Élection des représentants au Parlement européen (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'élection des représentants au Parlement européen.
Discussion générale
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 20 février dernier, rétablit une circonscription électorale unique sur le territoire national pour l'élection des députés européens. Ce débat n'est pas une première : une proposition de loi semblable du groupe RDSE avait déjà été adoptée par le Sénat le 23 juin 2010.
Si les options sont multiples, le mode de scrutin que nous vous soumettons nous semble être le plus clair, le plus intelligible, le plus respectueux du pluralisme politique. C'est dans un état d'esprit constructif que nous abordons le débat. Le Sénat cherche toujours à améliorer et enrichir les textes, c'est sa marque de fabrique. Le même état d'esprit a guidé le Gouvernement.
Dans une démarche de coconstruction législative, le président de la République et le Premier ministre ont consulté toutes les formations politiques. La majorité d'entre elles est favorable à une circonscription unique.
Quelle que soit notre positionnement sur l'Europe, la situation actuelle, où plus d'un Français sur deux ne se déplace pas aux urnes - lors du dernier scrutin, l'abstention a atteint 70 % par endroits - ne peut être jugée satisfaisante. Il est évident que le mode de scrutin n'est pas la seule cause de l'abstention mais le découpage en huit circonscriptions sans légitimité historique ni administrative est mal compris et brouille le débat.
Il fallait agir pour inverser la tendance, et rapidement - car on ne modifie pas le mode de scrutin moins d'un an avant une élection.
Nous aurions pu créer treize circonscriptions correspondant aux grandes régions. Le Gouvernement n'a pas retenu cette option, non pour des raisons politiciennes, mais pour ne pas parasiter l'élection par des enjeux étrangers à l'Europe. En outre, cela se traduirait par d'importants écarts dans le nombre d'élus par circonscription. Surtout, en atténuant l'effet de la proportionnelle, cette option favoriserait les grands partis et fragiliserait le pluralisme.
Certains ont plaidé pour une circonscription hexagonale et une circonscription d'outre-mer. Cette option a fait débat chez certains, mais le Gouvernement l'a écartée.
M. Victorin Lurel. - Hélas !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Cela aurait posé un problème juridique, et un risque constitutionnel.
M. Victorin Lurel. - Non, Madame !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - En garantissant aux seuls électeurs ultramarins une représentation sur une base territoriale, il y avait un risque d'atteinte au principe de l'égalité devant le suffrage.
M. Victorin Lurel. - Non, c'est une base démographique !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Cette option pose aussi problème sur le plan des principes, et ne manquerait pas d'être contestée par d'autres régions.
M. Victorin Lurel. - Ça, c'est autre chose.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Certains députés européens élus d'outre-mer se sont d'ailleurs déclarés défavorable à une circonscription ultramarine.
Dès lors, la meilleure solution nous a paru être de rétablir la circonscription unique, en vigueur entre 1977 et 2003. C'est un choix que nous assumons, qui est soutenu par la majorité des partis politiques. Il nous rapproche de nos partenaires : 23 états membres sur 27 votent en circonscription unique.
Nous sommes convaincus que ce mode de scrutin permettra de mieux intéresser nos concitoyens à une élection décisive pour leur destin individuel et collectif.
Nous entendons les critiques. Bien sûr, certains diront que la campagne risque de porter sur des sujets nationaux. Mais le découpage en circonscriptions régionales nous en préservait-il ? D'autres avancent le risque d'un éloignement des députés européens des territoires. Élue locale moi-même, je suis depuis longtemps convaincue de la pertinence de la circonscription unique et j'avais voté la proposition de loi RDSE en 2010. Cette solution offrira aux Français des débats clairs où chacun pourra faire valoir son projet européen.
Concernant le temps d'antenne, le Gouvernement a pris en compte la décision du Conseil constitutionnel du 31 mai 2017, afin de ne pas pérenniser un système producteur d'injustices. Il propose un triple mode de répartition, avec une partie correctrice aux mains du CSA. Le Conseil constitutionnel a décidé de reporter au 30 juin 2018 les effets de sa censure. Il y a donc un risque réel de vide juridique ; c'est pourquoi le Gouvernement a choisi ce vecteur législatif pour présenter un dispositif alternatif.
Le président de la République et le Gouvernement ont des ambitions fortes pour l'Europe : faire émerger un véritable espace public européen implique un débat lui aussi à l'échelle européenne.
Le 7 février, le Parlement européen a rejeté le principe, proposé par la France, des listes transnationales pourtant adopté en commission. Le président de la République continuera à défendre cette idée.
M. Philippe Bas président de la commission des lois. - Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - En attendant, le Gouvernement et les acteurs de la société civile participent aux consultations citoyennes qui seront bientôt lancées dans toute l'Europe sur l'avenir de l'Union. « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes » disait Jean Monnet. C'est le but que nous poursuivons à travers ce texte. Chaque citoyen doit se sentir dépositaire de cette culture plurimillénaire qui fait que la voix de notre continent est écoutée et respectée partout dans le monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC)
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois . - Nous voici réunis pour examiner une fois encore le mode de scrutin européen, car nous subissons le contraste flagrant entre l'importance politique et institutionnelle du Parlement européen et la faible implication de nos concitoyens dans le choix de ses membres.
Certes, tout ne se joue pas dans le mode de scrutin. Les élus eux-mêmes doivent s'impliquer ; certains ont pu être critiquables, mais il faut aussi souligner que beaucoup de parlementaires européens français font bien leur travail. Les organisations politiques ont, elles aussi, leur part de responsabilité. Les listes européennes ont pu être constituées de manière contestable du point de vue de leur représentativité et pas seulement territoriale ; mais qui en est responsable, sinon les organisations politiques, qui ont la main sur ces listes ?
Une liste nationale est le support le plus compréhensible pour les citoyens pour leur représentation au Parlement européen. Le Sénat en a débattu en 2010, l'idée ayant été introduite par une proposition de loi du RDSE adoptée en 2010 par notre assemblée à une large majorité.
Le Traité de Rome a prévu une élection directe des membres du Parlement européen, devenue réalité avec l'Acte européen de 1976 qui instaure une liste nationale ou à subdivisions régionales à l'intérieur de chaque nation, un scrutin proportionnel et un seuil d'élection fixé, au maximum, à 5 % des suffrages exprimés. C'est ce que la France a retenu. Si nous avions retenu les régions créées par la loi de 2015, nous aurions obtenu des écarts de représentation très importants. La subdivision à l'intérieur des listes nationales aurait produit un grand nombre de listes de 4 à 10 sièges, enlevant les régions les moins peuplées de la représentation.
Notre tradition électorale, enfin, consiste à laisser une pleine liberté aux organisations dans la constitution des listes.
Une proposition d'acte européen, qui devait être ratifiée en juillet par le Parlement européen, devrait faire passer de 74 à 79 le nombre de parlementaires français, après répartition des sièges abandonnés par le Royaume-Uni.
Le principe du « Spitzenkandidat » consiste à faire annoncer par chaque liste le choix de son candidat à la présidence de la Commission européenne, en le faisant même apparaître, comme nous le proposent certains collègues, sur les bulletins de vote. La commission des lois a écarté cette option, car tous les partis européens ne procèdent pas de la sorte, d'où un risque de confusion pour les électeurs.
Faut-il maintenir la référence à des listes transnationales ? Nous verrons lors de l'examen de l'article 7, mais cela relève pour le moment du voeu pieux.
Avec ce texte, nous faisons notre possible pour susciter l'intérêt des citoyens. Cet effort doit être prolongé par les consultations citoyennes, ainsi que les élections et organisations politiques. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)
M. Claude Malhuret . - Ce texte est l'occasion de nous demander quelle Europe politique nous souhaitons. Depuis sa fondation, l'Union est un objet politique non identifié, dont l'enjeu de légitimité est au coeur de tous les maux. Il faut trancher cette question centrale. Beaucoup d'entre nous ont voulu rendre l'Union européenne plus démocratique, transparente, efficace, mais par petites touches, lesquelles ont été perçues par les peuples comme de petits arrangements. L'affaire Selmayr, que j'ai dénoncée devant notre Assemblée, participe de ce triste paysage que l'Union s'offre à elle-même. Symptôme du désenchantement, une participation en chute libre - de 46,8 % en 1999 à 42 % en 2014 - fait du Parlement un « pouvoir sans autorité », pour reprendre le concept d'Hannah Arendt, c'est-à-dire un pouvoir privé de légitimité aux yeux des citoyens.
Depuis 2003 et le scrutin suprarégional, rien n'a changé. Mais ce n'est pas une fatalité. En 1979, le slogan de la campagne des premières élections du Parlement européen était : « L'Europe, c'est l'espoir » - retrouvons l'espoir par un choc démocratique ; créons l'espace public européen que Jürgen Habermas appelait de ses voeux.
Le choix du scrutin national restaurera la lisibilité de l'élection et placera les élus face à leurs responsabilités ; il mettra les grands dossiers de la politique européenne au premier plan des discussions et forcera chacune des forces politiques de ce pays à se positionner clairement ; enfin, ce scrutin national donnera plus de force à nos représentants européens.
Nous avons besoin de personnalités engagées, dans la suite de Simone Veil, François Mitterrand, Jacques Chirac, Charles Pasqua, Michel Rocard, François Hollande, Nicolas Sarkozy. Les citoyens sentent alors l'importance de l'enjeu. Mais il faut aussi une Commission européenne qui soit le produit d'un choix démocratique et pas de petits arrangements entre États. Les discussions autour des « Spitzenkandidaten » et des listes transnationales doivent se poursuivre.
Les nominations des commissaires et des hauts fonctionnaires doivent être plus transparentes.
Enfin, la proximité est essentielle, et le retour aux circonscriptions nationales va, en dépit des apparences, dans ce sens.
La bataille de la légitimité est la mère de toutes les batailles pour qu'une Union plus intégrée soit la promesse d'une France plus forte et plus influente. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; MM. Arnaud de Belenet, Jean-Pierre Sueur, Philippe Bas, président de la commission, et Éric Jeansannetas applaudissent également.)
M. Jean Louis Masson . - Le retour à la circonscription nationale est très positif, car il permettra un débat clair sur les grands enjeux européens, au lieu de le fractionner dans les enjeux locaux. Les élections européennes mettent aux prises les partisans d'une Europe des nations, dont je fais partie, et ceux d'une Europe fédérale. Ayons donc ce débat, et l'on comptera les points à l'arrivée.
Un amendement de M. Grand et un autre de moi-même ont supprimé toute référence à des listes transnationales, qui sont un vrai scandale. L'Europe supranationale, c'est l'Europe de la chienlit ! J'apprécie la suppression par la commission des lois de toute référence à ces listes.
Deuxième point de ce texte, celui-ci très négatif, les nouvelles règles de répartition des temps de parole dans les médias. Il est scandaleux que les candidats à une élection n'aient pas tous les mêmes temps de parole, qu'on trie à l'avance les candidats entre « sérieux » et « fantaisistes » ; c'est digne des républiques bananières en Afrique, où les opposants au dictateur en place sont écartés des médias ! La vraie démocratie, c'est que chacun ait le même temps de parole.
Mme Josiane Costes . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.) Les dernières élections italiennes et le récent scrutin hongrois sont des indicateurs effroyables du déclin de l'enthousiasme européen.
La philosophie de ce texte n'est pas étrangère au RDSE puisque nous avons fait adopter en 2010, par le Sénat, une proposition de loi rétablissant la circonscription unique nationale.
Les modalités de désignation des parlementaires sont inadaptées à ce qu'est le Parlement européen depuis le Traité de Lisbonne. J'ai été convaincue par les débats en commission des lois : la protection des intérêts des habitants des outre-mer appartient à l'ensemble de nos représentants au Parlement européen. Sur ce point, chacun sera libre de voter comme il l'entend au sein de mon groupe.
Nous soutenons pleinement l'engagement du président de la République en faveur de listes transnationales ; elles renforceront la légitimité du Parlement européen.
Nous voterons ce texte, mais nous déplorons la procédure accélérée, qui ne permet pas de trouver un équilibre entre temps de parole et clarté des débats. Un système de parrainage aurait été une meilleure solution pour éviter les problèmes liés à l'abondance de listes.
La question de l'éducation des jeunes générations d'Européens n'est pas traitée non plus. Elle est pourtant cruciale : lors des dernières élections européennes, 73 % des électeurs français de moins de 35 ans se sont abstenus. Nous proposerons un amendement renforçant la dimension européenne de l'enseignement moral et civique.
Enfin, nous devrions réfléchir aux outils à mettre en place pour renforcer la convergence des débats nationaux et européens, dans nos assemblées comme dans les médias. C'est le sens des amendements que je défendrai pour modifier la loi de 1986 relative au Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour renforcer les obligations des sociétés nationales des programmes en matière d'actualité politique européenne. Lors des débats relatifs à la révision constitutionnelle, nous pourrons également améliorer la coordination de nos travaux au niveau national et européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Chacun s'interroge sur la faible participation aux élections européennes et le Gouvernement en tire prétexte pour ce projet de loi. La quasi-totalité des Français ne connaissent pas leurs représentants au Parlement européen. Les huit circonscriptions actuelles, trop étendues, sont inintelligibles : de Saint-Pée-sur-Nivelle dans le pays basque, à Villeneuve-Lès-Avignon, dans le Gard, c'est une seule circonscription... Même chose d'Omonville-la-petite, dans la Manche, à Armantières, dans le Nord, ou de Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, à la Chaussée-Saint-Victor, dans le Loir-et-Cher !
Pour corriger cette situation, le Gouvernement propose une circonscription unique, encore plus étendue ! C'est paradoxal. Il aurait été préférable d'adopter le périmètre des treize nouvelles régions : j'ai déposé un amendement en ce sens.
La création d'une circonscription unique renforcera le poids des états-majors politiques au détriment des personnalités. On me dira, la main sur le coeur, qu'il faut parier sur l'intelligence des partis...
M. Michel Savin. - Ça se saurait !
M. François Bonhomme. - Or les recasés en tout genre abondent au Parlement européen... (Mme Brigitte Micouleau renchérit et applaudit ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)
Pas besoin de s'embarrasser du cursus des candidats et de leur expérience. Seule comptera leur position dans le parti. Cette solution ne réduira pas l'abstention ; nous aurons des candidats dans le moule, élus par l'effet mécanique de la proportionnelle et tenant à ne jamais sortir du moule, pour conserver leur investiture.
Car le scrutin proportionnel favorise la dépendance aux partis ; le vrai bouleversement, ce serait un scrutin majoritaire, et comme notre pays dispose de 79 députés, on pourrait parvenir à une vraie représentation. L'Acte européen de 1976 ne permet pas de s'écarter de la proportionnelle ; le mal vient de là. Avec le scrutin majoritaire, au moins, les électeurs choisissent ou éliminent, sans le filtre des organisations politiques.
Ce projet de loi n'est donc qu'un placebo plus proche de la poudre de perlimpinpin que du principe actif. C'est moralement indéfendable, politiquement désastreux et désespérant au regard de l'enjeu européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi . - Ce projet de loi porte deux atteintes au pluralisme.
Dans les débats sur la loi de 2003, nous avions souligné que les circonscriptions suprarégionales favoriseraient les forces politiques les plus importantes, seules à même d'assurer une présence sur tout le territoire - et que l'élection européenne avait pour rôle de désigner les représentants des Français au Parlement européen, et non des régions françaises. Mais cela pourrait gêner l'idée qu'une hypothétique souveraineté européenne libéralise à tous crins, contre les protestations des Français en 2005 et des Irlandais, Danois et Néerlandais à d'autres moments. La très grande majorité des États membres, 24 sur 28, ont choisi des circonscriptions nationales.
La régionalisation du scrutin devait augmenter la participation aux élections et rapprocher les élus des citoyens. Or on est passé de 39,3 % d'abstention en 1979 à 57,4 % en 2014. Une chose est certaine, la régionalisation n'a rien résolu. Quant à rapprocher les citoyens des élus, la bonne blague ! Le président de la République, dans sa vision purement fédéraliste, veut certes revenir à la circonscription unique. Mais nous savons que La République en Marche a du mal à s'implanter localement.
M. Pierre Charon. - C'est une nébuleuse !
Mme Éliane Assassi. - La motivation électoraliste n'est pas absente de ce choix. La circonscription unique est peut-être aussi un tremplin vers les listes transnationales et la fédéralisation.
Le seuil de 5 % des suffrages exprimés, pour obtenir une représentation au Parlement européen, n'a été retenu que dans neuf pays dont la France, ce qui est étrange puisque le seuil de remboursement des frais de campagne est toujours de 3 %. Nous proposerons d'aligner ces seuils, à 3%.
Une autre motivation contre ce texte est la limitation du pluralisme par l'encadrement du temps de parole. Sous une apparence de bon sens démocratique, pointe un verrouillage sophistiqué. M. Macron serait bien inspiré d'appliquer ses beaux préceptes - dans son discours de la Sorbonne, il souhaitait en particulier que les citoyens « refondent l'Europe par la base, par le bas, par le vrai ».
Si nos amendements ne sont pas adoptés, notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) On a parfois l'impression que les États sont représentés au Parlement européen, alors que ce sont bien les citoyens européens qui y sont représentés et qui ne sont pas alors des sujets des États membres - ils peuvent voter, d'ailleurs, dans leur pays de résidence.
Les 73 sièges britanniques seront vraisemblablement répartis entre les autres États ; la représentation d'un État doit être comprise entre 6 et 86 élus. La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen propose de conserver en réserve une partie de ces 73 sièges pour l'accueil des nouveaux États. Quoi qu'il en soit, nous ne savons pas encore combien de députés nous aurons à élire.
Le Parlement européen vote-t-il l'impôt ? Contrôle-t-il l'ensemble des dépenses européennes ? A-t-il l'initiative législative ? Non. C'est pourquoi l'engagement des partis européens, en 2014, d'afficher leur candidat à la tête de la Commission européenne a été une avancée. Même s'il n'a pas crevé les écrans en France, il y a eu un débat entre les deux candidats, MM. Juncker et Schulz. Le premier l'a emporté. Or cette avancée, obtenue par la pratique, pourrait être remise en cause par notre président de la République.
Les listes transnationales seraient souhaitables car beaucoup de choix économiques et sociaux se font à l'échelon européen. Il faudrait travailler à l'harmonisation et au financement des campagnes européennes : en Pologne, j'ai soutenu des candidats mais je ne peux le faire financièrement. J'espère que le Gouvernement poursuivra ses efforts pour obtenir des listes transnationales en 2024, avec un encadrement des financements au niveau européen.
Manifestement, les subdivisions régionales n'ont pas permis une incarnation suffisante des enjeux européens. Le groupe socialiste soutient le retour à la circonscription nationale.
Il n'est néanmoins pas choquant de traiter différemment les parties du territoire dont la situation est différente ; c'est le cas des régions ultrapériphériques et des pays d'outre-mer.
Enfin, attention, Madame la Ministre, à l'enregistrement par les consulats des options retenues par les Français de l'étranger pour le vote aux élections européennes et aux élections nationales. Il y a eu des cafouillages.
Sur le temps de parole, ne stigmatisons personne. Il n'y a pas une vision pour et une vision contre l'Europe, mais des visions différentes de ce que doit être son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. André Gattolin . - Quarante-deux, quarante-trois, huit, un et vingt-quatre - cinq chiffres qui résument les enjeux. 42 % d'électeurs français aux urnes lors des élections européennes de 2014.
M. François Bonhomme. - Cela ne va pas s'arranger !
M. Charles Revet. - Cela ressemble beaucoup aux dernières législatives.
M. André Gattolin. - Les Français ne s'intéresseraient pas à une Europe trop lointaine. En 2008, les bons docteurs de l'époque ont jugé qu'il suffirait de découper le malade en huit parties, mais c'est bien les médecins qui étaient imaginaires : croire qu'on faciliterait aussi la proximité fait sourire les sénateurs que nous sommes. Le débat sur l'Europe a été dénationalisé, éparpillé.
Quarante-trois, comme 43 % de femmes au sein de la représentation française issue des élections de 2014. Si c'est plus que la moyenne européenne et que celle des autres scrutins nationaux, c'est insuffisant alors que notre loi impose la parité. Ce décalage est pour le moins surprenant. Huit, comme huit euro-circonscriptions. Et avec une circonscription unique, 48 % de femmes auraient été élues, avec treize circonscriptions à treize régions, on serait en dessous des 40 %.
Le retour à la circonscription unique est donc plus juste et plus équitable.
M. François Bonhomme. - Nous sommes sauvés !
M. André Gattolin. - Il est plus juste, aussi, pour les formations politiques dépassant le seuil de 5 % des suffrages exprimés, car la fragmentation des circonscriptions a pour effet mécanique de rehausser le seuil d'éligibilité des candidats.
Les redécoupages ne sont jamais dénués d'arrière-pensées électoralistes, dit-on. Ce n'est pas le cas de celui-ci. La majorité et ses alliés auront moins de sièges qu'avec un découpage en huit eurorégions. En revanche, nous avons bel et bien une arrière-pensée politique : remettre l'Europe au coeur du débat politique national. Nous voulons plus et mieux d'Europe, et plus de France en Europe.
Dernier chiffre, 24 sur 27 États membres organiseront les élections dans le cadre de la circonscription unique si nous adoptons ce texte. Or un mode de scrutin le plus harmonisé possible, c'était bien l'esprit de l'Acte européen de 1976.
Le groupe LaREM votera résolument en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.