SÉANCE
du jeudi 21 juin 2018
99e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Deroche, Mme Françoise Gatel.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Protection du secret des affaires (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires.
Discussion générale
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - La discussion n'a pas été aisée avec l'Assemblée nationale ; mais heureusement, ce texte n'a pas subi le sort de ceux sur le RGPD ou la société de confiance. J'en remercie le rapporteur de l'Assemblée nationale, Raphaël Gauvain, qui a entendu nos apports et accepté le compromis. (M. André Gattolin applaudit.)
Les apports du Sénat ont été maintenus : distinction entre détention légitime et obtention licite du secret ; clarification de la notion d'obtention illicite ; caractère non opposable du secret des affaires plutôt que non protégé ; non opposabilité pour les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés en cas d'action en justice ; ajout d'une règle en matière de prescription ; alignement de la règle d'indemnisation du préjudice résultant d'une atteinte sur celle qui régit la contrefaçon ; possibilité pour le juge de prendre connaissance seul d'une pièce couverte par le secret, avant de décider des modalités de sa communication.
Parmi les compromis, un retour à la notion de valeur commerciale, effective ou potentielle, plutôt que la valeur économique dans la définition des informations protégées ; le rétablissement de l'amende civile en cas de procédure abusive, introduite par l'Assemblée nationale, que nous considérions inutile et douteux sur le plan constitutionnel ; la suppression du délit de détournement d'une information économique protégée à des fins exclusivement économiques, introduit par le Sénat. Nous avions écouté le Conseil d'État en prévoyant un élément matériel précis ; la répression aurait été aussi forte pour délit d'espionnage économique que pour le vol, les circonstances aggravantes aisées à prévoir.
Il faut poursuivre la réflexion sur le volet pénal afin de nous doter d'une arme dissuasive pour protéger nos entreprises de l'espionnage économique, comme le Cohen Act américain. Cette réflexion devra aussi porter sur la révision de la loi de blocage.
Globalement, les apports du Sénat ont amélioré et clarifié le texte, plus fidèle à la directive et plus cohérent.
Par accord entre les deux rapporteurs et avec le Gouvernement, deux amendements vous sont soumis : le premier clarifie la procédure selon laquelle le juge décide de la protection d'une pièce, le second corrige une erreur matérielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE et LaREM)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je salue les voies de passage, les équilibres subtils que vous avez su trouver sur un sujet complexe. Vous avez aussi répondu de manière concrète aux questions nombreuses et légitimes dont les médias se sont fait l'écho. C'est le rôle du Parlement.
Au terme des échanges entre les deux assemblées, un accord a été trouvé. J'en remercie votre rapporteur, Christophe-André Frassa, et son homologue Raphaël Gauvain.
Certains sujets faisaient encore débat, à commencer par la définition précise de la notion de secret des affaires.
La rédaction adoptée en CMP reprend les termes de la directive. Il est désormais clair que seules les informations qui font l'objet de mesures raisonnables de protection et qui ont une valeur commerciale, effective ou potentielle, pour leur détenteur seront prises en compte.
La directive n'imposait pas l'introduction d'une sanction pénale de détournement d'une information économique protégée, et le Gouvernement n'y était pas favorable. Nous avions également une divergence d'appréciation sur la définition de ce délit. Pour autant, nos entreprises doivent avoir les moyens de se défendre contre la « guerre économique », selon les mots de votre rapporteur.
C'est pourquoi le Gouvernement a confié à MM. Frassa et Gauvain une mission sur la protection des entreprises françaises confrontées à des procédures de portée extraterritoriale et sur l'intérêt d'une réforme de la loi du 26 juillet 1968 dite loi de blocage.
Enfin, il était opportun que la CMP maintienne l'amende civile sanctionnant les procédures « bâillon », ces procédures abusives qui portent atteinte à la liberté d'expression. Ce sera un outil efficace et équilibré. Journalistes et lanceurs d'alerte ne sauraient être poursuivis aux seules fins d'intimidation.
Le texte n'empêche en rien le journalisme d'investigation ni la révélation au grand public de faits légalement ou moralement condamnables. Ces situations font l'objet de dérogations explicites.
Ce texte ne constitue en rien un recul pour les libertés publiques. L'enjeu est de protéger les entreprises contre le pillage de leurs innovations, de lutter contre la concurrence déloyale, d'encourager la recherche et le développement. Pour cela, les acteurs économiques ont besoin de sécurité juridique.
La protection du secret des affaires n'est pas absolue ; elle cédera toujours à l'intérêt général et aux droits fondamentaux. Le secret ne pourra être opposé à une enquête judiciaire ou administrative, à l'exercice de droits syndicaux, à la divulgation d'informations d'intérêt général, ni à un salarié de bonne foi qui porterait à la connaissance d'un journaliste une activité illégale ou un comportement répréhensible.
Journalistes et lanceurs d'alerte pourront toujours se prévaloir de l'exercice légitime de leur liberté d'expression et d'information, principes clairement énoncés dans la proposition de loi.
Ce texte constitue une réelle avancée. Il protège le secret des affaires, ce qui est une nécessité, tout en garantissant les libertés, ce qui est une exigence. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)
M. Philippe Bonnecarrère . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce texte est une réponse juridique à la nécessité de protéger l'intelligence économique européenne. Il comporte un volet de défense externe et un volet interne, l'harmonisation européenne.
Le premier n'aurait pas été abordé il y a quelques années, mais les comportements internationaux, en particulier outre-Atlantique, ont évolué. Il fallait agir pour protéger nos entreprises, notamment au regard du retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien. Il reste une étape à franchir en matière d'extraterritorialité, question sur laquelle notre commission des affaires européennes soumettra bientôt des propositions. La loi de blocage de 1968 a été écartée d'un revers de main par la Cour suprême des États-Unis et le règlement européen de 1996 présente lui aussi des faiblesses. L'idée que des sanctions unilatérales ne peuvent entraîner de condamnation sur notre territoire doit entrer dans l'ordre public. Autant d'éléments qui relèvent, plus largement, des relations entre l'Europe et le monde anglo-saxon...
Sur le second volet, interne, l'harmonisation européenne a pris huit ans. Études préparatoires à la directive en 2010, consultation publique en 2012, examen au Parlement européen en 2014, directive en juin 2016. Il nous appartient maintenant de la transposer. Notre commission des affaires européennes s'était saisie de la question en amont, dès 2013-2014, ce qui a préparé notre assemblée à formuler des propositions lors de l'examen de ce texte.
Je sais les réticences des commissions permanentes aux interventions de la commission des affaires européennes, mais il ne faut pas se priver de son soutien. Ainsi le débat en cours sur le projet de loi Asile et immigration manque cruellement de recul européen : si la commission des affaires européennes avait fait un travail de benchmarking, si j'ose employer ce terme, des systèmes juridiques européens, les débats seraient sans doute plus dépassionnés.
La transposition de la directive est de bonne facture : minimale et rigoureuse. Le groupe UC, vigilant sur les sur-transpositions, était réservé sur le dispositif pénal. Nous tenions à l'équilibre entre protection du secret des affaires et préservation des libertés publiques.
La validation en CMP de l'amende civile pour action abusive est bienvenue. Au total, ce texte est de bon aloi et je salue le travail du rapporteur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et RDSE)
M. Jérôme Durain . - Dans la salle du Livre d'or, les visiteurs du palais du Luxembourg apprennent que nous devons les fenêtres d'époque à un espionnage industriel aux dépens des cités italiennes...
L'espionnage industriel a toujours existé, toujours été combattu. Le groupe socialiste, attaché à défendre les savoir-faire de nos entreprises dans la compétition mondiale, avait deux réserves sur ce texte.
La première tenait au calendrier : fallait-il transposer aussitôt - seul le Danemark l'a fait - et pourquoi la procédure accélérée ? Un texte européen sur les lanceurs d'alerte s'annonce qui pose la question en des termes différents. Or, M. Pillet l'a fait remarquer, la coexistence de deux régimes distincts serait source de confusion.
Sur le fond, des doutes demeurent, sur le champ exact des informations protégées, sur les atteintes possibles à la liberté d'expression, les oppositions possibles entre droit de la presse et droit commercial ou les restrictions au droit de participation des travailleurs.
C'est pourquoi les sénateurs socialistes ont choisi de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel sur ce texte dénoncé par un ensemble de syndicats, d'associations, de journalistes et de lanceurs d'alerte. Peut-être le Conseil constitutionnel nous éclairera-t-il...
On peut, comme le rapporteur de l'Assemblée nationale, ancien avocat d'affaires, se féliciter que les entreprises puissent se protéger. Mais les syndicats doutent que le texte soit utile aux PME et craignent qu'il ne soit détourné de son objet pour museler les journalistes et les lanceurs d'alerte.
Les sanctions prévues contre les procédures « bâillon » ne suffisent pas à rétablir l'équilibre entre secret des affaires et liberté d'informer.
Les lanceurs d'alerte et les journalistes font preuve d'objectivité. Une section du site du Monde, « Les décodeurs », est consacrée au décryptage de l'information. Or le rapporteur de l'Assemblée nationale a qualifié le récapitulatif proposé sur cette loi de « désinformation »... Curieux de faire ainsi la leçon à ceux qu'on prétend rassurer !
Le texte issu de la CMP ne nous rassure toujours pas, tant la définition des informations protégées est large. Le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Joël Guerriau . - Dans un contexte de compétition économique internationale accrue, il manquait une protection du secret des affaires. La carence de notre droit était connue depuis longtemps. Les initiatives pour y remédier ont toutes échoué.
Cette proposition de loi transpose la directive du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées. Même si l'on peut regretter l'absence d'étude d'impact, la procédure accélérée et le calendrier d'examen très serré - quelques semaines avant l'expiration du délai de transposition - notre groupe se réjouit de l'accord trouvé en CMP, qui reprend une large part des apports du Sénat.
La CMP a toutefois rétabli l'amende civile pour procédure abusive ; nous le regrettons. Le Sénat l'avait jugée contraire aux principes constitutionnels d'égalité et de légalité des délits et des peines. Il est à parier que les juges ne l'appliqueront pas.
La CMP a aussi supprimé le délit d'espionnage économique introduit par notre commission des lois. Les entreprises françaises étant soumises à une véritable guerre économique, une sanction pénale assortie d'une amende de 375 000 euros nous paraissait pertinente. Le groupe Les Indépendants sera attentif à la poursuite de la réflexion sur la question dans le cadre de la mission confiée aux deux rapporteurs.
Comme l'a dit le président Bas, un réarmement juridique de la France contre le pillage des données s'impose, alors que 25 % des entreprises déclarent avoir subi un vol d'informations confidentielles au cours des dernières années, et 20 % une tentative d'appropriation illicite d'informations confidentielles.
Ce texte est une bonne base. Le groupe Les Indépendants le votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Jean-Claude Requier . - Ce texte intervient alors que le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, le Canada et l'Europe s'intensifie. L'espionnage économique visant les entreprises européennes, qui s'ajoute aux cyber-attaques, est plus que jamais une réalité.
Alors que les États-Unis disposent depuis la loi Linger-Cohen de 1996 d'un puissant arsenal pour protéger le secret des affaires, ce n'est qu'en 2016 qu'a été adoptée la directive européenne que nous transposons ici. Jusqu'alors, toutes les tentatives en ce sens avaient échoué.
Un secret d'affaires est une information ayant une valeur marchande considérée comme confidentielle par l'entreprise et qui lui donne un avantage compétitif. La numérisation de l'économie renforce l'exigence de protection, avec la menace grandissante du piratage.
La France est le neuvième pays au monde le plus attaqué par les cybercriminels, mais la culture de la sécurité informatique est étonnement peu développée.
La révélation ces dernières années de plusieurs scandales, Mediator, LuxLeaks ou Panama papers, a montré l'utilité des lanceurs d'alerte et alimenté la défiance envers les acteurs économiques.
Le texte issu de la CMP est plus équilibré qu'en première lecture : il rétablit l'amende civile et supprime le volet pénal, ce dont je me réjouis car le droit réprime déjà le vol et l'abus de confiance. Enfin, la notion de valeur commerciale effective ou potentielle de l'information protégée a été préférée à celle de valeur économique, trop floue. On peut s'interroger sur le délai de prescription, de cinq ans mais globalement, cette transposition est satisfaisante.
Il est important de protéger nos entreprises contre l'espionnage industriel. Cette transposition est une nouveauté en droit français alors que la notion de secret des affaires existe depuis longtemps en droit anglo-saxon. En 1974, la Cour suprême des États-Unis a décidé qu'elle relevait de la compétence des États fédérés. La notion remonte au droit romain, avec l'actio servi corrupti. On se souvient que le Tupolev soviétique avait été surnommé Konkordski tant il copiait le Concorde !
L'information protégée est clairement définie : non accessible, ayant une valeur commerciale effective ou potentielle et faisant l'objet de mesures de protection. L'équilibre entre cette protection et la liberté d'expression et de communication est satisfaisant. Les lanceurs d'alerte ont un statut à part entière depuis la loi Sapin 2, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises a été abordée dans la loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et le sera à nouveau dans le futur projet de loi Pacte.
D'un côté, ce texte offre des garanties aux journalistes, aux syndicats ou aux associations citoyennes ; de l'autre, la protection du secret des affaires sera utile pour nos PME, TPE et startups.
La majorité des membres du RDSE votera ce texte. D'autres ne le voteront pas, leurs amendements en première lecture n'ayant pas été adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. André Gattolin et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)
M. André Gattolin . - Ce texte vise à protéger nos entreprises contre l'espionnage économique, le pillage de leurs secrets, ce que l'on appelle par un doux euphémisme « l'intelligence économique », ces pratiques déloyales qui se développent entre entreprises, parfois avec le soutien des services de renseignements de pays supposément amis.
Je tiens aussi à souligner le travail de la commission des affaires européennes qui s'est saisie du dossier très en amont.
Il s'agit de concilier la protection des intérêts de nos entreprises dans un environnement concurrentiel avec la liberté d'expression et d'information. Équilibre délicat, atteint par la rédaction de l'Assemblée nationale en première lecture grâce par exemple à l'institution d'une amende civile contre les procédures « bâillon ».
Le Sénat a précisé la définition du détenteur légitime du secret et la caractérisation de l'obtention illicite du secret des affaires. Mais il a aussi durci le texte avec la suppression de l'amende civile et l'introduction d'un volet pénal.
La CMP est parvenue à un accord équilibré. Ainsi le texte aligne la définition des informations protégées sur la directive, évitant toute surtransposition. L'amende civile est rétablie et portée à 60 000 euros ce qui était une demande des associations et des lanceurs d'alerte. L'infraction pénale sanctionnant la détention d'informations protégées a été supprimée. Le texte protégera donc nos entreprises contre le pillage industriel, tout en protégeant la liberté d'informer. Le travail des rapporteurs a été salutaire.
Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. Éric Bocquet . - Ce texte avait pour intitulé initial « Protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites ». En fait, il crée une forme de censure, une loi du silence contre laquelle se sont mobilisés un demi-million de citoyens, les ONG regroupées dans le collectif « Stop secret d'affaires », les associations, les lanceurs d'alerte. Sommes-nous si nombreux à faire fausse route ?
Avec ce texte, la recherche de la vérité, nous le savons, s'arrête trop souvent aux portes de l'entreprise. Avec celui sur les fake news, la vérité sera définie par l'État... Or la vérité suppose l'enquête ; ce travail patient, minutieux, complexe, souvent collectif. Elle doit être dénichée, accouchée, débusquée.
La protection du secret des affaires, c'est la protection de l'optimisation fiscale, le chantage aux fournisseurs, la sous-traitance en cascade, les pratiques à la limite de la légalité, mais aussi les risques sanitaires et environnementaux...
Notre arsenal juridique est déjà fourni en ce qui concerne la propriété intellectuelle, le secret médical, les secrets de fabrique ou encore le fameux secret-défense. Cette loi de transposition, voire de sur-transposition n'était pas nécessaire.
Vu le niveau des sanctions prévues, l'autocensure prévaudra. De nombreux juristes l'ont dénoncé.
Ce texte vise à dissuader les enquêtes et soustraire au public des informations d'intérêt général. La sophistication des outils juridiques sert à faire prévaloir l'opacité au détriment de la transparence, les intérêts privés au détriment de l'intérêt général.
Le procureur général de Palerme, Roberto Scarpinato, déclarait récemment à Mediapart que le secret était incompatible avec la démocratie : ce qui distingue celle-ci de l'autocratie, c'est qu'il y est l'exception, alors qu'il est la règle dans l'autocratie.
Le groupe CRCE votera contre ce texte.
Mme Jacky Deromedi . - Ce texte vise à défendre nos entreprises, et donc nos salariés, face au à l'espionnage industriel voire au pillage de nos industries, accrus dans un contexte de concurrence économique internationale exacerbée.
Ce pillage aboutit à la perte de nos savoir-faire, à la destruction d'emplois. La France était à la traîne, manquant d'une définition claire et d'une protection effective du secret des affaires. Toutes les tentatives législatives pour y remédier avaient échoué jusqu'à ce que la France prenne l'initiative de ce texte au Parlement européen.
Il fallait trouver l'équilibre subtil, comme l'a dit la ministre, entre la protection du secret des affaires et celle des lanceurs d'alerte et des journalistes.
En réalité, la défense des entreprises et la protection des journalistes et lanceurs d'alerte ne sont pas concurrents, mais complémentaires. Le texte définit clairement le secret des affaires, facilitant la tâche des entreprises et des juges, avec des critères cumulatifs stricts.
La notion de valeur commerciale l'a emporté sur la valeur économique ; le texte apporte aussi des garanties de procédures. L'Assemblée nationale a préféré, pour sanctionner la détention illicite d'informations relevant du secret des affaires, s'en tenir au droit commun.
Je partage l'opinion de notre rapporteur : cela ne suffit pas. J'espère que les deux rapporteurs poursuivront leurs travaux sur le sujet.
Contrairement aux craintes dont se font écho les médias, le secret des affaires est strictement encadré. En cas de révélation d'un secret des affaires, journalistes et lanceurs d'alerte pourront toujours se prévaloir de la liberté d'expression et d'information. L'amende civile n'était pas indispensable et risque d'être inconstitutionnelle.
MM. Gauvain et Frassa ont été chargés d'une mission de réflexion sur les sanctions pénales, nous comptons dessus.
La loi de blocage de 1968 sera-t-elle remplacée par des initiatives européennes dans le cadre de la guerre commerciale qui fait rage au niveau mondial ? Les Européens sont-ils prêts à répondre ?
Le groupe Les Républicains votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - Je rappelle que le Sénat se prononçant après l'Assemblée nationale, seuls les amendements acceptés par le Gouvernement sont recevables et que le Sénat se prononcera par un seul vote sur le texte.
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.
I. - Alinéa 78
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;
« 1° bis Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l'assister ou la représenter ;
II. - Alinéa 84
Après le mot :
sauf
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dans le cas prévu au 1° de l'article L. 153-1.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Cet amendement, comme le suivant, a l'accord du Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - En effet.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.
Alinéa 10, tableau, première colonne
Remplacer la référence :
Article L. 483-1
par les références :
Articles L. 481-1 à L. 483-1
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Défendu.
À la demande du groupe SOCR, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°147 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 248 |
Contre | 95 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est définitivement adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.