SÉANCE

du mercredi 20 juin 2018

98e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 5 (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au sixième alinéa du même article L. 722-1, le mot : « régulièrement » est remplacé par les mots : « tous les six mois » ;

Mme Michelle Gréaume.  - Par principe, le droit d'asile est ouvert à ceux qui souffrent ou peuvent souffrir de persécution dans leur pays d'origine, a fortiori quand leur intégrité physique est menacée.

L'Ofpra fixe la liste des pays dits sûrs, ne justifiant pas une demande d'asile car la démocratie et la liberté d'expression y sont observables.

L'article L. 722-1 du Ceseda prévoie des voies de recours pour modifier cette liste. Or elle n'a guère évolué, alors que certains des pays discriminent les homosexuels par exemple ; les situations inhumaines vécues en Arménie, en Albanie, en Géorgie, en Serbie, au Kosovo justifieraient pleinement une révision.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°553 rectifié, présenté par Mme M Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

M. Guillaume Arnell.  - Depuis 2015, la liste des pays d'origine sûrs, notion consacrée par la directive Procédures, n'a pas été réactualisée. Le Ceseda prévoit pourtant une révision régulière. Pour parer à d'éventuels basculements, cet amendement propose une révision tous les six mois.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Avis défavorable. L'obligation actuelle de réexamen régulier me semble satisfaisante, et mieux adaptée aux besoins.

Au demeurant, le conseil d'administration de l'Ofpra peut déjà, en cas d'évolution rapide et incertaine de la situation d'un pays, en suspendre l'inscription. C'est beaucoup plus protecteur.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur.  - Même avis.

M. Roger Karoutchi.  - L'absence de révision depuis 2015 pose problème. En trois ans, il s'est pourtant passé des choses... Cela dit, les procédures de l'Ofpra sont lourdes ; une révision tous les six mois reviendrait à engorger le conseil d'administration. Tous les deux ans, peut-être ? Il faut trouver une solution...

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous proposons, nous, de donner compétence au directeur général de l'Ofpra, en cas d'événement remettant en cause le caractère sûr d'un pays, pour faire cette révision immédiatement, avant validation par le conseil d'administration. C'est l'objet de l'amendement n°199 rectifié bis, qui donne plus de flexibilité.

Monsieur le ministre, même si nous avons apprécié la présence de Mme Gourault au banc du Gouvernement hier, vous nous avez manqué ! Pouvez-vous nous en dire plus sur les discussions que vous avez eues en Allemagne hier ? Nous sommes inquiets de l'ouverture possible de centres de traitement hors Union européenne, qui serait imposée aux pays candidats.

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien.

M. David Assouline.  - La discussion sur les pays d'origine sûrs n'a jusqu'à présent porté que sur les pays hors Union européenne. Mais beaucoup de choses se sont passées depuis 2015, certains pays ne sont plus sûrs du tout... En refusant de réviser la liste, on admet que certains réfugiés sont sacrifiés.

Plus préoccupant encore est ce qui se passe en Europe. Le nouveau ministre de l'Intérieur italien vient d'appeler à une épuration de masse des Roms dans chaque quartier, chaque rue... (Marques d'impatience à droite)

Si ces propos se concrétisent, que les Roms expulsés demandent asile à la France, les renverrons-nous en Italie ? Il faut trouver des solutions concrètes à des situations mouvantes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Je me sens quelque peu comptable du bon déroulement de nos débats. Nous sommes là pour examiner un texte, pas pour reprendre les discussions du café du commerce cher à Marcel Dassault...

Mme Gourault était parfaitement qualifiée pour représenter le Gouvernement hier, et le Sénat ne s'est en rien senti minoré. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et LaREM)

Ces amendements d'esprit réglementaire ne sont pas à la mesure du problème. N'allons pas embouteiller le conseil d'administration de l'Ofpra en lui faisant réexaminer la situation des pays sûrs tous les six mois ! La liste peut être révisée à tout moment en fonction de la situation internationale.

Cessons de perdre notre temps ! Il y a 500 amendements, dont certains d'une grande importance politique pour la définition de notre politique de l'immigration et de l'asile. Concentrons-nous sur l'essentiel, avançons, avec la dignité nécessaire pour convaincre les Français de la pertinence des propositions du Sénat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants ; M. Mohamed Soilihi applaudit également, tandis que Mme Éliane Assassi s'exclame.)

M. Guillaume Arnell.  - Je suis prêt à retirer notre amendement. Mais si les choses ne sont pas figées, pourquoi prévoir une révision régulière ? La liste n'a pas été modifiée depuis 2015, il y a là matière à réflexion.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Je remercie le président Bas. En effet, Mme Gourault avait pleine capacité à représenter hier le ministère de l'Intérieur.

J'étais hier à Berlin avec le président de la République. Nous vivons un moment particulièrement difficile. L'Union européenne est menacée de démantèlement, non par les problèmes économiques mais par les problèmes migratoires. Nous étions à Berlin pour faire avancer l'Europe, constituer un noyau dur, avec un accord pour un budget de la zone euro, mais également pour évoquer ces questions migratoires qui touchent l'Allemagne en son coeur.

En 2015, nous avons vu arriver un flux migratoire en provenance du théâtre irako-syrien : 1,8 million de réfugiés. En 2017, nous n'enregistrions plus que 205 000 entrées irrégulières dans l'Union. Sur les cinq derniers mois, la baisse est de 46 % par rapport à 2017.

En revanche, en France, les demandes d'asile continuent d'augmenter : 200 000 l'an dernier, et la hausse se poursuit cette année.

La baisse du flux vers l'Europe a été obtenue d'abord grâce à l'accord passé en mars 2016 avec la Turquie ; sur les cinq premiers mois de 2018, seulement 20 000 personnes sont entrées par la route orientale, via la Grèce et les Balkans.

Il y a 3,5 millions de réfugiés en Turquie : le dialogue avec ce pays est essentiel.

Des migrants venus de la Corne de l'Afrique ou d'Afrique occidentale convergent aussi vers Agadez, entament une périlleuse traversée du désert jusqu'en Libye pour tenter leur chance en Méditerranée - où beaucoup laissent la vie. Sur cette route aussi, le flux s'est tari grâce à un accord gagnant-gagnant passé avec le président du Niger, M. Issoufou, qui a fermé la route d'Agadez : de 300 000 passages à travers le Sahara, nous sommes passés à 20 000 au plus.

Signalons aussi l'action du précédent ministre de l'Intérieur italien, Marco Minniti, en Libye : il a contrecarré l'action des passeurs qui lançaient des canots pneumatiques surchargés en Méditerranée en équipant les garde-côtes italiens et en signant un code de bonne conduite avec les ONG. Résultat, le mouvement s'est tari. Marco Minniti avait menacé d'envoyer la moitié des bateaux sur les côtes françaises ; nous avons estimé qu'il valait mieux travailler avec les pays de la rive Sud, dans une optique gagnant-gagnant, pour fermer cette route.

La récente affaire de l'Aquarius montre que le nouveau gouvernement italien est moins disposé à travailler avec la Libye. Or il faut y porter le développement économique et y construire un État de droit. C'est ainsi qu'on luttera contre le trafic d'êtres humains, souvent lié au trafic de drogues et d'armes, voire au terrorisme.

Gardons à l'esprit le contexte international, au sens large : les demandes d'asile de ressortissants albanais ou géorgiens, par exemple, ont explosé. J'ai eu des discussions avec les autorités albanaises, qui vont faire un effort, et je rencontre la semaine prochaine mon homologue géorgien car cette situation n'est bonne ni pour la Géorgie, ni pour nous.

Il faut une législation convergente au niveau européen, car les distorsions de droits créent des difficultés. Nous nous refusons à fermer les portes mais tenons à la distinction entre les réfugiés, qui fuient une menace, et les migrants économiques.

La population de l'Afrique passera de 1,2 milliard à plus de 2 milliards d'ici 2050 ! Illusoire de penser qu'ils pourront être accueillis en Europe.

C'est pourquoi nous vous proposons une voie équilibrée. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Philippe Bonnecarrère et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)

L'amendement n°553 rectifié est retiré.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°199 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le septième alinéa de l'article L. 722-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le directeur général de l'office peut, dans une situation d'urgence liée à une évolution, soudaine ou imminente, dans un pays, en suspendre l'inscription de la liste des pays d'origine sûrs. Dans ce cas, le conseil d'administration est réuni dans les meilleurs délais et se prononce sur le maintien ou la radiation du pays de la liste des pays d'origine sûrs dans les conditions prévues au quatrième alinéa du présent article. » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Je l'ai défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Une procédure exceptionnelle existe déjà, qui permet au conseil d'administration de l'Ofpra de suspendre l'inscription d'un pays en cas d'évolution rapide et incertaine de la situation. Nous préférons une procédure collégiale.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il faut que le directeur général puisse agir en attendant que le conseil d'administration se réunisse.

M. Roger Karoutchi.  - Dans une telle situation, le directeur général convoque immédiatement le conseil d'administration qui décide en urgence. Cela existe déjà !

L'amendement n°199 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°120 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

ou une association de défense des personnes homosexuelles ou des personnes transgenres

par les mots :

, une association de défense des personnes LGBTQI,

Mme Esther Benbassa.  - L'article L. 722-1 du Ceseda permet aux associations de défense des droits des étrangers, des femmes ou des enfants de saisir le conseil d'administration d'une demande de radiation d'un État sur la liste des pays d'origine sûrs.

Complété en commission des lois par un amendement socialiste, le texte étend désormais ce droit aux associations de défense des personnes homosexuelles et transgenres. Mieux vaudrait viser les « personnes LGBTQI » afin de garantir une véritable protection à tous et notamment aux personnes bisexuelles et intersexuées. En effet, les personnes bisexuelles se voient souvent refuser une demande de protection au motif qu'elles ont eu un compagnon de sexe opposé par le passé, alors qu'elles sont victimes de violences et de persécutions.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La rédaction de la commission qui élargit l'habilitation des associations pouvant saisir l'Ofpra est plus adaptée : les acronymes ne sont pas bienvenus dans les textes législatifs.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Esther Benbassa.  - En quoi serait-ce un problème ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La rédaction de la commission couvre toutes les situations, sans exclusive. Il n'est pas souhaitable d'introduire des acronymes dans la loi.

L'amendement n°120 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°41 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

I.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 722-6.  -  L'Office e?met par lettre recommandée avec accusé de réception les notifications pre?vues au pre?sent livre ainsi qu'au livre VIII. » ;

II.  -  Alinéas 16, 17, 25, 27 et 28

Remplacer les mots :

tout moyen

par les mots :

lettre recommandée avec accusé de réception

M. Guillaume Gontard.  - Sous couvert de simplification administrative, la transmission de la convocation « par tout moyen », y compris électronique, est injuste et pénalisera le demandeur d'asile, par nature vulnérable et précaire. Comment garantir qu'il recevra la notification ?

En outre, cette mesure ne respecte pas le principe à valeur constitutionnelle de confidentialité. Nous proposons donc d'en rester à la lettre recommandée avec accusé de réception. Seule la voie postale offre les garanties suffisantes.

Mme la présidente.  - Amendement n°333 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 6, seconde phrase

Après le mot :

assurer

insérer les mots :

le caractère personnel de l'envoi,

M. Didier Marie.  - La notification écrite garantit la réception par le demandeur mais aussi sa compréhension. Plus de la moitié de ceux-ci sont domiciliés chez des plateformes ou des associations qui les alertent à la réception d'un courrier et les aident à engager les démarches utiles dans les délais, par exemple pour déposer un recours.

Si la voie dématérialisée est plus simple, elle est problématique. L'avis du Conseil d'État proscrit d'ailleurs les envois automatiques.

Si l'amendement n°41 rectifié bis n'est pas adopté, il faut au moins garantir le caractère personnel et la confidentialité de l'envoi, ainsi que le le contrôle de la réception. À défaut, le Conseil d'État risque d'y voir une atteinte au caractère équitable de la procédure.

Mme la présidente.  - Amendement n°334 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 6, seconde phrase

après le mot :

et

insérer les mots :

le contrôle de

M. Didier Marie.  - Défendu.

L'amendement n°129 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°519 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Alinéa 19 à 26

Supprimer ces alinéas.

M. Guillaume Arnell.  - Étant donné les difficultés pratiques que rencontrent les demandeurs d'asile, la clôture de dossiers pour non-respect des délais d'introduction de la demande, non-présentation à l'entretien ou impossibilité d'être joint risque d'être fréquente. Il est à craindre que la clôture automatique entraîne une hausse considérable des demandes de réouverture des dossiers, ce qui pèserait sur l'Ofpra et les préfectures. Restons-en au droit en vigueur.

Mme la présidente.  - Amendement n°212 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

M. Rachid Temal.  - Je salue la présence du ministère de l'Intérieur en cette journée mondiale des réfugiés.

L'article L.723-13 du Ceseda permet déjà la clôture du dossier lorsque l'étranger n'a pas introduit sa demande dans les délais. La coexistence de deux cas de clôture - l'un soumis à une condition de délai, l'autre pas  - prête à confusion.

L'amendement n°133 rectifié n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'article 5 permet à l'Ofpra de notifier sa décision au demandeur par tout moyen, pour aller plus vite tout en s'assurant de la réception de la demande. Pour plus de sécurité, la commission des lois a renvoyé à un décret du Conseil d'État le soin d'en fixer les modalités, qui relèvent du niveau réglementaire. Avis défavorable aux amendements nos41 rectifié bis, 333 rectifié bis et 334 rectifié bis.

Défavorable aussi aux amendements nos212 rectifié bis et 519 rectifié qui suppriment les nouveaux cas de clôture d'une demande par l'Ofpra, dès lors que le demandeur n'a pas introduit, sans motif légitime, sa demande d'asile et lorsqu'il ne satisfait pas aux conditions d'accueil et d'hébergement. Afin de décourager les demandes d'asile abusives, l'Ofpra doit de droit décider la clôture quand ces conditions sont réunies.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le Gouvernement souhaite que toute demande soit examinée dans un délai de six mois - à la fois pour assurer une intégration plus rapide de ceux qui seront reconnus comme réfugiés et pour permettre l'éloignement des autres avant qu'ils n'aient perdu tout lien avec leur pays d'origine. D'où l'importance de la coopération internationale.

À l'automne dernier, il fallait vingt et un jours pour obtenir un premier rendez-vous en préfecture, six aujourd'hui et, nous l'espérons, trois demain. Lorsque l'on se fixe un objectif, il faut se donner les moyens d'y parvenir. Avis défavorable aux amendements.

M. Jean-Yves Leconte.  - La nécessaire accélération des procédures passe d'abord par l'augmentation des moyens. Si les préfectures vont plus vite mais que les plateformes n'arrivent pas à suivre, le bénéfice est perdu. N'oublions pas que l'on s'adresse à un public particulièrement vulnérable et peu réactif, pour des raisons tant matérielles que psychologiques.

M. Didier Marie.  - Les demandeurs sont la plupart du temps domiciliés virtuellement chez les plateformes, n'ont pas forcément accès à une adresse mail ; ils ne sont pas toujours en mesure de comprendre la notification lorsqu'ils la reçoivent, encore moins d'engager les démarches pour y répondre. Je m'étonne que M. le rapporteur ne soit pas favorable aux amendements nos333 rectifié bis et 334 rectifié bis qui ne suppriment pas la transmission électronique mais l'encadrent.

M. Roger Karoutchi.  - Décidément, Monsieur le Ministre, il reste difficile d'être au Gouvernement ! (Sourires) Il y a deux ou trois ans, certains se plaignaient que les délais à l'Ofpra étaient trop longs. Aujourd'hui, alors que les délais ont été réduits grâce à des recrutements, les mêmes expliquent que les délais sont trop courts... (Applaudissements sur les bancs des groupeLes Républicains et UC)

Mme Éliane Assassi.  - Nous vous parlons de droits !

M. Roger Karoutchi.  - Faisons donc confiance à l'Ofpra pour traiter les dossiers de la meilleure manière. L'Ofpra, comme l'OFII, font un travail formidable.

M. Bernard Jomier.  - On a atteint un pic en 2015-2016 et depuis les délais se sont réduits. Je suis favorable à une réduction des délais mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits des demandeurs.

Or, peu à peu, on lime les droits des demandeurs au prétexte d'accélérer la procédure. Nos amendements visent simplement à garantir que le demandeur a bien reçu sa convocation.

À force de rogner les droits, on crée des injustices.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois ne peut laisser dire de telles choses. Relisez l'alinéa 6 de l'article 5, parfaitement clair, que nous avons adopté : « un  décret en Conseil d'État précise les conditions dans lesquelles l'Office émet par tout moyen les convocations et notifications prévues au présent livre ainsi qu'au livre VIII. Il fixe notamment les modalités permettant d'assurer la confidentialité de la transmission de ces documents et leur réception personnelle par le demandeur ». Ces termes satisfont pleinement votre intention.

L'amendement n°41 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements nos333 rectifié bis, 334 rectifié bis, 519 rectifié et 212 rectifié bis.

Mme la présidente.  - Amendement n°518 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, Carrère et Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Alinéas 7 à 9

Supprimer ces alinéas.

M. Guillaume Arnell.  - Cet amendement supprime la réduction du délai de dépôt d'une demande d'asile de 120 à 90 jours, l'une des dispositions phares de ce texte. Cette disposition repose sur l'idée que des délais plus courts sont plus protecteurs des demandeurs. Or, dans certains pays, comme l'Afghanistan, la culture administrative est très différente de la nôtre ; il est impensable, ainsi, dans ces pays, d'identifier quelqu'un par une caractéristique nous paraissant aussi banale que sa date de naissance. Il importe donc de laisser aux personnes le temps pour se familiariser avec la procédure, faute de quoi seront écartées des demandes légitimes et favorisées des demandes dilatoires de ceux qui connaissent déjà les arcanes du système bureaucratique français.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Alinéas 7 à 9

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

1° L'article L. 723-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 723-2.  -  L'office, après un examen individuel de chaque demande et dans le respect des garanties procédurales prévues au présent titre, statue en procédure accélérée uniquement lorsque : 

« 1° Le demandeur a présenté, sans raison valable, plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ;

« 2° Le demandeur n'a soulevé à l'appui de sa demande que des éléments manifestement insusceptibles de se rattacher à l'un des motifs de protection internationale prévus par le titre I du présent livre ;

« 3° Le demandeur d'asile, placé en rétention administrative en application de l'article L. 551-1, a présenté une demande d'asile dans le seul but de faire échec à l'exécution d'une mesure d'éloignement et de ce fait, a été maintenu par l'autorité administrative en rétention en application de l'article L. 556-1.

« Dans tous les cas, l'office peut décider de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui paraît nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande. » ;

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement récrit les alinéas 7 à 9 pour limiter les cas de recours à la procédure accélérée aux seuls cas de fraude sur l'identité, de demandes manifestement infondées, telles que définies par le comité exécutif du Haut-Commissariat aux réfugiés, et de demande d'asile en rétention.

L'examen des dossiers doit être minutieux et la procédure accélérée rester exceptionnelle. Il ne faut pas, à l'inverse, que la procédure normale devienne l'exception.

Mme la présidente.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

I.  -  Alinéas 7 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Au IV de l'article L. 723-2, après le mot : « procédure », il est inséré le mot : « accélérée », et après le mot : « accompagnés », la fin est supprimée ;

II.  -  Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au dernier alinéa de l'article L. 723-3, les mots : « ou de sa minorité » sont supprimés ;

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement reprend une préconisation de l'association des avocats du droit d'asile Elena France.

Alors que les mineurs non accompagnés sont des personnes vulnérables qui doivent être protégées au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, aucune garantie procédurale particulière n'est prévue dans le traitement de leurs demandes d'asile par l'Ofpra et la CNDA.

La procédure normale devrait leur être appliquée au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant auquel l'article L741-4 du Ceseda se réfère pourtant.

Mme la présidente.  - Amendement n°200 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le II est abrogé ;

M. David Assouline.  - Cet amendement supprime trois cas dans lesquels l'Ofpra peut statuer en procédure accélérée en raison des difficultés qu'ils soulèvent. Nous avions déjà déposé ces amendements sous le précédent Gouvernement, mais sans pouvoir le convaincre. Nous ne désespérons pas de tenter de convaincre celui-ci.

Le premier cas rend possible le placement en procédure accélérée du demandeur d'asile qui a présenté de faux documents d'identité ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes. Une personne contrainte de fuir pour échapper à des persécutions quitte le plus souvent son pays de façon précipitée et sous une fausse identité. Le demandeur d'asile arrive sur le territoire français de façon irrégulière. Quant à la présentation de demandes d'asile sous des identités différentes, la Cour européenne des droits de l'Homme a récemment condamné la France en considérant que cet élément ne discrédite pas l'ensemble des déclarations du demandeur d'asile.

Les deuxième et troisième cas englobent la quasi-totalité du contentieux de l'asile qui serait donc instruit à juge unique dans un délai de cinq semaines. L'exception deviendrait la norme.

Mme la présidente.  - Amendement n°203 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le début du 3° du III est ainsi rédigé : « Lorsqu'il est possible d'établir que, sans raison valable, le demandeur... (le reste sans changement) » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement est dû à la sagacité de M. Leconte.

L'article L. 723-2 du Ceseda prévoit qu'il sera statué en procédure accélérée lorsque le demandeur, qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de 120 jours à compter de son entrée en France.

Si l'étranger, qui demande l'asile, est entré irrégulièrement en France ou s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national, il n'est pas possible d'établir un décompte afin d'apprécier la durée de son maintien. Le dispositif est donc inopérant.

À défaut d'une suppression pure et simple, nous proposons une clarification rédactionnelle pour mieux garantir les droits du demandeur.

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Guillaume Gontard.  - Le mieux est l'ennemi du bien et vitesse ne doit pas être confondue avec précipitation. Il faut respecter l'article 31 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, qui interdit aux États de prendre des sanctions envers les demandeurs entrés irrégulièrement sur le territoire. Reconstituer tout son parcours, lorsque l'on vient d'un pays en guerre, n'est pas facile... Opposer des impératifs de productivité apparente des fonctionnaires, arguer de sordides considérations comptables ou invoquer des contraintes budgétaires pour entraver l'application du droit international et des obligations qui incombent en conséquence à notre pays n'est pas acceptable.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°201 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Michel Dagbert.  - Comment, en trois mois, les réfugiés peuvent-ils se mettre à l'abri, se nourrir, se soigner et entreprendre toutes les démarches nécessaires à ce parcours d'obstacles qu'est une demande d'asile ?

M. Karoutchi nous faisait à l'instant grief, après avoir souligné que les délais trop longs entraînaient des fragilités, de relever à présent que des délais raccourcis pouvaient aussi en susciter. Monsieur le Ministre, vous avez abondamment parlé de votre agenda.

Ouvrons-le à la page du 16 janvier dernier, lorsque vous accompagniez le président de la République à Croisilles dans mon département, le Pas-de-Calais ; un jeune de 19 ans vient de s'y pendre. C'est bien la preuve qu'il était en état de fragilité, n'est-ce pas Monsieur Karoutchi, n'est-ce pas Monsieur le Ministre ? Si M. Karoutchi nous proposait de ne toucher à rien, eh bien, soit, votre projet de loi ne servira à rien, restons-en à la loi de 2015.

L'amendement n°408 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°458 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

quatre-vingt-dix

par le mot :

vingt

M. Stéphane Ravier.  - (Exclamations sur plusieurs bancs à gauche) Passer de 120 à 90 jours ne règlera pas le problème. Sur 100 000 demandes d'asile, 43 000 sont accordées, mais les déboutés ne sont pas, dans leur majorité, reconduits à la frontière. Ramenons le délai à vingt jours.

L'absence de dépôt de demande d'asile dans les vingt jours, ajoutée à une entrée et un séjour irréguliers, peut révéler un détournement de la notion d'asile, détournement contre lequel il faut lutter. (Murmures désapprobateurs sur les bancs du groupe SOCR)

M. Rachid Temal.  - C'est encore trop long ! (Sourires sur les bancs du groupe SOCR)

Mme la présidente.  - Amendement n°206 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° L'absence d'entretien personnel en application du 2° n'influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l'office ; » ;

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Cet amendement transpose une disposition de l'article 14 de la directive Procédures qui garantit que l'absence d'entretien pour raison médicale n'influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l'office.

Mme la présidente.  - Amendement n°92, présenté par M. Antiste.

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le IV est ainsi rédigé :

« IV. - La procédure ne peut être mise en oeuvre à l'égard de mineurs. » ;

M. Maurice Antiste.  - Le mineur étranger est d'abord un enfant qui doit bénéficier de l'ensemble des droits prévus par la Convention internationale des droits de l'enfant. La résolution 1810 du 15 avril 2011 concernant les problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe prévoit de nombreux droits et garanties à leur profit : le respect de l'enfant, la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'interdiction du refoulement, l'accès aux procédures d'asile, l'interdiction de la rétention d'enfants migrants, la recherche de solutions durables et le regroupement familial.

Cette résolution insiste également sur le caractère humanitaire devant prévaloir dans le traitement des enfants migrants non accompagnés. À cet effet, elle dispose que les États doivent porter plus d'attention à la protection des enfants qu'au contrôle de l'immigration.

D'où notre proposition d'interdiction absolue du recours à la procédure accélérée pour les demandes des mineurs non accompagnés.

Mme la présidente.  - Amendement n°204 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au IV, les mots : « que dans les cas prévus au I et au 5° du III du présent article » sont supprimés ;

M. Xavier Iacovelli.  - La procédure ne peut être appliquée aux mineurs non accompagnés en aucune hypothèse.

Mme la présidente.  - Amendement n°202 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement supprime l'obligation faite à l'Ofpra de statuer en procédure accélérée lorsque la présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

La procédure accélérée se justifie, non par le statut du demandeur, mais par l'état de complexité du dossier. C'est à l'Ofpra de décider.

Cet amendement consiste à faire confiance à l'Ofpra pour mener à bien son travail.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°518 rectifié. Le délai de 90 jours n'empêche pas un examen approfondi du dossier.

Le fond est étudié avec sérieux par l'Ofpra en cas de procédure accélérée. Avis défavorable à l'amendement n°39 rectifié bis.

La procédure accélérée est parfaitement encadrée pour les mineurs non accompagnés. Lorsqu'ils sont sur le territoire national, ils ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans le cas d'une décision judiciaire, prise par le juge des enfants, ils peuvent retourner dans leur pays d'origine s'ils y sont accueillis par leur famille ou un tuteur légal. Dans ces conditions, les droits du mineur sont parfaitement assurés.

Avis défavorable à l'amendement n°40 rectifié et à l'amendement n°200 rectifié bis.

L'amendement n°203 rectifié bis prévoit que le critère permettant de placer en procédure accélérée un demandeur ayant effectué tardivement sa demande d'asile à l'initiative de la préfecture, n'est applicable que s'il est possible de l'établir. Cette précision semble tautologique. Avis défavorable.

Avis défavorable aux amendements nos42, 201 rectifié bis et 458 rectifié.

Avis défavorable à l'amendement n°206 rectifié bis qui prévoit que l'absence d'entretien pour des raisons médicales n'influe pas dans un sens défavorable la décision de l'Ofpra. S'il importe en effet que l'Ofpra applique cette disposition dans la pratique, il ne semble pas opportun de faire figurer cette précision dans la loi sauf à créer un nouveau moyen à l'appui des recours devant la CNDA.

Avis défavorable à l'amendement n°92, ainsi qu'à l'amendement n°204 rectifié bis.

Avis défavorable à l'amendement n°202 rectifié bis qui supprime l'obligation, introduite en commission, faite à l'Ofpra de statuer en procédure accélérée lorsque la présence du demandeur constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

Il semble logique que, dès lors que l'autorité administrative a classé ce type de demande en procédure accélérée, celle-ci soit poursuivie jusqu'au bout. Je redis que l'examen du dossier au fond n'est pas remis en cause par cette procédure.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le Gouvernement suit les avis du rapporteur : défavorables à tous ces amendements. Laisser traîner les procédures n'est supportable, ni pour les personnes concernées, ni pour nos institutions.

En effet, je m'étonne que mon ex-collègue Jean-Pierre Sueur argumente comme il l'a fait : si l'on ne sait pas quand le demandeur est entré en France, c'est en effet difficile.

Je répète que nous tentons de converger le plus possible avec le droit européen. En l'occurrence, la directive Procédures laisse clairement le soin aux États membres de prévoir une procédure accélérée, dans le respect des principes de base et des libertés fondamentales, comme précisé au chapitre II, notamment, selon le H du chapitre III, pour ceux qui n'ont pas fait une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs. Avis défavorable à tous les amendements.

M. Roger Karoutchi.  - La procédure est-elle trop longue ? Trop brève ? Il faut trouver un équilibre.

En 2017, 7 000 Albanais ont fait une demande d'asile. Ils ne viennent pas d'un pays en guerre, ni d'une dictature...Certes, il faut examiner chaque dossier de manière individuelle, car le droit d'asile est un droit personnel et non collectif. Mais, enfin, on peut aller plus vite.

On parle de procédure accélérée... n'exagérons rien ! Elle est très encadrée, assortie de nombreuses garanties, avec possibilité de recours devant la CNDA. Faisons confiance à l'Ofpra qui fait bien son travail.

M. Jean-Yves Leconte.  - La procédure accélérée est un droit quand les pays d'origine sont sûrs. C'est le cas de l'Albanie. Nous ne sommes pas dans ce cas-là, qui a été traité précédemment.

À présent, il s'agit de fixer des critères objectifs et non subjectifs pour étendre la procédure accélérée dans d'autres cas. C'est la raison de nos amendements.

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur le Ministre, je vous ai écouté avec attention faire votre intervention générale différée. J'attendais une vision d'ensemble ; hélas, vous êtes restés rivés sur une approche comptable, sans jamais combler les lacunes d'une étude d'impact notoirement défaillante.

Je dois donc rappeler quelques faits, pour cadrer le débat. (Murmures à droite) Les flux d'immigration n'ont jamais été aussi faibles en France où ils sont les plus faibles de l'OCDE (Protestations à droite) Les immigrés ne viennent pas des pays les plus pauvres (Marques dubitatives sur certains bancs du groupe Les Républicains) ; ils ont souvent un bon niveau d'éducation. (Même mouvement) Ils rapportent de l'argent au budget de l'État. (Les protestations redoublent.)

Mme la présidente.  - Écoutons-nous, chers collègues.

M. Pierre Ouzoulias.  - La crise européenne est une crise démographique. La question est : comment accueillir les immigrés pour que l'Europe reste une puissance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes CRCE et SOCR)

L'amendement n°518 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos39 rectifié bis et 40 rectifié bis.

M. David Assouline.  - L'objectif de la loi serait d'accélérer les procédures au bénéfice, d'abord, des demandeurs, dans une situation précaire.

En réalité, la loi vise à dissuader les migrants de venir en France. Si les moyens de l'Ofpra n'augmentent pas, les délais ne bougeront pas. Vous affichez des délais toujours plus courts, mais dans cette course le Front national sera toujours en tête.

Vous dites 90 jours - il répond vingt. Si vous aviez dit vingt jours, il aurait proposé trois jours ! (On approuve sur les bancs du groupe SOCR.)

M. Stéphane Ravier.  - Non, deux heures !

M. David Assouline.  - On a beau réduire les droits, réduire les délais, augmenter les rétentions administratives, cela ne règle pas le problème !

L'amendement n°200 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°203 rectifié bis.

M. Fabien Gay.  - Le doublement des délais en 2017 montre que nous ne disposons pas des moyens pour traiter toutes les demandes d'asile. Le Défenseur des droits a eu raison de souligner la suspicion généralisée à l'égard des migrants. Cette approche statistique n'est pas acceptable.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - (Murmures à droite) Étendre le champ de la procédure accélérée, c'est dégrader les procédures. On le sait au Parlement...

Vous bafouez les droits des demandeurs d'asile. Il est dangereux et pathétique de vouloir satisfaire ainsi l'extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; protestations sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Les amendements identiques nos42 et 201 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'amendement n°458 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos206 rectifié bis, 92, 204 rectifié bis et 202 rectifié bis.

Mme Éliane Assassi.  - Nous avons voté contre l'amendement de M. Ravier.

Mme Nassimah Dindar.  - J'ai voté pour les amendements sur les mineurs non accompagnés qui ne doivent pas être soumis à la procédure accélérée, en pensant en particulier aux enfants qui arrivent des Comores.

Mme la présidente.  - Amendement n°554 rectifié, présenté par Mme Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

Mme Maryse Carrère.  - Le projet de loi donne la possibilité à l'Ofpra d'adresser au demandeur d'asile la convocation à l'entretien individuel et de notifier ses décisions écrites « par tout moyen » ouvrant ainsi la possibilité d'un envoi dématérialisé. Toutefois, il n'est pas possible d'apporter les garanties adéquates à de telles notifications en matière de confidentialité et de droit d'accès à la procédure.

Le Conseil d'État a précisé que la notification dématérialisée devait être personnalisée pour ne pas porter atteinte au caractère équitable de la procédure. La plupart des demandeurs d'asile n'ont pas un accès continu à Internet.

Cet amendement de suppression suit la recommandation du Défenseur des droits.

L'amendement n°130 rectifié n'est pas défendu.

L'amendement n°554 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°205 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, l'office permet au demandeur ou à son représentant de lui fournir, par tout moyen et dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, toute information qu'il juge utile. » ;

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Cet amendement permet au demandeur d'asile privé d'entretien personnel pour raisons médicales en vertu de l'article L. 723-6 du Ceseda, de fournir à l'Office par tout moyen tous les éléments utiles à l'instruction de sa demande.

Suivant les observations du rapporteur de la commission des lois, l'amendement encadre cette nouvelle garantie dans le temps en prévoyant que l'Office, lorsqu'il décide de se dispenser d'entretien pour des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé, informe ce dernier ou son représentant du délai dont il bénéficie pour lui fournir toute information qu'il jugerait utile.

Cette garantie met ainsi en oeuvre une disposition de la directive Procédures.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable, la rectification demandée par la commission des lois ayant été faite.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable. L'Ofpra respecte déjà cette obligation. En tel cas, l'Ofpra, conformément à la directive européenne, adresse déjà en effet un questionnaire écrit au demandeur pour lui demander plus de précisions.

L'amendement n°205 rectifié ter est adopté.

L'amendement n°410 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°555 rectifié, présenté par Mme Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

dont il a une connaissance suffisante

par les mots :

qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend

Mme Josiane Costes.  - Figer le choix de la langue dans laquelle le demandeur d'asile sera entendu pendant toute la durée de la procédure, y compris en cas de recours devant la CNDA, restreint notablement l'exercice du droit du demandeur d'asile à être entendu dans une langue qu'il comprend.

En effet, un demandeur d'asile peut être amené à déclarer qu'il comprend une langue, sans la maîtriser entièrement. Or exposer son histoire, surtout si elle est douloureuse, et comprendre les subtilités de questions posées au cours d'un entretien, suppose une maîtrise linguistique qui va bien au-delà de la simple compréhension de phrases de conversation courante. Une telle erreur dans sa déclaration aurait ainsi d'importantes conséquences pendant toute la durée de la procédure.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La directive Procédures de 2013 prévoit que la communication lors de l'entretien personnel doit avoir lieu dans « une langue pour laquelle le demandeur a manifesté une préférence, sauf s'il existe une autre langue qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement ».

Ces dispositions ont été transposées en 2015 à l'article L. 723-6 du Ceseda. Le projet de loi ne modifie pas ces termes qui sont tout à fait conformes à la directive Procédures. Retrait ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis. Au dernier moment, certains demandeurs d'asile demandent à être entendus en konso ou tigrinya, langues parlées par quelques milliers de personnes seulement. Il s'agit de faire échec à toute procédure. Avec ce genre d'amendement, on est sûr qu'on n'éloignera personne du territoire français.

L'amendement n°555 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°139 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°207 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

et par laquelle il peut se faire comprendre

M. Didier Marie.  - Cet amendement vise à garantir que le demandeur d'asile sera entendu au moment de son entretien devant l'officier de protection de l'Ofpra dans la langue dans laquelle il peut se faire comprendre.

Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à pouvoir converser en anglais, en allemand ou en espagnol. Serions-nous, pour autant, capables de raconter pourquoi nous avons dû fuir notre pays dans un état de vulnérabilité maximale ? Mettez-vous à la place des demandeurs d'asile.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le texte.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi.  - Je ne comprends pas ces amendements. Il est écrit, à l'alinéa 12 de l'article 5, que le demandeur est entendu « dans la langue de son choix ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante ». Pour avoir fait beaucoup de missions auprès de l'Ofpra, je peux vous assurer que l'Office fait beaucoup d'efforts pour payer des interprètes dans des langues rarissimes.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le « ou » est exclusif !

À la demande de la commission, l'amendement n°207 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°140 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 92
Contre 230

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°131 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern.

Alinéa 16

Après les mots :

confidentialité et

insérer les mots : 

la vérification de

Mme Annick Billon.  - Il s'agit de s'assurer de la réception effective des documents envoyés par le demandeur.

L'amendement n°131 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°208 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 16

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...°L'article L. 723-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'office ne peut fonder sa décision exclusivement sur des informations relatives à des circonstances de fait propres au demandeur d'asile ou spécifiques à son récit restées confidentielles à l'égard de l'intéressé. » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il serait dommageable que l'Ofpra fonde exclusivement sa décision sur des informations que le demandeur ignorerait totalement et dont il ne pourrait avoir connaissance. Cela n'a échappé à personne, cette garantie est offerte pour la Cour nationale du droit d'asile à l'article L. 733-4 du Ceseda. Le rapporteur me répondra sans doute que la CNDA est une juridiction, et l'Ofpra un établissement public administratif. Je lui rétorquerai que rien n'empêche cette extension.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Monsieur Sueur, vous faites les questions et les réponses... Inutile que j'en rajoute (Sourires) sauf pour dire que la garantie réside dans la motivation systématique des décisions de l'Ofpra et que c'est sur cette motivation que les recours sont fondés. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Il s'est présenté récemment des cas où l'Ofpra détenait un certain nombre d'informations confidentielles. Même avis.

L'amendement n°208 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°209 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au 2° de l'article L. 723-11, après le mot : « effective », sont insérés les mots : « non temporaire » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement corrige un décalage entre les articles L. 723-11 et L. 713-2 du Ceseda : le premier concerne les décisions d'irrecevabilité ; le second, les refus de protection subsidiaire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait, sinon rejet, de cet amendement. La notion d'asile interne, qui peut fonder une décision d'irrecevabilité, recouvre les situations où le demandeur a accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. Cette protection doit être « effective », l'amendement est satisfait.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Mon amendement a le mérite de lever toute ambiguïté.

L'amendement n°209 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°132 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern.

Alinéa 17

Après les mots :

confidentialité et

insérer les mots :

et la vérification de

Mme Annick Billon.  - Même objectif que tout à l'heure : s'assurer de la réception effective des documents.

L'amendement n°132 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°210 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

M. Didier Marie.  - L'Ofpra, lorsque le demandeur l'informe du retrait de sa demande, doit, avant de clôturer la procédure, s'assurer que le demandeur n'a pas fait l'objet de pressions ou d'intimidations.

Mme la présidente.  - Amendement n°211 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° bis À la première phrase de l'article L. 723-12, après le mot : « informe », sont insérés les mots : « , oralement lors de l'entretien ou à tout moment par écrit, » ;

M. Didier Marie.  - Cet amendement de précision est complémentaire du précédent.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°210 rectifié bis : il est logique de clore une procédure quand la personne retire sa demande. Le Sénat avait d'ailleurs voté cette disposition en 2015. Quant aux modalités par lesquelles le demandeur informe l'Office du retrait de sa demande, elles sont de niveau réglementaire : rejet également.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Des gens qui assisteraient à notre débat seraient en droit de se poser des questions : forcer des personnes qui retirent leur demande à la maintenir ? Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Là encore, votre réponse peut sembler rationnelle mais nous parlons de demandeurs d'asile, qui parfois subissent des pressions sur notre territoire. On les menace de s'en prendre à leur famille restée au pays.

M. Didier Marie.  - M. le rapporteur comme M. Karoutchi supposent que le demandeur d'asile est en pleine possession de ses moyens. Or il est fragile, vulnérable, de par son parcours et le voyage chaotique qu'il a dû accomplir. Des réseaux de passeurs font pression sur les migrants pour les orienter vers d'autres pays ; c'est un moyen de leur soutirer plus d'argent encore.

L'amendement n°210 rectifié bis n'est pas adopté non plus que l'amendement n°211 rectifié bis.

Mme la présidente.  - Amendement n°213 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 723-15, après le mot « présentée », sont insérés les mots : « dans les trois ans » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - En raison de changements qui auraient pu se produire dans un intervalle de trois ans, tant pour le demandeur lui-même que dans le pays dont il est originaire, il est nécessaire de garantir au demandeur que sa demande bénéficiera de toutes les garanties liées à un examen de droit commun et ne fera pas l'objet d'un réexamen « au rabais ».

M. Philippe Dallier.  - Pourquoi au rabais ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La loi du 29 juillet 2015 a clarifié la notion de demande de réexamen, en prévoyant qu'est considérée ainsi toute nouvelle demande présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure. Cette procédure a été conçue pour traiter le plus rapidement possible des demandes pouvant apparaître comme manifestement dilatoires, tout en garantissant des droits des demandeurs qui apporteraient des faits nouveaux à la connaissance de l'Ofpra. Si la demande de réexamen est recevable, elle est examinée selon la procédure accélérée ; elle fait donc l'objet d'une analyse individuelle par l'Ofpra.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Je suis un peu peiné par ces amendements. Théoriquement, une personne qui voit sa demande rejetée, est partie de France.

M. François Bonhomme.  - Théoriquement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dans 13 % des cas !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Soit nous décidons que les demandeurs peuvent revenir à tout moment et nous allons au-devant de grandes difficultés, soit nous devons faire respecter nos procédures.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je m'apprêtais à retirer mon amendement devant les arguments juridiques du rapporteur ; votre réaction, Monsieur le Ministre, m'en dissuade. Ce sera le 55eamendement auquel vous donnez un avis défavorable...

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Et alors ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - ..., sachant que vous n'avez donné aucun avis favorable. Peut-être pourriez-vous considérer que quelques idées des sénateurs des groupes d'opposition, de la gauche, peuvent être retenues, vous qui avez su faire preuve d'ouverture d'esprit dans votre bonne ville de Lyon et dans d'autres aspects de votre vie politique... (Sourires)

M. Roger Karoutchi.  - Tous ces amendements tournent autour de la capacité de l'Ofpra à faire correctement son travail. On suppose d'abord que le demandeur n'a pas reçu le courrier de l'office, ensuite que l'Ofpra n'organise pas d'audience, enfin que l'audience a lieu mais que le demandeur ne comprend pas l'officier... Tout le monde se retrouve pourtant pour faire l'éloge de son action. Un réexamen ne dure pas 30 secondes, cela nécessite un vrai travail d'enquête.

Je suis scandalisé que, dans l'hémicycle du Sénat de la République, on puisse défendre qu'une personne que l'Ofpra puis la CNDA ont refusée ait des exigences sur la manière dont on traite son dossier. Pardon, mais à un moment, face à l'opinion publique, il faut peut-être arrêter !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Il n'est pas question de mettre en cause le travail de l'Ofpra. J'ai d'ailleurs déposé un amendement qui lui donnait davantage de latitude, vous l'avez rejeté.

M. Roger Karoutchi.  - Cela n'avait rien à voir !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - C'est comme si vous disiez que le code de procédure pénale n'a pas d'intérêt parce qu'il faut faire confiance au juge.

M. le ministre d'État donne ses avis en se tournant vers la droite (On s'en amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.), il y a de quoi être vexé et Jean-Pierre Sueur n'a pas retiré son amendement. Monsieur le Ministre, si vous voulez que nous retirions cet amendement, dites-le nous...

Mme Éliane Assassi.  - ... les yeux dans les yeux !

L'amendement n°213 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°134 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern.

Alinéa 27

Après les mots :

confidentialité et

insérer les mots :

et la vérification de

Mme Annick Billon.  - Il s'agit toujours de s'assurer de la réception effective des documents.

L'amendement n°134 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°135 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern.

Alinéa 28

Après les mots :

confidentialité et

insérer les mots :

et la vérification de

Mme Annick Billon.  - Défendu.

L'amendement n°135 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Fabien Gay.  - La liste des pays sûrs n'a pas été revue depuis longtemps. En Albanie, sont pointés la corruption, les obstacles à la justice, les traitements inhumains, les pratiques de vendetta. La situation des minorités sexuelles et ethniques est préoccupante...

M. Roger Karoutchi.  - En Russie aussi !

M. Fabien Gay.  - En Géorgie, en Serbie, au Kosovo, c'est la même chose.

M. Roger Karoutchi.  - Dans le monde entier !

M. Fabien Gay.  - Le Kosovo est un pays d'origine et de destination de trafic d'êtres humains. Quand on connaît l'état de délabrement de ce pays, on peut se poser des questions sur la liste des pays sûrs. Nous ne voterons pas l'article 5 (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Alain Richard.  - Les propos de M. Gay sont des attaques acrimonieuses contre deux pays, l'Albanie et la Serbie, qui ont fait des efforts considérables. L'Albanie a entièrement réorganisé son système judiciaire avec l'aide de l'Union européenne, la Serbie a conclu les négociations d'adhésion sur le chapitre « État de droit ». Ces propos sont contraires à la réalité et particulièrement offensants.

M. Guy-Dominique Kennel.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous ne voterons pas cet article qui supprime tous les verrous de sécurité pour les demandeurs d'asile.

L'Union européenne doit continuer à offrir aux pays du sud-est de l'Europe une perspective européenne. Cela consolidera leur évolution vers l'État de droit.

M. David Assouline.  - À M. Karoutchi qui se veut le défenseur de l'Ofpra dans cet hémicycle, je dirai que cette institution a une position difficile, on lui a beaucoup demandé... Mettez-la de côté.

M. Roger Karoutchi.  - C'est vous qui n'arrêtez pas !

M. David Assouline.  - Je n'ai jamais entendu l'Ofpra nous demander de restreindre les droits et les procédures. Des moyens humains, si ! La demande est de plus en plus forte, dans un monde devenu instable. Je vous donne deux rendez-vous : un lors du budget car l'on verra bien qui veut donner des moyens à l'Office, un lors de l'évaluation de cette loi.

M. Pierre Laurent.  - Nous cherchions à démontrer le caractère arbitraire des critères sur lesquelles la liste des pays sûrs se fonde.

M. Alain Richard.  - Vous avez porté des accusations d'une extrême gravité !

M. Pierre Laurent.  - Les faits avancés par M. Gay sont la réalité. (M. Alain Richard le nie.) M. Richard dit également une part de la réalité mais cela ne signifie pas que le pays n'est pas dangereux pour des personnes qui y vivent. Nous avons eu ce débat sur la Turquie, nous l'aurons peut-être sur les États-Unis demain. Qui peut accepter que l'on y enferme les enfants en cage en très grand nombre ? Décider d'accorder l'asile aux ressortissants d'un pays et pas d'un autre, à partir de critères contestables, ce n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Alain Richard.  - Un examen individuel a lieu dans tous les cas !

M. Roger Karoutchi.  - J'ai dit en commission des finances et en séance que le précédent gouvernement avait donné plus de moyens à l'Ofpra et, grâce à cela, réduit les délais de traitement. Je ne peux pas aller au-delà, sinon je ne sais plus où j'habite. (Sourires) Que ceux qui se reconnaissent encore dans le précédent gouvernement l'entendent ! Ce Gouvernement poursuit dans la même voie. De Hollande à Macron, vive l'Ofpra ! (On s'amuse et on applaudit sur les bancs du groupe Les Républicains.)

À la demande des groupes Les Républicains et CRCE, l'article 5, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°141 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 228
Contre 100

Le Sénat a adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°335 rectifié quater, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers est ainsi modifié :

1° Les premier et deuxième alinéas sont remplacés par quinze alinéas ainsi rédigés :

« L'office est administré par un conseil d'administration qui comprend :

« 1° Deux personnalités qualifiées, une femme et un homme, reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, nommées par le Président de l'Assemblée nationale pour une durée de trois ans, après approbation à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de ses membres par la commission permanente compétente en matière de droit d'asile ;

« 2° Deux personnalités qualifiées, une femme et un homme, reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, nommées par le Président du Sénat pour une durée de trois ans, après approbation à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de ses membres par la commission permanente compétente en matière de droit d'asile ;

« 3° Deux représentants, une femme et un homme, du personnel de l'office ;

« 4° Deux représentants, une femme et un homme, des organismes participant à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des bénéficiaires d'une protection internationale ;

« 5° Des représentants de l'État qui sont :

«  -  deux personnalités, une femme et un homme, nommées par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans ;

«  -  un représentant du ministère de l'intérieur ;

«  -  un représentant du ministère chargé de l'asile ;

«  -  le secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;

«  -  le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ;

«  -  un représentant du ministre chargé des affaires sociales ;

«  -  un représentant du ministre chargé des droits des femmes ;

«  -  un représentant du ministre chargé des outre-mer ;

«  -  le directeur du budget au ministère chargé du budget. » ;

2° Les trois premières phrases du dernier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Le délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste aux séances du conseil d'administration et peut y présenter ses observations et ses propositions. »

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les membres du conseil d'administration de l'office ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leur appartenance au conseil ne peut être pris en charge par une personne publique ».

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement réforme la composition du conseil d'administration de l'Ofpra qui a besoin des plus grandes compétences pour traiter notamment des pays d'origine sûrs - sujet manifestement très lourd. Il substitue aux parlementaires, qui peuvent exercer leur contrôle autrement, des personnalités qualifiées nommées pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique.

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Les mots : « deux députés, une femme et un homme » sont remplacés par les mots : « quatre députés, deux femmes et deux hommes » et les mots : « deux sénateurs, une femme et un homme » sont remplacés par les mots : « quatre sénateurs, deux femmes et deux hommes » ;

2° Après le mot : « État », sont insérés les mots : « , le président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme » ;

3° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les membres du conseil d'administration de l'office ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leur appartenance au conseil ne peut être pris en charge par une personne publique. »

M. Éric Bocquet.  - La composition actuelle du conseil d'administration de l'Ofpra favorise largement les représentants de l'État.

Il compte deux représentants de l'Etat nommés par le Premier ministre, un représentant de l'Intérieur, un du ministre chargé de l'asile, un des Affaires étrangères, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, le directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère de la Justice, un représentant du ministre chargé des affaires sociales, un représentant du ministre chargé des droits des femmes, un représentant du ministre chargé des outre-mer et le directeur du budget au ministère chargé du budget. Au total, dix représentants de l'État. Ajoutez deux membres du Parlement européen, un représentant du personnel, un représentant du HCR et trois personnalités qualifiées sans voix délibérative. C'est déséquilibré et cela fait peser le soupçon sur la réalité de l'autonomie de l'Ofpra.

Cet amendement propose de doubler le nombre de parlementaires. C'est un enjeu de démocratisation. Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme siégerait avec voix consultative.

Mme la présidente.  - Amendement n°337 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 722-1, après la première occurrence des mots : « désignés par », sont insérés les mots : « la commission permanente compétente en matière d'asile de » et le mot « le » est remplacé par les mots : « la commission permanente compétente en matière d'asile du ».

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement prévoit que les députés et sénateurs membres du conseil d'administration de l'Ofpra, dans le respect du principe de parité, seront désignés par les commissions parlementaires permanentes compétentes en matière d'asile.

Mme la présidente.  - Amendement n°336 rectifié quater, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le conseil administration comprend également trois personnalités qualifiées dont deux sont désignées respectivement par l'Assemblée nationale et le Sénat. Au moins l'une des trois personnalités qualifiées susmentionnées représente les organismes participant à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés.

« Le délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste aux séances du conseil d'administration et peut y présenter ses observations et ses propositions. » ;

2° L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de partage des voix sur la détermination de la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, la voix du président du conseil d'administration est prépondérante. » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Actuellement, les personnalités qualifiées ont voix délibératives seulement lorsqu'il s'agit de déterminer la liste des pays considérés comme sûrs. Il faut élargir le nombre de personnes qui peuvent s'exprimer sur tous les sujets au sein du conseil d'administration de l'Office.

Mme la présidente.  - Amendement n°140 rectifié ter, présenté par M. Poadja, Mme Billon, MM. Henno et Kern et Mme Létard.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il comprend également, en qualité de personnalités qualifiées nommées en raison de l'intérêt particulier qu'elles portent aux questions liées au droit d'asile, un magistrat issu du Conseil d'État et un magistrat issu de la Cour de cassation. Ces membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leur appartenance au conseil ne peut être pris en charge par une personne publique. »

M. Claude Kern.  - Cet amendement rééquilibre la composition du conseil d'administration de l'Ofpra, en s'inspirant de la proposition n°2 du rapport d'information sur la procédure de demande d'asile, remis en novembre 2012 par les sénateurs MM. Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois n'est pas favorable à la suppression des parlementaires au sein du conseil d'administration de l'Office ; et, dans la situation actuelle, moins que jamais. Avis défavorable à l'amendement n°335 rectifié quater. Même avis sur l'amendement n°37 rectifié bis, qui augmente le nombre des membres du conseil d'administration. Avis défavorable à l'amendement n°337 rectifié bis : restons-en aux règles en vigueur, le président du Sénat veille à ce que la personne qu'il désigne connaisse le sujet et consulte la commission des lois.

Avis favorable à l'amendement n°336 rectifié ter, qui correspond à la position exprimée par le Sénat en 2015, la rectification demandée par la commission ayant été faite.

Il n'est pas raisonnable, comme le propose l'amendement n°140 rectifié ter, de faire siéger des magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d'État dans une institution qui peut avoir des contentieux devant cette dernière juridiction. Retrait ou avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le Gouvernement ne souhaite pas modifier la composition du conseil d'administration de l'Ofpra, qui est actuellement équilibrée. Il y siège des représentants du ministère, c'est justifié. Peut-on nier que l'immigration et l'asile sont des sujets outre-mer ? Avis défavorable à tous les amendements.

L'amendement n°335 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que les amendements nos37 rectifié bis et 337 rectifié bis.

L'amendement n°336 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°140 rectifié ter est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 711-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 711-1-...  -  Dans le cadre de la convention de Genève, le statut de réfugié est reconnu aux femmes persécutées ou menacées de persécutions en raison de leur action en faveur des droits des femmes, que cette action se manifeste de façon individuelle ou collective, aux femmes persécutées ou menacées de persécution en raison de leur appartenance à un groupe social particulier du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle. »

Mme Laurence Cohen.  - Cet amendement reconnaît le statut de réfugié aux femmes persécutées ou menacées de persécutions dans leur pays, en raison de leur action en faveur des droits des femmes ou du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle.

Notre groupe a récemment été sollicité par une femme dénoncée par son mari pour avoir organisé une exposition d'oeuvres jugées illégales. Les contraintes sociales portent particulièrement sur les femmes : elles sont emprisonnées pour leurs opinions politiques, assassinées pour avoir refusé un mariage, violées pour ne pas être hétérosexuelles. La moitié des 244 millions de migrants dans le monde sont des femmes. Elles subissent des violences particulières pendant le voyage. Dans son rapport du 18 décembre 2017, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes note qu'elles ne représentent plus que 33 % des demandeurs d'asile. Faisons preuve de courage en leur offrant l'asile.

Mme la présidente.  - Amendement n°412 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Lepage, Ghali, Perol-Dumont, Lubin, G. Jourda, Taillé-Polian, Lienemann, Grelet-Certenais, Meunier, Préville, Monier, Artigalas et Tocqueville et MM. Temal, Lalande, Marie, Durain, Kerrouche, Jomier, Féraud, Houllegatte, Tourenne, Raynal, Cabanel, Daudigny, Vallini et Manable.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième aline?a de l'article L. 711-2 du code de l'entre?e et du se?jour des e?trangers et du droit d'asile est comple?te? par une phrase ainsi rédigée : « Ces aspects incluent les opinions et actions politiques mene?es par les militantes et militants pour l'e?galite? des droits et l'e?radication des violences et mutilations sexuelles, lorsque cet activisme a lieu au sein de pays qui ne reconnaissent pas l'e?galite? entre les femmes et les hommes, ou imposant aux femmes des suje?tions particulie?res, ou dans lesquels se pratiquent des mutilations sexuelles ou ge?nitales. »

Mme Laurence Rossignol.  - Il existe des persécutions qui passent sous les écrans des radars, tant elles sont inscrites dans les coutumes, tant elles font l'objet d'une complaisance coupable. La France doit protéger les activistes des droits des femmes ; comme pour l'avortement, elle doit avoir une position diplomatique claire en leur offrant son soutien. Cela dit, l'amendement de Mme Cohen est mieux rédigé ; je m'y rallie.

L'amendement n°412 rectifié ter est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'intention, louable, est satisfaite par le droit en vigueur. L'article L. 711-2 du Ceseda renvoie à la Convention de Genève ainsi qu'à la directive Qualification qui précise les motifs de persécution : l'action en faveur du droit des femmes peut être reconnue comme une opinion politique au sens de la Convention de Genève et la persécution des femmes en tant qu'appartenant à un groupe social particulier est également prise en compte.

L'article 10 de la directive Qualification précise au demeurant qu'« un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle ».

Retrait ou avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis. Votre objectif est satisfait par les textes en vigueur, à commencer par la Convention de Genève. Attention à ne pas réécrire ce qui l'est déjà ailleurs, si l'on veut que le Ceseda reste lisible !

Mme Laurence Rossignol.  - Chose que ne font jamais les projets de loi du Gouvernement, comme chacun sait !

Mme Esther Benbassa.  - Les femmes représentent la moitié de l'humanité ; elles ne constituent pas un groupe social ou une orientation sexuelle !

Mme Laure Darcos.  - La Convention de Genève désigne bien les victimes d'excision et les persécutions subies en tant que femmes. Mais en tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je suis solidaire avec les auteurs de l'amendement, car il faut protéger les femmes. Je m'abstiendrai.

Mme Maryvonne Blondin.  - J'ai signé avec Mme de Cidrac le rapport de la délégation sur les mutilations sexuelles féminines infligées à 200 millions de femmes, sur trois continents et dans trente pays. Soit une victime toutes les quinze secondes !

La loi de 2015 a renforcé notre dispositif et l'Ofpra a accordé la protection à ce titre à 7 000 femmes et filles. C'est bien peu ! Étendons la protection aux militantes et militants qui luttent pour l'égalité, contre le patriarcat et les coutumes locales.

Mme Laurence Cohen.  - Qu'il s'agisse d'excision ou d'autres pratiques discriminatoires, les chiffres font froid dans le dos. J'entends que c'est déjà dans la loi - mais combien de textes passent en dépit des redondances dont ils sont truffés ? 

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai !

Mme Laurence Cohen.  - La redondance peut être pédagogique, servir à affirmer une volonté. Notre amendement s'appuie sur la Convention de Genève, c'est un appel au renforcement de la protection. Pourquoi tergiverser ? (MMPierre Laurent et Bernard Lalande applaudissent.)

Mme Annick Billon.  - Je partage les inquiétudes exprimées par Mme Cohen et Mme Rossignol et regrette, en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, qu'aucun sénateur n'ait pris la parole sur ce sujet... L'affichage est important, je voterai cet amendement.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - La présidente Billon le sait, nous ne nous exprimons pas ici en fonction de notre genre, de nos origines, de nos croyances...

Mme Esther Benbassa.  - Un peu quand même ! Seulement 21 % de femmes au Sénat !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il y a des pratiques abominables que personne ici ne cautionne et que nous voulons tous combattre ; il y a aussi les actions courageuses de ceux, femmes ou hommes, qui se battent pour l'égalité et contre les mutilations sexuelles inacceptables.

Mais encore faut-il démontrer la nécessité, l'utilité de l'amendement : notre droit couvre déjà ce type de situations. Citez-moi un cas où l'Ofpra ou la CNDA aurait refusé le statut de réfugié à une victime ou une militante. Il n'y en a pas...

Mme Éliane Assassi.  - C'est scandaleux !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Si nous énumérons les actions politiques éligibles au statut de réfugié, nous dégradons la protection. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Esther Benbassa.  - Bravo, les femmes qui applaudissent !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le président Bas, nous ne mettons en cause ni la compétence ni la pertinence d'appréciation des fonctionnaires de l'Ofpra ou des juges de la CNDA.

Hier nous avons débattu de l'avortement ; de la même façon, il importe d'inscrire dans la loi la prise en compte des persécutions dont sont victimes les femmes. C'est un combat mondial. Rejeter cet amendement, ce serait envoyer un mauvais signal au plan national et international. Notre groupe a demandé un scrutin public pour que chacun se prononce sur ce sujet fondamental. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Laurence Rossignol.  - Bien sûr, Monsieur le Président Bas, nos collègues sont prêts à se mobiliser contre l'excision... Mais il y a aussi les mariages forcés dans des pays d'origine sûrs.

M. Stéphane Ravier.  - Ça se passe chez nous !

Mme Laurence Rossignol.  - J'accompagne ainsi une femme qui s'est réfugiée en France pour ne pas être forcée d'épouser l'homme que sa famille veut lui imposer...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Elle a droit au statut de réfugié.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas simple.

Notre amendement vise aussi les militants, qui ne sont pas clairement cités dans la convention de Genève.

Combien de projets de loi d'affichage et de communication avons-nous voté ? Envoyons le message que le Sénat est aux côtés des militantes et militants qui se battent contre les persécutions. Les critiques contre cet amendement, comme hier sur l'avortement, ne sont pas à l'honneur de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Esther Benbassa.  - La loi, ici, est majoritairement faite par les hommes. Les femmes sont victimes, mais aussi combattantes contre les forces politiques rétrogrades.

L'argument de la redondance doit s'effacer devant la pédagogie. Je rappelle qu'en France les femmes n'ont le droit de vote que depuis 1945...

M. Bruno Sido.  - Accordé par de Gaulle !

M. François Bonhomme.  - Un homme !

À la demande du groupe SOCR, l'amendement n°62 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - En raison d'un doute sur le résultat, je suspends la séance pour que les secrétaires procèdent à un recomptage manuel.

La séance, suspendue à 17 h 50, est reprise à 18 h 10.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 166
Contre 166

Le Sénat n'a pas adopté. (Marques de déception à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°87 rectifié, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour évaluer les demandes d'asile formulées par des migrants se fondant sur des actes de persécution dans leur pays d'origine en raison de leur identité sexuelle, de leur orientation sexuelle, ou de leurs pratiques sexuelles, les associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle mentionnées à l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle et reconnues d'utilité publique, peuvent être consultées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de l'instruction de la demande.

Ces mêmes associations, lorsqu'elles ont eu à connaître de la situation du demandeur d'asile, sont également recevables à délivrer au demandeur d'asile susvisé, à sa demande, toute attestation sur les éléments recueillis auprès de lui. Les éléments ainsi recueillis ou fournis par ces associations sont annexés au dossier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou devant la Cour nationale du droit d'asile.

M. Claude Malhuret.  - Cet amendement prévoit le recours à l'expertise des associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle pour les demandes d'asile se fondant sur des actes de persécution en raison de l'identité, de l'orientation ou des pratiques sexuelles.

La directive du 29 avril 2004 reconnaît comme motif d'asile l'appartenance à un groupe social menacé ; dans son arrêt du 7 novembre 2013, la Cour de justice de l'Union européenne considère que les homosexuels peuvent constituer un groupe social menacé au sens de la Convention de Genève dans certains pays.

Compte tenu du caractère personnel et intime de ces discriminations, le recours à l'expertise des associations spécialisées pourrait aider les officiers de protection dans l'évaluation des demandes d'asile.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est à l'Ofpra d'instruire le dossier qui est de nature individuelle et dont l'étude ne saurait être déléguée. Restons-en au système actuel où les associations peuvent être consultées, d'autant que l'amendement serait complexe à mettre en oeuvre. Retrait ou avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis. L'Ofpra dispose en son sein d'un groupe de travail consacré à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre qui organise des ateliers.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - J'ajoute que les associations peuvent conseiller le demandeur et l'accompagner lors de l'entretien individuel.

M. Claude Malhuret.  - Mon amendement n'impose pas à l'Ofpra de recueillir l'avis des associations, il en ménage la possibilité.

L'amendement n°87 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°124 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de la protection subsidiaire est également accordé à toute personne ayant subi la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants entre le départ de son pays d'origine et son entrée sur le territoire français. »

Mme Esther Benbassa.  - Guerre, instabilité sociale et politique, catastrophe naturelle, discrimination de genre... Autant de causes qui poussent les exilés à s'arracher à leur terre et à prendre des risques inconsidérés dans l'espoir d'une vie meilleure en Europe. Mais aucun cas n'est fait, dans l'examen des demandes de protection, de la violence de ce parcours migratoire, aux mains des passeurs. Sans doute faut-il l'avoir vécu pour en prendre la mesure.

C'est pourquoi l'amendement étend la protection subsidiaire aux personnes ayant subi la torture ou des peines et traitements inhumains et dégradants durant leur parcours migratoire. Cette violence doit suffire, en elle-même, à justifier l'attribution d'un titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est un élargissement considérable...

Cette question est réglée par l'article 5 bis qui permet à l'Ofpra de se rendre sur les lieux mêmes de départ dans le cadre de missions de réinstallation. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Je me suis rendu à Agadez, point de départ des Africains de l'Ouest qui s'apprêtent à traverser le désert pour atterrir dans des camps libyens où ils sont traités de façon inhumaine par les passeurs, battus, violés. Oui ces traitements sont choquants. Croyez-moi, la meilleure réponse est la politique que nous menons. Convainquons ces jeunes que leur avenir est en Afrique plutôt que de leur donner des illusions. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

Mme Esther Benbassa.  - Pensez-vous que ces personnes ne fuient leur pays que pour des motifs économiques ? Non, ils ne se sentent plus en sécurité dans leur pays.

L'amendement n°124 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°459 rectifié bis, présenté par MM. Ravier et Masson.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 713-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 713-6-... ainsi rédigé :

« Art. L. 713-6-... - Les demandes d'asile sont déposées auprès du réseau consulaire français ou auprès des sections consulaires des ambassades françaises à l'étranger. »

M. Stéphane Ravier.  - Les clandestins s'empressent de déposer une demande d'asile pour éviter l'expulsion, or seul un faible pourcentage de ces demandes aboutit - preuve qu'elles sont majoritairement abusives. La fraude à l'asile est tentante, quand seules 14 % des OQTF sont exécutées et que 4 % des déboutés quittent effectivement le territoire français !

C'est pourquoi cet amendement impose le dépôt de la demande dans le pays d'origine auprès d'un poste consulaire français. C'est de bon sens, et tout à fait conforme au droit international. Il est temps d'inverser la vapeur ! Nos services consulaires délivrent bien les visas, ils sont suffisamment étoffés pour enregistrer les demandes d'asile. Assez de procédures longues et coûteuses pour retrouver les déboutés qui ont disparu dans la nature !

Que les bonnes âmes au discours lacrymal se rassurent : ces déboutés sont tous logés, soignés et bénéficient des largesses de notre système social - quand 9 millions de nos compatriotes sont sous le seuil de pauvreté, que 3,5 millions d'entre eux sont mal logés, qu'ils sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins... Tout le monde n'a pas la chance d'être clandestin ! (Exclamations indignées à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est contraire à notre Constitution et à nos accords internationaux. Et comment imaginer qu'une personne persécutée se rende sagement déposer une demande d'asile dans le consulat français de son pays ?

Il est en revanche déjà possible de déposer une demande d'asile auprès de notre consulat dans un pays tiers.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Ce projet de loi a pour but de faire en sorte que ceux qui ont besoin d'une protection l'obtiennent dans les six mois, tout en luttant contre l'immigration clandestine. Nous faisons en sorte que les choses soient tranchées. Avis défavorable.

M. Richard Yung.  - Cet amendement méconnaît la réalité des réseaux consulaires. Vous proposez en fait le démantèlement de l'Ofpra pour en répartir les tâches - qui nécessitent une compétence particulière - entre les différents consulats.

Quand on est persécuté dans son pays, on ne va pas sonner à la porte du consulat, avec le risque de se faire cueillir par la police à la sortie ! Vous rêvez !

Plusieurs voix à gauche.  - Un cauchemar, plutôt !

L'amendement n°459 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 5 bis est adopté, de même que l'article 5 ter.

ARTICLE 6

M. Richard Yung .  - À titre personnel, je me réjouis de la décision de la commission des lois de maintenir les délais de recours d'un mois devant la CNDA, délai déjà dérogatoire par rapport au délai de droit commun de deux mois en contentieux administratif.

Je crains que la réduction du délai à quinze jours voulue par le Gouvernement n'entraîne une augmentation du stock des recours en attente de jugement, qui atteint déjà 25 000 demandes, et partant, des délais de traitement. Je me réjouis du retour proposé par la commission au délai d'un mois.

M. Gérard Collomb, ministre d'État .  - Nous sommes là au coeur de ce projet de loi. Lorsque je m'exprime ici, je ne m'adresse ni la droite ni à la gauche mais à tous les sénateurs, représentants de la Nation.

La situation est extrêmement compliquée. La France est le deuxième pays en Europe pour le nombre de demandes d'asile enregistrées, avec 126 000 demandes, derrière l'Allemagne, qui n'est, si j'ose dire, plus qu'à 136 000, et devant l'Italie, à 100 000 demandes. Le nombre de demandes augmente.

Fatalité ? Non, c'est une question de volonté. Ainsi les demandes d'asiles d'Albanais qui étaient très élevées, pour un pays en paix, doté d'institutions démocratiques, ont diminué depuis que nous discutons avec le Gouvernement albanais. En six mois, les entrées sur le territoire ont diminué de 43 %. Les demandes d'asile de personnes venues de Géorgie ont explosé de 363 %. Nous allons procéder de même : je m'entretiendrai la semaine prochaine avec mon homologue géorgien ; on ne peut voyager dans l'Union européenne sans visa et venir déposer immédiatement une demande d'asile.

Nous prononçons 85 000 non-admissions à nos frontières. Mais environ 300 000 personnes en Italie sont d'ores et déjà prêtes à les franchir. Si l'on continue de saisir tous les prétextes pour ne pas réduire les délais, la situation mortifère que nous connaissons continuera ! Ce qui désespérera les Français, et quand les citoyens désespèrent, l'on voit comment ils se prononcent. (M. Xavier Iacovelli s'exclame.)

Oui, nous voulons réduire les délais de recours devant la CNDA à quinze jours. Il sera toujours possible de demander l'aide juridictionnelle, avec un allongement du délai. Mais si l'on passe de quinze à trente jours, le délai s'allongera d'autant. Je vous appelle à voter notre texte. Sinon, les Français, exaspérés, nous le reprocheront. (Murmures de protestations à gauche)

Mme Esther Benbassa.  - Ils vous reprochent déjà beaucoup de choses !

M. Jean-Yves Leconte .  - Opportunément, notre rapporteur a maintenu les délais de recours devant la CNDA à trente jours. Ce délai est vraiment le minimum, d'autant que la CNDA peut déjà statuer par la voie d'une ordonnance nouvelle, procédure très rapide et sommaire.

Ajouter à cela que le dossier doit être en français, avec des pièces justificatives...

Le Gouvernement veut réduire les délais à tout prix. Mais entre 2016 et 2017, le stock à la CNDA a augmenté de 30 %. Avec ces mesures, il risque d'augmenter encore. Il faut aussi veiller à ce que la CNDA puisse travailler correctement. Or elle est déjà à la peine, faute de moyens. (On s'impatiente à droite.)

M. Didier Marie .  - Les propos de M. Collomb ont le mérite de la franchise. Ce texte est avant tout un texte de dissuasion. Il ne vise pas à améliorer le traitement des dossiers. Oui, l'opinion est exaspérée : comment ne le serait-elle pas lorsqu'on la monte sans cesse avec ce type de discours contre des personnes qui ont fui leur pays et sont vulnérables ?

Les réfugiés doivent pouvoir faire valoir leurs droits.

Le délai de recours devant la CNDA d'un mois est déjà inférieur au délai laissé aux Français pour les recours administratifs. C'est contraire à l'esprit de la directive Procédures. (Marques d'impatience et protestations à droite)

M. David Assouline .  - (Murmures à droite) C'est bien la philosophie du texte que nous contestons. Plutôt que de dissuader les migrants, n'est-ce pas l'orgueil de la France d'accueillir les réfugiés ?

M. Roger Karoutchi.  - Non.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Avec quels moyens ?

M. David Assouline.  - Nous en parlerons, des moyens.

Un rapporteur de la CNDA doit traiter, en procédant, pour chaque cas, à des vérifications qui peuvent être très longues et ardues, 300 dossiers chaque année, soit un dossier par jour en moyenne. C'est de l'abattage ! Cela sera encore pire si le délai tombe à quinze jours. Comment les réfugiés pourront-ils se défendre ? Seuls ceux qui ont les moyens de se défendre et sont dans les mains des passeurs pourront le faire...

M. Jean-Pierre Sueur .  - Monsieur le Ministre, vous avez dit que vous souhaitiez que tout le Sénat vous entende, quelles que soient les opinions politiques. Peut-être pourriez-vous aussi, à votre tour, sur un tel sujet, écouter le Sénat qui s'exprime à travers la voix de M. Yung, dont chacun connaît l'ouverture d'esprit...

M. Bruno Sido.  - Moindre que la vôtre !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... ou celle du rapporteur de la commission des lois, qui défend une position que la commission des lois, dont vous connaissez la majorité politique, a suivie ?

Êtes-vous sûr que votre texte mettra un terme, comme vous le souhaitez, à l'appel d'air ? Nous devons lutter contre la montée de la xénophobie en Europe et contre l'Europe de la fermeture. Cela prendra du temps et nous demandera beaucoup d'énergie.

Je sais que c'est votre intention. Soit. Mais pensez à ce qu'a dit le Conseil d'État. Est-ce en réduisant les droits que l'on apaisera les craintes de l'opinion ? Non...

M. Roger Karoutchi .  - Monsieur le Ministre, je suis tenté de vous suivre... D'abord, j'entends des propos que je ne puis laisser passer sans réagir : « décourager » les demandeurs d'asile ? Le nombre de demandeurs d'asile, de 40 000 en 2011 à 125 000 en 2018, a triplé en six ans. Notre politique de l'asile ne décourage personne !

Devant la CNDA, les réfugiés sont accompagnés par des associations, des avocats, qui pourront boucler en quinze jours les dossiers qu'ils ont un mois pour traiter. Le délai compte en fait assez peu. Mais je suivrai la position de la commission des lois. Son texte est cohérent et équilibré.

Ce débat est compliqué. Monsieur le Ministre d'État, je crois comme vous que si l'on ne parvient pas à traiter les dossiers dans des délais brefs, le nombre de demandeurs ne diminuera pas et l'opinion publique ne l'acceptera pas. Mais, par cohérence et par fidélité, je m'en tiendrai au texte de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bravo !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Il y a deux objectifs difficiles à concilier. D'une part, si le délai de recours est trop bref, les personnes les plus vulnérables pourraient ne pas avoir le temps de requérir. Ce n'est pas juste.

D'autre part, plus le délai pendant lequel les personnes restent sur le territoire en attendant un jugement est long, plus il est difficile de les reconduire à la frontière, éventuellement, ensuite.

La raison pour laquelle, Monsieur le Ministre d'État, la commission n'a pas cru devoir retenir votre amendement, c'est qu'il constitue un compromis qui ne nous paraît pas efficace. L'apport de l'Assemblée nationale sur ce point n'a pas été bénéfique : elle accepte le délai de quinze jours, en exigeant une requête sommaire dans ce délai, mais en laissant au requérant le soin de déposer ensuite un mémoire complémentaire. Je crains que ces quinze jours que vous gagnez d'un côté, vous les perdiez aussitôt par cette suspension de la procédure, puis dans l'instruction.

Aucun magistrat ne se permettra d'inscrire au rôle pour le jugement un dossier où un tel mémoire complémentaire a été annoncé par la requête sommaire. Cela n'est donc pas efficace, tout en posant un problème pour les personnes vulnérables qui n'auront pas le temps nécessaire pour déposer un recours.

M. Gérard Collomb, ministre d'État .  - Je regrette d'être en désaccord avec M. le président de la commission des lois, pour qui j'ai une grande estime, et avec son rapporteur, pour qui j'ai de l'affection (Sourires et murmures à droite)...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Merci.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est réciproque.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Pour ne pas réduire les droits, nous avons augmenté fortement les effectifs de l'Ofpra (plus quinze personnes, avec des moyens quadruplés), créé 51 postes à la CNDA, embauché 155 agents dans les préfectures pour réduire les délais.

Nos lois ont-elles des effets ? Oui, le nombre d'éloignement de « dublinés » a augmenté de 60 % depuis le vote de la loi Warsmann. Depuis que je suis ministre, les éloignements forcés ont augmenté de 11 %, les départs de 22 %.

Voici ce qu'écrit le Conseil d'État : « Un tel délai de quinze jours qui peut être couplé avec un délai de même durée interrupteur pour demander une aide juridictionnelle et n'interdit pas de compléter les motivations en fait et en droit du recours, comme de produire des pièces nouvelles après son expiration et jusqu'à clôture de l'instruction, peut être regardé comme raisonnable au sens de la loi du 26 juin 2013 » à laquelle vous avez fait référence.

M. Jean-Pierre Sueur.  - (Brandissant un document) Et l'alinéa suivant ? Vous n'avez lu que la moitié du paragraphe !

Mme la présidente.  - Amendement n°418, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Rétablir les a et a bis dans la rédaction suivante :

a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « d'un mois » sont remplacés par les mots : « de quinze jours » ;

a bis) Le même premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ils mentionnent l'objet de la demande et l'exposé sommaire des circonstances de fait et de droit invoquées à leur appui. Ils peuvent être complétés par des mémoires, pièces et actes de procédure dans un délai fixé par décret en Conseil d'État. » ;

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Effectivement, Monsieur Sueur, le Conseil d'État dans la fin de son avis, qui va dans notre sens, attire l'attention du Gouvernement sur le fait que cela nécessite la mise en place d'une assistance juridique sur les plateformes d'accueil qui existe dans de nombreux pays européens et qui, en effet, mérite réflexion. Eh bien, si cela conditionne le vote de cet amendement, nous le ferons s'il est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Alinéa 3

Rétablir le a dans la rédaction suivante :

a) A? la seconde phrase du premier aline?a, les mots : « d'un mois » sont remplace?s par les mots : « de deux mois » ;

M. Fabien Gay.  - Cet amendement est révélateur de l'esprit du texte : traiter les demandes d'asile de manière expéditive. Cela est contraire à nos engagements internationaux, qui garantissent le droit à un recours effectif.

Le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, l'Ofpra et les rapporteurs de la CNDA sont vent debout contre la réduction du délai à 15 jours. Comment un demandeur d'asile, vulnérable, peu familier du français et de notre système administratif pourrait-il déposer un dossier dans un laps de temps si bref ?

Un mois est déjà trop court. Ce délai devrait être au moins le même que celui dont disposent les justiciables ordinaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je suis à l'origine de ce débat, car j'ai préféré un délai d'un mois : ...

M. David Assouline.  - Bravo !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - ... délai bref, respectueux des droits, qui permet de protéger ceux qui le méritent, et dissuade les demandes abusives. Je partage avec le Gouvernement le souci d'efficacité des procédures. L'Ofpra a atteint l'objectif que nous lui avons assigné, de traiter les dossiers en deux mois. Les préfectures n'en sont pas tout à fait au même point, mais elles ont aussi fait de grands progrès.

La CNDA se trouve dans une situation différente. Elle vient juste de renforcer son budget et de recruter 51 personnes, mais le stock de dossiers est important, alors que le flux ne cesse d'augmenter car l'Ofpra statue plus vite. La réduction du délai est-elle efficace ? Lors de la demande d'appel, on peut aussi faire une requête pour obtenir l'aide juridictionnelle suspensive pendant un mois ; aussi, au total, le délai est-il en fait de deux mois.

Le texte du Gouvernement donne au demandeur quinze jours pour déposer une requête sommaire, mais autorise ensuite le dépôt de pièces justificatives ou complémentaires.

Nous mettrons les juges de la CNDA dans une situation instable : ils ne sauront qu'à l'audience s'ils doivent prendre en compte des pièces complémentaires.

Nous soutenons, en revanche, la création par le Gouvernement d'une autre voie pour obtenir un titre de séjour.

Enfin, le délai de 15 jours, en raison de l'accélération du traitement des dossiers par l'Ofpra, risque d'engorger davantage la CNDA, qui est déjà embolisée. Il n'y a donc pas de gain à attendre de la réduction des délais devant la CNDA. Donc, avis défavorable aux amendements nos418 et 45 rectifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - En dépit de mon estime pour le rapporteur et le président Bas, je ne partage pas leur avis. La possibilité de compléter son dossier existe déjà aujourd'hui.

En Europe, seize pays sur vingt-huit ont déjà un délai inférieur ou égal à quinze jours. Il importe de faire converger le droit.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - C'est du benchmarking !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - J'étais très heureux dans mes anciennes fonctions. La situation de notre pays est difficile. J'ai accepté de devenir ministre car je crois qu'il est urgent de redresser la barre sur des problèmes comme celui-là, sinon nous irons au-devant de plus grandes difficultés.

M. Jean-Yves Leconte.  - Oui à la convergence des droits, mais pas au dumping des droits ni au moins-disant ! (MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido protestent.) La démonstration de notre rapporteur était parfaite.

Je soutiens la proposition faite par M. Richard à l'amendement n°434 rectifié qui tend à harmoniser les délais de la demande d'aide juridictionnelle et du recours, en faisant en sorte que celle-là soit déposée conjointement à celle-ci. Pour réduire les délais, il faut faire en sorte en effet que la demande d'aide juridictionnelle ne les rallonge pas. Comme nous ne sommes qu'en première lecture, à ce stade, il faut nous en tenir là.

M. David Assouline.  - Pour justifier votre position, Monsieur le Ministre, vous évoquez chaque fois gravement une situation critique qui, selon vous, nous amènerait dans une impasse, si nous n'adoptons pas vos mesures. Et c'est pour ne les avoir pas prises plus tôt que certains pays basculeraient, comme l'Italie, dans des solutions quasi-fascistes ou les avoisinant, comme l'Autriche, la Hongrie ou la Pologne.

Eh bien, nous ne sommes pas d'accord avec votre analyse.

On ne peut, comme aux États-Unis, mettre les gens en cage et séparer les enfants des familles. (Protestations à droite) Les gens sont exaspérés, oui, mais en raison des problèmes économiques et sociaux qu'ils affrontent dans leur vie quotidienne et parce qu'on ne cesse de leur asséner que ces problèmes sont dus aux réfugiés, aux migrants... Tout serait de leur faute : le chômage, les cités-ghettos, le réchauffement climatique, ... (Nouvelles protestations et interruptions à droite) Ne m'interrompez pas !

Arrêtez de faire peur aux gens en courant derrière le Front national ! Je suis convaincu que l'on pourrait plutôt mieux répartir sur tout le territoire, de manière équilibrée les réfugiés.

Mme Éliane Assassi.  - Pour capter l'électorat d'extrême-droite, certains s'en prennent aux migrants. L'extrême-droite doit être combattue. Or, avec votre texte, vous allez dans son sens ! Je salue la position de la commission des lois. Ce que les demandeurs d'asile attendent, ce n'est pas une réponse rapide, c'est une réponse juste et adaptée à leur demande.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Comme M. le rapporteur, je suis sensible à vos marques d'estime, Monsieur le Ministre. J'ai aussi beaucoup de considération pour la tâche difficile qui est la vôtre. Toutefois, vous auriez été plus convaincant si vous n'aviez pas concédé à votre majorité à l'Assemblée nationale une possibilité de suspendre le délai, en distinguant la première requête puis la mémoire complémentaire. Cela réduit à néant la réduction du délai de quinze jours et entrave la possibilité pour les plus vulnérables de présenter un recours. C'est parce que nous partageons vos objectifs que, précisément, la rédaction de l'Assemblée nationale ne permet pas d'atteindre, que nous nous en tenons à notre texte.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Une fois de plus, je dois vous faire part de mon désaccord avec votre interprétation. Le texte voté à l'Assemblée nationale ne modifie pas la situation : on peut déjà déposer en appui d'une requête certains documents supplémentaires. L'essentiel est donc bien de réduire les délais. C'est pourquoi je vous demande, à nouveau, en mon âme et conscience, de voter l'amendement du Gouvernement. (Protestations à gauche)

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°418 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°143 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 35
Contre 298

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.