Nomination et présence des parlementaires dans certains OEP (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
Discussion générale
M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Issue d'une initiative conjointe des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, cette proposition de loi vise à encadrer et simplifier les règles de nomination et de présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au Parlement, les OEP. Le recours à la procédure de législation en commission a été très efficace. De nombreuses auditions et 80 contributions écrites ont enrichi nos travaux.
Je remercie le rapporteur de l'Assemblée nationale, Sylvain Waserman, ainsi que vous-même, Monsieur le Ministre, et Mme la ministre Gourault. Seule la loi autorise la présence des parlementaires dans les OEP, depuis la loi Confiance de 2015.
Il s'agit de limiter la dispersion des sénateurs dans les OEP pour rendre leur participation aux travaux parlementaires plus efficace, comme l'ont formulé Alain Richard et Roger Karoutchi dans leurs préconisations à ce sujet.
Notre présence est nécessaire dans les OEP pour mieux contrôler l'action du Gouvernement par exemple au Conseil immobilier de l'État - ou encore évaluer les politiques publiques, par exemple au conseil d'administration de l'ENA, à l'Agence française de développement ; mais aussi permettre aux organismes concernés de mieux appréhender les aspirations de nos concitoyens, comme le montre notre présence au Haut Comité de la qualité du service dans les transports.
De même, il nous a paru opportun de clarifier les modes de désignation des parlementaires dans les organismes extérieurs et de garantir le respect des principes de parité et de pluralisme.
Le Sénat maintiendra une présence des parlementaires dans 164 organismes, soit 19 % de moins qu'aujourd'hui. Les députés n'ont pu aller aussi loin dans la rationalisation.
Le texte de la CMP concilie les apports respectifs des députés et des sénateurs : 113 sont maintenus, dont le Conseil national des professions du spectacle, qui suit le dossier si important des intermittents, et le Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens, et je n'ai pas besoin d'insister sur l'acuité du réchauffement climatique...
Nous avons accepté de revenir sur la fusion du Haut Conseil à la vie associative et du Comité consultatif du fonds pour le développement de la vie associative, les parties prenantes n'étant pas prêtes pour un tel mouvement.
Nous avons aussi travaillé avec Sylvain Waserman sur le calendrier d'entrée en vigueur, notamment pour les OEP de rang législatif qu'il est proposé de supprimer et pour le pouvoir de sanction de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), sujet qui tenait à coeur au Gouvernement.
Le Comité de suivi de la loi de refondation de l'école de la République est supprimé. Le Comité national de l'air et le conseil d'administration de l'ANRU comprendront un parlementaire ; il en a été ajouté un à l'AEFE.
Nous avons trouvé un compromis pour mieux associer les parlementaires aux commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). Il s'agit de mieux garantir l'ancrage territorial des parlementaires et de faciliter leurs échanges avec les services de l'État. Nous vous proposons donc de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Républicains)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - En ce moment particulier du débat parlementaire, (Sourires) cette proposition de loi est singulière : déposée le 30 mars dernier au Sénat par le président Gérard Larcher, huit présidents de commission ainsi que la présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études, elle a été déposée le même jour à l'Assemblée nationale par son président et quatre présidents de groupes politiques. Placé sous de tels auspices, ce texte ne pouvait que prospérer ! (Sourires)
Je tiens à saluer la qualité du dialogue que les deux rapporteurs et, à travers eux, les deux assemblées, ont su nouer. Cette méthode portera ses fruits pour les prochains travaux parlementaires.
Le nombre d'OEP s'élèvera à 173 : un effort de rationalisation est essentiel pour renforcer l'expertise des parlementaires - préservée au sein du Conseil national des professions du spectacle et du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, ainsi qu'au sein du Conseil national de l'air, comme le souhaitait le Sénat. À l'initiative du Sénat, les parlementaires seront présents au sein du conseil d'administration de l'ANRU. Le Gouvernement prend acte du compromis auquel les deux assemblées sont parvenues sur ce point précis, mais considère que cette disposition n'épuise pas la question du fonctionnement et de la gouvernance de l'ANRU, qui doivent faire l'objet d'une réflexion associant l'ensemble des acteurs concernés.
S'agissant des CDCI, la rédaction s'inspire du modèle des commissions compétentes pour les DETR, ce qui va dans le bon sens.
Je vous invite donc à adopter les conclusions de la CMP qui permettra une meilleure participation des parlementaires et une meilleure lisibilité de leur action pour nos concitoyens. (M. le rapporteur applaudit.)
M. Jean-Yves Leconte . - Cette loi est une conséquence de la loi Confiance du 25 septembre 2017. La loi devait fonder la participation des parlementaires dans les OEP. Or ceux-ci étaient nombreux, créés par décrets, à prévoir leur présence !
Cette proposition de loi renforce la parité, la lisibilité des règles de nomination et organise une procédure de suppléance.
Je regrette sincèrement que nous n'ayons pu maintenir des parlementaires, plus particulièrement des sénateurs, représentant les Français de l'étranger dans la Commission nationale des bourses (CNB).
Mme Claudine Lepage. - C'est très dommage !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je vous entends.
M. Jean-Yves Leconte. - Là aussi, les parlementaires contrôlent l'usage des fonds publics et se rapprochent des besoins du terrain.
Je regrette aussi que le président Larcher, considérant que les parlementaires ne pourraient être nommés dans des OEP créés par décret, ait cessé de procéder à des nominations depuis 2016. Le président de l'Assemblée nationale n'a pourtant pas hésité à le faire, même après l'adoption de la loi Confiance !
La procédure de législation en commission permet d'aller plus vite, certes, mais cela fait deux fois que nous nous retrouvons en séance, et nous n'avons pas la possibilité de rectifier un point qui ferait consensus - telle la présence de parlementaires à la Commission nationale des bourses.
Le groupe socialiste votera toutefois ce texte, en regrettant à nouveau l'absence d'un sénateur à ladite commission alors qu'un député y siège toujours !
Il est frustrant d'enchaîner des lectures en commission et en séance publique sans pouvoir discuter du fond. (Mmes Claudine Lepage, Françoise Laborde et M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudissent.)
M. Alain Marc . - Le nombre d'OEP est passé de 17 en 1958 à 212 aujourd'hui, et ils échappent à toute typologie. Cela accroît les contraintes déjà lourdes sur l'agenda parlementaire, laissant une grande marge de manoeuvre au pouvoir réglementaire. Les règles sont des plus disparates d'un organisme à un autre ! Ce texte consiste donc en une utile rationalisation.
Je salue l'esprit de consensus qui a prévalu en CMP. Depuis le 1er juillet, seule la loi peut prévoir la présence d'un parlementaire dans un OEP conformément à la loi Confiance dans la vie politique.
Les parlementaires peuvent par leur présence dans les OEP mieux contrôler l'action de l'État - je pense par exemple au Conseil de l'immobilier de l'État - mieux évaluer les politiques publiques - les parlementaires sont ainsi présents au conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD) - ou mieux comprendre les attentes des Français - en siégeant par exemple à l'Observatoire de la laïcité.
Je salue l'équilibre trouvé par la CMP pour mieux associer les parlementaires aux CDCI, à l'instar des commissions qui valident la DETR. On tire ainsi les conséquences de la loi de février 2014 limitant le cumul des mandats.
Ce texte est équilibré, le groupe Les Indépendants le votera.
Mme Françoise Laborde . - Le 1er juillet, l'article 13 de la loi organique pour la confiance dans la vie publique entrait en vigueur ; cette proposition de loi en est la conséquence directe. C'est le fruit d'un compromis trouvé en CMP et voté à l'unanimité par les députés.
Je salue le travail de notre rapporteur pour dénombrer, sonder, évaluer les OEP. La procédure de législation en commission a apporté la preuve de son utilité.
Ainsi le Sénat a pu améliorer le texte, notamment sur l'article premier qui prévoit la parité dans les mécanismes de nomination. Sur l'article premier bis, notre groupe n'a pas été entendu. Nous espérons donc que la représentation des groupes politiques sera respectée par les présidents des assemblées.
Gageons que ce texte mettra fin à la frénésie de création de ces organismes.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Très bien !
Mme Françoise Laborde. - La présence des parlementaires dans les CDCI était une revendication ancienne. Les élus pourront ainsi rependre pied dans leurs territoires.
Ce texte nous incite aussi à nous interroger sur le rôle des parlementaires dans l'ordonnancement institutionnel. Leur présence dans ces organismes participe de l'évaluation des politiques publiques ; mais elle ne doit pas se faire au détriment du travail législatif.
J'attire votre attention sur la possible instrumentalisation de la présence des parlementaires dans certains OEP, sans qu'ils puissent pour autant peser sur leurs travaux...
M. Loïc Hervé, rapporteur. - On comprend l'allusion !
Mme Françoise Laborde. - Le groupe RDSE votera ce texte important pour la séparation des pouvoirs.
M. Pierre Ouzoulias . - Cette proposition de loi ne pose pas de problème majeur. Nous nous félicitons de son économie générale, qui vise à enrayer l'inflation de ces organismes. Le groupe CRCE est néanmoins réservé sur la centralisation des nominations par les présidents des assemblées ; ce pouvoir discrétionnaire pose question.
L'impact n'est pas négligeable pour le Comité des finances locales, la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et le conseil d'administration de l'AFD, par exemple, qui mériteraient, en raison de leur importance stratégique, un contrôle accru du Parlement dans un plus grand respect de la pluralité politique au sein de celui-ci.
Nous nous félicitons néanmoins de quelques avancées, comme l'institution de la règle de la parité dans le processus de nomination et partageons l'objectif de clarification dont procède ce texte.
Notre groupe s'abstiendra.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Dommage !
M. Philippe Bonnecarrère . - Fait rare, la proposition de loi a été cosignée par les présidents de groupe à l'Assemblée nationale et déposée à l'identique par le président du Sénat, la troisième vice- présidente et les présidents de nos huit commissions. D'où son importance symbolique.
La procédure de la législation en commission a porté ses fruits, la CMP fut un succès, grâce à l'implication du rapporteur. Le texte est équilibré.
Les OEP sont des vecteurs de débat, des laboratoires d'idées, des forces de proposition. Ils forment un élément essentiel du contrôle de l'État ; mais il fallait en brider la prolifération. Rappelons que 58 OEP ont été créés depuis 2014.
Aux termes de la loi organique pour la Confiance dans la vie politique, la nomination d'un parlementaire en OEP doit être effectuée par voie législative.
Le texte voté par le Sénat faisait passer le nombre d'OEP de 202 à 164 ; le texte de compromis s'est arrêté à 173, soit une baisse de leur nombre de 14,4 % - un progrès réel, qui en appelle d'autres... Dans les faits, depuis 2005, les présidents des assemblées désignaient les parlementaires aux OEP. Il fallait le traduire dans la loi.
Monsieur le rapporteur, la présence des parlementaires dans les CDCI nous tenait à coeur ; à nous aussi !
La proposition de loi tire les conséquences en la matière du non-cumul des mandats et permet aux parlementaires d'être impliqués comme ils le sont dans la répartition de la DETR.
Ce texte équilibré participe à l'amélioration et à la rationalisation de notre système démocratique. Le rapporteur aura le soutien de notre groupe.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je n'en attendais pas moins !
La discussion générale est close.
Explication de vote
M. Loïc Hervé, rapporteur . - Deux mots de conclusion. D'abord, j'invite le ministre à attirer l'attention des préfets sur la présente effective des parlementaires dans les commissions les plus importantes. Merci d'y avoir oeuvré grâce aux instructions du Gouvernement.
Je vous invite aussi à la vigilance, chers collègues. Nous avons voulu créer un Conseil national consultatif des cultes où siègeraient deux députés et deux sénateurs. Je m'y suis opposé : évitons la multiplication des comités Gustave et Théodule.
L'ensemble de la proposition de loi est définitivement adoptée dans le texte résultant des travaux de la CMP.
La séance est suspendue à 13 h 25.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 15 heures.