Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que le temps pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
Arrestation de M. Puigdemont en Allemagne
M. Pierre Ouzoulias . - Le groupe CRCE tient à saluer la mémoire des victimes des attentats de Trèbes et Carcassonne et à exprimer sa plus grande solidarité avec leurs familles. Face à la barbarie, notre Nation doit se rassembler autour des valeurs humanistes qui sont la base de notre démocratie et de notre République. Menacés par tous les fanatismes, éprouvés par les tentatives de démembrement du corps civique, nous devons répondre par plus de démocratie, plus de liberté, et par une défense implacable de la laïcité et de l'État de droit. Renoncer à notre pacte républicain, ce serait alimenter les ressorts d'une propagande guerrière qui tente de nous diviser. Un homme a arraché la vie d'innocentes victimes ; un autre, le colonel Beltrame, a donné la sienne pour sauver la vie. Ce don de soi est une parabole de la victoire, de l'humanisme et l'affirmation héroïque de l'universalité de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Soyons à la hauteur de cet acte de profonde humanité.
Cela étant dit et puisque rien ne doit interrompre le cours de nos débats républicains, nous souhaitons exprimer notre plus vive inquiétude à propos de l'emprisonnement des représentants, démocratiquement élus, des citoyens catalans. Leur privation de liberté et la demande d'extradition de Carles Puigdemont obèrent gravement toute tentative de règlement raisonnée et pacifiste de la crise catalane. Une nouvelle fois vous nous opposerez la non-ingérence dans les affaires d'un membre de l'Union européenne pour justifier votre passivité. Une nouvelle fois nous vous dirons que notre conscience démocratique européenne est meurtrie par des pratiques qui la déshonorent et dont la légitimité est même contestable au regard de la jurisprudence européenne en matière des droits humains. La France et l'Europe ne peuvent continuer d'ignorer ces procédés autoritaires contraires à leurs valeurs humanistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Depuis le début de la crise catalane, notre préoccupation est bien le respect de l'État de droit. Ce principe nous a conduits à ne pas reconnaître la consultation catalane organisée en octobre dernier par la Catalogne, en dehors de la légalité. Il nous incite aussi à respecter les décisions du Gouvernement espagnol.
Certes, les indépendantistes sont incarcérés, dont Carles Puigdemont et Jordi Turull. La justice allemande décidera d'une éventuelle extradition. Le camp indépendantiste n'ayant pas présenté une personnalité en situation d'exercer des fonctions exécutives, la Catalogne n'est pas gouvernée et reste sous le coup de l'article 155 de la Constitution espagnole - qui prévoit l'organisation de nouvelles élections après un certain délai. La France fait confiance à la justice de l'Espagne et de l'Allemagne, qui sont deux États de droit.
Montée des actes antisémites
M. David Assouline . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) C'est avec émotion, douleur et gravité que je m'adresse à vous, Monsieur le Premier ministre.
Mireille Knoll, 85 ans, a été frappée de onze coups de couteau et brûlée dans son appartement du XIe arrondissement, quartier populaire où je vis et où jadis, beaucoup de Français ont été raflés. Depuis 2006 et l'atroce supplice d'Ilan Halimi, onze hommes, femmes, enfants ont été tués parce que juifs. Après l'affaire de Toulouse, de l'hyper-cacher, un an presque jour pour jour après la défenestration de Sarah Halimi, l'antisémitisme, cette haine de tout, vient à nouveau de s'abattre. Après l'attentat de la rue Copernic et la profanation du cimetière de Carpentras, notre peuple a su se lever pour le combattre.
Cette dernière décennie, les efforts se sont relâchés. La France ne serait plus la France sans les Juifs qui la composent. La République n'est plus la République si elle laisse ses citoyens juifs abandonnés à la menace ouverte ou diffuse d'être moqués, molestés, insultés, humiliés, tués parce que juifs, si elle s'accommode de les voir quitter les quartiers populaires ou à y vivre reclus, quitter les écoles publiques, et, pour certains quitter la France même. Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement compte-t-il prendre la mesure de ce danger mortel, lié aux mêmes idéologies extrémistes antirépublicaines qui arment les terroristes et qui ont encore tué à Trèbes ?
J'appelle nos concitoyens à participer massivement à la marche blanche demain à 18 h 30, place de la Nation. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Comme vous, j'ai été horrifié par la violence et le meurtre barbare dont Mireille Knoll a été la victime. Saluons les enquêteurs qui ont découvert vite les coupables. Le crime est barbare : onze coups de couteau et l'appartement incendié pour faire disparaître les traces.
Oui l'antisémitisme monte. Depuis le 1er janvier, 33 actes à caractère antisémite ont été commis. L'un des complices de ce meurtre disait : « On va aller chez les Juifs car chez les Juifs, il y a de l'argent. » Il faut combattre les préjugés. Nous le faisons avec les associations, le CRIF, le consistoire. Je rencontre les responsables de la communauté presque toutes les semaines.
Oui, des Juifs quittent la France parce qu'ils ont peur : c'est inacceptable et le Gouvernement ne l'acceptera pas. (Applaudissements sur tous les bancs)
Érosion de la biodiversité
M. Jérôme Bignon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) En 2002, à Johannesburg, la maison brûlait ; en 2015, la maison brûlait encore mais on continuait d'alimenter le feu. Le CNRS et le Muséum viennent de publier un rapport inquiétant sur la disparition des oiseaux et des insectes en France. Nous assistons à un effondrement de la diversité des espèces sans précédent depuis la disparition des dinosaures. Le marais d'Azraq en Jordanie n'est plus que 10 % de ce qu'il était. Les marais d'Irak aux sources de la civilisation mésopotamienne sont dans une situation désastreuse : nous l'avons constaté avec Ronan Dantec.
Que faire ? Devant les députés vous avez dit, Monsieur le ministre de l'écologie, que vous ne pourriez rien faire seul et vous avez regretté l'indifférence de tout le monde. S'il y a pu avoir de l'indifférence par le passé, la situation change : nos compatriotes n'acceptent pas de ne plus entendre les oiseaux chanter dans les chemins creux des campagnes ! Il en va de notre héritage et de ce que nous laisserons à nos enfants et à nos petits enfants : leur laisser une nature vide d'insectes et d'oiseaux, ce n'est pas possible ! (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - L'érosion de la biodiversité est un poison lent dans les veines de l'humanité et malgré les nombreuses études et rapports réalisés, l'action n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Si nous cédons à la tentation du fatalisme, nos enfants et nos petits-enfants ne verront plus les grands animaux sauvages en Afrique. La biodiversité est un héritage ; c'est notre livret d'épargne sur l'avenir.
Pour avoir été rapporteur de la loi relative à la biodiversité, vous savez que l'action n'est pas à la hauteur. J'ai décidé d'introduire deux ours dans les Pyrénées : c'est décisif pour notre crédibilité sur le plan international, quand nous demandons à des pays de coexister avec la vie sauvage ! (Ironie à droite ; MM. Ronan Dantec et Joël Labbé applaudissent.) Comme l'avait dit René Dubos : « Il faut penser global et agir local ».
Je soutiens l'action des agences régionales de la biodiversité qui agissent au quotidien. Je présenterai bientôt un nouveau plan. Je fais ce que je peux, mais, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je ne peux rien faire si chacun ne prend pas ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants ; Mme Esther Benbassa applaudit aussi.)
Lutte contre le terrorisme (I)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le califat n'est plus. Rakka, Mossoul sont tombées, mais les djihadistes sont toujours actifs et le sang des victimes innocentes coule encore. Je veux dire ma compassion aux victimes et notre reconnaissance aux forces de l'ordre, et surtout à celui qui s'est sacrifié, le colonel Arnaud Beltrame. Jusqu'à vendredi, il était un officier supérieur de gendarmerie ; désormais, il est la figure du héros français.
Au chacun pour soi, il a opposé le don de soi, message civilisateur par excellence.
Son geste nous oblige à la lucidité, celle de nommer l'ennemi, le totalitarisme islamiste, sans craindre les faux prophètes. Il nous oblige au courage, car il y a pire que l'horreur : l'accoutumance à l'horreur. Ne soyons pas fatalistes !
La lutte contre le totalitarisme islamiste appelle un arsenal sécuritaire et exige de ne rien céder sur nos valeurs. Nous devons reconquérir les territoires perdus de la République, au sens propre et au figuré, où qu'ils soient.
Le Gouvernement est-il prêt à l'assurer sans ambiguïté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Michel Amiel applaudit également.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je partage votre propos, sur le respect que nous devons aux militaires en Opex, à nos forces de sécurité, qu'elles travaillent de façon spectaculaire ou moins spectaculaire - je songe à ceux dont le travail d'analyse est si précieux, même si moins visible et qui ont la même détermination et la même rage de bien faire.
Oui, il faut nommer notre ennemi, le totalitarisme islamiste. Vous m'exhortez à faire preuve de détermination : celle du Gouvernement est entière. Vous avez le sens républicain chevillé au corps : ce combat ne doit pas nous faire renoncer à nos principes. J'ai encore en tête les échanges qui ont précédé la sortie de l'État d'urgence et je connais l'attachement du Sénat à l'État de droit.
Au lendemain de cette attaque, l'émotion est forte et la polémique est naturelle - je l'accepte d'autant mieux qu'elle participe de l'honneur de la démocratie : je préfère un régime qui accepte les polémiques, des propositions sont faites. Le Gouvernement ne déviera pas de ses objectifs et dotera les services des marges nécessaires. Les 10 000 emplois supplémentaires créés dans la police et la gendarmerie bénéficieront aux services de renseignement, pour 1 900 d'entre eux. La création du parquet national antiterroriste coordonnera l'action publique contre le terrorisme. Monsieur le président, la détermination du Gouvernement est totale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Lutte contre le terrorisme (II)
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Une fois encore, la France est en deuil. Nous nous associons à l'hommage que vous avez rendu, Monsieur le président, aux victimes et aux forces de l'ordre.
L'effondrement de l'État islamique au Levant pouvait faire croire que la menace s'éloignerait. Nous savons maintenant qu'il n'en est rien. Le Sénat a formé une commission d'enquête sur les moyens de la lutte contre le terrorisme. Elle rendra ses conclusions cet été.
Depuis 2012, nous avons voté des lois, fait entrer l'état d'urgence dans le droit commun, renforcé les moyens budgétaires et humains de lutte contre la menace terroriste, réfléchi à une meilleure articulation entre la CNIL et les services de renseignement. Un parquet national antiterroriste devrait voir le jour, avec des services en région. Une meilleure coordination des services devrait être organisée. Mais avec la propagation du djihadisme en prison, le retour des combattants de Syrie et le développement endogène comme à Trèbes, si le risque zéro n'existe pas ; nous devons répondre à l'inquiétude légitime des Français.
Quels enseignements tirez-vous de l'attentat de vendredi qui a montré qu'il y avait encore des lacunes dans le dispositif de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - En début d'après-midi, je recevais l'épouse, les parents, les frères d'Arnaud Beltrame. C'était un moment d'intense émotion, mais aussi de grande dignité. Sa mère disait : « Je ne suis pas dans la haine, mais dans la fierté de ce qu'a accompli mon fils : donner sa vie pour sauver une autre vie. »
Depuis que je suis ministre de l'intérieur, je sais que la menace existe : elle ne vient plus du front irako-syrien, mais de notre pays, où des individus se radicalisent sur Internet, parfois seuls, et passent à l'acte. Il faut donc, et nous le faisons, renforcer les moyens des services, être toujours plus présent ; mais on ne peut dire que l'on va éradiquer le mal. Nous sommes engagés dans un combat global contre l'idéologie d'un islam radical, d'un islamisme moyenâgeux qui s'oppose au reste de la société et qui frappe tous les pays occidentaux mais aussi musulmans. Nous devons unir nos forces et vaincre intellectuellement le fléau qu'est l'islamisme radical. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
Meurtre antisémite à Paris
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Elle s'appelait Mireille Knoll, 85 ans. C'était une Française de confession juive et elle avait échappé de justesse à la rafle du Vel d'Hiv en 1942. Son corps a été retrouvé lacéré de onze coups de couteau et brûlé. Le parquet de Paris a retenu le caractère antisémite de ce meurtre.
Face à cet acte ignoble, une conclusion s'impose : la France n'en n'a pas terminé avec l'antisémitisme. Au-delà de Paris, toute la France est meurtrie, la douleur est nationale. Nous serons nombreux à la marche blanche de demain. Ilan Halimi, l'école juive Ozar Hatorah, Sarah Halimi, l'enfant de 8 ans agressé à Sarcelles, sans oublier l'hyper-cacher en 2015 : nous devons reconquérir des esprits, lutter contre une forme d'éducation ségréguée dans certains territoires. Internet ne fait que renforcer la haine. Comment lutter contre ce phénomène ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Vous avez raison. On a cru que l'antisémitisme appartenait au passé, que la Shoah était définitivement derrière nous. Et nous voyons renaître un antisémitisme extrêmement fort que nous ne pouvons pas laisser se développer. Chacun d'entre nous, quelle que soit sa sensibilités, doit être au premier rang dans cette lutte.
Avec le président de la République, nous menons un combat au niveau européen pour que tous les contenus haineux soient très rapidement retirés par les grandes plateformes sur Internet. La Commission européenne prendra des résolutions pour les contraindre à cela. Et si cela ne suffit pas, la France prendra, comme l'Allemagne, une loi spécifique pour que cela ne se passe plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. Loïc Hervé et quelques sénateurs socialistes applaudissent aussi.)
Kurdes et terrorisme
M. Olivier Léonhardt . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) L'islamisme a frappé et tué une nouvelle fois dans notre pays. L'émotion est à son comble, la France est en deuil et pleure ses héros. Nous nous associons aux hommages qui viennent d'être rendus.
Notre démocratie doit faire face à la menace tout en préservant ses valeurs et notre mode de vie. Le combat qui nous oppose à l'islam radical doit aussi être abordé sous l'angle international. L'action et la parole de la France sur le front irako-syrien sont essentielles. La présence de nos alliés kurdes a permis d'y combattre les foyers terroristes, mais les Kurdes sont à présent menacés par l'armée turque à Afrine. Protéger les Kurdes, c'est protéger la France du terrorisme.
Madame la Ministre, la France va-t-elle condamner l'agression et la volonté d'éradication dont les Kurdes sont aujourd'hui les victimes ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Le président Erdogan a laissé craindre la poursuite des combats contre les Kurdes. Nous avons fait part de notre préoccupation. L'escalade se poursuit. Les Turcs ont pris Afrine le 18 mars. Rien ne peut justifier le maintien en profondeur de la Turquie sur le territoire syrien. Le Conseil national des Nations unies a imposé la cessation des hostilités et légitimé l'action humanitaire.
La lutte contre le terrorisme reste la priorité - l'attentat de Trèbes en démontre la nécessité. Cette priorité a été rappelée par le président de la République, qui en a informé le président Trump cet après-midi encore. Nous avons besoin des Kurdes pour lutter contre Daech. Seule une solution politique qui inclut les Kurdes garantira la stabilité en Syrie.
Mayotte
Mme Vivette Lopez . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Quand le Gouvernement va-t-il prendre la mesure de ce qui se passe à Mayotte ? Depuis plus d'un mois, ses habitants sont dans la rue. Toutes les revendications sont légitimes, qui concernent l'insécurité, la désertification médicale, la pression de l'immigration illégale massive, l'asphyxie de l'économie, l'échec et la violence scolaires.
Rien ne justifie une telle désinvolture à l'égard de ce département français. Mayotte, comme la Guyane hier, souffre des tergiversations et de la frilosité des gouvernements d'aujourd'hui et d'hier à prendre les mesures qui s'imposent. Or il y a urgence. C'est l'outre-mer qui donne à la France sa place dans le monde. Mayotte est une fenêtre sur l'océan indien donc un facteur de rayonnement de la France dans le monde.
Qu'envisagez-vous de faire pour protéger nos compatriotes et leur assurer un développement économique digne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La situation de sécurité et d'ordre public à Mayotte se dégrade depuis plusieurs années sous l'effet de la pression migratoire massive en provenance des Comores et de la délinquance.
Mme Éliane Assassi. - Et de la misère !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Entre Mayotte et Anjouan, à 70 kilomètres l'une de l'autre, l'écart de PIB est de 1 à 13. La pression migratoire est extrêmement forte. Dans ce climat tendu, je veux néanmoins me réjouir de la bonne tenue des élections partielles, où le taux de participation a été élevé. (Murmures à droite) Qui eût dit il y trois semaines que nous pussions les tenir ?
Nous allons augmenter les effectifs de sécurité : 124 gendarmes et 81 policiers supplémentaires seront affectés à Mayotte, qui bénéficiera aussi de renforts dans le cadre de la police de sécurité du quotidien. Une zone de sécurité prioritaire sera créée à Mamoudzou et dans les communes avoisinantes.
Quant à la lutte contre l'immigration clandestine, j'ai enfin pris contact avec mon homologue, le ministre de l'intérieur des Comores : il a accepté le retour sur son sol des illégaux. C'est un bon point de départ. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Carte judiciaire dans le Cantal
Mme Josiane Costes . - Lors du lancement des chantiers de la justice, la garde des Sceaux souhaitait que l'évolution de l'organisation des implantations judiciaires améliore la proximité du réseau nécessaire au justiciable, conjuguée avec les besoins de la spécialisation, par une « répartition équilibrée des contentieux valorisant l'ensemble des sites judiciaires et favorisant de nouvelles méthodes de travail ».
Il est indispensable que l'égal accès des citoyens à la justice soit assuré dans tous les territoires. Dans nos territoires ruraux, l'on craint la disparition des tribunaux d'instance des petites villes. Où les futurs tribunaux criminels, destinés à désengorger les cours d'assises, seront-ils localisés ? Y en aura-t-il un par département ?
Dans nos très grandes régions, les moyens de transport problématiques sont une difficulté supplémentaire pour les justiciables qui vivent loin des métropoles. Que pouvez-vous leur répondre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - La garde des Sceaux a lancé cinq chantiers pour une justice rendue plus rapidement, plus efficace. La justice de proximité est essentielle. Comme maire, j'ai appris un jour par la presse la suppression du tribunal d'instance de ma commune. C'était au temps où l'on supprimait un tribunal sur quatre, celui de Mme Rachida Dati, où la concertation n'était pas comparable à celle d'aujourd'hui... (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
En préalable à notre projet, nous avons fixé qu'aucun lieu de justice ne sera fermé. Je vous confirme que le tribunal de grande instance d'Aurillac sera maintenu, ainsi que les tribunaux d'instance d'Aurillac et de Saint-Flour.
En revanche, le système de droit implique que nous définissions, sous l'autorité des magistrats, en lien avec les élus, des spécialisations pour ces tribunaux. Soyez rassurée : la carte judiciaire sera maintenue car la proximité de la justice est déterminante pour son efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Yvon Collin et Jean-Marc Gabouty applaudissent aussi.)
Lutte contre le terrorisme (III)
M. Jean Pierre Vogel . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je veux d'abord dire mon soutien et ma solidarité aux familles des victimes de l'attentat de Trèbes, rendre hommage à Arnaud Beltrame qui a donné sa vie pour sauver celle des autres et saluer le courage et le grand professionnalisme de nos forces de sécurité.
Le 14 juillet 2016 à Nice, le 3 février 2017 rue de Rivoli, le 20 avril 2017 aux Champs-Élysées, le 23 mars 2018 à Trèbes, quatre attentats ont mis en lumière les défaillances de notre système d'alerte et d'information des populations ; je les avais déjà signalées dans mon rapport d'août dernier. La préfecture de l'Aude n'a même pas activé le système. Nous attendons toujours les conclusions du rapport commandé à l'Inspection générale de l'administration.
Nos concitoyens s'interrogent : comment ce terroriste, connu des services de police depuis plusieurs années, condamné à plusieurs reprises pour des délits de droit commun, fiché S pour ses liens avec la mouvance islamiste, a-t-il pu passer à l'acte ? Pourquoi un individu, Français depuis l'âge de 12 ans, s'est-il retourné contre son pays en tuant des Français ?
Quelles propositions faites-vous pour protéger nos populations, pour renforcer la solidité de nos défenses immunitaires et porter l'exigence républicaine d'assimilation... (Murmures croissants à gauche)
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Jean Pierre Vogel. - ... ainsi que pour l'arsenal judiciaire ? (Interruptions et protestations sur les mêmes bancs) Êtes-vous favorable au rétablissement de la double peine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi. - C'est indécent !
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les moyens d'informations et la réaction à l'attentat n'auraient pas été à la hauteur ? Permettez-moi de vous contredire. L'alerte a été donnée au supermarché à 10 h 42. À 10 h 45, la gendarmerie nationale déclenchait le plan départemental contre le terrorisme et appliquait le schéma national d'intervention.
Le peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie de Carcassonne - celui d'Arnaud Beltrame - est arrivé douze minutes plus tard. Les écoliers ont été confinés. Nous ne savions pas si l'attaque du supermarché n'était pas un leurre, pendant que d'autres attentats pouvaient être commis.
Oui, les forces ont réagi comme il le fallait. Mais, comme je vous disais tout à l'heure, même avec des effectifs plus importants, et même avec des moyens techniques plus développés, le combat sera long. Nous devons y faire face tous ensemble. Nous ne viendrons pas à bout du problème avec les solutions que vous préconisez. Elles diviseraient au contraire davantage les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Violences à l'université de Montpellier
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le ministre de l'éducation nationale, dans la nuit du 22 au 23 mars, des individus cagoulés ont agressé des étudiants qui occupaient un amphithéâtre. Violence aussi observée ailleurs, à Paris, Bordeaux, Toulouse ou Lille. Elle n'a pas sa place à l'université, lieu du savoir et de l'apprentissage. Aucun blocage ne peut la justifier. La démission du doyen ne peut être la seule réponse.
Les étudiants sont inquiets, mais le Gouvernement ne veut pas le voir. Alors que les universités sont des leviers importants de développement socio-économique, vous pratiquez le sous-investissement, malgré la hausse apparente des crédits qui ne suffira pas à accueillir les bacheliers supplémentaires. Sans flat tax et suppression de l'ISF, les crédits de l'enseignement supérieur auraient pu augmenter de 40 %. La France, ne vous en déplaise, n'est pas une entreprise ; c'est une République où il ne saurait être question de favoriser tel ou tel.
Quand votre Gouvernement prendra-t-il enfin la mesure des besoins de l'université et de la recherche ? Allez-vous répondre aux angoisses d'une génération qui n'entend pas être sacrifiée sur l'autel d'un néo-libéralisme et d'une austérité insensés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - Je ne vois pas le rapport entre les deux parties de votre question. Je ne peux que condamner ce qui s'est passé à Montpellier. Frédérique Vidal a diligenté une enquête administrative, confiée à l'inspection générale de l'administration de l'enseignement supérieur et de la recherche ; nous serons inflexibles lorsque nous aurons les conclusions. Le doyen a démissionné.
Mme Esther Benbassa. - Heureusement !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Parcoursup garantira à tous les étudiants de France de meilleurs mois de juin, juillet, août que sous le gouvernement précédent avec APB (On le confirme et on applaudit sur plusieurs bancs au centre et à droite.) Et les investissements consentis sous le précédent quinquennat devraient vous inciter à un peu de modestie. Rendez-vous au mois de septembre au lieu de juger une situation qui n'existe pas encore. Vous verrez que Parcoursup est meilleur qu'APB. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Éliane Assassi. - Sauf pour les handicapés !
Lutte contre le terrorisme (IV)
M. Stéphane Ravier . - Les trois années passées au Sénat et au conseil municipal de Marseille m'ont convaincu que les hommes et les femmes qui nous gouvernent étaient des animaux politiques à sang froid. Ils ne rougissent pas et restent de marbre, quels que soient l'hémicycle et les circonstances : oui, imperturbables, ils restent, vous restez droits dans vos bottes. Les élus de gauche ont clamé leur reconnaissance à Arnaud Beltrame, alors qu'ils n'ont de cesse de dénigrer et de tenter de salir la gendarmerie et la police...
Mme Sophie Taillé-Polian. - C'est honteux !
M. Vincent Éblé. - Menteur !
M. David Assouline. - Facho !
Mme Éliane Assassi. - C'est faux !
M. Stéphane Ravier. - ... lors de l'accident de Sivens ou de la pseudo-affaire Théo... (Protestations redoublées à gauche)
La droite en appelle à la lucidité en désignant enfin l'ennemi, le totalitarisme islamiste, faisant preuve d'amnésie. Oubliée, l'abolition de la double peine par un certain Nicolas Sarkozy, qui a rendu impossible l'expulsion des délinquants étrangers. (Protestations et interruptions à droite et à gauche)
Oubliée, la création par ce même Sarkozy du CFCM où les islamistes de l'UOIF sont devenus majoritaires. (Même mouvement)
M. David Assouline. - Facho !
M. Stéphane Ravier. - Oubliés, la suppression des 12 500 postes de policiers et de gendarmes, les amours avec le Qatar et le non-rétablissement de nos frontières. (Nouvelles protestations)
Rien ne s'est passé depuis l'attentat de la gare Saint-Charles. Rien ne se passera non plus maintenant.
M. le président. - Votre question !
Mme Éliane Assassi. - Finissez !
M. Stéphane Ravier. - Monsieur le Ministre de l'Intérieur, (« Ah ! » à droite) il est temps de présenter votre démission !
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - M. Ravier est toujours dans la nuance...(Sourires) Il ne change pas.
Mme Éliane Assassi. - C'est vrai !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Nous ne confondons pas nous, les terroristes contre lesquels nous luttons avec détermination et les cinq millions de musulmans français dont beaucoup souffrent de voir que l'un de ceux qui se réclament de la religion musulmane ait pu commettre un tel acte. Ce terroriste n'a de musulman que le nom : on le voit à son passé, fait de crimes et de délits. Il n'est pas une référence Nous préférons nous inspirer d'Arnaud Beltrame, sur lequel vous devriez vous pencher un peu plus : un humanisme et un christianisme d'un altruisme remarquable, portés vers l'autre, si éloigné de votre propos, qui tend aux divisions.
Voyez le grand piège qui nous est tendu : celui de la division. Les idéologues de Daech rêvent de monter les Français les uns contre les autres. Cela, nous ne l'accepterons jamais. (Applaudissements nourris sur la plupart des bancs)
M. le président. - Je vous rappelle que les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 5 avril 2018 et seront retransmises sur France 3, Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Afin de permettre à ceux d'entre nous qui le souhaiteraient de se rendre au rassemblement en hommage à Mireille Knoll organisée demain, mercredi 28 mars, nous pourrions suspendre nos travaux à l'issue du second débat de l'après-midi pour reprendre à 21 h 30.
Il en est ainsi décidé.
La séance est suspendue à 17 h 55.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 18 h 15.