Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Le président de la République a fixé au Gouvernement l'objectif de simplifier et de limiter la production normative pour plus de pouvoir d'achat, d'efficacité des services publics, de compétitivité. Le Premier ministre s'est saisi du sujet dès juillet 2017. Le présent projet de loi s'inscrit dans une démarche de simplification, au service de nos concitoyens et des entreprises. La simplification, ce n'est pas uniquement supprimer des normes inutiles, c'est parfois compléter le droit existant si l'ajout se traduit par un allègement des contraintes.

Le Parlement partage cet objectif. Deux rapports ont été produits récemment, dont celui du président Danesi, au nom de la commission des affaires européennes et la délégation aux entreprises. Ces travaux ont largement inspiré la philosophie du projet de loi.

Je connais la vigilance du Sénat sur les sur-transpositions. Il était légitime que votre Haute Assemblée soit saisie en premier.

La circulaire du Premier ministre de juillet 2017 a posé deux principes : l'arrêt de toute sur-transposition non justifiée par un choix politique assumé ; et le lancement d'une évaluation du stock de sur-transpositions, pour les alléger.

Cette démarche n'est pas inédite. Le Royaume-Uni a adopté en 2013 un guide, Comment transposer efficacement les directives européennes, pour minimiser les charges sur les entreprises. En Allemagne, le Conseil fédéral de contrôle des normes rend un avis sur chaque texte.

Le Gouvernement a retenu une acception large de la sur-transposition. Il inclut dans cette catégorie toute mesure de transposition instaurant une exigence plus contraignante que celle résultant de l'application d'une directive ; ne pas utiliser des possibilités de dérogation ou d'exonération, ne pas mettre ou non en oeuvre des options ouvertes par la directive peuvent également constituer une sur-transposition, si la conséquence en est de soumettre les entreprises à des contraintes plus importantes.

En revanche, chaque fois qu'une sur-transposition résulte d'un choix politique, par exemple pour une meilleure protection de l'environnement, pour la sécurité, la protection sanitaire ou sociale, elle a été maintenue. En effet il ne s'agit pas de rogner sur la faculté des États membres à user des marges de manoeuvre offertes pour atteindre des objectifs nationaux bien définis.

Le Gouvernement a tenu compte des négociations en cours sur les projets de directive : lorsqu'il est plausible qu'un texte européen s'aligne sur une norme française plus ambitieuse, la cohérence de notre démarche d'influence impose de préserver cette norme.

Un travail inédit d'identification a été réalisé par une mission de six inspections, qui a consulté très largement les entreprises, les fédérations professionnelles, les associations d'élus locaux, les partenaires sociaux. Le champ retenu ici comprend les mesures touchant directement les citoyens et les entreprises : 132 mesures législatives allant au-delà des prescriptions européennes ont été identifiées. Elles ont été classées en trois catégories : les mesures ne représentent pas de vraies sur-transpositions, les mesures à maintenir pour atteindre des objectifs plus ambitieux - le paquet de cigarettes neutre, l'interdiction d'exploitation d'hydrocarbures, la durée du congé maternité, le maintien du délai de rétractation de huit jours pour les emprunteurs - et enfin, les sur-transpositions injustifiées, que le Gouvernement propose de supprimer.

Dans certains cas, cela se fera à l'occasion de la transposition de futures directives, ou dans les projets de loi Pacte ou états généraux de l'alimentation. Une centaine de mesures sont d'ordre réglementaire.

Je n'entrerai pas ici dans le détail des trente mesures proposées, relevant de neuf domaines : droit de la consommation, droit des sociétés, services financiers, commande publique, communications électroniques, environnement, transports, agriculture et culture. Plusieurs articles ont été examinés selon la procédure de législation en commission (LEC).

Je salue le travail des rapporteurs Cadic et de Cidrac et la pertinence de leurs amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français .  - Les sur-transpositions minent la compétitivité de nos entreprises, ajoutant contraintes et coûts supplémentaires. Il est crucial de supprimer les obstacles que nous imposons à nos propres entreprises, en nous interrogeant chaque fois : y a-t-il sur-transposition ? La contrainte peut-elle être justifiée par un impératif ? N'y a-t-il pas un autre moyen pour le satisfaire ? Certaines contraintes sont le résultat de transpositions erronées. Parfois, le droit interne et le droit européen sont empilés. Parois encore, c'est le Parlement lui-même qui n'a pas pris la mesure des ajustements nécessaires pour ne pas compliquer la vie des entreprises.

Le chapitre premier identifie treize domaines de sur-transposition en matière industrielle, financière, et consommation. La commission spéciale a engagé un dialogue constructif avec le Gouvernement. Ainsi, elle a approuvé la réduction des contraintes formelles pesant sur la publicité en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier. Elle a supprimé des obligations des syndics en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, l'obligation de consultation des actionnaires d'établissements bancaires ou financiers sur la rémunération globale des preneurs de risque, l'obligation de déclaration des opérateurs de télécommunications électroniques auprès de l'autorité de régulation.

La commission spéciale a enrichi le texte de nouvelles mesures, supprimant l'obligation triennale de solvabilité pour le crédit à la consommation, relevant au maximum le seuil de définition des petites entreprises, étendant aux microentreprises les formalités allégées de publication du rapport des commissaires aux comptes. La LEC a concerné l'article 4 sur la fusion et l'absorption des sociétés anonymes, afin d'assurer leur conformité au droit européen. La commission a adopté conforme l'article 10 ainsi que l'article 13.

Nous regrettons le caractère par trop parcellaire du texte, et des mesures par trop cosmétiques, comme sur le droit à la consommation. Au regard des 132 mesures du rapport inter-inspections, des 75 propositions du rapport Danesi, les 30 mesures présentées ici sont bien limitées. Philippe Dominati et Daniel Dubois avaient proposé des simplifications sur le travail de nuit que nous n'avons pas pu retenir, en raison d'une application très scrupuleuse des irrecevabilités. J'y aurais souscrit si le champ du texte n'était si restreint... Madame la ministre, il faut manifestement poursuivre cette démarche. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français .  - De nombreux membres de la commission spéciale sont déçus par la modestie du champ couvert. Néanmoins je me félicite que l'on progresse sur ce sujet !

Nous avons examiné des mesures concrètes. Je me suis fixé deux principes : vérifier à chaque article si les mesures relèvent de sur-transpositions ; veiller à la cohérence des mesures proposées par rapport aux ambitions affichées, car il ne serait pas honnête de les présenter pour autre chose que ce qu'elles sont. J'attire votre attention sur la faiblesse de l'étude d'impact.

Je me suis centrée sur les domaines de l'environnement, l'eau et la santé humaine, et le transport ferroviaire.

Les articles 24 à 27 sur l'agriculture et la culture ont fait l'objet d'une procédure de législation en commission (LEC). Je n'y reviendrai pas.

La commission spéciale a procédé à une modification de forme à l'article 14 et à une modification de fond à l'article 15 afin de permettre à davantage d'entreprises, notamment du secteur social et solidaire, de profiter de la sortie du statut de déchet.

Elle a modifié considérablement l'article 5 qui supprimait la condition de traitement par une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) ou au titre de la loi sur l'eau pour la sortie du statut de déchet. Elle a maintenu le traitement dans une installation autorisée, mais en élargissant les dérogations.

L'article 16 ouvrant de nouvelles dérogations à l'interdiction de chasse des oiseaux migrateurs est maintenu, mais je reste réservée sur la plus-value qu'il y a à l'inclure dans un tel projet de loi.

Les articles 19 à 23 sur le transport ferroviaire complètent la directive de 2012, améliorant l'accès aux infrastructures, mais autorisant les États membres à exclure de ces règles certaines portions du réseau ou certaines entreprises. Ces articles allègent les contraintes. La commission spéciale a seulement adopté des amendements rédactionnels sur ces articles.

D'autres projets de loi sont-ils envisagés pour alléger le stock et aussi le flux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Pierre Decool .  - Le projet de loi supprime de nombreux cas de sur-transpositions, initiative louable. L'Allemagne, la Suède, l'Italie ont adopté le principe d'interdiction des sur-transpositions.

Ce phénomène révèle la déconnexion entre la législation européenne et française. Le projet de loi répond à l'inflation normative qui pénalise l'économie.

Le droit, dans notre monde globalisé, est un élément de notre compétitivité. Il peut créer une force d'inertie qui peut grever notre attractivité. Veillons à limiter les situations dans lesquelles le droit européen entrave la liberté de nos concitoyens. Il faut alléger le fardeau normatif.

Ainsi la volonté de favoriser les productions alimentaires locales se heurte au droit de la concurrence européen. La préservation du principe de subsidiarité est le premier rempart contre l'euroscepticisme. Lorsque la France n'a pas su faire valoir ses objections, la manière de transposer le droit européen est le dernier levier d'action.

Le Conseil d'État a souligné dans son avis que les études d'impact ne permettent pas de comprendre pleinement la portée des mesures dans lesquelles on voit à présent des sur-transpositions. C'est le seul bémol que nous inspire ce texte. Le groupe Les Indépendants soutient le projet de loi mais appelle à renforcer la stratégie d'influence à l'échelle européenne. Il y va de l'intérêt de la France et de l'Union européenne.

Comme le disait le général de Gaulle, « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités ». (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)

M. Alain Richard .  - C'est un texte bienvenu. Cela fait bien longtemps que, sur tous nos bancs, on critiquait la sur-transposition. C'est pourtant la première fois qu'un projet de loi est présenté dans ce sens par un Gouvernement. Quelque chose a donc changé. Mesures insuffisantes ? Mais enlever ce qui est en trop est compliqué ! Qui sont les bénéficiaires des sur-transpositions ? Les consommateurs, parfois les acheteurs publics, les épargnants, les investisseurs, les entrepreneurs, l'environnement, la santé. Au fond, chacun d'entre nous a sa sur-transposition favorite, à laquelle il ne veut pas renoncer ! Ce texte est l'objet du travail d'une mission multi-inspections, et, au Sénat, d'une commission spéciale - dont je salue le climat de travail excellent.

Pourquoi avons-nous sur-transposé ? Un projet de loi de sur-transposition est souvent un texte hâtif et tardif - la France est rarement le pays le plus diligent et nous devons souvent transposer de manière accélérée. Beaucoup de transpositions sont issues d'ordonnances - et c'est un des rares partisans des ordonnances dans cette maison qui le souligne ! (Sourires) Les directives sont débattues par 27 démocraties, chacune d'entre elle veille à ses intérêts. Il y a parfois une équivalence approximative des termes juridiques entre les États membres...

Le Sénat, c'est l'un des fondements de son rôle dans le bicamérisme, recherche avec constance la qualité de la loi. Il est logique qu'il s'intéresse de près à ce texte. Il faudra poursuivre cette tâche, dans un aussi bon esprit que ce soir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission)

M. Guillaume Gontard .  - Comme toujours avec ce Gouvernement, il s'agit de lever les contraintes qui pèsent sur les entreprises, conformément au principe exprimé par la circulaire du 26 juillet 2017 : retoucher toujours en nivelant par le bas, vers un moins disant économique, social ou environnemental... La mission inter-inspections a identifié 132 sur-transpositions.

Bien souvent, il ne s'agit pas de sur-transposition, mais de décisions motivées du législateur. Le Conseil d'État regrette que l'étude d'impact ne cherche pas les motifs d'opportunité ayant conduit à prendre de telles décisions.

Les mesures de ce projet de loi relèvent plus du toilettage que d'autre chose - même si certaines ne sont pas anodines.

Revenir en arrière en matière environnementale est à rebours de l'histoire. L'article 139 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) le dit bien, il n'y a pas de sur-transposition dans cette matière, lorsque les États membres veulent prendre des mesures plus protectrices.

Que dire des augmentations des émissions de gaz à effet de serre, en contradiction avec les engagements de la France ? Où est le champion de la Terre ? Nicolas Hulot avait bien compris que votre souci n'est pas là. Vous ne revenez pas sur la sur-transposition qui a consisté à transformer la SNCF en société anonyme...

Nous proposons la suppression de l'article sur les licences ferroviaires. Le prisme de ce projet de loi est l'intérêt privé. Alors que le libéralisme a montré son inefficacité, le Gouvernement s'obstine et poursuit bille en tête. Il privilégie l'Europe de la finance qui maltraite les hommes et les femmes.

Il y a des urgences sociales et écologiques : le temps du Parlement aurait pu être mieux employé. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Angèle Préville applaudit également.)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce projet de loi se présente comme une réponse à l'excès de normes, à la suite d'un travail d'analyse des motivations des différentes sur-transpositions identifiées.

Nous avons souhaité être constructifs. Nous adhérons à votre objectif d'euro-simplification, condition d'une meilleure adhésion à la construction européenne. Les sur-transpositions ont souvent été accompagnées d'une tendance à rejeter sur l'Union européenne la responsabilité des complexités et des lourdeurs administratives. Commode bouc émissaire...

Les PME et les TPE sont pénalisées par ces sur-transpositions. Nous accompagnons le travail de la commission des affaires européennes dans ce domaine. Nous souscrivons à la démarche proactive exprimée dans l'exposé des motifs. Mais il est important de revenir sur deux volets.

Le texte concerne moins de 27 sur-transpositions, parmi les 132 identifiées par la mission inter-inspections. Madame la ministre, vous distinguez entre trois catégories de sur-transpositions, indiquant vouloir rechercher un équilibre, ce qui signifie implicitement que certaines sur-transpositions sont plus légitimes que d'autres.

C'est là une spécificité française, si on en croit la comparaison réalisée par la commission des affaires européennes entre la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède. Le Conseil d'État regrette que le Gouvernement passe sous silence les motivations des sur-transpositions de même que l'impact de leur suppression.

Deuxième réserve : le Gouvernement veut aborder ce projet de loi sur un plan technique. Or derrière chaque norme, il y a un objectif d'intérêt public. Vous citez la santé, la protection du consommateur - avec le délai de rétraction. Quid de l'information du consommateur en matière de crédit ?

Nos rapporteurs se sont interrogés sur les impacts environnementaux ou sanitaires de certaines suppressions. Nous y ajoutons l'impact social. Nous proposons dès lors des amendements de fond, sur le droit de la consommation ou sur l'information financière. Nous ne comprenons pas, par ailleurs, qu'il soit question du paquet ferroviaire dans ce texte.

Néanmoins nous voulons, au-delà des seuls aspects techniques, favoriser un développement équilibré, une croissance inclusive et durable ; cet objectif donne du sens à ce texte d'euro-simplification. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)

M. Jean-Claude Requier .  - Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un millier de directives sont en vigueur, 48 ont été transposées en droit interne en 2017. Mais la nécessité de transposer doit composer avec la nécessité d'intelligibilité de la loi et ne pas aller au-delà.

En effet, lorsque les mesures intéressent les entreprises, elles font peser un risque de concurrence déloyale par un excès de charges administratives, voire engendrent un surcoût.

La circulaire du Premier ministre de juillet 2017 a préconisé la suppression de deux normes pour toute nouvelle créée. « Décomplexifier le droit », « dé-sur-transposer » : peu importe le terme, l'objectif est clair.

En Allemagne, le ministère chargé de transposer doit expliquer les motivations d'une sur-transposition éventuelle. Nous devrions écouter les préconisations de notre commission des affaires européennes.

Le Conseil d'État est conscient de la différence entre sur-transpositions active et passive. Il a ainsi regretté la faiblesse de l'étude d'impact. Quoi qu'il en soit, le groupe RDSE est favorable aux dispositions relatives au droit des sociétés et en matière financière - avec le Brexit, c'est bienvenu. En matière environnementale, la commission a trouvé un bon compromis sur la sortie du statut de déchet. Avec ce type de texte, nous travaillons à réconcilier nos concitoyens avec l'Union européenne.

Les membres du RDSE seront attentifs à ce premier rendez-vous (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM et sur celui de la commission)

M. Daniel Dubois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce projet de loi pointe différents dispositifs législatifs qui, allant au-delà des directives européennes, complexifient notre droit et posent des difficultés à nos industriels et agriculteurs. Ces sur-transpositions créent une distorsion de concurrence avec nos voisins européens. C'est une double peine qui nuit au pays tout entier.

Dans un pays endetté, la relance passe par la simplification, pour redonner de l'oxygène aux entreprises. Ce texte va dans le bon sens. Certes, nous espérions plus. Notre droit compte bien plus qu'une trentaine de sur-transpositions. Nous ne sommes pas opposés à la mission inter-inspections, qui a effectué un travail important, mais sans grand contact avec l'extérieur ni concertation avec les corps intermédiaires. Seules 27 sur-transpositions sur 132 identifiées figurent dans le projet de loi. Certes, certaines relèvent de l'échelon réglementaire, mais le delta est impressionnant.

Pourquoi un tel projet de loi sur lequel le travail parlementaire et le droit d'amendement sont difficiles ? Des décrets n'auraient-ils pas été plus efficaces ? Le Gouvernement a refusé un projet de loi-cadre sur la programmation pluriannuelle de l'énergie qui aurait davantage mérité un débat parlementaire que ce texte. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Seule une stratégie globale de lutte contre les sur-transpositions répondra réellement aux attentes. La suppression de dispositifs problématiques ne pourra empêcher l'apparition de nouvelles sur-transpositions dans notre droit sans volonté politique forte et pérenne, sans mise en oeuvre institutionnelle. Je n'ose proposer une Agence pour la simplification administrative - même s'il en existe une en Belgique. (Mme la ministre sourit.) Au moins nous aurions un outil, un suivi, une évaluation. Une association plus étroite du Parlement serait bénéfique. Actuellement, nous disposons de très peu de temps pour étudier les transpositions : souvent techniques, elles sont difficiles à repérer.

Les parlementaires sont contraints par l'article 45 de la Constitution sur les cavaliers législatifs. Un travail en amont, approfondi et serein, permettrait d'éviter bien des écueils. Nous regrettons que le Parlement n'ait pas été davantage associé, alors que le Sénat est à l'origine de nombreux travaux sur le sujet et a adopté une proposition de résolution en décembre 2016 sur les normes qui pèsent en matière agricole. Quid des ICPE ou des restrictions sur l'eau ?

Une association des parlements nationaux en amont de la négociation des directives permettrait sans doute une transposition plus apaisée, et préviendrait les futures sur-transpositions.

Le groupe UC votera ce texte, en espérant que nos préconisations ne restent pas, une nouvelle fois, lettre morte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La France a le privilège douteux de figurer en tête des classements internationaux, qu'il s'agisse de pression fiscale par habitant mais aussi de pression normative. Selon le rapport du Forum économique mondial, la France est au 115e rang sur 140 pour son niveau de charge administrative, avec un stock de 400 000 normes en vigueur ! C'est un handicap trop lourd pour nos entreprises et nos collectivités territoriales, asphyxiées sous le poids des contraintes. Selon la Commission nationale d'évaluation des normes (CNEN), le coût brut à la charge des collectivités territoriales s'élève à 1 milliard d'euros en 2018. Cela obère le développement des territoires, notamment ruraux.

Le Gouvernement ne semble pas prêt à s'attaquer au niveau de la dépense publique ou des prélèvements obligatoires mais affiche un certain volontarisme s'agissant des normes. Certes, il n'est pas le premier à annoncer une réduction de la pression normative, mais ce projet de loi impulse une dynamique certaine.

On reste loin du choc de simplification ou de compétitivité espéré ; au regard du rapport d'information de M. Danesi, le texte du Gouvernement est bien modeste. En 2017, j'avais souligné l'exception française dans la sur-transposition ainsi que la tendance à transposer au dernier moment, ce qui dégrade l'image du droit d'origine communautaire.

Quelle est la plus-value de certaines dispositions ? Le Conseil d'État souligne la faiblesse de l'étude d'impact.

Nous soutenons toutefois cette première étape d'une démarche que nous espérons pérenne et exhaustive. Inspirons-nous du programme REFIT (Regulatory Fitness and Performance Programme) de la Commission européenne et présentons annuellement un stock de sur-transpositions à supprimer. Les obligations réglementaires représentent l'essentiel du boulet. Comme chaque niche fiscale, chaque sur-transposition a son chien de garde, parfois pour des motifs légitimes. C'est pourquoi la dé-sur-transposition suppose la concertation, en associant des acteurs comme la CNEN ou le Conseil national pour la simplification des entreprises.

L'enjeu est majeur pour l'image de l'Union européenne auprès de nos concitoyens qu'ils soient agriculteurs ou chefs d'entreprise. Les contraintes soit disant européennes résultent bien souvent de décisions nationales de sur-transposition !

L'initiative « Mieux légiférer » de la Commission européenne incite les États membres à notifier et à justifier toute sur-transposition. Ces derniers doivent assumer leurs responsabilités. La « faute à Bruxelles » est un argument trop facile, et trop dangereux.

Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi et incite le Gouvernement à aller plus loin en s'inspirant des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur le banc de la commission)

M. Yves Bouloux .  - La France est championne d'Europe en matière de sur-transpositions injustifiées et pénalisantes qui étendent le champ d'application des directives ou ne permettent pas les dérogations prévues.

Les domaines les plus variés sont touchés. En matière de biodiversité, une directive exige la continuité écologique des cours d'eau, autant dire la libre circulation des poissons dans les eaux européennes : nos administrations imposent donc l'arasement des seuils de nos belles rivières et de leurs charmants moulins. En période de sécheresse, le risque d'assec est réel. C'est paradoxal alors qu'on veut protéger les poissons migrateurs. Cela prouve surtout l'absence de pragmatisme de notre administration.

Je salue le rapport de M. Danesi qui propose que toute sur-transposition susceptible de nuire aux intérêts économiques de la France, de ses entreprises et de ses services doit être écartée.

Participer activement aux négociations européennes semble être une évidence mais ce n'est pas toujours le cas. Il faut une équipe de transposition, une stratégie d'influence, un suivi sérieux. À quand un contrôle systématique du Parlement sur les ordonnances de transposition ? Un organe d'évaluation des impacts et la résorption des sur-transpositions pénalisantes ?

Le choc de simplification annoncé est trop timide. Nous espérons que le Gouvernement ira plus loin. Le Sénat prône une sur-transposition accompagnée et efficace. Je salue le travail des rapporteurs et du président de la commission spéciale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur le banc de la commission)

Mme Élisabeth Lamure .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La semaine dernière, nous avons débattu du préjudice que représentent les sur-transpositions pour les entreprises, à la demande de la délégation aux entreprises, régulièrement interpellée sur le terrain.

Trop d'entreprises françaises souffrent de coûts plus élevés et de délais plus longs. Le rapport de M. Cadic de février 2017, « Simplifier efficacement pour libérer les entreprises », a donné lieu, en juin dernier, à une typologie et une identification des sur-transpositions à revoir.

Nous ne contestons pas toutes les sur-transpositions par principe mais appelons à évaluer leur impact en termes de compétitivité et de garanties pour nos concitoyens.

Ce projet de loi fait apparaitre de nombreuses convergences avec le travail du Sénat sur la commande publique, l'eau ou l'assainissement.

Quels sont les critères retenus par le Gouvernement ? Selon l'exposé des motifs, est proposée la suppression des sur-transpositions qui ne répondent à aucune priorité nationale identifiée. Quelles sont ces priorités ? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour les faire prévaloir ? Comment faire si des marchandises qui ne respectent pas nos normes entrent en concurrence avec des biens fabriqués en France ?

Le travail ne doit pas s'arrêter là, notamment en matière bancaire ou assurantielle, de droit du travail ou de fiscalité énergétique. Le Gouvernement devra veiller aux sur-transpositions d'origine réglementaire. Le 29 octobre, avec Jean Bizet et René Danesi, nous avons déposé une proposition de résolution européenne proposant de revenir sur certaines sur-transpositions qui pèsent sur la compétitivité nationale. Le Parlement, qui n'a pas les cartes en main pour les résorber, sera très attentif à la réponse du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur le banc de la commission)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Le vote sur les huit articles faisant l'objet d'une PLEC est réservé.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié quater, présenté par MM. Raison, Perrin, Vaspart et Buffet, Mme M. Mercier, MM. Pillet et Maurey, Mmes Doineau et Deroche, M. Cornu, Mmes Morhet-Richaud et Vullien, MM. Sol et Daubresse, Mmes Garriaud-Maylam, Micouleau et Deromedi, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Bazin et Kern, Mme Berthet, MM. D. Laurent et H. Leroy, Mmes Procaccia et Sollogoub, MM. Bouchet et Laménie, Mme Bories, M. de Nicolaÿ, Mmes Gruny et Bruguière, MM. Delcros et Pierre, Mme Goy-Chavent, M. Cuypers, Mmes Chauvin et Imbert, MM. Priou, Janssens, Darnaud, Genest et Moga, Mme A.M. Bertrand, M. Revet, Mmes Deseyne et Gatel et M. Longeot.

Supprimer cet article.

M. Michel Raison.  - Je félicite le Gouvernement pour cette initiative. Cet amendement corrige une erreur.

Nous souhaitons tous supprimer les sur-transpositions qui grèvent la compétitivité de nos entreprises.

L'obligation d'utiliser des polices de caractère plus importantes pour certaines informations d'une publicité pour un crédit à la consommation, ou de les faire figurer sous forme d'encadré, ne saurait apparaître comme des contraintes insurmontables. Cela n'entraîne ni problème financier, ni distorsion de concurrence, et protège les consommateurs.

Rapporteur de la loi Chatel, j'avais fait adopter des amendements sur les produits bancaires pour protéger les consommateurs : en sécurité, ils consomment mieux.

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Laurence Harribey.  - La protection du consommateur en matière de crédit revolving est importante. Cette protection découle de la loi Lagarde de 2010 et encadre la publicité du crédit à la consommation, sans pénaliser les établissements de crédit, depuis qu'elle est appliquée.

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - Avis défavorable. J'approuve globalement ces simplifications en matière de droit de la consommation, qui répondent à une demande des entreprises.

Il s'agit bien d'une sur-transposition, ces dispositions n'étant nullement exigées par la directive de 2008. Les modifications proposées par le projet de loi sont mineures : réduction de la taille de la police ou suppression d'un encadré. Toutes les informations essentielles sur le coût du crédit sont maintenues. Il n'est pas avéré que les dispositions actuelles aient un effet sur le comportement du consommateur en matière d'appréhension du risque. Il n'y a pas lieu d'interdire la mention d'un remboursement différé, qui ne constitue pas une offre illicite. C'est une information du consommateur.

Cet article est un premier pas dans la dé-sur-transposition et correspond aux attentes des entreprises.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Les obligations imposées aux annonceurs vont au-delà des exigences fixées par la directive et n'ont aucune valeur ajoutée en termes de protection des consommateurs.

Le projet de loi rétablit la situation antérieure concernant la police de caractère en assouplissant les contraintes. L'encadré n'apporte aucune information essentielle au consommateur, mais se contente de répéter des informations qui figurent ailleurs.

Enfin, sur la franchise de remboursement, pourquoi s'interdire de communiquer sur une pratique légale, qui peut être favorable au consommateur ?

M. Michel Raison.  - Si la sur-transposition devient une religion dogmatique, ce que je ne souhaite pas, la loi est très incomplète ! Je pense notamment aux installations classées...

Le but est de ne pas mettre en difficulté nos entreprises qui sont en concurrence avec des entreprises étrangères. Ce n'est pas le cas ici, puisque la règle s'applique à toutes les banques, y compris étrangères. J'ai obtenu dans la loi Chatel que les tarifs bancaires soient transmis chaque année à leurs clients - cela dérangeait les établissements, bien sûr. Ils ont dû vous le signifier dans ce cas aussi... Pourtant, informer correctement le consommateur ne leur coûte pas un centime de plus ! J'encourage vivement mes collègues à voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)

M. Didier Marie.  - M. Raison porte bien son nom, dans sa grande sagesse. (Sourires)

Élus communaux, nous sommes nombreux à avoir constaté dans les CCAS les dégâts du surendettement. Comment le juguler ? En répétant encore et toujours nos avertissements. Les effets positifs de la loi de 2010 se sont fait sentir. Nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Bigot.  - Ne pas voter cet amendement serait un mauvais signe pour la protection des consommateurs, qui est assez complète en France - et cela depuis 1978. Les directives visent à harmoniser, pas à réduire la protection des consommateurs !

Lorsque je constate qu'il y a moins de 20 % de surendettés liés aux crédits, je me félicite que nous ayons fait tous ces efforts d'information.

Les amendements identiques nos5 rectifié quater et 7 sont adoptés et l'article premier est supprimé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur certains bancs des groupes RDSE et UC)

ARTICLE 1ER BIS

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Harribey.  - Cet article, ajouté en commission, supprime l'obligation faite au prêteur, en matière de crédit renouvelable, de procéder à une vérification complète de la solvabilité de l'emprunteur tous les trois ans, introduite par la loi du 1er juillet 2010.

Le contrôle tous les trois ans de la solvabilité des ménages ayant souscrit un crédit renouvelable est une mesure de responsabilisation des établissements de crédit et de prévention du surendettement.

M. le président.  - Amendement identique n°30 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

M. Alain Richard.  - La suppression d'un dispositif qui freine le surendettement rendra-t-elle notre économie plus dynamique ? Lors de la loi Lagarde de 2010, la création d'un fichier pour détecter les situations de surendettement avait fait l'objet d'un débat, vertueux contre vertueux.

L'obligation faite au prêteur de réviser tous les trois ans la solvabilité des emprunteurs a permis de réduire le nombre de cas de surendettement liés à ce type de crédit. Cela ne fait pas double emploi, monsieur le rapporteur. Toute suppression de sur-transposition apparente mérite une analyse approfondie ; en l'espèce, elle conduit à supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOCR ; M. Joël Labbé applaudit également.)

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - L'obligation que l'article premier bis propose de supprimer constitue bien une sur-transposition : dans la directive, la vérification de la solvabilité de l'emprunteur n'est exigée qu'avant la souscription du crédit et à chaque augmentation significative du montant. Selon une enquête de la direction générale du Trésor, cette obligation est perçue comme une source de blocage générant l'incompréhension des emprunteurs, souvent non coopératifs.

La consultation du fichier des incidents de paiement de la Banque de France représente déjà un contrôle obligatoire, s'il y a risque d'insolvabilité. Les entreprises se sont plaintes du coût que représente cette sur-transposition. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Avis défavorable à l'article premier bis et donc avis favorable aux amendements de suppression. La prévention du surendettement exige cette obligation de vérification introduite en 2010. Le crédit renouvelable s'inscrivant dans la durée, la révision triennale est indispensable.

Plusieurs études de la Banque de France le montrent, le fichier sur les incidents de paiement ne suffit pas. La Commission européenne s'y intéresse enfin dans le cadre de la révision de la directive actuellement en cours. La Cour des comptes, du reste, recommande de renforcer la vérification de la solvabilité de l'emprunteur.

M. Rachid Temal.  - On voit que la prévention du surendettement est une préoccupation sur tous les bancs. On ne parle pas là de PME mais de gros établissements financiers. Nous pouvons donc voter ces amendements de suppression - l'obligation d'informer n'est pas une contrainte insupportable pour ces établissements.

M. Claude Bérit-Débat.  - Monsieur le rapporteur, si vous aviez, comme maire, connu des cas de surendettement, vous changeriez votre vision des choses : le coût pour les entreprises ne pèse pas très lourd face de la détresse des surendettés sur lesquels les maires sont sollicités.

Ne pas obliger ces personnes à réexaminer leur situation tous les trois ans est une régression. Cela mène parfois au suicide tant les sommes peuvent être importantes. Des gens peuvent ainsi emprunter jusqu'à 200 000 euros, disparaître, et laisser leur dette en héritage... L'obligation légale protège. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - La lutte contre le surendettement ne repose pas sur cette seule mesure. La Cour des comptes préconise même le renforcement de l'analyse préalable à l'emprunt. C'est au Gouvernement de prendre ses responsabilités en la matière sans se défausser sur les acteurs privés. La vérification triennale est d'une portée de moins en moins importante, depuis que la loi de 2014 a permis la suspension des remboursements après un an d'inactivité. La vérification, ensuite, repose sur un questionnaire dont le taux de retour n'est pas satisfaisant.

Je suis déçu par votre position, madame la ministre. La suppression de cet article serait un bien mauvais signal. La simplification de la vie des entreprises est attendue. Il serait préférable de se concentrer sur des mesures ciblées pour être efficaces.

Les amendements identiques nos8 et 30 ne sont pas adoptés.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par MM. Raison, Perrin, Vaspart, Cornu, Buffet, Maurey, Pillet et Moga, Mmes M. Mercier, Deroche, Gruny et Morhet-Richaud, M. Cuypers, Mme Bruguière, M. Delcros, Mmes Goy-Chavent, Vullien et Doineau, MM. de Nicolaÿ et Sol, Mme Garriaud-Maylam, M. Daubresse, Mmes Micouleau et Deromedi, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Bazin et Kern, Mme Berthet, MM. D. Laurent et H. Leroy, Mmes Procaccia et Bories, MM. Laménie et Bouchet, Mme Sollogoub, M. Pierre, Mmes Imbert et Chauvin, MM. Priou, Janssens, Darnaud et Genest, Mme A.M. Bertrand, M. Revet, Mmes Deseyne et Gatel et M. Longeot.

Supprimer cet article.

M. Michel Raison.  - Même argumentation pour le délai de réflexion de dix jours. Nous avons tous rencontré des gens en plein désarroi ou des suicides...

Attention, ne profitons pas du texte censé aider les entreprises - on reste loin du compte en la matière  - pour affaiblir les plus fragiles.

M. le président.  - Amendement identique n°9, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Laurence Harribey.  - Mêmes raisons que M. Raison. L'étude d'impact ne dit rien des retombées attendues de cette mesure. Rappeler aux ménages les conditions d'un crédit immobilier reste essentiel, avec ces informations pédagogiques et intelligibles pour les consommateurs - et n'oublions pas que les entreprises ont une responsabilité sociale.

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - L'article 2 supprime l'obligation de mentionner dans les publicités l'existence du délai de dix jours ; c'est une sur-transposition de la directive de 2014, comme notre collègue Danesi l'avait noté. C'est dans la communication précontractuelle que ces informations sont les plus utiles - et elles y figurent. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Même avis défavorable. Ces obligations sont coûteuses et n'apportent rien. Le délai de réflexion est maintenu et l'emprunteur en a forcément connaissance, grâce à l'information précontractuelle. Ensuite, quand bien même l'information n'est plus obligatoire - elle ne concerne pas, d'ailleurs, le prêteur, mais les relations entre le vendeur et l'acheteur -, le délai reste inchangé et l'emprunteur en est informé préalablement à l'emprunt. Cette information, du reste, n'est pas de nature à dissuader d'emprunter, donc éventuellement de se surendetter...

Comme le disait Alain Richard, chacun est contre les sur-transpositions en général, mais, dès les tout premiers articles de ce texte, on me propose de conserver des sur-transpositions, tout en prétendant qu'il y en aurait d'autres à supprimer...

M. Michel Raison.  - Ne confondons pas les entreprises qui souffrent de la sur-transposition et la suppression des protections du consommateur. Si vous expliquez cela devant une salle rurale de 60 personnes, vous serez mise dehors, madame la ministre : personne ne vous comprendra - en tout cas, moi je ne vous comprends pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; Mme Michèle Vullier, MM. Jérôme Bascher et Laurent Duplomb applaudissent également.)

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - Mon cher collègue, je ne comprends pas votre attitude. Sur 27 sur-transpositions, j'ai 13 amendements de suppression. Nous avons travaillé dans cette commission spéciale. Ces débats sont surréalistes. On passe de la raison à la déraison. (Sourires ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous sommes donc des idiots ?

M. Daniel Gremillet.  - Madame la ministre, vos propos m'obligent à intervenir maintenant. De nombreux membres de la commission spéciale ont été frustrés. Nous évoquons souvent la sur-transposition, qui pénalise l'économie, la vie de nos entreprises, mais ce texte en reste à l'accessoire. Les sénateurs ont été privés d'un vrai débat sur ce fait avéré, qui pèse sur notre économie.

J'avais respecté mon vote en commission spéciale sur l'amendement de M. Raison, mais ce n'est plus possible. Nous nous égarons, et nous nous éloignons de notre rôle de parlementaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et SOCR)

Les amendements identiques nos6 rectifié quater et 9 sont adoptés.

L'article 2 est supprimé.

Les articles 3 et 4 sont réservés.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par M. Cadic, au nom de la commission.

I.  - Alinéa 14

1° Première phrase

Remplacer les mots :

que seule une présentation simplifiée de leur

par les mots :

qu'une présentation simplifiée du

2° Deuxième phrase 

Rédiger ainsi cette phrase :

Dans ce cas, la présentation du bilan et de son annexe comporte la mention de son caractère simplifié.

II.  - Alinéa 17

1° Première phrase

Remplacer les mots :

le bilan n'est pas accompagné

par les mots :

les documents rendus publics ne sont pas accompagnés

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

Il comporte

par les mots :

Ils comportent

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°39 est adopté.

L'article 5, ainsi modifié, est adopté.

ARTICLE 6

M. Jacques Bigot .  - Cet article ne supprime pas une sur-transposition car la directive concernée vise à garantir le libre choix de l'avocat dans le cadre de la protection juridique proposée par les compagnies d'assurance. Avant cette directive, l'assureur, dans le cadre de la protection juridique, proposait à son assuré une liste d'avocats auxquels il pouvait s'adresser, en connaissant d'avance le tarif - ce qui était un avantage considérable étant donné que le tarif des avocats n'est pas public. Or le libre choix de l'avocat est un principe fondamental ; c'est pour le garantir que la directive a interdit ces pratiques.

Les compagnies d'assurance veulent faire comme avec les carrossiers agréés : elles vous communiquent des carrossiers qu'elles paieront directement. Quand votre voiture est cassée, c'est la qualité de la réparation qui compte ; mais dans un procès, c'est la confiance entre l'assuré et son avocat qui est primordiale.

Or l'assurance veut d'abord faire une médiation avant de recourir en justice. Ainsi, un assureur pourrait signer une convention avec l'avocat - on le comprend à la lecture de l'étude d'impact. Cet article ne supprime donc pas une sur-transposition, mais une mesure qui a précisément pour objectif de faire appliquer la directive pour garantir le libre choix de l'avocat dans le cadre de la protection juridique.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Reichardt et Mme Keller.

Supprimer cet article.

M. André Reichardt.  - Cet amendement supprime l'article 6, qui supprime l'interdiction faite à l'assureur de protection juridique d'intervenir dans la négociation des honoraires entre l'assuré et l'avocat qu'il choisit. Cette suppression est motivée par le fait que cette interdiction ne serait pas prévue par la directive du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance.

Or les articles L. 127-5-1 du code des assurances et L. 224-5-1 du code de la mutualité, visés par cet article 6, résultent de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique. Une loi de 2007 ne saurait donc sur-transposer une directive...de 2009.

De plus, la présence de l'assureur aux côtés de l'assuré lors de la négociation des honoraires de l'avocat va remettre en cause le libre choix de l'avocat reconnu par la directive « Solvabilité 2 ». La compagnie d'assurance pourra indiquer à l'assuré que s'il choisit tel avocat, avec lequel elle a un accord, les honoraires qu'elle acceptera d'avancer seront intégralement pris en charge. L'assuré sera alors fortement incité à choisir l'avocat ainsi désigné par son assureur, renonçant ainsi à son droit de choisir librement son avocat, allant à l'encontre d'un principe cardinal consacré par la Cour de Justice de l'Union européenne.

M. le président.  - Amendement identique n°32 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Roux et Vall.

M. Jean-Claude Requier.  - Le Gouvernement souhaite revenir sur l'interdiction, pour les assureurs, d'intervenir dans la négociation des honoraires entre l'assuré et l'avocat qu'il choisit dans le cadre de la mise en oeuvre d'un contrat d'assurance de protection juridique.

Cependant, cette interdiction a été introduite en droit interne par la loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de la protection juridique, soit deux ans avant la directive précitée. Il ne s'agit donc pas d'une sur-transposition, mais d'une volonté antérieure du législateur de respecter le principe de libre détermination des honoraires entre l'avocat et son client.

Les assureurs pourraient former des ententes entre compagnies, prohibées par le droit européen. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - La commission spéciale a approuvé l'article 6, opportun sur le fond. Rien n'obligeait cette interdiction, qui constitue une sur-transposition. Cet article ne remet pas en cause la liberté de choisir son avocat, consacrée par le droit européen et l'article L.127-3 du code des assurances.

L'assuré reste toujours libre de son choix, et rien n'indique que les frais dépasseront le seuil de l'assurance.

Certains avocats étaient opposés à cette mesure et nous en ont fait part. Je suis très gêné lorsque des parlementaires avocats ou ayant des liens avec des avocats n'expriment pas publiquement un potentiel conflit d'intérêt... (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR)

M. Claude Bérit-Débat.  - Et quand on est chef d'entreprise, c'est différent ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Avis défavorable. L'interdiction prive les consommateurs d'éventuels tarifs compétitifs obtenus par les compagnies d'assurance en position d'acheteur en gros. Les associations de consommateurs nous ont soutenus. Le principe de libre choix de l'avocat, de la détermination des honoraires restent garantis, de même que le secret professionnel.

Le client assuré pourra toujours recourir soit à un avocat choisi par lui, soit à un avocat proposé par sa compagnie d'assurances - et il pourra tout autant négocier le tarif avec l'avocat proposé par l'assureur.

La loi était antérieure à la directive, mais nous luttons contre l'inertie juridique qui a conduit à ne pas adapter notre droit à la directive.

M. le président.  - Je lèverai la séance après le vote de ces deux amendements.

M. Rachid Temal.  - Je ne suis pas avocat et suis surpris du propos de notre rapporteur, qui laisse supposer qu'il y ait des non-dits... C'est notre rôle de prendre position, nous sommes législateurs : tenons-nous en-là ! Le système d'agrément posera problème sur le libre choix.

M. Alain Richard.  - En vertu de nos règles déontologiques, je ne prendrai pas part au vote sur l'article 6.

M. André Reichardt.  - Madame la ministre, vous dites que l'assuré pourra choisir librement et, même, négocier le tarif avec l'avocat qui lui aura proposé son assurance. Croyez-vous vraiment qu'il en ira ainsi en réalité ? Dans la vraie vie, l'assuré va accepter la proposition de son assureur, souvent parce qu'il ne connaît pas d'autre avocat, mais aussi parce qu'il craindra que son assureur lui refuse une couverture ultérieure. J'insiste : cet article 6 porte une atteinte au libre choix de l'avocat et de la détermination des honoraires.

M. Jacques Bigot.  - Je n'ai jamais tu ma profession ; je suis désormais avocat honoraire - par définition, cela signifie que je n'en reçois plus ! (Sourires)

Il est vrai que les tarifs ne sont pas publics, des tentatives dans ce sens ont échoué. Il y a un vrai problème de l'assurance de protection juridique, mais l'article 6 ne règlera pas ce problème de fond. Madame la ministre, vous devriez en référer à Mme Belloubet... Il faudrait en débattre dans un texte ad hoc... mais je n'oserais pas faire une telle proposition de loi, de peur de me voir reprocher un conflit d'intérêt...

Les amendements identiques nos29 rectifié et 32 rectifié sont adoptés.

L'article 6 est supprimé.

M. le président.  - Il reste 18 amendements à examiner.

Prochaine séance, aujourd'hui, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit dix.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus