Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il appartient au plaignant de démontrer que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'informations protégées au titre du secret des affaires l'a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, d'investissements financiers réalisés par un autre, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l'entreprise victime.

M. Éric Bocquet.  - Vision intéressante du régime de la preuve que celle du texte qui nous est soumis ! Les lanceurs d'alerte doivent en effet prouver en justice que l'information divulguée n'était pas couverte par le secret des affaires et que les faits qu'ils dénoncent sont réels.

Il faut revenir sur cette inversion de la charge de la preuve contraire aux principes fondateurs de notre État de droit, au simple bon sens et à la protection due au lanceur d'alerte, rappelée, excusez du peu, par l'assemblée générale de l'ONU en 2015. C'est à l'entreprise de confondre son accusation. Le droit des entreprises ne peut pas être hors-sol !

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié bis, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une action ne peut être engagée que si la partie poursuivante démontre que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'informations qualifiées de secret des affaires l'a été dans le but de tirer profit, de manière indue, d'investissements financiers réalisés par un autre, portant ainsi atteinte aux intérêts commerciaux de l'entreprise victime.

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement va dans le même sens. Il revient à la partie poursuivante de démontrer non seulement que l'information constitue un secret des affaires, qu'il y a obtention, utilisation ou divulgation illicite, mais aussi que cette obtention ou cet usage illicite l'ont été dans le but de tirer profit d'investissements financiers réalisés pour porter atteinte à ses intérêts commerciaux.

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 152-1-...  -  Il appartient à la partie poursuivante de démontrer que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'informations qualifiées de secret des affaires l'a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l'entreprise victime.

M. Joël Labbé.  - Comme d'autres journalistes, Édouard Perrin, à l'origine du LuxLeaks, estime que ce texte vise à dissuader les journalistes d'enquêter. Une pétition lancée par un collectif d'ONG, de journalistes, de syndicats et de chercheurs a déjà réuni plus de 350 000 signatures pour soutenir cet amendement.

L'amendement n°29 rectifié  est retiré.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ces amendements similaires tendent à limiter la prise en compte des atteintes au secret des affaires, aux seuls cas où les auteurs ont pour but d'en tirer un profit économique. Cette restriction est inopportune et contraire à la directive. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La charge de la preuve n'est pas inversée. La bonne foi sera toujours présumée, et, conformément à l'article 1315 du code civil et à l'article 9 du code de procédure civile, il appartiendra au demandeur de prouver le bien-fondé de ses prétentions.

L'adoption de ces amendements entraînerait un défaut de transposition de la directive, puisqu'elle amoindrirait la protection du secret des affaires. Avis défavorable.

M. Jacques Bigot.  - Votre argumentation est juridiquement inexacte. L'entreprise qui attaquera un journaliste ou un lanceur d'alerte doit démontrer qu'une information relevant du secret des affaires a été dévoilée.

Il convient de protéger les rédactions et les organes de presse contre les procédures bâillons qui portent atteinte à la liberté d'informer. Il y a une grande inquiétude chez les journalistes et les directeurs de publication qui ne pourront faire face à la multiplication de procédures coûteuses.

M. Fabien Gay.  - J'ai travaillé à L'Humanité (Exclamations à droite) - certes pas en tant que journaliste - journal pour lequel M. Darmanin a affiché son mépris, alors que j'ai beaucoup défendu LFigaro et que je pense pour ma part que le pluralisme de la presse est une chance. Il faut la défendre ! Les journalistes, avant de publier des enquêtes comme Luxleaks, Wikileaks, HSBC ou Paprec doivent vérifier et croiser leurs sources.

M. François Grosdidier.  - Dans un monde idéal !

M. Fabien Gay.  - Si les publications sont menacées d'actions en justice, longues et coûteuses, les directeurs des publications, au lieu d'y réfléchir à deux fois, hésiteront cent fois et elles n'enquêteront plus, plieront le genou puis finiront par rendre gorge. On va tuer le journalisme et les lanceurs d'alerte ! Je vous appelle à voter l'un de ces trois amendements.

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos41 rectifié bis et 72 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 42

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux.  - Cet amendement supprime l'alinéa prévoyant un dispositif de prescription dérogatoire au droit commun de l'action en responsabilité civile. L'article 8 de la directive précise qu'il appartient aux États membres de fixer le point de départ du délai de prescription. En l'absence de dispositions spéciales, l'article 2224 du code civil s'applique. Il prévoit un délai de prescription de cinq ans qui court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Pour fixer le point de départ du délai, le juge fera donc une appréciation in concreto.

Il n'est pas justifié d'apporter une dérogation concernant les actions ayant pour objet une atteinte à un secret des affaires en prévoyant, comme dans le texte adopté par la commission des lois, que le point de départ court à compter des seuls faits qui en sont la cause, de sorte que l'appréciation du juge serait purement objective.

La rédaction de la commission des lois est contreproductive. Par exemple, le secret des affaires pourrait être obtenu par un concurrent de manière illicite et exploité secrètement pendant des années. Lorsque l'entreprise le découvrira, le délai de prescription privera l'entreprise lésée de toute faculté d'intenter une action.

M. le président.  - Amendement n°80 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 42

Remplacer les mots : 

cinq ans

par les mots :

douze mois

M. Joël Labbé.  - Le texte prévoit un délai de prescription de cinq ans, la directive ayant fixé un maximum de six ans.

Cet amendement aligne les délais de prescription sur ceux établis par les ordonnances du 22 septembre 2017, dites ordonnances Travail, à savoir douze mois. Ce qui vaut pour les salariés doit valoir aussi pour les entreprises.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 42

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

M. Fabien Gay.  - Cet amendement réduit le délai de prescription à trois ans.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Chapitre ...

« Délai de prescription

« Art. L. ...  -  Le délai de prescription de toute action ayant trait à l'application de la présente loi est de douze mois. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Nous proposons également d'aligner les délais de prescription sur ceux établis par les ordonnances Travail. Pourquoi l'accélération des procédures que l'on réclame sans cesse aux salariés ne s'appliquerait-elle pas aux entreprises ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Tous les acteurs que nous avons auditionnés, avocats, magistrats, ont réclamé un délai de prescription dérogatoire non sur la durée - cinq ans - mais sur son point de départ, par analogie avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle : il courrait à compter de la date des faits, comme en matière de contrefaçon - pour les brevets, les dessins et modèles, les semi-conducteurs ou les obtentions végétales, qui font chacun l'objet d'un article dudit code. Cette règle n'existe pas pour les marques car leur usage illicite est suffisamment évident.

Avis défavorable, par conséquent, aux amendements nos59, 80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié. La commission des lois préfère conserver un délai de prescription de cinq ans.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux.  - Avis défavorable aux amendements nos80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié.

M. Jacques Bigot.  - Si le Gouvernement avait soumis un projet de loi, assorti d'une étude d'impact, il aurait suivi la recommandation du Conseil d'État et harmonisé le droit positif en la matière. Entre prendre pour point de départ les faits ou la découverte des faits, il y a une différence sensible, le délai pouvant dans le deuxième cas courir beaucoup plus longtemps.

Le groupe socialiste s'abstiendra : il reviendra à la CMP de trouver une issue à cette impasse.

L'amendement n°59 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié.

M. le président.  - Il reste 25 amendements à examiner. Je vous propose d'ouvrir la nuit pour achever l'examen de ce texte.

(Assentiment)

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 53

Supprimer les mots :

, sur requête ou en référé,

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement supprime la précision selon laquelle les mesures provisoires ou conservatoires, prévues dans un décret en Conseil d'État, peuvent être ordonnées par le juge sur requête ou en référé. Il n'est pas opportun de préciser les voies procédurales qui peuvent être utilisées car cela risque de restreindre les possibilités offertes au juge. Outre la requête et le référé, ces mesures peuvent également être ordonnées par le juge de la mise en état par exemple dans le cadre d'une instance au fond.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'objectif de la commission est de guider les procédures particulières que le pouvoir réglementaire aura à mettre en place, telle qu'une ordonnance sur requête motivée, c'est-à-dire rendue de façon non contradictoire, ou bien une ordonnance, plus classique, en référé, par analogie avec la saisie contrefaçon de façon à pouvoir faire constater par huissier, à la demande d'une entreprise, le fait qu'un produit a été fabriqué ou mis sur le marché en utilisant de façon illicite un secret des affaires : c'est un mode de preuve efficace. Avis défavorable.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 55

Remplacer les mots :

ni ne pouvait savoir au regard des circonstances

par les mots :

, ni ne pouvait savoir au regard des circonstances,

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Amendement de cohérence rédactionnelle avec les alinéas 25 et 26 : une affaire de virgule !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°87 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 58

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque cette indemnité est ordonnée en lieu et place des mesures prévues aux 1° et 2° de l'article L. 152-2, elle ne peut être fixée à une somme supérieure au montant des droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser ledit secret des affaires pour la période pendant laquelle l'utilisation du secret des affaires aurait pu être interdite.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement précise, conformément au dernier alinéa du paragraphe 3 de l'article 13 de la directive, que l'indemnité se substituant aux injonctions et mesures correctives ne peut être plafonnée que lorsque la mesure évitée est l'une de celles prévues aux 1° et 2° de l'article L. 152-2.

Le Conseil d'État nous avait mis en garde sur ce point dans son avis du 15 mars.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable : c'est une précision utile, qui renforce la conformité à la directive.

L'amendement n°61 est adopté.

L'amendement n°31 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152-6.  -  Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure sur le fondement des dispositions du présent chapitre, est abusif.

« Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l'acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l'introduit de démontrer que son geste n'est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable.

« La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son caractère abusif peut être présentée à titre de moyen préliminaire.

« Le tribunal peut, dans un cas d'abus, rejeter la demande en justice ou l'acte de procédure. Il peut également assujettir la poursuite de la demande en justice ou l'acte de procédure à certaines conditions, requérir des engagements de la partie concernée quant à la bonne marche de l'instance, suspendre l'instance pour la période qu'il fixe, ordonner à la partie qui a introduit la demande en justice ou l'acte de procédure de verser à l'autre partie, sous peine de rejet de la demande ou de l'acte, une provision pour les frais de l'instance, si les circonstances le justifient et s'il constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu'elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement des dispositions du présent chapitre peut être en outre condamnée au paiement d'une amende civile. Le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 euros pour les personnes physiques et 10 millions d'euros pour les personnes morales.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Guillaume Gontard.  - Souvenons-nous de Bolloré contre Mediapart, puis L'Obs, puis Le Point, puis France 2, mais aussi Chimirec contre Neyret, Vinci contre le collectif Sherpa, etc.

Ces affaires ont des points communs : l'inégalité des parties, une entreprise ou un groupe puissant, face à des personnes en infériorité financière. Le motif invoqué, les buts recherchés - intimider les personnes et associations concernées en les pénalisant par des procédures lourdes et répétitives, déporter le débat public... À l'image de la loi canadienne de 2011, cet amendement améliore la lutte contre ces procédures-bâillons en créant une procédure accélérée.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 25 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 100 000 € ou 2 % du chiffre d'affaires de la personne concernée.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

« Lorsqu'il est découvert ultérieurement que les informations ne sont finalement pas couvertes par le secret des affaires ou lorsqu'il est découvert ultérieurement que les menaces d'obtention, d'utilisation ou de divulgation ne sont pas avérées, la juridiction peut octroyer des dommages et intérêts la partie lésée en réparation du préjudice causé.

M. Éric Bocquet.  - Cet amendement de repli rétablit les sanctions en cas de procédures dilatoires ou abusives. Pour les entreprises ayant du temps et de l'argent, les procédures servent à bâillonner les trouble-fêtes...

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 1752-6.  -  Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 25 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 100 000 € ou 2 % du chiffre d'affaires de la personne concernée.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Fabien Gay.  - Nous sommes loin de l'équilibre, le secret des affaires semblant devoir primer sur toute autre considération, les libertés fondamentales devenant des exceptions. Et la capacité de riposte procédurale et financière accroît l'inégalité entre les parties, celles qui sont peu au fait des arcanes juridiques étant clairement désavantagées.

Lorsqu'une entreprise transnationale se retrouve face à un particulier qui aurait eu l'étrange idée de jouer d'un algorithme sur les marchés dérivés ou disposerait d'une liste de clients possesseurs d'un compte domicilié dans une localité helvétique accueillante, l'inégalité est flagrante et le but est d'épuiser, par exemple, les salariés lanceurs d'alerte.

Cet amendement rétablit des sanctions contre ces manoeuvres qui font obstacle à la manifestation de la vérité.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152-6.  -  Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 euros pour les personnes physiques et 5 % du chiffre d'affaires hors taxes pour les personnes morales.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement rétablit le régime autonome d'amende civile, destiné à protéger plus efficacement les journalistes, les organes de presse et les lanceurs d'alerte contre les procédures abusives et les dommages-intérêts disproportionnés.

Sa suppression par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, outre qu'elle déséquilibre l'économie générale du texte, ne nous paraît pas justifiée en droit.

À titre d'exemple, le rapporteur évoque une décision du Conseil constitutionnel dans laquelle celui-ci a censuré une amende proportionnelle non plafonnée destinée à sanctionner un manquement à une obligation de déclaration mais l'analogie ne nous paraît pas recevable. En effet, la fixation du montant s'opère dans ce cas en proportion de la valeur de contrats non déclarés, alors que dans la proposition de loi que nous examinons, la fixation du montant s'opère en proportion du montant des dommages et intérêts décidés par le juge. En outre, le régime d'amende civile est plafonné, ce qui n'est pas le cas dans la jurisprudence constitutionnelle invoquée.

Au-delà de l'enjeu juridique, c'est la réalité même des procédures-bâillons que le rapport semble nier.

Nous ne pouvons rester passifs face aux limites posées au droit d'investigation. Le Sénat, majorité après majorité, a toujours défendu les libertés individuelles ; il ne saurait déroger ce soir à cette tradition.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152-6.  -  Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 €.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement rétablit le mécanisme d'amende civile majorée introduit en commission lors de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, afin d'assurer un juste équilibre entre la protection du secret des affaires et de la liberté de l'information.

M. le président.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Dantec, Mme Costes, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 74

Rétablir l'article L. 152-6 dans la rédaction suivante :

« Art. L. 152-6.  -  En cas d'action du détenteur licite d'un secret au-delà du délai de prescription ou lorsqu'il est découvert ultérieurement que les informations ne sont finalement pas couvertes par le secret des affaires ou lorsqu'il est découvert ultérieurement que les menaces d'obtention, d'utilisation ou de divulgation ne sont pas avérées, la juridiction peut octroyer des dommages et intérêts la partie lésée en réparation du préjudice causé.

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 30 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 € pour les personnes physiques et 10 millions d'euros pour les personnes morales.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Joël Labbé.  - « Ouvrir la nuit », Monsieur le Président, apporte une salutaire poésie dans ce débat un peu morne...(Sourires)

Cet amendement rétablit le dispositif de sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive, supprimé par la commission des lois.

Il reprend les obligations prévues dans la directive et modifie le plafond proposé par le texte initial pour l'amende civile, car celle-ci doit être suffisamment dissuasive, afin d'éviter des poursuites abusives, attentatoires à la liberté d'expression et à l'intérêt général, ainsi qu'un engorgement supplémentaire des tribunaux. Une amende de 60 000 euros, c'est dérisoire pour une grande entreprise.

Instaurons une sanction dissuasive pour éviter les procédures-bâillons.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Tous ces amendements, qui se suivent comme des numéros de loterie, ont le même objectif, avec des variantes, et sont donc tous contraires à la position de la commission. Ils rétablissent l'amende civile imaginée par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement ne s'est pas joint à cette tentative.

Cette amende n'est quasiment jamais prononcée. La Cour de cassation est très regardante, et les juges répugnent par principe à la prononcer sauf abus flagrant. Il n'y a donc pas de raison qu'un nouveau dispositif soit davantage utilisé. N'oublions pas que 20 % des dommages et intérêts peuvent représenter beaucoup d'argent ! Réintroduire ce dispositif ne nous apporterait qu'une satisfaction symbolique.

Au surplus, les montants fixés par l'Assemblée nationale n'auraient en rien dissuadé une grande entreprise.

Ces amendements posent en outre des problèmes constitutionnels, au regard du droit au recours - une petite entreprise pouvant être dissuadée d'agir, mais surtout de la proportionnalité des peines. Constitutionnellement, rien ne justifie un montant différent dans ce cas de figure.

Le 23 mars 2017, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi relative à la responsabilité des sociétés mères vis-à-vis de ses sous-traitants. Sa jurisprudence est assez restrictive.

Pour ces raisons, avis défavorable à ces six amendements.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable sur ces amendements, à l'exception de l'amendement n°54.

L'Assemblée nationale entendait prévenir les atteintes abusives à la liberté d'expression. Je suis favorable au principe d'une amende civile, mais souhaite qu'un dispositif équilibré soit mis en place. Le caractère dilatoire d'une action en justice ne peut être apprécié qu'à l'issue de celle-ci.

L'amende civile de droit commun serait peu utilisée par les juridictions, estime le rapporteur ? L'argument n'est guère convaincant. La commission des lois a considéré qu'une amende civile était une sanction pécuniaire soumise à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais ne s'est jamais prononcée sur la proportionnalité des peines, en sorte qu'on ne peut raisonner que par analogie.

Je penche pour la constitutionnalité du dispositif... Il s'agit d'éviter toute entrave à la liberté d'expression et ce n'est pas la demande de dommages et intérêts qui est sanctionnée, mais le montant de ceux-ci, qui révèle l'abus de procédure : le lien indirect entre le comportement fautif et la sanction pouvant être caractérisé. Cette mesure semble constitutionnelle, efficace et mesurée.

M. Marc Laménie.  - Je ne sais si le débat est morne, mais il est particulièrement complexe et sérieux pour le monde économique. Les montants peuvent être importants, c'est vrai. Je me rallierai à la position du rapporteur et de la commission.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nous voterons également l'amendement n°54. Je suis assez favorable à l'application des régimes de droit commun. Or deux régimes dérogatoires viennent d'être créés à l'initiative de la commission des lois, en matière de prescription par exemple. Ce qui invite à s'interroger sur l'équilibre politique du texte.

Le débat a fait rage à l'Assemblée nationale. Le secret des affaires a finalement été pris en compte grâce à ce mécanisme anti-bâillon. Songeons à la CMP...

Le mécanisme semble en outre constitutionnel alors que les autres amendements présentaient des difficultés.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - M. Bonnecarrère vient d'expliquer très bien que mon amendement n'est pas inconstitutionnel. La décision du Conseil constitutionnel citée par le rapporteur était motivée par le fait qu'il n'y avait pas de plafonnement.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Là non plus !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - La somme de l'amende civile va au Trésor public, non dans la poche du plaignant - c'est peut-être ce qui dissuade ces derniers de la demander.

Ce dispositif est indispensable au délicat équilibre entre protection des libertés individuelles et sanction de procédés malhonnêtes.

M. Fabien Gay.  - Madame la Ministre, vous n'avez pas apporté de réponse politique aux inquiétudes des journalistes, des chercheurs, des lanceurs d'alerte, des signataires des deux pétitions réunissant 500 000 et 350 000 personnes.

Vous avez refusé tous les amendements qui étaient au coeur du débat. Les journalistes pourront-ils continuer à faire leur travail, les lanceurs d'alerte à sortir des informations ? Ils ne font pas d'espionnage industriel mais oeuvrent pour l'intérêt général. Les gens qui regardent nos débats resteront inquiets si vous persistez à ne pas répondre.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je vous ai répondu - peut-être n'avez-vous pas entendu ? Je n'ai pas rejeté tous les amendements : je viens d'accepter celui de M. Mohamed-Soilihi (Marques d'ironie à droite) qui rétablit l'amende civile, mécanisme très efficace pour dissuader les entreprises qui intenteraient des procès à tort aux journalistes et aux lanceurs d'alerte. Dans ce texte, les dérogations sont listées expressément et nous apportons un dispositif anti-abus très dissuasif.

Avec une amende civile dont le montant est très dissuasif, le texte est équilibré. Au contraire de ce que dit la lettre ouverte au président de la République, le secret ne devient pas la règle et la liberté, l'exception.

L'amendement n°18 n'est pas adopté non plus que les amendements nos20, 19, 44 rectifié, 54 et 73 rectifié.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Éric Bocquet.  - Amendement de cohérence avec l'amendement n°21 qui n'a pas été adopté.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Par cohérence, avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLE PREMIER TER

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Gontard.  - L'article premier ter érige le secret des affaires au même niveau que la protection de la défense nationale en revenant sur le principe du contradictoire devant les juridictions administratives. Il pose problème au regard de l'indépendance du juge. Le respect du contradictoire est un principe cardinal consacré par la CEDH ; le juge a déjà fait évoluer son contrôle vers un contrôle de proportionnalité.

M. le président.  - Amendement identique n°34 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Le secret des affaires ne justifie pas un nouvel aménagement au principe du contradictoire.

M. le président.  - Amendement identique n°77 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

M. Joël Labbé.  - Le principe du contradictoire devant les juridictions, est établi par l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jacques Bigot.  - L'article 9 de la directive dispose que la justice respecte le secret des affaires. Il faudra trouver une solution. En l'état, le texte n'est pas satisfaisant. La procédure qu'engagerait une entreprise pour faire respecter le secret des affaires pourrait conduire à divulguer des informations qu'elle veut protéger.

Les amendements identiques nos23, 34 rectifié et 77 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLE PREMIER QUATER

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jacques Bigot.  - Le rapporteur de la commission des lois a souhaité introduire un volet pénal au régime civil de protection du secret des affaires. La directive transposée ne l'impose nullement même si elle donne au législateur la liberté d'en décider.

Le Conseil d'État, dans son avis de 2011, avait souligné les obstacles juridiques auxquels se heurtent la définition et la mise en oeuvre d'une nouvelle infraction. La rédaction du rapporteur n'est pas convaincante, nous avons besoin de temps. L'infraction pénale n'est pas nécessaire à la directive qui doit être transposée rapidement.

M. le président.  - Amendement identique n°55, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Notre arsenal permet déjà de punir la violation du secret des affaires. L'amende civile a été repoussée, l'équilibre du texte a été rompu. Une infraction pénale est disproportionnée.

M. le président.  - Amendement identique n°65, présenté par le Gouvernement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cette infraction pénale spéciale constitue une surtransposition. La directive prévoit seulement une obligation de réparation civile en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite de secrets d'affaires. L'option pénale a d'ailleurs été écartée lors des travaux d'élaboration de cette directive. Une infraction pénale autonome ne se justifie pas : les atteintes au secret des affaires peuvent déjà être réprimées par de nombreuses dispositions du droit pénal actuel - le vol, l'abus de confiance, l'introduction et l'extraction de données dans les systèmes de traitement automatisée des données, l'atteinte au secret des correspondances ou encore les dispositions pénales sanctionnant les atteintes au droit de la propriété intellectuelle et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Enfin, la rédaction ne respecte pas le principe de légalité des délits et des peines.

M. le président.  - Amendement identique n°84 rectifié, présenté par MM. Requier, Gabouty, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Cet article crée un nouveau délit alors que l'arsenal juridique existant suffit à poursuivre l'espionnage industriel. Il introduit une distorsion dans la compréhension de la présente proposition de loi. Enfin, les procédures civiles ont l'avantage d'être beaucoup plus rapides.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Une surtransposition ? Si la directive est muette sur ce point, c'est parce que le droit pénal ne relève pas de la compétence européenne : les États membres sont libres de faire comme ils l'entendent - l'Italie a déclaré envisager un volet pénal ; c'est le seul État membre, en effet. La notion de secret des affaires serait trop générale ? C'est vrai ; d'où la précision de l'infraction reposant sur des éléments factuels et un élément intentionnel. Le fait que les mesures de protection sont mises en place par des personnes privées est sans effet ; c'est également le cas dans les affaires de vol simple. Du reste, le Gouvernement ne nous oppose pas l'argument de l'inconstitutionnalité.

Pour les atteintes les plus graves, une infraction autonome comme il en existe une pour la contrefaçon est nécessaire. L'espionnage économique frappe les entreprises françaises, des intérêts économiques étrangers ne reculent devant rien pour piller leur patrimoine informationnel. La question n'a rien à voir avec les lanceurs d'alerte ou les journalistes. Elle n'est pas technique : nous débattons de ce que nous voulons dans une guerre économique, où Chinois et Américains disposent d'un arsenal pénal particulièrement agressif.

Une résolution européenne du Sénat du 11 juillet 2014 recommandait à chaque État membre de constituer un délit spécifique. L'amende civile, comme l'a dit une personne auditionnée, c'est partir dans une guerre économique avec une épée de bois. À vous de choisir !

M. Philippe Bonnecarrère.  - J'écarterai l'argument de la surtransposition : le texte de la directive laisse effectivement les États membres libres. En revanche, faire reposer une infraction pénale sur le secret des affaires me semble difficile. L'utilisation par un journaliste d'une information divulguée par un M. X qui y aurait intérêt pourrait devenir un élément pénalement répréhensible, ce serait une atteinte à la liberté de la presse. Les milieux économiques se méfient généralement de toute forme de pénalisation : les procédures civiles sont habituellement considérées plus efficaces.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je veux vous livrer les réflexions que mène la délégation parlementaire au renseignement depuis un an. L'agressivité de nos concurrents redouble en matière d'espionnage. Aux vols de données, aux intrusions, s'ajoutent désormais des cyber-attaques toujours plus nombreuses, visant à la captation, au sabotage ou au chantage, qui déstabilisent nos entreprises, dont la culture de protection informatique est faible. Ne restons pas désarmés alors que nos concurrents n'ont pas hésité à créer un délit pénal pour se protéger. La commission des lois a voulu doter notre pays des moyens de faire face à ce fléau.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous sommes tous bien conscients des enjeux économiques qui viennent d'être décrits. Il s'agit ici de protéger le secret des affaires : c'est la responsabilité de l'entreprise qui le détient, pas celle de la puissance publique...

M. Jacques Bigot.  - Cet article sera source de complexités, il doit être retravaillé. La notion de « contournement des mesures de protection » est trop imprécise. Donnons-nous du temps pour trouver la bonne rédaction avec des spécialistes. Trop souvent, nous adoptons des mesures pénales qui, parce qu'elles sont trop compliquées, sont peu appliquées.

À la demande du groupe RDSE, les amendements identiques nos38, 55, 65 et 84 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 294
Pour l'adoption 137
Contre 157

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°85 rectifié est retiré.

L'article premier quater est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Amendement de coordination consistant à déplacer à la fin de la proposition de loi l'article relatif à son application outre-mer.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable car je donnerai un avis défavorable à l'amendement n°90.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'amendement n°90 a été rectifié !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je ne l'ai pas...

L'amendement n°89 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

L'amendement n°66 n'a plus d'objet.

L'amendement n°35 est retiré.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du V de l'article L. 440-1, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au troisième alinéa de l'article L. 441-8, les mots : « du secret en matière industrielle et commerciale et » sont supprimés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Dans un souci de lisibilité, cet amendement harmonise les terminologies utilisées dans le code de commerce afin de faire référence à la notion de secret des affaires.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement corrige un oubli de l'Assemblée nationale. Avis favorable.

L'amendement n°64 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 950-1 du code du commerce est ainsi modifié :

  Le 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 151-1 à L. 154-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n°       du       relative à la protection du secret des affaires ; »

?2° Le tableau constituant le second alinéa du 4° est ainsi modifié :

- la douzième ligne est ainsi rédigée :

« 

Article L. 440-1

la loi n°     du   relative à la protection du secret des affaires

» ;

- la dix-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

Article L. 441-8

la loi n°     du   relative à la protection du secret des affaires

Article L. 441-9

l'ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014

 » ;

- la quarante-sixième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

Article L. 483-1

l'ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 483-4 à L. 483-11

l'ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017

».

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement déplace à la fin de la proposition de loi l'article relatif à son application outre-mer. Il apporte des précisions et des compléments concernant l'application du texte à Wallis-et-Futuna.

L'amendement n°90 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la protection du secret des affaires des entreprises

M. Fabien Gay.  - Ce texte n'est pas une bonne nouvelle pour notre droit. Porté par le consortium des grandes entreprises européennes qui s'inquiètent de la progression de la transparence, il est signé par un avocat fondateur d'un cabinet spécialisé dans le droit des affaires. On risque de rendre impossible les nouveaux LuxLeaks. Il s'agissait de renforcer l'attractivité de notre droit et de s'aligner sur le droit anglo-saxon mais notre droit n'est pas dépourvu de règles pour lutter contre la contrefaçon et protéger la propriété intellectuelle. Notre droit du travail protège même les salariés, détenteurs du patrimoine qu'est le savoir-faire. La régulation économique doit se faire à égalité entre les parties et la transparence des règles.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Je sais bien qu'on ne prête qu'aux riches mais le titre de la proposition de loi est de moi, et non de son auteur. J'ai cru entendre M. Bocquet parler de « secret des enfers » au lieu de « secret des affaires ». Ce lapsus savoureux aurait peut-être mérité un sous-amendement. L'avis est défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Idem.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - L'amendement n°8 que nous avons voté est incompatible avec la définition du secret des affaires que nous avons également adoptée. C'est pourquoi, en application de l'article 44-4 du Règlement, je demande une seconde délibération sur l'article premier et, à cette fin, une très brève suspension de séance.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je n'y vois pas d'objection.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue quelques instants.

ARTICLE PREMIER (Seconde délibération)

M. le président.  - Amendement n°A-1, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 21

Supprimer les mots :

à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l'entreprise victime,

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement supprime une disposition contraire à la directive. En effet, la directive ne limite pas les cas d'obtention illicite aux seuls cas d'obtention à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations d'en retirer un profit. La protection du secret des affaires n'est pas restreinte aux champs des relations entre entreprises, elle vise toutes les captations illicites d'informations protégées, quel qu'en soit l'auteur, sous réserve des exceptions concernant les autorités administratives et juridictionnelles, les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

M. Jacques Bigot.  - Monsieur le président de la commission, j'ai demandé un renvoi en commission au début de la discussion générale que vous avez refusé pour demander finalement une seconde délibération... Cela montre bien la précipitation de ce débat. Le groupe socialiste ne votera pas cet amendement.

L'amendement n°A-1 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Explications de vote

M. Fabien Gay .  - On vient d'adopter à marche forcée un texte contesté ; le Gouvernement a utilisé une proposition de loi pour transposer une directive européenne ; nous avons examiné 90 amendements dans l'après-midi... Le sujet méritait mieux. ONG, lanceurs d'alerte, chercheurs, journalistes, représentants syndicaux, tous ceux qui se battent pour l'intérêt général verront leur combat compliqué.

Il ne faudra pas s'étonner si, dans quelques années, on entend dire quand un scandale éclate : « on le savait, mais à cause du secret des affaires, on n'a rien pu dire. »

M. Jérôme Durain .  - Marche forcée, absence d'étude d'impact... Les griefs sont nombreux. Le groupe socialiste ne votera pas ce texte qui n'atteint pas l'équilibre entre protection du secret des affaires et liberté d'expression.

À la demande du groupe socialiste, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°97 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 248
Contre 95

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Prochaine aujourd'hui, jeudi 19 avril 2018, à 10 h 35.

La séance est levée à 1 h 35.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus