Projet de loi de finances rectificative pour 2018 (Suite)
Discussion des articles
ARTICLE LIMINAIRE
M. Pascal Savoldelli . - Le Haut Conseil des finances publiques le dit, les recettes sont en retrait par rapport à la prévision : le Gouvernement attend un rebond en fin d'année... Le Haut Conseil considère que le rattrapage sera plus modéré que prévu. Une incertitude porte sur le dernier acompte de l'impôt sur les sociétés. La prévision de croissance retenue par le collectif serait trop optimiste.
La priorité du Gouvernement à l'allègement des impôts sur les entreprises ou les plus fortunés ne s'est pas traduite par un rebond de la croissance.
Nous ne pouvons améliorer les comptes publics si nous ne procédons pas à une grande réforme de la fiscalité qui promouvra l'efficacité sociale de l'impôt et mettra fin au gaspillage des finances publiques.
J'ai entendu comme vous les « gilets jaunes », ils nous parlent aussi d'ISF - et ce n'est pas du populisme de le dire, mais bien la prise en compte d'une parole populaire.
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est une discussion générale ?
L'article liminaire est adopté.
PREMIÈRE PARTIE : conditions générales de l'équilibre financier
L'article premier est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Panunzi et Pellevat, Mmes Bories et Garriaud-Maylam et MM. Charon et Castelli.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le VI ter de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le taux est fixé à 45 % pour les versements effectués jusqu'au 31 décembre 2018. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Créés par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, les fonds d'investissement de proximité (FIP) doivent investir 70 % de leurs actifs pour renforcer les fonds propres ou quasi fonds propres de PME non cotées, à tous les stades de leurs développements.
En 2007, le législateur constatant qu'aucun des FIP levés en quatre ans n'avait choisi d'investir en Corse, a créé le FIP Corse. Ce véhicule devait orienter l'épargne des français et mettre enfin la Corse sur les routes de la finance.
Près de douze ans se sont écoulés : le dispositif s'est avéré fructueux, étant entendu que l'attractivité du FIP Corse repose sur son différentiel de 20 points par rapport aux FIP nationaux.
Les montants collectés, via une quinzaine de fonds gérés par cinq sociétés de gestion différentes, se montent à près de 380 millions d'euros, représentant 2 000 emplois directs en Corse et 7 000 emplois si on y ajoute les emplois induits.
Jusqu'en 2018, les taux de réduction étaient de 38 % pour la souscription d'un FIP Corse contre 18 % pour un FIP finançant les entreprises continentales. Niveler cet avantage à tout le territoire français reviendrait à refaire de la Corse un désert financier.
Pour rester attractif, le FIP Corse doit nécessairement maintenir son différentiel de 20 points par rapport aux FIP nationaux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je souhaite que ce collectif budgétaire reste exempt de dispositions fiscales. Retrait. M. Panunzi parle d'un taux augmenté, mais il me semble que la Commission européenne ne s'est toujours pas prononcée sur le dispositif Madelin et la mesure n'est pas entrée en vigueur. Le taux est donc toujours de 18 %. Dans quelques jours, je serai heureux de donner un avis sur cet amendement dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement est intéressant, mais il n'a pas sa place dans le texte, puisque c'est une mesure fiscale. Nous n'aurons, en effet, pas de réponse de la Commission européenne à qui le dispositif Madelin n'avait pas été ratifié avant que notre Gouvernement le fasse.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Je retire mon amendement que je présenterai à nouveau pour le projet de loi de finances.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
ARTICLE 2
M. Éric Bocquet . - Affichage ou création d'un nouveau chapitre réservoir dans notre droit fiscal ? Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » avait, en 2016, fait l'objet d'une révision à la baisse de 361,6 millions d'euros ; en 2017, de 862,3 millions ; et voici que cette année, ce sont encore 577,6 millions de moins. En trois ans, pas moins d'1,8 milliard d'euro auront été reportés dans le budget général. Si les recettes sont trop fortes, il faut les réduire. Mais cessons de faire de la fiscalité écologique une variable d'ajustement.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Claude Raynal. - C'est un amendement d'appel. Le Gouvernement reverse au budget général un surcroît de recettes non prévu de la TICPE. Ne fallait-il pas plutôt augmenter les dépenses en faveur de la transition énergétique ? Les idées ne manquent pas : on aurait pu augmenter les aides incitant à la production d'énergies renouvelables ou la distribution de biométhane, par exemple. L'État devrait parfois prendre des risques pour soutenir des entreprises innovantes. Quelle est la position du Gouvernement sur le sujet ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le CAS « Transition énergétique » a plus de recettes que de besoins, et le Gouvernement aurait pu amender le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ou donner plus de moyens à la transition énergétique. Mais cela aurait peu de sens de surdoter le compte d'affectation spéciale, qui a une mission très précise - l'article 40 de la Constitution nous empêche d'abonder d'autres missions. Je regrette cependant que les 600 millions d'euros ne soient pas affectés par le Gouvernement à une vraie politique de transition écologique. Retrait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous n'avons aucun intérêt à garder cet argent dans le compte d'affectation spéciale ou à surpayer les opérateurs. Et dans le fond, je veux attirer votre attention sur un point de portée générale : on ne peut pas affecter toute la fiscalité tout le temps. Comment dire en même temps qu'il faut conserver le même niveau de dépenses pour l'armée et affecter toutes les recettes supplémentaires ? Si toutes les recettes sont affectées, comment couvrira-t-on les besoins dans les secteurs qui n'en dégagent pas et qui n'en sont pourtant pas moins essentiels - par exemple l'école, ou la défense ? Nous, qui connaissons bien les mécanismes budgétaires, ne devrions pas céder à la démagogie.
Les crédits du ministère de l'écologie, ensuite, ne représentent pas tous les moyens engagés pour la transition écologique. Ces crédits ont baissé de 6 % sous le ministère de Mme Royal - ils augmentent d'un milliard d'euros cette année. L'écologie ne se résume pas à la mission Écologie : l'ANAH, l'Ademe, la rénovation des bâtiments de l'État, il y a bien d'autres actions qui participent de notre politique large de transition écologique.
Enfin, il faut parler des externalités négatives. Selon une étude de l'Inserm en 2015, les particules fines coûtent 3 milliards d'euros à la sécurité sociale. Comment les payer ? Idem sur le coût des maladies liées au tabac, qui est loin d'être compensé par la fiscalité sur le tabac - il y aurait ici aussi une différence de trois milliards d'euros.
Monsieur le rapporteur général, vous aurez du mal à défendre qu'il ne faut pas rendre des réserves et qu'il faut affecter toutes les recettes.
Retrait, sinon avis défavorable.
M. Claude Raynal. - Le discours gouvernemental a précisément consisté à dire que les transferts de TICPE devaient financer la transition énergétique... (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, le confirme.) Le Gouvernement aurait pu ne pas dépenser les 600 millions d'euros, mais en réserver une partie pour la transition énergétique, prendre une ou des mesures qui auraient envoyé un signe fort, un message dans cette direction. Il n'est pas question ici de remettre en cause nos grands principes budgétaires.
L'amendement n°4 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Remplacer le nombre :
6 588 671 056
par le nombre :
7 000 000 000
M. Éric Bocquet. - Défendu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avis défavorable.
Monsieur le ministre, nous ne réclamons pas de la fiscalité affectée, mais des mesures d'accompagnement de cette fiscalité. L'État aurait pu développer une politique d'accompagnement à la transition écologique comme il l'annonçait. Sortir les fenêtres du CITE est un très mauvais signal. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christian Cambon. - Bien sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est complètement contradictoire avec la position de votre parti et de votre groupe à l'Assemblée nationale.
Certains - comme le président de votre formation politique par exemple - pensent qu'il faut arrêter d'augmenter la fiscalité écologique, qu'il faut même supprimer et rembourser la taxe carbone. C'est, au passage, contradictoire avec ce qu'ils ont dit pendant la campagne présidentielle, puisqu'ils proposaient d'augmenter d'un point la TVA pour financer la transition écologique, ce qui est un poids fiscal bien plus considérable.
D'autres, comme le président Woerth, pensent qu'il faut faire une pause cette année et ne revenir à la fiscalité écologique qu'une fois que le cours du baril aura baissé.
Vous nous dites une troisième chose, à savoir qu'il faut des mesures d'accompagnement.
M. Jérôme Bascher. - Ce n'est pas antinomique !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons choisi une trajectoire carbone en adéquation avec les engagements de la France depuis Jacques Chirac. Oui, il faut plus de mesures d'accompagnement pour les plus démunis - et le Premier ministre les a annoncées.
Ne caricaturez pas les propos. Pour le moment, l'opposition n'a pas d'alternative à la politique du Gouvernement.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.
ARTICLE 4
Mme la présidente. - Nous passons au vote de l'article 4, article d'équilibre.
Je vous rappelle que deux votes doivent intervenir : le premier sur l'article d'équilibre, le second sur la première partie du projet de loi de finances rectificative.
Si le Sénat n'adopte pas l'article d'équilibre, il ne pourra pas, sauf demande de seconde délibération portant sur cet article, voter en faveur de la première partie.
En effet, en application de la loi organique relative aux lois de finances, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la première partie doit avoir été adoptée « en celles de ses dispositions qui constituent sa raison d'être ». Il en est ainsi de cet article, qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de l'équilibre. Il s'agit donc d'un vote de cohérence.
En revanche, si le Sénat adopte l'article d'équilibre, il pourra se prononcer pleinement, pour ou contre, la première partie.
L'article 4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Monsieur le ministre, demandez-vous une seconde délibération ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Non.
La séance est suspendue quelques instants.
Mme la présidente. - Le Sénat n'ayant pas adopté l'article d'équilibre, puis-je considérer que le Sénat rejette en conséquence la première partie ? (Assentiment)
Le Sénat n'ayant pas adopté la première partie, l'ensemble du projet de loi de finances rectificative est considéré comme rejeté.
Prochaine séance demain, mardi 20 novembre 2018, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 10.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus