SÉANCE
du jeudi 24 mai 2018
87e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Daniel Dubois, M. Guy-Dominique Kennel.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que le temps pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
Parcoursup
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants) Les premières réponses de la plateforme Parcoursup sont arrivées mardi. Plus de la moitié des 870 000 jeunes concernés ont au moins une réponse positive. (Exclamations et railleries sur de nombreux bancs)
Madame la Ministre, nous partageons votre objectif d'avoir deux tiers des jeunes avec voeu d'admission satisfait avant le bac. Nous félicitons les équipes du ministère (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants, marques d'ironie sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) qui ont su analyser la situation en un temps record : c'est grâce à leur engagement que la réforme peut réussir.
On prédisait un enterrement, nous assistons à un rappel. (Les exclamations redoublent.) Ceux qui acceptaient le tirage au sort sont mal placés pour donner des leçons... (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) À la sélection par l'échec, nous préférons la réussite pour chacun ! Les inquiétudes sont légitimes, il faut les entendre. (On s'impatiente sur les bancs du groupe Les Républicains.) Madame la Ministre, comment rassurer les jeunes et leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Sur 812 000 candidats, 458 000 ont obtenu une réponse et 82 000 candidats l'ont déjà acceptée. C'est un système nouveau, dynamique. Parcoursup, pour le moment, fait ses preuves. J'entends les rumeurs disant qu'il ne fonctionne pas... Ce sont les mêmes qui annonçaient que la plateforme ouvrirait en retard, qu'aucune analyse personnalisée ne serait réalisée ; quelque 135 000 parcours ont d'ores et déjà été proposés, l'ensemble de la communauté pédagogique est mobilisée pour la réussite au premier cycle. Un taux de 40 % de réussite en licence, comme ce qui se passait jusque l'an passé, ce n'est pas l'ambition de ce Gouvernement. Nous voulons l'accès et la réussite des jeunes en premier cycle, car nous avons besoin d'une jeunesse formée et diplômée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
Usine Total de la Mède (UTM)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Monsieur le Ministre de la transition écologique, l'usine Total de la Mède, a été autorisée, au titre de sa reconversion, à produire 200 000 tonnes d'huile de palme brute servant à la production de biocarburants. C'est un risque pour les producteurs d'oléagineux, qui pourraient être privés d'un débouché durable. La culture d'huile de palme est la principale cause de déforestation en Asie du Sud-Est, que l'axe 15 de votre plan Climat entend combattre.
Monsieur le ministre, il faut soutenir la filière biocarburant française, elle limite notre dépendance au soja américain OGM et elle a réalisé de lourds investissements. Elle doit être rassurée et nos concitoyens aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Pascale Gruny applaudit également.)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Ce n'est pas de gaieté de coeur que j'ai signé le décret concernant l'huile de palme. (Exclamations sur de nombreux bancs)
C'est en 2015 que le Gouvernement a signé un accord avec Total pour reconvertir cette usine et y conserver quelque 450 emplois. Le sens de l'histoire est de sortir des biocarburants. Après des discussions avec Patrick Pouyanné, j'ai réussi à ramener de 450 000 à 300 000 tonnes la production d'huile de palme.
Le sens de l'histoire, c'est que l'Europe en finisse avec l'importation d'huile de palme ; en attendant, j'ai accru les exigences de traçabilité pesant sur Total. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Banlieues (I)
M. Fabien Gay . - Le président de la République a enterré le rapport Borloo. En Seine-Saint-Denis, le taux de chômage et les difficultés économiques sont deux fois supérieurs à la moyenne nationale. Et contrairement aux idées reçues, les tribunaux sont deux fois bien moins dotés en magistrats qu'à Paris. L'établissement scolaire le moins bien doté de Paris l'est toujours plus que le mieux doté de Seine-Saint-Denis ! Le budget d'État pour la culture est le tiers de ce qu'il est dans la capitale, sans parler du logement ou des transports.
La banlieue est stigmatisée, elle est désormais méprisée. Nous avons été abasourdis par les propos du président de la République qui a parlé de « deux mâles blancs... ».
Plus que l'espoir des associations et des élus, c'est leur travail que vous avez anéanti sur le terrain. Les banlieues, mais aussi bien des territoires ruraux et une partie des outre-mer, perdent deux fois dans cette loterie : au grattage et au tirage. Nous ne voulons pas voir inscrit libéralisme, inégalités, adversité au fronton de nos mairies !
Monsieur le ministre, allez-vous enfin faire République, ou bien accroître encore l'apartheid territorial ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Le bilan de la République est ce qu'il est, il ne remonte pas à juin 2017... Je ne peux pas partager la caricature que vous faites des propos du président de la République. Enterrement du plan Borloo ? Jean-Louis Borloo s'est lui-même dit satisfait. (On ironise sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains.)
La réalité des banlieues est une responsabilité commune. Des actions ont été lancées en matière économique et sociale, sur l'école, les emplois francs, la modification de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'accélération des dossiers... (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. François Grosdidier. - Il est temps !
M. Jacques Mézard, ministre. - ... Telles sont les pistes à suivre.
M. François Grosdidier. - C'est Bercy qui tient l'ANRU !
Pouvoir d'achat des fonctionnaires
M. Joël Bigot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Les serviteurs de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux sont inquiets. Serviteurs de la République, ils incarnent la laïcité, l'égalité, la solidarité, l'indépendance. Ils ont subi patiemment le gel du point d'indice, symbole d'une approche strictement budgétaire. Le service public, c'est la res publica, une idée d'avenir qui dépasse le totem de la performance et qui doit s'apprécier socialement, plutôt que sur le seul plan comptable.
La fonction publique a démontré sa capacité à modifier ses pratiques. Le rapport du Comité d'action publique 2022 parle de 120 000 suppressions de postes. Quelle valeur ajoutée ? Dans quels secteurs allez-vous supprimer ces emplois : à l'hôpital ? À l'école ? Dans les forces de sécurité ? Dans les Ehpad ? Allez-vous enrayer cette logique destructrice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. le président. - La parole est à M. Griveaux.
M. David Assouline. - Candidat à la mairie de Paris !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Le Gouvernement a annoncé le programme Action publique 2022, avec l'objectif d'adapter l'action publique pour un meilleur service public - et une méthode : la discussion avec toutes les organisations syndicales, pendant une année. Nous avons ouvert de nombreux chantiers : rémunération au mérite, départs volontaires, formation continue, institutions représentatives du personnel... Certains chantiers ont été ouverts à la demande des organisations syndicales, par exemple sur l'attractivité des concours.
Sur le pouvoir d'achat, le gel du point d'indice ne date pas de ce quinquennat. Nous voulons changer d'approche, mieux récompenser l'implication, le mérite. La compensation de la hausse de la CSG sera intégrale, y compris pour les nouveaux entrants.
Le président de la République, alors candidat, a annoncé la suppression de 120 000 postes, dont 50 000 dans la fonction publique d'État. Mais vous ne mentionnez pas les augmentations d'effectifs, de 10 000 postes pour la sécurité, 3 300 postes pour la justice, 3 900 postes dans l'Éducation nationale...
M. Yves Daudigny. - Et les hôpitaux ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Ce qui compte, en la matière, c'est que nous sortons de la logique du rabot. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. David Assouline. - La suppression de 120 000 postes, ce n'est pas du rabot ?
Agropastoralisme
M. Alain Marc . - À l'initiative de Michel Dantin et José Bové, j'ai assisté à Bruxelles à une conférence sur le loup, dont nous déplorons les attaques dans le Larzac. Le commissaire en charge du dossier y a été ridiculisé dans son argumentation.
Depuis un mois, les attaques de loups reprennent, entraînant la mort d'animaux stressés, et une sous-lactation. Le loup menace notre modèle d'agropastoralisme ! Et le commissaire européen s'empêtre dans les explications technocratiques. Le loup n'est plus menacé, lui !
Il y a une contradiction intenable entre la directive Habitat et la convention de Berne. Comment protéger l'agropastoralisme, qui est un patrimoine immatériel de l'Unesco ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants ; MM. Franck Menonville, Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti et Jean-Claude Luche applaudissent également.)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Certains dossiers sont difficiles à porter : entre Brigitte Bardot qui veut qu'on ne touche pas aux loups et certains éleveurs qui souhaiteraient les tuer tous, le compromis est difficile... On ne peut avoir d'affection sélective en la matière : la biodiversité, c'est un tout ! Le loup y a sa place, l'agropastoralisme aussi.
J'ai conscience de l'importance de l'agropastoralisme ; certains éleveurs s'en sortent très bien avec le loup, mais on ne le dit jamais... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Je reçois de nombreux courriers qui en témoignent.
Nous réfléchissons à d'autres logiques que les clôtures électriques. En attendant, la brigade Loups est pérennisée. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. On se récrie à droite ; quelques huées.)
M. Alain Marc. - Les orchidées et les plantes rares dépendent aussi de l'agropastoralisme. Le commissaire européen, avec ses propositions de barrières électriques pour des territoires qui comptent cinq habitants au kilomètre carré, est ridicule. Soyons sérieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE)
Banlieues (II)
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il n'y aura pas de plan Macron pour les banlieues, pas plus que de plan Borloo, sèchement enterré, mais un changement de méthode : 15 000 stages de troisième, 30 000 places en crèche, des formations à la vigilance collective, le recyclage du testing...
C'est un camouflet, une déception amère pour les associations et les élus locaux, mais aussi pour les habitants, qui veulent qu'on leur redonne espoir et envie de France ! Pour cela, il faut d'abord rétablir l'ordre et la sécurité !
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Il faut mettre fin aux trafics, au barbarisme des voyous, au prosélytisme islamiste.
Quand réinvestirons-nous le champ régalien de façon ferme pour réinvestir les territoires oubliés de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires . - Vous me donnez le sentiment de n'avoir pas entendu le président de la République, il y a trois jours. Il a commencé son discours en définissant un enjeu unique : rétablir la République partout et pour tous, et son propos a d'emblée porté sur les questions de sécurité - il a rappelé que le Gouvernement augmentera les effectifs de police de 1 300 postes dans les quartiers prioritaires, dont 60 à Marseille. Il a précisé les liens qui devront être établis pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Il a rappelé que la République pour tous et partout passe par la lutte contre la discrimination ; par le dédoublement des classes dans l'Éducation, par l'augmentation du nombre de places en crèche. Et 2 milliards d'euros seront investis dans la formation professionnelle !
Nous ne lâcherons rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Dans la presse, j'ai lu que le président de la République avait dit que nous avions perdu la bataille du trafic. C'est un manque de conviction assumé. Le président de la République a une difficulté avec les territoires, en particulier ceux de la ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Plan Ruralité
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Mardi dernier, le président de la République, s'inspirant du rapport Borloo, dévoilait une série de mesures pour les quartiers défavorisés. Les propositions de M. Borloo ont été très bien accueillies par les élus locaux et les médias les ont largement relayées.
Les territoires ruraux, qui souffrent des mêmes maux - chômage, pauvreté, violence... - ne sont pas écoutés.
Le Sénat est bien placé pour savoir que la France ne se réduit pas aux métropoles. C'est une mosaïque de territoires qui font notre histoire.
La Haute Assemblée, tous bancs confondus, est à leurs côtés. Monsieur le Ministre, à quand un grand plan Ruralité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Personne n'a le monopole de la ruralité. Sortons des clichés. Il y a des territoires ruraux en difficulté, j'en sais quelque chose, mais en disant que toute la ruralité va mal, on fait du mal à la ruralité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Nous agissons pour améliorer la situation des territoires ruraux en situation de décrochage. Le Gouvernement mène un travail important sur le numérique, les internats d'excellence, l'agriculture. Ne dites pas que nous n'avons pas de vision ! Rétablir l'équilibre dans les territoires, nous y travaillons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur certains bancs du groupe UC)
Situation des personnes handicapées
M. Jean-Pierre Corbisez . - Nous examinerons bientôt la proposition de loi du député Berta qui revalorise la prestation de compensation du handicap (PCH). Depuis la loi de 2005, cette compensation a peu progressé, malgré la récente revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Les personnes en situation de handicap et leurs familles sont inquiètes, qu'il s'agisse d'insertion professionnelle ou d'accompagnement de la scolarité.
J'ai été interpelé par des personnes souffrant de troubles spécifiques du langage et de l'apprentissage, non assimilés à un handicap, car les règles de passation des examens et concours varient et elles se heurtent parfois à des refus d'aménagement.
La proposition de loi soumise à l'Assemblée nationale est bien timide sur la question sensible du reste à charge qui faisait l'objet d'une disposition, restée lettre morte, de la loi de 2005.
Les décisions du Gouvernement fragilisent les personnes en situation de handicap, leurs associations s'interrogent sur la concertation. Je vous renvoie à une tribune publiée le 5 mai dans Le Monde. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour traduire la priorité annoncée par le président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Le président de la République, en effet, a fait de l'inclusion des personnes en situation de handicap une priorité. Il y a encore beaucoup à faire pour intégrer les plus fragiles et changer le regard de la société.
Rattachée au Premier ministre, la secrétaire d'État Sophie Cluzel met en oeuvre cette politique transversale. Notre mode opératoire ? Entrer dans une culture du résultat et de l'efficacité. Nous renforçons l'accompagnement des élèves en situation de handicap avec la sanctuarisation de 50 000 contrats aidés et la création de 8 000 emplois supplémentaires, nous portons l'allocation adulte handicapé à 900 euros dès 2019, nous mettons en place un guichet unique spécialisé... Les transformations engagées sont aussi structurelles, avec les chantiers de l'école inclusive et de l'entreprise inclusive. Nous en reparlerons lors de l'examen des textes relatifs à l'amélioration de la prestation de compensation du handicap, à la stratégie logement ou à la liberté de choisir son parcours professionnel. La concertation se fait avec les représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Nous sommes engagés pour faire bouger le regard de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Pierre Corbisez. - Un jeune dysorthographique et dyslexique a pu aller jusqu'au Master mais a été empêché de se présenter au Capes au motif que les logiciels qu'il utilise l'avantageraient ! Il est temps de corriger les divergences. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)
Banlieues (III)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Les élus et habitants des quartiers attendaient un engagement majeur du président de la République en faveur des banlieues. Quelle déception ! Aucune proposition significative du rapport Borloo n'a été reprise, et rien n'est proposé à la place. Emmanuel Macron sous-estime la gravité de la situation dans plusieurs quartiers et n'engage pas les moyens nécessaires. Il oublie les réussites de la politique de la ville pour justifier les coupes budgétaires, la baisse des APL, la suppression des contrats aidés ou de la délégation à la mixité sociale.
Le miracle viendrait du retour au droit commun ? Il n'a jamais été abrogé ! La sécurité du quotidien ne suffira pas là où la situation est très dégradée : il faut des moyens pour la justice et la prévention, une mobilisation générale. Le dédoublement des classes de CP et CE1 ne suffira pas à la réussite scolaire : il faut des ressources pour l'éducation populaire et la vie associative.
C'est bien un rattrapage, une reconquête républicaine qui s'impose, une nouvelle étape de la politique de la ville et non son enterrement. Que compte faire le Gouvernement concrètement pour les banlieues ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Vous êtes dans votre rôle, je suis dans le mien. Mon prédécesseur au ministère était le président Kanner : je n'ai jamais mis en cause sa politique.
M. François Grosdidier. - Ça ne change pas grand-chose !
M. Patrick Kanner. - Allons !
M. Jacques Mézard, ministre. - Le débat mérite mieux. Il était indispensable que le président de la République s'exprime, donne des rendez-vous, fixe des objectifs. On peut ne pas être d'accord, mais reconnaissez que le sujet est pris en main au plus haut niveau de l'État.
La sécurité au quotidien commence le 1er septembre : accès aux informations sur les personnes radicalisées, partenariats avec les polices municipales, lutte contre les trafics : nous allons le faire ! (Exclamations sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
Je vous demande un peu de sérénité : il nous faut être rassemblés face au danger communautariste. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Pollution de l'air
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 17 mai nous apprenions que la Commission européenne avait saisi la Cour de justice de l'Union européenne contre la France pour non-respect des valeurs limites de pollution atmosphérique et manquement à ses obligations de prendre des mesures en la matière.
Le plan que vous aviez adressé en février n'a manifestement pas convaincu. C'est un nouvel avertissement, après celui du Conseil d'État en juillet 2017 qui vous exhortait à agir. Qu'allez-vous faire pour répondre à cet enjeu de santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Qu'aurais-je aimé, il y a quarante ans, que l'on considérât les enjeux environnementaux non comme des sujets de bobos mais bien de santé ! Rattraper en quelques mois quarante ans de politique d'aménagement du territoire et de transport ? Sauf à fermer des activités industrielles, à interdire certains modes de chauffage ou retirer des milliers de véhicules, je ne sais pas faire.
Mais nous ne baissons pas les bras, nous sommes déterminés à prendre le taureau par les cornes car il en va de notre santé, et d'abord de celle des plus vulnérables.
Quatorze territoires touchés proposeront des feuilles de route que nous harmoniserons, avec Élisabeth Borne, pour proposer un plan début juin. Nous avons déjà agi avec l'alignement de la fiscalité du diesel (On se récrie sur les bancs du groupe Les Républicains.), la prime à la conversion qui a permis de remplacer 45 000 véhicules polluants, le fonds air-bois, dans la vallée d'Arve, qui alloue 3 000 euros aux ménages souhaitant remplacer leur vieille chaudière.
Il faudra jouer sur les normes, la réglementation, prendre des mesures concernant les automobilistes, mettre en place des zones à basse émission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes RDSE et UC.)
M. Jean-François Husson. - Il faut donner la priorité à la lutte contre la pollution de fond, indépendamment des pics. Stigmatiser les automobilistes n'est pas la réponse. L'État a une responsabilité, il ne doit pas se dérober. Il faut élaborer une politique concertée avec les secteurs de l'habitat, de l'énergie, des transports, de l'industrie. Vous pouvez aussi vous inspirer des 61 propositions formulées dans le rapport de la commission d'enquête que j'ai présidée, et qui est resté lettre morte.
Vous avez jusqu'ici privilégié l'écologie punitive en augmentant les taxes comportementales.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-François Husson. - Relevons le défi d'une écologie positive qui fasse appel à l'intelligence collective ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)
Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC)
Mme Anne-Catherine Loisier . - Lors du projet de loi de finances 2018, les amendements sur les modalités de calcul du fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) ont été repoussés au motif que le Gouvernement allait mettre en place un groupe de travail. Je n'ai hélas pas eu de retour des différents ministères sollicités. Rien non plus dans le rapport Bur-Richard.
Or nombre d'EPCI en difficulté, classés en zone de revitalisation rurale (ZRR), se retrouvent à devoir reverser au FPIC plus qu'ils ne reçoivent en dotation et plus que leurs recettes fiscales ne le justifient. Le fonds dit de péréquation ponctionne parfois jusqu'à 50 % des ressources fiscales de l'intercommunalité !
Dans l'attente d'une réforme structurelle du FPIC pour remédier à cette injustice, pourquoi ne pas prévoir un moratoire sur les prélèvements pour ces collectivités en zone défavorisées, bien identifiées par les services de l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Certaines communes en ZRR sont parfois contributrices nettes au FPIC. Cela dit, 40 % des communes françaises sont classées en ZRR ; certaines présentent des fragilités mais toutes ne sont pas nécessairement pauvres... Le FPIC est un instrument de péréquation puissant : depuis un an, les inégalités de richesse entre intercommunalités ont été réduites de 12 % et deux tiers des intercommunalités sont bénéficiaires.
Nous avons gelé le FPIC l'an dernier pour ne pas aggraver la situation. Un rapport qui sera remis avant la prochaine loi de finances fera le point sur les indicateurs retenus et nous procéderons aux adaptations nécessaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)
Financement des Alliances françaises
Mme Jacky Deromedi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le ministère des affaires étrangères a mis 285 agents à disposition du réseau des Alliances françaises à l'étranger. Ils représentent 18 % des effectifs culturels hors de France. Or ils viennent d'apprendre que le renouvellement des contrats n'est pas assuré ; on leur demande d'attendre les arbitrages.
Vous apprêtez-vous à couper 30 millions d'euros aux Alliances françaises à l'étranger ? Vous avez déjà réduit en 2017 le budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de 33 millions d'euros, entraînant une hausse des frais de scolarité. Sans compter que le maintien de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires va pénaliser les expatriés propriétaires en France mais locataires à l'étranger ! Les Français de l'étranger ont pourtant voté à 80 % pour La République en marche. Pourquoi vous acharnez-vous contre eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le président de la République s'est engagé, lors de son discours de Tunis en février dernier, à sanctuariser le budget de l'AEFE en 2018 et 2019 et à réfléchir avec les parlementaires, le personnel et les parents d'élèves au moyen de doubler la fréquentation des établissements français à l'étranger à l'horizon 2030.
Je tire mon chapeau aux 800 Alliances françaises qui oeuvrent dans 132 pays pour l'apprentissage de notre langue et le rayonnement de notre pays. Les crédits sont au rendez-vous : un budget de 35 millions d'euros, stable.
Nous sommes par ailleurs en train de dénouer l'écheveau des relations entre les Alliances françaises et la structure de tête en suivant les recommandations du rapport Vimont, qui prône aussi un rapprochement avec l'Institut français. Quant au rapport Bur-Richard sur la fiscalité, il sera mis en concertation dans le cadre de la Conférence des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Jacky Deromedi. - Monsieur le Ministre, chez moi, on a la reconnaissance du ventre, c'est-à-dire qu'on ne trahit pas quelqu'un qui vous a fait confiance et vous a donné les clés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Laïcité et communautarisme
M. Jérôme Bascher . - La récente controverse autour d'une représentante de l'Unef portant un hijab illustre le renoncement de notre République face à l'emprise croissante du communautarisme, à l'université, à l'école, mais aussi dans les syndicats, les entreprises, même les services publics. La France, ça n'est ni le communautarisme, ni le multiculturalisme.
La visibilité de certains signes religieux est un message politique, celui du refus de l'intégration et des valeurs émancipatrices de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité.
Les accommodements raisonnables, c'est le recul de la République et du droit des femmes. Le Sénat s'est toujours battu pour la laïcité, il sera toujours le dernier rempart des valeurs de la France.
Quelle société veut ce gouvernement ? Va-t-il accepter encore longtemps les emprises communautaires si contraires à nos valeurs et à notre pacte national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Éliane Assassi s'exclame.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je ne doute pas que le Sénat soit un rempart contre le communautarisme. Les atteintes à la laïcité ne datent pas d'hier. Sur ce sujet, le Gouvernement et le président de la République n'ont jamais changé de ligne, celle d'Aristide Briand, rapporteur de la loi de 1905 : une laïcité de liberté où l'État ne reconnaît aucune religion mais où chaque citoyen est libre d'exercer son culte ou de n'en exercer aucun.
Le Gouvernement est plus que jamais décidé à appliquer ce principe : rien que la loi de 1905, mais toute la loi de 1905. Le communautarisme doit être combattu. Il n'est dans notre pays qu'une seule communauté : celle de la République française. Nous ne tolérons pas les atteintes à la laïcité. Nous agissons... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous ne pouvons accepter que des préceptes religieux priment sur les lois de la République, comme nous ne pouvons nous résigner à ce que la République ne donne pas sa chance à chacun. Nous agissons sur tous les fronts - sécurité, éducation, emploi - pour améliorer le quotidien et l'avenir de nos concitoyens dans le respect de la laïcité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
M. Jérôme Bascher. - Le discours éculé qui renvoie la responsabilité aux prédécesseurs, ça commence à suffire !
M. Jean-Marc Todeschini. - Ô oui !
M. Jérôme Bascher. - Quand le président de la République stigmatise les « mâles blancs », il divise et invite au repli. Une France forte dans ses valeurs n'a pas peur d'intégrer. Nous voulons une France ouverte dans l'Europe mais unie dans ses principes et ses valeurs, sur tout le territoire. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)