Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement, retransmises en direct sur Public Sénat, le site Internet du Sénat et Facebook.

J'excuse l'absence du Premier ministre, qui m'a téléphoné, retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi organique sur la Nouvelle-Calédonie.

Chacun aura à coeur le respect des autres et du temps de parole.

Réforme de la formation professionnelle

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Suivre des formations professionnelles tout au long de la vie est désormais une nécessité. Les métiers changent. Les emplois se transforment. Cette adaptation est continue et permanente. Il nous appartient, en tant qu'hommes et femmes du XXIe siècle, d'accompagner ce changement et de fournir cet effort permanent de remise en question des connaissances acquises pour choisir la ou les bonnes formations du futur. C'est pourquoi il faut désormais décrire des parcours de formations au pluriel, tout au long de notre carrière.

Votre réforme, Madame la Ministre, est innovante, elle place le salarié au coeur du dispositif sans négliger pour autant l'entreprise. Chaque salarié recevra une somme allouée à sa formation. Vous n'avez pas hésité, avec un courage certain (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe Les Républicains), à aller au-delà de cet accord. Vous avez monétisé le compte personnel de formation... (Marques d'impatience sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Votre question !

M. Martin Lévrier.  - Quelles sont les motivations de ce nouveau décompte, qui peut apparaître pour les uns comme un pari risqué, pour les autres comme une avancée majeure? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Notre système de formation professionnelle avait de l'avance il y a trente ans ; il est désormais inégal et injuste, au détriment de l'investissement dans la formation des ouvriers et des employés, qui ont deux fois moins de chances de se former que les cadres, et de celle des salariés des TPE-PME, qui ont également deux fois moins de chances que les salariés des grandes entreprises, sans en avoir moins besoin.

C'est pourquoi les partenaires sociaux, à notre demande, ont voulu créer un droit gratuit, personnalisé, à un conseil en évolution professionnelle notamment. Nous les avons suivis, à un point près : nous avons préféré à un compte en nombre d'heures un compte monétisé, plus comparable, juste. Il y aura demain autant d'argent pour former un ouvrier qu'un ingénieur. C'est une mesure de justice sociale et de liberté de choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Sommet franco-luxembourgeois

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les bancs du RDSE) Du 19 au 21 mars prochain, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse du Luxembourg seront en visite en France, à l'invitation du président de la République. C'est une première depuis 40 ans et l'occasion d'aborder les enjeux transfrontaliers : 90 000 Français travaillent dans ce pays, 12 000 s'y rendent en train chaque jour par la ligne TER Nancy-Luxembourg, et 100 000 véhicules circulent par l'autoroute A31. 

Mais l'attractivité fiscale et sociale du Luxembourg pénalise le développement économique du côté français. Les entreprises préfèrent s'installer au Luxembourg et les salaires y sont supérieurs de 30 % à 50 %.

Une mise en commun des moyens de la France et du Luxembourg, avec le concours de la Région Grand Est, sur des projets co-construits permettrait de répondre aux enjeux majeurs qui touchent directement la vie quotidienne des milliers de citoyens dont je me fais aujourd'hui la porte-parole.

Le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a montré que le morcellement de la gouvernance des territoires ralentit la restructuration du Nord-Lorrain. Comment assurer un développement plus harmonieux des deux côtés de la frontière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes LaREM et UC)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Cette visite du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse...

M. Claude Raynal.  - ... de Gerolstein ? (Quelques sourires)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - ... du Luxembourg est en effet une première depuis 1978. Un séminaire intergouvernemental se tiendra en même temps (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) qu'une conférence intergouvernementale. Comme vous le soulignez à juste titre, la dynamique transfrontalière est porteuse d'opportunités comme de défis. Ce séminaire contribuera à y apporter des réponses.

Nous souhaitons faciliter la vie quotidienne des 90 000 travailleurs transfrontaliers, notamment en prévoyant des engagements communs afin de financer des infrastructures de transport à leur bénéfice. D'où, aussi, des discussions sur le rééquilibrage de la relation transfrontalière : nous y aborderons l'impôt sur le revenu que le Luxembourg prélève sur nos frontaliers, mais aussi l'apprentissage, la formation et l'enseignement supérieur.

Je ne peux anticiper les conclusions de ce séminaire, mais il se présente sous les meilleurs auspices. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM  et RDSE)

Situation à Afrine, en Syrie (I)

M. Pierre Laurent .  - Au terme de cinquante jours d'offensive et de crimes commis contre le peuple kurde, l'armée turque a lancé samedi un bombardement intensif de la ville d'Afrine...

Voix à droite. - Que fait la Russie ?

M. Pierre Laurent.  - ... que les troupes turques et les forces de Daech repoussées vers le nord de la Syrie convergent pour faire tomber. Une tuerie irréparable se prépare : Erdogan vise le nettoyage ethnique de la ville et entend pousser au-delà son avantage jusqu'à Kobane et en Irak. Il vise aussi à Afrine à remettre sur pied une nouvelle base arrière de groupes criminels djihadistes et de leurs agissements terroristes. Le peuple kurde et ceux de la région, comme nous-mêmes, le paieraient à nouveau très cher.

La cause des Kurdes est la nôtre. Il y a urgence à stopper Erdogan. La France doit agir énergiquement et cesser ses ambiguïtés, au nom de l'appartenance de la Turquie à l'OTAN.

Quelles actions la France entend-elle mener avec l'Union européenne ou au Conseil de Sécurité pour arrêter, pendant qu'il en est encore temps, la folie meurtrière d'Erdogan ? Nous vous demandons d'agir vite. (Applaudissements nourris et prolongés sur la plupart des bancs)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - L'opération que conduit la Turquie dans le canton d'Afrine depuis cinquante jours atteint un stade critique : plusieurs centaines de milliers de civils dont beaucoup sont déjà déplacés, privés d'eau et d'électricité, attendent un assaut que les Turcs présentent comme imminent et qui entraînera des combats de rue dont les populations civiles seront les premières victimes.

Le souci de protéger ses frontières ne justifie en aucun cas de telles opérations militaires contre des civils.

La première raison de notre intervention en Syrie est la lutte contre Daech, priorité de sécurité nationale. La résolution 2401 des Nations unies s'applique à toute la Syrie, et la Turquie doit la respecter.

M. Martial Bourquin.  - Elle ne le fait pas !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Nous avons des relations anciennes avec les Kurdes et sommes conscients du rôle qu'ils ont joué dans la guerre contre Daech et la reprise de Rakka. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Républicains)

Situation à Afrine, en Syrie (II)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Depuis le 20 janvier, la Turquie bombarde chaque jour le canton d'Afrine ; elle s'allie pour cela à des groupes djihadistes. Plusieurs centaines de civils ont été tués, et la situation ne cesse de se dégrader : plusieurs villages ont été détruits, l'alimentation en eau et en électricité d'Afrine, qui compte 800 000 habitants, a été coupée. Les populations étaient déjà privées de vivres et de médicaments. Elles sont en grand danger.

Les Kurdes sont nos meilleurs alliés ; ils ont infligé une défaite cinglante à Daech à Kobané en 2015. Ils ont sacrifié leur vie pour nous ; alors que Bachar el-Assad ne tient aucun compte de la résolution de l'ONU, la communauté internationale doit être plus ferme vis-à-vis de la Russie et de la Turquie. Que compte faire la France, au-delà de ce qu'elle a déjà entrepris, pour empêcher le sacrifice des Kurdes de Syrie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et sur quelques bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je me suis rendu à Moscou et à Téhéran il y a quelques jours ; j'y ai dit, au nom du président de la République, à mes interlocuteurs au plus haut niveau, ce que percevait la France de la situation en Syrie.

La résolution 2401 de l'ONU, à laquelle la France a beaucoup oeuvré, prévoit une trêve de trente jours. Cette trêve humanitaire doit permettre à la population de regagner un lieu plus hospitalier. Hier soir, à la réunion du Conseil de sécurité, la France a parlé fort, comme je l'ai fait face à mes différents interlocuteurs, comme le président de la République le fait lorsqu'il téléphone à de hauts responsables en Turquie, en Russie, en Iran, parle fort à tous nos interlocuteurs.

Le rapport sur l'application de la résolution est accablant : la trêve est violée par le régime syrien tous les jours. Des centaines de civils blessés sont bloqués et les médicaments sont retirés aux convois humanitaires.

Cette résolution s'impose à tous, aux Russes, qui apportent leur soutien aérien dans la Ghouta est ; à la Turquie, qui doit cesser son opération sur Afrine ; à l'Iran qui doit assumer ses responsabilités et s'abstenir d'intervenir dans ce pays, qui doit retrouver un peu de sérénité. Voilà la position de la France, qui partout défend le droit international plutôt que la guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Nomination du secrétaire général de la Commission européenne

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Chacun connaît la série américaine House of Cards. (Marques d'intérêt sur divers bancs) En Europe, Frank Underwood s'appelle Martin Selmayr. (Sourires) Il vient d'être nommé secrétaire général, le plus haut poste de la Commission européenne. Le problème, c'est qu'il n'en avait pas le droit : il n'a jamais été directeur... Qu'à cela ne tienne ! Il a été nommé, sur proposition de Jean-Claude Juncker aux commissaires, secrétaire général adjoint... pour neuf minutes, le temps, heureuse coïncidence, pour le secrétaire général en titre de démissionner... Le temps pour la seule autre candidate à l'appel d'offres, obligatoire, mais discret, pour le poste de secrétaire général adjoint, sa collaboratrice Clara Martinez, de se retirer... pour occuper aussitôt le poste de chef de cabinet laissé vacant par le départ de M. Selmayr ! (Exclamations, marques de surprise, de doute et d'indignation, sur de nombreux bancs)

Cette nomination résulte d'un coup de force illégal orchestré par M. Juncker. Quel cadeau aux europhobes, à un an des élections européennes ! Désormais, trois des quatre principales directions européennes sont tenues par un Allemand. Le Parlement européen a convoqué en urgence une session houleuse, ayant décidé une enquête ; quant au Conseil européen, représentant les gouvernements européens, il est bien silencieux. Comment la France réagira-t-elle à ce coup de force ? (Applaudissements nourris sur presque tous les bancs)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - (Exclamations) De telles nominations, décidées par le collège des commissaires, relèvent de la compétence stricte de la Commission européenne Ce lundi, le commissaire Oettinger a expliqué devant le Parlement européen que les règles avaient été respectées.

La France n'est donc pas formellement impliquée, tout comme les autres États européens. Elle considère du reste que les recrutements et promotions au sein des institutions européennes doivent répondre à des critères de mérite, de transparence, d'égalité des chances et d'équilibre géographiques. Au-delà, la Commission, comme toutes les institutions européennes, doit faire preuve d'une exemplarité sourcilleuse, indispensable à leur légitimité. (MM. André Gattolin et Jean Bizet applaudissent ; murmures et exclamations sur de nombreux bancs)

Mayotte

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'insécurité grandissante à Mayotte crée une crise sociale sans précédent. Les gouvernements Ayrault et Valls ont été systématiquement interpellés, sans effet. Président de l'association nationale des élus du littoral, j'ai déjà alerté M. Hulot ; en vain.

Ce département a des besoins vitaux non satisfaits : l'accès à l'eau, à l'école, à l'électricité, à l'assainissement, au logement, et surtout à la sécurité.

Les réponses apportées par votre Gouvernement - quelques policiers et gendarmes supplémentaires, un nouvel état-major, une nouvelle conférence sur l'avenir de Mayotte, alors que les assises souhaitées par Emmanuel Macron sur l'outre-mer sont en voie de s'achever- ne sont pas à la hauteur ; elles apparaissent malheureusement techniques, technocratiques, surtout dilatoires alors que les Mahorais attendent des actes et des solutions pour stopper l'explosion des naissances et l'immigration illégale et non, comme ils disent, de telles « sous-mesures ».

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Vous savez que j'ai toujours pensé que les problèmes d'immigration étaient sérieux (Quelques exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) et ils sont au coeur de la crise actuelle...

Mme Éliane Assassi.  - Il n'y a pas que cela ! C'est une crise sociale ! (On approuve sur les bancs du groupe CRCE.)

M. Gérard Collomb, ministre d'État. - ... due à la différence de niveaux de vie entre Mayotte et les Comores, dont l'île d'Anjouan n'est distante que de 70 kilomètres à peine, un écart de un à treize ! On assiste donc à une immigration massive avec une insécurité croissante. La population, les élus, les syndicats se mobilisent. (Exclamations sur divers bancs)

Oui, nous allons apporter des réponses concrètes. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR) J'ai commandé en début d'année un nouveau bateau qui sera livré cet été. En attendant, nous mobilisons un patrouilleur.

À droite.  - Vous nous menez en bateau !

M. Jean-François Rapin.  - Des constats, Monsieur le Ministre, et aucune proposition !

Mesures protectionnistes américaines (I)

M. Michel Laugier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Jeudi dernier M. Trump annonçait des taxes de 25 % sur les importations d'acier, 10 % sur l'aluminium, lançant une guerre commerciale contre le reste du monde. C'est inacceptable. L'Union européenne a réagi annonçant des taxes sur le beurre de cacahuète ou les Harley-Davidson, ce qui est symbolique. Trois jours plus tard, les États-Unis annonçaient des exemptions possibles pour le Canada ou le Mexique. Allons-nous entrer dans ce processus ? Nous ne serons forts qu'en étant unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le système commercial international traverse une période critique. La France regrette profondément ces mesures unilatérales qui auront un impact à travers les droits de douane mais aussi le choc à la baisse sur les prix de l'aluminium et de l'acier.

Ces mesures, non étayées, frappent des pays qui ont fait preuve de responsabilité. Il faut une réponse européenne. Je rencontre demain mon nouvel homologue allemand. Il faut faire comprendre aux États-Unis que la question des surcapacités doit être traitée dans le cadre de l'OMC. Nous devons être forts et unis.

Mesures protectionnistes américaines (II)

M. Richard Yung .  - Le président Trump a déclaré que les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner. Double erreur ! Nous savons d'expérience, nous autres Européens, car l'histoire nous l'a appris, qu'elles ne font que des perdants et débouchent sur le protectionnisme, le nationalisme, et parfois, la guerre.

Mais il est vrai que la surproduction chinoise d'acier dure depuis trop longtemps. Qu'allons-nous faire pour la réduire ? Puis, devons-nous porter ce différend devant l'OMC ?

Les Américains, en refusant de nommer leurs juges à l'autorité de règlement des différends de l'organisation, l'ont privilégiée. M. Trump évoque même la sécurité nationale. Il pense en réalité aux déficits commerciaux, surtout avec l'Allemagne...

M. le président. - Votre question ?

M. Richard Yung.  - Quelles seront les propositions de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je constate avec vous le retrait américain de l'ensemble des forums internationaux, de l'Unesco à l'accord sur le climat, en passant par le HCR, l'organisation des Nations unies pour les réfugiés, mais aussi les accords commerciaux tels que le TTIP ou l'Aléna. Là, nous sommes face à un nouvel acte.

L'Union européenne est le deuxième exportateur concerné par les mesures qui viennent d'être prises, après le Canada. Les surcapacités, elles, sont en Chine - le président de la République l'a souligné avec tonicité avec son homologue chinois.

Que faire ? Nous allons continuer de discuter avec les autorités américaines et agir au niveau européen. Je vous ai dit que je rencontre bientôt mon homologue allemand. Nous ne sommes pas naïfs. Si besoin, nous prendrons des mesures nécessaires de sauvegarde de nos intérêts industriels - au besoin en saisissant d'urgence l'instance de règlement des différends de l'OMC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Privatisation d'Aéroports de Paris

M. Arnaud Bazin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La presse vient de nous apprendre l'intention du Gouvernement de céder les parts de l'État dans plusieurs entreprises, dont Aéroports de Paris, très importante pour le Val-d'Oise, où se situe son vaisseau amiral, Roissy-Charles de Gaulle.

Après la privatisation des sociétés d'autoroutes, comment justifier à nouveau par des calculs de court terme, pour un gain immédiat, de priver pour toujours l'État des dividendes d'ADP ? Ces trois dernières années, ils ont atteint en moyenne 130 millions d'euros, soit la moitié des fonds d'investissements pour l'innovation... Cette cession poserait aussi un problème de sécurité nationale.

Comment garantissez-vous le respect de l'intérêt général et des droits des collectivités territoriales voisines ? Le précédent malheureux de la cession de l'aéroport de Toulouse, voulu par M. Macron, montre qu'il y a de vrais motifs d'inquiétude.

Après la gestion désastreuse du projet de Notre-Dame-des-Landes, pouvez-vous nous assurer que l'État ne sera pas l'otage de ses propres turpitudes envers le groupe Vinci ? Le Sénat s'était opposé à la volonté du Gouvernement de s'endetter pour réaliser le Charles-de-Gaulle Express, projet dans lequel Vinci a de gros intérêts. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - (On s'exclame et l'on invite le ministre à hausser la voix sur divers bancs.) Le Gouvernement souhaite faire évoluer le portefeuille de l'État pour dégager des marges qui seront affectées au financement de l'innovation, en cédant les participations là où la présence de l'État n'est pas nécessaire pour garantir la régulation. Aucune décision n'a été prise.

Le Gouvernement est soucieux de garantir les intérêts des Français. (« Bravo ! » à droite) En cas de privatisation, des mesures de régulation seront prises. Le Gouvernement reste à votre disposition. (Murmures désapprobateurs sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Arnaud Bazin.  - Les sept départements de la région Île-de-France souhaitent être entendus. Nul doute que nous aurons l'occasion de reparler de ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Maladies rares

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs décennies, sous l'impulsion de Simone Veil, la France développe une politique d'excellence dans la prise en charge des maladies dites « rares » : trois millions de nos concitoyens sont touchés par les 6 000 maladies rares recensées.

Deux plans se sont succédé depuis 2005. Les 363 centres de référence, répartis dans 23 filières, bénéficiant de fonds dédiés, ont permis des avancées significatives. Le Gouvernement vient de débloquer une nouvelle enveloppe de 45 millions d'euros pour labelliser de nouveaux centres. Les crédits, fléchés, passent par le budget général des établissements hospitaliers qui hébergent ces centres.

Or ceux-ci captent ces crédits, en toute opacité. Les 23 professeurs de médecine, responsables de filières, ainsi que les principales associations de patients l'ont dénoncé.

Que leur répondez-vous à la veille du troisième plan ? Comment allez-vous remédier à l'opacité dans l'utilisation effective de crédits alloués à une si noble cause ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Trois millions de nos compatriotes sont atteints de 6 000 à 7 000 maladies rares recensées. La France a été le premier pays européen, voire dans le monde, à avoir un plan dédié à ces maladies. Deux plans ont été réalisés et un troisième est en cours d'élaboration. Il y a un soutien constant des pouvoirs publics.

Mon ministère a alloué fin 2017 45 millions d'euros à la labellisation de 27 filières de santé, comportant 387 centres de références et 1 800 centres de compétences avec un budget fléché.

La situation que vous dénoncez concerne un petit nombre de centres. J'ai demandé que l'on me fasse remonter les difficultés au cas par cas. Avec Mme Vidal, nous sommes pleinement mobilisées autour du troisième plan pour 2018-2022, qui assurera aux patients un diagnostic plus rapide, structurera les bases de données pour améliorer la recherche, renforcera le rôle de coordination des filières, rendra les parcours plus lisibles pour les patients et leurs familles, renforcera l'innovation et mettra en place de nouveaux dépistages néonataux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Concessions hydroélectriques

M. Roland Courteau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La Commission européenne exige que la France ouvre ses concessions hydroélectriques à la concurrence. Ce serait stupéfiant : des opérateurs étrangers pourraient en récupérer la gestion, alors que la construction de l'essentiel des barrages a été financée par nos concitoyens. Et sans que la réciproque soit possible !

Puis, l'électricité est un bien primaire, de première nécessité. Les barrages sont des outils nationaux qui touchent à des enjeux de service public, à la gestion d'un bien commun.

Le Gouvernement peut prolonger les concessions contre la réalisation d'investissement sur les ouvrages, comme le prévoit la loi de transition énergétique. Or j'entends dire qu'il se serait engagé sur un calendrier de mise en concurrence de l'eau selon des lots barycentriques, qui empêcherait l'opérateur historique de récupérer l'ensemble des concessions.

Est-ce vrai ? Le Gouvernement se battra-t-il notamment en utilisant la procédure de concession contre travaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Oui, voilà dix ans que la Commission européenne a demandé l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques. Le droit français le prévoit aussi à travers la mise en concurrence pour le renouvellement des concessions échues.

La loi de transition énergétique comporte néanmoins des avancées : elle permet aux collectivités territoriales d'être associées à la concession dans le cadre d'une société économie mixte, et ainsi de bénéficier de ses retombées. Les concessions peuvent être regroupées aussi.

Enfin, un mécanisme de prolongation contre travaux existe, comme vous l'avez mentionné.

Quant au mouvement social, je tiens à vous rassurer : le statut du personnel sera en tout état de cause préservé avec une obligation de reprise de ce personnel par le nouvel exploitant.

Les barrages restent la propriété de l'État pour en garantir la sécurité. Nous défendrons ces avancées à Bruxelles, qui repose sur quatre axes : les regroupements de concessions pour un aménagement cohérent, les possibilités de prolongation, le refus de l'exclusion d'EDF de la mise en concurrence et la limitation de cette mise en concurrence aux concessions échues. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 18 h 10.