliste ou le locataire. La contribution climat énergie n'est pas consacrée à la transition énergétique, et son produit a sans doute alimenté quelques entreprises énergivores en allégements de cotisations sociales. Plus elle augmentera, plus elle servira à maintenir des milliers de salariés au Smic, puisque ce niveau de rémunération est désormais libéré de toute contribution patronale au financement de la sécurité sociale...
Dans un récent rapport sur le projet de loi Mobilité, le Conseil économique social et environnemental recommande d'utiliser de manière exclusive le produit des taxes sur la consommation énergétique en faveur de la mobilité. C'est de bon sens. Nous en avons besoin pour financer des plans climat, air, énergie, territoriaux, des plans de déplacements doux. Nous en avons également besoin pour financer des réseaux de transports collectifs dignes, dont les réseaux ferrés, pour promouvoir des circuits alimentaires courts.
Aucun de ces enjeux, pas plus que les attentes sociales en matière d'emploi, d'action sociale, de logement, ne trouvent place dans cette loi de finances. Nous ne pouvons donc que vous inviter à la rejeter en adoptant cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ne me tentez pas ! (Sourires) Je souscris assez au texte de la motion. Cependant, nous divergeons quant aux conclusions.
Mme Éliane Assassi. - Cela nous rassure !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous souhaitons amender la loi de finances pour améliorer le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de nos finances. À notre grand regret, avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Gouvernement ne pense pas qu'on puisse se passer de budget.
M. Bocquet est cohérent avec la ligne du CRCE et celle défendue par les députés communistes. Nous ne partageons pas vos constats. J'invite la majorité des sénateurs à prendre part au débat qui promet d'être long et passionné.
Mme la présidente. - Un scrutin public ordinaire est de droit.
La motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°24 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 16 |
Contre | 327 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (Suite)
M. Didier Rambaud . - « C'est une maxime constante et reconnue dans tous les États du monde que les finances en sont la plus importante et la plus essentielle partie. C'est une matière qui entre en toutes les affaires ». Ces recommandations de Colbert doivent nous guider lors des débats à venir. Ne sacrifions pas l'avenir au présent et les intérêts généraux aux requêtes particulières. L'intérêt général de la France, c'est celui de la prospérité de tous les Français et de tous les territoires. C'était l'objet central de la loi de finances pour 2018, et c'est toujours le cas. Les premiers textes financiers du Gouvernement mettent en lumière la constance et la clarté des choix. Les Françaises et les Français, les salariés comme les entrepreneurs en ont besoin de visibilité et de stabilité qui ont pu manquer par le passé.
La trajectoire fiscale est simple : baisse du taux de prélèvement obligatoire d'un point et financement des investissements productifs, baisse de la fiscalité des ménages de 6 milliards d'euros par la suppression de la taxe d'habitation et la baisse des cotisations à l'assurance chômage et maladie. La suppression de la taxe d'habitation représentera 22 milliards de baisses d'impôt pour les Français, intégralement compensée aux communes.
M. Philippe Dallier. - On ne sait pas trop comment !
M. Didier Rambaud. - Le taux d'IS sera ramené à 25 % pour remettre notre pays dans la moyenne européenne.
Nous voulons que tous soient inclus dans l'économie : la meilleure réponse à la pauvreté, c'est l'emploi. Le travail doit financer autrement que par l'impôt et la dette la protection que nous devons à tous nos compatriotes.
Cette année encore, la DGF est sanctuarisée à 27 milliards d'euros. Avec la DETR, le DPV et le DESIL, le soutien à l'investissement reste élevé et les collectivités ont une visibilité à long terme sur leurs recettes.
Autre objectif, nous devons changer de modèle : arrêter de financer le déficit par la dette - qui frôle les 100 % du PIB. Cette année, les dépenses publiques stagnent à 0 % en volume et le déficit public est réduit à 1,9 %, en retranchant le CICE, contre 3,4 % il y a 20 mois. La dépense publique diminuera de 3 points sur le quinquennat.
Malgré une dépense publique la plus élevée d'Europe, nos services publics sont-ils les meilleurs ? Qu'en pensent les enseignants, les juges, les policiers et les gendarmes ? L'État doit mieux faire pour transformer ses missions pour réaliser des économies, recentrer ses actions, transformer le service public grâce au numérique. Mieux faire, c'est aussi répondre aux enjeux de protection des Français. Le budget des armées connaît une augmentation inédite depuis la Guerre froide : 2 % du PIB ; l'engagement du président de la République se concrétise. Les forces de gendarmerie et de police seront également renforcées : rappelez-vous les 13 000 postes supprimés entre 2007 et 2012.
Ne sacrifions pas l'avenir au présent : c'est un devoir vis-à-vis des générations futures. On peut croire au progrès comme l'ingénieur Cyrus Smith, le héros de Jules Verne ; on peut croire aussi, comme Clifford D. Simak que l'humanité sera un jour une légende racontée par les chiens...
Parlementaires, nous devons accompagner les changements à venir. L'Agence internationale de l'énergie prévoit qu'en 2040, un véhicule sur deux dans le monde sera électrique.
La sagesse du Sénat doit être au service de l'intérêt général et de la Nation. Nous resterons attentifs à ce que de nouvelles mesures ne viennent pas sacrifier l'avenir. Nous veillerons à ce que l'environnement soit pris en compte : 50 000 personnes meurent chaque année de la pollution de l'air !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - (Ironiquement) Applaudissements nourris !
M. Pascal Savoldelli . - Les simulations montrent que le revenu moyen des ménages serait inférieur en 2016 de 1,2 % à celui de 2008. Sans les réformes fiscales intervenues entre ces deux dates, le revenu des ménages aurait été supérieur de 1,4 % en 2016.
Les effets des réformes de 2017 diffèrent selon le niveau de vie des ménages mais ont un impact quasi nul sur les inégalités de niveau de vie.
Toutes les données que je viens de citer viennent d'une note de l'Insee publiée avant-hier. Cette étude démontre que les quelques garde-fous pour freiner le développement des inégalités ont sauté en 2017 et un nouveau projet de société est à l'oeuvre depuis, violent pour les classes populaires, doux pour les entreprises et les nantis : c'est de l'ultra-libéralisme sans limite.
Dans la loi de finances pour 2013, on avait prévu de percevoir des recettes importantes avec l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la TVA et la TICPE. Nous avions une prévision de remboursement de 85 milliards d'euros pour les dégrèvements d'État et près de 20 milliards pour les collectivités locales. La part de la fiscalité indirecte était déjà importante, mais dans un contexte très différent de celui d'aujourd'hui. L'impôt sur le revenu rapportera l'année prochaine 70,5 milliards, l'impôt sur les sociétés 31,5 milliards, TVA 167 milliards, TICPE 17 milliards. Par ailleurs, le montant des remboursements et des dégrèvements continue son ascension. On peut noter que 100 milliards d'euros sont fléchés vers les entreprises, 17,5 milliards vers les ménages et 13,5 milliards vers les collectivités. On constate aussi un effondrement du produit de l'impôt sur les sociétés : en quatre jours et demi, les sociétés ont fini de payer leur impôt, soit le 6 janvier de chaque année... En revanche, nous assistons à la persistance de la fiscalité indirecte avec un niveau exceptionnellement élevé de recettes de TVA, cet impôt injuste entre tous, et de fiscalité énergétique. L'État rembourse 53,5 milliards de TVA aux entreprises et affecte 36,3 milliards au CICE. On aura ni plus ni moins que 90 milliards de TVA ristournés ! Les ménages salariés et retraités y laisseront 65 milliards d'euros en ristourne aux actionnaires des entreprises ! C'est l'équivalent d'un impôt invisible de 1 500 euros par ménage et par an ! Vous offrez à nos compatriotes une sorte d'enfer fiscal, où le prélèvement se concentre sur les consommateurs. L'impôt sur le revenu est rendu moins progressif avec la CSG comme seule base dynamique.
Vous consolidez la dette sociale de la Cades et imposez de nouveaux droits de consommation sur l'alcool, le tabac, les boissons gazeuses et bientôt sur l'air qu'on respire !
Mon ami Éric Bocquet le disait ici il y a cinq ans lorsqu'il s'opposait à la mise en place de la contribution climat énergie : « Derrière l'article 20 se cache un nouvel alourdissement de la fiscalité indirecte pour les ménages. Le prix du plein d'essence ou de gazole, la facture de chauffage au gaz ou au fioul vont augmenter sans que les intéressés puissent y faire grand-chose. La grande remise à plat de notre système fiscal ne pourra ignorer la situation des familles contraintes d'utiliser leur véhicule personnel pour aller travailler ou dont les logements collectifs sont chauffés grâce au fioul ou au gaz. L'article 20 nous éclaire sur le sens de certaines réformes fiscales : avant deux ans, compte tenu de la montée en charge de sa composante carbone et des pleins effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et pour l'emploi, la TICPE va se transformer en recette fiscale plus importante que l'impôt sur les sociétés. Une telle logique nous déroute quelque peu. En effet, le produit de cette hausse sera affecté non pas à la transition écologique, mais à la réduction des cotisations sociales des entreprises dans le cadre du trop fameux CICE. Les rôles sont donc clairement partagés : d'un côté, les entreprises collectent l'impôt et le facturent en dernier ressort au consommateur avant de percevoir le produit du CICE ; de l'autre, les consommateurs ont le droit de payer le tout directement ou indirectement, sans espérer autre chose qu'un hypothétique mouvement d'embauche dans le secteur privé. Nous ne pouvons évidemment que proposer la suppression de cet article qui pervertit totalement le bien-fondé de la fiscalité écologique et témoigne, une fois encore, du fait que l'approche fiscale des problèmes environnementaux n'est pas la bonne ».
J'ai jugé utile ce rappel, en ces temps où les amalgames faciles nourrissent l'antiparlementarisme et brouillent l'écoute que nous devrions avoir vis-à-vis des attentes de nos compatriotes.
Enfer fiscal pour le plus grand nombre, voilà ce que devient notre pays avec ce projet de budget !
J'entends qu'on se félicite de l'adoption du prélèvement à la source, mais il va permettre de faire 1,4 milliard d'économies sur les aides personnelles au logement. (M. Gérald Darmanin, ministre, le conteste.)
L'enfer doit bien avoir un paradis... La France est effectivement en train de devenir un paradis financier : 31,5 milliards d'impôt sur les sociétés et un peu moins de 30 milliards de fiscalité locale pèsent-ils beaucoup au regard des 100 milliards de remboursements et dégrèvements accordés aux entreprises, plus les allégements de cotisations sociales, les 34 milliards du régime des groupes et les 7 milliards de la niche Copé.
Nous ressemblons à un paradis financier pour actionnaires et individus fortunés, privés d'ISF, dotés d'un prélèvement forfaitaire et bientôt pourvus d'une exemption pour leurs donations !
C'est cette situation qui est dangereuse parce qu'elle aggrave les ressentiments déjà profonds dans notre société. Nous allons combattre cette évolution et montrer qu'une autre voie est possible face à cette politique, dont plus personne ne peut nier qu'elle est ultralibérale. Nous démontrerons les vertus de l'impôt, dès lors qu'il est juste et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Jean-Marc Gabouty . - Le vote du budget est l'acte majeur de l'année. Replaçons-le dans le contexte historique, social et financier. L'environnement international n'a jamais été aussi perturbé : conflits au Moyen-Orient, isolationnisme des États-Unis, expansionnisme de la Chine et manque de cohésion de l'Europe... Le contexte national, c'est la dégradation de la maison France au début de ce quinquennat en termes de dette, de déficit public, de balance commerciale et de niveau de chômage. Malgré des efforts méritoires, les Gouvernements précédents n'ont pas réussi à inverser les tendances négatives de ces indicateurs.
C'est le défi de ce Gouvernement : réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Cela devrait conduire les opposants à plus de modestie mais aussi le Gouvernement à plus de prudence dans l'affirmation de ses certitudes.
Ce budget est de transition et de transformation : le déficit, à périmètre comparable, aurait été de 76,3 milliards d'euros soit 3,7 milliards de moins qu'en 2018.
Cette loi de finances nous inspire des satisfactions : le respect de la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, la construction budgétaire sur des hypothèses macro-économiques crédibles, le maintien des concours financiers de 40 milliards d'euros aux collectivités territoriales, une augmentation de 3 milliards du pouvoir d'achat et une baisse légère des prélèvements obligatoires.
Quelques interrogations cependant : la hausse de la TICPE, dont une petite partie seulement serait affectée à la transition énergétique et à l'Afitf. Cela gâche la pédagogie du Gouvernement et explique la grogne de nos concitoyens. La défiscalisation des heures supplémentaires m'inquiète car elle présente un effet d'aubaine et ne concerne que la moitié des salariés du secteur privé et empêche la création de 12 000 emplois par an.
Et des inquiétudes demeurent : le déficit budgétaire reste important, puisqu'il faudrait doubler l'impôt sur le revenu pour le combler ; la dette augmente, malgré les efforts. Les réductions d'effectifs dans la fonction publique sont insignifiantes, ce qui reporte à la deuxième partie du quinquennat les promesses du président de la République.
Les Français sont parmi les plus gros épargnants du monde, avec 5 100 milliards de patrimoine financier, hors immobilier. Il serait regrettable que les gains de pouvoir d'achat aillent directement vers l'épargne, à cause du pessimisme de nos concitoyens.
Le groupe RDSE ne remet pas en cause les orientations générales du Gouvernement ; nos amendements se bornent à des ajustements sans effet global. La majorité du groupe soutiendra le projet de loi de finances du Gouvernement.
M. Philippe Adnot . - Un budget dont la plupart des missions seront adoptées est-il un bon budget ?
M. Philippe Dallier. - Bonne question !
M. Philippe Adnot. - Techniquement, oui, mais en fait, un bon budget est au service d'une bonne politique. Or, à travers ce budget, de vieux démons de Bercy semblent avoir pris le dessus. La suppression de la taxe d'habitation, plus que de satisfaire les promesses du président de la République, satisfait le vieux rêve de remplacer l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales par des dotations qui les mettraient dans les mains de Bercy. C'est absurde et injuste, car cette suppression condamne les élus raisonnables qui n'avaient pas augmenté les impôts, et favorise ceux qui les avaient augmentés. Cette décision est injuste car elle donne plus de pouvoir d'achat à ceux qui ont les revenus les plus élevés : combien d'argent en plus pour ceux qui habitent dans des hôtels particuliers ? Il eut été plus juste d'établir un abattement forfaitaire pour tous.
La TICPE est la preuve de la course aux usines à gaz. Combien de fonctionnaires faudra-t-il pour contrôler que ceux qui habitent à plus de 30 km de leur travail n'habitent pas à 29 km ? En réalité la taxe pèse sur tous ceux qui habitent loin de leur emploi et des services.
Une bonne politique aurait consisté à ne pas faire s'effondrer le marché du diesel par des annonces intempestives et plomber le marché d'occasion : le parc va vieillir encore plus. Il aurait fallu utiliser l'argent des taxes pour construire des infrastructures facilitant les alternatives : combien de postes à hydrogène en Allemagne, et combien en France ? Combien pour les bornes électriques ? Mais les taxes ne servent pas à offrir des solutions nouvelles aux citoyens en matière de transport.
Devant le « ras-le-bol » exprimé par nos concitoyens, on a l'impression d'un affolement général et donc d'un accroissement de la complexité, d'un éloignement des centres de décision, de la volonté de la technocratie de vouloir faire le bonheur des citoyens et des collectivités à leur place et souvent contre eux.
Un bon budget technique n'est pas nécessairement un bon budget politique. Je le regrette car notre pays doit relever d'énormes défis. Rien n'est fait pour corriger le déficit de notre commerce extérieur (M. Charles Revet le confirme.), pourtant il n'est pas neutre en rapport à notre déficit public qui va atteindre 100 milliards et par rapport à notre endettement de 1 000 milliards. Il serait temps de se consacrer à l'essentiel : l'accroissement de la création de richesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Vincent Delahaye . - « Il y a une addiction française à la dépense publique. Comme toute addiction, elle nécessitera de la volonté et du courage pour s'en désintoxiquer ». Ainsi parlait le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
Au regard de ce budget, la volonté et le courage semblent manquer avec pour résultat un État obèse écrasant l'activité économique par sa gloutonnerie fiscale.
Cette situation fait de la France le dernier de la cordée européenne. Pour preuve, depuis une semaine, nous vivons à crédit - seules la Pologne et la Roumanie font pire. Si nous n'étions pas seuls dans cette situation, cela irait, mais neuf pays de l'Union européenne sont excédentaires, et pas seulement l'Allemagne !
Maîtriser les dépenses ne suffit pas, il faut les réduire. Il faut le faire, et pas seulement le dire.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous proposez quoi ?
M. Vincent Delahaye. - Vous verrez en cours de débat quelles sont nos propositions d'économies. J'espère que vous les approuverez.
L'État dépensera 24 milliards d'euros de plus en 2019 sur 30 missions, dont 20 sont à la hausse et 10 seulement à la baisse. Depuis 2006, la dépense publique a augmenté de 34 %, soit 300 milliards d'euros en plus ! En tenant compte de l'inflation et de la démographie, notre dépense publique serait réduite de 80 milliards, soit exactement le montant du déficit hors CICE.
Ce budget est avare d'économies : le président de la République s'était engagé à supprimer 50 000 postes durant le quinquennat : en deux ans, 6 000 postes l'ont été ; il faudra 17 ans à ce rythme... Depuis 1980, les emplois publics ont augmenté de 46 % contre une progression de la population de 23 %. Pour faire des économies, il conviendrait de réduire le périmètre de l'État. Il est temps d'agir pour alléger les dépenses et donc la fiscalité.
Souvenez-vous du mot de Clemenceau : « La France est un pays extrêmement fertile ; quand on y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts ». (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Julien Bargeton. - Et réciproquement !
M. Vincent Delahaye. - Vous avez hérité du choc fiscal du quinquennat Hollande : 50 milliards d'impôts et de taxes supplémentaires !
M. Claude Raynal. - Et Sarkozy ?
M. Vincent Delahaye. - L'Insee a montré que le pouvoir d'achat des Français avait baissé de 440 euros par an entre 2008 et 2016. Cette année, vous proposez une hausse de la taxe carbone, ce qui est une supercherie et une punition. La TICPE est une taxe de rendement budgétaire et pas une taxe écologique, car 38 milliards d'euros sont reversés au budget général contre 7 milliards d'euros à la transition énergétique.
Son côté incitatif est faible, voire nul, et aucune solution alternative n'est prévue pour nos concitoyens. Personne n'est dupe de cette tromperie qui suscite la colère des Français, gilets jaunes ou pas.
Les dépenses d'aujourd'hui sont les impôts de demain. Le montant des impôts et des taxes collectés dépasse les 1 000 milliards d'euros. La France bat deux records : c'est le premier pays de l'Union européenne pour les impôts et les taxes et de l'OCDE pour les dépenses publiques, et le dernier pays à atteindre le jour de libération fiscale : nous commençons à gagner de l'argent le 27 juillet, avant, c'est pour l'État et la sécurité sociale.
Le budget est-il sincère ? Oui et c'est un progrès. Prudent ? Oui, mais peut mieux faire. Économe ? Non, et il faut changer cela, sans faire que la révolte fiscale ne gronde de plus en plus fort. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à la nomination de M. Gilles Bloch aux fonctions de président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je souhaite excuser l'absence du président du Sénat qui assiste au Congrès des maires de France. (Applaudissements)
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles au Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Situation à La Réunion (I)
M. Jean-Louis Lagourgue . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Malgré l'instauration d'un couvre-feu, La Réunion est en proie à une flambée de violences. Nombre de services publics, d'entreprises et de commerces sont bloqués ou inaccessibles.
J'ai entendu le président de la République mais la répression ne peut être, en aucune manière, la seule réponse que le Gouvernement apporte à une île où le taux de chômage est de 30 %, celui des jeunes de moins de 25 ans atteint 58 %, où le coût de la vie est supérieur de 20 % à celui de la Métropole et où 42 % de la population se situe en dessous du seuil de pauvreté.
Des mesures fortes doivent être prises immédiatement. Le gel de la taxe sur les carburants décidé par la région est une première réponse que l'État doit compléter. Les incitations fiscales doivent être préservées, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi de finances. Ce sont, non des avantages indus, mais une nécessité.
Plus que jamais, il faut soutenir la société réunionnaise et apporter des réponses spécifiques aux territoires ultramarins.
Que compte faire immédiatement le Gouvernement pour sortir de la crise ? Comment entend-il résoudre à long terme les difficultés économiques et sociales de l'île ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - La Réunion connaît depuis samedi un climat de tension extrême. Des actes graves ont été commis contre des personnes dépositaires de l'ordre public. Nous sommes tous d'accord pour dire que cela est intolérable.
La réponse est juste et mesurée. Près de 110 casseurs ont été interpellés, certains ont été lourdement condamnés en comparution immédiate. Des moyens considérables sont mobilisés pour le maintien de l'ordre public, des opérations de déblocage sont en cours.
Au-delà, il faut entendre le malaise profond des Réunionnais. Cette situation n'est pas récente mais je ne me déroberai pas. Lors des Assises de l'outre-mer, chacun a pu s'exprimer. Les Réunionnais ont peur pour leur avenir, peur pour leurs enfants. Nous devons collectivement leur apporter une réponse. Le Livre bleu comporte des solutions concrètes, qui seront mises en oeuvre dès 2019 pour que les Réunionnais retrouvent confiance dans leur territoire et leur avenir. (M. François Patriat applaudit.)
Politique du logement
M. Marc-Philippe Daubresse . - (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Le ministre du logement et de la ville à qui j'adresse ma question est ailleurs, j'espère que celui qui me répondra connaît le dossier...
Il y a un an, je l'interrogeai sur les risques majeurs que faisaient courir les décisions fiscales et financières prises l'an passé sur la politique du logement, le bâtiment et les travaux publics. Nous souhaitons tous, pour reprendre le slogan de la loi ELAN, construire plus, plus vite et moins cher. D'ailleurs, le président Larcher et de nombreux sénateurs de tous bords vous ont accompagné dans cette démarche tout en soulignant les incohérences avec la loi de finances pour 2018.
Les chiffres sont tombés. Tous les experts s'accordent à dire que la construction neuve entre dans une récession grave en zone urbaine et très grave dans les villes moyennes et la ruralité. Oui, la situation est grave, si grave que le PDG de Nexity a publié une lettre ouverte au président de la République. Et le président de la Fédération du bâtiment annonce la destruction de 200 000 emplois d'ici 2020.
Nous assistons à un choc sur l'offre plutôt qu'un choc de l'offre parce que le pouvoir d'achat est en berne. La taxe sur les carburants en ajoute une louche et vous créez pour les entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics une taxe sur la taxe.
Le logement social, c'est pire encore : 50 % d'agréments en moins. Ce sont les permis de construire de demain et les constructions d'après-demain.
Bref, tous les clignotants sont au rouge. Allez-vous inverser des mesures fiscales qui nous feront perdre, comme en 2014, un demi-point de croissance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - L'absence de M. Denormandie ne vous empêchera pas d'obtenir une réponse du Gouvernement...
Les chiffres que vous citez, monsieur le sénateur, sont exacts. Ils prennent pour année de référence l'année 2016, une année exceptionnelle pour la construction du logement. (M. Philippe Dallier se récrie ; les membres du groupe socialiste applaudissent.) Oui, il y a des éléments positifs dans le bilan des socialistes.
Nous avons pris des mesures de soutien à la construction : le PTZ et le Pinel ont été reconduits pour 4 ans.
Mme Françoise Gatel. - Pas partout !
M. Marc Fesneau, ministre. - La loi ELAN, qui a fait l'objet d'une CMP conclusive, va se mettre en place avec l'allégement des normes, la mobilisation du foncier, l'aide à la rénovation thermique avec 9 milliards d'euros d'aide pour 500 000 rénovations, l'abaissement du coût de la construction, le développement de la filière bois.
La politique du logement s'appuiera sur la dynamique des projets de territoire, nous voulons un État facilitateur... (Murmures désapprobateurs à droite)
Mme Sophie Primas. - Tout va bien, donc !
M. Marc Fesneau, ministre. - L'objet de cette loi est que cela aille mieux ! Donnons le temps aux mesures de produire leurs effets. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Situation à La Réunion (II)
Mme Nassimah Dindar . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) J'associe Mme Malet à cette question.
Des événements quasi insurrectionnels se déroulent à La Réunion. Comment en est-on arrivé là ? À qui la faute ? Je ne dirais pas, par facilité, que c'est celle du Gouvernement ; je lui reconnais le courage et la volonté de changer de système. Cependant, reconnaissons un raté à l'allumage.
Quand il y a un taux de chômage de 23 % et de 57 % pour les jeunes de moins de 25 ans, vous supprimez les contrats aidés qui sont une solution de survie pour les amochés de la vie.
Quand le coût de la vie est 37 % supérieur à celui de la Métropole et les salaires 40 % inférieurs, la réponse du Gouvernement est de passer la tondeuse à la classe moyenne.
Vous opérez sans anesthésie, madame la ministre, et ça saigne. Il y a dans la mise en oeuvre de vos réformes un gros défaut de synchronisation et un manque de dialogue évident avec les élus de France qui vous lance régulièrement, sur ces bancs, un avis de tempête.
Comment ferez-vous preuve d'équité envers les Français de l'Océan indien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. le président. - La parole est à Mme Annick Girardin, ministre.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - On espère une vraie réponse, cette fois-ci !
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - Je viens de répondre sur le volet sécuritaire. Je ne peux pas entendre qu'il n'y a pas de mesures sociales et fiscales pour l'outre-mer. Prenons la santé, une question prioritaire dans votre territoire, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit une extension de la CMU-C, à La Réunion comme ailleurs.
Mme Éliane Assassi. - Oui et alors ?
Mme Annick Girardin, ministre. - Le minimum vieillesse a été revalorisé au 1er avril 2018, il augmentera de 35 euros en 2019 puis à nouveau en 2020. En matière de pouvoir d'achat, les heures supplémentaires seront exonérées à compter de 2019. Alors qu'il y a de nombreuses mères célibataires à La Réunion, 1 500 places de crèche supplémentaires seront financées. Les jeunes qui portent le gilet jaune et demandent un emploi seront mieux formés grâce aux engagements de Muriel Pénicaud qui prévoit 253 millions d'euros sur quatre ans.
La Réunion a 11 000 contrats aidés - c'est le département d'outre-mer qui en a le plus, et ils ne sont pas tous utilisés... Sans compter les crédits prévus dans la mission Outre-mer pour le soutien à l'investissement dans les petites communes ; cela aussi, c'est une réponse à ces jeunes qu'on a malheureusement vu prendre le relais des gilets jaunes pour connaître des méfaits scandaleux la nuit. (MM. François Patriat et Jean-Claude Requier applaudissent.)
Situation à La Réunion (III)
M. Michel Dennemont . - Samedi 17 novembre, nombre de Réunionnais ont exprimé leur mécontentement devant la hausse du prix du carburant mais seulement... Ces fortes mobilisations ont dégénéré en une flambée de violence. Des crèches aux universités jusqu'aux services publics, l'île est paralysée. Un couvre-feu a été instauré dans la moitié des communes entre 21 heures et 6 heures.
Nous condamnons les violences et les pillages mais devons entendre le message. La Réunion est le département le plus inégalitaire. L'échange constructif, madame la ministre, que nous avons eu avec vous, nous les sénateurs Réunionnais lundi soir, ne s'est pas traduit sur le terrain. Le préfet refuse le dialogue avec les représentants du mouvement après les avoir invités. Cela est vécu comme une humiliation. Je vous invite donc à venir à La Réunion car nous savons qu'avec vous, on peut dialoguer.
Que compte faire le Gouvernement pour le rétablir et apaiser la situation sur place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - La situation est grave. Il faut entendre le mécontentement des Réunionnais. La question dépasse le prix du carburant, sinon le geste du président de région aurait suffi.
Je réaffirme mon soutien aux forces de l'ordre qui défendent la liberté de circulation et la sécurité. Hors de l'État de droit, rien n'est possible, nous le savons tous.
Le Livre bleu de l'outre-mer sera mis en action dès 2019. C'est pour ceux qui manifestent que nous baissons le coût du travail pour faciliter l'embauche, que nous supprimons pour 65 millions d'euros de taxe d'habitation, que nous recréons l'APL accession pour La Réunion et cherchons un outil pour la remplacer. Nous avons aussi pris des engagements pour les petites retraites, ils seront tenus.
Dans quelques jours, je serai à La Réunion face ou plutôt, je l'espère, à côté des gilets jaunes et des élus. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Obligations de service public d'Orange
M. Yvon Collin . - Au regard d'un récent échange avec le président de l'Arcep, je souhaite interroger le Gouvernement sur Orange, cela le changera du jaune... (Sourires) Chacun salue le développement international d'Orange, son implication dans le déploiement de la fibre et ses innovations dans les domaines de la cybersécurité, des objets connectés et de l'intelligence artificielle mais revenons à des sujets plus quotidiens pour les Français. Nous avons confié à ce groupe une mission de service universel dont la qualité s'est fortement dégradée ces derniers mois. Comment expliquer que des fils tombés à terre le restent ? Ces défaillances mettent des habitants dans l'incapacité de joindre les services d'urgence là où la couverture mobile est défaillante. Nous demandons solennellement à l'État, en tant qu'actionnaire et gardien du service public, de tout faire pour accélérer le retour de la qualité de service. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Comme vous, je salue le travail de qualité qu'Orange a engagé sur l'international, le digital et la fibre dont tous les Français bénéficieront d'ici 2022. Comme vous, je rappelle qu'Orange a une mission de service universel que je lui ai confié par arrêté, il y a quelques mois ; cette mission est indispensable pour les territoires ruraux, que je connais bien, et les ménages modestes. Des engagements ont été pris et ils doivent être tenus. Quand des fils sont tombés à terre, ils doivent être réparés dans les 48 heures.
Comptez sur moi, comme ministre et élu rural, pour faire respecter la qualité du service d'Orange. L'Arcep suit le dossier, mes services examineront le plan d'action d'Orange dans quelques jours. De deux choses l'une : soit Orange remplit ses engagements, soit il s'expose à des sanctions financières. Je ferai respecter le service universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; quelques applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
Statut de l'élu
M. Pierre-Yves Collombat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) « J'ai besoin de vous, parce que vous avez décidé de vous engager, parce que le pays ne se redressera pas [...] par les décisions de quelques-uns, mais par une action menée partout sur le territoire, par les engagés et les convaincus que vous êtes. Rien ne sera possible sans cette relation de confiance et de responsabilité. » (Rires)
Ainsi parlait Emmanuel Macron devant les maires de France l'année dernière.
M. François Grosdidier. - C'est l'ancien monde !
M. Pierre-Yves Collombat. - Beau comme l'antique, si ce n'est que la défiance s'est installée depuis entre le pouvoir et les élus. Un geste hautement symbolique permettrait de la dissiper : inscrire dans la loi un statut de l'élu territorial à la hauteur des attentes et des besoins. Y êtes-vous prêt ? (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Je connais votre attention aux élus, monsieur le sénateur, pour avoir moi-même été maire. Vous avez posé une question simple en faisant une citation que tout le monde partage (Sourires), je vous ferai donc une réponse simple et concrète.
Le Gouvernement salue le travail que le Sénat a accompli sur le statut de l'élu. La question a été mise maintes fois sur le métier, ce Gouvernement veut aboutir.
M. Mathieu Darnaud. - Il faudrait accélérer le rythme !
M. Marc Fesneau, ministre. - Oui, nous le ferons. (On se récrie sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains.) Le Sénat a fait 46 propositions qui portent sur le régime social de l'élu qu'il faut clarifier, compléter et adapter ; sur la conciliation entre vie politique et vie personnelle et professionnelle durant le mandat, avant le mandat parce qu'il faut s'y préparer et après le mandat, parce qu'il faut faciliter la reconversion ; sur la formation parce que les sujets que les élus traitent sont de plus en plus complexes ; enfin, sur la responsabilité pénale de l'élu et l'on se rappelle que la première loi a été votée au Sénat sous l'impulsion du sénateur Fauchon. Le Gouvernement est prêt à travailler avec vous sur ces quatre sujets éventuellement dans le cadre de niches sénatoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le ministre de l'impossible, les constats ne remplacent pas les actes et les promesses sont toujours à crédit. Or le Gouvernement n'en a plus, de crédit ! Nous proposerons un texte d'ici peu et chacun pourra vous juger à vos actes. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM et RDSE)
Blues des maires
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) De plus en plus d'élus de nos communes rurales, des maires mais aussi des conseillers municipaux, traversent une crise des vocations, à tel point que beaucoup démissionnent en cours de mandat. Ce blues des maires est plus qu'un vague à l'âme : la lassitude est réelle.
Cela fragilise nos départements et les citoyens les plus isolés pour lesquels les maires sont souvent l'unique référent politique et social.
Baisse des dotations, suppression de la taxe d'habitation, organisation territoriale de plus en plus complexe, poids des intercommunalités, les difficultés s'accumulent. Le budget des communes est de plus en plus contraint et on demande toujours plus aux maires des petites communes qui travaillent souvent beaucoup, et bénévolement.
Le Sénat a fait des propositions. Comment le Gouvernement compte-t-il redonner leur place aux maires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mmes Mireille Jouve et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. - La parole est à M. Marc Fesneau, ministre.
Plusieurs voix à droite. - Encore !
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Vous dressez un bilan accablant. Maire de 2008 à 2013 et conseiller municipal depuis 1995, il me semble que ce bilan n'est pas dû à ce Gouvernement. (Protestations sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La lassitude des élus est souvent inhérente au mandat. Le nombre de maires déclarant ne pas vouloir se représenter est de 50 % cette année, il était de 60 % en 2014.
Je sens une vraie lassitude chez les élus municipaux qui se sont engagés dans des communautés de communes. Il y a une perte de sens et un sentiment d'impuissance. Il faut y répondre par de la souplesse, de la clarification. Nous en reparlerons lors des débats sur la réforme institutionnelle et du débat sur les finances locales au printemps prochain. Le Premier ministre lance un programme de reconquête industrielle des territoires car, sans reconquête industrielle, il n'y a pas d'avenir pour ces territoires et d'espoir pour les élus. Je suis sûr que le Sénat nous encouragera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Viviane Artigalas. - C'est trop facile, vous parlez toujours des gouvernements précédents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Martial Bourquin. - Ils viennent de là !
Mme Viviane Artigalas. - Vous êtes en responsabilité, à vous de donner des réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Fiscalité locale et statut de l'élu
M. Charles Guené . - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Porte de Versailles, les maires sont moroses, dénonçant une absence de visibilité fiscale et abasourdis par le prélèvement à la source. Ils subissent les variations incontrôlées de tout un système aux contours incertains, qui prend l'eau avec la suppression de la taxe d'habitation, dont on ne sait ce qui la remplacera. Les maires assistent à un jeu de bonneteau entre la métropole du Grand Paris et les établissements publics. Le projet de loi de finances pour 2019 engagera-t-il une réforme d'ensemble ?
Jusqu'à présent, les maires bénéficiaient d'une compensation pour leur frais, jusqu'à l'équivalent d'une commune de 2 000 habitants et plus. Le prélèvement à la source ramène ce seuil au niveau du maire d'une commune de 500 habitants, en les assimilant purement et simplement à des salariés. Leur rendrez-vous justice en rétablissant ce statut particulier auquel ils demeurent très attachés ?
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - (Protestations à droite) Vous avez raison. Il y a un besoin de clarification sur les ressources fiscales et les dotations. L'ensemble de la fiscalité locale sera réexaminé. Le Premier ministre l'annonce devant les maires cet après-midi : il y aura un collectif au printemps prochain, et c'est bien l'ensemble de la fiscalité locale qui sera réexaminée, au-delà de la taxe d'habitation. Le président de la République a dit hier qu'il est ouvert à une réflexion sur la péréquation et sur la DGF.
La revalorisation des valeurs locatives commerciales a fait l'objet d'une réflexion et de certaines corrections, après des contestations justifiées. Pour la revalorisation de l'ensemble des valeurs locatives, le Gouvernement est prêt à ouvrir un nouveau chantier pour résoudre sereinement avec les élus locaux ce problème qui n'a pas été traité depuis plus de quarante ans. Il compte également répondre à l'absence de visibilité globale dont nous sommes sans doute tous ici responsables.
La question sur le statut de l'élu que vous portez sera prise en compte dans les travaux que j'ai annoncés dans ma réponse à une question précédente. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Charles Guené. - La suppression de la taxe d'habitation correspond à 20 % de la ressource. Le système établi il y a plus de cinquante ans pour les communes ne pourra pas supporter l'addition de la suppression de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.
Sur le statut de l'élu, je vous accorde le bénéfice du doute et vous recommande une seconde lecture plus attentive. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Urgence pour l'hôpital public et les infirmiers
M. Jean-Pierre Moga . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le plan « Ma Santé 2022 » a suscité l'espoir. Mais 2022, c'est loin. La réorganisation des hôpitaux, le soutien des carrières se font attendre. Les infirmiers se sentent exclus. La mise en place des assistants médicaux pose question. C'est la désespérance dans les établissements publics. Ainsi, 78 % des présidents de centres hospitaliers estiment qu'ils seront en déficit - c'est le cas des trois hôpitaux du Lot-et-Garonne.
Faire plus avec moins, c'est insoutenable, à l'hôpital comme dans les collectivités. Cela conduira à une rupture irréversible de l'offre de soins. L'hôpital public peut-il compter sur une accélération des mesures et la mise en place d'une anticipation ? Sans les praticiens issus des États membres de l'Union européenne, les hôpitaux ruraux fermeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Non, les infirmières et les infirmiers ne sont pas oubliés dans le plan « Ma Santé 2022 », ils en font partie intégrante, même s'ils connaissent un malaise - symptôme d'un système de santé qui n'est plus adapté aux défis du XXIe siècle et qu'il faut en conséquence transformer en profondeur. Le plan du Gouvernement n'est pas une liste de mesures catégorielles. Avec l'universitarisation, le concours d'entrée dans les IFSI est supprimé, les étudiants en soins infirmiers auront les mêmes droits que les autres étudiants. Nous souhaitons en effet mettre fin aux logiques de cloisonnements entre professions de santé.
Nous développons de nouvelles compétences pour les infirmiers et la reconnaissance des infirmiers en pratique avancée est une évolution majeure. Le 4 décembre prochain, leurs représentants doivent retrouver le chemin de la négociation conventionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Compensation de la taxe d'habitation pour les communes
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Cette semaine de Congrès des maires est importante. Les élus locaux échangent entre eux et le Gouvernement les entend, les écoute, pour retisser les liens entre représentation locale et nationale.
Jacqueline Gourault est venue récemment dans la Drôme, au congrès des maires du département. Les élus locaux, qu'elle a écoutés, ont apprécié son jugement. (Marques d'ironie à droite)
La majorité des Français constatent une baisse de la taxe d'habitation, qui augmente leur pouvoir d'achat d'autant. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Promesse tenue ! (Même mouvement)
Les maires ont en revanche besoin de lisibilité sur leurs ressources pour programmer leurs dépenses pour les prochaines années. C'est pourquoi ils s'interrogent sur la compensation par l'État de cette ressource communale. Comment le budget de l'État préservera-t-il des ressources dynamiques, dans la durée, pour les communes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - (« Ah ! », « Encore ! » à droite) Je salue votre première question dans cet hémicycle (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et UC)
Oui, le Congrès des maires est un moment de dialogue, un moment pour faire le point et se projeter dans l'avenir, territorial et fiscal. Le président de la République a écrit aux maires sur la taxe d'habitation et a échangé avec près de 2000 d'entre eux, hier, au palais de l'Élysée. (Exclamations sur divers bancs, notamment à droite)
Une voix à droite. - Des maires triés sur le volet ?
Mme Cécile Cukierman. - Oui, sur invitation uniquement !
M. Marc Fesneau, ministre. - La suppression de la taxe d'habitation ne se fait pas au détriment des communes, puisque l'État se substitue au contribuable à l'euro près.
Il y aura un débat global sur les finances locales au printemps, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui a été annoncé. L'État et le Gouvernement répondent, conformément aux propositions du comité des finances locales, à la fois aux exigences du pouvoir d'achat des Français et à celles des communes, par la fiscalité et les dotations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Quelles mesures budgétaires pour l'outre-mer ?
M. Victorin Lurel . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je m'associe aux collègues de La Réunion pour inciter le Gouvernement à privilégier le dialogue. Or l'île vit sous le régime du couvre-feu et le représentant de l'État n'a pas souhaité recevoir les responsables des collectifs. J'exhorte le Gouvernement : sa réponse ne peut pas être seulement répressive, face à une situation aussi explosive.
Nous nous apprêtons à voter 38 articles dans la première partie du projet de loi de finances pour 2019. Quelles mesures sont positives pour les outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. Stéphane Artano et Jean-Louis Lagourgue applaudissent également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Pas moins de 300 millions d'euros, à périmètre constant : telle est ma réponse et celle que pourrait vous apporter Mme Annick Girardin. Tels sont les crédits supplémentaires dont bénéficieront tous les territoires d'outre-mer en 2019. Ils seront réaffectés pour créer de l'emploi, car le chômage de masse est la première faiblesse et le premier drame des outre-mer.
Ils bénéficieront aussi, comme tous les autres territoires français, de la suppression de la taxe d'habitation. Dans votre Lettre ouverte à mes compatriotes de l'Hexagone - ouvrage remarquable dont je recommande la lecture - vous présentez les contradictions entre l'outre-mer et l'Hexagone. Je voudrais souligner une autre contradiction française : celle qui consiste à demander la réduction des impôts tout en exigeant toujours plus de dépenses publiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Réduire la dépense publique demande du courage. Si nous voulons réduire les impôts, il faut soutenir la croissance, soutenir le travail. Or le salaire net des Français a été augmenté. (On proteste vigoureusement à gauche.) Dans ces temps agités, plus que jamais nous avons besoin de voir loin. Nous redresserons la France en ayant le courage, comme nous l'avons fait, d'adopter des décisions difficiles sur les emplois aidés, les chambres de commerce et d'industrie, l'audiovisuel public. C'est en agissant ainsi, avec constance et détermination, que nous soutiendrons la croissance, les entreprises, la création d'emplois, (Les protestations redoublent sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs autres bancs, notamment du groupe Les Républicains.) tout en réduisant la dette, pour redresser la France (Les sénateurs des groupes SOCR et Les Républicains frappent sur leur pupitre et couvrent la voix de l'orateur, en faisant remarquer qu'il a dépassé son temps de parole ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Victorin Lurel. - Je vous félicite pour vos lectures que je vous engage à poursuivre par celle d'un rapport remis à l'époque sur le sujet au Premier ministre. Comme Diogène qui cherche le soleil à midi, je cherche les 300 millions d'euros. Le président de la République avait promis un milliard et demi d'euros aux outre-mer dont un milliard pour la Guyane. Mais en réalité, c'est l'outre-mer qui financera l'outre-mer à hauteur d'un milliard d'euros dans les quatre ans, en faisant fi d'une notion constitutionnelle, l'adaptation, ou la solidarité nationale...
Mme Catherine Conconne. - Très bien !
M. Victorin Lurel. - C'est une conception dévoyée du développement endogène. C'est la raison pour laquelle rien, absolument rien, aucune mesure positive pour les outre-mer ne figure dans la première partie de ce projet de loi de finances. Je vous exhorte au dialogue et aux compromis raisonnables que nous ne manquerons pas de vous proposer. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)
Dialogue entre les élus locaux et le Gouvernement
M. Mathieu Darnaud . - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au Premier ministre. L'an I du « nouveau monde » a vu l'avènement d'une de vos oeuvres inachevées, la Conférence nationale des territoires, qui devait bâtir le « pacte de confiance » annoncé par le président de la République. Hélas, comme il arrive parfois dans une discussion, les élus ne sont pas venus vous dire ce que vous vouliez entendre. Ils ont entendu vos promesses, néanmoins, démenties avec une célérité qui force le respect.
Las de ne pas être écoutés, ils ont lancé un appel, celui de Marseille, resté sans réponse, si ce n'est un catalogue de bonnes intentions. Ils avaient cru le président de la République lorsqu'il s'était engagé à venir chaque année « rendre compte des engagements » pris. On aurait imaginé mieux quand on sait que la moitié des maires ne souhaitent plus s'investir après 2020.
Le candidat En Marche rêvait de changer le personnel politique ; le président Macron pourrait être comblé ! Alors que le dialogue est au point mort, quel avenir imaginez-vous pour nos communes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le président de la République ne s'est pas rendu aux Congrès des maires ; il s'était engagé à rendre des comptes. (On le conteste vivement à droite.)
L'exercice de dialogue non artificiel auquel le président de la République s'est prêté hier n'était pas facile. (Fortes protestations à droite et à gauche)
La Conférence nationale des territoires répondait à une demande des associations d'élus, d'un lieu de dialogue entre l'État et les collectivités locales. Le président de la République souhaite laisser une porte ouverte à ce dialogue. Elle se réunira selon des modalités différentes : en format plénier, sous la présidence du Premier ministre ; en format restreint, présidé par la ministre de la cohésion des territoires, qui réunira les présidents des délégations parlementaires, et les représentants des associations d'élus. Des groupes thématiques seront créés.
Il y a un besoin de dialoguer ; les associations, et notamment l'Association des maires de France, le demandent. Les citoyens le veulent. (Exclamations à droite ; M. Arnaud de Belenet applaudit.)
M. Mathieu Darnaud. - Arrêtez cette mystification ! Cessez de dire que tout est sur la table. Passez aux actes ! Prenez vos responsabilités comme nous l'avons fait avec nos trente propositions pour revitaliser les communes et pour retravailler la loi NOTRe tant décriée. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Action du Gouvernement
M. Vincent Segouin . - Que de chemin parcouru depuis 2017 : il fallait « en finir avec le vieux monde », ou encore « remettre les Français au coeur de la vie politique » ! Objectivement, est-ce le cas ?
Les retraités, les automobilistes, les élus locaux protestent ; les gilets jaunes, des familles qui n'ont jamais manifesté, mais ne supportent plus l'augmentation du prix des carburants, des taxes, et se retrouvent à découvert bien avant la fin du mois, des maires qui ont perdu leur liberté d'agir avec des budgets en baisse mais restent responsables de tout, même des catastrophes.
Tous ensemble dans le même avion ! Le Gouvernement et le président de la République sont enfermés dans le cockpit et l'appareil perd de l'altitude. Les passagers - les Français - s'inquiètent. Vous envoyez de temps en temps une chef de cabine, Mme Gourault, pour dire que tout va bien ; ou votre ministre de l'Intérieur pour vérifier que les ceintures sont bien attachées. M. Collomb l'a compris et ouvert son parachute.
Quand comprendrez-vous que vous n'y arriverez pas seuls ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - (Protestations à droite) Nous comprenons et percevons bien la situation. Face à toutes les impasses, que fait le Gouvernement ?
Plusieurs voix à droite. - Rien !
M. Marc Fesneau, ministre. - Il agit ! Pour sortir de l'impasse sur la transition écologique, sur les transports, sur la désertification médicale, avec la fin du numerus clausus, afin de déployer selon des formes nouvelles plus de médecins sur le territoire, entre autres... C'est parce que les réformes structurelles n'ont pas été faites avant que nous en sommes là. (Protestations sur divers bancs des groupes Les Républicains et SOCR notamment)
Mais le Sénat a été responsable et a voté des réformes ; il est bon de se retrouver. Il est inacceptable que l'on insulte des élus de la Nation, ou que l'on voie fleurir des appels à la violence.
De nombreuses voix à droite. - « Balance ton maire » !
M. Marc Fesneau, ministre. - C'est alors la République qu'on attaque ! Et c'est elle qu'il faudra défendre, au-delà des mesures à prendre pour répondre aux angoisses de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE ; M. Vincent Segoin se lève pour répliquer au ministre.)
M. le président. - Il vous reste moins de cinq secondes, donc il n'y a pas de réplique. Merci.
La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 15.
Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale (Suite)
M. Emmanuel Capus . - (M. Claude Raynal applaudit.) C'est le second projet loi de finances du quinquennat d'Emmanuel Macron. Le contexte est particulier, avec l'expression de tensions exacerbées - qui étaient latentes depuis des années. Nous devons examiner le budget sans excès ni caricature, avec mesure, pragmatisme, et sens des responsabilités. C'est la raison d'être des membres du groupe Les Indépendants. Débattons de faits et de valeurs.
M. Philippe Dallier. - Et de chiffres aussi ?
M. Emmanuel Capus. - Les valeurs du groupe Les Indépendants sont la justice sociale, l'efficacité économique et des mesures équitables pour tous, adaptées à la vie quotidienne des Français. Les chiffres sont des faits, ce qui satisfera mon collègue Dallier. La fiscalité énergétique augmente, c'est une réalité factuelle. Cependant, moins que l'an dernier, selon la trajectoire votée l'an dernier : nous ne découvrons pas le problème. Cependant, le Gouvernement va trop loin. Oui il faut changer notre modèle de société, mais avec pragmatisme et pédagogie, sans laisser personne au bord du chemin. Il faut sortir de la logique punitive perçue par nos concitoyens et les entreprises.
Notre responsabilité est de démontrer que la transition écologique est une chance pour chacun de nos compatriotes. Nous ne pensons pas, aux Indépendants, que notre rôle soit de rééduquer le peuple, mais d'encourager, d'accompagner nos concitoyens sur la voie que nous pensons être la meilleure. Du reste, l'État doit s'appliquer les règles à lui-même - nous demanderons au Gouvernement d'introduire les objectifs du développement durable dans le budget.
Certaines mesures telles que les transpositions sont inévitables mais il faut assurer la sécurité juridique pour les entreprises et préserver notre compétitivité, y compris celle des PME qui n'ont pas la même capacité d'adaptation que les plus grandes.
Malheureusement, en 2019, le montant des économies budgétaires reste très insuffisant. La réduction du déficit structurel est très faible et contradictoire avec nos objectifs européens. La dette française, de quasiment 100 % du PIB, est abyssale. Selon le Haut Conseil des finances publiques, la France n'aura pas amorcé la réduction de son ratio de dette publique au PIB, contrairement aux autres pays européens. Cela met en danger notre souveraineté. Or les marges de manoeuvre s'amenuisent et les perspectives mondiales de croissance sont fragiles.
Il faut plus d'efforts sur la dépense publique - une ambition de 10 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, c'est trop peu.
Supprimer 4 500 ETP dans la fonction publique en 2019 après les 1 600 suppressions de 2018, cela reste bien insuffisant et très loin de la promesse de 50 000 suppressions de postes sur le quinquennat.
Je salue néanmoins la sincérité de ce budget. Ainsi la mission « Travail et emploi », que j'ai l'honneur de rapporter, se concentre sur des dispositifs qui fonctionnent.
Les maires nous font part de leurs inquiétudes. Vous stabilisez les dotations après des années de diminution drastique et indiscriminée ; cependant, de grandes inégalités subsistent. La hausse de la fiscalité sur le gasoil non routier aura un impact sur le BTP, notamment, donc sur les maires bâtisseurs - nous proposerons de revenir sur cette hausse.
Enfin le remplacement des revenus de la taxe d'habitation tarde à venir. Nous ne croyons pas que ce budget favorise certains Français plutôt que d'autres, qu'il oppose des catégories les unes aux autres, mais il faut entendre la détresse qui s'exprime.
Le Premier ministre a dit qu'il l'entendait, le groupe Les Indépendants a des propositions pour vous aider à y répondre, pour accompagner la transition énergétique, défendre nos PME et ETI, mieux respecter la cohésion territoriale et l'autonomie des collectivités territoriales. Nous espérons que ce débat budgétaire verra des solutions émerger, au fil d'un exercice collectif où nous nous serons mis, avec pragmatisme, au service de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Claude Raynal . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) L'examen du PLF se fait dans un contexte particulièrement lourd, nos concitoyens et les collectivités territoriales perdent de la confiance dans le Gouvernement ; d'un indice 108 en 2017, la confiance des ménages est passée à 94.
Le 20 juillet 2017, le Gouvernement envisageait 1,9 % de croissance en 2019. Je crains que 1,7 % ne soit un maximum. En 2017, Gérald Darmanin annonçait une réduction des prélèvements obligatoires - allant jusqu'à dire que les impôts ne seraient plus le refuge de notre lâcheté - et une stabilité de la dépense publique. Or ce PLF l'augmente de 0,6 % point l'an prochain : il y a loin de la coupe aux livres. Et ces faibles économies proviennent de la sous-revalorisation des allocations et des pensions, pour 3,5 milliards d'euros. Ce n'est pas glorieux de faire payer familles et retraités.
Le déficit annoncé pour 2019 sera supérieur à celui de 2017 et même de 2016. Sans surprise, l'État continuera de porter la totalité du besoin de financement des administrations publiques, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale étant, elles, à l'équilibre.
Malgré les 6 milliards d'euros de baisse des prélèvements sur les ménages annoncés par le Gouvernement, le gain en pouvoir d'achat sera d'1 % au maximum pour les plus riches et celui pour les classes moyennes se fera au détriment des plus pauvres. La vérité, c'est que votre théorie du ruissellement ne fonctionne pas.
Les parlementaires socialistes ont travaillé sur un budget alternatif. La conclusion est qu'il aurait été aisé de dégager davantage de recettes. La suppression de l'ISF et le prélèvement forfaitaire unique nous privent de 5 milliards d'euros de recettes.
Les 20 milliards d'euros du CICE auraient pu être utilisés différemment. Avec l'accroissement de la CSG des retraités, la baisse des APL, votre politique est inefficace et injuste.
Il aurait fallu revaloriser les retraites comme prévu et compenser la CSG. Vos actions pour la transition écologique ne sont pas suffisantes. Il aurait fallu aller plus loin.
Vous ne faites pas assez en faveur de la cohésion sociale. Notre pays doit prendre en charge différemment nos aînés, avec un grand plan pour les Ehpad.
Ces orientations, certes, sont incompatibles avec la start-up nation. Mais notre pays n'est pas une entreprise, c'est une communauté de destin.
Nous proposerons de revenir sur les mesures pénalisantes pour l'outre-mer, les mesures favorables au grand, voire très grand capital et les mesures de fiscalité écologique punitive qui pèsent sur les classes populaires - d'autres pistes sont à explorer, en particulier la TICPE flottante.
Nous proposerons également la suppression de la fiscalité réduite sur les produits utilisant de l'huile de palme, qui est une anomalie Nous aborderons aussi la question des CCI et des sociétés coopératives d'intérêt collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous abordons le débat budgétaire dans un contexte radicalement différent de l'an passé. Les Français sont profondément déçus, au point de manifester bruyamment leur exaspération, mais le Gouvernement ne change jamais sa réponse, invariablement compassionnelle, tout en défendant son action - le président de la République et le Premier ministre répètent qu'ils entendent, qu'ils comprennent les Français, mais aussi que la politique du Gouvernement est la meilleure possible. Il faudra donc expliquer ce paradoxe d'un gouvernement satisfait de lui-même et de Français qui ne le sont pas.
Les Français sont-ils insatisfaits par tempérament car ce seraient des Gaulois réfractaires, ou bien, comme je le crois, ont-ils de vraies raisons de se plaindre ? Le chômage se maintient à un niveau élevé, l'inflation repart, la croissance faiblit.
« Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console » disait Talleyrand. C'est malheureusement l'inverse pour la France, qui détient de tristes records : nous sommes passés du 22e au 24e rang européen pour le chômage, nous sommes au 28e rang européen pour la dépense publique, nous sommes au dernier rang de l'OCDE pour les prélèvements obligatoires, nous sommes au dernier rang de la compétitivité fiscale : voilà ce qui nourrit les déficits jumeaux de la dépense publique et de la balance commerciale.
Ce budget est de divergence européenne. La France paiera 31 milliards d'euros de plus d'intérêts de dette que l'Allemagne. Quelle sera la légitimité du président de la République lorsqu'il voudra morigéner l'Italie ? Comment pourra-t-il se présenter comme le héraut de l'Europe et prétendre faire la leçon aux autres Européens, alors qu'il n'est pas capable de mettre de l'ordre dans ses comptes ?
Les Français sont donc déçus, d'abord, parce qu'il n'y a pas de résultats.
Mais ils sont déçus, également, parce qu'Emmanuel Macron n'est pas au rendez-vous de ses promesses. Ce budget est-il de transformation comme le promettait la première déclaration de politique générale du Premier ministre - où il nous a promis de rompre avec l'addiction des Français pour la dépense publique ? La dépense publique continue à galoper et le déficit public repart à la hausse pour la première fois depuis 1999, alors qu'il recule partout ou presque en Europe.
Là où François Hollande - que vous connaissez bien, monsieur le ministre, vous l'avez soutenu - a fait 37 milliards de dépenses publiques supplémentaires, Emmanuel Macron porte le surcroit, en deux ans, 51 milliards d'euros ! Comment osez-vous prétendre nous faire la leçon ? Les comptes des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale sont au vert : seul l'État ne fait pas les efforts qu'il devrait fournir. L'effort structurel français est deux fois moindre que les exigences européennes. Aucune réforme de structures et, comme sous le précédent quinquennat, vous remettez à demain les efforts sur le personnel de la fonction publique - tout en continuant à vous servir des vielles recettes que sont les décalages calendaires et les coups de rabot, au détriment des familles et des retraités.
Troisième déception : alors qu'Emmanuel Macron avait promis de réconcilier les Français, c'est le contraire que produit votre politique injuste, elle les divise en concentrant les gains de pouvoir d'achat sur 2 % d'entre eux, notre commission des finances l'a démontré.
Les retraités subissent la triple peine : revalorisation décalée de six mois, hausse de la CSG non compensée et désindexation de l'inflation. Vous chaussez les chaussures de François Hollande en continuant à casser la politique familiale.
Et que dire des Français qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, mais que vous choisissez de taxer. Je pense à ces ménages de la ruralité, mais aussi de la ville, qui ont deux véhicules diesel et qui se chauffent au fioul que parce qu'ils n'ont pas le choix ! (M. Daniel Gremillet renchérit.)
C'est pourquoi notre commission des finances, et je l'en félicite, proposera d'annuler la trajectoire funeste que vous suivez avec la TICPE. Sur ce point, je vois que des soutiens à votre camp vous adjurent de renoncer à cette hausse.
Le consentement à l'impôt doit être annuel : c'est le sens profond, politique, de l'annualité budgétaire. Vous ne pouvez enfermer nos compatriotes dans des trajectoires engagées pour cinq ans.
Une seule question, à vous qui présentez votre politique comme la meilleure possible : pourquoi ne produit-elle pas de résultats ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Bonne question !
M. Julien Bargeton . - On reproche à ce PLF de ne pas comporter de mesure fiscale nouvelle, mais on ne peut pas se plaindre de l'instabilité fiscale et critiquer le fait qu'un projet de loi de finances poursuive les trajectoires du précédent ! Ce PLF continue à baisser la taxe d'habitation, l'impôt sur les sociétés et les cotisations salariales. Rien de pire que l'imprévisibilité fiscale pour les acteurs.
Même chose pour la taxe carbone. Certes, des groupes politiques ont alerté dès l'an dernier sur les risques en cas d'augmentation du prix du pétrole - mais la fiscalité écologique figurait dans le programme de tous les candidats à la présidence de la République, certains proposant même une bien plus douloureuse augmentation de deux points de la TVA...
La crise que nous traversons précède, elle explique même pour partie l'élection d'Emmanuel Macron. (On en doute sur les bancs à droite et à gauche.)
M. Claude Raynal. - Ouvrez les yeux !
M. Julien Bargeton. - La fiscalité écologique est l'un des éléments de la transition énergétique. Elle figurait dans le Grenelle de l'environnement. Cependant elle doit être accompagnée. Autant il me paraît irresponsable de revenir en arrière sur cette politique, autant on peut attendre des propositions sur le sujet.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Comment, avec l'article 40 de la Constitution ?
M. Julien Bargeton. - Je me réjouis que le chèque énergie des députés Les Républicains, à 15 milliards d'euros, ait été écarté par la sagesse des sénateurs.
M. Bruno Retailleau. - N'est-ce pas ?
M. Julien Bargeton. - Certes, la suppression d'un impôt rend populaire... Mais, dans un passé récent, la tendance a plutôt été à la hausse : + 30 milliards pour François Fillon, + 30 milliards encore pour son successeur - où l'on voit que les conseilleurs ne sont pas les payeurs et qu'un ancien Premier ministre, bien qu'il dise avoir trouvé l'État « en faillite », n'a guère trouvé de solution... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
La commission propose d'augmenter les jours de carence dans la fonction publique, de supprimer les redondances entre l'État et les collectivités territoriales. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est facile de dire qu'il faut baisser les dépenses publiques, mais toujours plus difficile de dire lesquelles...
Les réformes structurelles ne sont pas toutes dans la loi de finances : les réformes du code du travail, de la SNCF, de la formation professionnelle, des retraites : quand les réformes sont justes et efficaces, les Français les partagent. C'est tout l'enjeu du débat sur la réforme écologique. Quant aux 1 500 millions d'euros d'investissement pour l'enseignement supérieur, ils préparent l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Antoine Lefèvre. - Quel avenir ?
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Face aux enjeux climatiques, la mise en place d'une fiscalité énergétique a commencé il y a vingt ans. Pourtant notre pays est plongé dans une crise grave. La fiscalité écologique est certes mal calée et illustre l'injustice du Gouvernement, mais elle n'est pas la cause de la crise.
La fiscalité écologique est un outil pour lutter contre le réchauffement climatique, mais quelle erreur de l'avoir dissociée de son objectif social ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, renchérit.) Et comment avez-vous pu choisir de pénaliser les ruraux et les plus modestes ?
Le Gouvernement dit comprendre les souffrances des Français, mais il ne fait rien pour y remédier. C'est une attitude dangereuse, car la fiscalité écologique risque d'être remise en question.
M. Julien Bargeton. - Que proposait Benoît Hamon, votre candidat ?
M. Rémi Féraud. - Il faudrait prendre en compte la hausse du prix du baril et prévoir une période de transition. Autre solution, une TICPE flottante, comme l'avait fait Lionel Jospin en son temps.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Rémi Féraud. - Nous proposerons un amendement en ce sens. On nous répondra que l'effet serait minime. Mais alors, pourquoi le refuser ?
Le produit de la fiscalité écologique, à tout le moins de son augmentation, devrait être intégralement reversé à la transition écologique. Or 600 millions sont directement reversés au budget général.
Je renouvelle notre proposition d'une conférence nationale sur le financement de la fiscalité écologique qui nous permettrait de sortir par le haut de l'impasse dans laquelle le Gouvernement s'est mis.
La fiscalité écologique est indissociable de sa visée sociale. Lier les deux est possible si la volonté politique est là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Yvon Collin . - Le projet de loi de finances s'inscrit encore cette année dans une trajectoire de déficit public à moins de 3 %. La procédure pour déficit excessif a été levée mais demeure une épée de Damoclès si la croissance ramenait notre déficit à 3,2 %.
L'hypothèse de croissance à 1,7 % est crédible mais fragile, vu le contexte international trouble.
La volonté de rétablissement d'une trajectoire plus saine de nos finances publiques ne suffit pas. L'effort de maîtrise des dépenses publiques est écorné et le déficit structurel peine à se résorber. C'est en réalité notre vraie faiblesse qui nous pénalise par rapport à nos partenaires européens, notamment l'Allemagne.
L'exercice est difficile. Comment faire table rase de 45 années de difficultés budgétaires ? Entre diminution des dépenses et coups de pouces à l'activité, le Gouvernement a déterminé des mesures qui ne sont pas toutes populaires.
Ce ras-le-bol fiscal qui s'exprime ces jours-ci est très préoccupant. Le consentement à l'impôt est au coeur du pacte républicain.
Le Gouvernement a baissé des cotisations sociales, la taxe d'habitation - mais les effets n'en sont pas ressentis. Selon l'OFCE, le revenu disponible des ménages a baissé de 440 euros entre 2008 et 2016 : c'est cette réalité que les Français vivent. Peut-être faudrait-il réorienter certains dispositifs fiscaux touchant au pouvoir d'achat, comme le propose notre commission des finances.
Quant à la fiscalité écologique, elle doit faire preuve d'équité, non de brutalité. Dans ce sens, il faudrait équilibrer le projet de loi de finances en intégrant des mesures de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, contre les juteuses opérations d'arbitrage de dividendes - qui, on l'a vu dans la presse, permettent d'échapper à l'impôt sur les dividendes.
L'autre priorité de ce projet de loi de finances est de revaloriser le travail. La transformation du CICE en baisse des charges y participe. Cependant, l'industrie ne représente que 12 % du PIB contre 16 % il y a encore quelques années : ne faut-il pas concentrer des mesures sur l'industrie, tant elle est importante pour la vie des territoires ? La transformation du CICE en allègement de charges aura-t-elle un impact suffisant pour relancer notre compétitivité ?
Enfin, tout doit être mis en oeuvre pour éviter la concurrence intra-européenne. La taxation des GAFA et l'Union des capitaux sont des outils pour renforcer la solidarité européenne. On ne peut pas d'un côté imposer des règles budgétaires et de l'autre laisser perdurer de telles différences en matière de taxation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement avait fixé des objectifs à court et moyen termes - nous pouvons voir ce qu'il en est advenu.
Vous aviez fixé le cap, sur le quinquennat, de cinq points de dette en moins, trois points de dépense publique et un point de prélèvements obligatoires en moins. Ce texte s'inscrit dans cette perspective.
Cependant, avec une prévision de déficit public de 2,8 % du PIB, avec un taux de prélèvements obligatoires en légère baisse mais qu'il faut corriger avec le CICE, avec une dépense publique certes réduite mais qui augmente de 24 milliards d'euros, en valeur absolue, avec un niveau d'endettement qui baisse légèrement mais augmente de 67 milliards d'euros en valeur absolue, gagnerez-vous le pari du redressement de nos comptes publics ?
Quant à l'emploi, après tant d'efforts aussi sincères que vains des gouvernements successifs, vous avez fait le pari d'endiguer le chômage en renforçant la compétitivité des entreprises par l'allègement de la fiscalité du capital et la relance de l'investissement. Vous poursuivez sur cette ligne avec la transformation du CICE en allègements de charges, la poursuite de la baisse de l'impôt sur les sociétés, des mesures en faveur de la robotique, la modernisation de la fiscalité agricole ou la mise en oeuvre du volet social de la loi Pacte. Nous voulons bien vous suivre sur cette voie, à condition qu'elle s'accompagne de mesures concrètes à destination des plus démunis.
La réduction massive des contrats aidés ne relève pas de la bonne stratégie, tant ils comptent pour les chômeurs, pour l'insertion, mais aussi pour l'offre de services locaux.
Les résultats ne sauraient être immédiats, mais cela n'enlève rien à nos attentes : il faut qu'ils soient au rendez-vous avec une baisse significative du chômage.
La transition énergétique est une question trop importante pour que nous tombions dans le déni ou la démagogie. Nous devons assumer le fait que les énergies fossiles ne peuvent pas être l'avenir.
Il nous faut développer l'usage des produits qui ne sont pas nocifs. Nous devons changer nos comportements.
Pour que les taxes soient comprises, il faut qu'une alternative existe, accessible financièrement. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
Comment faire accepter autrement la hausse d'une taxe sur les carburants aux agriculteurs, ou bien la hausse du prix du fioul pour ceux qui n'ont pas les moyens de changer de chaudière ?
Pour réussir, il faut revoir la trajectoire de la hausse des taxes et développer les mesures d'accompagnement.
Je tiens à saluer les mesures fiscales en faveur des agriculteurs, décidées en étroite collaboration avec la profession et un groupe de parlementaires. L'agriculture joue un rôle majeur dans notre économie et fait vivre la ruralité. Le dispositif d'épargne de précaution, le relèvement du plafond pour faciliter la transmission des baux ruraux, le maintien du régime du micro-BA sont de bonnes mesures.
Monsieur le ministre, vous êtes élu local, vous le savez, les élus locaux ont besoin d'y voir clair et ils attendent des décisions justes. Après la baisse de la DGF et des réorganisations territoriales perturbantes, vous avez apporté la stabilité dès 2018. En 2019, le maintien de la DGF à son niveau de 2018, la hausse de la péréquation, la réforme de la dotation d'intercommunalité qui revient sur le dispositif injuste des catégories d'EPCI vont dans le bon sens, de même que la péréquation à destination des départements qui ont des difficultés à faire face aux dépenses individuelles de solidarité.
Toutefois, la réduction des crédits affectés aux contrats de ruralité, à la prime à l'aménagement du territoire et au Fisac, qui sont de petites sommes mais dont l'effet de levier est important, est inacceptable. Nous soutenons les propositions de la commission des finances de les relever.
Les modifications des périmètres consécutifs à la loi NOTRe et les changements de catégories des intercommunalités ont considérablement impacté la répartition des dotations entre les collectivités. Une remise à plat est nécessaire et vous êtes prêt à engager le chantier.
Nous suivrons avec la plus grande attention le projet de loi sur la réforme de la fiscalité locale - sur laquelle la commission des finances a fait des propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
M. Philippe Dallier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'été dernier, vos hypothèses semblaient prudentes ; en matière de logement, vous étiez rassurants. Lors des débats sur la loi ELAN, en juillet, Julien Denormandie nous assurait que vous alliez pouvoir construire plus avec beaucoup moins d'argent. Mais la conjoncture nationale et internationale a changé et la croissance ralentit, le chômage ne baisse pas, le moral des Français est en berne et l'investissement industriel aussi.
Un secteur aurait pu y échapper, tant que les taux d'intérêt restent sages. Las, c'est celui que vous avez choisi de cibler pour vos économies, avec vos réformes sur l'IFI, le PTZ, le Pinel, l'APL accessibilité, baisse des ressources tirées des loyers pour les bailleurs, augmentation de la TVA sur les bailleurs et la taxe sur les ventes de HLM. L'an dernier, nous avons attiré votre attention sur les risques que vous faisiez courir à ce secteur qui sortait à peine du marasme des années 2014 et 2015.
Le marasme de la construction de logements, d'où venait-il ? Des brutalités de M. Ayrault et de Mme Duflot, notamment sur l'investissement locatif et les aides à l'accession.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'était avant !
M. Philippe Dallier. - Vous n'avez rien voulu entendre sur le repli du marché annoncé par tous les acteurs et vous avez lancé une réforme brutale du monde HLM à grands coups de coupes budgétaires. Nous y sommes, et bien plus vite que prévu. En 2018, moins de 100 000 logements sociaux auront été construits, ce qui nous ramènera dix ans en arrière, en plein milieu de la crise de 2008.
Pour les promotions privées, ce n'est pas mieux : au troisième trimestre 2018, les baisses sont très inquiétantes dans les zones A et A bis, elles sont de 8,78 % pour les mises en vente et de 3,2 % pour les réservations, dans les zones B1, de 15,8 % pour les mises en vente et 19,5 % pour les réservations, dans les zones B2, 21,1 % pour les mises en vente et, singularité, hausse de 8,2 % pour les réservations, Pour la zone C, les baisses sont respectivement de 26,9 %et de 13,9 %. Ces chiffres sont très inquiétants et les professionnels du bâtiment parlent d'une perte de 120 000 emplois en 2019 et de 200 000 emplois en 2020. Reconnaissez-vous que ces chiffres sont conformes à la réalité ? Jusqu'à présent, le Gouvernement était dans le déni. À l'Assemblée nationale, des mesures vont dans le mauvais sens, avec la suppression de l'exonération de TSCA sur l'assurance décès des emprunteurs et la taxation du gasoil non routier qui impactera le secteur du bâtiment et des travaux publics. La Gouvernement a desserré - très peu - le Pinel en coeur de ville et accepté le retour de l'APL-Accession mais dans quelques territoires d'outre-mer. Ce n'est pas ainsi que vous inverserez la tendance.
Il faut revoir de toute urgence le zonage, rétablir l'APL-Accession sur tout le territoire, recalibrer le PTZ partout. Votre politique - notre politique fiscale - à l'égard du logement est incohérente : on surtaxe d'un côté et on accorde des aides fiscales de l'autre. Cela ne peut plus durer !
Vous avez présenté des mesures l'an dernier de compensation des baisses de loyers en faveur des bailleurs sociaux : allongement des prêts, prêts de haut de bilan, blocage du taux de livret A. Dans un récent rapport, la CDC démontre que ces mesures permettent de passer le début de la période, mais l'autofinancement des bailleurs sera nul en 2037. Vous fragilisez ce secteur pour vingt ans, alors qu'il permettrait de mener des politiques contra-cycliques en période de ralentissement économique.
Les collectivités territoriales sont un facteur majeur : elles peuvent aider à soutenir le mouvement. Les investisseurs institutionnels étant de retour...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ils sont fous !
M. Philippe Dallier. - Ils veulent réinvestir le logement après l'avoir quitté il y a quinze ans. Mais cela se fait au détriment des communes sur les exonérations de taxe foncière. Au moment où vous supprimez la taxe d'habitation, vous ne pouvez exonérer de taxe foncière le logement social et intermédiaire.
J'espère obtenir un avis favorable du Gouvernement sur l'amendement que je fais adopter tous les ans depuis cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Yvon Collin et Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.)
M. Victorin Lurel . - J'exhorte le Gouvernement à apporter un soin particulier à la situation explosive à La Réunion. Des gendarmes en plus ne parviendront pas à rétablir la concorde.
En 2017, le président de la République, alors candidat, a parlé de girondisme, de respect de l'autonomie des territoires et des élus, de progrès social et de justice fiscale. Deux ans après, la déception est grande. La colère gronde et ce budget n'est pas de nature à rassurer ni à reconquérir les coeurs et les esprits. Nombreux sont ceux qui dénoncent la vanité, la rigidité, le mépris, l'arrogance. Il faut tenir compte du vécu et du ressenti des populations.
Dans les outre-mer, le candidat Macron s'était engagé pour 4,5 milliards d'euros : 1 milliard dans une lettre pour la Nouvelle-Calédonie, 1 milliard pour la Guyane et 2,5 milliards sous forme de quote-part provenant du Grand Plan d'investissement. Mais la verticalité raide a mis fin à l'adaptation au profit d'une expertise aveugle et technocratique, d'indifférence brutale et de mépris à l'égard des élus.
L'exécutif a décidé de mettre fin au traitement différencié des outre-mer, consacré par l'article 73 de la Constitution : le maître mot est désormais l'alignement, la standardisation. Ce budget est une guerre contre les outre-mer. Était-il raisonnable d'écarter les élus et les socio-professionnels de nos territoires lorsqu'il s'agit de préparer la réforme des aides économiques outre-mer ? Était-il utile d'organiser les Assises de l'outre-mer uniquement pour augmenter l'impôt sur le revenu outre-mer et une fiscalité énergétique ? Était-il pertinent de supprimer la TVA NPR et les outils de construction du logement social, en un mot de prendre toutes ces mesures anti-sociales ?
Le Sénat a une tradition de compromis ; j'espère que vous serez ouvert à nos propositions transpartisanes. J'espère que vous resterez à l'écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Christine Lavarde . - De premier abord, le PLF comporte peu de mesures importantes relatives aux collectivités territoriales. Le Gouvernement a annoncé pour le printemps une loi de finances rectificative qui abordera l'épineuse question de la réforme de la taxe d'habitation qui représente un tiers des recettes fiscales du bloc communal.
La suppression pour 100 % des ménages, exigée par le Conseil constitutionnel, aura lieu en 2021. Cela constituera un surcoût de près de 14 milliards d'euros en 2020 par rapport à la trajectoire des finances publiques, augmentation qui sera financée par le déficit. Ainsi, le contribuable national paiera pour le contribuable local. Les amendements présentés à l'Assemblée nationale sur ces points ont été repoussés au prétexte de la loi à venir : je vous souhaite bien du courage pour traiter de toutes ces questions en un laps de temps aussi court.
Si la loi que vous annoncez doit être le grand soir de la fiscalité des collectivités locales, pourquoi tant de mesures dans ce projet de loi de finances ? Réforme de la dotation de l'intercommunalité, modification des modalités de répartition de la dotation de la politique de la ville, transformation de la dotation globale d'équipement des départements en une dotation à l'investissement...
Nous ne disposons d'aucune simulation. Tout au plus, savons-nous que la modification des règles de plafonnement de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des départements est neutre pour la catégorie des départements et n'a d'effets qu'individuels ou encore que la réforme de la dotation d'intercommunalité sera neutre pour la catégorie des EPCI à fiscalité propre et n'aura que des impacts individuels. Nous ne pouvons pas continuer à prendre des décisions ainsi, sans simulation.
En tant qu'élue d'Île-de-France, je regrette l'abandon de la réforme institutionnelle de cette région ; le millefeuille à cinq couches est indigeste.
Le maintien en euros courants des dotations aux collectivités territoriales au niveau de 2018 masque une baisse en euros constants puisque l'inflation reprend.
De plus, en 2018, selon une étude de la Banque Postale de septembre, près de la moitié des communes ont vu leur dotation globale de fonctionnement baisser et les deux-tiers ont été touchés par une baisse de la dotation forfaitaire. Toute hausse doit en effet être gagée au sein des variables d'ajustement ; or il y a une baisse de 144 millions d'euros de ces variables. Dit autrement, c'est donner d'une main et reprendre de l'autre et financer la péréquation verticale par la péréquation horizontale. Cette année, cette logique n'est pas parfaitement respectée car le bloc local viendra financer à hauteur de 34 millions l'augmentation des ressources des départements.
La loi de finances pour 2018 avait élargi l'assiette des variables d'ajustement à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et des EPCI. En avril 2018, une instruction fiscale de Bercy venait geler l'application de cette disposition pour les EPCI au regard de sa très forte concentration. Les mêmes effets se sont fait sentir lors de la ventilation de la minoration sur les communes, conduisant quatre maires des Hauts-de-Seine à attaquer en justice l'arrêté préfectoral de notification. L'article 23 vient annuler les dispositions de la LFI 2018. Mais les mêmes causes produiront les mêmes effets : pourquoi donc inscrire à nouveau une minoration de DCRTP dans cette loi de finances ?
Côté dépenses, la situation est très déséquilibrée : la hausse de la fiscalité environnementale aura un effet non négligeable sur les finances des collectivités territoriales, dont 75 % du parc automobile est composé de véhicules diesel.
Le surcoût pour les collectivités des mesures sur le recyclage pourrait coûter jusqu'à 1 milliard d'euros selon l'association Amorce puisque 30 % des déchets ménagers ne sont pas recyclables.
Enfin, la hausse de la TICPE sur le GNR va pénaliser à hauteur de 500 millions d'euros le secteur des travaux publics : ce surcoût sera certainement refacturé aux clients. Or les donneurs d'ordre en matière de travaux publics sont à 65 % les collectivités, soit une hausse potentielle pour elles de 325 millions.
Alors que les maires de France sont réunis, je crains que ce PLF ne confirme les conclusions de l'AMF-Cevipof : « La recentralisation ressentie de l'action communale ne se traduit pas par le transfert de compétences communales à l'État central mais résulte plutôt des contraintes budgétaires installées dans la durée ». Un sondage du même Cevipof nous apprend qu'un maire sur deux ne veut pas se représenter à l'issue de son mandat. Il est temps de passer des mots aux actes (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Jacky Deromedi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Un budget, ce sont des visages d'hommes, de femmes et d'enfants dont nous voulons améliorer la vie. Pour moi, ce sont ceux des Français de l'étranger. Ceux-ci ne profiteront pas de la suppression de la taxe d'habitation pour leur résidence française. Quand donc leur logement en France sera considéré comme leur résidence principale ?
Bercy a lâché du lest sur quelques impôts dans ce budget, en matière de plus-values ou de pensions alimentaires notamment. Mais on reprend d'une main ce qu'on a accordé de l'autre. Le taux minimum d'imposition sur les revenus de source française augmente de 20 à 30 %.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous y avons remédié.
Mme Jacky Deromedi. - J'ai déposé un amendement de suppression de cette augmentation. Nos compatriotes m'écrivent pour s'inquiéter de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Ils ont le sentiment que le nouveau système leur sera défavorable et qu'ils paieront davantage
Vous m'avez répondu par écrit qu'il n'y aurait pas de double prélèvement. Mais que se passera-t-il en cas de convention fiscale ?
En matière de CSG-CRDS, nos compatriotes affiliés à un régime de sécurité sociale de l'Union européenne ont été exonérés mais les autres Français des pays tiers sont restés sur leur faim. Pourquoi celui qui vit en Belgique, en Italie, en Espagne serait-il exonéré de la CSG-CRDS et pas celui qui vit en Chine, aux USA, en Afrique ou en Australie ? Où est l'égalité qui figure dans notre belle devise ?
En ce qui concerne notre réseau scolaire à l'étranger, le président de la République souhaite un doublement du nombre d'élèves d'ici 2030 : il s'agit de faire plus avec des moyens qui, au mieux, stagnent. Le leitmotiv du Gouvernement est la réduction des effectifs de professeurs alors que les besoins de places dans les établissements scolaires à l'étranger augmentent.
La subvention à l'AEFE stagne à 384 millions, la contraignant à prélever plus sur les établissements conventionnés. En outre, la dotation consacrée aux bourses diminue. En 2017, les parents ont financé à hauteur de 65 % les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés.
La recherche des partenariats locaux et du mécénat, que le Gouvernement réclame, est difficile.
Nous subissons une baisse considérable des effectifs des enseignants : suppression de 166 ETP en 2019 après celle de 180 ETP en 2018. La législation ne permet plus de renouveler un CDD au-delà de six années et le ministère remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues qui n'ont pas la même expérience ni la même qualification. On marche sur la tête !
Encore une fois, les Français de l'étranger sont pénalisés. Ils ont droit à notre considération et à votre attention. Ne les oubliez pas ; eux sauront se souvenir de vous aux élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je remercie tous les intervenants.
Ce projet de loi de finances comporte des réformes structurelles, avec une baisse de cotisations de 19 milliards d'euros pour favoriser l'emploi et la compétitivité. Ce ne serait pas utile de transformer le CICE en allègement de charges, monsieur Raynal ? C'était pourtant une promesse de François Hollande devant le monde des entreprises en 2016.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Grave erreur !
M. François Bonhomme. - Vous devez le savoir !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Cela simplifiera le travail des entreprises et améliorera leur trésorerie.
Les heures supplémentaires seront exonérées de cotisations sociales à partir de l'automne prochain. Ces mesures sont financées par des économies substantielles : le gel du point d'indice dans la fonction publique permet une économie de 20,8 milliards d'euros, la revalorisation maîtrisée de plusieurs prestations sociales ou encore la limitation à 2,5 % de l'Ondam. Ce sont plus de 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat que nous rendons aux ménages, avec 3 milliards d'impôts en plus mais 9 milliards d'allègements.
Notre politique porte ses fruits, contrairement à ce que dit M. Retailleau. Le déficit public était inférieur à 3 % du PIB dès 2017 et il le sera encore en 2019, même si nous avons un ressaut du déficit du fait de la transformation du CICE en allègement de charges. La dépense publique est très nettement ralentie. La confiance des acteurs économiques est retrouvée : 77 % des investisseurs étrangers veulent investir en France.
La baisse du chômage se confirme : moins un point depuis 2017 et moins 2,6 % en un an pour les jeunes.
En matière de comptes publics, nos objectifs sont ambitieux : 5 points de moins de dette publique et 3 points de moins de dépenses publiques. Nous les tiendrons.
Les dépenses de l'État baisseront de 0,8 % en volume en 2019. Les dépenses locales augmenteront, quant à elles, de 2,3 % et les dépenses maladie de 2,5 %.
En matière de fiscalité écologique, je rappelle que la hausse de la TICPE votée dans la trajectoire carbone sous le mandat précédent ne tire pas son caractère écologique de son affectation. Le principe d'universalité budgétaire interdit de toute manière la généralisation des affectations de recettes.
Il s'agit d'encourager les comportements vertueux. Le Premier ministre a annoncé des mesures d'accompagnement. Le budget du ministre de l'écologie est en hausse de plus de 3 % - en valeur absolue, cela se rapproche de la hausse de la fiscalité écologique et environnementale. Ainsi, la prime à la conversion a pu être majorée pour des bénéficiaires qui ne sont pas imposables à 70 %. De même, le chèque énergie sera porté de 150 euros à 200 euros par an.
Coupons court aux mauvais procès sur les annulations de crédit en fin d'année : nous nous sommes appuyés sur les chiffres de la CRE. Les dépenses se révélant moins élevées que prévues, l'État ne surcompensera pas les opérateurs en 2018, ce serait inutile et illégitime.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont en hausse de 20 %, c'est inédit. Suite aux Assises de l'outre-mer, des décisions courageuses ont été prises au bénéfice des territoires ultramarins. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de cette mission. Plus de 170 millions iront à l'économie avec notamment des aides à l'investissement.
Un mot sur la question des collectivités territoriales : vous avez reconnu que les concours aux collectivités étaient stabilisés. Si la DGF est maintenue au même niveau, de nombreuses communes ont vu son montant fluctuer. La répartition de la DGF répond à un critère démographique et à des mécanismes propres tels que l'écrêtement ou au potentiel financier agrégé des communes. L'importante modification de la carte intercommunale le 1er janvier 2017 explique ces modifications. À critères constants, l'année 2019 sera beaucoup plus stable. Mme Lavarde a évoqué la question des variables d'ajustement. À mon sens, c'est le symptôme que le système de financement des collectivités territoriales est à bout de souffle. En 2017, les variables d'ajustement s'élevaient à 923 millions et en 2018 à 323 millions. Nous sommes aujourd'hui à 144 millions d'euros : le Gouvernement tente donc de minorer ces variables pour que les collectivités n'aient plus ce sentiment d'injustice quand leurs dotations baissent. L'effort du Gouvernement pour le minorer est certain. Le président de la République a indiqué hier qu'il était favorable à un débat sur les modalités de répartition.
Un PLFR sera présenté mi-avril au Conseil des ministres sur la fiscalité locale. Il assurera aux collectivités territoriales une compensation intégrale. Nous y travaillons.
Je vous annonce déjà que le Gouvernement a l'intention de conserver la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Nous réfléchissons aux taxes et impôts que les collectivités territoriales pourront continuer à percevoir.
Grâce à la technique du dégrèvement, nous continuerons à compenser la taxe d'habitation pour les communes.
J'ai conscience d'avoir été parcellaire dans les réponses que j'ai apportées aux différents intervenants mais la suite des débats permettra d'entrer dans les détails.
En application de l'article 44-6 du Règlement, le Gouvernement demande l'examen en priorité lundi 26 novembre, dès 14 h30, les articles 4, 5 et 6 du PLF. L'article 5 bis n'est pas inclus dans cette demande de réserve.
M. Vincent Éblé, président de la commission. - La commission des finances n'a pas d'objection.
M. le président. - Il en est ainsi décidé.
La discussion générale est close.
Discussion des articles de la première partie
ARTICLE LIMINAIRE
M. Éric Bocquet . - Remarquons les mouvements qui affectent notre système de prélèvements. Première rupture, la mise en place du prélèvement à la source. Encore un effort ! Demain, le quotient familial passera à la trappe et les 12 milliards d'euros présumés de son coût pour les finances publiques étant capitalisés par les plus aisés. C'est un risque qui pèsera sur la sécurité des finances publiques d'autant que le prélèvement à la source n'a jamais permis de lutter contre la fraude fiscale dans les pays où il a été instauré depuis fort longtemps.
Selon un sondage, seuls 54 % des Français jugent le paiement de l'impôt comme un acte citoyen. À force de ne pas combattre la fraude et l'évitement fiscal, l'absence de consentement à l'impôt fragilise la République.
Seconde rupture, la fiscalisation croissante de la sécurité sociale avec l'article 36. Pas moins de 36 milliards d'euros sont ainsi transférés à des caisses de l'État à l'Acoss. Une telle mesure anticipe l'activation du nouveau système qui transférera les excédents des comptes sociaux vers le remboursement de la dette de l'État. Laissez-moi citer Bruno Retailleau qui disait récemment qu'on se dirigeait progressivement vers un modèle à l'anglo-saxonne sans le dire aux Français, en passant d'un financement par cotisations à un financement par l'impôt.
M. le président. - Amendement n°I-720 rectifié bis, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Cabanel, Mme Préville, MM. Durain et Tissot, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. P. Joly, Mmes Monier et Jasmin, M. Tourenne, Mme Lubin, MM. Kerrouche, Jacquin, Antiste et Assouline et Mme Meunier.
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut)
|
Exécution 2017 |
Prévision d'exécution 2018 |
Prévision 2019 |
Solde structurel (1) |
-1,3 |
-1,3 |
-1,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-1,2 |
-1,0 |
-0,5 |
Mesure exceptionnelle (3) |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
Solde effectif (1+2+3) |
-2,6 |
-2,4 |
-1,9 |
M. Patrice Joly. - Cet amendement propose, comme l'année dernière, de repenser le calcul du solde effectif pour les années 2017, 2018 et 2019.
Le déficit structurel et l'effort structurel reposent sur la notion de croissance potentielle, qui est un indicateur non observable qui consiste à apprécier ce que serait la croissance économique d'un pays si tous les facteurs de production étaient mobilisés à 100 %.
Des problèmes ont été constatés dans la calibration de cet indicateur. Ainsi le FMI, en 2013, a modifié le mode de calcul de l'indicateur de croissance potentielle qu'il utilisait jusque-là. En 2016, plusieurs ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne ont écrit à la Commission européenne pour demander une révision du mode de calcul, à l'instar de ce qui a été fait par le FMI.
Cet amendement recalibre le solde structurel de 2017 en s'inspirant des corrections engagées par le FMI dès 2013 pour le calcul du solde structurel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Sujet complexe... L'amendement prétend s'inspirer des travaux du FMI pour évaluer le déficit structurel à 1,3 %, alors que le FMI dit 2,5 %, soit un chiffre beaucoup plus proche de celui du Gouvernement qui est de 2,3 %.
Avec 1,3 %, on s'éloigne de l'hypothèse du Gouvernement comme de celle du FMI. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. La loi de programmation pour les finances publiques couvre une période longue. Il n'est pas opportun de modifier le mode de calcul pendant le délai de la loi de programmation.
L'amendement n°I-720 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°I-20 n'est pas défendu.
L'article liminaire est adopté.
ARTICLE 37
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances . - La contribution de la France à l'Union européenne répond à un cadre strict. En 2019, le prélèvement sur recettes est estimé à 21,5 milliards d'euros. Au total, c'est 23,2 milliards d'euros si on ajoute les droits de douane. Pour la deuxième année, le montant du prélèvement européen est en hausse par un effet de rattrapage de la consommation des crédits européens, notamment ceux dédiés à la politique de cohésion et au développement rural. Cette augmentation devrait bénéficier à nos territoires.
En 2017, la France était le troisième contributeur net en volume au budget européen et le premier bénéficiaire net en volume, avec 13,5 milliards d'euros dépensés en France, principalement sur la PAC.
La volatilité du prélèvement sur recettes peut toutefois nous inquiéter. Son évaluation est difficile à réaliser, car elle dépend des prévisions de l'Union européenne, des éventuels budgets rectificatifs et des corrections apportées sur les exercices antérieurs. En 2017, il y a eu plus de 2,3 milliards d'euros d'écart entre les prévisions et la réalisation.
Mon second sujet de préoccupation est celui des difficultés rencontrées ces dernières années pour le versement des primes de la PAC aux agriculteurs et celui du retard du décaissement des crédits européens pour le développement rural. C'est particulièrement criant pour certains programmes comme le programme Leader. Sur 700 millions prévus pour la période 2014-2020, seulement 10 millions ont été effectivement payés à ce jour. Alors que les dépenses européennes en France sont conséquentes, ce sont les territoires les plus fragiles qui peinent à en bénéficier. Ces retards contribuent à l'augmentation du « reste à liquider » qui devrait d'ailleurs atteindre le niveau record de 300 milliards en 2020, soit près de deux fois le budget annuel de I'Union européenne. On mesure l'impact négatif de ces retards sur les dynamiques économiques des territoires qui doivent être accompagnés dans leur développement.
Cette situation est incompréhensible pour nos concitoyens. Il est urgent d'y remédier.
Les négociations entre le Conseil et le Parlement européens sur le budget de l'Union européenne ont échoué lundi dernier, pour un conflit sur le programme de recherche « Horizon 2020 » de 400 millions, sur 160 milliards au total. Cela en dit long sur l'engagement européen de certains... La Commission européenne doit présenter un nouveau projet de budget.
Dans le contexte actuel de désordre mondial, l'Europe doit être à la hauteur. Les peuples européens sont désabusés, désorientés et parfois désespérés. Leur sentiment d'abandon se traduit par la montée des populismes, par le Brexit ou par la conduite par certains États de stratégies individuelles ou de repli sur soi.
Quand les risques sont devant nous, le cadre financier pluriannuel devrait traduire des orientations politiques fortes. Or, mis à part des discours du président de la République adressés à nos partenaires, les traductions politiques sont inexistantes au plan national. Cela ne facilite pas la compréhension, le partage et l'acceptation par les peuples des politiques européennes. À plusieurs reprises, j'ai appelé à faire preuve de plus d'ambition pour définir le plafond de dépenses de l'Union européenne. Je me réjouis que le Parlement ait renouvelé son souhait d'un cadre financier pluriannuel s'élevant de 1,3 % du revenu brut de l'Union européenne. Madame la ministre, confirmez-vous que la France ne refuse pas cette légère hausse ?
Une dernière question, les investissements portuaires rendus nécessaires par le Brexit seront-ils financés seulement par la France ?
Je recommande l'adoption sans modification de cet article 37. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Je salue le travail du rapporteur spécial.
Comme l'an passé, notre contribution au budget de l'Union augmente. Les raisons de cette hausse sont vertueuses : enfin, l'utilisation des crédits européens s'accélère cinq ans après le début de l'actuelle programmation.
La Commission a dévoilé les orientations du projet de cadre pluriannuel 2021-2027 en mai dernier. Les négociations sont difficiles, il serait illusoire d'espérer leur adoption définitive avant les élections européennes. D'un côté, de moindres recettes en raison du Brexit ; de l'autre, des priorités nouvelles - sécurité, frontières et migrations, jeunesse, recherche et innovation. Cela ne doit pas conduire à sacrifier la PAC et la politique de cohésion. La France a déjà et doit encore se battre : la réduction des crédits de la PAC est une ligne rouge.
Face à ces contraintes, se dessinent des opportunités de réformes longtemps repoussées : des ressources propres pour l'Union pour en finir avec le « juste retour » ; la simplification des politiques européennes, qui dépasse l'administratif, pour les rendre plus lisibles auprès des citoyens européens ; la suppression des ristournes et des rabais qui, à notre sens, doit se faire en un an le plus tôt possible, et non en cinq ans.
Pour conclure, à l'unité du Parlement européen sur un budget de l'Union à 1,3 % du PIB au lieu de 1,1 %, répond la division cacophonique des États membres. Si le prochain cadre pluriannuel n'est pas adopté avant les élections européennes, le risque est de voir les programmes lancés avec retard comme nous l'avons connu durant cette programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE ; M. Simon Sutour applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias . - Nous regrettons la place moindre concédée dans cette enceinte aux débats sur la politique européenne, lesquels se dérouleront après le Conseil européen des 14 et 15 décembre. Réduire à une question de deux minutes l'intervention en séance révèle l'intérêt porté à la question européenne dans cet hémicycle... (MM. Simon Sutour, André Gattolin et Philippe Bonnecarrère applaudissent.)
M. Simon Sutour. - C'est malheureusement vrai !
M. Pierre Ouzoulias. - Je profite donc de ces cinq minutes pour vous confier le trouble qui m'habite à l'idée de donner un avis technique et comptable sur la contribution de la France au budget européen alors que le Royaume-Uni s'apprête à quitter l'Union, alors que le prochain scrutin risque d'installer au Parlement européen une majorité de députés hostiles aux valeurs humanistes au nom desquelles nous pourrions encore défendre l'Europe. Nous devrions donc nous prononcer sur un budget dont nous ne savons pas quel usage il sera fait. À ces incertitudes s'ajoute le désaccord persistant entre le Conseil et le Parlement européen. Une seule mesure fait consensus : la protection des frontières européennes. Les petites querelles semblent indifférentes au grand projet européen. Elles m'évoquent ces vers de Constantin Cavafy :
Qu'attendons-nous, rassemblés sur l'agora ?
On dit que les Barbares seront là aujourd'hui.
Pourquoi cette léthargie, au Sénat ?
Pourquoi les sénateurs restent-ils sans légiférer ?
Parce que les Barbares seront là aujourd'hui.
À quoi bon faire des lois à présent ?
Ce sont les Barbares qui bientôt les feront.
[...]
Pourquoi ce trouble, cette subite
Inquiétude ? - Comme les visages sont graves !
Pourquoi places et rues si vite désertées ?
Pourquoi chacun repart-il chez lui le visage soucieux ?
Parce que la nuit est tombée et que les Barbares ne sont pas venus
Et certains qui arrivent des frontières
Disent qu'il n'y a plus de Barbares.
Mais alors, qu'allons-nous devenir sans les Barbares ?
Ces gens étaient en somme une solution.
Comme sur l'agora de Constantin Cavafy, il semble que l'évocation des Barbares, ceux de l'intérieur pour certains, de l'extérieur pour d'autres, soit devenue l'unique préoccupation d'élites incapables de proposer un projet transcendant qui nous évite et les repliements nationalistes et la gestion libérale honnie d'une part toujours plus importante des peuples européens.
Écoutez la jeunesse. Son désir d'Europe est ambitieux, généreux et prometteur. Elle s'est forgé, dans la tourmente des renoncements successifs, une conscience européenne ; elle demande plus de droits sociaux, une défense sans compromis des libertés individuelles, une association étendue et renouvelée au fonctionnement démocratique de l'Union et, au-dessus de tout, une action d'envergure pour le climat et l'environnement. Aucune de ces ambitions n'est portée par le budget européen. Pourquoi s'engager ainsi vers la catastrophe annoncée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Franck Menonville . - L'article 37 doit être regardé avec bienveillance et intérêt parce qu'il traduit la participation et l'attachement de la France à l'Union.
Avec un peu plus de 21,5 milliards d'euros, la France est le troisième contributeur net au budget de l'Union européenne Rapporté au budget national, ce montant représente 5,5 % de nos dépenses publiques nettes.
Pour les détracteurs de l'Europe, cela fait beaucoup. Rappelons-leur que la France est le premier bénéficiaire en volume des dépenses de l'Union. Il ne faut pas craindre une augmentation tendancielle du prélèvement européen, sous réserve, comme le veut la France, d'une modernisation des politiques, de la création de ressources propres, de la fixation de conditionnalités et de la suppression des rabais.
Retrait du Royaume-Uni qui était le deuxième contributeur, élections européennes en mai 2019, installation d'une nouvelle Commission compliquent la négociation du prochain cadre pluriannuel financier.
Cependant, la Commission a fléché trois nouvelles ressources propres ; l'une est tirée d'une nouvelle assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, l'autre de la mise aux enchères des quotas d'émissions et enfin une contribution nationale calculée sur la base de la quantité de déchets d'emballages en plastique non recyclés.
Il faut continuer à plaider pour la création d'une taxe sur les GAFA. Les travaux avancent, nous devons nous accorder sur le taux le plus pertinent - 3 ou 5 %. Je m'en réjouis même si Mme Merkel, à la tête d'une coalition fragile, ne s'engage que timidement. C'est une question d'équité fiscale.
Dans les prochaines années, nous devrons concilier le financement des politiques traditionnelles avec celui des nouvelles priorités - la gestion des migrations, la sécurité et la défense. Nous nous inquiétons d'une réduction des crédits de la PAC, à laquelle nous sommes fermement opposés. L'agriculture est stratégique, non seulement pour la cohésion de nos territoires, mais aussi pour notre sécurité alimentaire.
Dans un discours prononcé dimanche devant la chambre des députés allemande, le président de la République a appelé à une Europe plus forte et plus souveraine. Espérons que cela soit possible sans rien sacrifier des mécanismes de solidarité. C'est ainsi que l'on luttera contre la montée des populismes.
Le groupe RDSE, qui a l'Europe dans son ADN, votera en faveur de ce prélèvement et soutient votre action, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM ; MM. Marc Laménie et Simon Sutour applaudissent également.)
M. Philippe Bonnecarrère . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Qu'il est stimulant d'aborder les questions européennes, si centrales dans notre vie politique, même en six minutes et par le biais du prélèvement au titre de la participation de la France au budget européen, quand le débat européen est relégué dans notre hémicycle à de rares séances où l'on nous autorise une question technique de deux minutes ! (MM. Simon Sutour, André Gattolin et Pierre Ouzoulias applaudissent.)
La contribution de la France s'établit à 21,515 milliards d'euros. Que le quinquennat précédent est loin quand, à la fin de l'exercice, on retirait de ce prélèvement, parce que l'exécution était partielle, une recette sans fatigue et sans mérite. Cette époque est révolue et nous devons faire face à une augmentation de notre contribution de plus de 8 %.
Nous ne pouvons pas tout demander à l'Europe sans lui en donner les moyens. Commençons par expliquer à nos concitoyens que le budget européen s'élève à 165 milliards d'euros, celui de notre pays à 390,8 milliards d'euros et celui de notre sécurité sociale à plus de 500 milliards d'euros. Gardons-nous de tout double discours à Paris et à Bruxelles.
Avec un budget fixé à 1,11 % du revenu national brut européen, il ne sera pas possible d'absorber la perte des 14 milliards d'euros de la contribution britannique et d'assumer les 20 à 30 milliards d'euros de dépenses nouvelles. La France a-t-elle les moyens et la volonté de porter sa contribution à 1,2 % ? Si oui, au prix de quelles économies ? Nous ne sommes plus très loin d'un sujet d'actualité qui paralyse, au moins partiellement, notre pays... Cette question conditionne le financement du fonds de cohésion et de la PAC. L'Europe dépend encore plus des États, que nos collectivités dépendent de l'État.
Alors que les solutions à nos problèmes, comme la maîtrise des migrations, sont largement européennes, les États-Unis, la Chine et la Russie ont engagé un nouveau cycle historique où le rapport de forces est devenu la norme. Le défi n'est pas lancé à la France, mais à l'Europe qui, instruite par les souffrances de l'Histoire et avertie des risques que font peser des illégalités économiques de plus en plus fortes, sait la nécessité du multilatéralisme. Nous devons porter une ambition européenne qui ne soit pas que de discours. Si certains en doutent encore, la fracture britannique et l'angoisse devant le grand saut devraient achever de les convaincre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; MM. André Gattolin, Jean-François Rapin et Simon Sutour applaudissent également.)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La France est le deuxième contributeur au budget européen après l'Allemagne, à hauteur de 15 % des contributions nationales. La France a touché en retour 11 % de dotations accordées à des États membres. Elle est le premier bénéficiaire de la PAC dont la modernisation ne doit pas conduire à modifier le montant.
À ceux qui fustigent la gabegie européenne, je rappellerais que l'Union européenne redistribue la quasi-totalité de ses moyens aux États membres, ne conservant que 6 % des fonds pour son fonctionnement administratif. Il faut le rendre plus visible en axant les dépenses de l'Union sur des actions concrètes et quotidiennes. Le rapport Monti avait sonné l'alerte l'an passé, il est plus que temps de réformer le budget européen. Le Parlement européen a pris des positions fortes en réclamant un budget à 1,3 % du RNB des États membres. Ce serait du jamais vu !
Ce besoin de repenser le budget européen est valable en recettes comme en dépenses. L'Union européenne doit se doter de ressources propres, de manière que le prélèvement sur recettes ne représente plus qu'une part marginale du financement de l'Europe. Parmi les hypothèses les plus crédibles figurent l'impôt sur les sociétés, une taxe sur les GAFA et la vente de quotas d'émissions de CO2. Il faut, en outre, mettre fin à la logique des rabais après le Brexit.
La protection des Européens doit être une priorité du budget, tout comme le développement d'une économie de la connaissance en augmentant les crédits pour l'innovation, la recherche et le marché unique numérique - c'est la seule stratégie valable face aux géants américains et chinois. C'est ensemble que nous serons plus en sécurité, plus prospères et plus forts. Donnons-nous en les moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. André Gattolin . - Heureux ! Heureux je suis comme Fernand Raynaud. (Sourires) Je suis heureux de pouvoir m'exprimer au sujet de l'article 37 dans cet hémicycle. Suis-je donc fou quand cet article, à défaut de tenir dans la main, comme le schmilblick de Coluche, tient aisément dans un tweet puisqu'il ne comporte que 187 signes, espaces compris ? Suis-je donc fou de me réjouir de cet article à 21,5 milliards d'euros ? Une hausse de 1,6 milliard tout de même ! Oui, et je fais partie de ceux qui pensent que le budget européen est bien trop faible au regard des défis que ce monde, toujours plus soumis à des forces centrifuges, doit affronter ?
Mais la raison principale de ce bonheur momentané vient de ce que je dispose de six minutes pour m'exprimer sur un sujet européen. L'occasion est devenue rare dans cet hémicycle depuis que la majorité sénatoriale a décidé de supprimer le temps d'expression politique des groupes à l'occasion des séances publiques qui se tenaient autrefois en amont de chaque Conseil européen. (M. Julien Bargeton applaudit.) Nous devons nous contenter désormais d'une petite question de deux minutes par intervenant, espaces compris, en aval des Conseils européens, ce qui promet d'être passionnant pour ceux qui n'en auront pas lu les conclusions dans la presse.
Ce souci de parcimonie du temps de parole tombe particulièrement mal : le 25 novembre, le Conseil européen extraordinaire portera sur la question cruciale de l'accord trouvé sur les conditions de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est ballot, d'autant que nous sommes à six mois des élections européennes.
Bienveillant par nature et bienséant par devoir, je ne vois pas là une manoeuvre politique de la part d'une majorité sénatoriale, peut-être encore un peu agacée de n'être pas devenue la majorité gouvernementale. Il y aura bien une prise de parole du Sénat, avec huit minutes de temps de parole pour deux ou trois présidents de commission devant un hémicycle certainement plein à craquer, un lundi après-midi...
Madame la ministre, s'il ne vous appartient pas de discuter une décision souveraine du Sénat, peut-être pouvez-vous dire si ces séances publiques en amont de chaque Conseil avaient une utilité pour vous ?
Enfin, non par bienveillance mais par gêne, veuillez m'excuser, chers ex-collègues de la commission des finances, pour ce détournement cavalier du débat budgétaire.
Le groupe LaREM votera en faveur de l'article 37.
M. Julien Bargeton. - Excellent !
M. Simon Sutour . - La suppression des interventions des groupes lors des débats préalables au Conseil européen n'est, fort heureusement, qu'expérimentale. Le 19 décembre prochain, le président Bizet fera des propositions à la Conférence des présidents, soutenons-le dans son action : il est impensable que les groupes ne s'expriment pas.
Le prochain débat préalable aura lieu après le Conseil européen. Monsieur le président, veuillez rappeler à la présidence qu'il y a un article 88 de la Constitution qu'il convient de respecter. (MM. Claude Raynal, André Gattolin et Pierre Ouzoulias applaudissent.)
Erasmus +, moyens renforcés pour la protection des frontières et l'accueil des demandeurs d'asile, l'Union européenne a fait la preuve qu'elle pouvait faire face aux défis nouveaux.
Dimanche prochain, le Conseil européen se prononcera sur l'accord avec le Royaume-Uni. S'il ne l'approuvait pas, si le Parlement britannique ne l'approuvait pas, les conséquences seraient catastrophiques pour les Britanniques mais aussi pour les Européens.
Le Parlement européen juge, à juste titre, qu'il faut relever le budget européen. Certains États membres veulent, au contraire, le diminuer ; cela complique l'équation. Les deux principaux postes budgétaires - PAC et cohésion - sont en danger, ce n'est pas acceptable. La France a besoin de la PAC pour accompagner les petites exploitations de montagne et de moyenne montagne, du pourtour méditerranéen si importantes. Sans les fonds structurels, le développement de nombreuses régions s'arrêterait net. Le PIB d'un État ou d'une grande région ne veut rien dire : en Occitanie, nous savons bien que les Cévennes n'ont pas les mêmes besoins que le bassin toulousain. L'heure est venue d'agir. Nous devons nous mobiliser pour faire de l'Europe un espace inclusif de paix, de prospérité, de connaissance et de bien-être.
Le groupe socialiste votera l'article 37. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. André Gattolin, Yvon Collin et Mme Jacky Deromedi applaudissent également.)
M. Marc Laménie . - Je tiens à saluer le travail de Patrice Joly, rapporteur spécial. Le prélèvement est une dépense importante : avec 21,5 milliards d'euros, c'est le 5e poste de notre budget.
Pour la seconde année consécutive, il progresse. Il se divise en deux recettes : TVA pour 4,5 milliards d'euros et 16,96 milliards basés sur le RNB, auxquelles il faut ajouter 1,7 milliard de droits de douane.
Le projet de budget européen s'établit à 149 milliards d'euros en crédits de paiement avec deux postes importants : la croissance inclusive et la croissance durable.
Le rapport que la Cour des comptes a présenté à la commission des finances, le 10 octobre dernier, pointe les défaillances de la chaîne de paiement des aides agricoles et ses conséquences pour plus de 350 000 agriculteurs. D'où la nécessité de simplifier en travaillant avec tous les acteurs et ils sont nombreux : Europe, États, directions, Agence de services et de paiement.
Le groupe Les Républicains suivra l'avis du rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'examen de cet article est important. La France contribue à hauteur de 15 % du budget européen, lequel est une vision pour une Europe unie, forte, solidaire et plus efficace. Trois défis sont à relever : la PAC, le Brexit et les migrations.
La PAC, budget fondateur, vital pour nos agriculteurs, est attaquée. La France doit se battre, garder son leadership agricole quand les agriculteurs ont de plus en plus de mal à faire face à leurs charges.
Sur le Brexit, un accord a été trouvé ; mais il doit être ratifié par le Parlement européen et le Parlement britannique. Le Brexit pourrait servir de catalyseur pour la réforme de l'Europe, pour que les citoyens comprennent à qui elle sert.
L'immigration irrégulière est en constante augmentation depuis 2015. L'augmentation de 4 % des crédits de Frontex va dans le bon sens mais ne suffit pas.
C'est ensemble que nous serons plus forts, nous voterons donc l'article 37. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Yvon Collin et André Gattolin applaudissent également.)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Merci pour ce débat, exercice démocratique utile.
Je confirme, monsieur Gattolin, l'intérêt pour la France de s'appuyer sur l'expression des deux chambres du Parlement avant d'aller au Conseil européen.
Il n'y a pas eu d'accord sur le budget européen. La négociation a échoué, à cause d'un élément de principe défendu par le Parlement européen et auquel s'oppose le Conseil européen : la possibilité de recycler des crédits non consommés en matière de recherche. Le blocage n'est pas à la hauteur des enjeux. Si ce blocage persiste, il faudra en passer par les douzièmes provisoires comme cela s'est vu par trois fois dans les années 1980.
Sur les 165,6 milliards d'euros de crédits d'engagement et les 148,7 milliards en crédits de paiement, la PAC et la cohésion restent les principales postes du budget européen et veuillez croire que nous y avons veillé... La France reçoit plus que par le passé. En 2017, nous étions le premier bénéficiaire en volume, alors que nous étions le troisième en 2016. Je rappelle que nous étions le troisième contributeur net en 2017, le deuxième en 2016.
Ce budget permet d'agir pour la croissance et l'innovation, pour la jeunesse : avec Erasmus +, davantage d'étudiants et désormais les apprentis pourront se former en Europe.
Ce budget contribuera aussi à une meilleure politique migratoire, un meilleur contrôle des frontières de l'Union ainsi qu'à une plus forte solidarité au-delà de ses frontières en continuant à financer l'accompagnement, l'éducation et l'hébergement des personnes qui fuient les conflits, notamment en Syrie.
Autre priorité, la défense. L'année 2019 sera un tournant pour l'industrie de la défense, avec un programme dédié permettant aux entreprises européennes d'unir leurs forces. C'est une préfiguration du fonds européen de défense que la Commission propose de doter de 13 milliards d'euros pour la période 2021-2027.
Je ne crois pas que nous aurons un accord sur la programmation avant les élections européennes. Ce serait d'ailleurs un étrange message que de dire aux électeurs européens que les grandes lignes sont déterminées avant même qu'ils ne s'expriment.
De nouveaux besoins sont apparus, en effet, mais la PAC ne peut être la variable d'ajustement du Brexit. Nous avons su mobiliser : 21 États membres ont demandé son maintien à son niveau actuel.
Le budget doit traduire la solidarité de l'Union et refléter ses valeurs, c'est pourquoi la France soutient, aux côtés de nombreux États membres, la proposition de la Commission de renforcer le lien entre l'octroi de financements européens et le respect des valeurs fondamentales de l'Union. Nous pensons qu'il faut aller plus loin sur la convergence fiscale et sociale pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Bruno Le Maire et Olaf Scholz ont présenté nos idées pour un budget de la zone euro, le 19 novembre.
Le départ du Royaume-Uni est l'occasion de remettre à plat notre système de financement. La Commission a fait de bonnes propositions, il faut aller au bout de la logique et supprimer immédiatement la totalité des rabais ; nous réclamons de nouvelles ressources propres à rechercher dans le domaine environnemental mais aussi dans le numérique.
Monsieur le rapporteur Joly, le budget consacré aux investissements portuaires pour faire face au Brexit repose sur l'hypothèse d'un accord qui est le plus probable. Mais il reste une incertitude : la ratification par le Parlement britannique. Le Gouvernement est conscient des enjeux pour nos ports. Dès le 30 mars, en cas d'absence d'accord ou après si l'accord les nécessite, la France mettra en route les mesures nécessaires : recrutements, installations pour assurer les contrôles dont nous avions perdu l'habitude. Le coordinateur national finalise actuellement l'estimation des besoins. En décembre, la Commission ouvrira un appel d'offres pour le mécanisme d'interconnexion en Europe, doté de 65 millions d'euros. Nous encouragerons le plus grand nombre possible de ports français à y participer pour le corridor Mer du Nord-Méditerranée.
Le budget européen pour 2019 donnera les moyens à l'Union européenne d'être plus forte, plus efficace et plus protectrice. C'est pourquoi je vous demande d'adopter l'article 37.
L'article 37 est adopté.
Prochaine séance, demain, vendredi 23 novembre 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 15.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du vendredi 23 novembre 2018
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président
Secrétaires : M. Michel Raison Mme Annie Guillemot
- Suite du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale (n°146, 2018-2019)
Rapport général fait au nom de la commission des finances par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général (n°147, 2018-2019)
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n°148, 2018-2019), tomes I à VIII.
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°149, 2018-2019), tomes I à XI.
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n°150, 2018-2019), tomes I à VIII.
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°151, 2018-2019), tomes I à VI.
Avis fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°152, 2018-2019), tomes I à IV.
Avis fait au nom de la commission des lois (n°153, 2018-2019), tomes I à XIV.
- Suite de l'examen des articles de la première partie.
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°24 sur la motion n°I-658, présentée par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :343
Pour :16
Contre :327
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (146)
Contre : 145
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (73)
Contre : 72
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Hélène Conway-Mouret, Présidente de séance
Groupe UC (51)
Contre : 51
Groupe RDSE (22)
Contre : 22
Groupe LaREM (23)
Contre : 23
Groupe CRCE (16)
Pour : 16
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Collomb, Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier