Déclaration du Gouvernement portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Gérald Darmanin et moi sommes très heureux de vous présenter le programme national de réforme et le programme de stabilité qui seront prochainement envoyés à Bruxelles et débattus entre les États membres en juin. Ces documents retracent la stratégie dont nous nous dotons pour rétablir nos finances publiques et retrouver notre compétitivité.
Pourquoi est-il nécessaire de poursuivre ce travail ? Notons, d'emblée, qu'il donne des résultats : pour la première fois depuis dix ans, notre déficit public est passé sous la barre des 3 % en 2018. Si la croissance redémarre, la France demeure en deçà de la moyenne dans la zone euro. Or la vocation de la France n'est pas d'être dans la moyenne, elle est d'être la première. Nous devons et nous pouvons faire mieux. Notre déficit commercial se creuse depuis 2001, le chômage structurel reste élevé. Si l'on peut toujours trouver des arguments pour repousser la réforme, comme on le fait depuis trente ans, il était plus que temps de prendre le problème à bras-le-corps. Car ces mauvais résultats se conjuguent avec le plus haut niveau de dépenses publiques de toute l'OCDE. L'augmenter encore est une impasse. Ce que nous voulons faire, nous qui avons déjà créé 270 000 emplois en 2017 et comptons en faire de même en 2018, c'est rétablir la compétitivité et assainir les finances publiques pour créer des emplois.
Pourquoi faut-il le faire maintenant ? Parce que cela est plus facile lorsque la croissance est là : 2 % en 2018, comme en 2017 puis 1,9 % en 2019.
M. Bruno Sido. - C'est vrai.
M. Bruno Le Maire, ministre. - La croissance est soutenue par nos réformes, nos choix fiscaux, l'investissement des entreprises et un environnement international porteur. Il faut avancer maintenant car des nuages apparaissent à l'horizon : la menace d'une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et la remontée prévisible d'ici fin 2018 des taux d'intérêt.
Notre stratégie est d'avancer sur les deux jambes de la réduction des dépenses publiques et la réforme structurelle de notre économie. Nous tiendrons ensemble ces deux bouts de la transformation de notre nation, c'est la seule méthode qui vaille.
Je veux le dire à nos compatriotes : nous ne réduisons pas les dépenses publiques pour le plaisir de passer sous la barre des 3 %. Nous le faisons pour réduire la dette - 96 % du PIB - qui pèse comme une épée de Damoclès alors que les taux d'intérêt vont augmenter. La dette, c'est chaque année de l'argent perdu pour des dépenses bien plus utiles : services publics, hôpitaux, aides aux plus démunis. La réduction de la dette est une priorité absolue : nous proposons une baisse de 5 % de la dette durant le quinquennat, soit trois points de mieux que prévu, pour diminuer la dette publique à moins de 90 % du PIB en 2022. Nous le devons à nos enfants, aux générations futures.
Deuxième chose à attendre de la réduction de la dépense publique, la baisse de la pression fiscale. Nous avons déjà réduit l'impôt sur les sociétés et mis en place des dégrèvements pour la taxe d'habitation. Nous poursuivrons ce travail car la pression fiscale est trop élevée dans notre pays sans être efficace.
Troisième chose que permet la baisse de la dépense publique, la sortie de la procédure pour déficit excessif. La France n'a pas à être la lanterne rouge de l'Europe. Cela affaiblit sa parole sur la scène européenne. Tout change quand elle présente des comptes bien tenus.
À nos partenaires européens, nous présentons également un ensemble de transformations structurelles, à commencer par celle de notre système fiscal. Nous n'avons pas réduit la fiscalité sur le capital par plaisir mais parce que notre industrie, notre agriculture et l'innovation ont besoin de capitaux ; il fallait les mettre à leur disposition. Nous avons réformé le marché du travail, nous continuerons dans cette voie avec la loi Pacte parce que nous voulons un tissu productif efficace, des PME qui peuvent grandir, aller à l'international et créer des emplois.
Ne nous berçons pas d'illusions, la France a pris du retard sur l'innovation. Certes, nous avons les ingénieurs, l'école de mathématiques mais nous n'investissons pas dans les technologies de rupture. Demain, je veux des systèmes de pilotage des véhicules autonomes européens, et pas chinois ou américains ; des batteries des véhicules électriques européennes, et pas chinoises ou américaines. Le défi de l'innovation est sans doute le plus important dans les années à venir.
Cette croissance retrouvée doit profiter à tous les Français. La transformation, ce n'est pas pour que ceux qui réussissent déjà réussissent encore mieux. Tous, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, doivent pouvoir sentir que s'ils se donnent du mal, si leur entreprise va bien, ils en profiteront. C'est pour cela que nous avons supprimé le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés. Nous ne nous contentons pas de rêver de la participation et de l'intéressement, nous la faisons.
Autre sujet, la transformation de l'État car il faut redéfinir les rôles respectifs de l'État et de l'entreprise.
Toutes ces transformations ne prendront sens que dans une dimension européenne. Innover, se protéger contre le pillage par d'autres grandes puissances de nos technologies, investir dans des supercalculateurs et l'intelligence artificielle, cela passe par le projet européen et un marché unique intégré fort de 450 millions de consommateurs.
La profondeur du marché européen nous donne de la puissance, comme l'union bancaire qui protège nos concitoyens contre toute crise financière. Achever la zone euro, faire la convergence fiscale, c'est assurer la stabilité. Nous avançons avec l'Allemagne, sérieusement, discrètement, comme cela est de mise quand il s'agit du couple franco-allemand car ces sujets sont difficiles. Vous jugerez au résultat : je suis convaincu que la France et l'Allemagne pourront présenter une feuille de route commune au Conseil européen de juin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Indépendants et Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - La trajectoire a été revue depuis la loi de programmation des finances publiques car les nouvelles sont bonnes. Et, comme chacun le sait, quand le bébé est beau, il y a plusieurs pères. (Sourires) Nous étions engagés à faire passer le déficit en dessous de la barre de 3 % pour la première fois. C'est chose faite, à 2,6 %, même si le doute subsiste sur la manière dont le comptable européen traitera la dette d'Areva - au pire, nous serons à 2,8 % du PIB. Il passera à 2,3 % l'an prochain. Imaginez si nous atteignions l'équilibre, voire l'excédent en fin de quinquennat : cela mettrait fin à quarante ans de vie politique, marqués par le déficit.
Nous devons saluer la baisse des dépenses publiques. Nous regrettons de ne pas être encore à 0 % d'augmentation en volume. Nous passerons de 1,7 % en 2017 à 0,7 % en 2018, pour atteindre 0,3 % en fin de quinquennat. Bref, nous divisons par deux, par trois puis par quatre le rythme de la dépense publique alors que les besoins augmentent dans notre pays - votre assemblée est d'ailleurs traversée par des demandes sur les infrastructures.
À qui attribuer ces bons chiffres ? Imaginons que François Hollande se soit présenté à nouveau et ait été réélu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Pitié ! Pas de cauchemar !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Les députés socialistes nous expliquent Bourbon, que nous les lui devons... (Soupirs sur les bancs du groupe SOCR) Pourtant, le projet d'économies que j'ai présenté l'an dernier avait suscité bien des débats. Réduction des dotations aux collectivités territoriales et des APL, difficultés pour les armées ; il fallait bien répondre à l'accusation d'insincérité de la Cour des comptes... Ces économies sont de l'ordre de 5 milliards - 0,25 point de PIB. Sans elles, soit avec l'ancienne majorité, nous serions à 2,85 % de déficit. Nous n'en serions pas à nous demander si nous en faisons assez mais si nous sommes en dessous ou pas des 3 % avec les 0,2 % d'incertitude de la dette d'Areva.
Les sénateurs ont noté que les collectivités locales avaient beaucoup contribué à la baisse de la dépense publique, que leur effort avait été plus important que leur poids dans les finances publiques. C'est totalement vrai. Le Gouvernement précédent leur avait imposé une réduction des dotations, elles ont tenu le plan à 1 milliard près. Nous en avons tiré les conséquences en proposant par contrat aux plus grosses collectivités, soit 20 % d'entre elles, de limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an. Pour l'État, toutes dépenses confondues, les dépenses augmenteront seulement de 0,6 %. C'est deux fois plus d'effort, ce qui n'est que justice. On nous promettait une censure du Conseil constitutionnel. Aucune, ni sur la loi de finances ni sur la loi de financement de la sécurité sociale pour la première fois depuis dix ans.
Faut-il s'arrêter là ? Non. La trajectoire de réduction des dépenses publiques s'accélérera à la fin du quinquennat car nous comptons sur les effets des réformes que nous aurons prises, à commencer par le programme Action publique 2022 qui se traduira par des mesures concrètes dès le projet de loi de finances pour 2019.
Nous avons eu le courage de baisser la dépense parce que, depuis dix ans, la France n'était pas à la hauteur de ces engagements européens. Les bons chiffres de l'économie permettent de penser que nous pourrons baisser la dette dès 2018, en dépit des incertitudes sur la dette de la SNCF et sur la progression des taux d'intérêt - qui restent inférieurs aux prévisions du projet de loi de finances. Il ne peut y avoir de baisse d'impôts durable sans baisse de la dette et des déficits.
Le taux des prélèvements obligatoires a connu des vicissitudes statistiques à cause de la redevance audiovisuelle, comptabilisée comme un impôt, des suites de la taxe sur les dividendes et de l'élasticité des recettes fiscales qui augmentent lorsque la croissance s'améliore. Quoi qu'il en soit, il baissera en 2018 et nous tiendrons l'engagement pris par le président de la République : un point de moins en 2022.
Comme dans une course de fond, réjouissons-nous de l'étape franchie et continuons d'avancer : le chemin est long. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - La commission des finances se réjouit de cette déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité et le programme national de réforme qui l'accompagne, suivie d'un débat qui, contrairement à l'Assemblée nationale, ne donne pas lieu à vote.
Le scénario macroéconomique du Gouvernement est raisonnable, porté par une reprise plus vigoureuse que prévu, revue à la hausse jusqu'en 2019 puis stable les années suivantes. La prévision est donc intermédiaire entre celle du FMI et celle du consensus des économistes.
La prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB du Gouvernement est prudente : elle est revue à 1,1. C'est rare et ça l'est encore plus trois ans de suite comme le prévoit le texte, puisque cela n'est arrivé qu'une fois ces 25 dernières années, entre 1999 et 2001.
L'hypothèse de remontée des taux d'intérêt est également prudente, avec une hausse anticipée dès la fin 2018, alors que si l'on suit le consensus des économistes la hausse sera plus différée, avec un coût pour les finances publiques inférieures de 8 milliards d'euros en 2022. Est-ce, pour le Gouvernement, une manière de se constituer une réserve de précaution ?
Certes, le ministre l'a rappelé, il y a des incertitudes : taux d'intérêt, Brexit, guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, potentielle insuffisance de notre appareil productif face à une hausse de la demande, dynamique du crédit aux entreprises non financières et aux ménages... Cela étant, les simulations issues des deux scénarios macroéconomiques construits par la commission des finances confirment les hypothèses du Gouvernement.
J'en viens à l'exécution budgétaire. Il est acquis que la France sortira de la procédure pour déficit excessif dès cette année. L'on peut s'interroger sur la pérennité de ce redressement. Les prélèvements obligatoires continuent à augmenter de 0,8 % pour s'établir à 45,4 % du PIB. La baisse promise d'un point des prélèvements obligatoires d'ici 2022 sera insuffisante pour passer en dessous du niveau atteint sous le précédent quinquennat.
L'amélioration du déficit structurel, de 0,5 point l'an dernier, a été entièrement portée par les effets d'élasticité. Messieurs les Ministres, la règle de la cagnotte, dont le Sénat ne voulait pas, risque de vous créer des difficultés politiques. L'année 2018 est aussi marquée par un effort de maîtrise des dépenses moins ambitieux, alors que le Gouvernement s'était engagé à une croissance nulle en volume. Le Gouvernement profite-t-il de la croissance pour renoncer à ses efforts de maîtrise des dépenses ?
La France reste dans une situation atypique en Europe, à cause de l'importance de sa dette et de son déficit. Elle pourrait faire l'objet d'une procédure pour déviation significative en 2019. Devons-nous espérer une interprétation suffisamment « constructive » des règles européennes pour y échapper ? Au-delà, les économies sont peu documentées. Nous aurions aimé disposer des premières conclusions d'Action publique 2022, elles auraient éclairé ce débat.
Pour finir, et c'est la plus grande surprise, aucune trace de deux annonces récentes dans ce programme de stabilité. D'abord, la suppression totale de la taxe d'habitation et, comme la création d'un nouvel impôt est exclue, ce sont 10 à 13 milliards d'euros supplémentaires de dépenses supplémentaires. Ensuite, la reprise progressive de la dette de la SNCF qui s'établit à 46,6 milliards d'euros. Le Gouvernement compte-t-il reprendre sa copie avant de l'envoyer à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - Nous avons souhaité ce débat sur le programme de stabilité dont la date limite de transmission à Bruxelles est fixée au 30 avril. Il faudrait d'ailleurs lier cet exercice de projection de nos finances publiques à l'arrêté des comptes de l'an passé, toutes administrations publiques confondues, afin de tirer toutes les conséquences de l'exécution budgétaire. Ce serait une façon d'améliorer nos procédures budgétaires mais nous en reparlerons.
Monsieur le Ministre, vous l'avez dit, la situation économique de notre pays s'améliore. La conjoncture internationale est porteuse, la demande intérieure est dynamique, l'investissement des entreprises atteint un niveau historique. Cette situation vous oblige : à réformer et à mieux répartir les fruits de la croissance.
Ce n'est pas la suppression de l'ISF, la création du PFU ou la suppression de la taxe d'habitation qui expliquent les bons chiffres du Gouvernement, pas plus que la baisse des contrats aidés ou des APL, décidées il y a six mois. Nous attendons le programme Action publique 2022. Le déficit était déjà sur une trajectoire de baisse avant 2017 ; quant aux efforts des dépenses amorcés depuis un an, ils ne se montent qu'à 0,2 % du PIB - une procédure de régulation classique.
Trois interrogations. D'abord, sur votre stratégie fiscale. Le taux des prélèvements obligatoires restera quasi stable sur le quinquennat, passant de 45,4 % aujourd'hui à 44,6 %, puis 44,3 % du PIB. Comment le Gouvernement entend-il financer la perte de 10 à 14 milliards de taxe d'habitation ? Quel est l'effet redistributif de votre politique ? Selon l'OCDE, les mesures que vous avez annoncées bénéficieront aux 2 % les plus riches. Je m'interroge aussi sur la répartition des efforts entre administrations publiques. Votre trajectoire impose un fort ralentissement de la dépense locale. La contractualisation le permettra-t-elle sans entraver la libre administration des collectivités ? Votre trajectoire impose également une progression modérée des dépenses de sécurité sociale. Comment entendez-vous redresser les comptes sociaux alors que la population vieillit et que les besoins en santé augmentent ? Pour les années 2019 jusqu'en 2022, le Haut Conseil des finances publiques considère votre scénario de croissance « optimiste »...
Enfin, la dette m'inquiète. Elle repasserait sous les 90 % à la fin de la période mais cela n'inclut pas la reprise de la dette de la SNCF. Mettez-vous à jour vos estimations avant de transmettre le programme à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Notre pays est en passe de retrouver une crédibilité en Europe. Je m'en félicite. Le programme de stabilité prévoit une contribution positive des administrations de sécurité sociale, les ASSO, au solde public sur l'ensemble de la période : + 0,7 % en 2018, après les 0,2 % de 2017, grâce à une reprise de solde favorable et une dynamique de la masse salariale positive, puis 0,8 % du PIB pour les années 2019 à 2022. L'hypothèse d'écrêtement se confirme donc. Toutefois, la méthode de calcul inclut des bénéfices qui n'en sont pas vraiment : 14,3 milliards d'euros de la Cades et les 2 milliards de l'ERAFP.
La question du déficit reste donc posée. La dette de l'Acoss - 21 milliards d'euros - restera à l'Acoss. La distinction entre solde structurel et conjoncturel n'est pas établie au niveau des sous-secteurs. Or le Haut Conseil des finances publiques qualifie votre scénario de très optimiste et les comptes sociaux sont très sensibles à la conjoncture.
En matière de recettes, le programme intègre-t-il les exonérations de compensation décidées par l'État ? En matière de dépenses, comment contenir l'Ondam à 2,3 % sur la période ? Attention à ce que le fétichisme de l'Ondam ne conduise pas à transférer déficits et dettes vers d'autres acteurs - je pense, en particulier, aux hôpitaux.
La commission des affaires sociales se réjouit de l'amélioration des comptes publics et encourage le Gouvernement à persévérer mais reste vigilante. Améliorer les outils de pilotage et d'évaluation des comptes sociaux serait bien plus efficace que de réduire l'examen des textes budgétaires de vingt jours ou de prévoir un examen commun de budgets qui n'ont ni les mêmes recettes ni les mêmes dépenses. Nous en reparlerons... (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Éric Bocquet . - À ceux qui se demandent à quoi servent les parlementaires, il faut une sacrée dose d'optimisme pour vous entendre annoncer la catastrophe plusieurs fois dans la journée, en commission ce matin, en séance ce soir. C'est la fin du monde ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, se récrie.) Mais bientôt, grâce au Gouvernement, le pays devrait bientôt goûter aux félicités de l'équilibre budgétaire.
Réduction des déficits budgétaires, soit... Mais cela dépend autant des dépenses que des recettes. Nous avons voté un collectif cet automne dégageant, brut de décoffrage, 5 milliards d'euros de recettes nouvelles au titre de l'impôt sur les sociétés de nos plus grands groupes industriels et commerciaux. La chose a fait couiner quelques grands groupes. Puis l'année boursière s'est conclue sur 94 milliards d'euros de bénéfices cumulés par les entreprises CAC 40. Du capital, il y en a ! Infirmières, enseignants, assistants sociaux attendent avec impatience les effets du ruissellement.
Le déficit primaire reste important : une fois payées les dépenses de fonctionnement et les intérêts de la dette, nous n'avons plus d'argent pour investir. D'où un manque de croissance potentielle. Et ne comptons pas sur l'investissement privé : une députée de la majorité présidentielle le disait ingénument, la France est 24ème sur 28 pour la qualité de son réseau de téléphonie mobile en dépit d'une concurrence, qui comme chacun sait, fait baisser les prix et stimule l'innovation...
L'amélioration du solde budgétaire masque mal les restrictions de crédits comme les cadeaux fiscaux à ceux qui tiennent le robinet du ruissellement. Pourtant, la dépense publique tire la croissance et le progrès économique plus qu'il ne les menace. Que dire des comptes des collectivités locales, excédentaires du fait du ralentissement des investissements locaux ?
Nous ne sommes pas parlementaires pour discuter chaque année des effets amers de la purge budgétaire qu'exigent les marchés financiers. Il est temps de montrer qu'une autre logique est possible.
La dette, la dette, la dette... - comme le docteur Diafoirus disait : « le poumon, le poumon, le poumon » (On apprécie.) Sa diminution n'inquièterait-elle pas les marchés, qui en tirent une rente à perpétuité ? (M. Bruno Sido s'amuse.)
Un article du journal Les Échos, - que je lis tous les jours pour m'informer de la santé du capital - (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) évoquait la proximité de la banque Rothschild avec le pouvoir, de Georges Pompidou à Emmanuel Macron : des liens qualifiés d'étroits, naturels, intimes, plus forts que les bouleversements politiques. Monsieur le ministre, que cela vous inspire-t-il ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; MM. Marc Laménie et Jean-François Rapin applaudissent également.)
M. Emmanuel Capus . - Le programme de stabilité présente le cadrage économique et financier pour 2018-2022. Il est associé au programme national de réforme, qui présente notre stratégie de réforme structurelle.
Ces documents constituent l'image que notre pays renvoie à ses partenaires. Alors que le président de la République entend rendre à la France un rôle moteur en Europe, cet exercice de programmation s'appuie sur le triptyque sincérité-ambition-réalisme.
Il rompt avec l'irréalisme d'abord. Les hypothèses de croissance sont qualifiées par le Haut conseil des finances publiques (HCFP) de réalistes pour 2018 et d'atteignables pour 2019. Si le scénario de fin de période est jugé « optimiste », c'est que l'horizon temporel est trop long pour produire une prévision fiable, dans un monde incertain.
Je regrette un manque d'ambition sur les deux premières années de la période ; à quoi bon cibler l'effort sur les années les plus incertaines ?
M. Claude Raynal. - C'est vrai !
M. Emmanuel Capus. - Il y aura sans doute d'autres contraintes en 2020, 2021 et 2022.
Le courage politique est la clé de ces exercices de programmation. Vous en faites preuve quand vous avancez la date d'inversion de la courbe de la dette publique dès cette année. Nous devons écarter le plus vite possible l'épée de Damoclès qui menace de s'abattre à la moindre hausse des taux d'intérêt. Vous en faites preuve en réduisant les emplois aidés pour mettre l'accent sur la formation et la montée en compétence. Vous en faites preuve en revoyant les normes et la fiscalité applicables aux PME-TPE dans la loi Pacte, que j'espère ambitieuse.
Mais comme disait Sénèque, « faute d'adversaire, votre courage s'étiole ». Les bonnes hypothèses conjoncturelles ne doivent pas rendre trop timides sur l'effort structurel. En 2022, notre niveau de dépense publique sera toujours largement au-dessus de la moyenne européenne, et le taux de prélèvements obligatoires ne baissera guère sur la période.
Il faut donc intensifier les efforts de maîtrise de la dépense publique. Le programme Action Publique 2022 ne doit pas connaître le même sort que les précédentes revues. Comptez sur nous pour vous faire des propositions dans ce domaine d'intérêt national. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jean-Claude Requier . - Le débat sur le programme de stabilité est un acte politique fort, puisque le Gouvernement n'en a pas l'obligation.
Alors que s'achève la première année du quinquennat, l'amélioration de la situation économique est réelle. À l'automne dernier, Jean-Marc Gabouty avait qualifié la trajectoire budgétaire de crédible : je reprendrai volontiers ce terme.
Après la croissance record de 2017, l'exécutif table sur un taux de croissance à 2 %, du jamais vu depuis 2011. Le solde budgétaire serait ramené à 2,3 %, nous permettant de respecter les règles européennes, et la baisse des prélèvements obligatoires sur le quinquennat est confirmée.
Mais, derrière ces bonnes nouvelles, la réalité des territoires n'est pas toujours aussi rose. Les intérêts des filières agricoles ne doivent pas être perdus de vue. L'amélioration de la conjoncture doit être l'occasion d'apaiser leurs inquiétudes - je songe au CETA, par exemple.
La suppression de la taxe d'habitation, la marginalisation des communes et départements face à la montée en force des intercommunalités et métropoles inquiètent les collectivités rurales. Jacques Mézard a présenté à Châtellerault, le programme Action coeur de ville qui bénéficiera à 222 villes pour redynamiser leur centre-ville. Ce doit être une priorité, car ces territoires se meurent !
Les campagnes ne sont pas à l'abri de la concurrence internationale. Je comprends la nécessité de transformer, de réformer, mais n'oublions pas la diversité et la richesse de nos terroirs, de nos produits, de nos appellations. Le Gouvernement doit rester à l'écoute des territoires.
Une réflexion personnelle pour finir. J'ai découvert l'ampleur des déficits en arrivant à la commission des finances, il y a quatre ans, et le montant de la dette : près de 2 665 euros par seconde ! Proposition iconoclaste et irréalisable, pour sensibiliser les Français : afficher le compteur au fronton de Bercy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur certains bancs du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Julien Bargeton. - C'est le seul ministère qui n'y est pour rien !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sur le fronton de tous les ministères dépensiers, oui ! (Sourires)
M. Julien Bargeton . - Je suis heureux que l'Europe soit revenue au coeur des débats. C'est la volonté du président de la République : discours d'Athènes, de la Sorbonne, devant le Parlement européen encore récemment. Ce dont manque l'Europe, c'est d'audace.
En matière de finances publiques, il faut agir, Europe ou pas, ne serait-ce que pour préserver la souveraineté de l'État car le remboursement de la dette préempte toute marge de manoeuvre. Cette contrainte n'est en réalité pas européenne : nous ne pouvons plus laisser filer le déficit public.
La France est enfin sortie de la procédure pour déficit excessif : 2,6 % en 2017, 2,3 % en 2018, il faut poursuivre sur cette voie.
Autre motif de satisfaction, le retour de la croissance. Le Haut Conseil des finances publiques a validé le réalisme des hypothèses macroéconomiques pour les deux prochaines années.
Restent des points de débat, sur la dépense publique. C'est un texte-cadre ; le discours change quand on rentre dans le détail. En loi de finances, vous proposiez bien des dépenses nouvelles ! La technique du rabot, déjà utilisée, ne fonctionne pas. Ce sont les réformes structurelles qui produisent des économies, mais seulement au bout de trois ou quatre ans, nous le savons dans nos collectivités territoriales.
S'agissant des recettes, misons sur la visibilité et la stabilité fiscale qui permet le retour de la confiance. L'économie, c'est de la dynamique, qui se crée par la confiance, qui elle-même dépend de la prévisibilité.
« Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de ne jamais prendre de risques », disait Benjamin Franklin. Oui, la transformation est toujours un risque ; mais c'est la condition de la maîtrise de la dépense publique. Il appartient au Parlement de la contrôler - et je souhaite qu'il le fasse davantage.
Le programme de stabilité est bel et bien un programme de visibilité, source de confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce programme est proposé dans un environnement macroéconomique plutôt favorable. La croissance est revue à la hausse, ce qui traduit la reprise au sein de la zone euro, la bonne tenue de la demande et de l'investissement de nos entreprises.
Mais nos compatriotes attendent des résultats tangibles. Il faut poursuivre nos efforts pour consolider l'amélioration et veiller à ce que ce regain de croissance contribue à réduire les inégalités sociales et territoriales et à maintenir la qualité des services sur le territoire.
La dette passera de 96,4 % du PIB à 89,7 % en 2022. Cette nette amélioration est rassurante, dans une perspective de hausse des taux d'intérêt. Un léger excédent budgétaire serait même envisageable à l'horizon 2022 - une première depuis 1974 !
Reste deux interrogations. Comment envisagez-vous le financement de la suppression totale de la taxe d'habitation, qui n'est pas comprise dans le programme ? Quid de la reprise même partielle de la dette de la SNCF, et de son impact sur la trajectoire des finances publiques ? (Mme Gisèle Jourda renchérit.)
L'objectif de diminution des prélèvements obligatoires a été revu à la baisse à 44,3 % en 2022, soit 0,6 point de plus que prévu.
La reprise économique, qui engendre une hausse mécanique des recettes, y est pour quelque chose, tout comme l'adoption, dans la première loi de finances rectificative, de la contribution exceptionnelle sur les sociétés pour compenser la taxe sur les dividendes.
La dépense publique atteindra 54,4 % du PIB en 2018, soit 0,5 % de plus que prévu. J'entends bien ceux qui réclament une réduction plus drastique des dépenses publiques mais on ne peut pas, dans le même temps, demander le maintien de tous les services. Il ne faut pas les réduire aveuglément.
Nous avons la responsabilité d'assainir les finances publiques et de réduire la dette. Les points de la croissance retrouvée devront servir à réduire les inégalités sociales et territoriales. Dans bien des domaines, l'approche comptable ne peut être la seule à l'oeuvre. L'aménagement du territoire doit viser l'équité, ce qui suppose un État régulateur.
Nous comptons sur vous, Monsieur le Ministre, pour que les réformes structurelles soient équilibrées. Cette feuille de route budgétaire est réaliste et opportune. Mais évitons certains écueils : que personne ni aucun territoire ne reste sur le côté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Claude Raynal . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Comme chaque année, cette trajectoire prévisionnelle des finances publiques doit être regardée avec prudence, tant ces estimations sont par nature fragiles. Mais les éléments de langage surprennent plus que d'habitude. Ainsi lit-on que « les engagements européens de la France ont été respectés...
M. Julien Bargeton. - Tout à fait !
M. Claude Raynal. - ... grâce aux mesures énergiques de redressement déployées par le Gouvernement »...
M. François Patriat. - Mais oui !
M. Claude Raynal. - Alors que la baisse du déficit est due pour les deux tiers au retour de la croissance. Sous le quinquennat précédent, avec une croissance faible, le déficit a été ramené de 5,2 % à 2,85 %. Convenez qu'il est plus facile de réduire le déficit de 0,3 % avec une croissance à 2 % qu'à 0,2 % - celle de 2012 -, que vos amis de l'époque, Monsieur le Ministre, nous avaient laissé. (Protestations amusées au centre et à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. François Bonhomme. - Rendez-nous Hollande !
M. Claude Raynal. - Vous devriez avoir plus de respect pour vos prédécesseurs.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pour mes anciens ?
M. Claude Raynal. - Lorsque vous quitterez vos fonctions, vous serez heureux qu'on ne vous critique pas ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Plus loin, on lit que la reprise a été soutenue par le retour à la confiance des milieux économiques suite à l'élection présidentielle de mai 2017 !
M. François Patriat. - Eh oui !
M. Claude Raynal. - L'indicateur était de 109 en mai, il est de 111 aujourd'hui. Rien d'extraordinaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Plus loin, on lit que la croissance en volume de la dépense publique s'établira à 0,7 % en 2018 et 0,4 % en 2019, en net recul par rapport à 2017. Nous sommes bien loin des discours d'un certain ministre qui promettait, en juillet, une hausse de 0 % en volume !
M. Vincent Éblé, président de la commission. - C'est presque pareil !
M. Claude Raynal. - Au fond, de longs prolégomènes ne font qu'essayer de masquer une trajectoire finalement très proche de celle présentée par vos prédécesseurs. (M. le ministre le conteste.)
En matière de taux d'intérêt, votre prudence est une constante depuis la politique accommodante de la BCE. Plus discutable est l'idée d'une croissance continue et forte jusqu'en 2022. Nous la souhaitons, mais la conjonction d'une croissance forte, d'une diminution significative des dépenses publiques et d'une augmentation forte des taux d'intérêt laisse songeur.
Dans son avis d'avril 2018, le Haut Conseil ne dit pas autre chose en qualifiant le scénario d' « optimiste ». En langue technocratique, cela veut dire « peu crédible » (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; protestations à droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pour Hollande, il disait « inatteignable » !
M. Claude Raynal. - Je ne dirai pas « insincère » - mais nous y viendrons sans doute. (Sourires)
La baisse volontariste des dépenses publiques peut avoir, si elle est mal conduite, un impact significatif sur la croissance. Les politiques de contractualisation avec les collectivités auront un effet sur l'investissement, qui par nature crée des charges de fonctionnement...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce n'est pas comme ça que ça se passe !
M. Alain Richard. - Il y a des investissements productifs !
M. Claude Raynal. - Allez construire une école sans augmenter les frais de fonctionnement !
De même peut-on s'interroger sur la politique menée en faveur des actionnaires plus que des entreprises pour doper l'investissement privé ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Très juste.
M. Claude Raynal. - Enfin, l'objectif de zéro déficit structurel doit-il être l'alpha et l'oméga de toute politique ? Est-il normal, utile, que certains pays aient des soldes structurels excédentaires ?
Pour résumer, un exercice facilité par une croissance retrouvée grâce aux politiques de vos prédécesseurs...
M. Alain Richard. - Il fallait continuer !
M. Claude Raynal. - ...un équilibre complexe entre baisse des déficits et croissance, un objectif de long terme à rediscuter. Beau projet pour les années à venir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous avons les mêmes chiffres, mais les interprétations diffèrent ! (Sourires)
Depuis 2011, le programme de stabilité est transmis à la Commission européenne au plus tard en avril. Deux semaines avant, il est transmis au Parlement qui en débat et se prononce par un vote, dit la loi. Pourtant, il n'y a pas eu de débat en 2012 et 2017, non plus qu'en 2015. En 2018, il aura lieu dans les deux chambres, mais sans vote au Sénat. Le nouveau monde n'a rien à envier à l'ancien.
L'amélioration du déficit public en 2017 est essentiellement due à des facteurs exogènes : reprise en Europe et taux d'intérêt faibles. La croissance en France est décevante par rapport à ce qu'elle est en Europe. Nous ne contestons pas les hypothèses, que le Haut conseil des finances publiques juge réalistes, mais le scénario d'une croissance effective durablement supérieure à la croissance potentielle est, lui, optimiste. La zone euro pourrait pâtir de la hausse des cours du pétrole et de l'appréciation de l'euro, ainsi que du Brexit et de l'incertitude politique dans certains pays.
Avec 2,6 % en 2017, le déficit retrouve son niveau d'avant la crise. Mais ce recul repose exclusivement sur une conjoncture favorable : les recettes ont cru plus vite que les dépenses. Or 2 % de croissance et 1 % d'inflation en 2017, c'est 40 milliards d'euros de recettes ! Souvenons-nous que le président Sarkozy avait connu un effondrement des recettes publiques de 42 milliards en 2008 et 2009.
Le contexte économique a beau être très favorable, la France demeure en queue de peloton. L'Allemagne est en excédent depuis 2014. La France, avec le Portugal, est le pays qui a passé le plus d'années en procédure de déficit excessif, et la Cour des comptes évoque une situation plus dégradée que la quasi-totalité de ses partenaires de la zone euro.
Les nouvelles prévisions du Gouvernement sont beaucoup plus optimistes, tablant même sur un excédant en 2022, avec un déficit public structurel inférieur de 0,2 point chaque année - mais on reporte l'effort structurel en fin de quinquennat. La conjoncture positive devrait vous inciter à l'engager de suite !
Autre point d'inquiétude, les nouvelles prévisions des dépenses publiques : 0,5 point de plus, sans prendre en compte la suppression totale de la taxe d'habitation ni la reprise de la dette de la SNCF dont le coût est estimé entre 20 et 60 milliards d'euros.
Les prélèvements obligatoires atteindront 44,3 % en fin de quinquennat - le même taux qu'à la fin de celui de François Hollande. Emmanuel Macron se prévaut de baisser les impôts ? Mais la fiscalité énergétique coûtera 14,2 milliards d'euros aux ménages ; la hausse de la CSG, 22,5 milliards d'euros. Les chiffres sont implacables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Encore un mot : s'il est impossible d'installer le compteur de la dette sur le bâtiment de Bercy, pourquoi ne pas indiquer sur chaque feuille d'impôt la part qui va au remboursement de la dette ?
Mme Françoise Gatel. - Très bien.
M. Gérald Darmanin, ministre . - On pourrait commencer par mettre ce compteur sur le fronton du Sénat ! (M. le rapporteur général se récrie.) Lors du projet de loi de finances 2017, la majorité sénatoriale a augmenté la dépense publique de 10 milliards d'euros, et de 4 milliards dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. S'ajoute la suppression des 3 milliards de la taxe d'habitation, qui aurait augmenté le taux des prélèvements obligatoires. Vous augmentiez la TVA de deux points...
M. Pierre Cuypers. - Vous aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Emmanuel Macron était le seul à ne pas vouloir de hausse de la TVA, contrairement à Juppé, Fillon ou Sarkozy : je suis cohérent !
Il suffit de regarder la liste des récentes questions d'actualité au Gouvernement : à vous entendre, il ne faut pas toucher aux contrats aidés, aux transports, au logement, aux agences publiques dans les territoires...
Mme Gisèle Jourda. - Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... au sport, à la santé, à la justice, aux armées, aux dépenses sociales...
MM. Patrick Kanner et Éric Bocquet. - Pas non plus à l'ISF !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Bercy se fait huer - c'est facile, le bouc-émissaire, c'est connu depuis René Girard !
Vous demandez des efforts structurels dès à présent, mais ne dites pas lesquels.
Monsieur Bocquet, s'il vous arrive de lire Les Échos, je lis, moi, L'Humanité.
M. Fabien Gay. - Très bon journal.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Que nous sommes sans doute seuls à lire... (Sourires) Vous dites que la dette n'est pas grave, même si deux tiers des prêteurs ne sont pas français ; M. Mélenchon dit à peu près la même chose à l'Assemblée nationale. Je ne savais pas que vous souhaitiez à ce point enrichir les banquiers étrangers ! Je préfère désendetter notre pays plutôt qu'engraisser ceux que vous dénoncez. De grâce, ne devenez pas l'idiot utile du capital !
Monsieur Raynal, il est dommage que M. Hollande ne vous ait pas choisi comme porte-parole. À vous entendre, on l'aurait réélu ! (Mme Gisèle Jourda s'exclame.)
Vous avez commis une erreur d'appréciation en réduisant les dotations des collectivités territoriales pour limiter les dépenses. Les charges de fonctionnement sont essentiellement des charges de personnel, à 55 ou 60 %. Lorsqu'on les contient, on augmente sa capacité d'autofinancement et donc d'investissement.
M. Claude Raynal. - Et l'investissement ne crée pas de dépenses de fonctionnement supplémentaires ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pas tous.
Mme Gisèle Jourda. - Lesquels ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Une commune du Nord que je connais bien a investi 14 millions d'euros dans la rénovation des équipements publics. Lorsque l'on investit pour développer les réseaux de chaleur ou dans les énergies renouvelables, on réduit la facture d'électricité de la commune.
Le Gouvernement a préféré contractualiser avec les communes - les premiers contrats ont déjà été signés...
M. Patrick Kanner. - Ce sont les préfets qui en ont la responsabilité !
M. Jacques Bigot. - Mme la garde des Sceaux devrait signer des contrats avec les juridictions...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette démarche est bien préférable à la baisse aveugle des dotations...
Mme Nadia Sollogoub. - Parlons-en ! Elles ne cessent de baisser !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce n'est pas parce que vous criez que vous avez raison !
Voix à droite. - Concluez !
M. Gérald Darmanin, ministre. - En conclusion, notre programme de stabilité permet de réduire la dépense publique, de 1,5 % à 2 % par an sur le quinquennat, même si je regrette que nous ne parvenions pas à atteindre l'objectif de la hausse zéro en volume. (Mme Nadia Sollogoub proteste derechef.)
Nous voulons parvenir à l'équilibre budgétaire, du jamais vu depuis quarante ans, tout en baissant les prélèvements obligatoires qui ont déjà diminué de 10 milliards cette année. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit aussi.)
M. Jean-François Rapin. - Et la dette de la SNCF ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - À l'issue du vote lors du projet de loi de finances pour 2018, nous avions amélioré le solde de 785 millions d'euros, loin des milliards de dépenses nouvelles avancées par M. Darmanin. (Applaudissements à droite ; M. le ministre continue à argumenter, de son banc, avec M. le Rapporteur général ; murmures sur divers bancs.)
M. le président. - Le débat est clos ! Passons à la suite de notre ordre du jour.