Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Application du régime d'asile européen
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Physicien médical et qualifications professionnelles (Nouvelle lecture)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du mardi 30 janvier 2018
Nomination à la commission des affaires européennes
SÉANCE
du jeudi 25 janvier 2018
47e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
Secrétaires : Mme Françoise Gatel, M. Dominique de Legge.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Rappel au Règlement
Mme Nathalie Goulet . - Ce rappel se fonde sur l'article 29 du Règlement intérieur du Sénat. La situation carcérale se dégrade de jour en jour, la sécurité du personnel pénitentiaire est en jeu. Les problèmes se stratifient à force d'avoir mis la poussière sous le tapis. À la surpopulation carcérale s'ajoute l'arrivée de détenus de plus en plus radicalisés. Le chercheur Farhad Khosrokhavar donne l'alerte depuis quinze ans, les rapports se multiplient. Il est temps d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat un débat que nous réclamons depuis longtemps.
M. le président. - Dont acte.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de quatre conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili relatif à l'emploi rémunéré des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État plurinational de Bolivie relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre est adopté.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à l'activité professionnelle salariée des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Équateur sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou relatif à l'activité rémunérée des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre est adopté.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière est adopté définitivement.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à la coopération technique et à l'assistance mutuelle en matière de sécurité civile est adopté définitivement.
Application du régime d'asile européen
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant une bonne application du régime d'asile européen.
Discussion générale
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - À l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann et plusieurs membres du groupe « UDI, Agir et Indépendants », l'Assemblée nationale a adopté le 7 décembre dernier une proposition de loi permettant la bonne application du règlement européen du 26 juin 2013, dit « Dublin ».
Ce texte arrive à un moment opportun car plusieurs décisions de justice ont remis en cause l'organisation et la répartition des demandes d'asile entre États membres de l'Union européenne. Si les demandes d'asile sont orientées à la baisse partout en Europe, la France a connu une augmentation de 17 % des demandes en 2017, après des hausses de 6 % en 2016 et de 23 % en 2015. Et ce, sans compter les 85 000 personnes qui ont fait l'objet d'une décision de non-admission à nos frontières. Outre des ressortissants d'Albanie ou de Guinée, ce sont les flux de rebond, c'est-à-dire les personnes ayant déjà demandé l'asile dans un autre pays européen et venant tenter leur chance dans l'Hexagone, qui alimentent cette hausse. En 2016, ils ne représentaient que 11 % des demandes d'asile. Ce chiffre a plus que triplé en 2017. La proportion atteint même 75 % en Île-de-France ou dans les Hauts-de-France. En Allemagne, 500 000 personnes ont été déboutées de leur demande d'asile ces trois dernières années. Cette tendance devrait se poursuivre.
Face à cette situation, le Gouvernement a accru substantiellement nos capacités d'hébergement. Dans la loi de finances pour 2018, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » a augmenté de 26 % pour porter le nombre de places à 88 000 à l'horizon 2019. Malgré ces efforts, notre système d'accueil est au bord de l'embolie. Des milliers de personnes, dont la prise en charge relève pourtant d'autres États, viennent menacer l'équilibre de tout notre système ; ce n'est pas viable. La législation européenne doit être respectée.
J'ai demandé aux préfets d'appliquer strictement le règlement Dublin, avec des résultats significatifs : le nombre de transferts Dublin a doublé depuis 2016, ce qui a soulagé notre système d'accueil.
Or, depuis quelques mois, ils sont mis en cause par des décisions administratives. Le 15 mars 2017, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie d'une affaire qui concernait la République tchèque, a incité les États membres à définir les critères du « risque non négligeable de fuite » justifiant la possibilité de placement en rétention des personnes sous procédure Dublin. Le 27 septembre 2017, la Cour de cassation a demandé que soit précisé, dans notre droit interne, le risque non négligeable de fuite. Le 19 juillet 2017, le juge des référés du Conseil d'État a estimé qu'on ne pouvait placer en rétention un étranger relevant du règlement Dublin pendant la phase de détermination de l'État responsable de la demande d'asile. L'effet pratique de ces décisions est d'interdire le placement en rétention sans lequel notre politique d'éloignement est inefficace.
Cette proposition de loi est donc bienvenue. Le placement en rétention pourra être décidé afin de prévenir un risque non négligeable de fuite sur la base d'une évaluation individuelle prenant en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé à condition que le placement en rétention soit proportionnel et que l'assignation à résidence ne puisse pas être effectivement appliquée. Très opportunément, les députés ont précisé que la circonstance tirée de ce que l'étranger ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ne peut suffire, à elle seule, à établir une dissimulation. De même, ils ont prévu qu'un décret précisera les modalités de prise en compte de la vulnérabilité des « dublinés » et, le cas échéant, de leurs besoins particuliers. Autre garantie ajoutée à l'Assemblée nationale, l'étranger ne pourra être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile et, le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert.
Votre commission des lois a apporté des compléments à cette proposition de loi, dont je comprends l'intention, même si certains paraissent éloignés de l'objet de la proposition de loi ou d'une efficacité relative. Le refus de se soumettre à un relevé d'empreintes digitales dépasse la question des étrangers soumis au règlement Dublin. Il constitue un délit passible d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Cette peine étant peu appliquée, le Gouvernement proposera, dans le cadre du projet de loi « Asile et Immigration » en cours d'examen au Conseil d'État, une peine d'interdiction du territoire français dans ce cas.
Point sensible, votre commission a réduit le délai de recours contre la décision de transfert au titre de Dublin de quinze à sept jours, en se fondant sur le projet de refonte du règlement Dublin discuté à la Commission européenne. Le Gouvernement comprend votre souci d'efficacité.
Porter de quatre à six jours la durée de validité des ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant des visites domiciliaires chez les étrangers assignés à résidence renforcera la loi du 7 mars 2016 bien que la question ne soit pas directement liée à l'application du règlement Dublin.
Enfin, le nouvel article 3, que votre commission des lois a introduit, comble un vide juridique créé par la décision du 30 novembre 2017 du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité. Sans cela, à compter du 30 juin 2018, il n'aurait plus été possible d'assigner à résidence, sans limitation dans le temps, des étrangers ayant été condamnés à la peine d'interdiction du territoire français, dont l'éloignement est impossible. Le Gouvernement ne s'oppose pas à ces ajouts, même si certaines questions relèvent plutôt du projet de loi « Asile et Immigration ».
Il est urgent de retrouver un cadre juridique adapté pour procéder au transfert des étrangers déboutés du droit d'asile, c'est une préoccupation majeure dans le contexte migratoire que nous connaissons. Aussi le Gouvernement invite-t-il le Sénat à adopter le texte de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois . - Disons d'emblée que la commission des lois a voulu engager un travail compréhensif par rapport au texte de l'Assemblée nationale ; les compléments que nous y avons apportés sont en lien direct avec son objet.
L'adoption de ce texte est effectivement urgente. Pascal Brice déclare que l'Ofpra, qu'il dirige, « subit de plein fouet les failles du système européen d'asile ». Ce texte court vise à résoudre un problème ponctuel : l'impossibilité de placer en rétention et de transférer les étrangers dont la demande d'asile relève d'un autre pays européen en application du règlement Dublin. Lequel, dans sa dernière version de 2013, s'applique dans 32 pays. Son ambition est de coordonner les politiques d'asile et de lutter contre une forme de shopping à l'État le plus favorable. Deux critères prédominent : l'État responsable est celui où la première demande d'asile a été déposée ou celui dont le demandeur a franchi irrégulièrement la frontière. Concrètement, il fonctionne à partir des prises d'empreintes digitales des demandeurs, enregistrées dans la base de données Eurodac. Le règlement prévoit les modalités de transfert des étrangers « dublinés » vers l'État responsable du traitement de la demande. S'il n'a pas lieu dans un certain délai, généralement six mois, l'État d'accueil devient responsable. En France, en 2016, près de 26 000 procédures « Dublin » ont été engagées, soit une multiplication par cinq par rapport à 2014. Le taux de transferts exécutés est dérisoire, 9 %, preuve que le système est à bout de souffle.
Il ne peut fonctionner avec de tels flux : en 2017, le nombre de demandes d'asile déposées en France a augmenté de 17 % par rapport à 2016 et de 90 % par rapport à 2010. Dans tous les États « Dublin », on connaît des difficultés. Le manque de solidarité entre États membres explique cet échec alors que la Grèce, l'Italie, la Bulgarie et la Roumanie sont plus exposées, de même que le refus de relevé d'empreintes digitales qui a atteint 62 % des personnes dans le Calaisis entre le 1er janvier et le 18 septembre 2017.
Avons-nous mal anticipé les choses ? Pas de rétention avant la décision de transfert, selon le Conseil d'État en juillet 2017. Pas après non plus, selon la CJUE en mars 2017, si l'État n'a pas défini le « risque non négligeable de fuite » - une décision dont la Cour de cassation a tiré les conséquences le 27 septembre 2017.
Cette proposition de loi sécurise le placement en rétention des « dublinés » qui pourra intervenir, dans certains cas, sans attendre la notification de la décision de transfert. Elle simplifie également le régime d'assignation à résidence des « dublinés » et garantit leur droit à l'information.
Après s'être rendue au centre de rétention de Lesquin qui connaît des difficultés aiguës, votre commission des lois a choisi d'enrichir ce texte. D'abord, pour lutter contre le refus de la prise d'empreintes digitales. Ensuite, pour accélérer les procédures, nous avons réduit le délai de recours en cas de décision de transfert. Enfin, nous avons facilité les visites domiciliaires en cas d'assignation à résidence.
En outre, et sans offenser personne, nous ne pouvons pas être certains que le projet de loi « Asile et Immigration » sera adopté en juin 2018. C'est pourquoi nous avons, sans attendre, sécurisé les assignations à résidence des étrangers interdits de territoire, dont le régime a été fragilisé fin 2017 par une décision du Conseil constitutionnel. Je rappelle que certains d'entre eux ont été condamnés pour des actes de terrorisme.
Nous aurons bientôt à débattre d'un texte plus large sur l'immigration, que le Sénat souhaite ambitieux. La France doit également redoubler d'efforts pour faire aboutir la réforme de l'asile européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le Préambule de la Constitution de 1946, héritage de la Révolution française de 1789, prévoit que « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Cela implique que nous devons non seulement prévoir des procédures d'admission conformes à l'État de droit mais aussi accueillir dignement ceux qui demandent l'asile en leur fournissant une allocation financière, un logement, l'accès aux soins et à l'éducation pour leurs enfants. Le budget 2018 prévoit d'ailleurs une augmentation des crédits de la politique d'asile. Le président de la République lui-même a insisté, à Calais, sur l'idée qu'il fallait garantir le principe de dignité de la personne tout en préservant l'ordre public.
Alors que l'heure est aux surenchères médiatiques, les députés constructifs ont déposé une proposition de loi très circonscrite pour satisfaire aux exigences de la CJUE. Toute la question est de savoir s'il faut élargir la possibilité de placer en rétention administrative des « dublinés » avant la notification de leur décision de transfert. Certains obtiendront finalement l'asile dans un autre État, tous ne feront pas forcément l'objet d'un transfert. Cela nous invite à réfléchir sur l'importance que nous accordons au principe de dignité humaine. Le Conseil d'État avait été agité, il y a plusieurs années, par un débat semblable entre dignité de la personne et ordre public. Assurons-nous que ce dernier n'est pas réduit à sa définition la plus restrictive et protégeons les plus vulnérables, à commencer par les enfants.
L'effectivité du droit au recours, préoccupation classique en droit, doit être aussi garantie. Quels critères doivent être utilisés pour définir le risque non négligeable de fuite ? Difficile de le savoir en l'absence d'étude d'impact.
À ce titre, la plupart des membres du groupe RDSE regrettent que ces mesures ne soient pas discutées en même temps que le reste du projet de loi à venir. Les nouveaux contours du règlement Dublin sont en train d'être redessinés ; nous défendons un système plus coopératif, prévoyant des compensations financières des États membres envers ceux qui sont plus accueillants. Tenons davantage compte des liens effectifs entre le demandeur d'asile et l'État membre qui l'accueille. Si nous soutenons le Gouvernement dans les négociations européennes, notre vote sur ce texte dépendra du sort fait aux amendements défendus par Josiane Costes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Arnaud de Belenet . - L'Assemblée nationale a adopté un texte équilibré répondant aux décisions de la CJUE et de la Cour de cassation : il garantit l'efficacité de notre politique d'éloignement tout en préservant les droits fondamentaux des demandeurs d'asile. Grâce aux députés du groupe La République en marche, ont été introduites dans le texte les notions d'individualisation, de proportionnalité, de vulnérabilité ainsi qu'une obligation d'information.
Notre commission des lois a introduit un douzième critère de risque non négligeable de fuite, le refus du relevé d'empreintes digitales, réduit le délai de recours contre une décision de transfert, facilité les visites domiciliaires et sécurisé les assignations à résidence.
Quoique technique, ce texte revêt une dimension plus politique à l'approche de l'examen du projet de loi « Asile et Immigration ». La crise migratoire est le phénomène de ce siècle et, pour une grande partie, la conséquence de guerres ratées de l'Occident. L'Europe, dont la France, a failli en n'accueillant pas les réfugiés même si l'on ne peut pas accueillir « toute la misère du monde ».
Les images de la jungle à Calais et de Lampedusa ainsi que l'agression de Cologne font le jeu de l'extrême droite dont on connaît les succès électoraux en Autriche, en Allemagne mais aussi en France. Au-delà des incantations, ayons une politique d'éloignement efficace tout en répondant clairement « oui » à ceux qui ont besoin de l'asile.
Le groupe LaREM approuvera ce texte.
M. Julien Bargeton. - Très bien.
Mme Esther Benbassa . - Le titre de ce texte est trompeur ; il aurait été plus juste de l'intituler proposition de loi visant à la banalisation de l'enfermement des étrangers et restreignant un peu plus le droit d'asile. Son but est d'augmenter le nombre de placements en rétention et, donc, de reconduites à la frontière.
Retour à la politique du chiffre, donc, et au tout répressif.
Dois-je répéter ce que les défenseurs des droits rappellent depuis des mois ? La gestion répressive des migrations et le non-respect du droit d'asile ne donnent jamais les résultats qu'on en attend.
Les associations, avocats, magistrats, citoyens mentent-ils sous l'influence de groupuscule d'extrême gauche en dénonçant un « tournant politique déplorable », selon les mots de Jacques Toubon - encore un gauchiste ?
Le sujet est grave : il s'agit de priver de liberté des demandeurs d'asile. C'est une régression d'une ampleur sans précédent, dit le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade). On n'enferme pas à titre préventif !
Tout dans cette proposition de loi heurte les principes fondamentaux du droit. Les demandeurs d'asile sont en situation régulière ; sans ciller, on veut les priver de liberté. C'est contraire à nos valeurs et à la Constitution.
« Humanité et fermeté » : voilà le nouveau slogan du président de la République, repris à l'envi. Sur la fermeté, la promesse est tenue ; mais pour l'humanité, on attend les preuves ! La France a été condamnée six fois par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour l'enfermement de familles avec des enfants mineurs.
Le groupe CRCE s'opposera fermement à cette proposition de loi inique et à cette politique migratoire dont partout ils ont constaté les dégâts.
Des personnalités pourtant proches du président de la République ont écrit qu'elles ne se résignaient pas à vivre dans un monde où, à Calais, on arrache leur couverture aux migrants, où, dans les Alpes, on les laisse mourir dans la neige, où des gens persécutés en Érythrée, au Soudan, en Syrie, en Libye, terrorisés en Méditerranée, sont ensuite privés de liberté en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Philippe Bonnecarrère . - Le droit d'asile est le miroir des crises migratoires.
64 millions de réfugiés dans le monde ; plus de 100 000 demandes d'asile en France. Ce mouvement de masse interroge les notions d'État-nation et de citoyenneté, il pose des questions éthiques et philosophiques perturbantes.
Le droit d'asile est reconnu par nos engagements internationaux, d'abord dans la convention de Genève, nous l'avons placé dans notre Constitution ; le Sénat défendra toujours les droits fondamentaux et la tradition républicaine.
Ce texte est une première étape d'une réforme de grande ampleur, il tire les conséquences de décisions de justice et des insuffisances de la loi de 2015.
Le groupe UC soutient la proposition de loi, mais cela ne nous empêche pas d'exprimer une réserve : je ne crois pas à l'efficacité d'une législation française du droit d'asile. L'enjeu est européen, il relève de « l'européanisation de la souveraineté » évoquée par le président Macron à la Sorbonne.
Le vrai problème est le blocage des négociations européennes sur le règlement Dublin III.
Il n'y a pas de droit européen de l'asile, car la Commission européenne n'est pas compétente : les traités européens confient l'asile aux seuls États membres. Les traités qui définissent des règles en la matière, comme Schengen ou Tampere, sont multilatéraux : c'est décevant pour les Européens convaincus que nous sommes, mais c'est la réalité. Même des pays traditionnellement proches de nous ne sont pas prêts à renoncer à leur propre dispositif. La reconnaissance mutuelle des décisions n'est pas, aujourd'hui, envisageable.
Techniquement, cette proposition de loi répond aux enjeux : précision des critères de mise en rétention pendant la période de demande avec une limitation dans le temps - ce qui répond à l'arrêt du Conseil d'État - ; meilleur contrôle de l'assignation à résidence pour éviter le recours à la rétention - ce qui répond à la décision du Conseil constitutionnel - et enfin, définition plus objective du risque de fuite, pour la rétention avant transfert effectif vers le pays responsable au titre de Dublin - ce qui répond à la jurisprudence de la Cour de cassation de la CJUE.
Ces dispositions ne vont pas contre la jurisprudence, elles la complètent en comblant les lacunes de notre législation qui ont motivé les décisions juridictionnelles.
Le groupe UC approuve le texte proposé, mais le sujet reste ouvert, au plan européen comme français. Abordons-le sans moraliser mais en prenant en compte les réalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio et M. Arnaud de Belenet applaudissent.)
M. Jean-Yves Leconte . - Monsieur le Ministre, vous êtes assurément membre d'un gouvernement de rupture, qui prévoit l'enfermement de migrants réguliers, dont des mineurs, sans décision d'éloignement ! Sylvie Goulard, sur son blog, dit que cette situation donne raison à Robert Badinter lorsqu'il affirmait que la France n'était peut-être pas la patrie des droits de l'homme, mais seulement celle de la Déclaration des droits de l'homme...
Sur la méthode, le recours à une proposition de loi - plutôt qu'au projet de loi pourtant imminent - présente deux avantages : pas d'étude d'impact, pas de passage devant le Conseil d'État.
Les éloignés reviennent, c'est bien connu ; un demandeur expulsé de Strasbourg à Kehl se représente, il est de nouveau expulsé : il compte alors pour deux expulsions - à quoi cela servira-t-il, sinon à gonfler les chiffres, sinon à la politique du chiffre que mène le Gouvernement ? Les agents de la police aux frontières témoignent des nombreux retours des éloignés. Les centres de rétention administrative sont surchargés, ils le seront encore plus. Monsieur le Ministre, les agents de la police aux frontières n'ont-ils pas mieux à faire, ne pouvez-vous pas leur donner des objectifs plus efficaces et plus dignes ?
Pas de passage devant le Conseil d'État, donc pas d'analyse de la constitutionnalité de ces privations de liberté abusives, de ces entorses au droit d'asile. Les recours se multiplieront.
M. Warsmann, devant la commission des lois, a déclaré vouloir faire fonctionner le système actuel. Or Dublin III ne peut fonctionner ; ce règlement a été conçu pour empêcher le dépôt de plusieurs demandes d'asile. Il fonctionnait tant qu'il y avait moins de 300 000 demandeurs d'asile par an, ce qui était vrai jusqu'en 2014. En 2015, il y a 1,4 million de demandeurs d'asile, 1,2 million en 2016. Avec 500 millions d'habitants, l'Europe n'arrive pas à accueillir ces personnes.
Face au Liban, la Turquie, la Jordanie, l'Europe fait preuve d'un manque de résilience et pâtit de la comparaison.
Le premier devoir des femmes et hommes politiques est de construire cette résilience. Entre 2014 et 2017, le nombre de « dublinés » a été multiplié par sept.
Ceux qui arrivent par l'Italie, et qui n'ont pas été « dublinés », on se propose ici de les débouter de leur demande alors même qu'ils n'ont pas fait de demande d'asile en Italie !
Notre pays se retranche ainsi derrière une position moins exposée que la Grèce, l'Italie, l'Espagne, pour réaffirmer les principes inefficaces de Dublin. Ce faisant, nous rompons la solidarité entre États européens, au risque de détruire le système Schengen.
La Grèce et l'Italie doivent-elles porter seules, toutes les demandes d'asile ? Schengen est le problème et la solution, arrêtons de nous renvoyer les responsabilités !
Faisons converger les systèmes d'asile, avec une agence européenne de l'asile, et un système humanisé de recours.
Enfin, Monsieur le Ministre, demandez aux préfets d'assurer que les réfugiés qui font une première demande en France soient correctement traités.
Se battre pour l'attractivité de la France, c'est bien, mais il faut en assumer les conséquences : si l'on demande toujours plus l'asile en France, c'est que nous sommes attractifs. Ne nous dérobons pas. Votre ville, Lyon, ne serait pas ce qu'elle est sans ses réfugiés arméniens.
Vous avez un rôle pédagogique, Monsieur le Ministre, pour améliorer la résilience de l'opinion publique.
En attendant, le groupe SOCR est totalement contre cette proposition de loi inutile et inique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Alain Marc . - Le régime d'asile repose sur la compétence d'un seul État pour la demande d'asile, avec huit critères hiérarchisés. Vingt-six mille procédures Dublin ont été engagées en France en 2016, cinq fois plus qu'en 2014.
Le gros des demandes pèse sur un petit nombre d'États - Italie, Grèce, Hongrie, Bulgarie, Roumanie - qui développent des stratégies d'évitement pour éviter d'être surchargés : seulement 23 % des franchissements irréguliers font l'objet d'un relevé d'empreintes.
Après une décision de transfert, l'étranger peut être assigné à résidence et placé en rétention avec des critères stricts.
Un arrêt de la CJUE de mars 2017 a exigé des critères objectifs pour établir le risque non négligeable de fuite, lequel justifie la détention. La Cour de cassation l'a suivie. De ce fait, les préfectures n'ont plus les moyens de placer en rétention, même quand il y a autorisation de transfert.
Ce texte ne réforme pas le droit d'asile mais sécurise juridiquement le placement en rétention. Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi pertinente et justifiée. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM.)
M. André Reichardt . - Nécessité fait loi. Cet adage latin est très bien illustré par cette proposition de loi.
L'autorité administrative ne peut plus placer en rétention les demandeurs d'asile « dublinés », ce texte y remédie. Le règlement Dublin III est une pierre angulaire de la politique européenne d'asile. Il faut le faire évoluer. Assumons un système d'éloignement effectif des ressortissants étrangers dont les démarches ont échoué, pour conserver le principe d'accueil des réfugiés politiques.
Il nous faut changer de paradigme, avec un système d'instruction efficace, un dispositif de renvoi réel : c'est nécessaire pour sauvegarder notre politique d'asile. C'est pourquoi nous attendons votre projet de loi, Monsieur le Ministre.
Les circulaires Valls de 2012, qui ont augmenté les régularisations de près de 32 % en quatre ans, sont toujours en vigueur. Notre politique d'intégration est en souffrance. Le contrat d'intégration républicaine est en panne. Le budget 2018 des reconduites à la frontière ne sera pas mis en oeuvre. Les crédits d'éloignement ne permettront que 14 500 éloignements forcés cette année, contre 15 161 en 2014 et 15 485 en 2015. Leur exécution est trop faible : - de 18 % de taux d'exécution en 2016, donc 75 500 maintiens sur le territoire, dont 53 600 déboutés du droit d'asile... Les moyens humains et financiers sont insuffisants, les centres de rétention administrative sous-budgétisés.
La proposition de loi permet une rétention avant la décision de transfert. Nous sommes satisfaits que le refus de donner ses empreintes ou le fait de les altérer volontairement soit retenu comme un critère caractérisant le risque de fuite. Je me satisfais également que tout élément dissimulé dans la narration du parcours migratoire soit pris en compte dans la décision de possible mise en rétention.
Il est impératif de redéfinir le régime d'assignation à résidence des personnes faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire.
Émigrer est toujours une souffrance, mais la France doit faire appliquer le règlement de Dublin.
Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Di Folco et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
M. Dany Wattebled . - Dublin III est la pierre angulaire de la politique européenne d'asile. Il s'applique aux 28 pays de l'Union européenne ainsi qu'à l'Islande, la Norvège, le Lichtenstein et la Suisse, qui sont membres de l'espace Schengen.
La France s'efforce d'assurer l'efficacité des transferts dans le cadre de Dublin, mais de récentes décisions de justice l'en empêchent en raison de l'imprécision de critère du risque non négligeable de fuite justifiant le placement en rétention. Les préfectures sont démunies.
Cette proposition de loi fixe un cadre clair, renforce l'efficacité de la lutte contre le refus de prise d'empreintes notamment. Le groupe Les Indépendants soutient ce texte équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
La discussion générale est close.
La séance est suspendue à 11 h 55.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Sylvie Robert . - Je veux dénoncer la situation extrêmement délicate des centres de rétention administrative. Cette proposition de loi porte atteinte aux droits et libertés individuelles.
Les centres de rétention administrative sont surchargés - j'ai pu le constater sur place dans mon département. Depuis octobre, l'afflux de personnes met les équipes en difficulté. Le juge des libertés et de la détention libérant au bout de 48 heures, il y a un va-et-vient permanent.
Cette proposition de loi ne ferait qu'aggraver la situation, vu le manque de moyens et d'effectifs dont ils souffrent déjà, et portera atteinte à la dignité des personnes accueillies.
Mme le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet article est essentiel. Grâce au groupe RDSE, nous disposons de précisions techniques.
Le règlement de Dublin ne fonctionne pas et conduit à une rupture avec l'État de droit. Voulons-nous vraiment enfermer des personnes au seul motif qu'elles sont susceptibles d'en relever ? Si nous voulons une politique d'asile européenne, nous nous devons d'être exemplaires.
Mme le président. - Amendement identique n°26, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. - Nous sommes en désaccord avec l'esprit et la lettre de cette proposition de loi. Pourquoi ce texte, quelques mois avant le projet de loi sur l'asile et l'immigration, sans avis du Conseil d'État ni étude d'impact ? Son dispositif viole l'article 5 de la Convention internationale des droits de l'homme. Selon Amnesty International, il cherche à sauver le règlement de Dublin, inéquitable et inefficace, en portant atteinte au droit d'asile et au respect de nos obligations internationales. Pouvons-nous placer en rétention des personnes dont les empreintes figurent dans le fichier Eurodac avant même que leur demande d'asile ait été enregistrée ? Les ONG, les associations mais aussi le Défenseur des droits dénoncent ces dérives.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à ces deux amendements qui empêcheraient la France de faire respecter les accords de Dublin III. Le texte apporte une réponse à un problème urgent tout en rappelant ou renforçant les garanties pour ceux qui bénéficient du statut de Dublin.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. Une refonte du droit d'asile au niveau européen s'impose, mais le paquet Asile ne sera pas adopté immédiatement. Nous ne pouvons nous interdire unilatéralement d'éloigner les personnes déboutées du droit d'asile dans d'autres États membres. En Europe, 500 000 personnes ont été déboutées du droit d'asile. Si elles venaient toutes en France et que nous ne pouvions pas les éloigner, cela serait catastrophique.
Que Mme Robert se rassure : nous ouvrirons deux cents places en centre de rétention administrative d'ici la fin du mois, et deux cents places supplémentaires avant la fin de l'année.
M. Jean-Yves Leconte. - Vos arguments sont audibles dans le cas d'un demandeur d'asile débouté en Allemagne par exemple. Pas pour un demandeur d'asile enregistré en Italie ou en Grèce, demain en Espagne, simplement parce que c'est là qu'ils sont entrés sur le territoire de l'Union. Frontex est désormais pleinement opérationnel. Si nous voulons une politique de l'asile solidaire, il faut sortir de ces postures profondément anti-européennes.
À la demande de la commission des lois, les amendements identiques nos1 rectifié bis et 26 sont mis aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°56 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Pour l'adoption | 93 |
Contre | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mme Costes, M. A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde.
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
intéressé
insérer les mots :
tel qu'établi au deuxième alinéa de l'article L. 744-6 du même code
Mme Josiane Costes. - Aucune définition de la vulnérabilité à l'article premier, ce qui laisse une large marge d'appréciation à l'administration. L'article L. 744-6 du Ceseda vise « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines ». Ces mêmes critères devraient être pris en compte au moment de la décision de placement en rétention.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable car l'amendement, dont nous partageons l'objectif, crée un risque de confusion. L'article 744-6 du Ceseda concerne la vulnérabilité de personnes sur leur lieu d'hébergement et non dans le centre de rétention administrative. Les risques encourus ne sont pas les mêmes. Pour la rétention, l'article pertinent du Ceseda est l'article L. 553-6, enrichi par l'alinéa 21 de l'article premier de la proposition de loi.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°19 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Requier, Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville.
Alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
proportionnel
par le mot :
proportionné
Mme Josiane Costes. - Amendement rédactionnel.
L'amendement n°4 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 4, seconde phrase
Après le mot :
établi
insérer les mots :
dès la notification de la décision de transfert et
Mme Josiane Costes. - Cet amendement empêche le placement en rétention d'un demandeur d'asile sans la certitude qu'il fera l'objet d'une procédure de transfert. Avec le texte de l'Assemblée nationale, on risque de placer en rétention des personnes éligibles à une protection internationale. Difficile d'évaluer le nombre de « dublinés » susceptibles d'être enfermés - or les centres de rétention manquent de places. Quand les États responsables ne sont pas coopératifs, la rétention peut durer.
Je ne sous-estime pas les difficultés auxquelles font face les forces de l'ordre, mais je crains que cette possibilité de rétention encore plus précoce ne favorise la clandestinité. On ne peut se contenter d'une politique au doigt mouillé.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le Conseil d'État a considéré dans son avis du 19 juillet 2017 qu'un migrant sous statut de Dublin ne pouvait être placé en rétention avant la notification de la décision de transfert. Le Gouvernement veut l'autoriser pour prévenir le risque de fuite. Pour autant, la détention ne dépassera pas 45 jours, et le texte a pour effet de réduire les délais de traitement de la demande.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable : la proposition de loi ne fait que mettre en oeuvre l'article 28 du règlement de Dublin.
M. Jean-Yves Leconte. - C'est le coeur du sujet : revenir à la situation antérieure ou l'aggraver en enfermant des personnes avant toute décision de fond. Nous savons qu'il y a des États défaillants vers lesquels nous ne pouvons pas renvoyer l'étranger : faut-il pour cela le priver de liberté ? La renégociation des accords de Dublin tient au fait qu'ils ne fonctionnent pas. Pourquoi alors s'acharner ? C'est inutile et indigne. Mieux vaut tenir compte de la réalité.
Mme Nathalie Goulet. - Pouvons-nous cesser de parler de « dublinés » ? Il s'agit de demandeurs d'asile, d'individus. Un peu de respect ! Je ne voterai pas cet amendement - mais arrêtons de « dubliner » dans cet hémicycle !
M. Jean-Yves Leconte. - Et surtout en France !
Mme Esther Benbassa. - Ce n'est pas nous qui avons inventé le terme ! Le groupe CRCE soutient cet amendement.
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Guérini et Gold, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville.
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« b) Si l'étranger, débouté de sa demande d'asile, n'a pas épuisé ses voies de recours devant les juridictions de l'État membre responsable ;
Mme Josiane Costes. - En France, 17 % des décisions de refus d'octroi d'une protection ont été annulées par la CNDA en 2017. Le risque de fuite s'accroît quand l'espoir de voir accepter la demande diminue. Tel n'est pas le cas des personnes ayant introduit un recours contre une décision de refus.
Cet amendement protège également l'autorité de la chose jugée.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement interdirait le placement en rétention en France d'un migrant sous statut de Dublin débouté du droit d'asile ou n'ayant pas épuisé ses voies de recours.
Un demandeur d'asile qui a déposé sa demande en Allemagne doit y rester, même s'il a été débouté une première fois. En se rendant en France, il se met dans l'illégalité : il y a bien un risque non négligeable de fuite. De plus, la disposition ne prive pas l'étranger de recours.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. L'épuisement des voies de recours n'a aucun lien avec la définition du risque non négligeable de fuite. Cela relève de la directive Procédure et n'a pas d'effet sur l'application du règlement de Dublin.
M. Jean-Yves Leconte. - Sous prétexte que l'on a été débouté dans un État, cela serait constitutif du risque de fuite ? Cet alinéa est étonnant. Nous soutenons l'amendement.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville.
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
Mme Josiane Costes. - La liste des critères constituant le risque non négligeable de fuite a été étoffée à l'Assemblée nationale : y figure le fait de s'être soustrait à des mesures d'éloignement de droit commun. Il serait plus efficace de ne pas multiplier les fondements d'expulsion, pour ne pas disperser l'action du Gouvernement. Les actes administratifs inutiles ne doivent pas affaiblir les actes administratifs nécessaires, pour paraphraser Montesquieu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Un migrant sous statut de Dublin qui s'est soustrait à l'application d'une mesure d'éloignement ne doit pas pouvoir déposer une nouvelle demande d'asile. Cet amendement rend impossible leur placement en détention. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. Une telle attitude démontre un risque réel de fuite et justifie le placement en rétention.
L'amendement n°8 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 10
Remplacer les mots :
maintenir sur le territoire français
par les mots :
soustraire à la détermination de l'État responsable de sa demande d'asile
Mme Josiane Costes. - Il s'agit de mieux distinguer les mesures d'éloignement des migrants économiques de celles relatives aux demandeurs d'asile.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Nous préférons la rédaction de la commission des lois, qui permet d'agir contre des personnes qui ont recours à plusieurs procédures dilatoires pour éviter leur transfert ou leur éloignement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°10 rectifié est retiré
Mme le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 11
Après le mot :
étranger
insérer les mots :
, dont il est établi qu'il n'est pas victime d'un réseau de traite des êtres humains,
Mme Josiane Costes. - L'article 744-6 du Ceseda fait expressément référence à la traite des êtres humains. Cet article impose à l'administration de prendre en compte cette réalité, dès le début de la procédure. La lutte contre la traite des êtres humains doit être notre priorité. Car les réseaux encouragent la mobilité illégale des demandeurs dans l'Union européenne, en distillant des informations erronées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait. L'objectif est louable, mais la loi satisfait ses intentions. Elle impose de prendre en compte la vulnérabilité des migrants avant ou pendant la rétention.
L'article 2-316-1 du Ceseda permet d'octroyer un titre de séjour à des personnes portant plainte pour traite. Ce titre de séjour est automatiquement renouvelé pendant toute la durée de la procédure pénale. Le code pénal réprime sévèrement la traite des êtres humains : jusqu'à vingt ans de prison et 3 millions d'euros d'amende. Retrait ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Le Gouvernement lutte avec fermeté contre les réseaux de passeurs. Cette année, 300 ont été démantelés, dont 50 étaient d'envergure internationale. L'imagination des passeurs est infinie et souvent cruelle. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°9 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
Mme Josiane Costes. - Cet amendement souligne l'absurdité d'une disposition qui rendra nécessaire la création de nouvelles places en centre de rétention administrative plutôt que des places d'hébergement.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Vous supprimez un critère adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Sous l'influence de M. Mézard, l'hébergement d'urgence est passé de 128 000 à 143 000 places en un an. Depuis 2012, le nombre de places a doublé. Avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Ne pas avoir d'hébergement est-il constitutif d'un risque de fuite ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Oui !
M. Jean-Yves Leconte. - À l'évidence, non. Je soutiens cet amendement.
M. Alain Richard. - Le précédent orateur n'a manifestement pas une vision complète de la réalité.
Mme Éliane Assassi. - C'est déplaisant !
M. Alain Richard. - La prise en charge lors de l'entrée sur le territoire français commence par une offre d'hébergement. Si la personne s'y soustrait, c'est pour ne pas être détectable : ce qui est bien représentatif d'un risque de fuite effectif.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« g) Si l'étranger, dont il est établi qu'il n'est pas la victime d'un réseau de traite des êtres humains a refusé le lieu d'hébergement proposé en application de l'article L. 744-7 et ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente, ou si l'étranger qui a accepté le lieu d'hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;
Mme Josiane Costes. - Comme l'amendement n°9 rectifié, celui-ci prend en compte l'exposition de certains demandeurs d'asile aux réseaux criminels : s'ils disparaissent, c'est parfois pour leur échapper plus que pour se soustraire à une décision de transfert.
Mme le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 13
Remplacer les mots :
sans qu'il ne justifie d'un motif légitime
par les mots :
sans motif légitime
Mme Josiane Costes. - Amendement rédactionnel.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°25 rectifié ; favorable à l'amendement n°13 rectifié qui prend mieux en compte les motifs légitimes justifiant qu'un demandeur d'asile ait quitté son logement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°25 rectifié est retiré.
M. Jean-Yves Leconte. - Selon M. Richard, j'aurais une vision incomplète de la réalité. Le délai pour obtenir un rendez-vous en préfecture est-il conforme au droit européen ?
M. Alain Richard. - Pendant ce temps, l'hébergement se poursuit.
Mme le président. - Votre explication de vote doit porter sur l'amendement.
M. Jean-Yves Leconte. - M. Richard a une vision idyllique des choses. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
L'amendement n°13 rectifié est adopté.
Mme le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Requier et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville.
Alinéa 14
Remplacer les mots :
sans qu'il ne justifie d'un motif légitime
par les mots :
sans motif légitime
Mme Josiane Costes. - Amendement rédactionnel.
L'amendement n°7 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville.
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
Mme Josiane Costes. - Il s'agit de mieux distinguer les procédures applicables aux étrangers de droit commun de celles applicables aux demandeurs d'asile.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable, vous supprimez un critère de placement en rétention.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Le non-respect des obligations d'assignation à résidence est caractéristique d'une volonté de fuite. Avis défavorable.
L'amendement n°24 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Costes, M. A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde.
Alinéa 16
Après le mot :
explicitement
insérer les mots :
et spontanément
Mme Josiane Costes. - Amendement de précision.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. « Spontanément », c'est assez flou...
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. Il serait étonnant qu'un demandeur d'asile déclare « spontanément » son intention de ne pas respecter le règlement de Dublin. (M. Philippe Dallier s'amuse.)
L'amendement n°14 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° bis BA La première phrase de l'avant-dernier alinéa dudit article L. 551-1 est ainsi rédigée : « Dans les cas énumérés au présent III, la durée du placement en rétention est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l'organisation du départ, et ne peut être supérieure à vingt-quatre heures, sauf cas prévus au 3°. » ;
Mme Josiane Costes. - Entre 2014 et 2015, le nombre de mineurs placés en rétention administrative est passé de 45 à 105. Les centres de rétention administrative hébergent des individus aux parcours très variés. La police aux frontières n'est pas formée à l'accueil de si jeunes publics et de familles. Comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l'a montré, priver de liberté des personnes qui ne sont pas des délinquants, parfois des enfants, fait peser sur les agents un poids psychologique réel, d'autant que les fonctionnaires se retrouvent en environnement clos, aliénant leur propre liberté.
Limitons au maximum le placement en rétention des mineurs.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable : la loi de 2016 a fait de la rétention de personnes accompagnées de mineurs une mesure exceptionnelle. Le texte garantit que l'intérêt supérieur de l'enfant est toujours pris en considération. La durée de rétention doit être la plus brève possible, sous le contrôle du juge. Nous y reviendrons dans le projet de loi à venir.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. L'article L.561-2 limite la détention au « temps strictement nécessaire » à la détermination de l'État responsable. Merci de vous préoccuper du bien-être des policiers neurasthéniques. Nous allons justement créer des postes dans la police aux frontières pour mieux assumer ces tâches.
M. David Assouline. - Vendredi, j'ai visité deux centres de rétention, à Vincennes et au Mesnil-Amelot. Je suis tombé sur une personne dont le médecin avait constaté que son état psychologique ne lui permettait pas de rester, et qui faisait peur à tout le monde. Elle était là depuis quinze jours ! Deux autres personnes retenues avaient grandi et fait famille en France ; un autre avait été attrapé à la veille d'une opération de la hernie. Le tout dans une promiscuité incroyable...
C'est dans ces centres que l'on peut rester 45 jours et bientôt 90 jours ! Les « dublinés » arrivés à 18 heures sont mis dans un avion le lendemain matin, à la faveur de la nuit, en toute illégalité. Bref, l'accueil n'est pas digne.
L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°22 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde.
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du même article L. 551-1 est ainsi rédigée : « Le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur n'est possible que dans un lieu habilité à recevoir des familles par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. » ;
Mme Josiane Costes. - Cet amendement permet au contrôleur général des lieux de privation de liberté d'habiliter les centres de rétention administrative aptes à recevoir des familles afin que leur vulnérabilité soit mieux protégée.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La liste des centres de rétention administrative est fixée par le pouvoir réglementaire. Il y a onze centres habilités et équipés pour recevoir des familles. Ils sont dûment placés sous le contrôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté qui peut attester, contrôler, donner des conseils, rédiger des rapports, rendre des avis ou émettre des recommandations. Au-delà de ces missions, le pouvoir de décision revient à l'État.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - En effet. Les conditions de vie dans les centres de rétention administrative ne sont pas inhumaines.
Mme Esther Benbassa. - Dans certains, si !
Mme Éliane Assassi. - Oh oui !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Sur les 30 millions d'euros de leur budget, les centres de rétention administrative en consacrent 8 millions à la santé des demandeurs.
L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'avant dernier alinéa du même article L. 551-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée de placement en rétention est mentionnée dans une décision notifiée. » ;
Mme Josiane Costes. - L'article L. 551-1 du Ceseda fixe une durée de 48 heures à la rétention ; or la durée réelle est bien plus longue. Il faut que les personnes visées par le placement en rétention soient avisées a priori de la durée maximale de cette rétention.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. À la décision de placement en rétention s'ajouterait une seconde décision en fixant la durée. Il paraît particulièrement compliqué de déterminer à l'avance combien de temps la personne concernée peut être maintenue en rétention. C'est même impraticable, compte tenu des investigations à mener, dont la durée est difficilement prévisible, et des recours éventuels, eux-mêmes encadrés, de même que les décisions du juge, dans des délais stricts.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable pour des raisons déjà indiquées. Les textes fixent une durée de rétention aussi réduite que possible. N'allons pas plus loin !
M. David Assouline. - Dans des centres que j'ai visités, la durée moyenne de retenue était de 12 à 17 jours et de 45 jours au maximum. Voici que l'on prévoit 90 jours... Pourquoi ? C'est qu'on s'attend à recevoir un afflux important.
Or d'après les spécialistes, on sait dès après 7 jours, dans la grande majorité des cas, si l'étranger peut être renvoyé ou non vers un autre pays. C'est assez incohérent.
Monsieur le Ministre, je n'ai pas parlé particulièrement du budget de santé alloué aux centres de rétention ; j'ai signalé des cas concrets manifestement incompatibles avec des conditions humaines d'accueil dans ces établissements.
L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'avant-dernier alinéa du même article L. 551-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un mineur non accompagné ne peut faire l'objet d'un placement en rétention. » ;
Mme Josiane Costes. - Cet amendement interdit le placement de mineurs non accompagnés dans des centres de rétention administrative. D'après la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, mais aussi la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit être la première considération des États membres. Des garanties spécifiques à cet égard figurent-elles dans le texte ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ? Cette disposition fait déjà partie du droit positif. Nous ne plaçons pas les mineurs non accompagnés en rétention. Ils ne peuvent faire l'objet, ni d'une obligation de quitter le territoire français, ni d'une expulsion.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. Cela figure dans le Ceseda.
L'amendement n°23 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 23, première phrase
Supprimer les mots :
à la détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile et, le cas échéant,
Mme Josiane Costes. - Dans la suite de l'amendement n°5, cet amendement ne permet le placement en rétention qu'une fois les derniers recours épuisés. Les failles de Dublin sont imputables aux stratégies non coopératives des États membres ; les problèmes de fuite sont marginaux. Les États membres potentiellement concernés par le renvoi sont tentés de retarder leur réponse, allongeant ainsi la rétention.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
Mme Esther Benbassa. - Avec quelle facilité, dans un hémicycle quasi-vide, l'on acquiesce à ce texte indigne ! Le centre de rétention administrative de Paris-Vincennes, que j'ai visité, était plein de réfugiés syriens que l'on avait mis là pour vider Calais. M. Cazeneuve l'avait nié à l'occasion d'une question d'actualité au Gouvernement, ce qui m'a valu d'être insultée en public.
L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.
M. David Assouline. - Je suis parlementaire ; je pose des questions. Et rien ne s'ensuit : le ministre ne m'a pas répondu. Alors, je répète, jusqu'à ce que j'obtienne une confirmation, une explication ou une dénégation, que j'ai constaté que des « dublinés » passaient par des centres de rétention, en toute illégalité. Qu'on me réponde ! Même si c'est pour m'accuser de mensonge ! Le fait que j'expose ici, contraire aux lois de la République, est très grave et de notoriété publique. Monsieur le Ministre, je vous repose la question.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE PREMIER BIS
Mme le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Jean-Yves Leconte. - La pseudo-garantie de l'article premier bis est inopérante. Une personne se présente en préfecture pour faire une demande d'asile et on la considère d'emblée comme en délit de fuite ! Avec, potentiellement, une mise en détention ! C'est inacceptable. Cette garantie est factice.
Mme le président. - Amendement identique n°27, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. - Par un effet de manche dont la majorité présidentielle semble avoir une grande maîtrise, le placement en rétention de l'étranger se présentant pour déposer une demande d'asile est interdit, et on lui notifie une information dans sa langue. Cela ne change rien au caractère scandaleux de ce texte. Le président Macron a jugé, en réponse aux critiques, qu'il fallait se garder des « faux bons sentiments ». Nous ne sommes pas dupes. Or il s'agit de droit et d'obligations, d'application du règlement de Dublin III, de conventions internationales ratifiées par la France, de la convention européenne des droits de l'homme, de la Constitution...En outre, pourquoi pas de sentiments ? En la matière, sentiment et raison vont de pair.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Ces deux amendements suppriment des garanties introduites à l'Assemblée nationale, qui figurent aussi dans le Règlement de Dublin. Avis défavorable. Sans être taquin...
Mme Esther Benbassa. - Ce n'est pas le lieu !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - ...le groupe socialiste de l'Assemblée nationale s'est déclaré très satisfait de ces amendements...
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Pour agir avec efficacité et humanité, nous avons introduit ces deux dispositions. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos2 rectifié bis et 27 ne sont pas adoptés.
Mme le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Tout demandeur reçoit au moment de l'enregistrement de sa demande les informations sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. Elles lui sont communiquées en français et traduites dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. » ;
Mme Josiane Costes. - Cet amendement précise et simplifie les dispositions introduites à l'Assemblée nationale, tout en maintenant le principe d'une communication des documents administratifs en français, pour familiariser les personnes demandant l'asile en France avec la langue de la République.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cela figure dans le Règlement de Dublin III, qui précise que les informations doivent être données dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut supposer qu'il la comprend. Votre amendement est satisfait. Retrait ou Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La Commission européenne a rédigé des brochures d'informations traduites, en France, en 27 langues. Avis défavorable.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéa 4
Après les mots :
première demande d'asile en France
insérer les mots :
et jusqu'à la notification d'une éventuelle décision de transfert
Mme Josiane Costes. - Cet amendement a le même objet que les amendements nos5 et 11.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Nous nous en sommes déjà expliqués.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°15 rectifié est retiré.
L'article premier bis est adopté.
ARTICLE 2
Mme le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Jean-Yves Leconte. - Amendement de suppression par coordination avec les suppressions proposées des articles premier et premier bis.
Cet article ressemble en effet au précédent... On écrit les principes, puis on pose des « garanties » factices. On s'interdit de renvoyer une personne vers un État présentant des « défaillances systémiques ». Cela concerne au moins un ou deux pays de première entrée dans la zone Schengen. Par conséquent, on risque de priver de liberté certaines personnes pour rien.
Les articles premier bis et 2 tentent de mitiger les conséquences inacceptables de l'article premier. Cela montre l'absurdité de cette proposition de loi.
Mme le président. - Amendement identique n°28, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. - L'article 2 est inopérant, puisqu'une telle disposition a été appliquée par les cours européennes pour interdire des renvois vers la Grèce en 2012 et 2017, et par la justice française pour annuler des réadmissions vers la Hongrie.
Que l'on ne partage pas mes convictions sur l'accueil des exilés est une chose, mais faites au moins preuve de pragmatisme !
On retient une personne pour la renvoyer en Grèce où elle sera à nouveau détenue, avant, peut-être, un retour en France...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'article 2 apporte des garanties légitimes et réelles. Le supprimer créerait des insécurités juridiques supplémentaires.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - L'article 2 est de coordination avec l'article premier. Avis défavorable.
M. David Assouline. - Monsieur le Rapporteur, vous ne répondez pas à la question de M. Leconte. Si l'on ne peut pas renvoyer une personne, pourquoi a-t-elle été mise en rétention ? Ce n'est pas un délinquant.
Il aurait été préférable d'aborder la question dans le cadre d'une plus grande loi.
Le Gouvernement répète que pour mieux intégrer les uns, il faut se montrer ferme et bien distinguer les formes de migration. Or les réfugiés vont se multiplier, ils fuiront autant les persécutions que la misère ou le réchauffement climatique. Au demeurant, c'est le Sud qui accueille 85 % des migrants. Nous n'en recevons que des bribes.
En mettant en rétention des « dublinés », c'est vous qui introduisez une confusion entre les différents types de migrants.
Les amendements identiques nos3 rectifié bis et 28 ne sont pas adoptés.
Mme le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Alinéas 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
Mme Josiane Costes. - Cet amendement est dans le même esprit que les amendements nos5 rectifié, 11 rectifié et 15 rectifié.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°17 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier.
Après l'alinéa 20
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'existence d'une entrave liée aux conditions de rétention susceptible de constituer une atteinte à l'exercice des recours prévus par les I et II en suspend les délais. » ;
Mme Josiane Costes. - Cet amendement assure, en contrepartie de la réduction du délai de recours de quinze à sept jours, la possibilité de contester ce délai si certaines conditions, notamment celle d'entrer en contact avec un avocat, ne sont pas réunies.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le délai de recours est fixé à 48 heures en cas de rétention. L'entrave à l'exercice du recours n'existe pas en droit. Naturellement, la police aux frontières ne se livre pas à de telles entraves.
Enfin, il est inconcevable de réserver un tel droit aux seuls étrangers sous le statut de Dublin. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable ou retrait. Des possibilités d'accompagnement juridiques existent.
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
M. David Assouline. - Je pose à nouveau ma question. Une absence de réponse serait un acquiescement à mon constat.
Y a-t-il des « dublinés » qui passent par des centres de détention, même pour une courte durée ? J'aimerais être soutenu par mes collègues parlementaires...
Mme Éliane Assassi. - Nous aussi avons posé ces questions.
M. David Assouline. - Je la repose une dernière fois aujourd'hui.
Mme Esther Benbassa. - L'année est longue.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - (Quelques exclamations) M. Warsmann voulait que cette proposition de loi comble un vide juridique issu d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne concernant la Tchéquie.
Voilà huit mois que je suis ministre de l'intérieur, la situation dans les centres n'a pas pu se dégrader brusquement en si peu de temps. Je pense donc que le précédent gouvernement, que vous souteniez avec ardeur, y aurait quelque responsabilité. (Exclamations et sourires sur divers bancs)
M. David Assouline. - Ce n'était pas ma question ! (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains)
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
Mme le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - C'est un amendement de coordination avec la suppression des trois premiers articles. Celui-ci résulte d'une initiative de la commission des lois, de prolonger jusqu'à cinq ans l'assignation à résidence frappant un étranger faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, voire au-delà, sur décision expresse du juge.
Peu importent, donc, les atteintes au droit d'asile : on impose 45 jours de rétention, mais les reconduites à la frontière coûtent très cher et, à la fin, les expulsés reviendront...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'expulsion vise les étrangers condamnés et interdits de territoire. Le Conseil constitutionnel, saisi sur une question préjudicielle, a jugé que l'on ne pouvait pas assigner quelqu'un à résidence ad vitam æternam, car ce serait contraire à la liberté d'aller et venir. C'est pourquoi nous avons proposé un délai de cinq ans.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Il était en effet impératif de combler un possible vide juridique si le projet de loi « Asile et Immigration » n'était pas adopté au 30 juin.
M. David Assouline. - Je n'ai jamais varié dans mon attention aux conditions d'accueil des étrangers.
J'ai constaté ici, en France, et non en Tchéquie, une application anticipée, donc illégale, d'après une haute juridiction française, et non européenne, la Cour de cassation, de cette proposition de loi. Cela m'a été confirmé par le directeur du centre de rétention que j'ai visité. Pouvez-vous faire cesser ces pratiques illégales dans notre pays ?
M. Alain Richard. - Une personne engagée de longue date dans un mouvement terroriste ayant purgé sa peine ne peut être renvoyée vers son pays d'origine. Or elle présente un danger incontestable pour notre sécurité nationale qui justifie pleinement une mesure de contrôle. Je n'ai pas entendu d'arguments convaincants contre cela.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Explications de vote
M. Jean-Yves Leconte . - La situation des centres de rétention administrative a beaucoup changé depuis quelques mois : entre le drame de Marseille, le limogeage du préfet et vos instructions à la police aux frontières, les centres de rétention administrative se trouvent en danger. J'ai vu, dans ces centres, des personnes qui avaient rendez-vous en préfecture pour leur demande d'asile, dans un mois ou un mois et demi...
Il n'est pas raisonnable de voter une loi plaçant en centre de rétention des personnes en situation irrégulière.
Le système de Dublin aboutit à ce qu'on place des personnes en centre de rétention administrative pendant plusieurs années plutôt que de les laisser exercer un droit d'asile.
Des personnes qui « matcheront » avec le système Eurodac ne pourront pas être renvoyées vers la Grèce, vers la Bulgarie. Mais elles ne pourront pas non plus voir leur demande d'asile examinée rapidement.
Il faut distinguer une personne déboutée de sa demande d'asile de celle qui n'a déposé aucune demande d'asile...
Mme le président. - Veuillez conclure !
M. Jean-Yves Leconte. - J'y viens : parce qu'elle ne fait pas cette distinction, cette proposition de loi est une attaque contre un principe constitutionnel qui vaut depuis la IVe République.
Mme Nathalie Goulet . - Cette proposition de loi est une rustine destinée à tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel. Nous aurions besoin d'un vrai texte.
Je demande au ministre d'éviter l'urgence dans le texte Asile et Immigration. Le droit des demandeurs d'asile est devenu plus kafkaïen que le droit fiscal ! C'est dire... Il n'y a pas de « gentils » ni de « méchants » dans l'affaire. Acceptons de nous confronter aux problèmes pour trouver des solutions.
Deuxième remarque, pas de système français efficace sans système européen pertinent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Esther Benbassa . - Sans aucune taquinerie, Monsieur Buffet, les femmes et les hommes passent, les politiques aussi...
MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi. - Là-dessus, nous sommes d'accord !
Mme Esther Benbassa. - ... mais l'Histoire reste, et elle vous jugera sur l'accueil que vous réservez aux réfugiés. Je tiens d'ailleurs à dire que le précédent gouvernement n'a pas été à la hauteur. La Convention de Genève de 1951 est née de la culpabilité liée à la gestion des réfugiés et apatrides de la Seconde Guerre mondiale...
M. Roger Karoutchi. - De la fin de celle-ci !
M. David Assouline . - Cette loi vient à la rescousse d'un vide juridique établi.
Néanmoins, des pratiques jugées illégales par la Cour de cassation persistent dans les centres de rétention administrative. Je n'ai pas été démenti par le ministre.
Le Gouvernement veut distinguer les réfugiés des migrants économiques qu'il veut traiter avec la plus grande sévérité. Nous sommes en pleine hypocrisie. La nature des immigrations n'est pas catalogable. Le tri sera de plus en plus compliqué. La population que j'ai rencontrée en centre de rétention administrative vendredi, c'étaient des jeunes de 20 à 30 ans, en France depuis quinze à dix-sept ans, arrivés parfois en France à l'âge de 2 ans, qui seront sans doute relâchés. C'est une population qui travaille, vit, fait famille en France. Vous n'avez pas de solution pour eux.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - J'ai écouté les interventions avec attention. La France respecte le droit d'asile.
Mme Éliane Assassi. - Ce n'est pas vrai !
M. Philippe Bas, président de la commission. - La Constitution affirme l'exigence de l'asile pour les persécutés politiques. Or, dans notre débat, j'ai le sentiment que l'on compte pour rien que 70 % des demandeurs d'asile sont déboutés. Il y a le droit d'asile, et l'abus de droit d'asile : il ne faut pas que l'abus disqualifie le droit. Attention, le droit d'asile n'est pas reconnu aux personnes qui entreprennent des migrations pour des raisons climatiques. Le discours politique prônant une extension permanente du droit, dénaturant l'asile, est éminemment suspect. L'esprit de responsabilité doit nous animer. Nous n'avons pas à ouvrir les portes de la France à tous les demandeurs d'asile...
Mme Éliane Assassi. - L'Allemagne l'a fait !
M. Jean-Yves Leconte. - Et que faites-vous des demandeurs ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - ...sous prétexte que le système que nous leur offrons est meilleur qu'ailleurs, s'ils sont arrivés en Grèce ou en Italie (Exclamations à gauche).
M. Jean-Yves Leconte. - Alors l'Italie et la Grèce devraient accueillir seules tous les demandeurs d'asile ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - Vous critiquez notre droit d'asile, mais vous demandez en fait que tous les demandeurs d'asile du continent européen en bénéficient : il y a là une contradiction fondamentale que vous n'avez pas résolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)
La proposition de loi est adoptée.
Communications
Commission (Nomination)
Mme le président. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.
Physicien médical et qualifications professionnelles (Nouvelle lecture)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n°2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Cette ordonnance transpose en droit interne trois dispositions mises en place par la directive européenne du 20 novembre 2013 : la carte professionnelle européenne, le mécanisme d'alerte et l'accès partiel. Elle introduit une procédure qui sécurise la reconnaissance des qualifications de certains métiers de santé. J'ai pu mesurer les inquiétudes que suscitent les dispositions sur l'accès partiel. J'ai réaffirmé mon souci de préserver la qualité des soins apportés. L'échec de la CMP montre combien le sujet reste sensible.
La directive aurait dû être transposée au 18 janvier 2016. La France a, depuis, été exposée à deux avis de la Commission européenne pour défaut de transposition.
Le 17 septembre dernier, le collège de la Commission européenne a décidé d'une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours contre la France, la Belgique et l'Allemagne, pour défaut de transposition.
Le décret et les sept arrêtés publiés depuis pourraient nous éviter le paiement de l'astreinte qui s'élève à 50 000 euros par jour. Je resterai vigilante sur ce déploiement de l'accès partiel sur notre territoire, afin que la qualité et la sécurité des prises en charge soient maintenues.
Les conditions d'examen des dossiers seront suivies rigoureusement. Trois conditions sont posées : le professionnel doit être pleinement qualifié dans son pays d'origine ; les différences entre l'activité professionnelle initiale et celle exercée en France ne doivent pas être telles que le professionnel doive suivre un cycle complet de formation ; l'activité sollicitée en accès partiel doit pouvoir être séparée d'autres activités relevant de la profession.
Les dossiers seront examinés par chaque commission compétente, ainsi que par l'ordre quand la profession en dispose. Nous avons exigé deux avis pour renforcer ce contrôle.
Je serai attentive à ce que la rédaction du décret soit suffisamment précise pour guider l'examen des dossiers au cas par cas. Elle dispose que les autorisations d'exercice porteront sur des points précis : description de l'intégration des actes dans le processus des soins, lisibilité des actes. Ce décret garantit la qualité des soins comme l'information des usagers.
J'ai sollicité la Commission européenne pour obtenir une cartographie des professions médicales dans l'Union. Elle permettra de délimiter les périmètres d'activités professionnelles susceptibles de solliciter un accès partiel.
Je ne suis donc pas favorable aux suppressions des références à l'accès partiel que votre commission a proposées.
Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Sur les trois projets de transposition en matière de santé que nous avons examinés le 11 octobre, un texte reste en discussion après l'échec de la CMP. Notre désaccord avec l'Assemblée nationale porte sur le rétablissement de la procédure d'accès partiel.
Cette procédure n'a pas été suffisamment préparée : nous n'avons reçu aucune information sur le nombre de professionnels concernés, ni sur la nature des professions qui pourront y prétendre. On avance à l'aveugle.
Sans faire de procès d'intention aux professionnels des autres pays, nous nous interrogeons sur la compatibilité de notre système de santé avec certaines professions exercées dans d'autres pays. On risque une désorganisation en profondeur de notre système de santé.
Plusieurs difficultés pratiques subsistent : surcoût pour la sécurité sociale puisque les patients consulteront deux professionnels au lieu d'un s'ils n'ont pas confiance, risque d'effet d'aubaine pour les formateurs étrangers, sécurité garantie aux patients.
Ce sont les publics les plus fragiles qui seront touchés en premier. Les inégalités territoriales seront renforcées, car les collectivités territoriales frappées par la désertification médicale auront nécessairement davantage recours à cet accès partiel, au risque de creuser les écarts.
Le décret du 2 novembre ne nous a pas rassurés sur les compétences d'encadrement dévolues aux ordres. Il est intervenu avant même la fin de nos travaux parlementaires : nous aurions aimé plus de respect pour les travaux parlementaires.
Le Sénat ne saurait être taxé d'irresponsabilité face aux obligations européennes de la France. Il ne fait pas pour autant passer le droit avant la santé des patients. Il aurait fallu explorer la possibilité d'une transposition alternative plus respectueuse de la nature de notre système de santé.
La commission des affaires sociales ne peut accepter que l'accès partiel fragilise la qualité des soins et l'information des patients.
Mme Véronique Guillotin . - L'échec de la CMP le 5 décembre dernier nous oblige à réexaminer ce texte. L'article premier a été adopté conforme par les deux assemblées : nous nous en félicitons. L'article 2, où se trouvent les dispositions sur l'accès partiel, concentre tous les débats. Les infirmiers et les kinésithérapeutes s'inquiètent de la confusion risquant de s'installer dans l'esprit du public qui aboutira à une moindre reconnaissance de leurs compétences.
Impréparation, manque de concertation avec les organisations professionnelles, nous ne pouvons que le déplorer.
Les déserts médicaux inquiètent tous les élus. Élue d'un territoire sous-doté, je salue toute mesure renforçant l'attractivité territoriale. Il ne faudrait pas pour autant créer un système à deux vitesses renforçant les inégalités territoriales.
La commission des affaires sociales ne juge pas suffisants les trois critères qui encadrent l'exercice partiel. Nous nous interrogeons sur le champ de compétences concerné.
C'est l'avenir de notre système de santé qui est en jeu ainsi que le dialogue avec les organisations professionnelles.
Le décret sur l'accès partiel a été publié le 2 novembre 2017, alors que la CMP n'avait pas encore été réunie. Nous aurions apprécié plus de respect des débats parlementaires.
La directive aurait dû être transposée il y a plus de deux ans. Pour autant, nous ne sommes pas prêts à nous montrer moins exigeants sur la qualité et la sécurité des soins. Le groupe RDSE souhaite une Europe qui tire vers le haut, qui harmonise et qui protège, suivant les mots du président de la République, y compris dans le domaine de la santé.
Madame la Ministre, je salue l'écoute dont vous avez su faire preuve. Pour défendre l'équité sociale et l'équité territoriale, le groupe RDSE votera le texte de la commission des affaires sociales.
M. Martin Lévrier . - Sur les trois projets de loi de ratification, un seul point de désaccord demeure à l'issue de la CMP. Vos dispositions sur la reconnaissance du métier de physicien médical ont été adoptées conformes par les deux chambres. L'accès partiel aux professionnels de santé continue de diviser.
Des garanties existent pour contenir ces risques : le professionnel doit être qualifié pour exercer dans son État d'origine ; si les distorsions entre l'activité dans le pays d'origine et celle en France sont trop importantes, des formations s'imposeront ; l'activité en exercice partiel sera séparée des autres activités exercées en France. Si l'une de ces conditions n'est pas respectée, aucune autorisation ne sera délivrée.
La commission des affaires sociales a écarté les dispositions sur l'accès partiel. Le groupe LaREM s'abstiendra, car le risque d'exposer la France à une procédure pour défaut de transposition devant la Cour de justice de l'Union européenne est élevé.
Mme Laurence Cohen . - Nous saluons la reconnaissance des physiciens médicaux comme professionnels de santé : c'est une avancée. L'introduction de l'accès partiel aux professions de santé permettrait à des professionnels issus d'autres pays européens d'exercer en France sans disposer d'un diplôme national. Les syndicats s'y étaient opposés.
Depuis le vote en première lecture, le décret qui détaille l'exercice en accès partiel a été publié. Un tel exercice risque de créer un système à deux vitesses et de détériorer la qualité des soins puisque les exigences sont abaissées pour certaines professions de santé. Le groupe CRCE est satisfait du travail accompli par la commission des affaires sociales, qui supprime l'accès partiel : nous voterons le texte de la commission.
Madame la Ministre, prenez en compte le travail constructif du Sénat. C'est essentiel. Nous avons oeuvré ensemble pour améliorer le plus possible notre système de santé. Sans mettre en doute votre bonne foi, je ne cautionne pas cette fuite en avant qui vous fait prendre des décisions en négligeant les avertissements que nous donnons pour relayer les inquiétudes des professionnels de santé.
Mme Jocelyne Guidez . - Beaucoup d'arguments ont déjà été développés. Un seul projet de loi reste en discussion. Force est de regretter que l'Assemblée nationale et le Sénat ne trouveront pas d'accord. Une nouvelle lecture est-elle vraiment nécessaire ?
Le groupe UC défendra la même position que la rapporteure de la commission des affaires sociales. Nous sommes défavorables à la mise en place de l'accès partiel aux professionnels de santé. Les États membres de l'Union européenne ont oeuvré à l'uniformisation des diplômes et conditions requises pour l'accès aux professions de médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers de soins généraux : ces professionnels peuvent s'installer dans toute l'Union et cela garantit aux patients d'être pris en charge dans des conditions de sécurité satisfaisantes.
Notre système de santé est solide. Les professionnels veillent à en assurer la cohérence autour d'un parcours de soins. L'arrivée de professionnels étrangers risquerait de briser cet équilibre aux dépens des patients.
Mieux vaudrait poursuivre la voie de l'uniformisation pour élever le niveau des professionnels de santé au sein de l'Union européenne.
Quant à l'accès aux soins, attendons les résultats du groupe de travail auquel participe Élisabeth Doineau.
La France est avec l'Allemagne en position de rouvrir le débat sur la cohérence de notre système de santé.
Nous voterons le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales.
M. Yves Daudigny . - La reconnaissance de la profession de physicien médical a été unanimement saluée. La carte professionnelle européenne facilitera la reconnaissance des qualités professionnelles dans un autre pays européen. Le mécanisme d'alerte facilitera le signalement des professionnels qui n'auraient pas le droit d'exercer dans leur pays d'origine. Ces mesures vont dans le bon sens.
Accorder l'accès partiel aux professions médicales ou paramédicales autoriserait un professionnel étranger à exercer dans un autre pays que le sien.
La cartographie que vous avez demandée est une garantie notable. Je rappelle que la mise en place du dispositif ne concernerait pas les médecins, sages-femmes, pharmaciens ni dentistes qui ont des prérequis : elle ne déstabiliserait donc pas notre système de santé.
La France risque une procédure en défaut de transposition. La finalité de la construction européenne est de permettre la libre-circulation des hommes. L'exercice partiel se ferait bien entendu sous réserve d'un contrôle des compétences et qualifications.
On craint que la délimitation entre ces pratiques soit difficile à analyser. Or, l'un des critères d'application est précisément que les activités soient séparables.
Ces ordonnances peu contraignantes ne doivent pas susciter d'inquiétude d'autant que la directive laisse un large choix d'appréciation à chaque pays. Pourquoi encourir le risque d'une procédure de justice européenne ? Nous ne voterons pas ce texte de la commission des affaires sociales.
M. Joël Guerriau . - L'échec de la CMP a conduit la France à un défaut de transposition d'une directive européenne. La Commission européenne a saisi le 7 décembre 2017 la CJUE d'un recours contre la France, demandant une astreinte de 53 287 euros par jour.
Le groupe Les Indépendants s'interroge sur un dispositif fort complexe et sur ses conséquences. Nos collègues de la commission des affaires sociales ont proposé la suppression sèche du dispositif d'accès partiel qui manque de préparation. Les professionnels de santé étrangers bénéficient déjà d'une reconnaissance de leurs titres. Ce dispositif destiné aux praticiens sans équivalence dans leur pays d'accueil s'inscrira dans une étude au cas par cas. Nous ne pouvons pas nous résoudre à transposer une directive pour des raisons uniquement juridiques : la qualité des soins et de notre système de santé doivent passer en premier ! Aussi, soutiendrons-nous l'avis de la rapporteure. L'Allemagne offre un exemple à suivre qui exclut de l'accès partiel les médecins, les infirmiers responsables de soins généraux, les praticiens de l'art dentaire, les sages-femmes et les pharmaciens. Berlin s'expose à un recours pour discrimination, mais cette position est une réponse intermédiaire et temporaire pour ne pas adopter un dispositif d'accès partiel qui n'a pas été suffisamment concerté avec les professionnels.
Sachons trouver le compromis entre l'écoute des professionnels de santé et le respect de nos obligations européennes ! (M. Michel Canevet applaudit.)
Mme Catherine Deroche . - La reconnaissance des physiciens médicaux comme professionnels de santé est une bonne chose.
L'article 2 relatif à l'accès partiel des professionnels de santé européens aux professions médicales et paramédicales ne nous satisfait pas. De nombreuses questions restent en suspens : combien de professionnels seront concernés ? Dans quels domaines ? On risque d'aller vers la banalisation des soins low cost. Les infirmiers français sont tenus de détenir les compétences inscrites au diplôme, ils peuvent être contrôlés à ce titre. Pourquoi des titulaires étrangers échapperaient-ils à ce contrôle ?
L'accès partiel va à l'encontre du développement de la qualification du personnel médical et paramédical. Pas moins de quatorze pays européens n'ont pas transposé cette directive. Faire vivre le projet européen sur un mode contraint ne peut que faire le jeu des anti-européens. Nos concitoyens auront encore le sentiment de subir l'Europe. Nous voterons le texte de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Michel Canevet applaudit également.)
La discussion générale est close.
L'article 2 est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, mardi 30 janvier 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à 17 h 25.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mardi 30 janvier 2018
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux (n° 717, 2016-2017).
Rapport de M. Didier Mandelli, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 243, 2017-2018).
Texte de la commission (n° 244, 2017-2018).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°56 sur l'amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain et sur l'amendement n°26, présenté par Mme Esther Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, tendant à supprimer l'article premier de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant une bonne application du régime d'asile européen.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :334
Suffrages exprimés :314
Pour :93
Contre :221
Le Sénat n'a pas adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (146)
Contre : 145
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (78)
Pour : 78
Groupe UC (50)
Contre : 49
Abstention : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe LaREM (21)
Contre : 21
Groupe RDSE (21)
Contre : 2 - Mme Véronique Guillotin, M. Franck Menonville
Abstentions : 19
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
N'ont pas pris part au vote : 11 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Nomination à la commission des affaires européennes
Mme Claudine Kauffmann est membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de Mme Christine Herzog.