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Table des matières
Désignation d'une vice-présidente du Sénat
Reprise et cessation de mandats de sénateur
Lutte contre la manipulation de l'information (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)
M. Franck Riester, ministre de la culture
Discussion générale commune (Suite)
M. Franck Riester, ministre de la culture
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Question préalable sur la proposition de loi
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure
Question préalable sur la proposition de loi organique
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi organique
Mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (Procédure accélérée)
Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (Procédure accélérée)
Ordre du jour du mercredi 7 novembre 2018
SÉANCE
du mardi 6 novembre 2018
13e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Daniel Dubois, Mme Annie Guillemot.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Désignation d'une vice-présidente du Sénat
M. le président. - Le groupe socialiste et républicain a présenté la candidature de Mme Hélène Conway-Mouret pour remplacer, en qualité de vice-présidente du Sénat, Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Le délai prévu par l'article 3 du Règlement ayant expiré et n'ayant reçu aucune opposition, cette candidature a été ratifiée. En conséquence, je proclame Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente du Sénat et lui souhaite pleine réussite dans l'exercice de ses fonctions éminentes au sein de notre assemblée. (Applaudissements)
Je tiens à remercier Mme Marie-Noëlle Lienemann pour sa vice-présidence. Elle a présidé nos travaux avec une qualité d'écoute reconnue par chacun et une maîtrise parfaite de nos règles de procédure. Elle a assuré les délégations aux grands évènements avec talent et engagement.
Je salue à travers elle l'ensemble de nos vice-présidents qui veillent à l'expression de tous les sénateurs et à la qualité de nos délibérations. Ils président avec un engagement sans faille les différentes délégations au sein du Bureau - dont certaines auront bientôt des conséquences sur notre quotidien.
Madame Conway-Mouret, nous vous faisons toute confiance !
Reprise et cessation de mandats de sénateur
M. le président. - En application de l'article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Gérard Collomb, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le mercredi 3 octobre 2018, a repris le dimanche 4 novembre 2018, à 0 heure.
En conséquence, le mandat sénatorial de M. Gilbert-Luc Devinaz a cessé le samedi 3 novembre, à minuit. C'est la règle ; nous aurons l'occasion d'y revenir. (Sourires)
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Lutte contre la manipulation de l'information (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi et de la proposition de loi organique, adoptées par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatives à la lutte contre la manipulation de l'information. Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
M. Franck Riester, ministre de la culture . - La manipulation de l'information constitue une menace pour nos démocraties. L'élection présidentielle brésilienne a illustré l'utilisation qui peut être faite des réseaux sociaux pour diffuser massivement et rapidement de fausses informations. Avant les Midterms aux États-Unis, Twitter a supprimé des milliers de comptes automatiques, prétendument démocrates, qui incitaient à l'abstention. Cette nuit encore, Facebook a bloqué des centaines de comptes étrangers soupçonnés d'ingérence.
Les fausses informations brouillent les frontières entre le vrai et le faux, sapent la confiance dans l'information et menacent, à terme, la stabilité de nos démocraties. Elles nous intiment d'agir. L'Assemblée nationale s'est saisie du sujet avec ces propositions de loi que le Gouvernement soutient. Un débat au Sénat en première lecture les aurait enrichies... Je respecte votre décision, mais la regrette, car il serait dangereux de ne rien faire.
J'entends vos débats, légitimes, contre le référé judiciaire mais son contenu a été explicitement circonscrit depuis à la seule période électorale. Après le vote définitif, nous évaluerons le dispositif pour l'améliorer si besoin.
La lutte contre la manipulation de l'information est un combat au long cours ; la loi n'est pas la seule réponse que nous apportons.
La défense d'une presse pluraliste de qualité est notre première arme, et je salue l'appel de Reporters sans frontières pour un pacte international sur l'information et la démocratie, première pierre d'un cadre international en la matière. La France s'engage à mobiliser sur ce sujet.
Les aides au pluralisme de la presse sont sanctuarisées à hauteur de 16 millions d'euros dans le budget 2019. Nous réformerons prochainement la loi Bichet pour moderniser la distribution de la presse ; 2 millions d'euros supplémentaires seront mobilisés pour l'AFP en 2019 et nous défendons à Bruxelles un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse.
Les débats à l'Assemblée nationale ont fait apparaitre un consensus sur la déontologie de la presse. La mission confiée à Emmanuel Hoog fera des propositions concrètes dès janvier 2019, afin de restaurer la confiance entre les Français et les médias.
L'éducation aux médias a vu sa place renforcée dans la proposition de loi ; elle deviendra un élément obligatoire des programmes scolaires. Le ministère de la Culture double sa participation financière, et financera un grand programme de service civique pour l'éducation aux médias.
N'attendons pas une réponse européenne qui tarde à venir. La France a toujours été pionnière en matière de régulation, elle se bat pour la taxation des GAFA, pour la protection numérique du droit d'auteur, pour une lutte efficace contre les discours de haine sur Internet. Donnons l'impulsion, expérimentons, inspirons les réponses européennes.
Certes, chère Catherine Morin-Desailly, l'Union européenne représente la bonne échelle de régulation - je pense notamment à la directive e-commerce. Mais nous ne devons pas rester inactifs à l'échelon français. Les instances européennes pourront s'inspirer de notre exemple. Les initiatives récentes au niveau européen convergent d'ailleurs avec nos ambitions. Le 25 octobre 2018, la résolution relative à l'affaire Cambridge Analytica a été adoptée par le Parlement européen ; le 26 septembre, la Commission a publié un code de bonnes pratiques destiné aux plateformes, mais sans objectif mesurable ni caractère contraignant...
Il serait dangereux de s'en remettre naïvement à l'autorégulation des plateformes. Facebook a récemment renforcé l'information sur la provenance des articles partagés sur son réseau. Ces initiatives vont dans le bon sens. Les plateformes numériques prennent conscience de leur responsabilité sociétale et démocratique et de l'urgence à agir. Elles reconnaissent le bien-fondé d'une transparence sur les contenus d'information sponsorisés, notamment en période électorale.
Avec ce texte, nous l'inscrivons dans la loi. L'internaute sera informé de l'utilisation de techniques publicitaires pour promouvoir un contenu ; le montant du sponsoring sera rendu public et les pouvoirs publics pourront mieux veiller au respect des règles de financement électoral.
Nous inscrivons dans la loi un devoir de coopération des plateformes, avec un cadre de régulation basé sur la responsabilisation, souple et exigeant, différent de celui qui s'applique aux médias traditionnels. Les propositions de loi optent pour un dispositif de co-régulation : choix des modalités pour lutter contre les fausses informations, obligation de rendre compte au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). On évite ainsi à la fois la propagation de la désinformation mais aussi l'émergence d'une censure privée, opaque et arbitraire.
Tout géants qu'ils soient, les GAFA ne sauraient échapper à la régulation. Internet est un espace public, soumis à des règles. Je connais l'engagement de la présidente Morin-Desailly et de votre commission de la culture, pour que nous prenions en main notre destin numérique ; vous avez toujours défendu votre souveraineté numérique, y compris dans le cadre des marchés publics. Merci de votre engagement.
Protéger nos concitoyens, protéger leur liberté, tel est l'objectif de ces propositions de loi, que j'aurais souhaité voir le Sénat examiner.
Je veux croire que le projet de loi de réforme de l'audiovisuel que je défendrai l'année prochaine nous permettra de renouer le fil d'un dialogue fructueux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi . - Je félicite notre nouveau ministre de la culture et lui souhaite toute réussite dans ses fonctions.
Le 26 juillet, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité une motion tendant à opposer la question préalable à ce texte. Réunie le 26 septembre, la CMP n'a pu logiquement aboutir à un accord et l'Assemblée nationale a adopté le texte le 9 octobre en nouvelle lecture.
Le Sénat est conscient du danger que fait peser la manipulation de l'information sur nos sociétés ; la question fait consensus.
Ce phénomène est issu d'une composante ancienne, la médisance, la diffamation. Il est difficile, comme en témoigne une large jurisprudence bâtie autour de la loi de 1881, de faire la part des choses entre liberté d'expression, volonté de nuire, simple erreur.
Le débat à l'Assemblée a montré la difficulté de définir une fausse information. Le problème tient à une nouvelle composante : la capacité des réseaux sociaux à amplifier massivement ces discours.
Le rapport du centre d'analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l'Europe et de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, présenté à la conférence des ambassadeurs le 28 août 2018, confirme le lien entre manipulation et intérêt commercial. Il rappelle que les manipulations commerciales peuvent avoir des effets politiques bien réels, et que les manipulations politiques peuvent faire gagner de l'argent aux médias, aux plateformes, voire à des adolescents macédoniens.
Coexistent donc une logique ancienne et une réalité nouvelle.
Aujourd'hui se tiennent les Midterms américains. Fin juillet, Facebook annonçait avoir détecté une campagne d'influence et lancé une « course aux armements » pour contrer les manipulations.
Le candidat élu au Brésil ne disposait que d'un accès limité aux médias traditionnels ; il a gagné, sans débat télévisé, grâce à une campagne sur internet, sans crainte de contradiction. Beaucoup de Brésiliens sont d'ailleurs persuadés que ses propos virulents sont eux-mêmes des « infox ».
Bref, nous sommes entrés dans l'ère de la post-vérité. Nul, au Sénat, ne sous-estime la gravité du phénomène.
Nous assistons à une prise de conscience au niveau mondial. L'opinion est de plus en plus sensibilisée à l'influence des plateformes. Le rapport du 20 septembre sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme en ligne propose un statut particulier « d'accélérateur de contenus », que j'approuve pleinement.
Facebook a créé une salle de crise pour les Midterms, d'autres plateformes ont signé le code de bonnes pratiques contre la désinformation, dans la perspective notamment des élections européennes de 2019. La Commission européenne fera une évaluation en décembre. Mariya Gabriel, commissaire chargée du numérique, insiste sur la transparence des publicités politiques sponsorisées, la démonétisation des contenus visant à désinformer, la réduction des faux comptes et des bots, la promotion des outils à destination des citoyens.
Difficile, cependant, de faire confiance à l'autorégulation du secteur. De nombreuses plateformes cherchent à se refaire une virginité.
Le Sénat ne refuse pas de voir la réalité en face, au contraire ! Mais évitons d'apporter une simple réponse de circonstance avec un texte potentiellement dangereux pour la liberté d'expression - M. Frassa y reviendra.
Nous devons agir à plusieurs niveaux, et travaillerons avec vous, monsieur le ministre, sur les projets de texte que vous avez cités, en attendant un travail collégial au niveau européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi organique et rapporteur pour avis sur la proposition de loi . - En première lecture, je vous avais invités, avec la commission de la culture, à rejeter ces textes par l'adoption de deux questions préalables, la nouvelle procédure de référé nous apparaissant inaboutie, inefficace et potentiellement dangereuse.
Le Sénat ayant massivement rejeté ce texte - 288 voix contre 31 -, je pensais, naïvement, que le Gouvernement et l'Assemblée nationale cesseraient de s'entêter. Mais, on le sait depuis saint Augustin, « Humanum fuit errare, diabolicum est per animositatem in errore manere » (Sourires et marques d'admiration) et le texte nous revient inchangé sur le fond, malgré les 23 amendements adoptés par l'Assemblée en nouvelle lecture - sur un texte non modifié par le Sénat.
En particulier, l'Assemblée a tenté de donner une portée plus opérationnelle à la définition des fausses informations susceptibles de donner lieu à référé. Elle a également créé une voie d'appel, la cour d'appel se prononçant dans les 48 heures suivant sa saisine.
Reste que les textes demeurent inaboutis, et je vous proposerai à nouveau de les rejeter en adoptant une question préalable.
À la suite de la publication des « Macron Leaks » pendant la campagne électorale de 2017, la Commission de contrôle de la campagne électorale avait demandé aux médias de ne pas diffuser des données obtenues frauduleusement. La publication de fausses nouvelles ayant eu pour effet de fausser un scrutin électoral est réprimée par l'article L. 97 du code électoral. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse permet également de réprimer les propos sciemment erronés, diffamatoires, injurieux ou provocants. Enfin, la loi de confiance dans l'économie numérique de 2004 aurait pu être renforcée. Mais cet arsenal n'a pas été utilisé : le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont préféré créer ex nihilo un dispositif bancal, la définition des fausses informations ayant été plusieurs fois modifiée, en commission puis en séance...
L'Assemblée nationale est encore revenue sur le texte en nouvelle lecture. Malgré l'avis de la rapporteure de sa commission des lois, Naïma Moutchou, le Gouvernement a souhaité conserver le droit commun de quinze jours pour le délai d'appel. Quelle précipitation, quelle impréparation !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - C'est vrai !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Ces textes seront inefficaces contre les vraies menaces. Attaquons-nous plutôt aux racines du symptôme, interrogeons-nous sur les raisons du complotisme, de la défiance envers les élites politiques et intellectuelles. Je doute que la réponse répressive soit la plus efficace contre ceux qui tentent de décrédibiliser la parole publique.
Les manipulations de l'information sont clandestines. Elles ne sont évidentes ni pour le public ni pour les victimes. Elles ne peuvent donc être appréhendées par un dispositif judiciaire exigeant de rapporter la preuve contraire et a priori des allégations proférées.
Comment les contrer en 48 heures ? Le juge des référés est celui de l'évidence. Y a-t-il tromperie des électeurs en cas d'allégation manifestement erronée ou outrancière ?
Vous parlez, monsieur le ministre, d'un premier pas vers la responsabilisation des plateformes. Mais seule une régulation européenne sera efficace, pas un dispositif franco-français. Votre solution inefficace risque en outre de porter atteinte à la tradition française de liberté d'expression en matière politique.
Car ces textes risquent bien d'être instrumentalisés au détriment de la liberté d'expression. Sera concernée toute allégation, même satirique ou parodique, « de nature » à altérer la sincérité d'un scrutin à venir. Quid de l'intention de celui qui diffuse l'information ?
Le texte permet à n'importe qui de saisir le juge des référés : c'est une porte ouverte aux instrumentalisations !
Comment le juge des référés pourrait-il, en 48 heures, établir a priori l'altération d'un scrutin qui n'a pas eu lieu ? Le juge judiciaire et le juge électoral pourraient se contredire. Quid alors de la sincérité du scrutin, de la légitimité du gagnant ? Il y a bien là un danger démocratique.
La Sénat est attaché aux libertés fondamentales ; c'est pourquoi je vous propose d'adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°2, présentée par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n°30, 2018-2019).
Mme Sylvie Robert . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Félicitations, monsieur le ministre, pour votre nomination. Les chantiers qui vous attendent sont nombreux. La lutte contre les fausses nouvelles en est un. La réponse juridique que vous y apportez ne nous semble pas efficace. C'est pourquoi, comme en première lecture, notre groupe défend cette motion.
La liberté d'expression est un droit fondamental mais pas absolu, conformément à la Déclaration des droits de l'homme de 1789 : la libre communication des pensées et des opinions est l'un des biens les plus précieux de l'homme, mais liberté d'opinion et d'expression reposent sur une éthique de responsabilité.
Notre droit positif repose sur cet équilibre entre consécration de la liberté d'expression et répression de ses abus - équilibre que rompt ce texte. Le Conseil constitutionnel rappelle que la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés : elle est un droit éminemment ordonnateur.
Or ces textes portent des entraves disproportionnées aux libertés d'expression, d'information et de la presse, d'autant que les « fausses informations » que vous pénalisez ne sont même pas clairement définies ! Dès lors, comment caractériser clairement des infractions pénales ? Attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore, en offrant des instruments qui pourraient être détournés à des fins non démocratiques.
Nous devons être prudents et ne pas insulter l'avenir. Or vos solutions sont constitutionnellement chancelantes.
Ainsi, le texte risque de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ainsi qu'à la liberté d'entreprendre. L'obligation de transparence imposée aux plateformes en période électorale est justifiée, selon le Conseil d'État, par la nécessaire « information éclairée des citoyens », mais celle-ci n'est pas définie ; on risque une condamnation de la Cour de justice de l'Union européenne.
Des médias pourraient être privés d'une exposition « juste et équitable » par le juge des référés ou par décision unilatérale du CSA. Sans parler de la disparité de traitement entre services conventionnés, inclus dans le champ d'application de la proposition de loi, et services autorisés, diffusés par voie hertzienne, hors périmètre du texte de loi. Encore une rupture d'égalité manifeste en termes de libre concurrence.
La faculté de résiliation unilatérale de la convention par le CSA interroge. Le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions conférant un pouvoir de sanction disproportionné à une autorité administrative indépendante. Depuis 2008, grâce à un amendement des sénateurs socialistes, le législateur a compétence pour les règles relatives au pluralisme et à l'indépendance des médias ; veillons à ne pas entrer dans le champ de l'incompétence négative.
Les sources de contentieux pourraient être multiples compte tenu du flou de nombreuses dispositions ; la notion de « fausses informations », le coeur même du texte, n'a pas été définie.
Il y a danger à légiférer sans prendre le temps sur un sujet aussi sensible. Sophocle disait : « Pour agir avec prudence, il faut savoir écouter ». J'espère que vous saurez écouter le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs des groupes RDSE et UC)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Une motion identique a été rejetée en première lecture car son adoption aurait pour effet d'interrompre la discussion. Notre commission y est donc défavorable, même si je reconnais la pertinence de certains de vos arguments. Nous vous proposerons une question préalable à l'issue de la discussion générale.
Mme Annick Billon. - Très bien.
M. Franck Riester, ministre. - Le Gouvernement souhaite que le débat ait lieu. Dans son avis, le Conseil d'État n'a pas soulevé de question d'inconstitutionnalité. Avis défavorable.
La motion n°2 n'est pas adoptée.
Discussion générale commune (Suite)
M. David Assouline . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le Gouvernement sollicite à nouveau le Sénat après l'échec en CMP mais l'essentiel a été dit en première lecture. Le Sénat n'a pas été entendu. Vous vous acharnez à faire passer coûte que coûte un texte promis par le président de la République, malgré les alertes des spécialistes, notamment des journalistes, malgré son inutilité, voire sa dangerosité.
Aucun travail transpartisan n'a été mené, aucun consensus n'a été recherché. Votre propre parti, monsieur le ministre, a voté contre en première lecture !
L'ampleur du danger nécessitait d'autres réponses, que vous avez énumérées d'ailleurs, qui ne sont pas dans la loi : éducation aux médias, pacte international, décisions au niveau européen... Les plateformes agissent déjà en bloquant des comptes. Cette loi ne changera rien !
Nous avons l'habitude d'étudier le fond des textes et de les améliorer. Si tout le Sénat refuse la discussion, c'est que le danger est réel : laisser croire qu'avec ce texte, on luttera efficacement contre les fausses informations. Celles-ci n'apparaissent pas dans le mois qui précède l'élection, mais bien avant !
Le référé donnera au juge 48 heures - quatre jours avec l'appel - pour faire retirer un contenu. C'est dérisoire, d'autant que sa décision devra être bordée par moult critères. En cas de doute, de flou, le juge préférera ne pas retirer lesdites informations, qui pourront ainsi être légitimées aux yeux du public, tout comme celles qui n'auront pas fait l'objet d'une saisine.
Bref, cette proposition de loi est aussi inutile que dangereuse. Au Brésil, des industriels ont acheté et diffusé des centaines de milliers de messages automatiques sur WhatsApp. Comment les contrer ? Ces messages sont dupliqués à l'infini !
Cette loi ne répond pas au problème, bien posé par le directeur du journal Le Monde : il faut d'abord se demander pourquoi les citoyens sont disposés à croire de fausses informations - donc se poser la question des valeurs qui animent notre débat public.
Aujourd'hui, des informations avérées, vérifiées, sont contestées et prétendues fausses, du seul fait qu'elles émanent du camp politique adverse. Des Brésiliens vont jusqu'à dire que le nouveau président brésilien n'a jamais tenu de propos homophobes ou misogynes - pourtant avérés ! C'est le rapport à la vérité qui est en cause.
Donald Trump a prétendu que la pluie s'est arrêtée lorsqu'il a pris la parole lors de son investiture. C'est faux ! Il a dit qu'il y avait plus de monde à son investiture qu'à celle de Barak Obama : c'est encore faux ! Mais on le croit...
Ce texte donne l'illusion de combattre ce phénomène, alors qu'il ne le fait pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Mireille Jouve . - Le 26 septembre, sénateurs et députés ont constaté leur profond désaccord en CMP. Le 9 octobre, la chambre basse n'a que légèrement modifié son texte initial, sans prendre en compte les demandes constructives du Sénat.
Personne ne nie l'importance de préserver le débat public des fausses informations, et le Sénat s'y emploie : des sénateurs de tous bords, autour de la présidente Morin-Desailly, ont déposé une proposition de résolution européenne sur les obligations des hébergeurs, votée par une très large majorité.
Nous ne prétendons pas que l'arsenal juridique existant soit suffisant, ou que l'éducation aux médias ne soit pas un enjeu central. Mais nous ne nous retrouvons pas dans ce texte.
Le juge des référés ne pourra pas apprécier la fausseté d'informations en 48 heures, ni le caractère artificiel ou automatisé de leur diffusion.
En cas de flagrance, le dispositif est inutile. Sans flagrance, si le juge, par prudence, ne se prononce pas, il légitimera l'information diffusée...
Quant aux dispositions sur l'éducation aux médias, celles que le Sénat avait introduites en 2011 n'ont toujours pas été appliquées.
Nous nous félicitons de la mission confiée à Emmanuel Hoog, mais le combat est à mener au niveau européen.
Le groupe RDSE renouvellera donc son abstention sur les deux motions déposées par les commissions de la culture et des lois. Nous sommes par principe favorables au débat mais pour reprendre les propos de Philippe Bas, ces textes ne sont pas améliorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Stéphane Ravier . - Une pensée pour les victimes des récents effondrements d'immeubles à Marseille - j'espère que le bilan déjà dramatique de deux morts ne s'alourdira pas.
On dit et on lit tout sur les fake news. Dans l'ancien monde, on les appelait des racontars - ils n'ont pas empêché Emmanuel Macron d'être élu, à moins qu'ils ne lui aient permis d'être élu... Qui sait ?
D'après une étude du CNRS et de l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), 0,081 % des tweets relaient de fausses informations : il y a davantage de rumeurs et de manipulations dans Libération ou dans L'Humanité ! C'est peut-être que les politiques hésitantes mais toujours contraignantes du Gouvernement, déboussolent nos compatriotes qui n'accèdent pas à l'esprit complexe, pour ne pas dire tourmenté, d'Emmanuel Macron, et que fort de ce constat, certains sont tentés de penser que la vérité est ailleurs...
Ce texte participe de la dérive liberticide d'un pouvoir déjà à l'agonie : fermeture de réseaux sociaux aux militants qui ne pensent pas « comme il faut », persécution des partis d'opposition par les tribunaux médiatiques, de Fillon à Mélenchon en passant par Marine Le Pen.
Il est déjà possible de réprimer la diffamation. Que faut-il de plus ? Ce texte, en muselant l'information, rappelle furieusement les années trente. Je crains que l'habitude ne soit prise de museler le peuple et son droit de défendre ses aspirations profondes - aujourd'hui sa volonté de tourner la page de ce « nouveau monde », lequel est le plus grand fake politique du siècle ! Il est légitime que le peuple aspire à un réel changement quand vous vous contentez de coups de communication pour tenter de sauver l'ultra libéralisme et l'impérialisme de Bruxelles.
Pour répondre à une fake news lancée en son temps par François Mitterrand et reprise par Emmanuel Macron : non, le nationalisme, ce n'est pas la guerre ! Il n'est pas à l'origine des première et seconde guerres mondiales. C'est la finance apatride et l'impérialisme. Rétablissons plutôt l'échange contradictoire des points de vue et ne touchons pas à la liberté d'opinion, terreau indispensable des libertés démocratiques.
Mme Colette Mélot . - Lors des dernières élections présidentielles au Brésil, 100 000 comptes WhatsApp ont inondé le réseau de messages de soutien à Jair Bolsonaro. C'est illégal mais efficace. La propagande politique est vieille comme le monde. Mais depuis 2014, les ingérences répétées qui se sont produites en Ukraine, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et aux États-Unis ont prouvé que les démocraties occidentales, même les plus grandes, n'étaient pas intouchables - la tentative d'ingérence dans l'élection présidentielle française de 2017, nous a fait prendre plus concrètement conscience de notre vulnérabilité.
La diffusion des fake news est rendue possible par les réseaux sociaux et par la défiance à l'égard de nos élites. Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie, mais complexe, disait Alexis de Tocqueville à l'époque où les fausses informations circulaient encore à la vitesse des machines à vapeur. La généralisation des réseaux sociaux et des pratiques de sponsoring change la donne. Un quart de seconde suffit pour qu'une théorie complotiste traverse l'Atlantique.
Il est nécessaire d'agir ; le Sénat, le 26 juin, a mollement rejeté ce texte au lieu de l'amender. Notre groupe s'y est opposé. Le droit en vigueur est impuissant : la loi de 1881 date, justement, d'une époque où il n'y avait ni réseaux sociaux ni plateformes numériques. Il faut pouvoir priver les réseaux sociaux de la possibilité de faire dérailler une élection. N'attendons pas que le droit européen, qui a sa force d'inertie, évolue.
L'information est un enjeu et un instrument de pouvoir, sa manipulation un venin pour notre démocratie. La contribution de notre chambre aurait été d'autant plus importante que le sujet est sensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. André Gattolin applaudit également.)
M. André Gattolin . - Bis repetita. Nous revoici, devant ce texte contre la manipulation des informations. C'est le cours normal de la procédure législative et c'est très bien ainsi.
L'Assemblée nationale a modifié le texte en introduisant une procédure d'appel de la décision du juge des référés. Monsieur le ministre, vous avez annoncé la création prochaine d'un Conseil de déontologie des journalistes pour émettre des avis, qui seront utiles au juge des référés.
Mais, bis repetita, le Sénat dépose des questions préalables plutôt que d'amender les textes, en prétextant un danger pour la liberté d'expression. Bis repetita non placent, ces manoeuvres dilatoires ne nous séduisent guère.
Le rapporteur de la commission des lois affirme que le dispositif proposé manque sa cible, c'est son avis, seulement son avis. Mais trop souvent, l'argutie insidieuse remplace l'argumentation rationnelle. Méfions-nous de ceux qui prétendent détenir la seule vérité.
« Dans un monde réellement renversé, le vrai est devenu un moment du faux » écrivait Guy Debord. Nous n'en sommes pas là, mais les récentes élections montrent que le faux est désormais un moment de vrai.
L'argument de la précipitation, après six mois de procédure, commence à avoir bon dos. Rappelons que les textes ont été déposés mi-mars...
Celles et ceux qui rejettent ce texte en disant qu'il vaudrait mieux investir dans l'éducation aux médias ne se sont pas toujours mobilisés lorsque les moyens qui y étaient consacrés diminuaient...
On ne peut pas non plus s'en remettre à l'autorégulation. En vérité, on s'informe de moins en moins et on est de plus en plus informé par le biais de techniques qui s'imposent à nous. C'est un changement de paradigme qui nuit à la liberté de l'information. C'est pourquoi le groupe LaREM votera contre cette motion.
M. François Bonhomme. - Quel courage !
M. Pierre Ouzoulias . - Le président de la République, le 3 janvier, a déclaré qu'il voulait une loi avant la fin de l'année contre les fausses informations. Le Gouvernement a fait le choix d'une proposition de loi en procédure accélérée, évitant l'évaluation gênante des conséquences. Il est pourtant périlleux de se hâter dans des matières si délicates qui, parce qu'elles touchent aux fondements de notre démocratie, appellent de la concertation et de la circonspection.
L'Assemblée nationale a ficelé une proposition de loi d'initiative présidentielle, ensuite rafistolée, que votre ancien groupe, monsieur le ministre, a rejetée - vous-même n'avez pas voté... Sans rien écouter des réserves de fond émises à l'intérieur et à l'extérieur du Parlement, votre Gouvernement a décidé de poursuivre l'examen de ce texte, « à la hussarde ».
Le Sénat ne refuse jamais de débattre d'un texte et de l'amender. Le rejet rarissime du texte par les deux commissions concernées s'explique par un contenu inopérant et liberticide. La rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée nationale a été sévère pour le Sénat, qu'elle a accusé de ne pas jouer le jeu et de faire un « choix de posture », alors que le rapporteur de la commission de la culture de l'Assemblée nationale a repris, volens nolens, certains de nos arguments.
La loi de 1881 permet déjà de réprimer la diffusion de nouvelles fausses : son article 27 dispose que « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 euros ».
La place de l'adjectif a un sens : pour le législateur de 1881, le critère fondamental est l'intentionnalité, établie par l'expression de « nouvelles fausses » par opposition aux « fausses informations » que vous visez, alors qu'elles peuvent être produites de bonne foi. Le Conseil d'État vous a mis en garde contre l'imprécision de l'expression « fausse information ». Il a recommandé de circonscrire la cible aux cas manifestant une intention délibérée de nuire ; vous avez décidé de ne pas suivre sa recommandation. Peut-être avez-vous jugé qu'il s'agissait aussi d'un « choix de posture »...
La loi de 1881 est toujours opérante pour la presse, parce qu'elle a su trouver un compromis satisfaisant entre la défense de la liberté d'opinion et la lutte contre la diffamation. Pourquoi est-elle inefficace contre le flux des calomnies et des accusations malveillantes déversées par les plateformes des réseaux sociaux ? Parce que ces plateformes refusent d'être assimilées à ces organes de publication, de diffusion ou de reproduction visés par la loi de 1881 - et tant qu''elles refuseront toutes les responsabilités qui incombent à l'éditeur en arguant qu'elles ne font que mettre en relation des lecteurs et des producteurs de données, il n'y aura pas de solution légale pour tenter de réglementer leurs activités.
Comment croire que les plateformes s'astreindront à des règles de bonne conduite alors que leur modèle économique leur commande d'opérer au-dessus des lois ? La liberté d'expression mérite mieux que ce texte de circonstance. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Sylvie Robert. - Très bien !
M. Michel Laugier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le 26 juillet dernier déjà, je disais qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre l'examen de ce texte, en accord avec la plupart des professionnels interrogés. Il n'a que très peu changé.
Selon le rapport du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) et de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem), les fausses informations ne sont pas un phénomène nouveau. Leur activité récente est liée aux capacités rapides de viralité et à la crise de confiance que traversent nos démocraties.
Certes, la manipulation de l'information est un sujet majeur, mais ce texte n'y répond pas de manière satisfaisante.
Je ne peux donc que confirmer ce que j'ai dit devant votre prédécesseur, monsieur le ministre : ce texte est inutile, car la loi de 1881 vise déjà les délits commis par voie de presse « ou de tout autre moyen de communication ». Votre dispositif est inopérant : que vaut le retrait d'un contenu par une plateforme s'il a pu être diffusé par des millions d'utilisateurs ?
Le juge et le CSA reçoivent ici des pouvoirs qu'ils ne pourront exercer. La notion de « manipulation de l'information » étant très vague, le juge se déclarera souvent incompétent ; comment évaluer l'effet d'une information sur une élection qui n'a pas eu lieu ? Ce dispositif est dangereux. Il pourrait servir à taire certaines affaires et fait une scission entre le monde politique et le reste de la société. C'est un texte de protection des élus voté par des élus. Il fait une distinction entre les journalistes de supports print et les autres, pure players. Seuls ces derniers sont soumis au dispositif que vous nous présentez.
Le texte semble bien donc être une réaction épidermique qui ne s'attaque pas aux GAFA. Or c'est au niveau européen qu'il faut travailler ; la proposition de résolution européenne de la présidente Morin-Desailly va donc dans le bon sens.
Avant de parler de fausses informations, il faudrait garantir la diffusion des vraies - il est temps d'assurer une parfaite distribution de nos journaux et magazines, de presse écrite, sur l'ensemble du territoire, en faisant évoluer la loi Bichet.
Je ne comprends pas cet entêtement à défendre un texte injuste, discriminatoire et dangereux. Nous voterons donc les motions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Leleux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En première lecture, ces deux textes nous ont semblé présenter de sérieux risques, appelant notre rejet. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale n'a corrigé son texte qu'à la marge ; faute d'études d'impact préalables, ces textes sont dangereux pour la liberté d'expression. Les députés nous reprochent notre refus d'amender, mais c'est que nous ne saurions améliorer un texte dont nous rejetons le fondement - consistant à vouloir empêcher la communication d'informations au moment des élections. Les outils actuels, tels le référé de droit commun ou les procédures d'injure ou de diffamation, sont tout à fait opératoires.
L'action en référé pendant les campagnes électorales et la régulation franco-française des plateformes sont inopérantes. Nous partageons donc les buts mais pas les outils. La difficulté de caractériser la « fausse information » est apparue dès le départ et les députés de la majorité ont beaucoup souffert pour traduire la promesse du président de la République. Les rédactions successives ont bien montré l'impréparation du Gouvernement et les hésitations liées aux risques d'atteinte à la liberté d'expression.
Votre rédaction ne retient aucune intention malveillante : la satire ou la parodie pourraient être poursuivies. Une information dérangeante mais vraie pourrait être interdite, faute de preuves. Les exemples ne manquent pas de scandales politiques qui auraient pu être traités comme des fake news à leur origine...
De quels moyens le juge disposera-t-il pour se prononcer en 48 heures ? Le remède risque d'être pire que le mal. Il aboutira à une publicité malvenue.
L'extension des pouvoirs du CSA et la régulation du numérique sont décidées sans aucune concertation.
Le Gouvernement demande au juge et au CSA d'être le gardien de la vérité, positive ou négative. Seule l'Allemagne a voté un texte similaire parmi tous nos voisins européens. Les autres pays l'ont refusé, au nom de la liberté d'expression. Nous refusons cette logique de contrôle de l'information. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM et Les Indépendants)
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Je veux faire preuve d'humilité : ce texte relève d'un vaste champ d'investigation. Nous ne prétendons pas épuiser le sujet. Mais une telle proposition de loi peut se saisir d'un ou plusieurs aspects - et si nous pouvons en régler certains, c'est toujours cela de pris !
Il y a eu des auditions, le travail parlementaire a eu lieu... Vous-mêmes considérez souvent qu'il faut aller vite. Dans ce dossier, nous n'avons pas procédé « à la hâte ».
Il n'y a pas de nouvelles sanctions dans ce texte. Vous mésinterprétez l'article premier, monsieur le rapporteur : les contenus satiriques ne seront pas concernés.
Non, monsieur Frassa, tout texte national n'est pas inutile. Le Parlement français ne doit pas se résigner à ne pas aborder des sujets qui seraient mieux traités au niveau européen... Sur le piratage, nos travaux législatifs, avec Hadopi, ont fait progresser l'Europe. Nous pouvons être ses aiguillons.
Monsieur Assouline, WhatsApp et les courriers électroniques, qui relèvent de la correspondance privée, posent des problèmes, certes, qui ne sont pas traités par ce texte - qui en traite d'autres. Travaillons-y ensemble. Ce texte n'est pas limité aux périodes électorales ; il traite une pluralité de situations.
Monsieur Ravier, vos attaques régulières sont inadmissibles... Dès ma prise de fonctions, j'ai affirmé que je serai toujours du côté de la liberté de la presse. Cela n'est pas en contradiction avec la mission de M. Hoog sur la déontologie des journalistes. Oui, les nationalismes mènent à la guerre, monsieur Ravier.
Le centenaire de la fin de la Grande Guerre, avec son cortège de souffrances, devrait nous inciter à toujours le répéter : le nationalisme conduit à la guerre.
Le ministère de la culture a créé, grâce au travail des archives départementales, en lien avec les archives nationales, un Grand mémorial des Poilus, portail numérique où chacun peut consulter 9,5 millions de matricules - je l'ai testé moi-même...
M. Max Brisson. - Quel rapport avec le sujet ?
M. Franck Riester, ministre. - Je veux saluer le travail du ministère de la culture. Et redire que le nationalisme conduit à la guerre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Robert del Picchia applaudit également.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Nous serions les aiguillons de l'Europe ? Non, cette idée saugrenue n'est venue à aucun de nos partenaires européens. Nous sommes donc des isolés. (Mme Élisabeth Doineau, M. Jean-Raymond Hugonet, Mmes Christine Bonfanti-Dossat et Françoise Gatel applaudissent.)
Ce texte sera inutile, mais aussi dangereux : il restreindra la liberté d'expression.
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Les hésitations qui sont apparues lors de son écriture le montrent, les difficultés sont nombreuses. Rien n'est fait, par exemple, pour coordonner juge civil et juge électoral - ce dernier pouvant considérer que la fausse information n'a pas influencé l'élection... Le juge civil n'a pas à devenir l'arbitre des élections. Bien souvent, la frontière entre le faux et le vrai n'est que la traduction d'opinions divergentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Franck Riester, ministre. - Ce n'est pas parce qu'aucun pays européen n'aurait pris un tel texte, que nous devrions nous empêcher de le faire nous-mêmes : nous pouvons être pionniers, précurseurs. J'entends des arguments contre l'article premier, mais ce n'est pas le seul de ce texte, et j'aurais aimé connaître vos contre-propositions, pouvoir débattre - et que le Sénat apporte sa pierre à l'édifice, comme c'est le fonctionnement normal du Parlement. J'espère que sur l'audiovisuel, nous pourrons procéder ainsi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)
Question préalable sur la proposition de loi
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n°30, 2018-2019).
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Très solennellement, je veux rappeler que la question préalable n'est pas dans l'ADN du Sénat : nous aimons toujours débattre et améliorer les textes, quelle que soit la majorité de l'Assemblée nationale. (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.)
Je sais que nous serons amenés, monsieur le ministre, à travailler ensemble ; mais sur ce texte, c'est impossible. La motion opposant la question préalable présentée en première lecture a été votée par 288 voix contre 31.
Si le constat est partagé, les solutions apportées par la proposition de loi ne le sont pas, ce que traduit la position du Sénat, sous deux aspects : d'une part, que le remède soit pire que le mal, d'autre part, que les solutions proposées ne soient que trop partielles.
L'article premier créé une procédure de référé qui présente plusieurs limites et risques. Mal calibrée, elle n'aura qu'une efficacité très réduite compte tenu de la vitesse de propagation des fausses informations dont aucune définition satisfaisante, en dépit des efforts de l'Assemblée nationale, n'a pu être trouvée.
Plus probablement, face à l'impossibilité de trancher en moins de 48 heures, le juge ne prendra pas les mesures de restrictions prévues, ce qui reviendra à décerner un brevet de respectabilité à l'information douteuse. À l'opposé, si le juge décide d'appliquer plus sévèrement le référé, il prendra le risque d'interférer dans le débat public en pleine campagne électorale, période durant laquelle la liberté d'expression est, par tradition républicaine, encore plus respectée.
De manière générale, les manipulations d'aujourd'hui sont complexes, multiformes, élaborées comme de vraies stratégies destinées à nuire, et il faut beaucoup de naïveté pour penser qu'un juge de l'urgence sera en mesure de les apprécier dans un délai si réduit.
Les faux comptes sur les réseaux sociaux sont de moins en moins détectables, des comptes bien réels peuvent être piratés. Les progrès de l'intelligence artificielle permettent des opérations de manipulation en profondeur, directement sur les forums. En un mot, le dispositif proposé, potentiellement dangereux, est probablement déjà dépassé.
Au reste, n'est-ce pas tomber dans un piège que de créer ce référé ? D'après le CAPS, « le véritable effet final recherché par les puissances étrangères à l'origine des manipulations de l'information [ne serait pas] tant de convaincre la population de tel ou tel récit que d'inciter les gouvernements à prendre des mesures contraires à leurs valeurs démocratiques et libérales ». Comment ne pas mettre ces propos en parallèle avec l'article premier de la proposition de loi, qui suscite une incompréhension si large ?
Les autres dispositions du texte, si elles prêtent moins le flanc à la polémique, n'en sont pas moins largement insuffisantes. Les nouveaux pouvoirs confiés au CSA par le titre II, des mesures qui n'ont pas été expertisées, trouveraient plutôt leur place dans la réforme de l'audiovisuel que le Gouvernement prépare depuis plusieurs mois.
La régulation des plateformes constitue bien le sujet central. La directive « e-commerce » de 2000 établit un régime d'irresponsabilité des hébergeurs qui prévient toute avancée sérieuse, comme le démontre la modestie des mesures prévues dans le texte.
Enfin, si le Sénat porte depuis longtemps un grand intérêt à la question de la formation au numérique et aux médias, et donc aux dispositions du titre III bis, des mesures très proches ont déjà été adoptées en 2011 lors de l'examen du « troisième paquet télécom » dont j'étais rapporteure. Malheureusement, sept ans plus tard, comme cela a été souligné dans mon récent rapport sur la formation à l'heure du numérique, il manque toujours un plan d'action global et stratégique. Nous y travaillons désormais de concert avec M. Blanquer, qui se montre sensible au sujet.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale n'a pas fait évoluer son texte ; elle a considéré que le Sénat a pris une posture politique. Loin de là ! Nous proposons une stratégie plus efficace et plus courageuse en cette période charnière où la puissance des GAFA semble dominer nos sociétés, à la fois financièrement et culturellement. Ce modèle imposé, nous n'en voulons pas ; nous ne voulons pas d'un débat politique hystérisé, polarisé. Le premier rempart contre la désinformation, ce sont les journalistes. Nous suivrons avec intérêt les travaux de la mission que Mme Françoise Nyssen, votre prédécesseur, a confiée in extremis à Emmanuel Hoog, l'ancien président de l'AFP. Créer une autorité de déontologie de la presse, cette proposition avait été initialement faite par le président de Reporters sans frontières lors d'une table ronde au Sénat. Si cela était la solution, il aurait été utile de l'évoquer dès le début de la discussion.
Mais l'essentiel est d'agir au niveau européen. L'expérience allemande, qui n'a pas encore été évaluée, ne paraît pas convaincante en raison des risques de privatisation de la censure qu'elle fait peser. Le 27 septembre, j'ai déposé une proposition de résolution européenne sur la responsabilité partielle des hébergeurs. Quelque 87 sénateurs, de tous les bords politiques, l'ont cosignée ; la commission des affaires européennes l'a adoptée à l'unanimité, ce dont je la remercie. Nous ne pouvons pas laisser nos concitoyens, français comme européens, dépendre d'outils qu'il est si aisé de détourner de leur usage premier. Pour internet, le temps de l'innocence est achevé ; doit venir celui de la responsabilité. Ce chemin est exigeant, nous en avons pleinement conscience ; bien plus exigeant que cette aventure législative assez fruste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
M. David Assouline. - Le groupe socialiste votera la motion. Le principal rempart contre les fausses informations est, chacun doit le savoir et le mesurer, le travail d'une presse reconnue et pluraliste. Oui, il faut renforcer la déontologie, je suis d'accord. Il faut surtout, dans une période où l'on ne croit plus les journalistes, comme les élus d'ailleurs, arrêter d'attaquer les médias. Quand le président de la République s'en prend à eux pendant l'affaire Benalla, quand Jean-Luc Mélenchon appelle à « pourrir les journalistes », on mine le terrain démocratique. Peut-on tarir le flot des fausses informations ? On ne le peut pas sans atteindre à la vie privée. Par contre, nous jouons un rôle fondamental pour faire en sorte que les citoyens puissent à nouveau savoir où est le vrai, pour réhabiliter la raison dans le débat en cessant de l'alimenter par des violences et des caricatures.
M. Marc Daunis. - Très bien !
Mme Michèle Vullien. - Monsieur le ministre, les fausses informations pullulent, effectivement. Je lis sur internet que vous seriez ministre de la culture et de la communication de la Grèce depuis 2018 ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Pierre Ouzoulias. - Félicitations, c'est un beau pays !
M. Max Brisson. - Nous ne devons toucher à nos libertés que d'une main tremblante. Les lois qui encadrent notre liberté d'expression ont été écrites patiemment, elles n'ont jamais été des lois de circonstance, sauf au pire moment de notre histoire. Ne pensez-vous pas qu'il y a 100 ans, il n'existait pas de fausses nouvelles ? Des journaux tirant à des milliers d'exemplaires les diffusaient ; une édition le matin, une édition le soir, vendues par des vendeurs à la criée... Ne pensez-vous pas que les puissances étrangères ne cherchaient pas à interférer dans notre vie politique ? La grande peur de l'été 1789 n'a pas eu besoin d'internet. Les grandes lois de la IIIe République ont cherché à protéger les libertés avant de les encadrer. En votant la question préalable, le Sénat s'inscrit dans cette tradition pour que la France reste un pays de libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Bravo !
M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur le ministre, vous nous avez écoutés ; cela constitue déjà un changement de taille par rapport à votre prédécesseur. (Sourires) Merci ! Si la procédure accélérée n'avait pas été utilisée, vous auriez passé davantage de temps au Sénat, et je suis persuadé que nous serions tombés d'accord pour, ensemble, abandonner cette proposition de loi. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes SOCR et UC)
À la demande du groupe SOCR, la motion n°1 tendant à opposer la question préalable sur la proposition de loi est mise aux voix selon l'article 56 du Règlement du Sénat.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°8 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l'adoption | 289 |
Contre | 31 |
Le Sénat a adopté.
Mme la présidente. - En conséquence, la proposition de loi est rejetée. (Applaudissements)
Question préalable sur la proposition de loi organique
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par M. Frassa, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n°29, 2018-2019).
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi organique . - Monsieur le ministre, votre ralliement récent à ces deux textes m'amène à faire deux observations. D'abord, des débats, il y en a eu. Pour preuve, nous discutons de ces textes depuis deux heures et demie. Chacun a pu exprimer sa position, vous avez dit quelle était la vôtre, nous vous avons donné la nôtre. Nombreuses ont été les auditions à la commission de la culture et à la commission des lois. Tous nos interlocuteurs l'ont dit : ces textes visent à côté de la cible, ils sont dangereux par les mesures qu'ils veulent mettre en place et ne sont pas aboutis. Il ne revient pas au Sénat d'élaborer une étude d'impact ou de réécrire intégralement un texte, surtout lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi qui fait l'objet d'une procédure accélérée...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Évidemment !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur sur la proposition de loi organique. - Ma seconde observation porte sur votre récent ralliement à ce texte. Mirabeau...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Que d'érudition à la tribune cet après-midi !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur sur la proposition de loi organique. - ... un jour où Louis XVI se plaignait de ce que les Jacobins étaient turbulents et, comme on le disait à l'époque, « lui mettaient la pression », (Sourires) donna ce conseil au roi : « Sire, nommez plus de Jacobins : plus ils seront ministres, moins ils seront Jacobins ». (Sourires) En juin 2018, vous déclariez que si les fake news étaient un problème, cette loi ne le résoudrait pas. Nous en sommes d'accord et ajoutons que nous ne pouvons pas accepter les menaces qu'elle fait peser sur la liberté d'expression et la liberté d'informer. Renforcer l'éducation aux médias, appeler à la vigilance de chacun eut mieux valu que cette loi bricolée.
La Commission européenne et le Conseil de l'Europe appellent à une action politique concertée sur les plateformes, mettent en garde contre le risque de censure. Certes, ce n'est pas parce que personne n'a légiféré sur le sujet que nous ne pourrions pas le faire. Du reste, les Allemands ont légiféré mais se sont bien gardés d'aller dans le domaine de la loi électorale.
Portalis, qui veille sur nos débats, conseillait, dans son discours préliminaire au Code civil, d'être « sobre de nouveautés en matière de législation » parce que, disait-il en substance, il est possible de calculer les avantages théoriques d'une nouvelle disposition mais non de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir. Fort de cette recommandation, je vous invite à voter la motion portant question préalable.
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
M. David Assouline. - Rejeter cette loi, ce n'est pas nous laisser démunis contre les fausses informations. Il existe une loi ancienne sur la presse, le code pénal, un droit de l'internet - que nous avons créé avec la loi pour une République numérique.
Nous ne savons pas ce qui se fait à l'étranger ? Faux encore. L'Allemagne est le seul pays comparable au nôtre à avoir légiféré. De ce texte, elle attendait 20 000 plaintes, il y en a eu 200 seulement. Elle se demande s'il ne faut pas faire marche arrière. Les autres pays à avoir légiféré sont la Russie, la Chine... Sous couvert de lutte contre les fausses informations, ces pays musellent la liberté d'expression. Cette loi est dangereuse, pensez à l'utilisation qu'en feraient des antidémocrates s'ils venaient au pouvoir en France.
La motion tendant à opposer la question préalable sur la proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°9 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l'adoption | 289 |
Contre | 31 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. - En conséquence, la proposition de loi organique est rejetée.
La séance, suspendue à 17 h 5, reprend à 17 h 10.
Mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Un temps suspendu par les échéances internes britanniques, les discussions sur les conditions du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ont repris. Le temps presse mais un bon accord reste possible.
De nombreux progrès ont été obtenus depuis le début des discussions sur les modalités du retrait, qui doit intervenir le 31 mars 2019. Les citoyens européens au Royaume-Uni devraient pouvoir y rester dans les mêmes conditions qu'actuellement. Le Royaume-Uni continuera à s'acquitter de ses obligations financières, pendant la période de transition, jusqu'au 31 décembre 2020, mais sans participer aux décisions. Je tiens à saluer le négociateur M. Barnier. Tous unis, nous sommes derrière lui, et non contre le Royaume-Uni. Punir le Royaume-Uni n'était ni notre intention ni notre intérêt.
Cela étant, rien n'est agréé tant que tout n'est pas agréé. Des points durs restent à régler, notamment le traitement de la frontière entre les deux Irlande. Une frontière « dure » serait contraire aux accords du Vendredi saint. En attendant une solution définitive, il nous faut un filet de sécurité, agréé par le Royaume-Uni dès décembre dernier, consistant à faire demeurer l'Irlande du Nord dans le marché unique - cela impliquant que des contrôles soient effectués en mer d'Irlande. Les discussions se poursuivent sur le maintien du Royaume-Uni tout entier dans l'union douanière. Elles sont difficiles, car cela implique que le Royaume-Uni renonce à signer des traités de libre-échange et que les pêcheurs européens puissent toujours accéder aux eaux territoriales britanniques. Rien n'est acquis, contrairement à ce que l'on a pu lire dans la presse ces derniers jours. C'est pourquoi, dès le mois de mars, le Conseil européen a demandé aux États européens à se préparer à l'éventualité d'une absence d'accord.
La Commission y travaille au niveau européen ; nous devons le faire au niveau national. Le Gouvernement sollicite donc du Parlement une habilitation à prendre des mesures par ordonnance dans trois domaines : intérêts français au Royaume-Uni, situation des Britanniques en France et circulation des personnes et des marchandises.
Pour le premier volet, il s'agit notamment de tenir compte des bénéfices acquis par les citoyens français durant leur séjour au Royaume-Uni, par exemple pour leurs droits à la retraite ; de préserver les intérêts financiers des entreprises et de sécuriser les contrats existants qui doivent aller à leur terme. Deuxième volet, le droit d'entrée et de séjour des ressortissants britanniques en France, leurs droits sociaux, leur accès aux prestations sociales. Sur la circulation des personnes et des marchandises, il faut prendre des mesures pour adapter nos infrastructures portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et routières, au rétablissement des contrôles de marchandises et des personnes - une nécessité même en cas d'accord.
Ces mesures d'habilitation, traditionnellement peu appréciées du Parlement, sont indispensables ; elles nous donneront la souplesse nécessaire pour agir. Je remercie le président Bizet et le rapporteur Poniatowski de les avoir acceptées.
Le Gouvernement est conscient de l'équilibre à trouver entre les exigences de notre Constitution sur le champ d'habilitation des ordonnances et le besoin de flexibilité qu'imposent les circonstances. Il a entendu la commission spéciale sur la nécessité de faire ressortir les finalités du projet de loi mais aussi de reconnaître qualifications et diplômes après le Brexit.
Le nombre limité de domaines concernés par le texte s'explique par le fait que le transport aérien et la pêche, par exemple, seront traités au niveau communautaire.
Je me réjouis que ce débat s'engage sur ce texte d'une grande importance pour préparer le Brexit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne . - Madame la ministre, je suis un rapporteur déçu et mécontent de l'attitude du Gouvernement.
Ce texte aurait dû être consensuel jusqu'au bout. Les membres de la commission se sont montrés très responsables, vous l'avez vu, surmontant leur réticence naturelle aux lois d'habilitation pour donner un avis favorable à ce texte. Même le groupe communiste s'était abstenu en commission, compte tenu de l'urgence du problème posé par le Brexit. Les huit amendements de la commission spéciale allaient dans le sens des précisions réclamées par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. Ce matin même, je déposais quatre amendements allant dans le sens de vos propres recommandations. Mais surprise, sont ensuite arrivés quatre amendements du Gouvernement qui rejetaient nos apports.
Nous avons rejeté à l'unanimité vos amendements en commission ce matin ; il en ira sans doute de même en séance. J'aurai l'occasion de vous expliquer, quelque peu fermement, pourquoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Exception d'irrecevabilité
Mme Claudine Kauffmann . - Le 16 octobre, la presse nationale confirmait le refus du Gouvernement de rendre public l'avis du Conseil d'État sur ce texte d'habilitation. Le Gouvernement espérait-il que les membres de la commission spéciale ne seraient pas informés des réserves du Conseil ? C'est un manque de loyauté à l'encontre des parlementaires. Si le Gouvernement n'est pas tenu de publier cet avis, c'est pourtant devenu l'usage. Quoi qu'il en soit, la presse a eu connaissance de cet avis. Selon Le Monde, le Conseil d'État regrette que le projet de loi n'énumère que des textes de chapitre, sans préciser la portée des mesures envisagées ; le Gouvernement explique ces choix par le souci de ménager la position de la France dans la négociation en cours.
Or la Constitution oblige le Gouvernement à indiquer au Parlement la finalité des mesures envisagées avec une précision suffisante. Dans ces conditions, il y a un risque flagrant d'inconstitutionnalité de ce projet de loi, d'où cette motion d'irrecevabilité.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'adoption de cette motion entraînerait le rejet du texte. Je regrette moi aussi le choix du Gouvernement de ne pas publier l'avis du Conseil d'État, créant un mystère là où il n'y en avait pas.
La publication des avis du Conseil d'État est une pratique constante depuis 2015 ; toutefois, elle n'est pas obligatoire. Dans ce cas précis, j'estime que nos amendements ont précisé la finalité des mesures envisagées, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Traditionnellement, les avis du Conseil d'État sur les textes touchant aux relations internationales ne sont pas rendus publics.
Ce projet de loi d'habilitation intervient dans un contexte particulier et incertain. Difficile de concilier la nécessaire précision des ordonnances avec la capacité du Gouvernement à réagir très rapidement en fonction de l'évolution des négociations. Le Gouvernement a déjà amélioré son texte, notamment sur les finalités des mesures envisagées. Le Conseil d'État précise dans son avis que le texte est conforme aux exigences constitutionnelles. Avis défavorable.
M. Olivier Cadic. - Hier, des centaines de Britanniques et d'Européens ont fait une chaîne humaine devant Downing Street pour réclamer la sécurité des droits des Britanniques résidant en Europe et des Européens résidant au Royaume-Uni.
Le cauchemar a commencé il y a deux ans, quatre mois et treize jours ; à J-143 du Brexit, personne ne sait ce qu'il signifie. En tant qu'entrepreneur, on me demande de me préparer, mais à quoi ? Il n'y a pas de consensus au Royaume-Uni sur le projet de sortie et le no deal est devenu une option. Pour cinq millions d'Européens, l'angoisse est totale. Il faut être flexible et pragmatique, et donc permettre au Gouvernement de prendre par ordonnance toute mesure de préparation au retrait du Royaume-Uni. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°2, présentée par M. Masson et Mme Kauffmann.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (n° 93, 2018-2019).
Mme Claudine Kauffmann . - Le site du Point résume bien la duplicité d'une négociation « qui n'en est pas une ». Sous couvert de bonne volonté, l'Union européenne refuse en réalité toute discussion en posant ses exigences : refus de traiter séparément la circulation des personnes, biens, services et capitaux ; statut des résidents européens ; solde financier dû par la Grande-Bretagne ; refus de toute frontière physique entre l'Irlande du Nord et le reste de l'île. Cette question est à elle seule un obstacle quasiment insurmontable. Comment les Britanniques accepteraient-ils un dépeçage de leur pays ?
Le but des négociateurs est clair : faire regretter leur choix aux Britanniques. À la veille des élections européennes, il s'agit de faire croire qu'il n'y a d'avenir autre que l'Europe fédérale. Le président Macron est à la tête de la coalition qui essaye de saboter le Brexit en pourrissant les négociations. Le Gouvernement ferait mieux de chercher des solutions plutôt que de jeter de l'huile sur le feu.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis défavorable à cette motion : ce projet de loi est nécessaire pour tirer les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. La France devra agir rapidement pour préserver ses intérêts et ceux de ses ressortissants. Les exportations vers le Royaume-Uni représentent 3 % du PIB français. Chaque année, 32 millions de personnes et 40,2 millions de poids lourds franchissent la Manche, 4 millions de Britanniques se rendent sur notre territoire. Avis défavorable.
M. Richard Yung. - Très bien.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Notre objectif est de parvenir au meilleur accord possible. Ce projet de loi n'est pas un acte de défiance à l'égard du négociateur de l'Union européenne, qui a tout notre soutien. Mais l'hypothèse d'un échec ou d'une non-ratification ne peut être exclue ; il faut se préparer à toute éventualité. Nous ne cherchons pas à saboter le Brexit ou à pourrir les négociations, mais à préserver les intérêts de notre pays dans toutes les hypothèses. Avis défavorable.
M. Olivier Cadic. - Dès l'annonce du résultat du référendum, j'ai interrogé des parlementaires des différents États sur la liberté de circulation au sein de l'Union, sur les engagements financiers du Royaume-Uni, sur les accords du Vendredi Saint. Même unanimité sur les trois sujets. L'Union a investi pour soutenir le développement de l'Irlande du Nord, où la situation reste tendue. Il faut éviter toute frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande.
Michel Barnier a été exemplaire : la position de l'Union n'a jamais varié. Rappelons que le président de la République ne l'était pas lorsque l'Union européenne a adopté sa position, « unie dans la diversité ». Je ne comprends pas que des parlementaires français reprennent les mots des ultra-brexiters qui ne se soucient guère des intérêts de la France. Faisons bloc avec le Gouvernement et votons contre cette motion ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM, Les Indépendants et RDSE)
M. Didier Marie. - Nous rejetterons cette question préalable, comme la précédente motion, car cela reviendrait à abandonner les 350 000 Français installés au Royaume-Uni. Si nous ne garantissons pas aux Britanniques les droits sociaux et les droits au séjour, il n'y aura pas de réciprocité pour nos concitoyens en Grande-Bretagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Richard Yung. - Nous perdons notre temps dans des manoeuvres dilatoires. Ceux qui sont hostiles à l'Europe et souhaitent un retrait français devraient se réjouir du départ des Britanniques. Au lieu de cela, vous voulez que le 30 mars, nous soyons dans la pire des situations ! Un Brexit dur n'est pas favorable aux intérêts français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, UC, SOCR et Les Républicains)
La motion n°2 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
Mme Françoise Laborde . - En votant Leave, les Britanniques choisissaient en 2016 « le grand large », pour reprendre l'expression de Churchill. Le choc fut rude, même si, pendant plus de quarante ans de vie commune, l'Angleterre a toujours eu un pied dehors, un pied dedans. Les divisions politiques internes au Royaume-Uni menacent un retrait ordonné. Theresa May tente de naviguer entre europhobes de son propre parti et ceux qui regrettent le Brexit, sans parler des nationalistes écossais qui appellent à un nouveau referendum. Mais comme l'a dit le président de la République, ce n'est pas à l'Union européenne de faire des concessions pour trouver des solutions à un problème politique interne britannique.
Les Britanniques ne peuvent pas demander l'impossible - comme avec le plan Chequers, sorte de marché unique à la carte.
Il ne s'agit pas pour autant de méconnaître la délicate question irlandaise. La construction européenne a la paix dans ses gènes ; il ne faut pas menacer les accords du Vendredi Saint. Le backstop, filet de sécurité prôné par M. Barnier, est une bonne idée. Qu'il soit remercié pour avoir su présenter le visage d'une Europe à 27 unie.
La mise en oeuvre de l'article 50 du Traité de l'Union européenne étant une première, les enjeux sont nombreux pour les citoyens et les entreprises : quelles difficultés ne posera pas le rétablissement des frontières, sachant que 25 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année par le tunnel sous la Manche !
Le projet de loi d'habilitation est très général, les finalités peu précises - ce que le Conseil d'État a regretté - mais l'exercice est complexe et nécessite de la flexibilité. Le groupe RDSE, peu friand des ordonnances, les estime nécessaires en l'espèce.
La commission spéciale a utilement précisé le texte, notamment à l'article 3 sur le régime applicable aux travaux de construction et d'aménagement rendus nécessaires par le rétablissement de contrôles aux frontières. Si l'urgence peut conduire à contourner le droit commun, attention à respecter les libertés constitutionnelles. Je regrette l'ajout du mot « notamment » par un amendement gouvernemental - je croyais qu'il était à proscrire. La liste des adaptations et dérogations, déjà longue, est-elle incomplète ?
Dans cette épreuve qui secoue l'Europe, les États ont fort à faire pour protéger nos intérêts. Espérons qu'un divorce à l'amiable soit encore possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et UC ; MM. Robert del Picchia et Jean-Paul Émorine applaudissent également.)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Veuillez excuser l'absence de Claude Kern. Dans moins de cinq mois, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l'Union européenne. Le groupe UC, particulièrement attaché à la construction européenne, ne s'y résout pas de gaieté de coeur.
Mais il faut bien prendre, comme le propose le texte, les mesures tant structurelles que d'urgence pour nous adapter aux conséquences du retrait britannique. Même si les parlementaires n'aiment pas les ordonnances, elles sont ici une impérieuse nécessité.
Les établissements financiers britanniques n'auront plus le passeport financier européen pour les prestations de service. Le Royaume-Uni élabore un régime temporaire permettant à certaines entités de se prévaloir, pour certaines activités, d'un régime ne nécessitant pas d'agrément nouveau. Il faudra trouver une solution pour que le Royaume-Uni puisse exercer dans l'Union. Cela dépendra des négociations. L'incertitude plane sur le transfert des contrats en cours. L'incontournable réalité est que le temps court et qu'il faut se préparer au pire : l'impossibilité de poursuivre les relations financières existantes.
Au-delà la problématique financière, le Brexit provoquera des déséquilibres, notamment dans ma région du Grand Est qui exporte outre-manche pour 5 milliards d'euros de marchandises, soit 13,6 % du total. Les PME agroalimentaires et viticoles seront les plus touchées si le Royaume-Uni devient un pays tiers, sans accord.
Le groupe UC espère un accord mais votera ce texte pour parer à toute éventualité, tout en restant vigilant. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et RDSE)
Mme Colette Mélot . - « Le Brexit signifie le Brexit ». Cette citation de Theresa May, souvent moquée, contient une part de vérité. Le 30 mars 2019, demain, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l'Union. Malgré l'espoir entretenu par la possibilité d'un accord sur la frontière irlandaise, l'hypothèse d'un hard Brexit existe et elle n'est plus improbable. Ce serait un aveu d'impuissance et d'échec de la diplomatie. Malgré les efforts louables de Michel Barnier, ce serait la victoire de la division et de l'entêtement entre deux amis. Un pivot du concert européen, ami essentiel de la France, ne saurait être traité comme un simple État tiers : c'est la deuxième puissance économique de l'Union !
Un Brexit sans accord affecterait durement nos 350 000 compatriotes résidant en Grande-Bretagne. Demain, un jeune étudiant français en Erasmus à Oxford se verra-t-il refuser son diplôme en France ? Notre commission a heureusement apporté une solution sur ce point.
Un Brexit dur est une menace pour nos intérêts économiques et sécuritaires. Le Royaume-Uni est l'un de nos principaux partenaires commerciaux, l'un des rares avec lequel nous ayons un excédent commercial. La place financière de Londres est un acteur incontournable. Nous devons trouver des solutions sur le passeport financier, la pêche, les échanges via le tunnel sous la Manche.
Compte tenu de l'imbrication de nos industries de défense, le Royaume-Uni restera un partenaire essentiel de la France en la matière : c'est pourquoi il faudra régler aussi de façon claire et robuste la question du transport de matériel de guerre.
Le groupe Les Indépendants espère que le Gouvernement n'aura pas à prendre ces ordonnances, qui seraient signe d'un échec de la négociation et une cassure irrémédiable que nous ne souhaitons pas avec le Royaume-Uni.
Les Indépendants voteront en faveur de ce texte. Je salue le travail consensuel de la commission spéciale et adresse tous nos voeux de succès à Michel Barnier et au Gouvernement pour les semaines décisives à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM, RDSE et sur le banc de la commission)
M. Richard Yung . - Le moment est difficile, durant ces dernières semaines de négociation, nous manquons d'informations. Selon la presse britannique, Dominic Raab se dit proche d'un accord ; Michel Barnier serait plus réservé...
Notre commission spéciale a travaillé sur le fond et je remercie le président et le rapporteur de nous avoir guidés sur un chemin difficile.
Malgré les doutes et les divisions sur le projet européen en France et ailleurs en Europe, continuons d'affirmer qu'il n'y a pas d'alternative au projet européen ! Je salue le travail de Michel Barnier, qui a su maintenir l'unité des 27. Nous avons une longue expérience de la politique de division dans laquelle ont longtemps excellé les Anglais - souvenez-vous de William Pitt ! Nos négociateurs ont réussi à faire face.
Nous devons défendre les intérêts des entreprises européennes, la circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. Les incertitudes sont amplifiées par les divisions internes des partis britanniques et par la faiblesse politique de Mme May, au point que l'hypothèse d'un échec de la négociation doit être prise en considération.
Les négociations sont en cours. Le Conseil européen des 18 et 19 octobre n'est pas parvenu à un accord sur les derniers points d'accroche. Concernant l'Irlande, y aura-t-il des postes de douane flottants ? Cela reste à déterminer ; et je n'ai toujours pas compris ce qu'était le backstop.
Il y a urgence à prendre des dispositions pour tirer les conséquences d'une sortie sans accord. Soyons pragmatiques. Nous soutenons ces projets d'ordonnances. Il conviendra de se coordonner avec les 26 autres États membres.
La France ne doit pas être lésée. Nous voterons le projet de loi, sous réserve de l'examen des amendements déposés ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
1
M. Éric Bocquet . - Le 30 mars 2019, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers, avec des impacts importants sur nos concitoyens et nos entreprises. En effet, les exportations vers le Royaume-Uni représentent 3 % de notre PIB ; 30 000 entreprises françaises y sont implantées ; 4 millions de Britanniques se rendent chaque année en France. Le Brexit est une première dans l'histoire de l'Union européenne.
Séisme politique et juridique, le Brexit représente un désaveu pour le projet européen, censé être irréversible et illustre la crise de sens que vit l'Union. L'Europe s'est longtemps construite sans les peuples, parfois contre eux, les résultats négatifs des divers référendums étant balayés sans que le projet européen soit remis en question.
Le Royaume-Uni, puissance politique, économique et militaire de premier plan, avait déjà une situation fort dérogatoire.
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. - C'est exact.
M. Éric Bocquet. - Il apparaît que les Britanniques sont mieux préparés que les autres États membres.
En audition, le ministre Gérald Darmanin déplorait que peu de gens croient au Brexit et le rapport regrette une préparation tardive des administrations et un manque de sensibilisation des acteurs.
L'Union et les États membres ont plus joué la carte d'une remise en cause du Brexit que d'un accord de sortie ordonnée. L'Ulster a été instrumentalisée par les deux parties pour faire pression sur les négociations. Or cette question est essentielle.
Le retour à une frontière physique dure est impossible, les Irlandais ne reviendront pas sur les accords du Vendredi Saint ; l'idée d'une frontière dans la mer d'Irlande pour maintenir artificiellement l'Ulster dans l'espace européen est inacceptable pour le Royaume-Uni car elle engendrerait un risque d'annexion de la province par l'Irlande. L'Union européenne ne doit pas jouer l'Irlande contre le Royaume-Uni.
Alors que la semaine dernière les négociations semblaient dans l'impasse, le ministre britannique estime que 95 % de l'accord de retrait serait réglé et qu'un accord pourrait être scellé d'ici le 21 novembre.
Reste que le Gouvernement nous demande de parer aux conséquences d'un no deal. Nous partageons les conclusions du rapporteur : la législation par ordonnances n'est pas de bonne méthode, le Gouvernement nous demande un blanc-seing. Nous saluons donc les améliorations et clarifications apportées par la commission spéciale.
Le groupe CRCE comprend l'exigence de flexibilité mais restera vigilant quant aux mesures prises sur le fondement de l'article 3 qui permet au Gouvernement de déroger aux règles de droit commun, pour des travaux d'aménagement notamment. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Didier Marie . - Les relations entre la France et le Royaume-Uni sont anciennes et fortes. La Grande-Bretagne est un allié historique, un de nos principaux partenaires économiques. Notre histoire est aussi humaine.
Nous respectons le choix souverain du peuple britannique de quitter l'Union européenne, et Mme May a logiquement activé l'article 50 du traité sur l'Union européenne. Le 30 mars 2019, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers. Un accord doit être ratifié par les parlementaires britanniques et européens ; 90 à 95 % des sujets seraient réglés. Reste à trouver une solution pour la frontière irlandaise.
Dominic Raab se veut optimiste mais le compte à rebours est enclenché et un no deal est de plus en plus probable. Du jour au lendemain, trains, avions et bateaux seront arrêtés, des embouteillages se formeront aux points de contrôle. Les expatriés auront un statut incertain, des entreprises verront leur commerce entravé, des ports seront bloqués... Ce sera le chaos.
Faute de période transitoire, nous ne pouvons que souscrire à la proposition du Gouvernement d'adopter des mesures urgentes et temporaires.
Madame la ministre, il y a déjà eu beaucoup - trop - d'ordonnances depuis le début du quinquennat. Pourquoi aussi refuser de publier l'avis du Conseil d'État ? Comme on dit chez nous : « Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup... » (Sourires) Le périmètre serait trop large et la portée des mesures imprécises. Heureusement, la commission spéciale a apporté les précisions nécessaires.
Nous voterons ce texte sous réserve de l'adoption de certains amendements. Mais la commission spéciale doit être informée de l'évolution de la rédaction des ordonnances et de leur mise en oeuvre. Le délai de ratification doit aussi être ramené à trois mois.
Hard ou soft, le Brexit sera douloureux. Quels droits sociaux, quel régime de protection sociale pour nos concitoyens ? Quelle politique des visas ? Le Gouvernement doit s'assurer de la réciprocité et du respect des principes fondamentaux.
Le Brexit posera des questions cruciales aux entreprises qui seront contraintes de se réorganiser, de se restructurer, d'investir voire de licencier. Dans la filière automobile, la Grande-Bretagne exporte un million de véhicules chaque année, avec des pièces détachées provenant souvent du continent. Comment les PME françaises feront-elles pour les approvisionnements, sachant que les entreprises britanniques d'automobile fonctionnent avec deux jours de stock ?
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. - Très juste.
M. Didier Marie. - Les collectivités territoriales sont aussi concernées ; l'État devra les accompagner. Je pense à tous nos ports de la Manche qui devront engager des travaux pour séparer les flux, accueillir de nouveaux douaniers, engager des agents des services vétérinaires et phytosanitaires. Le rétablissement d'une frontière va coûter cher. Quels moyens le Gouvernement va-t-il dégager ?
Le corridor maritime Mer du Nord-Méditerranée est un point essentiel. La Commission européenne a exclu nos ports français au profit des ports de Rotterdam, Anvers et Zeebrugge. C'est un non-sens quand on regarde la carte de l'Europe. Nos ports sont les plus proches de l'Irlande, on débarque 23 conteneurs à l'heure au Havre contre 16 à Rotterdam...
Nous attendons aussi la Commission européenne sur le secteur aérien, la pêche, l'agriculture, ou encore le médicament.
La France a une responsabilité particulière pour défendre le marché unique et les valeurs de l'Union. Il en va des droits de ses citoyens, de son attractivité et de son image diplomatique. Nous serons très vigilants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, LaREM et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. - Très bien.
M. Jean-François Rapin . - Le 23 juin 2016, le peuple britannique a choisi de quitter l'Union européenne. C'est une décision souveraine que nous regrettons néanmoins profondément : c'est non seulement une part de l'âme et du génie de notre continent, mais aussi de sa force collective, qui se dissocie de notre construction commune. Ce choix oblige d'abord à un devoir d'inventaire sur la construction européenne.
Plus prosaïquement, la situation est inédite puisqu'après avoir recherché la convergence entre ses membres, l'Union européenne doit maintenant gérer la divergence d'un de ses membres.
Les droits de douane seront réintroduits, les échanges humains se réduiront, la divergence réglementaire affectera les transactions. Les chaînes d'approvisionnement et de production seront perturbées dans de nombreux secteurs.
La France sera l'un des États les plus touchés : le trafic par le tunnel sous la Manche représente un quart des échanges entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
La reconfiguration du corridor mer du Nord-Méditerranée, qui profiterait aux parts belges et néerlandaises censément mieux préparées, est inacceptable.
Le flou règne ; c'est pourquoi il faut se préparer au pire, c'est-à-dire au no deal. Il convient donc de voter un texte qui permettra au Gouvernement de faire face aux conséquences. Je ne suis pas très favorable aux habilitations, mais je comprends la situation. Les amendements proposés par la commission spéciale me semblent pertinents.
En revanche, je comprends mal l'absence de publication de l'avis du Conseil d'État : elle ne fragiliserait pas nos intérêts dans la négociation, mais elle constitue un manque d'information pour le Parlement. Je ne comprends pas non plus les amendements du Gouvernement, qui reviennent sur les efforts de clarifications de la commission spéciale.
Sous ces réserves, le groupe Les Républicains votera ce texte, conscient cependant que l'enjeu principal réside dans les moyens alloués par le Gouvernement et la capacité de réactions rapides de l'État.
L'urgence est réelle, notamment pour les investissements nécessaires et les ressources humaines à mobiliser pour la mise en place de contrôles douaniers.
La France doit amorcer une véritable logique de partenariat avec les acteurs de terrain, au niveau administratif et technique. Ce texte est une première étape, nous serons très attentifs au contenu des ordonnances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean Bizet, président de la commission spéciale, applaudit également.)
Mme Anne-Catherine Loisier . - Le Royaume-Uni redeviendra un pays tiers le 30 mars prochain à minuit. Nous voici réduits à envisager les conséquences d'un no deal...
Pour assurer la circulation des biens et personnes dans les meilleures conditions possibles, le Gouvernement demande une habilitation que le groupe centriste est prêt à lui accorder.
Les inquiétudes des chefs d'entreprises sont grandes ; les entreprises françaises auraient déjà perdu 4 milliards d'euros à cause de cette décision. L'automobile - pour 1 milliard d'euros -, les outillages et équipements, l'agroalimentaire, la pharmacie seront les plus touchés.
Au contraire des grands groupes, entre 15 et 20 000 PME n'ont pas d'expérience dans l'exportation hors Union européenne. L'appui de l'État leur sera décisif.
Même si un accord de libre-échange similaire à l'accord UE-Canada intervenait, les négociations pourraient prendre dix ans, selon les Britanniques.
Le coût d'un no deal serait de 6 milliards d'euros. Alors que l'Union européenne est déstabilisée et remise en cause, le Brexit et la montée des populismes mettent à mal l'oeuvre de reconstruction du président Macron.
Les prochaines élections européennes sont essentielles, d'où l'urgence d'en finir avec une technocratie qui disqualifie l'idéal européen. L'Europe doit se faire par et pour les peuples, comme l'a dit le président de la République, sinon elle ne sera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean Bizet . - Notre commission spéciale a conduit un travail important dans un délai très correct. Je l'en remercie.
Le Brexit est un non-sens économique et une aberration géostratégique. Nous voilà contraints de gérer la désimbrication.
La question irlandaise demeure le noeud gordien de la négociation. Notre commission des affaires européennes avait, à juste titre, tiré le signal d'alarme dès le mois de juin.
L'ambassadeur britannique nous a adressé des propos rassurants sur le devenir des citoyens français au Royaume-Uni.
Cependant il faut se préparer à un no deal. Un gros travail de préparation est nécessaire, notamment sur les infrastructures portuaires face à nos concurrents néerlandais et belges. C'est un défi majeur : aux Pays-Bas, les administrations sont aux côtés des entreprises. Bercy devra changer de logiciel pour faire de même.
Les grandes institutions financières, des deux côtés de la Manche, sont liées par des relations institutionnelles. Il faudra gérer les conséquences de la fin du passeport financier ; toute incertitude est porteuse de risques majeurs sur les marchés financiers.
Le contenu des ordonnances sera subordonné à la réciprocité des mesures prises par le Royaume-Uni, et aux mesures prises par nos voisins, en particulier l'Allemagne.
Le Sénat sera très vigilant sur la suite du processus. Le groupe de suivi créé avec Christian Cambon dès juillet 2016, à la demande du président du Sénat, poursuivra ses travaux dans la même posture à vos côtés.
J'insiste sur l'esprit constructif du Sénat ; mais si nous vous accordons de la flexibilité et de la réactivité, il nous faut un peu plus de précisions. Nous serons à vos côtés pour rassurer nos concitoyens au Royaume-Uni et nos amis britanniques en France, et assurer la fluidité de la circulation des biens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et LaREM)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi n'entre en vigueur qu'à compter de la modification de la décision prise par le Conseil européen du 19 juin 2018, laquelle viole le traité de Lisbonne en prévoyant qu'en cas d'abandon du Brexit, la répartition des sièges au sein du Parlement européen restera identique à ce qu'elle est actuellement.
Mme Claudine Kauffmann. - Les partisans d'une Europe à tendance fédéraliste piétinent la souveraineté des États membres pour imposer une sorte de pensée unique, contournant le résultat de plusieurs référendums.
Aujourd'hui, le président Macron est à la pointe de la coalition qui essaye de torpiller le Brexit en pourrissant la négociation. Là aussi, il s'agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Anglais à organiser un nouveau référendum, pour faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution possible pour l'avenir.
La France devrait plutôt réclamer sa juste part dans la répartition des sièges au sein du Parlement européen. Actuellement, chacun des 6 députés maltais représente seulement 69 352 habitants alors que chacun des 74 députés français représente 883 756 habitants. Pire, en totale violation du traité de Lisbonne, la France a un ratio d'habitants par siège nettement plus défavorable que l'Allemagne.
Si les opposants au Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice au détriment de la France subsisterait : lors du Conseil européen du 19 juin 2018, le Gouvernement français a accepté qu'en cas d'abandon du Brexit, la répartition actuelle des sièges soit maintenue à notre détriment. Avant de prendre des ordonnances, il faut défendre notre représentativité en exigeant le respect du traité de Lisbonne.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Sans surprise, avis totalement défavorable. Nous sommes entièrement hors sujet, même si la représentation française au Parlement européen est une question importante.
La France est le pays qui a gagné le plus de parlementaires : 5. Mais la décision dépend exclusivement du Parlement européen.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Sans surprise, avis défavorable également. Le paragraphe 2 de l'article 3 de la décision du 28 juin du Conseil européen auquel il est fait référence, ne mentionne qu'un prolongement, qui semble peu probable. Si la décision du Conseil européen devient caduque, il faudrait une nouvelle décision.
M. Éric Bocquet. - À entendre les arguments de la Commission voire du Gouvernement, on a l'impression qu'il n'y a point de salut hors de l'Union européenne. Pour la première fois, l'Union européenne est confrontée à un rejet d'un peuple souverain exprimé dans des conditions parfaitement démocratiques - elle ne sait pas faire.
Ainsi le début de l'objet de cet amendement pourrait-il être transmis à la Commission européenne, pour alimenter sa réflexion. Mais le groupe CRCE votera contre.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
ARTICLE PREMIER
M. Laurent Duplomb . - M. Darmanin, interrogé sur le nombre de recrutements nécessaires pour assurer les contrôles phytosanitaires et sanitaires que le Brexit rendra nécessaires, a déclaré à la commission que la demande du ministère de l'agriculture avait été acceptée.
Or le directeur de la DGAL nous a dit qu'il avait obtenu 40 douaniers pour l'an prochain. Nos voisins, eux, vont bien plus loin. L'Irlande a prévu de recruter 1 000 douaniers, les Pays-Bas 900 !
Mais en France, on devrait se contenter de 40 postes supplémentaires seulement - alors qu'il nous en faudrait sans doute 900... Madame la ministre, le sujet est crucial, car les produits du Commonwealth seront à notre porte, qu'il faudra nécessairement mieux contrôler.
M. Éric Bocquet . - Il serait inacceptable que les Britanniques sur notre territoire pâtissent des négociations en cours alors même que nos institutions financières et le Gouvernement se précipitent pour attirer les traders de la City : 300 millions d'euros d'exemptions fiscales grâce à l'exonération de la surtaxe de 20 % ! C'est Noël avant l'heure ! Mme May, elle, a déclaré vouloir, avec le Brexit, que le Royaume-Uni devienne le meilleur endroit du monde où faire des affaires ! À bon entendeur, salut !
Mme Fabienne Keller . - Comment en sommes-nous arrivés là ? Le choix des Britanniques nous invite à réfléchir. Deux leçons : la difficulté de la Commission européenne à prendre en compte les besoins de souplesse des populations et la prédominance des questions migratoires dans le débat.
L'Europe, demain, doit donner plus de liberté aux territoires pour être mieux acceptée. La commission spéciale a permis de mesurer les enjeux. Espérons que le texte ne devra pas être utilisé. Souvenons-nous que les Britanniques sont de grands alliés, et qu'ils veulent préserver la paix avec l'Irlande. Nous devrons enfin conserver la cohésion de l'Union européenne. Je salue vos efforts, madame la ministre, dans ce sens.
M. Didier Marie . - Les quelque 200 000 Britanniques qui habitent en France, les 4 millions de Britanniques qui viennent en vacances doivent conserver leurs droits : circulation, protection sociale, droit au travail. Ils doivent bénéficier d'un traitement bien plus favorable que les ressortissants d'un pays tiers, madame la ministre. Vous devez donc préparer un texte dans ce sens, à condition que la réciprocité s'applique.
La Grande-Bretagne est un des pays avec lequel nous avons un excédent commercial important : 11,6 milliards d'euros dont 2,5 milliards pour l'agro-alimentaire et produits agricoles. C'est notre troisième client pour les produits agroalimentaires, notre deuxième fournisseur de produits halieutiques, dont la plupart sont transformés dans les Hauts-de-France et la Normandie.
Nous devons maintenir un niveau élevé de sécurité sanitaire pour les produits entrants - 40 ETP, ce n'est pas suffisant.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
M. Olivier Cadic . - Faisant partie des 143 000 Français du Royaume-Uni, je suis étonné. Les Britanniques ont voté pour le départ de l'Union européenne. Quels Britanniques ? Les Jamaïcains, les Néozélandais ont pu voter. Mais ni les Européens vivant au Royaume-Uni, ni 60 % des Britanniques vivant dans l'Union européenne n'ont pu voter. S'ils avaient pu voter, il n'y aurait pas eu de Brexit ! Pour beaucoup, le Brexit est un déni de démocratie...
M. Robert del Picchia. - Faisons-les revoter !
Mme Claudine Kauffmann. - Deux conceptions de l'Europe s'opposent : une Europe des Nations respectant la souveraineté des États membres et les choix de chaque gouvernement démocratiquement élu ; d'autre part, une Europe à tendance fédéraliste qui piétine la souveraineté des États membres pour imposer la pensée unique des pseudo-élites.
Le résultat de plusieurs référendums a déjà été contourné par les tenants de cette pensée unique qui n'hésitent pas à bafouer la volonté des électeurs dès qu'elle ne va pas dans leur sens. Aujourd'hui, le président Macron est à la pointe de la coalition qui essaye de saboter le Brexit en pourrissant la négociation.
Là aussi, il s'agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Anglais à organiser un nouveau référendum. À la veille des élections européennes, le but est de faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution possible pour l'avenir.
MM. Macron, Juncker et Barnier sont-ils de bonne foi lorsqu'ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie, alors que dans le même temps ils exigent la création d'une frontière douanière à l'intérieur du Royaume-Uni, pour en disjoindre l'Irlande du Nord ? C'est aussi machiavélique que si demain l'Europe demandait à la France de créer une frontière douanière à l'intérieur de notre territoire, par exemple en séparant l'Alsace-Lorraine.
Tous les problèmes qui justifieraient des mesures prises en urgence par ordonnance, sont manifestement dus à la mauvaise volonté des responsables de l'Union européenne et à l'action du président Macron, qui a organisé une véritable coalition pour essayer de pourrir les négociations sur le Brexit. On ne doit pas cautionner cette politique où quelques tenants de la pensée unique se targuent à donner des leçons de démocratie à des pays tels que la Hongrie ou l'Italie dont les gouvernements sont pourtant élus de manière parfaitement démocratique.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cet amendement supprime l'article premier. Favorables à cet article, nous sommes défavorables à l'amendement. Il est en effet indispensable pour préserver les flux de personnes et de marchandises. Le message que nous voulons adresser aux Britanniques qui viennent en vacances en France, qui viennent travailler, qui viennent y prendre leur retraite, c'est : vous êtes les bienvenus !
M. Richard Yung. - Très bien.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Avis défavorable. Nous respectons le choix du peuple britannique ; nous voulons préparer le retrait en défendant nos intérêts.
Selon le rapport conjoint de décembre 2017, la position commune entre l'Union européenne et le Royaume-Uni est justement d'éviter une frontière physique entre Irlande du Nord et République d'Irlande. Il faut maintenant la traduire dans la réalité : rien de plus, rien de moins. Comme l'a dit Michel Barnier, il ne s'agit pas de mettre en place une frontière entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni, mais de permettre les contrôles nécessaires pour préserver le marché unique et l'union douanière. Nous devons protéger les Irlandais, les Britanniques, nos concitoyens et nos entreprises.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou appelés à y exercer une activité professionnelle salariée au sein d'entreprises installées sur le territoire britannique à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ayant fait le choix de se déployer en France après celui-ci
II. - Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
III. - Alinéa 6
Supprimer les mots :
ou, au-delà de cette date, appelés à y exercer une activité professionnelle salariée au sein d'entreprises installées sur le territoire britannique à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ayant fait le choix de se déployer en France après celui-ci
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Cet amendement supprime la reconnaissance automatique des diplômes et des qualifications des Britanniques venus en France après le Brexit.
Il ne s'agit pas de mettre à mal l'attractivité du territoire français. Mais l'article 9 le dit bien, seuls les Britanniques présents le 31 décembre 2020 sont couverts. Nous ne pouvons prévoir un régime plus favorable en l'absence d'accord. Retrait.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Voici le premier de vos amendements « tronçonneuses », qui liquident le travail de la commission spéciale - alors que nous avons cherché à aider le Gouvernement. Madame la ministre, vous ne pouvez pas tenir un double langage en valorisant l'attractivité du territoire sans tenir compte de la situation des Britanniques après. Retirez votre amendement ! Acceptez le travail du Parlement ! Arrêtez votre travail de sape !
La commission, à l'unanimité ce matin, a donné un avis défavorable à votre amendement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Didier Marie. - La commission spéciale a fait un excellent travail, c'est vrai. Mais rappelez-vous, lors de l'examen du texte de la commission, nous nous étions abstenus - nous ferons de même.
M. Richard Yung. - J'avais voté votre disposition, monsieur le rapporteur, c'est vrai. Mais je suis sensible à l'argument selon lequel on créerait un droit plus favorable sans compter que le Parlement ne doit pas, constitutionnellement, étendre une habilitation. Je m'abstiendrai ou je voterai l'amendement du Gouvernement.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Ne fragilisons pas le travail de M. Barnier en créant, pour l'après-Brexit, un régime plus favorable que celui qu'il a négocié.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cette mesure est encadrée par le respect du principe de réciprocité. (Mme la ministre le conteste.)
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 9
Après le mot :
afin
insérer le mot :
, notamment,
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - La clause balai de l'article premier est moins large dans la rédaction de la commission spéciale, qui a listé les intérêts de la France que le Gouvernement doit viser dans la rédaction des ordonnances. La rédaction initiale avait été validée par le Conseil d'État.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Même débat que sur un autre « notamment » dans un amendement suivant. Le Conseil constitutionnel exige que le Gouvernement indique avec précision la finalité des mesures et leurs domaines d'intervention. Même chose pour le Conseil d'État, qui appelle le Parlement à jouer son rôle. C'est ce qu'a fait la commission spéciale, en précisant le texte. Vous ajoutez un « notamment », qui vous permet de prendre toutes mesures. La commission spéciale a pourtant laissé toutes les finalités que vous aviez précisées... Que voulez-vous rajouter ? Je serais prêt à y donner un avis favorable. Là, c'est au cas où, en plus !
M. Laurent Duplomb. - Eh voilà !
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
jusqu'à l'entrée en vigueur
par les mots :
dans l'attente
2° Après le mot :
Royaume-Uni
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
à tirer les conséquences de l'absence d'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne s'agissant des conditions :
II. - Alinéas 11 à 14
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
- du maintien en France des ressortissants britanniques résidant légalement sur le territoire national lors de la sortie du Royaume-Uni ;
- de la poursuite sur le territoire français d'activités économiques liées au Royaume-Uni ;
- de la poursuite des flux de personnes et de marchandises à destination et en provenance du Royaume-Uni.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - La commission spéciale a voulu préciser les finalités à l'article premier, mais cela ne permet pas au Gouvernement de tenir compte des mesures prises par le Royaume-Uni ou d'autres États-membres de l'Union européenne. Je vous propose donc une rédaction qui indique une direction. Il y aura des conséquences au Brexit. On ne pourra pas garantir les activités économiques, prétendre s'en garantir complètement relève de l'illusion.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.
I. - Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
jusqu'à l'entrée en vigueur
par les mots :
dans l'attente
2° Après le mot :
Royaume-Uni
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, à tirer les conséquences de l'absence d'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, afin de :
II. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Régler la situation en France des ressortissants britanniques résidant légalement sur le territoire national au moment du retrait du Royaume-Uni ;
III. - Alinéa 13
Après le mot :
personnes
insérer les mots :
à destination et
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Là encore, vous sabotez le travail de la commission spéciale, qui a pourtant fait des efforts. Vous supprimez l'alinéa sur les mesures sanitaires. Mais pourquoi le Gouvernement en veut-il autant au monde agricole et rural ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Votre propos est caricatural !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Non, je ne caricature pas ! M. Duplomb l'a bien expliqué : au lieu de 90 ETP, réclamés par la profession agricole, le Gouvernement ne mobilise que 28 vétérinaires et 12 catégories B pour les contrôles sanitaires. Je remercie M. Duplomb d'avoir retiré son amendement au profit du mien, qui reste très souple, et se contente de dire que cela ne suffira pas.
Madame la ministre, en auditionnant le monde agricole, nous vous dirons s'il y a un problème, et en tirerons les conséquences dans le budget. Cela ne vous coûtait rien, madame la ministre, de laisser notre alinéa dans ce texte !
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. - Jadis, je fus rapporteur sur l'affaire de la vache folle, née en Grande-Bretagne...
M. Bruno Sido. - Tout le monde s'en souvient !
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. - J'avais, à cette occasion, découvert l'état de déshérence du réseau d'épidémio-surveillance britannique ; il ne s'est pas amélioré depuis. Le Livre blanc britannique de 104 pages est explicite sur le sujet. Nous aurons des filières agroalimentaires à double détente : une à visée européenne et l'autre pour les pays tiers avec des normes sans doute différentes. Dans les ports français, nous devons être extrêmement vigilants pour préserver la sécurité sanitaire de l'Europe, premier marché mondial.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Je ne laisserai pas certaines accusations sans réponses. Les contrôles phytosanitaires et sanitaires sont déjà mentionnés dans le projet de loi, à l'article premier, alinéa 6, et il y aura d'autres raisons d'effectuer des contrôles en lien avec la sécurité des personnes et des biens, il est donc difficile de singulariser cette seule préoccupation. Évidemment, nous sommes à l'écoute des attentes des consommateurs et des acteurs du monde agricole. Je m'en suis entretenue avec le nouveau ministre de l'agriculture dès sa prise de fonction ; il m'a assuré qu'il ferait en sorte de disposer d'effectifs suffisants. Nous devons nous prémunir contre des risques qui ont été avérés par le passé.
La nouvelle rédaction proposée par la commission à l'amendement n°19 nous convient pour l'essentiel, si ce n'est sur les finalités. Les ordonnances permettront de prendre des mesures temporaires, elles ne régleront pas la situation des Britanniques en France. Ne mentons pas en faisant croire le contraire.
M. Laurent Duplomb. - Je ne comprends pas. Comment, madame la ministre, pouvez-vous supprimer l'alinéa 14 alors que vous mettez sans arrêt en avant le principe de précaution ? Nous devons nous donner les moyens de régler les problèmes qui surviendront.
Contrairement à ce que vous dites, tout n'est pas prévu dans les autres articles ! Vous méprisez le Parlement et tous ceux qui connaissent les pratiques des Britanniques qui se servent de leurs accords avec le Commonwealth pour faire rentrer un maximum de produits. Votons contre cet amendement. (M. Jérôme Bascher applaudit.)
M. Didier Marie. - Deux options s'affrontent. Madame la ministre, vous voulez des ordonnances le plus large possible ; le rapporteur répond aux préoccupations du Conseil d'État pour mieux encadrer l'habilitation. Selon vous, les contrôles sanitaires sont mentionnés dans le texte ; mais ils ne le sont plus dans le texte de la commission à l'article 6. Veillons à ce que les contrôles phytosanitaires et vétérinaires se fassent au plus haut niveau. Nous ne voterons pas votre amendement, mais celui du rapporteur.
M. Daniel Gremillet. - Moi non plus, je ne comprends pas... Il y a quelques semaines, nous avons débattu du projet de loi EGalim, texte exigeant pour l'agriculture et la société française des garanties supplémentaires. L'exigence française, sur certains points, supérieure à l'exigence européenne, doit être respectée sur les produits importés, d'autant plus si le Royaume-Uni est un État tiers !
Il y a quelques décennies, nous avons eu des problèmes à la suite d'importations transitant par l'Angleterre, avec des conséquences terribles pour nos économies.
Au-delà de l'économie agricole, il en va de la santé de nos concitoyens. L'amendement du rapporteur, équilibré, répond à ces préoccupations agricoles et sociétales.
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°19 est adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par un alinéa ainsi rédigé :
Ces ordonnances peuvent notamment prévoir des adaptations de la législation de droit commun ou des dérogations.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Sur les finalités des ordonnances, la rédaction de la commission spéciale ne couvre pas l'ensemble des mesures envisagées. Il n'y a pas de raison d'exclure a priori un régime ad hoc.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Quelles seraient ces procédures ad hoc ? Le « notamment » introduit une incertitude. M. Marie croyait déceler un loup dans ce flou ; je ne partage pas cet avis, mais dites-nous quelles mesures vous envisagez ! Vous supprimez les procédures administratives simplifiées que le Premier ministre appelait de ses voeux il y a un mois. On ne peut pas défendre la simplification d'un côté et de l'autre la jeter aux pelotes. Avis défavorable.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
à une date fixée par décret
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Cet alinéa prévoit la possibilité, pour le Gouvernement, de suspendre l'application des mesures prévues par les ordonnances. Dès lors qu'il s'agit de mesures législatives, cela doit être expressément prévu dans la loi d'habilitation.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Ce n'est pas un secret, la commission a essayé d'améliorer le texte. Je nous croyais parvenus à un accord ; manifestement, non. La loi Travail de 2017 ne renvoyait à aucun décret, ce qui n'a pas empêché le Gouvernement d'en prendre de nombreux... Avis défavorable.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le présent article n'entre en vigueur qu'à compter de l'annonce par les dirigeants de l'Union européenne qu'ils renoncent à exiger la création d'une frontière douanière passant à l'intérieur du Royaume - Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord.
Mme Claudine Kauffmann. - Si les modalités du Brexit sont incertaines, c'est parce que de nombreux responsables européens font leur possible pour compliquer les négociations. Ils veulent punir les Britanniques d'avoir décidé de sortir de l'Union européenne. Ils pensent que, plus les Britanniques rencontreront des difficultés, plus nos concitoyens accepteront l'idée que l'évolution vers une Europe fédérale est la seule solution. Ils ne sont pas de bonne foi lorsqu'ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie alors que, dans le même temps, ils exigent la création d'une frontière douanière à l'intérieur du Royaume-Uni, pour en disjoindre l'Irlande du Nord.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Vous avez déposé trois amendements identiques aux articles premier, 2 et 3. À chaque fois, vous voulez subordonner l'entrée en vigueur de l'article au règlement de la question de la frontière irlandaise. Michel Barnier, pas plus que la France, n'a jamais eu l'intention de remettre une frontière entre les deux Irlande, qui a été totalement supprimée après les accords de paix de 1998 et plus de 3 000 morts. Avis défavorable.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Avis défavorable pour les mêmes raisons que l'avis défavorable à l'amendement n°4, et pour les mêmes motifs que le rapporteur dont je me rapproche donc... (Sourires)
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Supprimer cet article.
Mme Claudine Kauffmann. - Défendu.
L'amendement n°6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° La prise en compte des diplômes et des qualifications professionnelles acquis ou en cours d'acquisition et l'expérience professionnelle acquise au Royaume-Uni à la date de son retrait de l'Union européenne ainsi que les diplômes et qualifications professionnelles s'inscrivant dans le cadre d'un parcours de formation intégrant ceux obtenus ou en cours d'acquisition à cette même date ;
L'amendement rédactionnel n°22, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
jusqu'à l'entrée en vigueur
par les mots :
dans l'attente
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Comme à l'article premier, je me suis rapproché de la position du Gouvernement.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Preuve que nous savons travailler ensemble, j'ai plaisir à donner un avis favorable à cet amendement.
L'amendement n°21 est adopté.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 8
1° Remplacer les mots :
les droits sociaux et professionnels
par les mots :
la situation
2° Compléter cet alinéa par les mots :
dans les champs visés aux 1° et 2° du I
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Nous voulons la portabilité des droits sociaux et professionnels : mieux vaut une référence, large, que mentionner directement les termes.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - C'est l'inverse ! Avez-vous à l'esprit autre chose que les droits sociaux et professionnels ? Dans ce cas, dites-le et vous aurez sans doute l'avis favorable de la commission. Qui peut le plus peut le moins, soit ; mais qui peut le plus sans que rien ne soit précisé, cela n'est pas acceptable par le Parlement. Avis défavorable.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le présent article n'entre en vigueur qu'à compter de l'annonce par les dirigeants de l'Union européenne qu'ils renoncent à exiger la création d'une frontière douanière passant à l'intérieur du Royaume - Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord.
Mme Claudine Kauffmann. - Le présent amendement a la même justification que l'amendement n°5 présenté à l'article premier.
L'amendement n°7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
Mme Christine Prunaud . - Au nom de M. Éric Bocquet, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des ports du Nord de la France, Calais et Dunkerque. La majeure partie des échanges entre le Royaume-Uni et le continent y transitent. Les chiffres de 2017 sont éloquents : plus de 30 millions de passagers, 4,2 millions de poids lourds, 73 000 autocars par ferry, 51 000 autocars par le tunnel sous la Manche. Et cela, sans parler du fret express - Amazon, entre autres.
Or aujourd'hui, les ports français n'ont ni la place ni les équipements pour effectuer les contrôles douaniers qui seront nécessaires. Les moyens financiers manquent.
La Cour des comptes pointait, en 2017, la faiblesse des investissements dans son bilan de la réforme portuaire de 2008. Les ports paient aujourd'hui cette inaction de l'État. Pourquoi le Gouvernement français, à l'image de ce qui a été fait au Danemark, n'a-t-il pas prévu un fonds de réserve spécifique pour parer au défi logistique du Brexit ?
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Supprimer cet article.
Mme Claudine Kauffmann. - Défendu.
L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Après les mots :
des adaptations ou des dérogations,
insérer le mot :
notamment
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Cet amendement rétablit un « notamment » avant la liste des adaptations ou des dérogations. C'est indispensable au vu du caractère totalement inédit des enjeux. Depuis le mois d'avril, le Premier ministre nous a demandé de prévoir les conséquences d'un no deal mais il serait arrogant de prétendre que nous savons tout ce qui nous attend.
Nous devons aussi rester compétitifs par rapport aux adaptations engagées par les autres États membres, notamment sur les installations portuaires.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Vous êtes une incorrigible adepte de l'imprécision, madame la ministre ! Cet article 3 permet d'adopter le droit en vigueur sur l'aménagement, l'urbanisme, l'expropriation, la protection du patrimoine, la voirie et les transports, la domanialité publique, la commande publique, les ports maritimes sans oublier la participation du public et l'évaluation environnementale. Que faut-il ajouter ?
M. Richard Yung. - Au Sénat, j'ai d'abord siégé à la commission des lois. Je me souviens de MM. Hyest et Badinter faisant la chasse aux « notamment » dans tous les textes qui leur étaient soumis. (M. Bruno Sido le confirme.) Cela m'a marqué. Je suis donc mal à l'aise face à ce flot de « notamment », qui ne sont pas conformes à la tradition du Sénat.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
transport
par les mots :
passagers ou de marchandises
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Sous le charme de la ministre, j'ai décidé de faire un pas vers elle en répondant, avec cet amendement, à l'un de ses souhaits.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Je regrette que mon charme n'opère pas sur les amendements que je présente au nom du Gouvernement... Avis favorable.
L'amendement n°20 est adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le présent article n'entre en vigueur qu'à compter de l'annonce par les dirigeants de l'Union européenne qu'ils renoncent à exiger la création d'une frontière douanière passant à l'intérieur du Royaume - Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord.
Mme Claudine Kauffmann. - Défendu.
L'amendement n°9, rejeté par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. Didier Marie. - Les grands ports maritimes s'adapteront sans difficultés au regard de leurs finances, de leur disponibilité financière et de leur expertise technique.
Je suis plus inquiet pour les petits ports comme Dieppe. Les investissements à réaliser pour adapter les capacités de stockage et permettre les contrôles douaniers sont évalués à 3 millions d'euros. Cela peut paraître faible dans cet hémicycle mais cela menace l'équilibre budgétaire du port... À cela, il faudrait ajouter les difficultés engendrées par les délais et une question dont personne n'a parlé : la gestion de l'immigration irrégulière. L'État devra mettre les moyens pour aider les ports à s'adapter à la nouvelle donne.
M. Michel Vaspart. - Rien n'est prévu pour Roscoff, Saint-Malo, Dieppe, Dinan, Ouistreham... On leur impose de lourds investissements, qui mettront en péril des compagnies maritimes.
M. Pascal Allizard. - Oui, la partie sera rude. Le Havre ne m'inspire pas d'inquiétude ; mais pour un port comme Dunkerque, il faudra recruter une centaine de vétérinaires et techniciens pour un service en continu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Même chose pour Cherbourg ou Caen, où il faudra créer un point de contrôle, actuellement inexistant. Le risque est de fragiliser toute une économie littorale, cela n'est pas suffisamment pris en compte.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
Rédiger ainsi cet article :
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1er à 3 dans un délai de deux mois à compter de sa publication.
Mme Claudine Kauffmann. - Le projet présenté par le Gouvernement prévoyait un délai de six mois qui a déjà été ramené à trois mois par le rapporteur. Or le Gouvernement fait preuve d'une évidente désinvolture à l'égard du Sénat, que ce soit en refusant de lui communiquer l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi initial ou en proposant des articles délibérément flous et imprécis, ce que le Conseil d'État déplore. Le Gouvernement n'étant manifestement pas clair sur le sujet, il convient de réduire encore plus le délai de présentation du projet de loi de ratification de chaque ordonnance.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Le Gouvernement a proposé un délai de ratification de six mois ; la commission spéciale a suggéré trois mois. Cet amendement en prévoit deux. Quel que soit le délai, l'important est que nous puissions débattre. Durant la session 2016-2017, des projets de loi ont été déposés pour ratifier 71 ordonnances ; 53 n'ont toujours pas été ratifiées, faute d'inscription à l'ordre du jour. Comptez sur la commission de suivi du Brexit pour alimenter le débat. Avis défavorable.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Rejet également. Six mois, c'est le délai nécessaire pour présenter un projet de loi tirant les conséquences de la mise en oeuvre du Brexit, en s'assurant notamment des mesures de réciprocité prises par le Royaume-Uni. L'amendement suivant revient donc à six mois.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par le Gouvernement.
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Défendu.
L'amendement n°18, repoussé par la commission, n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Le projet de loi, modifié, est adopté.
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. - Je me réjouis de ce vote. Ce n'est peut-être pas la mouture du texte que vous souhaitiez, madame la ministre, mais je suis convaincu que nos précisions seront utiles au Gouvernement au regard de l'article 38 de la Constitution.
Ces mesures seront caduques si un accord ordonné de retrait avec un futur accord de libre-échange est adopté ou bien s'il n'y a pas réciprocité de nos amis britanniques. Nous avons donné au Gouvernement toute la latitude nécessaire (Mme la ministre en doute.) pour que la compétitivité de nos entreprises ne soit pas bridée.
Reste à travailler sur le mécanisme d'interconnexion en Europe. La dernière proposition de la commission des affaires européennes est littéralement inacceptable. Le groupe de suivi sur ce sujet fera des propositions.
Je finirai par un message à destination de Bercy : que le ministère accompagne et soutienne les entreprises comme le fait son homologue néerlandais.
La séance est suspendue à 20 h 15.
La séance reprend à 21 h 45.
Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Le président de la République a fixé au Gouvernement l'objectif de simplifier et de limiter la production normative pour plus de pouvoir d'achat, d'efficacité des services publics, de compétitivité. Le Premier ministre s'est saisi du sujet dès juillet 2017. Le présent projet de loi s'inscrit dans une démarche de simplification, au service de nos concitoyens et des entreprises. La simplification, ce n'est pas uniquement supprimer des normes inutiles, c'est parfois compléter le droit existant si l'ajout se traduit par un allègement des contraintes.
Le Parlement partage cet objectif. Deux rapports ont été produits récemment, dont celui du président Danesi, au nom de la commission des affaires européennes et la délégation aux entreprises. Ces travaux ont largement inspiré la philosophie du projet de loi.
Je connais la vigilance du Sénat sur les sur-transpositions. Il était légitime que votre Haute Assemblée soit saisie en premier.
La circulaire du Premier ministre de juillet 2017 a posé deux principes : l'arrêt de toute sur-transposition non justifiée par un choix politique assumé ; et le lancement d'une évaluation du stock de sur-transpositions, pour les alléger.
Cette démarche n'est pas inédite. Le Royaume-Uni a adopté en 2013 un guide, Comment transposer efficacement les directives européennes, pour minimiser les charges sur les entreprises. En Allemagne, le Conseil fédéral de contrôle des normes rend un avis sur chaque texte.
Le Gouvernement a retenu une acception large de la sur-transposition. Il inclut dans cette catégorie toute mesure de transposition instaurant une exigence plus contraignante que celle résultant de l'application d'une directive ; ne pas utiliser des possibilités de dérogation ou d'exonération, ne pas mettre ou non en oeuvre des options ouvertes par la directive peuvent également constituer une sur-transposition, si la conséquence en est de soumettre les entreprises à des contraintes plus importantes.
En revanche, chaque fois qu'une sur-transposition résulte d'un choix politique, par exemple pour une meilleure protection de l'environnement, pour la sécurité, la protection sanitaire ou sociale, elle a été maintenue. En effet il ne s'agit pas de rogner sur la faculté des États membres à user des marges de manoeuvre offertes pour atteindre des objectifs nationaux bien définis.
Le Gouvernement a tenu compte des négociations en cours sur les projets de directive : lorsqu'il est plausible qu'un texte européen s'aligne sur une norme française plus ambitieuse, la cohérence de notre démarche d'influence impose de préserver cette norme.
Un travail inédit d'identification a été réalisé par une mission de six inspections, qui a consulté très largement les entreprises, les fédérations professionnelles, les associations d'élus locaux, les partenaires sociaux. Le champ retenu ici comprend les mesures touchant directement les citoyens et les entreprises : 132 mesures législatives allant au-delà des prescriptions européennes ont été identifiées. Elles ont été classées en trois catégories : les mesures ne représentent pas de vraies sur-transpositions, les mesures à maintenir pour atteindre des objectifs plus ambitieux - le paquet de cigarettes neutre, l'interdiction d'exploitation d'hydrocarbures, la durée du congé maternité, le maintien du délai de rétractation de huit jours pour les emprunteurs - et enfin, les sur-transpositions injustifiées, que le Gouvernement propose de supprimer.
Dans certains cas, cela se fera à l'occasion de la transposition de futures directives, ou dans les projets de loi Pacte ou états généraux de l'alimentation. Une centaine de mesures sont d'ordre réglementaire.
Je n'entrerai pas ici dans le détail des trente mesures proposées, relevant de neuf domaines : droit de la consommation, droit des sociétés, services financiers, commande publique, communications électroniques, environnement, transports, agriculture et culture. Plusieurs articles ont été examinés selon la procédure de législation en commission (LEC).
Je salue le travail des rapporteurs Cadic et de Cidrac et la pertinence de leurs amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français . - Les sur-transpositions minent la compétitivité de nos entreprises, ajoutant contraintes et coûts supplémentaires. Il est crucial de supprimer les obstacles que nous imposons à nos propres entreprises, en nous interrogeant chaque fois : y a-t-il sur-transposition ? La contrainte peut-elle être justifiée par un impératif ? N'y a-t-il pas un autre moyen pour le satisfaire ? Certaines contraintes sont le résultat de transpositions erronées. Parfois, le droit interne et le droit européen sont empilés. Parois encore, c'est le Parlement lui-même qui n'a pas pris la mesure des ajustements nécessaires pour ne pas compliquer la vie des entreprises.
Le chapitre premier identifie treize domaines de sur-transposition en matière industrielle, financière, et consommation. La commission spéciale a engagé un dialogue constructif avec le Gouvernement. Ainsi, elle a approuvé la réduction des contraintes formelles pesant sur la publicité en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier. Elle a supprimé des obligations des syndics en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, l'obligation de consultation des actionnaires d'établissements bancaires ou financiers sur la rémunération globale des preneurs de risque, l'obligation de déclaration des opérateurs de télécommunications électroniques auprès de l'autorité de régulation.
La commission spéciale a enrichi le texte de nouvelles mesures, supprimant l'obligation triennale de solvabilité pour le crédit à la consommation, relevant au maximum le seuil de définition des petites entreprises, étendant aux microentreprises les formalités allégées de publication du rapport des commissaires aux comptes. La LEC a concerné l'article 4 sur la fusion et l'absorption des sociétés anonymes, afin d'assurer leur conformité au droit européen. La commission a adopté conforme l'article 10 ainsi que l'article 13.
Nous regrettons le caractère par trop parcellaire du texte, et des mesures par trop cosmétiques, comme sur le droit à la consommation. Au regard des 132 mesures du rapport inter-inspections, des 75 propositions du rapport Danesi, les 30 mesures présentées ici sont bien limitées. Philippe Dominati et Daniel Dubois avaient proposé des simplifications sur le travail de nuit que nous n'avons pas pu retenir, en raison d'une application très scrupuleuse des irrecevabilités. J'y aurais souscrit si le champ du texte n'était si restreint... Madame la ministre, il faut manifestement poursuivre cette démarche. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français . - De nombreux membres de la commission spéciale sont déçus par la modestie du champ couvert. Néanmoins je me félicite que l'on progresse sur ce sujet !
Nous avons examiné des mesures concrètes. Je me suis fixé deux principes : vérifier à chaque article si les mesures relèvent de sur-transpositions ; veiller à la cohérence des mesures proposées par rapport aux ambitions affichées, car il ne serait pas honnête de les présenter pour autre chose que ce qu'elles sont. J'attire votre attention sur la faiblesse de l'étude d'impact.
Je me suis centrée sur les domaines de l'environnement, l'eau et la santé humaine, et le transport ferroviaire.
Les articles 24 à 27 sur l'agriculture et la culture ont fait l'objet d'une procédure de législation en commission (LEC). Je n'y reviendrai pas.
La commission spéciale a procédé à une modification de forme à l'article 14 et à une modification de fond à l'article 15 afin de permettre à davantage d'entreprises, notamment du secteur social et solidaire, de profiter de la sortie du statut de déchet.
Elle a modifié considérablement l'article 5 qui supprimait la condition de traitement par une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) ou au titre de la loi sur l'eau pour la sortie du statut de déchet. Elle a maintenu le traitement dans une installation autorisée, mais en élargissant les dérogations.
L'article 16 ouvrant de nouvelles dérogations à l'interdiction de chasse des oiseaux migrateurs est maintenu, mais je reste réservée sur la plus-value qu'il y a à l'inclure dans un tel projet de loi.
Les articles 19 à 23 sur le transport ferroviaire complètent la directive de 2012, améliorant l'accès aux infrastructures, mais autorisant les États membres à exclure de ces règles certaines portions du réseau ou certaines entreprises. Ces articles allègent les contraintes. La commission spéciale a seulement adopté des amendements rédactionnels sur ces articles.
D'autres projets de loi sont-ils envisagés pour alléger le stock et aussi le flux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Pierre Decool . - Le projet de loi supprime de nombreux cas de sur-transpositions, initiative louable. L'Allemagne, la Suède, l'Italie ont adopté le principe d'interdiction des sur-transpositions.
Ce phénomène révèle la déconnexion entre la législation européenne et française. Le projet de loi répond à l'inflation normative qui pénalise l'économie.
Le droit, dans notre monde globalisé, est un élément de notre compétitivité. Il peut créer une force d'inertie qui peut grever notre attractivité. Veillons à limiter les situations dans lesquelles le droit européen entrave la liberté de nos concitoyens. Il faut alléger le fardeau normatif.
Ainsi la volonté de favoriser les productions alimentaires locales se heurte au droit de la concurrence européen. La préservation du principe de subsidiarité est le premier rempart contre l'euroscepticisme. Lorsque la France n'a pas su faire valoir ses objections, la manière de transposer le droit européen est le dernier levier d'action.
Le Conseil d'État a souligné dans son avis que les études d'impact ne permettent pas de comprendre pleinement la portée des mesures dans lesquelles on voit à présent des sur-transpositions. C'est le seul bémol que nous inspire ce texte. Le groupe Les Indépendants soutient le projet de loi mais appelle à renforcer la stratégie d'influence à l'échelle européenne. Il y va de l'intérêt de la France et de l'Union européenne.
Comme le disait le général de Gaulle, « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités ». (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)
M. Alain Richard . - C'est un texte bienvenu. Cela fait bien longtemps que, sur tous nos bancs, on critiquait la sur-transposition. C'est pourtant la première fois qu'un projet de loi est présenté dans ce sens par un Gouvernement. Quelque chose a donc changé. Mesures insuffisantes ? Mais enlever ce qui est en trop est compliqué ! Qui sont les bénéficiaires des sur-transpositions ? Les consommateurs, parfois les acheteurs publics, les épargnants, les investisseurs, les entrepreneurs, l'environnement, la santé. Au fond, chacun d'entre nous a sa sur-transposition favorite, à laquelle il ne veut pas renoncer ! Ce texte est l'objet du travail d'une mission multi-inspections, et, au Sénat, d'une commission spéciale - dont je salue le climat de travail excellent.
Pourquoi avons-nous sur-transposé ? Un projet de loi de sur-transposition est souvent un texte hâtif et tardif - la France est rarement le pays le plus diligent et nous devons souvent transposer de manière accélérée. Beaucoup de transpositions sont issues d'ordonnances - et c'est un des rares partisans des ordonnances dans cette maison qui le souligne ! (Sourires) Les directives sont débattues par 27 démocraties, chacune d'entre elle veille à ses intérêts. Il y a parfois une équivalence approximative des termes juridiques entre les États membres...
Le Sénat, c'est l'un des fondements de son rôle dans le bicamérisme, recherche avec constance la qualité de la loi. Il est logique qu'il s'intéresse de près à ce texte. Il faudra poursuivre cette tâche, dans un aussi bon esprit que ce soir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Guillaume Gontard . - Comme toujours avec ce Gouvernement, il s'agit de lever les contraintes qui pèsent sur les entreprises, conformément au principe exprimé par la circulaire du 26 juillet 2017 : retoucher toujours en nivelant par le bas, vers un moins disant économique, social ou environnemental... La mission inter-inspections a identifié 132 sur-transpositions.
Bien souvent, il ne s'agit pas de sur-transposition, mais de décisions motivées du législateur. Le Conseil d'État regrette que l'étude d'impact ne cherche pas les motifs d'opportunité ayant conduit à prendre de telles décisions.
Les mesures de ce projet de loi relèvent plus du toilettage que d'autre chose - même si certaines ne sont pas anodines.
Revenir en arrière en matière environnementale est à rebours de l'histoire. L'article 139 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) le dit bien, il n'y a pas de sur-transposition dans cette matière, lorsque les États membres veulent prendre des mesures plus protectrices.
Que dire des augmentations des émissions de gaz à effet de serre, en contradiction avec les engagements de la France ? Où est le champion de la Terre ? Nicolas Hulot avait bien compris que votre souci n'est pas là. Vous ne revenez pas sur la sur-transposition qui a consisté à transformer la SNCF en société anonyme...
Nous proposons la suppression de l'article sur les licences ferroviaires. Le prisme de ce projet de loi est l'intérêt privé. Alors que le libéralisme a montré son inefficacité, le Gouvernement s'obstine et poursuit bille en tête. Il privilégie l'Europe de la finance qui maltraite les hommes et les femmes.
Il y a des urgences sociales et écologiques : le temps du Parlement aurait pu être mieux employé. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Angèle Préville applaudit également.)
Mme Laurence Harribey . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce projet de loi se présente comme une réponse à l'excès de normes, à la suite d'un travail d'analyse des motivations des différentes sur-transpositions identifiées.
Nous avons souhaité être constructifs. Nous adhérons à votre objectif d'euro-simplification, condition d'une meilleure adhésion à la construction européenne. Les sur-transpositions ont souvent été accompagnées d'une tendance à rejeter sur l'Union européenne la responsabilité des complexités et des lourdeurs administratives. Commode bouc émissaire...
Les PME et les TPE sont pénalisées par ces sur-transpositions. Nous accompagnons le travail de la commission des affaires européennes dans ce domaine. Nous souscrivons à la démarche proactive exprimée dans l'exposé des motifs. Mais il est important de revenir sur deux volets.
Le texte concerne moins de 27 sur-transpositions, parmi les 132 identifiées par la mission inter-inspections. Madame la ministre, vous distinguez entre trois catégories de sur-transpositions, indiquant vouloir rechercher un équilibre, ce qui signifie implicitement que certaines sur-transpositions sont plus légitimes que d'autres.
C'est là une spécificité française, si on en croit la comparaison réalisée par la commission des affaires européennes entre la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède. Le Conseil d'État regrette que le Gouvernement passe sous silence les motivations des sur-transpositions de même que l'impact de leur suppression.
Deuxième réserve : le Gouvernement veut aborder ce projet de loi sur un plan technique. Or derrière chaque norme, il y a un objectif d'intérêt public. Vous citez la santé, la protection du consommateur - avec le délai de rétraction. Quid de l'information du consommateur en matière de crédit ?
Nos rapporteurs se sont interrogés sur les impacts environnementaux ou sanitaires de certaines suppressions. Nous y ajoutons l'impact social. Nous proposons dès lors des amendements de fond, sur le droit de la consommation ou sur l'information financière. Nous ne comprenons pas, par ailleurs, qu'il soit question du paquet ferroviaire dans ce texte.
Néanmoins nous voulons, au-delà des seuls aspects techniques, favoriser un développement équilibré, une croissance inclusive et durable ; cet objectif donne du sens à ce texte d'euro-simplification. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)
M. Jean-Claude Requier . - Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un millier de directives sont en vigueur, 48 ont été transposées en droit interne en 2017. Mais la nécessité de transposer doit composer avec la nécessité d'intelligibilité de la loi et ne pas aller au-delà.
En effet, lorsque les mesures intéressent les entreprises, elles font peser un risque de concurrence déloyale par un excès de charges administratives, voire engendrent un surcoût.
La circulaire du Premier ministre de juillet 2017 a préconisé la suppression de deux normes pour toute nouvelle créée. « Décomplexifier le droit », « dé-sur-transposer » : peu importe le terme, l'objectif est clair.
En Allemagne, le ministère chargé de transposer doit expliquer les motivations d'une sur-transposition éventuelle. Nous devrions écouter les préconisations de notre commission des affaires européennes.
Le Conseil d'État est conscient de la différence entre sur-transpositions active et passive. Il a ainsi regretté la faiblesse de l'étude d'impact. Quoi qu'il en soit, le groupe RDSE est favorable aux dispositions relatives au droit des sociétés et en matière financière - avec le Brexit, c'est bienvenu. En matière environnementale, la commission a trouvé un bon compromis sur la sortie du statut de déchet. Avec ce type de texte, nous travaillons à réconcilier nos concitoyens avec l'Union européenne.
Les membres du RDSE seront attentifs à ce premier rendez-vous (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM et sur celui de la commission)
M. Daniel Dubois . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce projet de loi pointe différents dispositifs législatifs qui, allant au-delà des directives européennes, complexifient notre droit et posent des difficultés à nos industriels et agriculteurs. Ces sur-transpositions créent une distorsion de concurrence avec nos voisins européens. C'est une double peine qui nuit au pays tout entier.
Dans un pays endetté, la relance passe par la simplification, pour redonner de l'oxygène aux entreprises. Ce texte va dans le bon sens. Certes, nous espérions plus. Notre droit compte bien plus qu'une trentaine de sur-transpositions. Nous ne sommes pas opposés à la mission inter-inspections, qui a effectué un travail important, mais sans grand contact avec l'extérieur ni concertation avec les corps intermédiaires. Seules 27 sur-transpositions sur 132 identifiées figurent dans le projet de loi. Certes, certaines relèvent de l'échelon réglementaire, mais le delta est impressionnant.
Pourquoi un tel projet de loi sur lequel le travail parlementaire et le droit d'amendement sont difficiles ? Des décrets n'auraient-ils pas été plus efficaces ? Le Gouvernement a refusé un projet de loi-cadre sur la programmation pluriannuelle de l'énergie qui aurait davantage mérité un débat parlementaire que ce texte. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Seule une stratégie globale de lutte contre les sur-transpositions répondra réellement aux attentes. La suppression de dispositifs problématiques ne pourra empêcher l'apparition de nouvelles sur-transpositions dans notre droit sans volonté politique forte et pérenne, sans mise en oeuvre institutionnelle. Je n'ose proposer une Agence pour la simplification administrative - même s'il en existe une en Belgique. (Mme la ministre sourit.) Au moins nous aurions un outil, un suivi, une évaluation. Une association plus étroite du Parlement serait bénéfique. Actuellement, nous disposons de très peu de temps pour étudier les transpositions : souvent techniques, elles sont difficiles à repérer.
Les parlementaires sont contraints par l'article 45 de la Constitution sur les cavaliers législatifs. Un travail en amont, approfondi et serein, permettrait d'éviter bien des écueils. Nous regrettons que le Parlement n'ait pas été davantage associé, alors que le Sénat est à l'origine de nombreux travaux sur le sujet et a adopté une proposition de résolution en décembre 2016 sur les normes qui pèsent en matière agricole. Quid des ICPE ou des restrictions sur l'eau ?
Une association des parlements nationaux en amont de la négociation des directives permettrait sans doute une transposition plus apaisée, et préviendrait les futures sur-transpositions.
Le groupe UC votera ce texte, en espérant que nos préconisations ne restent pas, une nouvelle fois, lettre morte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Pascal Allizard . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La France a le privilège douteux de figurer en tête des classements internationaux, qu'il s'agisse de pression fiscale par habitant mais aussi de pression normative. Selon le rapport du Forum économique mondial, la France est au 115e rang sur 140 pour son niveau de charge administrative, avec un stock de 400 000 normes en vigueur ! C'est un handicap trop lourd pour nos entreprises et nos collectivités territoriales, asphyxiées sous le poids des contraintes. Selon la Commission nationale d'évaluation des normes (CNEN), le coût brut à la charge des collectivités territoriales s'élève à 1 milliard d'euros en 2018. Cela obère le développement des territoires, notamment ruraux.
Le Gouvernement ne semble pas prêt à s'attaquer au niveau de la dépense publique ou des prélèvements obligatoires mais affiche un certain volontarisme s'agissant des normes. Certes, il n'est pas le premier à annoncer une réduction de la pression normative, mais ce projet de loi impulse une dynamique certaine.
On reste loin du choc de simplification ou de compétitivité espéré ; au regard du rapport d'information de M. Danesi, le texte du Gouvernement est bien modeste. En 2017, j'avais souligné l'exception française dans la sur-transposition ainsi que la tendance à transposer au dernier moment, ce qui dégrade l'image du droit d'origine communautaire.
Quelle est la plus-value de certaines dispositions ? Le Conseil d'État souligne la faiblesse de l'étude d'impact.
Nous soutenons toutefois cette première étape d'une démarche que nous espérons pérenne et exhaustive. Inspirons-nous du programme REFIT (Regulatory Fitness and Performance Programme) de la Commission européenne et présentons annuellement un stock de sur-transpositions à supprimer. Les obligations réglementaires représentent l'essentiel du boulet. Comme chaque niche fiscale, chaque sur-transposition a son chien de garde, parfois pour des motifs légitimes. C'est pourquoi la dé-sur-transposition suppose la concertation, en associant des acteurs comme la CNEN ou le Conseil national pour la simplification des entreprises.
L'enjeu est majeur pour l'image de l'Union européenne auprès de nos concitoyens qu'ils soient agriculteurs ou chefs d'entreprise. Les contraintes soit disant européennes résultent bien souvent de décisions nationales de sur-transposition !
L'initiative « Mieux légiférer » de la Commission européenne incite les États membres à notifier et à justifier toute sur-transposition. Ces derniers doivent assumer leurs responsabilités. La « faute à Bruxelles » est un argument trop facile, et trop dangereux.
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi et incite le Gouvernement à aller plus loin en s'inspirant des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Yves Bouloux . - La France est championne d'Europe en matière de sur-transpositions injustifiées et pénalisantes qui étendent le champ d'application des directives ou ne permettent pas les dérogations prévues.
Les domaines les plus variés sont touchés. En matière de biodiversité, une directive exige la continuité écologique des cours d'eau, autant dire la libre circulation des poissons dans les eaux européennes : nos administrations imposent donc l'arasement des seuils de nos belles rivières et de leurs charmants moulins. En période de sécheresse, le risque d'assec est réel. C'est paradoxal alors qu'on veut protéger les poissons migrateurs. Cela prouve surtout l'absence de pragmatisme de notre administration.
Je salue le rapport de M. Danesi qui propose que toute sur-transposition susceptible de nuire aux intérêts économiques de la France, de ses entreprises et de ses services doit être écartée.
Participer activement aux négociations européennes semble être une évidence mais ce n'est pas toujours le cas. Il faut une équipe de transposition, une stratégie d'influence, un suivi sérieux. À quand un contrôle systématique du Parlement sur les ordonnances de transposition ? Un organe d'évaluation des impacts et la résorption des sur-transpositions pénalisantes ?
Le choc de simplification annoncé est trop timide. Nous espérons que le Gouvernement ira plus loin. Le Sénat prône une sur-transposition accompagnée et efficace. Je salue le travail des rapporteurs et du président de la commission spéciale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur le banc de la commission)
Mme Élisabeth Lamure . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La semaine dernière, nous avons débattu du préjudice que représentent les sur-transpositions pour les entreprises, à la demande de la délégation aux entreprises, régulièrement interpellée sur le terrain.
Trop d'entreprises françaises souffrent de coûts plus élevés et de délais plus longs. Le rapport de M. Cadic de février 2017, « Simplifier efficacement pour libérer les entreprises », a donné lieu, en juin dernier, à une typologie et une identification des sur-transpositions à revoir.
Nous ne contestons pas toutes les sur-transpositions par principe mais appelons à évaluer leur impact en termes de compétitivité et de garanties pour nos concitoyens.
Ce projet de loi fait apparaitre de nombreuses convergences avec le travail du Sénat sur la commande publique, l'eau ou l'assainissement.
Quels sont les critères retenus par le Gouvernement ? Selon l'exposé des motifs, est proposée la suppression des sur-transpositions qui ne répondent à aucune priorité nationale identifiée. Quelles sont ces priorités ? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour les faire prévaloir ? Comment faire si des marchandises qui ne respectent pas nos normes entrent en concurrence avec des biens fabriqués en France ?
Le travail ne doit pas s'arrêter là, notamment en matière bancaire ou assurantielle, de droit du travail ou de fiscalité énergétique. Le Gouvernement devra veiller aux sur-transpositions d'origine réglementaire. Le 29 octobre, avec Jean Bizet et René Danesi, nous avons déposé une proposition de résolution européenne proposant de revenir sur certaines sur-transpositions qui pèsent sur la compétitivité nationale. Le Parlement, qui n'a pas les cartes en main pour les résorber, sera très attentif à la réponse du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur le banc de la commission)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - Le vote sur les huit articles faisant l'objet d'une PLEC est réservé.
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°5 rectifié quater, présenté par MM. Raison, Perrin, Vaspart et Buffet, Mme M. Mercier, MM. Pillet et Maurey, Mmes Doineau et Deroche, M. Cornu, Mmes Morhet-Richaud et Vullien, MM. Sol et Daubresse, Mmes Garriaud-Maylam, Micouleau et Deromedi, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Bazin et Kern, Mme Berthet, MM. D. Laurent et H. Leroy, Mmes Procaccia et Sollogoub, MM. Bouchet et Laménie, Mme Bories, M. de Nicolaÿ, Mmes Gruny et Bruguière, MM. Delcros et Pierre, Mme Goy-Chavent, M. Cuypers, Mmes Chauvin et Imbert, MM. Priou, Janssens, Darnaud, Genest et Moga, Mme A.M. Bertrand, M. Revet, Mmes Deseyne et Gatel et M. Longeot.
Supprimer cet article.
M. Michel Raison. - Je félicite le Gouvernement pour cette initiative. Cet amendement corrige une erreur.
Nous souhaitons tous supprimer les sur-transpositions qui grèvent la compétitivité de nos entreprises.
L'obligation d'utiliser des polices de caractère plus importantes pour certaines informations d'une publicité pour un crédit à la consommation, ou de les faire figurer sous forme d'encadré, ne saurait apparaître comme des contraintes insurmontables. Cela n'entraîne ni problème financier, ni distorsion de concurrence, et protège les consommateurs.
Rapporteur de la loi Chatel, j'avais fait adopter des amendements sur les produits bancaires pour protéger les consommateurs : en sécurité, ils consomment mieux.
M. le président. - Amendement identique n°7, présenté par M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Mme Laurence Harribey. - La protection du consommateur en matière de crédit revolving est importante. Cette protection découle de la loi Lagarde de 2010 et encadre la publicité du crédit à la consommation, sans pénaliser les établissements de crédit, depuis qu'elle est appliquée.
M. Olivier Cadic, rapporteur. - Avis défavorable. J'approuve globalement ces simplifications en matière de droit de la consommation, qui répondent à une demande des entreprises.
Il s'agit bien d'une sur-transposition, ces dispositions n'étant nullement exigées par la directive de 2008. Les modifications proposées par le projet de loi sont mineures : réduction de la taille de la police ou suppression d'un encadré. Toutes les informations essentielles sur le coût du crédit sont maintenues. Il n'est pas avéré que les dispositions actuelles aient un effet sur le comportement du consommateur en matière d'appréhension du risque. Il n'y a pas lieu d'interdire la mention d'un remboursement différé, qui ne constitue pas une offre illicite. C'est une information du consommateur.
Cet article est un premier pas dans la dé-sur-transposition et correspond aux attentes des entreprises.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Les obligations imposées aux annonceurs vont au-delà des exigences fixées par la directive et n'ont aucune valeur ajoutée en termes de protection des consommateurs.
Le projet de loi rétablit la situation antérieure concernant la police de caractère en assouplissant les contraintes. L'encadré n'apporte aucune information essentielle au consommateur, mais se contente de répéter des informations qui figurent ailleurs.
Enfin, sur la franchise de remboursement, pourquoi s'interdire de communiquer sur une pratique légale, qui peut être favorable au consommateur ?
M. Michel Raison. - Si la sur-transposition devient une religion dogmatique, ce que je ne souhaite pas, la loi est très incomplète ! Je pense notamment aux installations classées...
Le but est de ne pas mettre en difficulté nos entreprises qui sont en concurrence avec des entreprises étrangères. Ce n'est pas le cas ici, puisque la règle s'applique à toutes les banques, y compris étrangères. J'ai obtenu dans la loi Chatel que les tarifs bancaires soient transmis chaque année à leurs clients - cela dérangeait les établissements, bien sûr. Ils ont dû vous le signifier dans ce cas aussi... Pourtant, informer correctement le consommateur ne leur coûte pas un centime de plus ! J'encourage vivement mes collègues à voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
M. Didier Marie. - M. Raison porte bien son nom, dans sa grande sagesse. (Sourires)
Élus communaux, nous sommes nombreux à avoir constaté dans les CCAS les dégâts du surendettement. Comment le juguler ? En répétant encore et toujours nos avertissements. Les effets positifs de la loi de 2010 se sont fait sentir. Nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jacques Bigot. - Ne pas voter cet amendement serait un mauvais signe pour la protection des consommateurs, qui est assez complète en France - et cela depuis 1978. Les directives visent à harmoniser, pas à réduire la protection des consommateurs !
Lorsque je constate qu'il y a moins de 20 % de surendettés liés aux crédits, je me félicite que nous ayons fait tous ces efforts d'information.
Les amendements identiques nos5 rectifié quater et 7 sont adoptés et l'article premier est supprimé.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur certains bancs des groupes RDSE et UC)
ARTICLE 1ER BIS
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
Mme Laurence Harribey. - Cet article, ajouté en commission, supprime l'obligation faite au prêteur, en matière de crédit renouvelable, de procéder à une vérification complète de la solvabilité de l'emprunteur tous les trois ans, introduite par la loi du 1er juillet 2010.
Le contrôle tous les trois ans de la solvabilité des ménages ayant souscrit un crédit renouvelable est une mesure de responsabilisation des établissements de crédit et de prévention du surendettement.
M. le président. - Amendement identique n°30 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.
M. Alain Richard. - La suppression d'un dispositif qui freine le surendettement rendra-t-elle notre économie plus dynamique ? Lors de la loi Lagarde de 2010, la création d'un fichier pour détecter les situations de surendettement avait fait l'objet d'un débat, vertueux contre vertueux.
L'obligation faite au prêteur de réviser tous les trois ans la solvabilité des emprunteurs a permis de réduire le nombre de cas de surendettement liés à ce type de crédit. Cela ne fait pas double emploi, monsieur le rapporteur. Toute suppression de sur-transposition apparente mérite une analyse approfondie ; en l'espèce, elle conduit à supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOCR ; M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Olivier Cadic, rapporteur. - L'obligation que l'article premier bis propose de supprimer constitue bien une sur-transposition : dans la directive, la vérification de la solvabilité de l'emprunteur n'est exigée qu'avant la souscription du crédit et à chaque augmentation significative du montant. Selon une enquête de la direction générale du Trésor, cette obligation est perçue comme une source de blocage générant l'incompréhension des emprunteurs, souvent non coopératifs.
La consultation du fichier des incidents de paiement de la Banque de France représente déjà un contrôle obligatoire, s'il y a risque d'insolvabilité. Les entreprises se sont plaintes du coût que représente cette sur-transposition. Avis défavorable.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Avis défavorable à l'article premier bis et donc avis favorable aux amendements de suppression. La prévention du surendettement exige cette obligation de vérification introduite en 2010. Le crédit renouvelable s'inscrivant dans la durée, la révision triennale est indispensable.
Plusieurs études de la Banque de France le montrent, le fichier sur les incidents de paiement ne suffit pas. La Commission européenne s'y intéresse enfin dans le cadre de la révision de la directive actuellement en cours. La Cour des comptes, du reste, recommande de renforcer la vérification de la solvabilité de l'emprunteur.
M. Rachid Temal. - On voit que la prévention du surendettement est une préoccupation sur tous les bancs. On ne parle pas là de PME mais de gros établissements financiers. Nous pouvons donc voter ces amendements de suppression - l'obligation d'informer n'est pas une contrainte insupportable pour ces établissements.
M. Claude Bérit-Débat. - Monsieur le rapporteur, si vous aviez, comme maire, connu des cas de surendettement, vous changeriez votre vision des choses : le coût pour les entreprises ne pèse pas très lourd face de la détresse des surendettés sur lesquels les maires sont sollicités.
Ne pas obliger ces personnes à réexaminer leur situation tous les trois ans est une régression. Cela mène parfois au suicide tant les sommes peuvent être importantes. Des gens peuvent ainsi emprunter jusqu'à 200 000 euros, disparaître, et laisser leur dette en héritage... L'obligation légale protège. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. Olivier Cadic, rapporteur. - La lutte contre le surendettement ne repose pas sur cette seule mesure. La Cour des comptes préconise même le renforcement de l'analyse préalable à l'emprunt. C'est au Gouvernement de prendre ses responsabilités en la matière sans se défausser sur les acteurs privés. La vérification triennale est d'une portée de moins en moins importante, depuis que la loi de 2014 a permis la suspension des remboursements après un an d'inactivité. La vérification, ensuite, repose sur un questionnaire dont le taux de retour n'est pas satisfaisant.
Je suis déçu par votre position, madame la ministre. La suppression de cet article serait un bien mauvais signal. La simplification de la vie des entreprises est attendue. Il serait préférable de se concentrer sur des mesures ciblées pour être efficaces.
Les amendements identiques nos8 et 30 ne sont pas adoptés.
L'article premier bis est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par MM. Raison, Perrin, Vaspart, Cornu, Buffet, Maurey, Pillet et Moga, Mmes M. Mercier, Deroche, Gruny et Morhet-Richaud, M. Cuypers, Mme Bruguière, M. Delcros, Mmes Goy-Chavent, Vullien et Doineau, MM. de Nicolaÿ et Sol, Mme Garriaud-Maylam, M. Daubresse, Mmes Micouleau et Deromedi, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Bazin et Kern, Mme Berthet, MM. D. Laurent et H. Leroy, Mmes Procaccia et Bories, MM. Laménie et Bouchet, Mme Sollogoub, M. Pierre, Mmes Imbert et Chauvin, MM. Priou, Janssens, Darnaud et Genest, Mme A.M. Bertrand, M. Revet, Mmes Deseyne et Gatel et M. Longeot.
Supprimer cet article.
M. Michel Raison. - Même argumentation pour le délai de réflexion de dix jours. Nous avons tous rencontré des gens en plein désarroi ou des suicides...
Attention, ne profitons pas du texte censé aider les entreprises - on reste loin du compte en la matière - pour affaiblir les plus fragiles.
M. le président. - Amendement identique n°9, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.
Mme Laurence Harribey. - Mêmes raisons que M. Raison. L'étude d'impact ne dit rien des retombées attendues de cette mesure. Rappeler aux ménages les conditions d'un crédit immobilier reste essentiel, avec ces informations pédagogiques et intelligibles pour les consommateurs - et n'oublions pas que les entreprises ont une responsabilité sociale.
M. Olivier Cadic, rapporteur. - L'article 2 supprime l'obligation de mentionner dans les publicités l'existence du délai de dix jours ; c'est une sur-transposition de la directive de 2014, comme notre collègue Danesi l'avait noté. C'est dans la communication précontractuelle que ces informations sont les plus utiles - et elles y figurent. Avis défavorable.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Même avis défavorable. Ces obligations sont coûteuses et n'apportent rien. Le délai de réflexion est maintenu et l'emprunteur en a forcément connaissance, grâce à l'information précontractuelle. Ensuite, quand bien même l'information n'est plus obligatoire - elle ne concerne pas, d'ailleurs, le prêteur, mais les relations entre le vendeur et l'acheteur -, le délai reste inchangé et l'emprunteur en est informé préalablement à l'emprunt. Cette information, du reste, n'est pas de nature à dissuader d'emprunter, donc éventuellement de se surendetter...
Comme le disait Alain Richard, chacun est contre les sur-transpositions en général, mais, dès les tout premiers articles de ce texte, on me propose de conserver des sur-transpositions, tout en prétendant qu'il y en aurait d'autres à supprimer...
M. Michel Raison. - Ne confondons pas les entreprises qui souffrent de la sur-transposition et la suppression des protections du consommateur. Si vous expliquez cela devant une salle rurale de 60 personnes, vous serez mise dehors, madame la ministre : personne ne vous comprendra - en tout cas, moi je ne vous comprends pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; Mme Michèle Vullier, MM. Jérôme Bascher et Laurent Duplomb applaudissent également.)
M. Olivier Cadic, rapporteur. - Mon cher collègue, je ne comprends pas votre attitude. Sur 27 sur-transpositions, j'ai 13 amendements de suppression. Nous avons travaillé dans cette commission spéciale. Ces débats sont surréalistes. On passe de la raison à la déraison. (Sourires ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Claude Bérit-Débat. - Nous sommes donc des idiots ?
M. Daniel Gremillet. - Madame la ministre, vos propos m'obligent à intervenir maintenant. De nombreux membres de la commission spéciale ont été frustrés. Nous évoquons souvent la sur-transposition, qui pénalise l'économie, la vie de nos entreprises, mais ce texte en reste à l'accessoire. Les sénateurs ont été privés d'un vrai débat sur ce fait avéré, qui pèse sur notre économie.
J'avais respecté mon vote en commission spéciale sur l'amendement de M. Raison, mais ce n'est plus possible. Nous nous égarons, et nous nous éloignons de notre rôle de parlementaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
Les amendements identiques nos6 rectifié quater et 9 sont adoptés.
L'article 2 est supprimé.
Les articles 3 et 4 sont réservés.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°39, présenté par M. Cadic, au nom de la commission.
I. - Alinéa 14
1° Première phrase
Remplacer les mots :
que seule une présentation simplifiée de leur
par les mots :
qu'une présentation simplifiée du
2° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans ce cas, la présentation du bilan et de son annexe comporte la mention de son caractère simplifié.
II. - Alinéa 17
1° Première phrase
Remplacer les mots :
le bilan n'est pas accompagné
par les mots :
les documents rendus publics ne sont pas accompagnés
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
Il comporte
par les mots :
Ils comportent
M. Olivier Cadic, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°39 est adopté.
L'article 5, ainsi modifié, est adopté.
ARTICLE 6
M. Jacques Bigot . - Cet article ne supprime pas une sur-transposition car la directive concernée vise à garantir le libre choix de l'avocat dans le cadre de la protection juridique proposée par les compagnies d'assurance. Avant cette directive, l'assureur, dans le cadre de la protection juridique, proposait à son assuré une liste d'avocats auxquels il pouvait s'adresser, en connaissant d'avance le tarif - ce qui était un avantage considérable étant donné que le tarif des avocats n'est pas public. Or le libre choix de l'avocat est un principe fondamental ; c'est pour le garantir que la directive a interdit ces pratiques.
Les compagnies d'assurance veulent faire comme avec les carrossiers agréés : elles vous communiquent des carrossiers qu'elles paieront directement. Quand votre voiture est cassée, c'est la qualité de la réparation qui compte ; mais dans un procès, c'est la confiance entre l'assuré et son avocat qui est primordiale.
Or l'assurance veut d'abord faire une médiation avant de recourir en justice. Ainsi, un assureur pourrait signer une convention avec l'avocat - on le comprend à la lecture de l'étude d'impact. Cet article ne supprime donc pas une sur-transposition, mais une mesure qui a précisément pour objectif de faire appliquer la directive pour garantir le libre choix de l'avocat dans le cadre de la protection juridique.
M. le président. - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Reichardt et Mme Keller.
Supprimer cet article.
M. André Reichardt. - Cet amendement supprime l'article 6, qui supprime l'interdiction faite à l'assureur de protection juridique d'intervenir dans la négociation des honoraires entre l'assuré et l'avocat qu'il choisit. Cette suppression est motivée par le fait que cette interdiction ne serait pas prévue par la directive du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance.
Or les articles L. 127-5-1 du code des assurances et L. 224-5-1 du code de la mutualité, visés par cet article 6, résultent de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique. Une loi de 2007 ne saurait donc sur-transposer une directive...de 2009.
De plus, la présence de l'assureur aux côtés de l'assuré lors de la négociation des honoraires de l'avocat va remettre en cause le libre choix de l'avocat reconnu par la directive « Solvabilité 2 ». La compagnie d'assurance pourra indiquer à l'assuré que s'il choisit tel avocat, avec lequel elle a un accord, les honoraires qu'elle acceptera d'avancer seront intégralement pris en charge. L'assuré sera alors fortement incité à choisir l'avocat ainsi désigné par son assureur, renonçant ainsi à son droit de choisir librement son avocat, allant à l'encontre d'un principe cardinal consacré par la Cour de Justice de l'Union européenne.
M. le président. - Amendement identique n°32 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Roux et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Le Gouvernement souhaite revenir sur l'interdiction, pour les assureurs, d'intervenir dans la négociation des honoraires entre l'assuré et l'avocat qu'il choisit dans le cadre de la mise en oeuvre d'un contrat d'assurance de protection juridique.
Cependant, cette interdiction a été introduite en droit interne par la loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de la protection juridique, soit deux ans avant la directive précitée. Il ne s'agit donc pas d'une sur-transposition, mais d'une volonté antérieure du législateur de respecter le principe de libre détermination des honoraires entre l'avocat et son client.
Les assureurs pourraient former des ententes entre compagnies, prohibées par le droit européen. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. Olivier Cadic, rapporteur. - La commission spéciale a approuvé l'article 6, opportun sur le fond. Rien n'obligeait cette interdiction, qui constitue une sur-transposition. Cet article ne remet pas en cause la liberté de choisir son avocat, consacrée par le droit européen et l'article L.127-3 du code des assurances.
L'assuré reste toujours libre de son choix, et rien n'indique que les frais dépasseront le seuil de l'assurance.
Certains avocats étaient opposés à cette mesure et nous en ont fait part. Je suis très gêné lorsque des parlementaires avocats ou ayant des liens avec des avocats n'expriment pas publiquement un potentiel conflit d'intérêt... (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR)
M. Claude Bérit-Débat. - Et quand on est chef d'entreprise, c'est différent ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Avis défavorable. L'interdiction prive les consommateurs d'éventuels tarifs compétitifs obtenus par les compagnies d'assurance en position d'acheteur en gros. Les associations de consommateurs nous ont soutenus. Le principe de libre choix de l'avocat, de la détermination des honoraires restent garantis, de même que le secret professionnel.
Le client assuré pourra toujours recourir soit à un avocat choisi par lui, soit à un avocat proposé par sa compagnie d'assurances - et il pourra tout autant négocier le tarif avec l'avocat proposé par l'assureur.
La loi était antérieure à la directive, mais nous luttons contre l'inertie juridique qui a conduit à ne pas adapter notre droit à la directive.
M. le président. - Je lèverai la séance après le vote de ces deux amendements.
M. Rachid Temal. - Je ne suis pas avocat et suis surpris du propos de notre rapporteur, qui laisse supposer qu'il y ait des non-dits... C'est notre rôle de prendre position, nous sommes législateurs : tenons-nous en-là ! Le système d'agrément posera problème sur le libre choix.
M. Alain Richard. - En vertu de nos règles déontologiques, je ne prendrai pas part au vote sur l'article 6.
M. André Reichardt. - Madame la ministre, vous dites que l'assuré pourra choisir librement et, même, négocier le tarif avec l'avocat qui lui aura proposé son assurance. Croyez-vous vraiment qu'il en ira ainsi en réalité ? Dans la vraie vie, l'assuré va accepter la proposition de son assureur, souvent parce qu'il ne connaît pas d'autre avocat, mais aussi parce qu'il craindra que son assureur lui refuse une couverture ultérieure. J'insiste : cet article 6 porte une atteinte au libre choix de l'avocat et de la détermination des honoraires.
M. Jacques Bigot. - Je n'ai jamais tu ma profession ; je suis désormais avocat honoraire - par définition, cela signifie que je n'en reçois plus ! (Sourires)
Il est vrai que les tarifs ne sont pas publics, des tentatives dans ce sens ont échoué. Il y a un vrai problème de l'assurance de protection juridique, mais l'article 6 ne règlera pas ce problème de fond. Madame la ministre, vous devriez en référer à Mme Belloubet... Il faudrait en débattre dans un texte ad hoc... mais je n'oserais pas faire une telle proposition de loi, de peur de me voir reprocher un conflit d'intérêt...
Les amendements identiques nos29 rectifié et 32 rectifié sont adoptés.
L'article 6 est supprimé.
M. le président. - Il reste 18 amendements à examiner.
Prochaine séance, aujourd'hui, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit dix.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mercredi 7 novembre 2018
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Catherine Troendlé, vice-présidente M. David Assouline, vice-président
Secrétaires : M. Dominique de Legge Mme Mireille Jouve
Suite du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (procédure accélérée) (n°10, 2018-2019)
Rapport de Mme Marta de Cidrac et M. Olivier Cadic, fait au nom de la commission spéciale (n°96, 2018-2019)
Texte de la commission (n°97, 2018-2019).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°8 sur la motion n°1, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly au nom de la commission de la culture, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la lutte contre la manipulation de l'information.
Résultat du scrutin :
Nombre de votants : 342
Suffrages exprimés : 320
Pour : 289
Contre : 31
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques :
Groupe Les Républicains (146)
Pour : 145
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat
Groupe SOCR (73)
Pour : 72
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Hélène Conway-Mouret, présidente de séance
Groupe UC (51)
Pour : 51
Groupe du RDSE (23)
Abstentions : 22
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Didier Guillaume, membre du Gouvernement
Groupe LaREM (22)
Contre : 22
Groupe CRCE (16)
Pour : 16
Groupe Les Indépendants (11)
Pour : 2 - MM. Alain Marc, Dany Wattebled
Contre : 9
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Gérard Collomb, Jean Louis Masson, Stéphane Ravier.
Scrutin n°9 sur la motion n°1, présentée par M. Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la lutte contre la manipulation de l'information.
Résultat du scrutin :
Nombre de votants : 342
Suffrages exprimés : 320
Pour : 289
Contre : 31
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques :
Groupe Les Républicains (146)
Pour : 145
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat
Groupe SOCR (73)
Pour : 72
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Hélène Conway-Mouret, présidente de séance
Groupe UC (51)
Pour : 51
Groupe du RDSE (23)
Abstentions : 22
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Didier Guillaume, membre du Gouvernement
Groupe LaREM (22)
Contre : 22
Groupe CRCE (16)
Pour : 16
Groupe Les Indépendants (11)
Pour : 2 - MM. Alain Marc, Dany Wattebled
Contre : 9
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Gérard Collomb, Jean Louis Masson, Stéphane Ravier.