Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 6 (Suite)
M. le président. - Amendement n°434 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La demande d'aide juridictionnelle est présentée, le cas échéant, conjointement au recours devant la Cour nationale du droit d'asile. » ;
M. Julien Bargeton. - La commission a décidé de maintenir à 30 jours le délai de recours d'une décision de rejet de l'Ofpra devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Cet amendement vise à ce que la demande d'aide juridictionnelle soit présentée conjointement au recours devant la CNDA.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis favorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous nous abstiendrons. Je crains que zéro jour ne soit un peu rigide.
L'amendement n°434 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°214 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Roland Courteau. - Cet amendement supprime l'extension des cas dans lesquels la CNDA pourra statuer à juge unique dans un délai de cinq semaines. Cette extension est une mauvaise option, pour une raison de principe, les décisions prises après audience collégiale représentant déjà moins d'une décision sur deux, mais aussi pour une question d'efficacité. Les demandes posant des questions d'ordre public devraient en toute hypothèse être examinées en formation collégiale, tant les enjeux en sont sensibles.
L'amendement n°409 identique n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°556 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec et Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Maryse Carrère. - Les dossiers de cessation de protection sont les plus complexes. Ils méritent une fonction collégiale, tant ils se fondent sur l'intime conviction.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Ne nous contentons pas de la théorie. Ces cas relèvent de troubles très graves à l'ordre public, nous devons protéger nos concitoyens. (M. Roger Karoutchi approuve.)
M. Roland Courteau. - Il s'agit d'enjeux lourds et sensibles - et il faut cesser de faire croire que les menaces à l'ordre public doivent être traitées dans les délais les plus brefs, car les méthodes expéditives ne font qu'aggraver les choses.
Les amendements identiques nos214 rectifié bis et 556 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°580, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) À la troisième phrase du même second alinéa, le mot : « mêmes » est supprimé ;
L'amendement de coordination n°580, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°215 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la dernière phrase de l'article L. 731-3, les mots : « d'une semaine » sont remplacées par les mots : « de quinze jours » ;
M. Roland Courteau. - La CNDA est compétente pour examiner les requêtes qui lui sont adressés par les réfugiés visés par l'une des mesures prévues par les articles 31 et 33 de la Convention de Genève.
Cet amendement porte le délai de recours du réfugié à quinze jours, contre une semaine actuellement, de manière à ce que l'intéressé puisse préparer son recours dans des conditions satisfaisantes et respectueuses de ses droits.
S'il est important qu'il soit rapidement statué sur le sort du demandeur, encore faut-il qu'il ait pu au préalable former son recours dans les meilleures conditions.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Conservons un délai d'une semaine. Pour le demandeur, comme pour la CNDA, la célérité est préférable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Il s'agit de troubles graves à l'ordre public, voire de menace contre la sûreté de l'État. (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)
L'amendement n°215 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°414 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°216 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 9, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
M. Didier Marie. - Cet amendement supprime, en cas d'audience par vidéoconférence, la possibilité que l'interprète puisse ne pas être physiquement présent aux côtés du demandeur.
L'interprétariat à distance altère nécessairement la traduction du récit du demandeur, qui a besoin de confiance pour se livrer et dire ce qu'il a traversé.
M. le président. - Amendement identique n°520 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
M. Guillaume Arnell. - La nécessité de recourir à la vidéoconférence résulte du regroupement de l'Ofpra et de la CNDA en Île-de-France. La généralisation de cette pratique encore peu stable ne va pas de soi. Lors de nos visites, nous n'avons pas pu y assister. Nous l'encadrons donc davantage avec cet amendement, qui, également, rétablit la présence de l'interprète auprès du demandeur, et non auprès de la formation de jugement.
M. le président. - Amendement n°44, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
M. Fabien Gay. - Cet alinéa permet de se passer du consentement du demandeur pour la télé-audience, alors que dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a fait du consentement une condition de constitutionnalité : qu'en dites-vous, Monsieur le ministre ?
L'oralité est très importante dans les demandes de protection. Les demandeurs sont marqués par des parcours de vie et des conditions de vie très difficiles, on ne dit pas la même chose avec l'interprète à ses côtés, ou de l'autre côté d'un écran.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, juge que cette technique déshumanise l'audience, qu'elle nuit à la qualité des débats et que sa généralisation est inacceptable.
Le Conseil national des barreaux juge va dans le même sens, estimant que la télé-audience est incompatible avec une justice de qualité.
Les juges s'y opposent également, le syndicat de la magistrature nous alerte même de ce que la télé-audience, séparant le juge des parties, nuit gravement au droit à un procès équitable, donc à la démocratie. Nous supprimons en conséquence cet alinéa.
M. David Assouline. - Bravo !
M. le président. - Amendement identique n°217 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Mme Nelly Tocqueville. - La possibilité pour le requérant qui séjourne en France métropolitaine de venir s'exprimer en personne devant la Cour pour exposer ses arguments de fait et de droit est une garantie essentielle. La généralisation de la télé-audience est une régression d'autant moins acceptable qu'elle est motivée par des difficultés pratiques d'organisation des audiences.
Une audience par vidéoconférence est incompatible avec une défense de qualité, de surcroît lorsque l'oralité est déterminante pour la décision à prendre. C'est pourquoi cette technique doit être réservée aux seuls cas de force majeure, par exemple un éloignement géographique rendant impossible la présence physique du requérant.
M. le président. - Amendement identique n°557 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Françoise Laborde. - Si le recours à la vidéo-audience peut réduire utilement certains délais ou améliorer le confort de certains demandeurs d'asile, cette procédure ne convient pas à tous les requérants et notamment à ceux qui ont besoin d'un contact humain pour livrer un récit souvent douloureux. Il peut ainsi être difficile pour le demandeur d'asile de se confier avec les précisions nécessaires devant une machine, dans une situation souvent complexe et intime.
M. David Assouline. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°521 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement rétablit la possibilité pour les magistrats judiciaires de présider une formation de jugement à la CNDA.
C'est utile, dans une perspective de mobilité des magistrats entre les deux ordres judiciaires et administratifs. La présence de magistrats disposant d'une connaissance approfondie des procédures judiciaires françaises et étrangères constitue un apport non négligeable lors de l'examen de demande d'asile, il s'agirait donc de ne pas décourager ces mobilités.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Les amendements nos216 rectifié bis et 520 rectifié suppriment la possibilité prévue lors de la vidéo-audience, que l'interprète soit présent dans la salle où se tient l'audience de la CNDA et non pas aux côtés du requérant.
Or la consécration dans la loi de la présence de l'interprète aux côtés du requérant et, à défaut, dans la salle où se tient l'audience, est une garantie pour le requérant, tout en permettant le bon fonctionnement du service public de la justice. Dans nos déplacements et auditions, nous avons constaté que cette présence du côté de l'instance fonctionnait bien, et nous n'avons pas entendu les difficultés que vous dites. Avis défavorable, donc, à ces deux amendements.
Même avis aux amendements nos44, 217 rectifié bis et 557 rectifié.
Dans sa décision de novembre 2003, le Conseil constitutionnel, en validant la vidéo-audience pour les étrangers en rétention, n'a pas fait du consentement de l'étranger une condition de constitutionalité de la mesure, ce qu'il a confirmé dans une décision ultérieure de 2011.
Ce que nous proposons est donc conforme aux prescriptions constitutionnelles et conventionnelles auxquelles la France doit se conformer, dans la mesure où les garanties assurant le respect du caractère contradictoire requises par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2011 sont bel et bien prévues : une salle d'audience spécialement aménagée, ouverte au public et relevant du ministère de la justice ; le déroulement de l'audience en direct et assurant la confidentialité de la transmission ; le droit pour l'intéressé d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier ; la présence de l'avocat ; la réalisation d'un procès-verbal ou d'un enregistrement.
En outre, le bilan de la vidéo-audience mis en oeuvre par la CNDA pour les demandes d'asile outre-mer est plutôt positif, ce qui nous a été confirmé lors de notre déplacement à la CNDA.
Je précise d'ailleurs que la commission a adopté un amendement renforçant l'encadrement de ces vidéo-audiences.
L'amendement n°521 rectifié rétablit la possibilité pour les magistrats de l'ordre judiciaire détachés au sein de la CNDA de présider des formations de jugement. Le projet de loi modifie l'article L. 233-5 du Code de justice administrative pour aligner les modalités d'accueil des magistrats de l'ordre judiciaire au sein de la CNDA, par la voie du détachement, sur celles applicables aux conseillers et premiers conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant le même grade.
Lors des auditions des syndicats de magistrats de l'ordre judiciaire, ce point n'a pas soulevé de difficulté. Il garantit le même traitement aux magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable sur les amendements nos216 rectifié bis et 520 rectifié.
Le Conseil d'État a donné un avis favorable au mécanisme de la télé-audience et il faut voir aussi qu'en pratique, avec les langues rares qui sont demandées, l'interprète sera mieux placé auprès de la CNDA. Avis défavorable, donc, aux amendements identiques nos44, 217 rectifié bis et 557 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. - Mais vous en pensez quoi, de la télé-audience ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - L'amendement n°521 rectifié découle d'une mauvaise interprétation de la loi. Le texte n'empêche nullement un magistrat judiciaire de présider une chambre de la CNDA. Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Dans la loi sur l'organisation de la justice, nous devrons débattre davantage de la vidéoconférence lors des audiences judiciaires en général. Il y a dans l'échange avec l'interprète la voix mais aussi le regard. Certes, il y a des difficultés pratiques, en particulier avec les langues rares, mais la rédaction de cet article est trop large, suffisamment pour que la vidéoconférence devienne l'habitude.
La généralisation est une régression de l'État de droit. La décision du Conseil constitutionnel aurait dû vous inspirer, Monsieur le Ministre.
Mais c'est oublié que vous considérez les demandeurs d'asile comme surtout comme de faux réfugiés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Les amendements identiques nos216 rectifié bis et 520 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques nos44, 217 rectifié bis, 557 rectifié et 521 rectifié.
M. le président. - Amendement n°218 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le début du premier alinéa de l'article L. 733-3 est ainsi rédigé : « Avant de statuer sur un recours soulevant une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse, la Cour ... (le reste sans changement) ».
M. Jérôme Durain. - Nous élargissons les cas dans lesquels la CNDA peut demander l'avis au Conseil d'État avant de statuer. Actuellement, l'article L. 733-3 pose trois conditions cumulatives : il doit s'agir d'une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.
Cette troisième condition restreint inutilement cette possibilité, et surtout, elle la retarde alors qu'un éclairage du Conseil d'État au plus tôt serait gage d'une plus grande sécurité juridique.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable : ces critères sont ceux des juridictions de droit commun, il n'y a guère de raison de les modifier pour une juridiction spécialisée.
L'amendement n°218 rectifié bis n'est pas adopté.
À la demande du groupe CRCE, l'article 6, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°144 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 238 |
Contre | 103 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°339 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 733-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 733-2. - Le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, rejeter les recours ne relevant pas des compétences de la cour ou rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou qui n'ont pas été régularisés à l'expiration du délai imparti par une demande adressée en ce sens dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement, comme l'amendement n°377 rectifié bis, concerne la capacité de la CNDA à procéder par ordonnance.
L'article additionnel conserve trois des cinq cas actuellement prévus par l'article R.733-4.
Il en écarte deux : les recours sur lesquels il n'y a pas lieu de statuer et les recours qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'Ofpra. Ces deux cas, par leur caractère trop général, ont vocation à embrasser un nombre considérable de recours et donc à priver le requérant d'une audience devant la Cour.
J'entends déjà le rapporteur me rétorquer que le règlement organise déjà ces cas ; mais s'agissant de droits procéduraux, il est naturel que la loi s'en occupe.
M. le président. - Amendement n°377 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 733-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'ordonnance est susceptible d'appel dans un délai de deux jours ouvrés à compter de sa notification. »
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Aujourd'hui, il n'y a pas d'appel ni de notification, alors que le refus de protéger touche à un droit fondamental.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement propose de placer dans la loi les cas où la CNDA peut agir par ordonnance, actuellement déterminés par décret en Conseil d'État. Les auteurs de l'amendement, en élevant ces cas au rang législatif, ôtent de la liste deux cas importants. Avis défavorable à l'amendement n°339 rectifié bis.
L'amendement n°377 rectifié bis institue une voie d'appel d'une décision prise par ordonnance par la CNDA. Or les décisions de la CNDA sont déjà susceptibles d'un pourvoi en cassation devant la Conseil d'État. Il n'y a pas lieu de prévoir une autre modalité de recours en appel. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable pour les mêmes motifs. Le recours aux ordonnances représente 34 % des décisions, c'est important.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous savons que les ordonnances sont un moyen pour la CNDA de statuer rapidement. On aurait pu espérer, avec la mise en place en 2015 du juge unique, qu'elle y ait moins recours. Ce n'a pas été le cas.
Il arrive souvent que l'ordonnance ne soit pas notifiée - le justiciable ne peut donc faire appel.
Certes, il peut se pourvoir devant le Conseil d'État, mais seulement sur la forme, pas sur le fond. Créer un appel des décisions de la CNDA renforcerait les droits des demandeurs.
L'amendement n°339 rectifié bis n'est pas adopté non plus que l'amendement n°377 rectifié bis.
ARTICLE 6 BIS A
Mme Esther Benbassa . - Cet article, innovation de la commission des lois, dispose que tout refus de droit d'asile vaut OQTF.
La proportion des déboutés reconduits à la frontière est trop faible, disent certains. D'autres vont plus loin, disant que tous sont des usurpateurs qui comptent sur le fait de ne pas être expulsés - le benchmarking n'est pas loin.
Cet article affaiblira encore plus les droits des étrangers - dont il ne restera bientôt plus rien.
Que faisons-nous de vraiment différent de ce que fait l'Italie ? Tout ceci est indigne.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Cet article est révélateur de toute l'ambiguïté des « améliorations » apportées au texte par la droite sénatoriale. Ici, le rapporteur durcit drastiquement le dispositif d'OQTF. Aussi cet article propose que toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile de l'Ofpra, le cas échéant après décision également de la CNDA, vaut obligation de quitter le territoire français. Pourtant, la jurisprudence même de la CNDA montre qu'un certain nombre de demandeurs d'asile ont raison de persévérer dans leur demande car des statuts ou des protections subsidiaires sont régulièrement accordés par la Cour dans ce cadre. On ne peut comme l'indique l'association Elena « créer une catégorie d'« éloignables » car lorsque le demandeur d'asile persiste à vouloir faire reconnaître ses persécutions, c'est que le danger est prégnant et durable ».
M. le président. - Amendement identique n°219 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet article constitue un mélange des genres entre l'appréciation du bien-fondé d'une demande d'asile et l'appréciation du droit au séjour qui relève d'abord de l'autorité préfectorale. L'automaticité ferait peser sur l'Ofpra et la CNDA une pression peu compatible avec leurs missions et les conditions dans lesquelles elles doivent sereinement les remplir. L'éloignement, phase ultérieure éventuelle, ne relève pas de leurs missions, mais des préfectures - c'est à elles d'évaluer les capacités de l'étranger à rester sur notre territoire ou, le cas échéant, à relever d'un dispositif d'aide au retour.
L'automaticité « court-circuite » donc l'autorité préfectorale, compétente pour statuer sur un éventuel droit au séjour et pour décider de l'ensemble des mesures propres à la procédure d'éloignement. La CNDA est déjà suffisamment chargée.
La juridiction administrative ne constituerait plus un recours, comme elle le fait avec les décisions préfectorales. Il y aurait donc un flux de contentieux vers le Conseil ?État tout à fait regrettable.
L'automaticité est enfin contraire à la directive Recours qui impose une appréciation individuelle de chaque dossier. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. - Amendement identique n°419, présenté par le Gouvernement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet article méconnaît la distinction juridique entre l'éligibilité à la protection, qui relève exclusivement de l'Ofpra sous le contrôle de la CNDA, et les problématiques d'éloignement et d'admission au séjour qui relèvent de l'autorité administrative - le préfet - sous le contrôle de la juridiction administrative.
La CNDA et l'Ofpra devraient connaître des matières qui ne sont pas les siennes - appréciation du trouble à l'ordre public, droit à vivre une vie familiale normale ; un tel changement supposerait en fait de réformer les structures compétentes sur l'asile et les migrations, ce n'est pas le projet du Gouvernement. Se pose aussi la question du régime contentieux des OQTF, où il faut que le recours soit suspensif - sans compter que ce contentieux est massif et qu'il demande fréquemment à recourir à l'urgence.
M. le président. - Amendement identique n°443 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.
M. François Patriat. - Ce dispositif méconnaît la distinction juridique entre l'éligibilité à la protection et l'admission au séjour.
C'est un mélange des genres regrettable. L'asile et le séjour sont deux régimes distincts. Ce n'est pas parce qu'une personne n'a pas le droit d'asile qu'elle n'aurait pas le droit de séjourner en France.
Cette automaticité relève donc surtout de l'affichage politique.
M. le président. - Amendement identique n°522 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
M. Guillaume Arnell. - J'ai eu le bonheur d'être choisi chef de file de mon groupe sur ce projet de loi. Avec plusieurs collègues, nous avons pris la peine de visiter des centres de rétention et de rencontrer le directeur de l'Ofpra et la CNDA. J'ai une certitude : l'Ofpra ne veut pas se substituer au préfet.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Mais elle ne doit pas non plus se substituer au législateur.
M. Guillaume Arnell. - Chacun a le droit de ne pas être de votre avis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) L'Ofpra et la CNDA ne veulent pas avoir à connaître des OQTF, c'est très clair dans l'esprit de leurs dirigeants.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous sommes partis de deux constats : les déboutés font des demandes d'autorisation de séjour ; les préfets ne prennent pas rapidement les arrêtés d'expulsion. Les aménagements prévus à l'article 23 de la loi par le Gouvernement confortent cette idée : le demandeur pourra faire - en même temps que la demande d'asile - une demande d'autorisation de séjour autre. La commission des lois lui a donné un délai de deux mois.
Nous ne demandons pas à l'Ofpra ni à la CNDA de se substituer à l'autorité préfectorale, mais les droits du demandeur ayant été jugés, le demandeur doit partir. Et le recours contre l'OQTF demeure entier. Il n'y a pas substitution, mais efficacité - dans le respect des droits de la personne.
Avis défavorable à tous les amendements.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - À l'article 23, il y aura un examen parallèle de la demande d'asile et des autres demandes de séjour. Ce n'est qu'une fois que ces dernières auront été refusées que l'OQTF pourra être prononcée - par le préfet.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous n'en sommes pas encore à l'article 23, Monsieur le Rapporteur. Vous n'avez pas répondu à nos objections sur les conséquences pour l'Ofpra et la CNDA de l'extension de leurs compétences.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous ne modifions en rien les compétences de l'Ofpra et de la CNDA. (M. Jean-Yves Leconte et Mme Marie-Pierre de la Gontrie le contestent.)
M. Guillaume Arnell. - S'il y a un amendement sur lequel nous ne céderons pas, c'est bien celui-là.
À la demande du groupe SOCR, les amendements identiques nos8, 219 rectifié bis, 419, 443 rectifié et 552 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°145 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 183 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
L'article 6 bis A est supprimé.
(Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et RDSE)
L'article 6 bis est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°351 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Lors de la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, l'autorité administrative compétente distingue les situations exposées à l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 précité, et ne peut considérer que l'examen de la demande d'asile ne relève pas de la compétence de la France au seul motif que l'étranger a été enregistré conformément au règlement (UE) n° 603/2013 comme ayant irrégulièrement franchi la frontière de l'un des autres États membres, si celui-ci n'a jamais déposé de demande de protection dans un autre État membre, et ce quelle que soit sa date d'entrée sur le territoire français. »
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement, essentiel, montre l'orientation que nous voulons pour notre politique d'asile. Si une personne est entrée irrégulièrement dans l'Union européenne, par l'Italie, la Grèce ou l'Espagne, et y a vu ses empreintes enregistrées dans Eurodac, nous proposons de faire preuve de solidarité et de ne pas le renvoyer systématiquement vers le pays de première entrée. C'est aller dans le même sens que ce qu'a décidé le Gouvernement dans l'affaire de l'Aquarius. (Marques d'impatience à droite)
M. le président. - Concluez.
M. Jean-Yves Leconte. - Des milliers de personnes sont concernées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Vous proposez que la France, de manière unilatérale, n'applique plus certains des critères de Dublin III : elle serait ainsi chargée des demandes d'asile déposées par des migrants entrés par la Grèce, l'Espagne, l'Europe de l'Est, dès lors qu'ils n'ont pas déposé une demande d'asile ailleurs. Certes, Dublin III est à bout de souffle et la proposition de loi Warsmann répondait à une urgence juridique après la décision de la Cour de cassation de septembre dernier. Un débat doit s'engager au sein de l'Union européenne. Pour autant, ce n'est pas parce que Dublin III ne fonctionne pas qu'il faut tout abandonner. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. Si cet amendement était adopté, la France prendrait unilatéralement la responsabilité de traiter les demandes d'asile de dizaines de milliers de personnes enregistrées ailleurs. Oui, le règlement du Dublin fonctionne mal et nous essayons de le reformuler ; la présidence bulgare a fait des propositions.
Si j'étais le ministre de l'Intérieur italien, je sauterais sur votre proposition...
M. David Assouline. - On est en pleine hypocrisie. Prenez l'exemple du camp du Millénaire : 80 % environ étaient des Soudanais et des Erythréens ; ils étaient éligibles à l'asile politique. Il est indigne de les avoir laissés vivre sous les ponts avant de leur avoir offert un accueil digne. Je me souviens avoir vu un enfant de 15 ans, tout seul ; heureusement qu'une association était là. Quand ils ont enfin obtenu un hébergement, on les renvoie vers l'Italie pour déposer une demande d'asile. Ce n'est pas juste de rejeter cette responsabilité sur les pays d'arrivée. Comment a-t-on pu ainsi maltraiter la Grèce et l'Italie ? La plus grande hypocrisie, c'est qu'on ne renvoie pas ces personnes dans le pays de première arrivée. D'ailleurs, que feraient-ils dans une Italie dont le ministre de l'Intérieur promet une épuration de masse ? Ne les sacrifions pas dans l'attente que les négociations aboutissent ; nous ne serions pas la France !
M. Didier Marie. - À cause de l'échec des politiques de relocalisation doit-on laisser les dublinés errer de pays en pays ? En attendant une solution européenne, l'amendement de M. Leconte offre une solution humanitaire. L'Italie n'acceptera pas de recevoir ces personnes, a fortiori avec les derniers résultats électoraux ; elle accueille déjà 300 000 réfugiés. La France doit montrer l'exemple, fidèle à sa vocation humaniste. (Marques d'irritation à droite) Cela ne créera pas d'appel d'air car beaucoup de migrants veulent aller ailleurs, notamment en Grande-Bretagne.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement n'est pas contraire au règlement Dublin, son article 17 donne déjà aux États la possibilité d'examiner une demande de protection internationale d'un dubliné. Rendre cette possibilité plus systématique renforcerait la position de la France dans les négociations européennes et sur la scène internationale. Restons fidèles à nos valeurs et à la convention de Genève.
M. Roger Karoutchi. - Depuis hier, j'entends condamner l'attitude de l'Italie, de la Hongrie dont le Parlement a délibéré dans des conditions surprenantes. L'Union européenne, lors du prochain Conseil européen, devra définir une politique migratoire claire, sinon chaque État membre fera comme il l'entend et nous irons au-devant de grandes difficultés. Nous sommes tous d'accord : le système Dublin est à bout de souffle.
Mme Esther Benbassa. - Quand même !
M. Roger Karoutchi. - C'est la responsabilité des États de trouver un nouveau système mais la France ne peut pas prendre une initiative isolée, cela signifierait que nous reprenons la main sur la politique migratoire.
M. David Assouline. - Nous nous renvoyons la balle et les réfugiés sont sacrifiés !
M. Antoine Karam. - Des centaines d'Irakiens et de Syriens ont traversé l'Atlantique, ils sont venus demander l'asile en Guyane en passant par le Brésil avec lequel nous avons 700 km de frontière. Aujourd'hui, ils veulent aller en métropole, ce qui leur est refusé parce qu'ils ont déposé leur dossier en Guyane - qui est une région ultrapériphérique. Peut-on leur apporter des réponses ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - On peut vouloir renégocier Dublin III mais en attendant relisons-le précisément. Son article 17, repris à l'article L. 742-1 du Ceseda, prévoit que « chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. » Quoi qu'on puisse penser de Dublin III, notre amendement n°351 rectifié ne s'en écarte pas.
M. Jacques Bigot. - Je pensais, après l'affaire de l'Aquarius, que le Gouvernement verrait cet amendement différemment. On ne peut pas ignorer la situation chez nos voisins. Cet amendement permet simplement d'apporter une réponse aux cas individuels. Je suis désolé de voir que le devoir humanitaire a échappé au Gouvernement. À croire que le cynisme n'est pas que du côté de l'Italie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cela faisait un an et trois mois que nous n'avions pas vu de bateaux revenir sur les côtes européennes. Nous le devions à la politique menée par l'Italie qui s'était accordée sur un code de bonne conduite avec les ONG. Si nous continuons dans cette voie, ce ne sera pas un bateau mais cinq bateaux, dix bateaux demain.
La limite qui a été fixée par la France est toujours la même. Nous avons dépêché une mission de l'Ofpra auprès des personnes à bord de l'Aquarius pour examiner lesquels pouvaient bénéficier du statut de réfugié. La France n'a accueilli que 635 relocalisations provenant de l'Italie tout simplement parce qu'il n'y avait pas davantage de personnes éligibles au statut de réfugiés à accueillir ; les autres étaient des migrants économiques. La France ne peut pas, unilatéralement, décider d'accueillir tous les migrants.
M. Xavier Iacovelli. - Respectez-nous ! Nous n'avons pas dit ça !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - À Paris, nous en sommes à la 36emise à l'abri. Les personnes disparaissent puis on les retrouve en périphérie. Ce système aboutit à ajouter de la misère là où il y en a déjà beaucoup. Refondre Dublin, oui, mais pas en commençant par y déroger. (Plusieurs applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. François Patriat. - Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Il revient effectivement à Bruxelles de traiter le problème. Des mesures unilatérales auraient des effets pervers sur le volume des demandes d'asile en France et seraient contraires au règlement de Dublin. (On le nie sur les bancs du groupe SOCR.)
Chers collègues socialistes, la France a généreusement accueilli 6 000 demandeurs d'asile dans le cadre de l'accord européen de relocalisation qui portait sur 160 000 réfugiés. Et encore cet objectif a semblé trop important au gouvernement précédent, la France n'en a accueilli que 4 000 environ. M. Assouline, avec des accents de sincérité qui m'ont ému, nous a mis en garde contre l'hypocrisie. Ce devoir de solidarité, ...
M. Xavier Iacovelli. - Vous, vous êtes constant !
M. Philippe Bas, président de la commission. - ...pourquoi ne pas l'avoir porté haut et fort quand vous étiez liés par la solidarité gouvernementale ? Responsable un jour, responsable toujours ; c'est ainsi que l'on reconquiert un peu de crédibilité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Xavier Iacovelli. - Nous vous l'avons démontré : l'amendement n°351 rectifié n'est pas contraire à Dublin III ; Dublin III dont on ne peut pas expliquer qu'il est un cadre dépassé tout en appelant à le respecter strictement.
M. André Reichardt. - Je salue les efforts du groupe socialiste pour démontrer que Dublin autorise les États à faire droit aux demandes individuelles d'asile. Cela dit, son amendement va plus loin : il vise une régularisation collective. (Protestation à gauche) Tous les migrants « sous les ponts » seront concernés et tous pourront demander l'asile en France : c'est bien une modification radicale de Dublin.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La situation en Europe est catastrophique. Jouer la politique du pire n'est pas la solution et ne fera que crisper les peuples. Notre amendement autorise seulement des personnes qui sont entrées en Europe par un autre pays à déposer une demande d'asile en France. Ce n'est en aucun cas une régularisation. Merci de ne pas travestir notre position. Nous voulons donner une autre image de l'accueil des demandeurs d'asile que celle que, parfois, notre jeunesse observe sur le terrain sans comprendre où est l'idéal de notre République.
M. Jérôme Durain. - Le président Bas nous reproche de ne pas avoir eu naguère la même générosité qu'aujourd'hui. Mais quel est le crédit politique d'une telle générosité quand le moment est à la surenchère droitière ? Notre position mérite mieux que des sarcasmes. (Applaudissements SOCR)
M. Alain Richard. - Le règlement Dublin donne la possibilité aux États d'examiner des demandes individuelles ; cet amendement la transforme en une obligation. Si ce n'était pas l'intention de ses auteurs, il est toujours temps de le rectifier.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Si cet amendement est adopté, il se dira dans toute l'Europe qu'il est facile d'obtenir l'asile en France.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Benchmarking !
Mme Esther Benbassa. - Shopping !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Si je n'ai pas le pouvoir de faire parler le directeur de l'Ofpra, je peux lire ses déclarations dans Le Monde. Il disait que l'Office ne pourrait pas faire face si l'on ne respectait pas Dublin.
À la demande du groupe SOCR, l'amendement n°351 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°146 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Pour l'adoption | 77 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE 7
M. Antoine Karam . - Les demandes d'asile ont fortement augmenté en Guyane : 15 000 entre 2015 et 2017. Nous comptons seulement 100 places d'hébergement d'urgence, qui sont réservées en priorité aux familles. Les personnes squattent des immeubles désaffectés de l'État, des collectivités ou même du domaine privé. Autre problème : l'interprétariat. Les interprètes attendent parfois jusqu'à trois ans avant d'être payés. Le schéma territorial d'hébergement sera vraisemblablement inopérant chez nous, ce qui ne sera pas sans incidence sur la prolifération de l'habitat informel.
M. Jean-Yves Leconte . - Les titres de circulation délivrés aux étrangers outre-mer ne leur permettent pas de se rendre dans l'Hexagone. Dès lors certains territoires, très touchés, fonctionnent comme des centres de rétention à ciel ouvert. Le fait que les outre-mer ne soient pas dans l'espace Schengen sert de prétexte pour ne pas enregistrer dans Eurodac les demandes qui y sont déposées. La France, si prompte à renvoyer les pays d'arrivée à leur responsabilité, devrait être digne de la sienne. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
M. le président. - Amendement n°378 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après la première phrase de l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le rapport est préalablement transmis à l'interprète selon des modalités fixés par décret. »
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Si l'on donne le rapport à l'interprète, il faut en faire de même pour toutes les parties au procès.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Lors d'une audience, le rapporteur lit très vite ses conclusions, l'interprète court après. Il est difficile à l'avocat et au requérant de comprendre ce qu'il se dit.
L'amendement n°378 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°220 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
suffisante
insérer les mots :
et par laquelle il peut se faire comprendre
L'amendement de coordination n°220 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°221 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
, et que ce défaut d'interprétariat est imputable à l'office
M. Didier Marie. - Tout le monde sait que l'interprétariat est la clé pour que le demandeur d'asile puisse faire entendre son récit et son parcours.
L'amendement n°221 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°222 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le requérant de bonne foi peut se prévaloir de ce défaut d'interprétariat à tout instant et indique la langue dans laquelle il souhaite être entendu pour la suite de la procédure.
M. Jean-Yves Leconte. - Défendu.
L'amendement n°222 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°223 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
Mme Michelle Meunier. - Il faut supprimer la possibilité d'entendre le demandeur dans une langue « dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend » si la CNDA ne peut désigner un interprète dans la langue demandée.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable, comme à tous les amendements qui portent sur le choix de la langue.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Je donnerai les mêmes avis défavorables.
L'amendement n°223 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°224 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 741-1, les mots : « ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend » sont supprimés ;
Mme Michelle Meunier. - Amendement de repli.
L'amendement n°224 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°354 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le premier alinéa de l'article L. 741-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Tout demandeur est informé de son droit inconditionnel à bénéficier d'un hébergement d'urgence, d'un premier examen de santé et de la possibilité d'être assisté par une association pour préparer le dépôt de sa demande d'asile. » ;
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement consacre le droit pour les demandeurs d'asile d'être informés de leurs droits fondamentaux à l'hébergement, à l'assistance médicale et juridique.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Il est satisfait par l'article L. 741-1 du Ceseda depuis le 20 mars 2018.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - J'ai la version actuelle de l'article. Ce n'est pas ce qu'il dit.
L'amendement n°354 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°523 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
M. Guillaume Arnell. - Il est prévu de contraindre une famille à déposer une demande pour tous ses membres. Or les mineurs accompagnant leurs parents, actuellement, bénéficient du droit de séjour de leurs parents - sauf cas de mariage forcé ou de mutilation génitale.
Le droit d'asile est personnel. Ce rapprochement familial est ambigu, occultant les cas où le droit d'asile repose sur l'enfant.
Des pays comme la Suède prévoient que l'enfant puisse demander l'asile. Nous proposons de nous en tenir au droit en vigueur.
M. Jean-Claude Requier. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°355 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 5, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La décision de l'office accordant ou rejetant la protection n'est pas opposable aux enfants ayant déclaré au cours de l'entretien que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire, sauf si cette personne en apporte la preuve contraire.
Mme Sylvie Robert. - Cet amendement consolide le mécanisme prévoyant la demande d'asile.
La dernière phrase est problématique : comment un enfant de huit, neuf ou dix ans pourrait-il apporter la preuve que la personne qui a déposé pour lui la demande était en droit de le faire ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable : le droit positif est plus protecteur que ces deux amendements.
La protection la plus élevée est accordée aux enfants. C'est nouveau pour la protection subsidiaire.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
M. Guillaume Arnell. - Ce n'est pas la lecture que nous avons de l'article.
L'amendement n°523 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°355 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°558 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Dès leur arrivée sur le territoire, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient d'un hébergement au sens du 2° de l'article L. 744-3.
« Au sein de cet hébergement d'urgence, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient d'une information sur le droit d'asile, d'un premier examen de leur santé et d'une orientation vers l'autorité administrative compétente pour enregistrer la demande d'asile. » ;
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement légalise le contenu de la circulaire du 4 décembre 2017 pour le stade du premier accueil, organisant le droit à l'hébergement d'urgence, qui comporte une information sur le droit d'asile, un premier examen de santé et une orientation vers l'autorité administrative compétente pour enregistrer la demande d'asile.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement tendant à légaliser les CAES est satisfait à l'article 9. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°558 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°57 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne répertoriée sur le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste est non éligible à la procédure de demande d'asile. » ;
M. Roger Karoutchi. - Si le rapporteur me confirme ce qu'il m'a dit, je le retirerai. J'avais lu dans la presse qu'une personne ayant appartenu à une organisation terroriste avait obtenu l'asile. Le rapporteur m'a dit que cela était satisfait, puisqu'en pratique, il est exclu que des personnes figurant dans des fichiers puissent l'obtenir.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Si une personne est inscrite dans un fichier comprenant des terroristes, l'asile n'est pas accordé.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Je confirme. Une enquête administrative est prévue au niveau de l'Ofpra pour interdire la situation que vous redoutez.
L'amendement n°57 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°350 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 741-2, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le demandeur peut introduire sa demande d'asile auprès de l'office en français ou dans la langue qu'il a indiquée lors de l'enregistrement de sa demande. » ;
M. Didier Marie. - Cet amendement clarifie les règles linguistiques sur l'introduction d'une demande d'asile auprès de l'office.
Le projet de loi prévoit que le demandeur d'asile devra désormais indiquer dès l'enregistrement de sa demande d'asile, la langue dans laquelle il préfère être entendu et que ce choix lui sera opposable pendant toute la durée de l'examen de sa demande. Toutefois, l'article 7 est imprécis et n'indique pas à partir de quelle étape de la procédure s'applique la règle selon laquelle le demandeur est entendu dans la langue qu'il a indiquée lors de l'enregistrement.
Cet amendement prévoit explicitement que le demandeur pourra introduire sa demande devant l'office soit en français soit dans la langue qu'il aura indiquée lors de l'enregistrement de sa demande.
Actuellement, les demandeurs d'asile se trouvent souvent démunis, face à de prétendus traducteurs, qui, contre rémunération, fournissent aux demandeurs des récits clés en main en français. Ceux-ci ne peuvent ensuite soutenir ce récit, qui ne correspond pas à la réalité de leur histoire, lors de leur entretien, alors même qu'ils pourraient justifier d'un dossier solide pour bénéficier d'une protection.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'article 7 prévoit que le choix de la langue de la procédure est déterminé dès l'enregistrement de la demande d'asile (à la préfecture). Il est ensuite opposable pour l'entretien personnel à l'Ofpra et lors du recours devant la CNDA.
En revanche, le dépôt de la demande d'asile à l'Ofpra doit toujours se faire en français. Cela peut interroger, dans le contexte du droit d'asile où les personnes sont en grande majorité non francophones.
Toutefois, conformément à l'article 2 de la Constitution selon lequel « la langue de la République est le français », l'usage du français est imposé aux usagers - que sont les demandeurs d'asile - dans leurs relations avec les administrations.
Des dispositions qui reconnaitraient un droit à pratiquer une autre langue que le français dans la vie publique seraient contraires à la Constitution. Le problème réel que vous soulevez ne peut trouver de réponse que dans l'assistance des demandeurs d'asile par les associations et leurs conseils, les aidant à rédiger leur demande et leur recours en français, comme c'est largement le cas. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Monsieur le Rapporteur, vous nous aviez dit en commission qu'il était satisfait ; maintenant, qu'il est contraire à la Constitution. C'est autre chose !
M. Didier Marie. - De l'aveu même du rapporteur, cette disposition pose des difficultés majeures et offre des possibilités aux mafias.
L'amendement n°350 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°559 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
Mme Maryse Carrère. - Ces alinéas figent le choix de la langue dans laquelle le demandeur d'asile sera entendu pendant toute la durée de la procédure, y compris en cas de recours devant la CNDA, restreignant l'exercice du droit du demandeur d'asile à être entendu dans une langue qu'il comprend.
M. le président. - Amendement n°46 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 741-2-1. - Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprenne, des langues dans lesquelles il peut être entendu lors de l'entretien personnel mené par l'office prévu à l'article L. 723-6. Il indique celle dans laquelle il préfère être entendu. Tout au long de la procédure, il peut être entendu dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprenne. »
M. Guillaume Gontard. - Les bases juridiques européennes applicables au droit d'asile prévoient un droit à l'information du demandeur d'asile « dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprenne » (Article 12 a de la directive Procédures).
La nouvelle formulation retenue par le projet de loi, à savoir « dans une langue dont il a une connaissance suffisante » laisse supposer que l'on pourrait se contenter d'une simple connaissance d'une langue sans s'assurer que le demandeur d'asile la comprenne réellement.
Le demandeur doit faire face au choix qui sera opposable. Comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, nous considérons que c'est moins protecteur qu'un droit à être entendu dans une langue qu'il comprend.
M. le président. - Amendement n°352 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7, troisième phrase
Remplacer le mot :
suffisante
par le mot :
effective
Mme Sylvie Robert. - La langue, c'est une question vitale.
Cet amendement de repli précise que le demandeur d'asile doit avoir une connaissance « effective » de la langue et non « suffisante », dans la mesure où une connaissance « suffisante » ne garantit aucunement que le demandeur sera en capacité de saisir les subtilités des questions qui peuvent lui être adressées.
M. le président. - Amendement n°225 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et par laquelle il peut se faire comprendre
Mme Gisèle Jourda. - Devant l'obstacle de la langue, combien de demandeurs sont-ils désemparés ?
Cet amendement consolide le régime linguistique dans lequel va s'exercer la procédure devant l'Ofpra et la Cour nationale du droit d'asile.
Dans le cadre de l'instruction de la demande d'asile devant l'Ofpra et la CNDA, le demandeur d'asile n'est pas seulement informé de ses droits, il a vocation à faire valoir les arguments au soutien de sa demande, par l'exposé des persécutions subies, de son histoire, de son parcours migratoire. Il importe qu'il comprenne les informations qui lui sont communiquées mais aussi qu'il puisse se faire comprendre.
M. le président. - Amendement n°226 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7, cinquième phrase
Supprimer cette phrase.
Mme Gisèle Jourda. - Cet amendement supprime un alinéa indiquant que la contestation du choix de la langue de procédure ne peut intervenir qu'à l'occasion du recours devant la CNDA.
Cette disposition revient à considérer qu'il est possible qu'un demandeur d'asile puisse être entendu dans une « mauvaise » langue au cours de son entretien à l'Ofpra.
Le texte prévoit que le changement de langue est possible à tout instant s'il s'agit de procéder à l'entretien en français. Rien ne justifie, si ce n'est des questions d'organisation interne à l'Office, que ce principe ne s'applique à tout changement de langue.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à tous ces amendements.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
M. Didier Marie. - On ne peut pas balayer ces amendements d'un revers de main. La compréhension des questions est cruciale. Sinon, c'est l'équilibre de l'ensemble de la procédure qui est en jeu. Toutes les associations nous le disent, les demandeurs ont des difficultés à s'exprimer dans leur langue. Ils peuvent avoir besoin de changer de langue.
L'amendement n°559 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos46 rectifié, 352 rectifié bis, 225 rectifié bis et 226 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°524 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les qualifications requises à l'assermentation des interprètes auprès de l'Office de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sont fixées par décret.
M. Guillaume Arnell. - Au cours de nos auditions, nous avons pris conscience de l'importance des interprètes devant l'Ofpra et la CNDA. Nous avons été frappés par leur niveau d'expertise : ils travaillent presque tous en freelance. Nous proposons, en attendant un corps spécialisé, que les qualifications requises soient rehaussées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable, la rectification demandée ayant été faite.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Les interprètes ne sont pas salariés, mais travaillent pour des cabinets titulaires de marchés publics conclus avec l'Ofpra et la CNDA. Ils doivent avoir un diplôme universitaire, une expérience préalable dans la traduction et/ou l'interprétariat, une connaissance du français et d'une ou plusieurs langues des pays d'origine, ainsi que de la géopolitique et des règles administratives et juridiques. Cela peut suffire, sans qu'il soit besoin de l'inclure dans la loi. Avis défavorable.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ah !
M. Guillaume Arnell. - J'ai assisté à une audition. Dès le départ, il a été sous-entendu que la traduction serait approximative. Le demandeur était Pakistanais, il s'exprimait en pachtoun, langue variable selon les régions. (M. Alain Richard le confirme.) L'interprète a dû s'y reprendre à plusieurs fois. Et pour une fois que nous avons un avis favorable... (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
L'amendement n°524 rectifié bis est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°400, présenté par Mme C. Fournier.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « qu'il comprend ou » sont remplacés par les mots : « officielle de son pays d'origine ou toute autre langue officielle, ».
Mme Catherine Fournier. - Cet amendement permet la poursuite de la procédure de demande d'asile dans la langue officielle du pays d'origine de l'individu et non plus exclusivement dans la langue qu'il déclare comprendre.
Je témoignerai de la situation du Calaisis. Les forces de sécurité et les officiers de police judiciaire et les services judiciaires font face à une déficience en interprètes, notamment en tigrinya, amharique ou konso. Il y a 2 000 langues en Afrique !
De ce fait, la notification des droits ou des auditions ou audiences est rendue difficile, voire impossible ; les procédures, coûteuses, s'interrompent et les personnes concernées sont remises à la rue sans autre forme de procès ou de suivi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. le président. - Amendement n°227 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend » sont supprimés.
M. Xavier Iacovelli. - Cet amendement assure au demandeur qui fait l'objet d'une procédure Dublin qu'il sera informé de ses droits et obligations dans une langue qu'il comprend.
Nous proposons de supprimer « ou dont, il est raisonnable de penser qu'il la comprend » : je m'appelle Iacovelli mais je peux ne pas parler l'italien, ni même une langue latine...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement n°400 est trop restrictif et contraire à la législation européenne, même si je suis sensible à la situation du Calaisis. Avis défavorable, comme à l'amendement n°227 rectifié bis.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Lorsque je parlais de tigrinya ou du konso tout à l'heure, c'est que des personnes présentes dans le Pas-de-Calais déclarent parler ces langues extrêmement rares. Retrait de l'amendement n°400.
M. Xavier Iacovelli. - Et le mien ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
M. Xavier Iacovelli. - Je n'ai pas le droit à une explication ?
Mme Catherine Fournier. - Le 26 mai dernier, trois policiers en patrouille ont été agressés sur un parking de supermarché dans le Calaisis par une quinzaine de migrants, et une jeune policière frappée, blessée, a obtenu six jours d'ITT.
Les fonctionnaires de police ont retrouvé l'agresseur, qui a gardé le silence en garde à vue. Ils ont découvert qu'il parlait le konso, un dialecte parlé par 300 personnes en Érythrée. Il a dû être relâché, faute de maîtriser notre langue.
Cela doit changer, tôt ou tard. C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement, pondéré, qui entend recourir aux langues officielles ou co-officielles des pays d'origine. Je retire mon amendement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UC ; plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
L'amendement n°400 est retiré.
L'amendement n°277 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE 7 BIS (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°121, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « quinze ».
Mme Esther Benbassa. - Ce projet de loi est déséquilibré. Non seulement la commission des lois a choisi de durcir le texte, mais elle en a encore supprimé les quelques avancées, comme l'article 7 bis, qui supprimait une disposition de la loi Warsmann, fixant à sept jours le délai de recours contre une décision de transfert pour le ramener à quinze jours. Cet amendement le rétablit.
M. le président. - Amendement identique n°228 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Xavier Iacovelli. - Cet amendement rétablit à quinze jours le délai de contestation devant le juge administratif d'une décision de transfert vers un autre État membre de l'Union européenne d'un étranger faisant l'objet d'une procédure Dublin.
La réduction du délai à sept jours opérée par le Sénat en première lecture de la loi du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen est sans fondement.
M. le président. - Amendement identique n°525 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement rappelle le caractère très dérogatoire des délais de recours applicables aux étrangers : un automobiliste, même de mauvaise foi, a deux mois pour requérir contre un retrait de points.
Cet amendement ramène le délai à quinze jours, ce qui reste bien dérogatoire. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Nous avons voté ces dispositions il y a trois mois dans la loi Warsmann ; l'Assemblée nationale l'a fait il y a deux mois ; le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution.
Si le demandeur refuse de se laisser prendre une empreinte ou s'il apparaît qu'il a menti, il peut être placé en rétention - décision contre laquelle il peut disposer d'un recours dans un délai de sept jours.
Pourquoi revenir dessus ? Il y a beaucoup d'incohérence dans l'attitude de l'Assemblée nationale, comme du ministre d'État. L'avis ne peut être que défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Pour favoriser les débats en CMP, sagesse.
Les amendements identiques nos121, 228 rectifié bis et 525 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 7 bis demeure supprimé.
ARTICLE 8
Mme Éliane Assassi . - L'article 8 dispose que le droit au maintien sur le territoire cesse dès la lecture en audience publique, de la décision de la CNDA et non plus à la notification de cette décision. Cela autorise l'expulsion d'un demandeur sans lui laisser le temps de former un recours effectif.
Le droit au maintien sur le territoire jusqu'à la décision de la CNDA sera supprimé dans certains cas, si le demandeur vient d'un pays sûr ; s'il s'agit d'une procédure de réexamen ; en cas de menace pour l'ordre public. Le demandeur, pour l'obtenir, devra requérir devant le tribunal administratif, qui devra donc statuer sur le fond.
Ce glissement du contentieux de l'asile vers le contentieux administratif présente le risque que les deux procédures aboutissent à des décisions contradictoires.
Dans une lettre adressée aux députés français et publiée le 12 mars 2018, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'est lui-même inquiété de la suppression automatique du caractère suspensif du recours devant la CNDA.
M. Maurice Antiste . - La procédure d'asile est le moyen principal pour garantir le respect du principe de non-refoulement. Les États peuvent établir des procédures accélérées, pourvu que tous les demandeurs aient les mêmes possibilités de recours.
Le Haut-Commissariat aux réfugiés l'a bien dit. Cet article est particulièrement dangereux. Seule la CNDA devrait être compétente. Le juge administratif n'est juge ni de l'asile, ni de la protection subsidiaire.
L'article multiplie les risques de discordance entre les juridictions. Il faut y renoncer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Par une décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a décidé que « le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d'une manière générale que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ».
L'article 8 est donc une atteinte sérieuse à la Constitution et à l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, en permettant l'expulsion de demandeurs alors que leur recours serait toujours en cours d'examen.
M. le président. - Amendement identique n°229 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Yves Leconte. - Est-il envisageable qu'une personne en cours de procédure ne puisse pas rester sur le territoire ? C'est pourtant ce que prévoit cet article. C'est surréaliste : une personne en procédure accélérée qui dépose un recours à la CNDA ne pourrait pas se maintenir en France. Cela a pourtant déjà été censuré le 2 février 2012 par la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt très connu, contre la France. Le Gouvernement sait qu'il sera à nouveau condamné...
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Jean-Yves Leconte. - ... il a alors construit une usine à gaz, dans laquelle on demande au juge administratif, qui est lui-même surchargé, de se prononcer sur la légitimité de la protection - question sur laquelle la CNDA doit déjà se prononcer !
M. le président. - Amendement identique n°560 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Mireille Jouve. - Cet amendement propose de supprimer cet article qui va à l'encontre du droit au recours effectif de tous les demandeurs d'asile.
En effet, la fin du caractère systématiquement suspensif du recours concernerait une part importante des demandeurs d'asile.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le demandeur pourra requérir le juge administratif ; ses droits seront respectés. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable également. La mesure n'est valable que pour trois catégories de personnes ; les ressortissants de pays d'origine sûrs, pour les personnes représentant une menace à l'ordre public et pour les cas de réexamens.
M. Jean-Yves Leconte. - Cela n'apporte aucune amélioration dans la procédure. Cela limite les droits, charge les tribunaux. Aucun avantage, sinon celui-ci : le Gouvernement pourra dire que l'asile est difficile à obtenir en France.
Les amendements identiques nos9, 229 rectifié bis et 560 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Nous avons examiné 100 amendements, il en reste 384. (Exclamations)
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 21 juin 2018, à 10 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus